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Richard Ferrand
Question N° 93657 au Secrétariat d'état au commerce extérieur


Question soumise le 1er mars 2016

M. Richard Ferrand attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger sur le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États dans le traité de libre-échange transatlantique. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont adopté plusieurs résolutions qui pointent les risques inhérents aux négociations commerciales en cours, notamment le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement et l'accord entre l'UE et le Canada (AECG). Pour prévenir les risques d' « atteinte aux droits fondamentaux des citoyens européens » et « à la capacité de l'Union européenne et des États membres à légiférer, particulièrement dans les domaines sociaux, sanitaires et environnementaux », beaucoup de parties prenantes demandent à ce que soit exclu de ces négociations le recours à un mécanisme spécifique de règlement des différends entre les investisseurs et les États. Face à ces résolutions et en réponse aux préoccupations exprimées par les citoyens, le Gouvernement français a proposé une réforme de ce mécanisme à la Commission européenne. La Commission a fait sienne une partie de ces propositions et entend proposer aux États-Unis une réforme du mécanisme : le système juridictionnel de règlement des conflits liés à l'investissement. Cette proposition semble aller à l'encontre de la demande de l'Assemblée nationale et du Sénat d'exclure ce type de mécanisme des négociations transatlantiques en cours. Par ailleurs, beaucoup pensent que cette réforme ne serait pas à la hauteur pour résoudre les failles observées dans le mécanisme d'origine. Le dispositif reste un mécanisme parallèle aux systèmes judiciaires de l'Union européenne et des États membres. Il continuerait d'offrir aux investisseurs étrangers le double privilège de choix de la juridiction et du droit applicable le plus favorable à leurs intérêts. La capacité de réguler des États n'est toujours pas garantie efficacement et les conflits d'intérêt des arbitres ne sont pas résolus. La question même de la compatibilité d'un mécanisme d'arbitrage avec le droit européen n'a pas été traitée suffisamment. La proposition de la Commission européenne n'a pas été formellement soumise à l'avis du Parlement européen, avant sa soumission aux États-Unis et aux autres pays, et son inclusion dans l'accord avec le Vietnam. Elle n'a pas non plus été débattue au Sénat et à l'Assemblée nationale. Faute de répondre aux préoccupations de fond exprimées par les parlementaires et à la demande d'exclusion du mécanisme, cette réforme n'est pas acceptable. Aussi, il lui demande si le Gouvernement entend à nouveau faire valoir la recommandation des parlementaires français des deux chambres d'exclure tout mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États des négociations en cours entre l'Union européenne et les États-Unis.

Réponse émise le 5 juillet 2016

Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats sous la forme de tribunaux d'arbitrage privés tel qu'il est prévu dans une série d'accords de commerce et/ou de protection des investissements était susceptible obstacle au droit de la puissance publique à réglementer pour protéger la santé, la sécurité, les consommateurs, les travailleurs, l'environnement et la diversité culturelle. C'est pourquoi la France a refusé que ce type de mécanisme soit inclus dans le Partenariat commercial transatlantique. Il était indispensable d'inventer un mécanisme neuf qui garantisse à la puissance publique la capacité de conduire des politiques publiques légitimes. La France a ainsi engagé une démarche commune sur ce sujet avec plusieurs pays européens, dont l'Allemagne, afin de faire des propositions concrètes pour un nouveau dispositif conforme aux exigences démocratiques. La Commission européenne a présenté en septembre 2015 une nouvelle proposition de mécanisme de protection des investissements pour le Partenariat commercial transatlantique, qui reprend la plupart des propositions françaises. Cette proposition a été acceptée dans une très large mesure par le nouveau gouvernement canadien de Justin Trudeau dans le cadre de l'AECG/CETA (accord de libre-échange UE-Canada), sans contrepartie. L'AECG/CETA prévoit notamment l'établissement d'une cour bilatérale publique des investissements, composée de juges indépendants hautement qualifiés. Pour éviter les conflits d'intérêt, ces juges auront l'interdiction d'exercer en parallèle des fonctions de conseil dans d'autres procédures de règlement des conflits investisseurs-Etats. Cette cour publique sera par ailleurs dotée d'un mécanisme d'appel et d'annulation des décisions de première instance, à l'instar des procédures d'appel devant les cours nationales. Enfin, l'accord garantit le droit à réguler des Etats. Il contient une clause qui stipule que les dispositions relatives à la protection des investisseurs ne pourront empêcher l'adoption de mesures destinées à protéger l'environnement, la santé publique, les normes sociales, les consommateurs ou encore la diversité culturelle, et que les investisseurs ne pourront se prévaloir de ces dispositions au seul motif que la législation a évolué. A terme, l'ambition française et européenne est de créer une justice internationale des investissements : la Cour est un premier pas effectif et concret vers cette refondation nécessaire. Le Canada et l'Union européenne se sont engagés formellement dans l'AECG/CETA en faveur d'une cour multilatérale.  Cette proposition ambitieuse, qui vise à protéger efficacement et complétement le droit à réguler de la puissance publique, sera soumise, comme l'ensemble de l'AECG/CETA, à l'approbation du Parlement européen, et la ratification de l'accord devra être autorisée par les parlements des 28 Etats membres.

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