Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle le débat sur la traçabilité alimentaire.

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'agroalimentaire.

Debut de section - Permalien
Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, la représentation nationale a souhaité un débat sur la traçabilité de l'alimentation et des ingrédients alimentaires. C'est au nom du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et de mes collègues Stéphane Le Foll et Benoît Hamon que je représente aujourd'hui le Gouvernement pour répondre à vos questions.

En tant que ministre délégué chargé de l'agroalimentaire, je tiens à vous remercier d'avoir tenu à engager un débat sur un sujet aussi essentiel, l'alimentation étant l'un des défis majeurs du XXIe siècle.

Je sais le sens de la responsabilité de chacun d'entre vous. La traçabilité alimentaire, la transparence n'est pas à mes yeux une question partisane : elle dépasse les clivages politiques. Nous savons tous qu'il ne s'agit pas d'une « marchandise » comme les autres. Cela ne veut pas dire que nous n'aurons pas de débat, de divergences ou de différends. Mais cela signifie que nous nous accordons pour reconnaître que le bien-être de nos concitoyens passe par une alimentation saine, sans suspicion de tromperie sur l'origine des produits.

L'actualité a rendu plus nécessaire encore notre débat d'aujourd'hui. Mais, au-delà des épisodes récents, il s'agit d'une question fondamentale pour les Françaises et les Français. C'est la pourquoi je suis très heureux de pouvoir m'exprimer devant vous et vous présenter l'ensemble de l'action conduite par le Gouvernement en faveur d'une meilleure traçabilité des aliments et des ingrédients qui les composent.

La première préoccupation du Gouvernement est de garantir la sécurité sanitaire de nos compatriotes. À cet égard, je rappelle que la France est à la pointe des pays européens et pratique le principe de précaution au sens le plus fort du terme. Nous adoptons systématiquement la position la plus protectrice des consommateurs et de l'ensemble de la chaîne alimentaire, et mettons en oeuvre ce que j'appelle le bouclier sanitaire. C'est ce principe que nous avons appliqué pour les 57 tonnes de viande de mouton, séparée mécaniquement, qui ont été trouvées dans les entrepôts d'une entreprise de l'Aude, l'entreprise Spanghero. Ce procédé de séparation mécanique est interdit à l'échelle de l'Union européenne depuis 2001. Certains pays, notamment la Grande-Bretagne d'où provient cette viande de mouton, le tolèrent néanmoins. L'Union européenne a voulu homogénéiser l'ensemble des pratiques et en est venue à une lecture beaucoup plus stricte depuis avril 2012 afin que la même règle s'impose à tous.

Nous avons fait saisir la viande et demandé le rappel de tous les produits transformés qui auraient pu être préparés avec une viande similaire, alors même que la Commission européenne ne le demandait pas. Nous nous inscrivons donc bien dans la logique du bouclier sanitaire en adoptant la position la plus protectrice qui soit pour les consommateurs.

Au-delà de cet épisode récent, je rappelle que la crise de la viande de cheval n'est pas une crise sanitaire, mais une affaire de fraude. On a menti à des industriels sur la nature de la viande fournie ; on a menti aux consommateurs sur la composition des plats préparés, dans le but de tirer un profit, un profit maximal. Les fraudeurs qui ont accompli ce méfait ont mis en danger l'ensemble de la filière alimentaire en mettant à mal la confiance de nos concitoyens. Les professionnels de l'alimentation, de la transformation et de la distribution ont tous constaté que les conséquences économiques ont été immédiates, lourdes, désastreuses parfois pour certaines entreprises. La semaine dernière, j'étais en déplacement dans le Pas-de-Calais au siège de l'entreprise Fraisnor, qui connaît de très sérieuses difficultés à la suite de la crise de la viande de cheval – ce n'est pas Mme Maquet, députée du Pas-de-Calais, qui me démentira…

Aujourd'hui, il nous faut tirer des leçons et agir avec rapidité, mais aussi avec discernement. D'abord, il nous faut renforcer et multiplier les contrôles. Avec Stéphane Le Foll et Benoît Hamon, avec les services vétérinaires et ceux de la répression des fraudes, nous avons accru la fréquence des contrôles et nous poursuivrons cette surveillance renforcée sur l'ensemble de la filière viande tout au long de l'année 2013.

Que nous apprennent les premières investigations que nous avons menées ? Contrôle après contrôle, nous constatons qu'il y a de moins en moins d'anomalies. Après l'affaire Spanghero qui avait défrayé la chronique, 138 prélèvements ont été opérés entre le 27 février et le 11 mars sur des plats préparés à base de viande de boeuf. Sur les dix premiers prélèvements, neuf se sont révélés positifs au cheval. Sur 40 nouveaux résultats d'analyse, seuls deux ont révélé la présence de viande de cheval. À mesure que les semaines passent, les conséquences de notre mobilisation ont été positives. La peur du gendarme dissuade les fraudeurs, semble-t-il. La fermeté a d'ores et déjà payé.

Nous considérons, comme vous, que de telles tromperies sont inacceptables. Face à cela, nous devons répondre – nous avons agi en ce sens – de façon extrêmement rapide. C'est pourquoi nous n'avions pas hésité à suspendre les agréments de l'entreprise incriminée pour protéger le consommateur et permettre aux services de l'État de mener l'enquête et de procéder aux indispensables vérifications.

Je voudrais souligner que le système de traçabilité qui s'est appliqué à la viande de cheval découverte dans des lasagnes prétendument à base de viande de boeuf a parfaitement fonctionné à l'échelle européenne. En moins de quarante-huit heures, nous sommes parvenus à remonter l'ensemble de la chaîne alimentaire, de l'abattoir d'origine, situé en Roumanie, jusqu'à l'entreprise qui élaborait ces plats pour les livrer au groupe Findus.

Nous devons, tous ensemble, saluer la réactivité et le professionnalisme de nos services publics, en particulier les services de la répression des fraudes et les services vétérinaires. C'est ce travail conjoint qui nous a permis d'identifier rapidement les irrégularités et d'exclure de l'agrément les activités non conformes. Grâce à cette rapidité d'action et à ce discernement, l'entreprise, qui compte plus de 300 salariés, a pu reprendre son activité industrielle. Les vérifications auxquelles nous avons procédé ont contribué à rassurer les Français sur l'absence de problèmes sanitaires. Il est très important, je le répète, de saluer, le travail de nos services, car c'est grâce à lui que nous avons pu apaiser les inquiétudes de nos concitoyens.

Je vous disais que nous devions aller jusqu'au bout dans cette démarche de fermeté ; de la même façon, il va nous falloir aller plus loin dans les sanctions.

Lorsque l'on met en regard l'échelle des sanctions que peut encourir un fraudeur et l'ampleur des profits qui peuvent être indûment tirés d'une fraude, on se dit que les sanctions ne sont pas suffisamment dissuasives. Nous avons donc décidé, avec Benoît Hamon, d'alourdir l'échelle des peines dans la prochaine loi relative à la consommation que mon collègue viendra défendre devant vous d'ici à l'été. Cet alourdissement nous paraît absolument indispensable. Nous pouvons tous nous accorder sur le fait que la sanction a un double effet : préventif et dissuasif.

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Pouvez-vous nous donner des dates plus précises ?

Debut de section - Permalien
Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire

Effectivement. Je vous remercie pour votre attention, monsieur Favennec. (Sourires.)

Je veux réaffirmer la détermination du Gouvernement à se montrer implacable envers celles et ceux qui veulent tromper, envers celles et ceux qui veulent frauder.

Examinons plus avant cette affaire qui a révélé un circuit de transit de la viande extrêmement complexe, dépassant les frontières de notre pays pour s'étendre partout en Europe.

Force est de constater que l'éventail des sanctions est très disparate d'un pays à l'autre. Certes, en ce domaine, c'est la loi nationale qui s'impose, mais nous devons travailler avec nos partenaires à une harmonisation des sanctions et à un renforcement de celles-ci si nous voulons tirer les leçons de cette affaire. C'est d'ailleurs ce qu'a proposé le commissaire Tonio Borg. En matière de fraude alimentaire, les pays européens dans leur ensemble doivent mieux se protéger.

Enfin, je suis convaincu que, pour rétablir la confiance des consommateurs dans leur alimentation, il faut que la composition des aliments préparés soit soumise à davantage de transparence, à davantage d'information et à davantage de vérité. Ce combat pour la transparence, pour l'information et pour la vérité doit être mené au plan européen. C'est dans cette direction que nous allons, Stéphane Le Foll, Benoît Hamon et moi-même.

Actuellement, la mention de l'origine des viandes n'est obligatoire que pour la viande fraîche ; elle ne l'est pas pour les plats préparés. Nous estimons que la situation doit changer.

Debut de section - Permalien
Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire

Nous savons qu'il existe des réticences, mais nous poursuivrons ce travail de conviction, car c'est en montrant qu'elle protège les consommateurs que l'Europe pourra accroître sa légitimité aux yeux des citoyens de l'Union.

Debut de section - Permalien
Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire

Nous espérons obtenir des résultats à l'échelle européenne, mais aussi au plan national. Nous agissons ici et maintenant, en France.

Debut de section - Permalien
Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire

Tout à fait, cher Yannick Favennec. (Sourires.)

Nous avons réuni sans attendre tous les acteurs de la filière alimentaire pour les mobiliser, les sensibiliser et les inviter de façon très ferme à prendre de nouvelles dispositions, qui doivent pouvoir s'appliquer sans délais. Je vais les détailler devant vous.

