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Serge Grouard
Question N° 96960 au Ministère de la défense


Question soumise le 28 juin 2016

M. Serge Grouard attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'absence de statut des blessés. Contrairement aux autres régimes de protection sociale, celui prévu par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre n'intègre pas la notion de « maladies professionnelles ». Les militaires sont donc soumis à l'imputabilité par preuve. Aujourd'hui seules les blessures physiques semblent réellement prises en compte mais qu'en est-il du syndrome de stress post-traumatique (PTSD) ? Aussi il lui demande ce qui peut être fait afin d'établir un statut des blessés qui prendrait notamment cet aspect en compte.

Réponse émise le 25 octobre 2016

Dans le cadre de leurs missions à l'étranger, mais aussi sur le territoire national, les militaires français font régulièrement face à des situations de stress opérationnel qui peuvent avoir un fort retentissement traumatique sur le plan psychique. Ces situations sont susceptibles d'occasionner des blessures spécifiques dont le risque évolutif majeur est la survenue de troubles psychiques post-traumatiques, pouvant évoluer, dans certains cas, vers un état de stress post-traumatique avéré (post traumatic stress disorder disease ou PTSD en anglais). S'agissant du processus d'indemnisation, en cas d'infirmité contractée pendant leur activité, les militaires et anciens militaires bénéficient des dispositions des articles L. 4 et L. 5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), dès lors que l'infirmité entraîne une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Le taux minimum indemnisable est fixé à 10 % pour une infirmité résultant de blessure et pour une maladie contractée en temps de guerre ou en opération extérieure (OPEX), alors qu'il doit être de 30 % pour une maladie survenue en temps de paix. En application de l'article L. 2 du CPMIVG, une infirmité ne peut être reconnue imputable au service que s'il est prouvé une relation directe et certaine entre son origine et un fait précis de service. Par ailleurs, l'article L. 3 du même code prévoit que le droit à pension peut être ouvert également par présomption d'imputabilité. Cette présomption est applicable à tous les militaires en temps de guerre ou en OPEX, à condition que la blessure ait été officiellement constatée entre le premier et le dernier jour de service, et la maladie entre le 90ème jour de service et le 60ème jour suivant le retour du militaire dans ses foyers. En tout état de cause, il convient que soit établie médicalement la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité évoquée. Constituant une indiscutable atteinte de la personnalité psychique de l'individu par un ou plusieurs événements traumatisants extérieurs, le PTSD est considéré comme une blessure et non comme une maladie et est donc indemnisé comme telle. Certes, les manifestations cliniques retardées de cette infirmité n'autorisent que très rarement sa reconnaissance par la voie de la présomption d'imputabilité au sens de l'article L. 3 du CPMIVG. Dans ces conditions, le régime de la preuve d'imputabilité, prévu à l'article L. 2 du CPMIVG, oblige le demandeur à justifier d'un fait de service ou d'un fait survenu à l'occasion du service et de l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre ce fait et l'origine de l'infirmité. Cependant, la preuve peut être apportée par tous les moyens et il est admis que l'expertise médicale peut constituer un élément décisif de preuve. Le CPMIVG permet donc d'indemniser l'état de stress post-traumatique au même titre qu'une blessure physique, dès lors que son imputabilité au service a été reconnue. Le droit à pension est ouvert en l'espèce à partir d'un taux d'invalidité de 10 %, après un examen au cas par cas des dossiers, en tenant compte de tous les éléments d'appréciation, des circonstances de fait et de l'état des connaissances scientifiques. Ainsi, il peut être précisé que 1114 militaires se sont vu accorder une PMI depuis 2010 au titre d'un PTSD et que 29 demandes de PMI pour cette infirmité sont actuellement en cours d'instruction à la sous-direction des pensions. Par ailleurs, les blessés psychiques, qu'ils soient ou non pensionnés au titre du CPMIVG, peuvent bénéficier d'une indemnisation au titre des préjudices extrapatrimoniaux (s'agissant, par exemple, des souffrances endurées), sur la base d'une expertise réalisée par le service de santé des armées (SSA). La réparation de ces préjudices, en complément des prestations statutaires, a été déterminée par le Conseil d'État dans sa décision du 1er juillet 2005 (CE, 1er juillet 2005, Brugnot, no 258208). De même, les militaires affiliés au fonds de prévoyance militaire (FPM) ou au fonds de prévoyance de l'aéronautique (FPA) peuvent recevoir une allocation en cas de blessure