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Aurélie Filippetti
Question N° 76378 au Ministère de l'éducation nationale


Question soumise le 24 mars 2015

Mme Aurélie Filippetti attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'obligation des cours de religion en Alsace-Moselle dans les écoles publiques. Le code de l'éducation qualifie toujours d'obligation, dans trois départements (Haut-Rhin, Bas-Rhin et Moselle), l'enseignement religieux à l'école publique. Officiellement, il impose à tout élève réfractaire à cet enseignement de présenter une demande de dispense (laquelle n'est jamais rejetée) au chef d'établissement. Or une telle obligation va à l'encontre du principe de laïcité auquel nous sommes attachés. Cette obligation semble désormais si hors de propos que, la plupart du temps, les élèves n'ont même plus besoin de faire cette demande de dispense pour ne pas participer à ces cours. Cependant, et c'est bien là que réside le paradoxe de la situation, en négligeant cette démarche, les parents, les élèves, les principaux et les proviseurs qui les accueillent, sont dans l'illégalité juridique. Aussi, elle souhaiterait connaître les mesures qu'il pourrait prendre pour que les principes d'universalité républicaine et de laïcité démocratique à l'école soient respectés sur l'ensemble de notre territoire.

Réponse émise le 29 décembre 2015

L’enseignement dans les deux départements qui forment la région Alsace et dans le département de la Moselle est régi par des dispositions particulières constituant la base d’un droit local, dont l’existence a été qualifiée de principe fondamental reconnu par les lois de la République par le Conseil constitutionnel (CC, 5 août 2011, Société Somodia, no 2011-157 QPC). Dans sa décision 2012-297 QPC du 21 février 2013, le Conseil constitutionnel a considéré qu’en proclamant que la France est une République laïque, la Constitution n’a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou réglementaires applicables en Alsace-Moselle relatives à l’organisation de certains cultes. Parmi ces règles particulières figure l’obligation d’assurer un enseignement religieux dans tous les établissements scolaires publics de ces départements, qui constitue une règle de valeur législative s’imposant au pouvoir réglementaire (Conseil d’Etat, 6 avril 2001, Syndicat national des enseignements du second degré (SNES), no 219379 ; 221699 ; 221700). Comme l’a rappelé le Conseil d’Etat, la seule obligation pesant sur les pouvoirs publics est d’organiser un enseignement de la religion pour chacun des quatre cultes reconnus en Alsace-Moselle, et non celle, pour les élèves, de suivre cet enseignement. A cet égard, il convient de souligner que les élèves ont la faculté d’en être dispensés, sur simple déclaration de leur part ou de leurs représentants légaux. De façon générale, l’administration prend acte de la déclaration de dispense, sans pouvoir ni s’y opposer ni demander à l’élève ou à ses parents les raisons de leur choix. Dans ce cadre, le Conseil d’Etat a considéré que l’enseignement religieux obligatoire en Alsace-Moselle n’était pas contraire aux stipulations de l’article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant à toute personne le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (CE, 6 avril 2001, précité). Les modalités de dispense sont précisées, pour l’enseignement élémentaire, par l’article D. 481-6 du code de l’éducation, et pour l’enseignement secondaire, par voie de circulaire. Dans les faits, les élèves sont invités à formuler en début d’année scolaire, dans un document unique remis à cet effet, leur choix de suivre l’enseignement religieux dans l’un des quatre cultes statutaires ou d’en être dispensé. Ni les élèves et leurs familles, ni les enseignants et chefs d’établissement ne se trouvent ainsi en situation d’illégalité. Le Gouvernement n’envisage pas la remise en cause de l’enseignement religieux en Alsace-Moselle, qui fait partie intégrante du droit local et auquel une large majorité des alsaciens-mosellans est attachée. Toutefois, c’est avec attention que la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a pris connaissance de l’avis sur le régime local des cultes en Alsace-Moselle adopté par l’Observatoire de laïcité le 12 mai 2015, qui préconise notamment d’inverser les modalités de choix de l’enseignement religieux. Alors qu’aujourd’hui les élèves ou leurs représentants légaux qui ne veulent pas suivre l’enseignement religieux doivent en être expressément dispensés, l’Observatoire de la laïcité recommande que désormais l’élève ou son représentant légal, en début d’année scolaire, exprime le choix de suivre l’enseignement religieux pour l’année sans avoir à solliciter formellement une dispense.

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