Premier outil : nous finalisons la rédaction d'une charte anti-fraude pour que les entreprises elles-mêmes puissent mieux se protéger contre les pratiques de tromperie, contre les dérives dont nous avons constaté les effets ces dernières semaines. Nous disposerons dans les toutes prochaines semaines de la première version de cette charte, que nous espérons pouvoir soumettre aux professionnels dans les meilleurs délais.

Deuxième outil : nous comptons, sur la base du volontariat, proposer l'utilisation de l'étiquetage spécifique « viande bovine française » ou « viande porcine française » sur les plats préparés. Il faut être en mesure de répondre à la demande des consommateurs. D'ores et déjà, des entreprises de l'agroalimentaire et de grandes enseignes de la distribution ont fait part de leur volonté d'apposer cette étiquette « VBF » ou « VPF » sur les produits qu'elles vendent.

Troisième outil : nous entendons renforcer les autocontrôles, autrement dit les contrôles internes effectués par chaque entreprise pour garantir le principe du bouclier sanitaire que j'évoquais à l'instant. Nous avons engagé ce travail avec les entreprises de la filière alimentaire afin que ces autocontrôles multipliés viennent compléter les contrôles que nos services assurent de leur côté. Les professionnels de la filière alimentaire ont bien compris cet enjeu. Ils savent qu'ils doivent eux-mêmes poser des actes clairs pour renouer ce lien de confiance avec les Français. Je vous parlais du sens des responsabilités partagées dans cette enceinte, mais les professionnels ont aussi leur part de responsabilité à assumer. Ils l'assument et l'assumeront encore davantage durant l'année 2013.

Debut de section - Permalien
Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire

J'aimerais rappeler que le Gouvernement, avant même que n'éclate cette crise, a entrepris un travail avec eux pour améliorer l'étiquetage en le rendant plus clair et plus lisible. Nous considérons qu'il s'agit d'une question non pas simplement de loyauté et de transparence, mais de santé publique et même de justice sociale.

Car, en définitive, qui sont les premières victimes de ces tromperies qui tirent leur origine, il faut le dire, de la course effrénée aux bas pris et au profit maximal ? Assurément les Français les plus modestes. Il n'est donc pas acceptable à nos yeux que les plus faibles parmi les Français, et au-delà tous les consommateurs, se fassent berner par des produits frauduleux. De la même façon, il n'est pas acceptable que les Français ne sachent pas ce qu'il y a dans leur assiette. Et il n'est pas davantage acceptable que l'accès à des produits identifiés, à la traçabilité et à la qualité établies, ne puisse être garanti à chacun d'entre nous.

Ce combat pour la qualité, nous devons le mener ensemble.

Pour l'affaire qui nous occupe, j'ai souhaité que les professionnels, avec les services publics, se penchent immédiatement sur la composition des « minerais de viande », qui sont, comme vous le savez, des assemblages destinés à être utilisés dans la préparation de plats surgelés comme la moussaka ou les lasagnes. Cette crise a mis au jour la composition de certains de ces minerais. Et, comme beaucoup de Français, je me suis interrogé sur ce qu'ils pouvaient bien contenir. Dans la plupart des cas, beaucoup de collagène et peu de protéines, du moins pas suffisamment. Il faut que les proportions changent. Pour cela, il est indispensable d'améliorer la qualité de ces assemblages car, si nous voulons renouer le lien de confiance des consommateurs avec leur alimentation – je reviens toujours à cela –, il faut poser des actes clairs. La modification de la composition des minerais en fait partie. C'est ce à quoi nous travaillons aujourd'hui avec les professionnels des industries alimentaires.

Il s'agit d'un vaste chantier, nous en avons bien conscience. Nous souhaitons là aussi obtenir des résultats rapides, c'est-à-dire d'ici à la fin de l'année 2013.

Sécurité, transparence, justice alimentaire : voilà, madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, la ligne politique et l'éthique qui guident l'action du Gouvernement. C'est cette ligne que je voulais vous présenter et ces principes d'action que je voulais vous faire partager. Je reste intimement convaincu que nous devons sortir renforcés de cette crise. Pour cela, il nous faut être lucides, tirer toutes les leçons qui s'imposent et établir toutes les responsabilités. Une fois ce constat posé, il importe de prendre les bonnes décisions. Agir avec justesse, c'est toute l'ambition du Gouvernement.

Vous pouvez être convaincus de notre détermination sur ce plan car – et j'en terminerai par là – il y va de la confiance des Français envers leur alimentation, envers cette gastronomie française, véritable modèle alimentaire qui fait la fierté des Français partout dans le monde.

Pour être fidèle à cette grande tradition alimentaire française, notre modèle doit se réformer. Tirons les leçons de cette crise et agissons, mesdames et messieurs les députés : nous ferons ensemble ce que les Français attendent de nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, le débat qui nous réunit aujourd'hui devant la représentation nationale, à la demande du groupe RRDP, présente une forte portée symbolique, tant la France est le pays de la gastronomie.

Besoin vital pour les êtres vivants, se nourrir est devenu au cours de l'histoire un acte symbolique, qui a structuré l'humanité. L'agriculture marque ainsi le commencement de la civilisation. En maîtrisant progressivement la nature, nous avons pu développer nos cultures et faire de l'alimentation une culture, voire un art : l'art culinaire.

Progressivement, en gagnant en productivité grâce aux évolutions techniques, nous avons abouti à un système industriel complexe et international. Cette évolution a exigé la mise en place de normes communes pour garantir d'abord la sécurité sanitaire.

Mais le scandale de la « vache folle » a fait basculer le modèle et, depuis, l'information du consommateur est devenue une préoccupation forte pour restaurer la confiance de nos concitoyens. C'est tout l'enjeu de la traçabilité.

La traçabilité au sens étroit et technique permet de retrouver l'historique et l'utilisation ou la localisation d'un article ou d'une activité au moyen d'une identification enregistrée. Les obligations de traçabilité au sens strict ont été adoptées à la suite de la crise sanitaire de la vache folle ; mais l'objectif de ces obligations est uniquement de permettre le retrait des denrées en cas d'alerte sanitaire.

Soyons clairs : il ne s'agit pas aujourd'hui de céder à une phobie irrationnelle en confondant les problématiques de sécurité sanitaire et la fraude sur la nature des ingrédients. Mais la traçabilité est devenue pour nos concitoyens une source d'information : ils veulent savoir ce qu'ils achètent et ce qu'ils mangent – c'est bien légitime !

Le moins que l'on puisse dire, c'est que, pour les produits transformés, nous sommes loin du compte. En effet, les scandales récents ont révélé au grand public la multiplication des intermédiaires, un système de trading qui favorise les risques et un étiquetage déficient.

Nous avons donc plus que jamais besoin de rétablir la confiance de nos concitoyens en répondant à leurs attentes en matière de traçabilité. Garantir la véracité et la précision des mentions de l'origine nationale sur les emballages rassurerait les consommateurs. Dans le même temps, cela favoriserait les filières françaises, dont un grand nombre souffrent alors qu'elles bénéficient d'une image de marque reconnue.

Nous avons donc du travail, monsieur le ministre, pour aller à rebours d'un mouvement global.

Tout d'abord, le groupe RRDP tient à saluer l'action du Gouvernement qui a réagi en urgence au premier scandale Findus. L'enquête menée par les services de la DGCCRF, a permis d'établir rapidement le circuit de commercialisation de la viande.

Aujourd'hui, l'enquête continue pour établir les responsabilités de chacun, en lien avec les autres États concernés ainsi qu'avec les autorités européennes. Depuis, les réunions entre les pouvoirs publics et les professionnels semblent avoir abouti à la volonté de mettre en place de nombreux contrôles.

Nous avons également noté l'engagement du Gouvernement à obtenir de Bruxelles la modification des règles d'étiquetage et de traçabilité des produits transformés.

Autre piste d'amélioration évoquée : la mise en place d'un système d'alerte lorsque les produits sont proposés à un prix sensiblement inférieur à ceux du marché. Ce type d'alerte aurait ainsi permis d'éviter le scandale Findus, puisque la valeur de la viande de cheval roumaine était trois fois inférieure à celle de la viande bovine.

Tout cela va donc dans le bon sens, mais ne nous dispense pas de réfléchir à la question plus structurelle de la longueur des circuits et de la multiplication des intermédiaires entre la production et le consommateur final ; tel est du reste l'élément majeur révélé par le scandale de la viande de cheval. Comment ne pas voir là une cause importante de négligences et de fraudes ?

Dans le commerce de la viande existe un circuit opaque et complexe, qui me fait penser à un commerce de pièces détachées pour automobiles.

Les abattoirs vendent en effet des animaux « désassemblés » afin d'en valoriser au mieux chaque partie, en créant le désormais trop célèbre « minerai », une masse agglomérée de dix à trente kilos de chutes, de découpes et de tissus graisseux. Ce minerai constitue ensuite la matière première des plats cuisinés par nos industries agroalimentaires – tout cela n'est pas très appétissant !

Sous la pression des distributeurs, qui bénéficient d'un pouvoir de négociation excessif, les industriels sont pris dans une course effrénée à la baisse des coûts. Les parlementaires s'inquiètent des dangers inhérents à cette situation, ainsi que des répercussions sur les filières jusqu'au consommateur final.

Il faudra, au cours de cette législature, nous attaquer directement à ce pouvoir de négociation exorbitant des centrales d'achat de la grande distribution, qui déséquilibre la production agricole, la pêche, les PME et l'industrie agroalimentaire.