reçue en OPEX, y compris en cas de trouble psychique post-traumatique imputable à cette opération, sans condition de radiation des cadres ou des contrôles, conformément aux décrets no 2013-854 du 24 septembre 2013 et no 2013-1032 du 14 novembre 2013 portant respectivement création d'une allocation versée par le FPM et le FPA. Nonobstant la question de l'indemnisation de cette pathologie, un travail important a été réalisé ces dernières années afin d'améliorer la prise en charge, le suivi et la réinsertion sociale et professionnelle des soldats victimes de PTSD. Le SSA, dont l'action dans ce domaine a été saluée à plusieurs reprises, joue un rôle majeur dans ce dispositif. Dès 2002, le SSA a ainsi mis en place une surveillance des PTSD chez les militaires en activité. En 2010, cette surveillance a été étendue aux troubles psychiques reliés à un événement traumatisant, afin de prendre en compte des manifestations moins spécifiques, de gravité et de pronostic variables, telles que les addictions ou les troubles du sommeil. Cette même année, le ministère de la défense a également nommé un coordonnateur national du service médico-psychologique des armées, afin d'harmoniser l'action des psychiatres du SSA et des psychologues des armées dans la prise en charge des militaires exposés à un évènement potentiellement traumatique. Par la suite, le SSA a mis en œuvre successivement trois plans d'action en collaboration avec le commandement, les psychologues des armées et le monde associatif, pour améliorer le dépistage, le traitement et le suivi de cette pathologie dans les armées. Ainsi, un premier plan d'action intitulé « troubles psychiques post-traumatiques dans les armées 2011-2013 » a fixé les grandes orientations d'une politique de prévention dont l'objectif est de garantir à tout militaire ou ancien militaire, victime de troubles psychiques post-traumatiques du fait du service, le soutien et la reconnaissance qu'il est légitimement en droit d'attendre de la Nation et de l'institution militaire. Un deuxième plan d'action pour la période 2013-2015 a ensuite permis de renforcer les mesures de lutte contre le stress opérationnel et le stress post-traumatique. Il a donné lieu à la création de trois nouveaux axes portant sur le soutien psychologique des forces spéciales, la coordination du soutien des familles et les actions de synthèse et de communication. Il a également contribué à faciliter le repérage et l'accès au soin des militaires et anciens militaires concernés. Enfin, un troisième plan d'action intitulé « prise en charge et suivi des blessés psychiques dans les forces armées 2015-2018 » est mis en œuvre depuis décembre 2015. Etabli dans la continuité des deux plans précédents dont il consolide leurs nombreuses réalisations, ce plan se donne en outre pour objectifs de renforcer la prise en compte et le suivi de proximité des blessés psychiques sur le long terme, ainsi que d'améliorer notamment la reconnaissance et la réhabilitation psychosociale des militaires blessés. Ainsi, ces trois plans d'action successifs ont amélioré la prévention, le repérage et le diagnostic des troubles liés au stress opérationnel et aux traumatismes psychiques. Ils permettent aujourd'hui à l'institution militaire de mieux répondre aux besoins psychosociaux spécifiques du militaire et de sa famille, avant, pendant et après les missions, mais aussi tout au long de sa carrière et au-delà, après son retour à la vie civile. La prise en charge des conséquences immédiates, à court et à long termes, d'une rencontre avec un évènement traumatique sur le plan psychique s'en est trouvée grandement améliorée, tout comme la garantie d'une juste réparation des états de stress post-traumatiques. Enfin, ils ont favorisé une meilleure appréhension collective de l'ampleur et de l'impact des troubles psychiques résultant du stress opérationnel et du stress post-traumatique liés aux missions des armées et ont contribué également à une meilleure information des militaires et de leurs familles sur ces troubles et sur le dispositif de soutien mis en place par le ministère de la défense pour y faire face. Sur ce dernier point, il peut être précisé qu'un dispositif téléphonique « Ecoute Défense » a été activé à partir de janvier 2013 en réponse à un besoin de soutien et d'information des militaires en souffrance psychologique. Ce dispositif s'appuie sur un numéro d'appel gratuit et propose une offre directe d'écoute, de soutien et d'information au profit des militaires ou anciens militaires, mais aussi des civils de la défense qui ont été exposés à des situations de stress et de traumatismes psychiques en service. Animé par les psychologues des hôpitaux d'instruction des armées (HIA) et des centres médicaux des armées (CMA) qui assurent une permanence téléphonique continue, ce dispositif a été étendu en 2015 aux familles de militaires. Il permet aux appelants