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Philippe Naillet
Question N° 98366 au Ministère des affaires sociales


Question soumise le 2 août 2016

M. Philippe Naillet attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le 9e rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale concernant les « budgets de référence ». Dans ce rapport, dont le dernier équivalent a plus de 50 ans, l'ONPES tente de déterminer, par catégorie de population, le budget nécessaire pour vivre décemment en s'appuyant sur, d'une part, une évaluation des biens et services indispensables et, d'autre part, sur leur prix moyen. Cette nouvelle méthode de mesure présente l'avantage d'une évaluation plus objective que celle du taux de pauvreté monétaire. Elle pourrait également utilement servir de fondement à une évaluation du taux d'inflation plus proche du ressenti des Français et à un pilotage des politiques budgétaires plus précis. Elle permet notamment de découvrir que le revenu jugé nécessaire pour vivre décemment en France est à peine inférieur au revenu médian, ce qui signifie que près de la moitié de la population française n'a pas les revenus nécessaires pour bien vivre. Néanmoins, étant national, ce travail présente encore l'inconvénient de niveler les différences géographiques dans les niveaux de vie alors qu'il est bien évident que le budget nécessaire pour vivre décemment n'est pas le même sur l'ensemble du territoire. Il l'interroge donc, d'une part, sur ses plans pour une généralisation et une amélioration de cet indicateur, en lien par exemple avec l'INSEE, et d'autre part sur l'usage qui pourrait en être fait dans le cadre des politiques publiques de lutte contre la pauvreté et notamment dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté.

Réponse émise le 13 décembre 2016

L'élaboration des budgets de référence, pour laquelle le rapport 2014-2015 de l'ONPES propose une méthode et des résultats, se généralise en Europe. Cette approche est en corrélation avec le concept de « revenu minimum adéquat », qui s'inscrit dans la recommandation européenne de 2008 invitant les Etats membres à concevoir une « stratégie globale et intégrée » dont la mise en place d'un « complément de ressources adéquat » est l'un des trois piliers. Plusieurs mesures du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale visent précisément à apporter un complément de ressources aux personnes en situation de pauvreté. C'est en ce sens que les revalorisations des prestations sociales décidées dans le cadre du plan pauvreté (RSA, complément familial, allocation de soutien familial) ont porté sur les ménages les plus modestes. La prime d'activité a par ailleurs été créée pour améliorer le niveau de vie des travailleurs dont les revenus sont proches du SMIC ou inférieurs au SMIC. Actuellement, le principal indicateur utilisé pour évaluer l'impact du plan pauvreté est le taux de pauvreté, qui correspond à la part de la population dont les revenus sont inférieurs à 60% du revenu médian. Cette méthode est celle retenue par Eurostat et par de nombreux pays européens à l'heure actuelle. La méthode des budgets de référence devrait permettre de réinterroger à terme cet indicateur, au regard du coût de la vie correspondant aux besoins considérés comme essentiels pour participer à la vie sociale. Cela étant, les budgets de référence sont à ce stade calculés en coût brut, sans tenir compte de la solidarité nationale ou des solidarités de proximité, qui permettent de répondre à un certain nombre de besoins à coût nul ou à coût réduit. Il parait donc encore prématuré d'envisager de substituer les budgets de référence au seuil de pauvreté. En revanche, l'étude de l'ONPES concernant les budgets de référence est particulièrement utile pour réinterroger dès à présent les indicateurs de pauvreté dit en « conditions de vie », définis actuellement par l'INSEE. Les budgets de référence nous renseignent en effet utilement sur les besoins qui peuvent désormais être considérés comme des « biens essentiels » et doivent de ce fait être pris en compte par nos politiques publiques : l'accès à internet par exemple, est ainsi devenu indispensable pour s'informer, réaliser des démarches administratives, ou encore pour rechercher un emploi. La démarche de l'ONPES a également fait apparaître l'importance de la mobilité pour accéder à l'emploi, aux loisirs, aux vacances, et plus largement à la vie sociale. Cet enseignement doit nous pousser à mieux articuler nos politiques de solidarité avec les politiques de transport, et de manière générale à l'ensemble de nos politiques publiques. C'est le sens de la notion de développement social qui est au cœur du plan d'action en faveur du travail social, présenté en conseil des ministres le 21 octobre 2016, et qui vise à décloisonner les politiques sociales.

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