Nous en mesurons les conséquences directes dans les scandales que nous connaissons. En effet, les industriels font appel à des traders, qui négocient la viande dans tous les pays. Ces traders ne touchent pas la viande : elle arrive découpée puis est revendue en l'état, sans contrôle sanitaire ni contrôle qualité.

Ainsi, Jan Fasen, ce fameux trader récemment médiatisé, possède la Draap, petite société de trading de viande qui bénéficie d'un montage fiscal baroque. Cela mérite d'être signalé, car c'est édifiant : l'actionnaire principal de la Draap est une société basée dans les îles Vierges britanniques, un paradis fiscal des Antilles. Cette société, dirigée par des prête-noms, est domiciliée dans l'Union européenne à Limassol, à Chypre.

Dans l'affaire des lasagnes, ce trader a acheté de la viande de cheval en Roumanie, transportée jusqu'aux Pays-Bas puis stockée par une autre compagnie dans un entrepôt frigorifique. Ensuite, il l'a fait transporter à Castelnaudary pour la vendre à l'entreprise Spanghero, qui a elle-même vendu la viande à Comigel dont l'usine se trouve au Luxembourg.

Je ne sais pas si vous avez réussi à suivre ; mais je comprends que les consommateurs français puissent être perdus. En clair, la viande de cheval a parcouru plus de 2 000 kilomètres de trop, et chemin faisant, elle s'est transformée en boeuf.

Ces itinéraires extravagants sont de plus en plus courants. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons pas continuer dans cette voie ! Convenons ensemble, à l'occasion de ce débat, qu'il nous revient de chercher des solutions pour éviter que ces pratiques insensées se poursuivent.

Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour porter cette parole à Bruxelles. Nous connaissons les résistances des pays de l'Union qui tiennent à conserver leurs avantages compétitifs. Mais face à un monde globalisé, avec une dispersion géographique des acteurs et des produits, des risques nouveaux nous imposent l'adaptation des dispositifs en vigueur.

Concernant l'étiquetage, au cours des dix dernières années, la gauche alors dans l'opposition n'a eu de cesse de demander aux gouvernements de droite d'améliorer l'information des consommateurs.

Lors de l'examen de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche en juin 2010, les controverses ont été vives sur cette question. Les débats ont tout de même abouti à l'adoption d'un amendement précisant que l'indication du pays d'origine peut être rendue obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l'état brut ou transformé. Mais l'application de cette loi est en attente d'une décision européenne.

Vous avez décrit vos initiatives, monsieur le ministre : charte anti-fraudes, étiquetage spécifique – VBF ou VPF –, renforcement des autocontrôles, étiquetage plus lisible. Vous avez rappelé tout le travail effectué ces derniers mois.

Je saisis cette occasion pour vous dire à quel point je trouve anormale et scandaleuse la réintroduction des farines animales dans l'élevage de poissons.

Les initiatives venant des parlementaires se sont également multipliées ces derniers mois. Ainsi, trois projets de règlements sont actuellement en cours d'examen par le Parlement européen et le Conseil européen, concernant les produits importés et l'étiquetage des produits transformés.

À l'Assemblée nationale, le groupe UDI a déposé le 28 février 2013 une proposition de résolution européenne tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation. Des députés UMP ont annoncé dans la presse une proposition de loi sur le même thème.

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Au Sénat, une proposition de résolution pour une meilleure traçabilité a également été déposée le 1er mars 2013. Enfin, une proposition de résolution européenne, tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation a été présentée par le sénateur François Zocchetto et les membres du groupe centriste.

Monsieur le ministre, toutes ces initiatives sont bienvenues et sympathiques, mais il importe d'aboutir à des résultats concrets.

Pour conclure, je vous propose de créer une commission. L'objectif n'est pas d'enterrer le problème, selon la formule de Clemenceau, car cette commission aurait pour mission d'établir des préconisations fortes, applicables et fécondes. Elle se réunirait pendant quatre mois, afin de respecter votre objectif de présentation d'un projet de loi relatif à la consommation d'ici à l'été. Elle associerait pour cela des parlementaires, un conseiller d'État, un inspecteur des finances, un représentant de l'IGAS, des experts de l'alimentation et des représentants des associations de consommateurs.

Monsieur le ministre, un engagement de votre part à répondre à cette demande vous honorerait et serait la preuve de l'utilité de notre débat d'aujourd'hui !

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, je souhaite, en l'absence de mon collègue André Chassaigne, vous parler agriculture et agroalimentaire.

« La vache est un vieux boeuf qui a la viande un peu dure », écrivait Alexandre Vialatte. (Sourires.) Nos compatriotes ont récemment appris qu'elle pouvait également être faite de cheval !

Ils ont en outre constaté que l'origine des ingrédients contenus dans la plupart des produits transformés était tout simplement inconnue.

Enfin, ils ont découvert les circuits de commercialisation de la viande et la multiplication des intermédiaires, avec l'exemple particulier du « minerai » de boeuf, composé des parties les moins nobles et utilisé le plus souvent haché. Au-delà de la supercherie commerciale, bien peu font référence aux origines plus lointaines de cette situation.

Nous récoltons en réalité les fruits avariés de nombreuses années de renoncement politique, au niveau national comme européen, entraînant l'abandon de la régulation du secteur agricole, la déréglementation des échanges commerciaux liés à l'agroalimentaire et à la distribution, ainsi que la baisse des budgets et des moyens humains affectés à la sécurité sanitaire de l'alimentation et à la répression des fraudes.

Pour guérir cette fièvre de cheval, il conviendrait de ne pas s'arrêter aux apparences et de débusquer, derrière ce mur de viande, ses causes structurelles.

En vérité, nous sommes ici au coeur d'un système politique et économique devenu jungle, dont le maître mot est la compétitivité, et son corollaire la concurrence libre et non faussée.

Au fil des rounds de négociations, du GATT à l'OMC, le secteur agricole a été progressivement utilisé comme monnaie d'échange entre États ou groupes régionaux pour lever les réticences à l'ouverture des échanges de biens manufacturés ou de services.

Les agents économiques, confortés par la déréglementation financière et la dérégulation des marchés, voient désormais dans ce secteur un potentiel de profit considérable. Le marché des matières premières agricoles est ainsi passé de 15 milliards de dollars en 2003 à 200 milliards en 2008. Avec les marchés à terme, un quintal de blé, de maïs ou de soja peut s'échanger plusieurs dizaines de fois sans avoir quitté son lieu de stockage, voire avant même d'avoir été produit.

Dans le même temps, la recherche des coûts de production les plus faibles par la grande distribution et les centrales d'achats est devenue le fil directeur de la stratégie commerciale visant à accroître les marges.

Les secteurs en croissance des produits transformés et surgelés, soumis à des réglementations moins contraignantes que les denrées fraîches, constituent également des cibles privilégiées.

Les conséquences de ces stratégies passent souvent inaperçues pour les consommateurs, qui ne constatent pas de baisse de prix sur ces produits, notamment parce que les étiquettes d'emballage n'imposent pas d'inscription concernant l'origine de chaque ingrédient.

C'est malheureusement ce système qui continue de définir aujourd'hui les logiques commerciales de l'agroalimentaire, fondées sur la recherche des prix les plus bas pour fournir le secteur des produits transformés, avec une multiplication des opérateurs qui facilite les fraudes, ainsi que l'a rappelé ma collègue Annick Girardin. Négociants, abattoirs, traders, sociétés commerciales, usines de transformation, marques généralistes de grande distribution : la filière agroalimentaire s'enrichit sans cesse de nouveaux intermédiaires entre l'étable et la table, entre la terre et notre assiette.

La viande de cheval n'aura servi que de révélateur d'un système de plus en plus complexe d'achat et de revente, avec la « profitabilité » pour seule logique.

Je reprendrai les mots d'un de mes collègues député européen : « En fait, quand on a acheté une boîte Findus, on a alimenté un fond financier d'investissement privé, Lion Capital, et derrière Comigel qui fournit Findus se cache un autre fond d'investissement, Céréa Capital. Que leur importe de préparer des lasagnes industrielles à base de mélange de déchets de muscles de cheval, de vaches, de mulets ou d'ânes, mélangés à de la mauvaise graisse et du collagène ! Et personne ne parle de l'endroit d'où vient le blé qui a servi à faire les parts de lasagne : du Mali, des plaines d'Ukraine ou du Kansas ! »

Nous pouvons d'ailleurs faire quasiment la même analyse avec des distances de transport encore plus longues pour la filière des légumes, victime des mêmes agissements et des mêmes dérives.

Voilà aujourd'hui la réalité de filières alimentaires laissées par choix politique aux mains de la finance.

Mes chers collègues, si la traçabilité, qui a fait, et c'est heureux, un bond en avant suite à l'affaire de la « vache folle », peut permettre d'identifier tous ces intermédiaires, elle ne lève pas l'opacité sur l'origine et la qualité des productions en cause. Elle autorise manifestement les supercheries commerciales les plus flagrantes et ne remet pas en cause les fondements du système. Le pire serait de s'en remettre à la simple poursuite d'un feuilleton judiciaire ou aux bonnes volontés des sociétés avec le renforcement des autocontrôles sur leurs pratiques.

Nous avons donc besoin de tracer de nouvelles pistes pour agir globalement sur le secteur agroalimentaire, mais aussi, en amont, sur notre modèle agricole.