qui le souhaitent d'être orientés vers un parcours de soins adaptés, auprès du service de santé des armées ou vers le réseau civil de proximité. En matière de reconversion professionnelle, il est utile de rappeler que les militaires blessés peuvent bénéficier des actions de l'agence de reconversion de la défense (ARD), dénommée « Défense Mobilité ». Ce service à compétence nationale, rattaché au directeur des ressources humaines du ministère de la défense, organise ses actions autour de 4 axes principaux : l'élaboration d'un projet professionnel, l'accompagnement, l'offre de formations et la mise en relation avec des professionnels. Si le militaire souhaite s'orienter vers le secteur privé, il continue, au moment de sa recherche d'emploi, à bénéficier de l'appui de « Défense Mobilité », notamment grâce à des prospections ciblées ou la mise en relation avec des employeurs. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) constitue également un acteur majeur de la politique de reconversion des militaires au sein du ministère de la défense. L'établissement public développe, à ce titre, une politique d'accompagnement social et d'insertion professionnelle des militaires de la nouvelle génération du feu. Il s'appuie pour cela sur le réseau de ses services départementaux et sur une coopération renforcée avec les armées. Plusieurs conventions ont ainsi été signées entre l'ONAC-VG et l'armée de terre, l'armée de l'air et la marine concernant l'accompagnement des blessés et de leurs familles, l'objectif étant que l'Office relaye et prolonge l'action des cellules d'aide aux blessés des trois armées une fois que les militaires ont quitté l'institution. Plusieurs autres actions ont été initiées en faveur des personnels ayant subi un préjudice. Au nombre de ces actions figurent la création d'un congé spécifique au profit des militaires blessés ou ayant contracté une maladie en OPEX, dénommé le congé du blessé, qui permet à ses bénéficiaires de rester affectés dans leur formation d'origine avec bénéfice de la solde intégrale et des accessoires de soldes, de se maintenir, le cas échéant, dans le logement concédé par nécessité absolue du service et d'accéder au centre médical des armées de la formation d'affectation, ainsi que la création de la maison des blessés et des familles, inaugurée par le ministre de la défense à l'HIA Percy, qui constitue un projet novateur permettant d'accueillir les familles qui viennent au chevet des militaires hospitalisés ainsi que certains militaires en soins de suite. Par ailleurs, il convient de souligner l'apport incontestable du sport dans le processus de reconstruction et de réinsertion sociale des blessés psychiques. C'est dans ce cadre que se sont tenues les « Rencontres militaires blessures et sports (RMBS) » à Aubigny-sur-Nère (Cher) du 29 mai au 25 juin 2016. Organisées depuis 2012 par la cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre (CABAT), sous l'autorité du général gouverneur militaire de Paris, ces rencontres rassemblent tous les acteurs de l'accompagnement : médecins, psychologues, encadrants sportifs au profit des blessés des trois armées et de la gendarmerie. La 5ème édition des RMBS a vu la participation de 57 militaires blessés, physiques et psychiques. Par ailleurs, les stages organisés régulièrement au centre de ressources des blessés de l'armée de terre (CReBAT) sont destinés spécifiquement aux blessés psychiques. Ils poursuivent plusieurs objectifs dont la valorisation des ressources individuelles, l'engagement dans des activités de groupe et le retour à la capacité de prise de décision. Enfin, la reconnaissance, dont les décorations constituent un élément hautement symbolique, participe indéniablement du processus de reconstruction du blessé. A cet égard, il peut être observé que l'article 6.1 du rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 dispose notamment qu'un effort particulier de reconnaissance doit être entrepris à l'égard des militaires blessés au service de notre pays. C'est dans ce contexte que le décret no 2016-1130 du 17 août 2016 relatif à la médaille des blessés de guerre a été publié au Journal officiel de la République française du 19 août 2016. Cette médaille témoigne de la reconnaissance de la Nation aux militaires blessés à la guerre ou à l'occasion d'une opération extérieure. Son port est réservé aux militaires atteints d'une blessure de guerre, physique ou psychique, constatée par le service de santé des armées et homologuée par le ministre de la défense, ainsi qu'aux prisonniers de guerre blessés physiquement ou psychiquement au cours de leur détention. L'ensemble de ce dispositif, en constante amélioration, témoigne de l'attention particulière que porte le ministère de la défense à l'endroit de tous les militaires blessés, physiques ou psychiques, et de leurs familles.

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