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Jean-Luc Laurent
Question N° 93764 au Secrétariat d'état au commerce extérieur


Question soumise le 8 mars 2016

M. Jean-Luc Laurent interroge M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger sur les négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en vue d'une reconnaissance du statut d'économie de marché à la Chine. Selon l'article 15 du protocole d'accession de la Chine à l'OMC, les États membres sont libres de mener des enquêtes afin de déterminer si le prix des produits importés est fixé librement par le marché ou bien résulte d'une politique de dumping de la part de l'État chinois et, le cas échéant, de mettre en œuvre une politique anti-dumping via le relèvement des droits de douane applicables aux produits en provenance de Chine. Il est néanmoins indiqué à la clause (d) du même article 15 que les dispositions de cet article seront considérées comme caduques 15 ans après l'accession de la Chine à l'OMC. La clause (d) indique également que les dispositions du même article 15 ne pourront plus s'appliquer s'il est constaté que les prix des produits importés de Chine sont fixés par le marché. La Chine a d'ores et déjà annoncé qu'en vertu du (d) de l'article 15 du protocole, le statut d'économie de marché (SEM) lui revenait de droit à l'expiration du délai de 15 ans, soit à la fin de l'année 2016. Néanmoins comme l'ont souligné de nombreux économistes, avocats, chefs d'entreprises, leaders syndicaux et responsables politiques, la Chine est aujourd'hui loin de remplir les conditions lui permettant de prétendre au statut de SEM. Le Parlement européen a débattu de cette question le 14 janvier 2016, laissant entrevoir une certaine hostilité des députés ainsi que de la commissaire européenne en charge du commerce, Mme Cecilia Malmström. L'Union européenne devra définir une position commune à ce sujet d'ici le mois de février, qu'elle pourra faire valoir auprès de l'OMC. Un conflit d'intérêts semble néanmoins émerger, la Chine ayant annoncé son intention d'investir entre 5 et 10 milliards d'euros dans le plan Juncker, ce qui en ferait le plus important contributeur étranger. Un refus de reconnaître le statut de SEM à la Chine pourrait engendrer des représailles et avoir des conséquences importantes sur le financement du plan Juncker. Il convient de rappeler que selon l'étude de l'Economic Policy Institute, think-tank indépendant d'origine américaine, la reconnaissance du statut de SEM à la Chine aurait d'importantes répercussions économiques : une réduction d'1 % à 2 % du PIB européen (entre 71,3 et 142,5 milliards d'euros) entraînant une destruction massive d'emplois dans le secteur industriel, entre 1,745 et 3,490 millions sur cinq ans. Il souhaite savoir quelle est la position du Gouvernent sur ce sujet et quelle stratégie le Gouvernement compte-t-il mettre en place afin de faire porter sa voix vis-à-vis de ses partenaires européens.

Réponse émise le 25 octobre 2016

La question de l'octroi potentiel du statut d'économie de marché (SEM) à la Chine, qui concerne le calcul des droits antidumping appliqués aux produits chinois à l'entrée sur le territoire européen, est suivie avec la plus grande attention par l'Union européenne et par la France. Le Protocole d'accession de la Chine à l'OMC, datant de 2001 prévoit la possibilité de traiter ce pays comme une économie en transition pendant 15 ans, soit jusqu'en décembre 2016. Pékin en déduit que, à cette date, la Chine devrait nécessairement n'être plus traitée comme une économie en transition, ce qui emporterait un octroi automatique du SEM. Cette automaticité fait débat : le protocole ne fait nulle part mention d'un octroi automatique, mais simplement de la possibilité de ne pas traiter la Chine comme une économie de marché avant 2016. Aucune interprétation du protocole ne s'est définitivement imposée à ce stade. Néanmoins, d'un point de vue technique, l'octroi du SEM à un pays repose normalement, si l'on met de côté la question de l'interprétation du Protocole, sur le respect de cinq critères techniques relatifs au développement économique et à l'absence de distorsion due à l'intervention de l'Etat. Pékin ne remplit pas à ce stade l'intégralité de ces critères. Sur le plan économique, la question du SEM est sensible, et affecterait fortement les activités et les emplois industriels à travers toute l'Europe. Il est ainsi essentiel de continuer à protéger nos industries françaises et européennes contre les pratiques de concurrence déloyale instaurée par les pays partenaires. Les Etats européens font face à des distorsions de concurrence importantes dans certains secteurs, notamment dans la sidérurgie avec des pratiques de subventionnement constantes et des surcapacités chinoises. A l'issue du débat d'orientation du collège des commissaires le 5 juillet 2016, la Commission a annoncé qu'elle présenterait à l'automne une proposition de réforme du règlement anti-dumping européen. Les commissaires ont estimé que l'Union européenne doit adapter le cadre de ses instruments de défense commerciale, afin qu'il reste conforme au droit de l'OMC au-delà du 11 décembre 2016. Dans ce processus, la France veille au maintien et à la modernisation d'instruments de défense commerciale qui soient rapidement mobilisables et efficaces, afin de lutter contre les situations de concurrence déloyale subies par les entreprises et opérateurs français et favoriser la réciprocité dans les échanges commerciaux. La réciprocité doit être la pierre angulaire de la politique commerciale européenne. L'Union européenne est une puissance commerciale ouverte sur le monde qui promeut la réciprocité dans les échanges et des règles du jeu et des conditions de concurrence équitables, notamment dans son commerce bilatéral vis-à-vis de la Chine. Il ne s'agit pas d'accorder ou de refuser le statut d'économie de marché à la Chine. La question posée est celle du mode de calcul de nos droits antidumping. En se dotant d'une nouvelle méthode de calcul, économiquement pertinente et solide juridiquement, l'Union européenne se mettrait en conformité avec les règles de l'OMC mais tiendrait aussi compte du fait que la Chine ne remplit pas encore les critères d'une économie de marché. La France attend la proposition législative de la Commission. Elle l'analysera très attentivement, à l'aune des garanties concrètes qui lui seront apportées.

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