Nous avons besoin d'adopter des mesures concrètes et efficaces tout en renforçant les moyens du contrôle public de la chaîne alimentaire, tant au niveau national qu'européen. C'est dans le domaine particulier de l'information sur la qualité des produits et de leur origine que nous pensons que notre pays peut agir le plus rapidement.

C'est l'objet de la proposition de loi que les députés du Front de gauche ont déposée avec deux exigences fondamentales sur lesquelles je voudrais insister : celle de la mention obligatoire de l'origine des ingrédients de tous produits alimentaires, qu'ils soient à l'état brut ou transformé, et celle du renforcement des moyens du contrôle sanitaire et de la répression des fraudes.

Depuis l'affaire de la vache folle, la viande bovine fraîche doit mentionner son pays d'origine. Ce n'est pas le cas pour les produits transformés à base de viande, pour lesquels existe seulement l'obligation de mentionner le type de viande utilisé. Il en est de même pour tous les autres produits alimentaires qui ne bénéficient pas de ce dispositif d'identification.

L'article 3 de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche avait pourtant introduit la possibilité de faire figurer l'indication du pays d'origine « pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l'état brut ou transformé ». Mais cette disposition facultative n'a jamais trouvé de traduction réglementaire.

Alors que les producteurs de notre pays subissent aujourd'hui la concurrence effrénée des productions des pays tiers, les consommateurs doivent être informés de l'origine des produits qu'ils achètent, particulièrement pour les produits transformés. L'urgence est donc d'indiquer la provenance des produits consommés, ainsi que le lieu de l'emballage. Les producteurs et leurs organisations professionnelles y sont, bien entendu, très favorables.

Je rappelle que la mention de l'origine des produits répond aussi à un objectif du Grenelle de l'environnement, car l'importation de pays lointains a des conséquences en termes de bilan carbone et de réchauffement climatique. Parce qu'il est aussi un écocitoyen qui aime savoir s'il achète un produit local ou venu de lieux bien plus éloignés, le consommateur doit savoir d'où vient ce produit.

Pour appuyer cette exigence d'information et de traçabilité sur l'origine et la qualité des produits, notre pays doit pouvoir s'appuyer sur des moyens humains à la hauteur des besoins et des risques, dans un contexte où la dérégulation agricole favorise les importations de matières premières agricoles et alimentaires de pays ayant des niveaux d'exigence sanitaire très différents en fonction des zones de production.

Seule une capacité de contrôle et de sanction suffisante – et je note avec intérêt que vous avez souligné cet aspect, monsieur le ministre – peut prémunir contre les dérives et éviter des crises sanitaires à répétition ou l'expansion de pratiques commerciales frauduleuses. De ce point de vue, nous sommes préoccupés par la suppression de 600 postes depuis 2007 dans le service de la santé publique vétérinaire. Quant à la DGCCRF, ses effectifs, réduits de 15 % en six ans sous la majorité de droite, ce qui représente 560 emplois, ont connu une véritable saignée. Évidemment, cette baisse des effectifs porte atteinte aux contrôles qui sont indispensables.

Nous avons besoin d'envoyer un signal fort au niveau européen. Ces mesures peuvent y contribuer.

Il s'agirait d'une première évolution vers une meilleure reconnaissance des normes sanitaires et environnementales nationales et européennes et d'un levier intéressant pour la valorisation des filières. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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Monsieur le ministre, la traçabilité est un défi à relever pour la filière agroalimentaire, un défi pour restaurer la confiance et maintenir ainsi la vitalité économique du secteur. Ce secteur devra par ailleurs s'adapter à l'évolution du modèle de consommation afin de proposer des produits de qualité intégrant la notion de santé publique.

Le système français de traçabilité exige auprès des éleveurs que l'animal soit identifié de sa naissance à l'abattoir. Ce système performant est parmi les meilleurs au monde.

Aujourd'hui, l'enjeu de la traçabilité, c'est l'exigence de transparence sur tous les produits, y compris transformés.

L'affaire de la viande de cheval, et cette semaine les tromperies sur la viande en Grande-Bretagne, en Norvège et – encore – chez Spanghero, sont les conséquences de circuits commerciaux internationaux complexes qui rendent difficile l'identification complète de l'origine de nos aliments.

Ces fraudes nous rappellent qu'il faut être vigilant, car c'est désormais au niveau international que se font les relations commerciales.

Le Gouvernement s'est employé et a réussi à éviter de jeter la suspicion sur l'ensemble de la filière et à restaurer la confiance des consommateurs, car notre filière agroalimentaire est performante et de qualité. Je salue, monsieur le ministre, votre gestion exemplaire ainsi que celle de vos collègues Stéphane Le Foll et Benoît Hamon dans la gestion de cette crise.

Ces affaires récentes doivent donc nous conduire à nous interroger sur l'origine et la traçabilité des produits vendus dans nos supermarchés, mais aussi de ceux servis dans nos restaurants et dans nos cantines.

Dans ce contexte de complexité des échanges commerciaux qui parfois échappent au contrôle, le Gouvernement peut-il agir pour protéger les consommateurs face à l'opacité des circuits de commercialisation ?

Je me réjouis des mesures que vous avez évoquées qui permettront, en cas de tromperie économique, de prendre des sanctions plus lourdes, plus pénalisantes pour les entreprises, comparées aux profits qu'elles ont pu engranger. La traçabilité est gage de qualité et de sécurité. Si, en France, le système de traçabilité est performant, au niveau européen il reste des avancées à faire en matière d'harmonisation des politiques de traçabilité mais aussi d'étiquetage des produits. Nous devons donc aboutir à une obligation européenne visant à indiquer sur l'étiquette le pays d'origine des ingrédients incorporés à la préparation des produits.

Je tiens à souligner l'initiative prise par les entreprises du secteur agroalimentaire, visant à mettre en place une charte antifraude et à renforcer les autocontrôles et les audits existants.

Face aux circuits mondiaux, aux intermédiaires qui se multiplient dans le secteur de l'agroalimentaire et dans celui de la grande distribution, le consommateur reste vulnérable, même si son information en matière alimentaire s'est améliorée ces dernières années, comme vous l'avez souligné.

Même si elle a un coût, la traçabilité doit être une exigence pour protéger les consommateurs, prêts à consacrer une part plus importante de leur budget alimentation afin de bénéficier de produits dont ils connaissent l'origine géographique, les conditions de production et la qualité.

Si l'image de l'agroalimentaire a évolué ces dernières années de façon positive, 30 % des Français considèrent que le secteur doit encore travailler à la garantir une alimentation plus sûre et plus saine. C'est dans ce sens, monsieur le ministre, que vous conduisez votre politique du défi alimentaire.

Comme vous l'avez indiqué, l'enjeu consiste maintenant à s'assurer d'une traçabilité complète des produits, depuis l'éleveur jusqu'à la consommation finale en passant par la transformation. L'agroalimentaire et la grande distribution doivent donc se détacher de la logique unique du prix le plus bas pour répondre aux attentes des Français attachés à la notion de goût, de qualité, d'hygiène alimentaire et de respect de l'environnement. Est-il alors possible d'imaginer des initiatives qui permettront de développer un made in France alimentaire gage de qualité et de favoriser en même temps les produits de notre agriculture locale ?

Si l'affaire de la viande de cheval ne relève pas d'une crise sanitaire, elle reste cependant une fraude qui nous conduit à nous intéresser à un autre enjeu, celui de la santé publique.

La traçabilité alimentaire est une garantie, notamment contre les crises sanitaires. La traçabilité, portée jusqu'à l'étiquetage systématique des ingrédients utilisés pour la fabrication des produits transformés, devrait aussi être une garantie de santé publique.

Les Français prennent conscience de l'importance du contenu de leur repas. Désormais, un corps sain se trouve dans une assiette saine. Le sel, le sucre, les matières grasses se cachent dans tous les aliments manufacturés et ils ont de vraies conséquences pour notre santé. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail a récemment mené une étude sur les mesures volontaires prises par les entreprises depuis les années 2000 pour réduire notamment la teneur en sel dans les aliments. Selon ses conclusions, certains industriels ont fait des efforts, et l'Agence estime la baisse globale aux alentours de 10 %. Pourtant, d'autres entreprises n'ont pas mené ces efforts et ont même augmenté la teneur en sel de certains produits, ce qui fait qu'aujourd'hui les écarts se creusent au sein d'une même famille d'aliments.

La traçabilité, ce n'est pas seulement connaître l'origine précise du produit animal ou végétal. Ce doit être aussi permettre à tous les consommateurs de connaître mieux et plus précisément les ingrédients qui sont à la base du produit manufacturé, ainsi que les conséquences que leur consommation peut avoir sur la santé.

Afin de relever le défi d'une alimentation saine, quelle sera la politique du Gouvernement pour conduire les industriels à mesurer les ingrédients incorporés à leur produit ? De même, qu'en est-il de l'obligation d'étiquetage de la teneur en sel et, au-delà, d'un étiquetage clair de l'apport nutritionnel sur tous les produits transformés, afin que le consommateur puisse comparer et choisir ? Comment inciter les industriels à prendre en compte les critères de nutrition et de santé publique dans leur production ?

Par ailleurs, au moment où le Gouvernement appelle à relever le défi écologique de l'agroalimentaire, au moment où les producteurs tendent vers une agriculture et une production durables, plus respectueuses de l'environnement, au moment où les traitements vétérinaires sur les animaux diminuent, il semble intéressant de réfléchir à un étiquetage précis sur chaque produit qui permettrait d'établir le bilan carbone d'un plat cuisiné. Cette ambition serait une manière de relever le défi vert.

