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Sergio Coronado
Question N° 95471 au Ministère de la justice


Question soumise le 3 mai 2016

M. Sergio Coronado attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés encore rencontrées par les couples bi-nationaux de même sexe dont l'un des membres est bosniaque, kosovare, monténégrin-e, polonais-e, serbe ou slovène malgré la jurisprudence récente. Ces difficultés proviennent de la circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe, encore appliquée malgré sa caducité, qui liste des pays avec lesquels la France a conclu des conventions bilatérales imposant à leurs ressortissants l'application de leur loi nationale aux conditions de fond du mariage. En effet, la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 janvier 2015, a clairement indiqué qu'est « manifestement incompatible avec l'ordre public » une loi (en l'occurrence la loi marocaine compétente) « qui s'oppose au mariage de personnes de même sexe dès lors que, pour au moins l'une d'elles, soit la loi personnelle, soit la loi de l'État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ». Il faut rappeler en soutien à cet arrêt que l'exception d'ordre public est implicitement contenue dans toutes les conventions bilatérales. Or le silence gardé par le ministre de la justice à la suite de cette décision de la haute autorité judiciaire laisse la possibilité pour les officiers d'état civil de s'en remettre à la circulaire précitée pour s'opposer à l'examen de ces dossiers de mariage. En somme, il serait utile que l'abandon des restrictions obsolètes de la circulaire du 29 mai 2013 soit adressé aux procureurs et aux officiers d'état civil exerçant tant dans les mairies mais également aux postes consulaires. Il lui demande s'il peut confirmer les droits des personnes de même sexe, ressortissantes de pays avec lesquels la France a conclu une convention bilatérale sur le sujet, et notamment leur droit à se marier en France si la loi personnelle de l'un au moins des membres du couple ou la loi de son État de résidence le permet.

Réponse émise le 15 novembre 2016

Dans le souci de permettre l'application la plus large de la loi no 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, et notamment de rendre possible la célébration en France d'un mariage entre un Français et un ressortissant étranger dont la loi personnelle n'autorise pas le mariage entre personnes de même sexe, une règle de conflit de lois permettant d'écarter la loi personnelle de l'un des futurs époux n'autorisant pas l'union entre personnes de même sexe a été introduite dans le code civil. Ainsi, le deuxième alinéa de l'article 202-1 du code civil autorise deux personnes de même sexe à contracter mariage « lorsque, pour au moins l'une d'elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l'Etat sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet. » L'application de ces dispositions est toutefois apparue délicate dans le cas où la France est liée à un Etat étranger par une convention bilatérale dont les dispositions renvoient, en matière de mariage, à la loi personnelle de l'époux pour apprécier les conditions de fond requises pour contracter mariage,  lorsque cette loi est susceptible d'interdire le mariage entre personnes de même sexe. En l'absence de décision judiciaire tranchant cette question au moment où les premières difficultés ont été rapportées, la Chancellerie a, en concertation avec le ministère des affaires étrangères,  opéré, dans une dépêche du 1er août 2013, diffusée aux procureurs généraux, une distinction entre les conventions qui renvoient expressément à la loi nationale de chacun des époux et celles qui ne visent que la situation des ressortissants français. Il y était ainsi rappelé qu'une interprétation plus souple pouvait être envisagée pour les secondes qui ne renvoient pas expressément à la loi personnelle du ressortissant étranger. Cette analyse plus favorable a permis ainsi dans un premier temps de limiter le nombre de conventions pouvant poser une difficulté, seules les conventions liant la France avec la Pologne, le Maroc, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, le Kosovo et la Slovénie entrant dans la première catégorie. La situation juridique de ces personnes a été par la suite clarifiée par l'arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 2015 qui a donné la plus large portée à la loi du 17 mai 2013, en écartant la loi désignée comme applicable par la convention franco-marocaine, par application de l'article 4 de cette même convention qui précise que la loi de l'un des deux Etats désignés par la convention peut être écartée par les juridictions de l'autre Etat, si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public. Désormais, les mariages concernés par la situation visée au deuxième alinéa de l'article 202-1 du code civil doivent donc pouvoir être célébrés, sans que le motif de la contrariété de la loi personnelle d'un des membres du couple puisse être invoqué pour s'y opposer. Afin de faciliter l'homogénéité de la jurisprudence, une dépêche du garde des sceaux a été diffusée aux parquets généraux le 5 août 2016, invitant les parquets à ne plus s'opposer à ce type de mariage dès lors que les conditions du deuxième alinéa de l'article 202-1 du code civil, dont le caractère d'ordre public est désormais affirmé, sont réunies, y compris lorsque l'un des époux est originaire de l'un des pays avec lesquels la France a passé des conventions bilatérales (Algérie, Cambodge, Kosovo, Laos, Macédoine, Maroc, Monténégro, Pologne, Serbie, Slovénie, Tunisie).

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