Monsieur le ministre, quel cadre législatif est prévu pour renforcer et rendre obligatoire l'étiquetage des produits transformés ? Est-il envisagé d'y intégrer leur bilan carbone ?

Pour conclure, l'autre défi essentiel pour le secteur de l'industrie alimentaire, c'est le défi économique. Le secteur agroalimentaire en France, c'est 10 500 entreprises qui sont à 98 % des PME et TPE, et 500 000 emplois. Notre pays est le troisième exportateur agroalimentaire d'Europe et les produits agroalimentaires représentent 13 % de la valeur de nos exportations.

L'enjeu économique est donc indéniable. Dans l'agroalimentaire, il reste encore, mes chers collègues, 100 000 emplois à pourvoir. Aussi est-il nécessaire de réfléchir à des formations spécialisées, afin de promouvoir le recrutement au sein de cette filière. C'est un vivier dynamique qu'il faut encourager, pour stimuler l'innovation et l'excellence de notre industrie alimentaire française.

La qualité et la provenance des ingrédients sont des éléments essentiels en vue de préserver notre leadership. En effet, l'origine française, j'en suis persuadé et vous partagez ce point de vue, est un gage de qualité pour beaucoup d'acheteurs étrangers.

Et, si le secteur agroalimentaire est encore exportateur, nous ne rivaliserons pas longtemps en nous spécialisant dans le bas de gamme, dans une course folle au produit le moins cher. Au contraire, je le crois, les parts de marchés se gagneront grâce à une montée en gamme, grâce à la réputation de qualité de l'agriculture et de la cuisine françaises. Car à l'étranger, dans beaucoup de pays, nous assistons à l'émergence d'une grande classe moyenne qui viendra augmenter la demande de produits alimentaires manufacturés de qualité.

Ce positionnement nécessite donc, de même que sur le marché national, une véritable montée en gamme.

Afin d'éviter cette logique d'une alimentation low cost, il me semble nécessaire de réfléchir à une évolution des rapports entre la grande distribution et l'industrie agroalimentaire. Monsieur le ministre, ma question est donc simple : envisagez-vous prochainement une évolution de la loi de modernisation de l'économie, très attendue par les agriculteurs et l'industrie agroalimentaire, afin de rééquilibrer le rapport de force ? C'est un enjeu important pour l'agriculture, pour l'industrie agroalimentaire, pour l'emploi et pour le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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Merci, monsieur Verdier, pour votre clarté tout en sobriété, puisque vous n'avez pas utilisé l'intégralité de votre temps de parole…

La parole est à M. Marc Le Fur.

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Monsieur le ministre, vous l'avez parfaitement dit, l'actualité récente nous interpelle. Tout ce qui s'est passé, ce qui a heurté l'opinion, doit nous faire réagir : non seulement à l'occasion d'un débat, c'est une première étape qu'il faut saluer, mais encore en prenant des décisions qui sont attendues.

Le scandale intervient également à un moment où nos producteurs se trouvent dans une situation particulièrement périlleuse, vous le savez : qu'il s'agisse de viande bovine, porcine ou ovine, ils sont tous confrontés à des difficultés majeures. La volaille n'y échappe pas.

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Outre les producteurs, c'est le monde salarié de l'agroalimentaire qui est en crise : 500 000 emplois, oui, mais dont des dizaines de milliers qui sont aujourd'hui menacés.

Il nous faut donc tirer les conséquences de ce scandale, surfer en quelque sorte sur cet événement pour progresser, comme nous l'avons fait souvent et comme l'Europe a pour habitude de le faire.

Ce n'est pas moi qui le dit, c'est le Président de la République, qui a demandé que soit obligatoire, à terme, l'étiquetage des viandes insérées dans les produits cuisinés. Voilà une mesure qu'il faut traduire en actes, c'est notre devoir et cela doit nous rassembler. Les propos que j'ai entendus précédemment semblent le confirmer.

Il ne faut pas se limiter à une position de principe, à une exhortation, mais aller vers des mesures concrètes. Je souhaite à cette tribune ouvrir le débat, d'autant qu'à mon initiative, plus de soixante parlementaires des groupes UMP et UDI ont déposé une proposition de loi visant à améliorer l'information du consommateur sur l'origine des viandes fraîches, mais aussi sur celle des viandes utilisées comme ingrédients d'un produit alimentaire transformé. Cela vaut également pour les abats, puisque nous savons qu'il y a des débats particuliers à ce propos.

Cette proposition de loi n° 808 du 13 mars 2013 est désormais sur le bureau de l'Assemblée nationale, abordons-la donc. Notre texte a pour objectif de rendre obligatoire l'étiquetage de l'origine nationale des viandes. Nous ne serions plus dans une logique d'incitation, mais dans une logique d'obligation.

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Cela vaut pour la viande fraîche, pour la viande surgelée ou conservée, cela vaut aussi pour toutes les viandes transformées. Regardons les publicités : peu importe la marque, nous y voyons des mentions telles que « transformé en France », « élaboré en France ». C'est justement ce dont nous ne voulons pas.

Ma proposition de loi est très simple. Pour chaque plat cuisiné, il faudra préciser le type d'animal, le lieu où il est né, le lieu où il a été élevé, le lieu où il été abattu et le lieu où il a été transformé. Voilà quelque chose de simple qui devrait nous rassembler.

Peu ou prou, ce que je dis au sujet de la viande devrait valoir pour le poisson, même si c'est plus compliqué : les poissons vendus par les pêcheurs français peuvent provenir de mers lointaines. Mais il faut prévoir aussi pour le poisson un système de ce genre.

Quelque chose me choque, depuis des années : c'est que le label made in France vaille pour les produits industriels, mais non pour les produits alimentaires. Nous avons un ministre qui promeut le made in France en s'habillant en tenue bretonne – ce qui me réjouit d'ailleurs (Sourires) : il faut que nous sachions aussi promouvoir le made in France dans le domaine de l'alimentation.

Pas de loi bavarde : une loi ferme, claire, qui sache sanctionner. J'ai bien entendu, monsieur le ministre, votre propos sur les sanctions.

Ce qui est en jeu, au-delà de l'intérêt bien compris du consommateur, c'est l'emploi. Il faut que le consommateur sache d'où vient le produit qu'il achète, mais il faut aussi que le producteur soit défendu.

Il y a un point particulier : celui de la charcuterie. Il s'agit d'un produit élaboré qui souvent associe différents types de viandes. Je me suis fait communiquer les chiffres les plus précis possibles : aujourd'hui, 15 % des saucisses et saucissons élaborés en France le sont à partir de viandes et de pièces importées. Et 30 % des jambons consommés en France sont produits à partir d'animaux importés.

Quel est l'état de notre droit ? La loi de modernisation agricole avait fixé des objectifs, sans les traduire concrètement, je l'admets. Nous avons progressé, les orateurs précédents l'ont dit, dans le domaine de la viande bovine. Rappelons que nous avons progressé à l'occasion de la crise de l'ESB : c'est parce qu'il y a eu cette crise que la situation a évolué. Nous sommes confrontés à une nouvelle crise, sachons évoluer.

Que les choses soient bien claires : en matière de viande fraîche, autant nous avons progressé s'agissant de la viande bovine, autant nous sommes encore à mi-chemin s'agissant des autres viandes, en particulier de la viande porcine.

Mon souci est que la mesure proposée ne soit pas une possibilité, une faculté, une tolérance, mais bien une obligation. Quand on interroge l'opinion sur ce point – je vous renvoie à l'étude Shopper publiée par France Agrimer en juillet 2012 –, on constate que les consommateurs sont d'accord.

Il y a également des études dans plusieurs pays européens, et l'on constate que les opinions publiques de ces pays partagent notre vision, ce qui peut paraître surprenant, mais est une réalité. Nous sommes confrontés à une exigence forte, qui doit se traduire par une contrainte.

Il s'agit de rassembler les intérêts des consommateurs et ceux des producteurs. Ces deux mondes se sont dissociés parce qu'entre eux deux il y a désormais la grande distribution, le hard discount et les produits élaborés. Il s'agit de revenir à une logique de commerce équitable, aujourd'hui présente dans des discours généreux, mais qu'il faut traduire concrètement.

C'est une exigence économique. Je me permets d'insister sur ce point : nous sommes aujourd'hui confrontés à une concurrence allemande extrêmement vive. Rappelons-nous, à la création de l'Europe, il y avait un compromis assez simple : à l'Allemagne l'industrie, à la France l'agriculture et l'agroalimentaire, et nous avons vécu sur cette base pendant de nombreuses années. Ce compromis n'existe plus : l'Allemagne a désormais la main dans le domaine industriel, mais aussi dans les domaines agricole et agroalimentaire. Il faut que nous sachions revenir à des réalités plus favorables à notre pays. Prenons par exemple la production porcine : l'Allemagne il y a peu était importatrice, les Allemands sont de grands consommateurs de viande porcine. Aujourd'hui, ils sont exportateurs : ils abattent 60 millions de porcs quand nous en abattons 25 millions. La différence s'est faite très vite, sur des questions de compétitivité.

Il en va de même pour la volaille. Vous m'avez associé à de multiples réunions et je vous en remercie, monsieur le ministre : 40 % de la volaille est importée. Mais regardons les choses de plus près. Si nous parlons de la volaille fraîche, le taux d'importation tombe à 13 % : le consommateur, à l'étal, a globalement de la viande française. Mais dans les plats préparés, 63 % des viandes sont importées, d'Europe et parfois de beaucoup plus loin, puisque la Thaïlande nous fournit des volailles.

J'attends donc du Gouvernement qu'on aille très clairement vers une réglementation européenne et nationale. L'idée est d'avancer de conserve, mais il y a un moment où la France doit donner le la, doit peut-être aller à la limite de la contravention par rapport aux règles européennes, pour que nous sachions défendre les intérêts conjugués du consommateur et du producteur.

C'est un pas que nous devons faire. Nous savons bien, car c'est classique, qu'un certain nombre de pays du nord de l'Europe défendent une autre logique, parce que ce sont des pays structurellement importateurs et commerçants, alors que nous sommes d'abord des producteurs, attachés à un terroir. Il n'empêche, il faut que nous avancions très clairement.

Cette avancée doit se faire avec l'ensemble des acteurs de la filière, cela va de soi. Nous devons la faire de manière rassemblée et ce débat, organisé à l'initiative du groupe RRDP que je salue, est une contribution positive, à condition que ce débat soit un premier pas, au lieu d'aboutir à une impasse.

Vous avez sur la table notre proposition de loi. Elle est très claire : il s'agit d'identifier, pour les viandes fraîches, pour les produits transformés, le lieu où est né l'animal, celui où il a été élevé, celui il été abattu, celui où il a été transformé. Ce sont des choses très simples.

L'objectif n'est pas seulement de défendre l'intérêt des consommateurs – ce qui serait certes suffisant –, mais de préserver ceux des producteurs et des salariés. Vous savez mon inquiétude pour l'emploi dans l'agroalimentaire, la seule industrie qui a créé de l'emploi ces dix dernières années en France : nous assistons au mouvement inverse, vous le savez bien, monsieur le ministre. Nous avons l'occasion de réagir, nous avons l'occasion de créer un made in France dans le domaine alimentaire : saisissons cette occasion !

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Madame la présidente, cher monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour débattre d'un sujet d'une acuité toute particulière, celui de la traçabilité des produits alimentaires.

Le groupe UDI se réjouit de l'inscription de ce débat à l'ordre du jour de nos travaux, dans le contexte de défiance qui ne cesse de grandir, scandale après scandale, et qui, malheureusement, ternit chaque jour un peu plus l'image de l'ensemble de l'industrie agroalimentaire.

Viande de cheval retrouvée dans des produits alimentaires surgelés en lieu et place de la viande de boeuf, réintroduction des farines animales en France, matières fécales retrouvées dans des tartes d'un grand magasin d'ameublement, découverte de 57 tonnes de viande de mouton britannique préparée selon un procédé interdit : bref, depuis quelques semaines, l'actualité est continuellement rythmée par ces scandales à répétition qui alertent l'ensemble des citoyens européens sur la traçabilité de la chaîne de fabrication des produits alimentaires et ravivent, dès lors, le spectre de l'affaire de la vache folle – épizootie qui se situait, vous vous en souvenez, monsieur le ministre, dans notre cher département de la Mayenne. Pis, ces événements contribuent à jeter l'opprobre sur l'ensemble des acteurs de l'agroalimentaire et sur les circuits d'approvisionnement de cette industrie.

Dans ce contexte, nous considérons que deux écueils doivent être évités.

Le premier serait de céder à une forme de psychose collective, par défiance à l'encontre de l'ensemble de la filière, alors même que notre industrie agroalimentaire constitue un atout fondamental pour notre pays dans la période de crise qui nous frappe depuis près de cinq ans. Nous en savons quelque chose, nous, monsieur le ministre, qui sommes issus d'un département, la Mayenne, où l'agroalimentaire est l'un des piliers de l'économie locale.

Avec 155 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2011, elle détient la première place sur le marché français, devant des activités industrielles de premier plan comme la métallurgie et la transformation des métaux, la construction automobile, l'aéronautique ou la chimie. Plus de 10 000 entreprises et 500 000 salariés contribuent à la placer dans le trio de tête européen, entre l'Allemagne et le Royaume Uni. À l'heure où notre déficit extérieur atteint des niveaux records, elle avoisine 7 milliards d'euros d'excédent commercial. Elle est une chance pour la France.

Enfin, l'industrie agroalimentaire se délocalise peu, puisque 80 % des produits alimentaires consommés en France sont fabriqués au niveau national.

Vous le voyez, il est absolument indispensable de préserver et de valoriser la filière agroalimentaire française et d'affirmer, ici, que les récents scandales alimentaires ne doivent pas jeter le discrédit sur l'ensemble des professionnels qui effectuent un travail admirable au service de notre économie et des dizaines de millions de consommateurs qu'ils nourrissent quotidiennement.

J'en viens au second écueil qu'il nous faut impérativement éviter pour réhabiliter la filière aux yeux des consommateurs : celui qui consisterait à ne rien faire. Car les scandales que j'évoquais à l'instant ont mis en exergue l'insuffisance de la législation européenne dans le domaine du contrôle, de la traçabilité et de l'information des consommateurs sur le contenu, mais aussi sur la provenance de l'ensemble des aliments contenus dans les produits qu'ils consomment.

La pleine information et le bien-être du consommateur doivent être garantis pour lui permettre d'effectuer un choix éclairé, de mieux identifier l'aliment en vue d'un usage approprié et de parvenir à choisir les denrées répondant à ses propres besoins ou désirs alimentaires. Ils doivent également lui offrir la possibilité de connaître la provenance exacte de tous les éléments constitutifs des aliments, en particulier pour les plats préparés, et aussi leur qualité nutritionnelle.

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Et vous avez raison, monsieur le ministre, de souligner que c'est aussi un enjeu de justice sociale.

Face à la multiplication des intermédiaires dans le processus de fabrication des aliments, notamment des plats cuisinés, il est tout aussi indispensable de réformer les missions des autorités chargées de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires au niveau européen, afin qu'elles soient en mesure de mener des contrôles renforcés.

Pour atteindre ces objectifs, les groupes UDI de l'Assemblée et UDI-UC du Sénat ont pris des initiatives fortes pour faire toute la lumière sur les récents événements qui ont secoué la filière viande en France et en Europe, tout en proposant les pistes d'une réforme ambitieuse au niveau européen pour l'ensemble de la filière agroalimentaire.

Le groupe centriste du Sénat a obtenu la mise en place d'une mission commune d'information intitulée « La filière viande en France et en Europe : élevage, abattage et distribution ». Cette dernière débutera prochainement ses travaux, et elle devra déboucher sur des pistes de réforme de la filière afin qu'une affaire Findus ou Spanghero ne se reproduise plus.

Nous avons également déposé, conjointement avec nos collègues sénateurs, une proposition de résolution européenne tendant à la création pour le consommateur d'un droit à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation. Nous avons donc sollicité la commission des affaires européennes de l'Assemblée, afin qu'elle l'examine prochainement, et nous espérons pouvoir en débattre au plus vite en séance publique.

Je tiens à vous en présenter les principales dispositions car elles répondent aux grands enjeux posés par ce débat sur la traçabilité alimentaire et constituent autant de leviers d'action, que nous vous appelons solennellement, monsieur le ministre, à utiliser pour restaurer la confiance dans l'agroalimentaire au niveau européen.

Cette résolution vise à renforcer trois mots d'ordre : sécurité, traçabilité et transparence, afin que nos concitoyens n'aient plus à s'inquiéter au quotidien des conséquences de leurs choix alimentaires. Nous proposons la création d'un nouveau droit : le droit du consommateur européen à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation. Ce droit se traduira par un étiquetage obligatoire indiquant la provenance de tous les aliments, en particulier la viande qui entre dans la composition des plats préparés, comme ce qui existe actuellement pour les produits frais et la viande vendue à la découpe.

Nous demandons une réforme des autorités européennes chargées du contrôle des denrées alimentaires, tout en insistant sur la nécessité d'oeuvrer pour une réelle harmonisation des politiques de sécurité alimentaire.

Dans le domaine des farines animales, nous demandons qu'un moratoire soit décrété au niveau européen sur la possibilité de les utiliser dès juin 2013 pour l'alimentation des poissons d'élevage et nous appelons les autorités européennes à ne prendre aucune nouvelle décision d'autorisation de protéines animales transformées.

À la lumière des précédentes interventions, je suis convaincu que notre texte recueillera un large soutien dans cet hémicycle, et que nous pourrons ainsi envoyer un message fort aux autorités européennes afin qu'elles engagent dès demain les adaptations normatives nécessaires.

Ce défi de la traçabilité alimentaire qui ne peut trouver une issue favorable qu'à l'échelle européenne, ne doit pas exonérer la France de sa responsabilité. Je me réjouis que vous l'ayez souligné dans votre intervention. Notre pays doit mettre en oeuvre une législation adaptée sur le territoire national afin d'être à l'avant-garde au niveau européen. Je m'accorde avec les objectifs de la proposition de loi de notre collègue Marc Le Fur.

Par ailleurs, l'explosion du nombre d'intermédiaires dans le processus de fabrication des produits alimentaires doit nous interpeller sur la nécessité de favoriser autant que possible les circuits courts caractérisés par un rapprochement du producteur et du consommateur au niveau local.

À l'heure du made in France, imposons le made in terroir (Sourires) : éliminons les intermédiaires, appuyons-nous sur l'excellence de nos produits agricoles, favorisons le réseau de distribution rapprochée. La Mayenne, vous le savez, monsieur le ministre, est exemplaire dans ce domaine.

Il ne peut y avoir de polémiques sur un sujet qui vise à valoriser nos agriculteurs et à renforcer la confiance des consommateurs envers tous les acteurs de la filière agroalimentaire française. Battez-vous de toutes vos forces au niveau européen pour opérer les ajustements indispensables à la réhabilitation de notre industrie agroalimentaire aux yeux des consommateurs, à travers une information accrue et des contrôles renforcés sur les produits alimentaires. Comme vous, j'affirme que c'est aussi toute la fierté, l'image, la notoriété de la gastronomie française qui sont en jeu dans ce débat.

Soyez assuré que le groupe UDI vous soutiendra dans cette démarche qui, une fois accomplie, transformera les événements de ces dernières semaines en un mauvais souvenir.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie nos collègues du groupe RRDP d'avoir été réactifs pour demander ce débat sur la traçabilité alimentaire, et je remercie le ministre Guillaume Garot d'être venu répondre aux interrogations des députés ici présents.

Les nombreuses propositions de loi ou de résolution déposées par tous les groupes politiques à la suite des récents événements démontrent, s'il en était besoin, la vigilance des parlementaires sur un sujet dont la société s'est emparée.

Le maître mot ici doit être de redonner la confiance aux consommateurs.

Dans la nouvelle période de scandale que nous sommes en train de vivre, qui mélange à la fois manque de transparence, avec l'affaire de la viande de cheval, et risque sanitaire, avec l'autorisation des farines animales, la question centrale, comme l'a montré l'étude de Gilles-Éric Séralini sur les OGM, est de savoir comment garantir la sécurité et, si je puis dire, la confiance alimentaire.

Les consommateurs ont des attentes légitimes quant aux produits qui leur sont vendus. Ils font confiance aux autorités sanitaires et à la loi : quand on leur propose des lasagnes au boeuf, ils ne s'attendent pas à ce qu'il y ait du cheval ; quand on leur propose des légumes, ils ne s'attendent à ingurgiter des doses inimaginables de pesticides ; quand on leur propose des nuggets, ils ne s'attendent pas à ce qu'ils soient constitués de peaux et d'abats de poulet ; quand on leur propose du saumon, ils ne s'attendent pas à ce qu'ils soient nourris aux farines de porc, bourrés d'antibiotiques et colorés pour avoir un aspect plus attrayant.

La liste pourrait être longue. J'entends simplement, ici, souligner que les consommateurs se sentent protégés par les règlements, par la loi. Quand ils découvrent que les pratiques de l'agroalimentaire ne sont pas du tout celles qu'ils imaginaient, ils se sentent trompés et ils ont raison.

Certes, le facteur prix est indiscutable dans le choix des produits en supermarché, mais pas pour n'importe quel produit. Viser à proposer des prix toujours plus bas, c'est pénaliser toute la chaîne : le producteur qui ne s'y retrouve plus – inutile de faire un dessin sur l'état de la filière de l'élevage en France aujourd'hui – ; le transformateur qui perd son savoir-faire au détriment de pratiques agro-industrielles ; le consommateur qui est floué et dont la santé est parfois mise en danger. Le lien et la confiance entre ces acteurs sont perdus.

Il y a un minimum de critères de production à respecter, de relations commerciales à assainir et d'information à apporter. Une éthique des produits, des pratiques et des espèces animales et humaine doivent être réinstaurées : on ne nourrit pas des vaches avec des vaches ; on n'alimentera pas des humains avec des sous-produits.

Pour cela, la traçabilité est au coeur de ce processus. Elle est nécessaire afin de connaître les étapes de la production d'un bien, afin que chaque acteur soit responsable de ses pratiques, et que l'État puisse remonter la filière rapidement à la suite d'un incident, comme c'est régulièrement le cas, lors d'alertes de retrait de produits alimentaires, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le ministre.

L'Europe et la France ont, sur ce point, été pionnières, en mettant en place un système sérieux de traçabilité alimentaire, répondant alors à la crise sanitaire de la vache folle. Le paquet « Hygiène » adopté en 2004 repose sur la responsabilité et l'autocontrôle des producteurs et des fabricants, et sur une surveillance des autorités publiques. Le règlement « Food law » ou encore la création de l'Autorité européenne de sécurité des aliments ont fini de compléter le dispositif.

Je dirais même que la traçabilité est un service d'intérêt général qui est malheureusement parfois délaissé. La baisse des effectifs des inspecteurs – de 15 % à la DGCCRF et de 20 %, en sept ans, à la direction générale de l'alimentation – a laissé le champ libre aux industries agroalimentaires qui ont pris certaines largesses dans l'autocontrôle. Il est indispensable de rétablir un contrôle public fort.

Cela fait vingt ans que la traçabilité est brandie comme une réponse magique aux problèmes de sécurité. On en voit aujourd'hui les limites : la traçabilité alimentaire est une condition nécessaire mais non suffisante pour garantir la sécurité sanitaire des produits. C'est pourquoi je demanderai dans les prochains jours la constitution d'une commission d'enquête sur l'impact sanitaire et environnemental des fraudes, dysfonctionnements et excès de la filière alimentaire.

Pourrait être mis en place, au-delà de la réglementation existante, un étiquetage beaucoup plus précis pour le consommateur : provenance de toutes les viandes, quel que soit leur état – fraîches, transformées, congelées… –, étiquetage sur le type d'élevage des animaux, à l'image de ce qu'il se fait pour les oeufs – batterie, plein air, bio. Ces mesures permettraient de lutter contre l'opacité des circuits passant par des paradis fiscaux ou sociaux et de favoriser les filières françaises et locales. Le coût économique de cette opération n'est pas négligeable non plus : on éviterait les coûts exorbitants d'un suivi sanitaire de produits mondialisés.

Soyons raisonnables, relocalisons la chaîne alimentaire. Nous avons énormément à gagner, d'un point de vue environnemental, économique et social, à produire, transformer et consommer en France. Soyons raisonnables, et arrêtons de courir après des chimères d'une industrie agroalimentaire française qui nourrirait la planète à bas coûts. Soyons raisonnables, ne laissons pas les maîtres de la distribution dicter leur loi du moins-disant, asservissant producteurs et transformateurs à des pratiques sans éthique.

Certaines pratiques de la filière alimentaire d'aujourd'hui sont les scandales de demain. Ces excès du quotidien sont favorisés par des circuits opaques, une spéculation financière à outrance, et des études partiales rendues par des agences sanitaires privées ou publiques minées de conflits d'intérêts patents. Je pense aux OGM et aux farines animales dans l'alimentation animale, à l'effet cocktail des pesticides dans nos végétaux, aux canettes et boîtes de conserve qui contiennent un grave perturbateur endocrinien, le bisphénol A, contre lequel le Parlement européen vient de demander une législation d'urgence, à l'aspartame, qui est encore trop utilisé, ou encore au recours excessif des antibiotiques chez les animaux – en février, l'exposition du bétail aux antibiotiques a augmenté de 12,5 % !

Des études récentes font le lien entre ces pratiques et les maladies de notre siècle que sont les cancers et les maladies neurodégénératives, comme la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques ou la maladie d'Alzheimer. Ces pratiques ont également de graves conséquences sur l'environnement, puisque la contamination des eaux crée aujourd'hui des problèmes environnementaux et sanitaires.

La situation est grave, tant les lobbies sont puissants, les gouvernements passifs et les risques pour la société importants. Nous devrions, monsieur le ministre, nous atteler à ce chantier avant qu'il ne soit trop tard, et j'espère que vous apporterez des réponses à nos questions qui, vous l'aurez compris, vont au-delà de la seule traçabilité. Votre intervention de tout à l'heure me fait penser que nous aurons ces réponses dans peu de temps.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur la traçabilité alimentaire qui nous réunit cet après-midi est essentiel pour nos concitoyens. En témoigne l'accumulation des scandales récents, qui furent très médiatisés, peut-être même excessivement.

Permettez à une députée élue dans un département rural du Sud-Ouest reconnu pour sa qualité de vie d'exprimer une conviction intime : l'alimentation est une composante majeure de notre art de vivre à la française.

Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure que l'aliment n'est pas un produit comme un autre, et vous avez raison. Pour ma part, j'ai l'habitude de dire, à cette tribune, que c'est le médicament qui n'est pas un produit comme un autre. Eh bien, se nourrir, c'est comme aller voir son médecin : cela nécessite un véritable rapport de confiance. Les scandales récents de traçabilité ne sont évidemment pas des scandales sanitaires, comme celui de la vache folle. Il faut être clair sur ce point et ne pas confondre les questions de sécurité sanitaire et la fraude sur la nature des ingrédients, comme beaucoup l'ont fait. Ceci dit, si l'on a rapproché ce scandale de celui de la vache folle, c'est parce que, dans les deux cas, les consommateurs ont eu le sentiment d'être trompés.

C'est cette rupture de confiance qui provoque aujourd'hui la chute brutale des ventes de produits préparés. On a entendu dire, notamment parmi les industriels, qu'il n'y avait aucun problème de traçabilité. Ces affaires démontreraient même, au contraire, l'efficacité des mécanismes de traçabilité, puisque l'on a pu remonter rapidement le circuit un peu insensé conduisant du cheval jusqu'au plat mis en rayon dans les supermarchés.

Au sens strictement technique du mot « traçabilité », dans son acception étroite, ce raisonnement est en partie exact. Mais pour avoir confiance, ce qui importe, c'est de savoir ce qu'on a dans son assiette. Pour rétablir cette confiance, nous devons d'abord faire la lumière sur plusieurs failles révélées par les scandales, en particulier sur la problématique des contrôles et de l'étiquetage.

J'aurai à coeur, monsieur le ministre, de vous faire, dans un deuxième temps, une proposition sur la promotion des circuits courts et de la production locale.

Si c'est en France que le premier scandale a éclaté, nous ne sommes pas les seuls à être touchés : les scandales se sont propagés très vite dans presque tous les pays d'Europe, la Suède, le Portugal, la Grande-Bretagne et l'Autriche, et ont même touché la Russie et l'Asie. Cela donne une idée de la dimension européenne, et plus largement internationale du problème. Par ailleurs, presque tous les produits sont concernés : après l'affaire des lasagnes, qui a mis le feu aux poudres, on a constaté des fraudes dans les boulettes de viande, les raviolis, et j'en oublie…

La traçabilité des produits est devenue une question politique et économique complexe et le groupe RRDP salue l'action du Gouvernement, qui a géré en urgence le retrait des produits concernés et lancé des enquêtes, qui ont donné leurs premiers résultats.

Il n'y a malheureusement pas de baguette magique pour régler les problèmes plus structurels qui sont apparus au grand jour, mais devons-nous pour autant rester passifs ? Bien évidemment, non. Nous avons des marges de manoeuvre et nous devons faire le maximum pour garantir la traçabilité, comme nous garantissons déjà avec succès, vous l'avez dit, monsieur le ministre, la sécurité sanitaire.

Aujourd'hui, les règlements communautaires prônent l'autocontrôle au détriment des contrôles officiels publics, et nous devons, c'est certain, faire confiance aux producteurs et aux industriels, dont les contrôles sont indispensables. Les pouvoirs publics jouent leur rôle en définissant des standards et en soumettant les entreprises à des processus de certification. Les contrôles inopinés coûtent cher et sont donc nécessairement limités. Les entreprises, notamment les marques bien connues, ont besoin, pour prospérer, de la confiance des consommateurs.

Ce système, théoriquement vertueux, postule que les entreprises risquent trop gros pour avoir intérêt à tricher. On suppose donc qu'elles contrôlent suffisamment leurs produits en interne. Cela dit, la baisse relative, et continue, de la part des contrôles officiels publics, n'est pas satisfaisante. Nous devons trouver les moyens de rééquilibrer la balance entre la part des contrôles publics des autorités sanitaires et celle des autocontrôles internes. Il conviendrait d'ailleurs de distinguer les contrôles de produits frais des contrôles des produits transformés.

La réglementation en matière d'hygiène alimentaire a été nettement améliorée en 2006, avec la législation européenne dite « Paquet Hygiène », qui comprend cinq règlements et deux directives. Théoriquement, cette réglementation harmonise le niveau de sécurité sanitaire des aliments en Europe, en imposant les mêmes obligations à tous les acteurs de la chaîne alimentaire – pour la viande, par exemple, depuis l'élevage jusqu'au consommateur.

En France, c'est l'Agence nationale sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail qui a pour mission de veiller et d'alerter, de mener des recherches et de proposer des mesures d'urgence en cas d'alerte sanitaire. Si l'ANSES est une agence digne de confiance, les experts ne pensent pas autant de bien de plusieurs de ses homologues européens.

Dans le cas du scandale qui a touché Findus, nous avons appris que les fameux minerais de viande n'ont jamais fait l'objet de contrôles ADN par une agence sanitaire. Seule la sécurité sanitaire est parfois contrôlée. Les carcasses transformées en minerais ne se prêtent absolument pas à des contrôles de traçabilité, puisque trente à quarante vaches différentes peuvent composer le « minerai » surgelé. Il est par conséquent impossible d'identifier la vache à l'origine d'un éventuel problème sanitaire.

Pour les produits transformés, la législation reste donc largement incomplète, et les contrôles insuffisants. Le constat du manque de moyens humains est unanimement partagé, aussi bien à la DGCCRF qu'à l'ANSES. Or, monsieur le ministre, au cours des cinq dernières années, du fait de la révision générale des politiques publiques, la DGCCRF est passée de 3 500 à 3 000 agents, perdant notamment 350 agents sur le terrain. Permettez-nous de croire dans votre volonté de mettre en oeuvre le changement sur ce point précis. Redéployons les effectifs là où ils sont nécessaires.

Mais la confiance dans l'alimentation, ce n'est pas seulement une question de personnel. Garantir la traçabilité, c'est aussi une question d'étiquetage des produits. Or les différences constatées entre les produits bruts et les produits transformés en matière d'exigence sont tout aussi criantes en matière d'étiquetage.

Le scandale sanitaire de la « vache folle » avait débouché sur l'obligation d'étiqueter la viande fraîche bovine, ovine et porcine. Mais s'agissant des produits transformés, quel retard ! Le consommateur peut savoir d'où vient le filet de poulet qu'il achète chez son boucher, ou même au rayon boucherie de son supermarché, mais il n'a à peu près aucune information sur le poulet utilisé dans son sandwich, dans ses nuggets ou dans son poulet basquaise surgelé – sans parler des OGM.

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Dans ces conditions, la traçabilité est presque inexistante. Il paraît évident que si Findus avait eu l'obligation de mentionner la provenance nationale de la viande, l'entreprise n'aurait jamais pris le risque d'écrire « boeuf roumain » sur l'emballage des lasagnes. Non : Findus se serait fourni en France.

Les éleveurs français appellent de leurs voeux cet étiquetage national, car ils sont soumis à des contrôles sanitaires plus contraignants que leurs concurrents étrangers, même européens. Si la réglementation est la même dans l'ensemble de l'Union, nous savons qu'elle est interprétée et appliquée différemment selon les États. Nos éleveurs ne veulent plus que l'on se contente d'indiquer la mention UE sur les viandes : ils demandent une mention nationale.

La Commission européenne est pour l'instant opposée à cette mention, qu'elle considère comme une entrave à la libre circulation des marchandises en Europe, et les États membres sont quant à eux partagés. Une bonne partie d'entre eux subit la pression des industriels, qui veulent continuer à avoir les mains libres sur leurs approvisionnements.

Monsieur le ministre, le Gouvernement s'est plusieurs fois exprimé dans cet hémicycle pour nous manifester sa volonté de mener un combat au niveau européen pour plus de transparence sur les étiquettes des produits transformés. Nous comptons sur vous pour relayer à nouveau cette préoccupation forte de nos territoires.

Je tiens à vous parler, pour finir, d'un exemple que je connais bien, la production du Lot, et celle du Sud-Ouest de manière plus générale. Nos circuits courts, nos labels et appellations ne sont pas suffisamment soutenus.

Monsieur le ministre, je sais que vous êtes un défenseur de la qualité et que les circuits courts vous tiennent à coeur. Dans le Lot, l'agneau du Quercy, qui a un label, est reconnu comme une production de grande qualité, mais qui perçoit que l'agneau néo-zélandais qu'il côtoie dans les rayons de la grande distribution a été abattu plusieurs semaines auparavant, transporté par bateau et conservé chimiquement ? La promotion et la protection des labels, indications géographiques de provenance et appellations d'origine contrôlée, doivent faire l'objet d'une action prioritaire du Gouvernement et de l'ensemble des pouvoirs publics, afin de mettre en valeur ces différences de qualité.

Ces labels ont un effet positif pour nos meilleures productions : c'est le cas de l'IGP du melon du Quercy, de l'AOC du vin de Cahors, comme de celle du Rocamadour. D'autres productions de qualité attendent encore leur appellation, comme le Croustilot et tant d'autres produits français, qui souffrent d'une concurrence déloyale.

Concernant les circuits courts, je sais bien qu'ils ne sont pas la solution définitive à tous les problèmes et qu'ils constituent une part marginale de la vente des produits alimentaires, mais ils sont une partie non négligeable de la réponse qui s'impose. C'est aussi une question de bon sens : il s'agit par là de faire vivre des territoires, d'améliorer le bilan carbone en économisant des millions de tonnes de kérosène, et de garantir la traçabilité. La proximité entre producteurs et consommateurs rétablit la confiance et la sécurité.

Nous avons connu un timide plan de soutien aux circuits courts en 2009, mais, pour améliorer la captation de valeur au bénéfice de la production, nous devons faire mieux et favoriser les ventes collectives, les ventes à la ferme et les marchés de producteurs de pays, qui répondent à un certain nombre d'exigences. Ils fournissent des produits de terroir et de tradition, répondent à l'exigence d'authenticité et de fraîcheur et permettent de connaître les produits et leurs modes de fabrication.

Dans nos départements ruraux, ils jouent un rôle fondamental dans le maintien d'une agriculture à taille humaine et présentent aussi un intérêt touristique. Monsieur le ministre, je vous lance un appel : mettez en oeuvre un plan de soutien ambitieux à ces productions locales. Ma demande n'est nullement inspirée par une nostalgie empreinte de romantisme. Elle répond à des exigences de traçabilité et vise à restaurer la confiance de nos concitoyens dans ce qu'ils mangent, en créant un climat de sécurité, de transparence et de justice alimentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, l'affaire de la viande de cheval dans les lasagnes au boeuf, puis la récente découverte de 57 tonnes de viande de mouton importées frauduleusement de Grande-Bretagne, sèment le trouble chez nos concitoyens. Un sondage réalisé par l'IFOP en février montre que 64 % des personnes interrogées considèrent qu'en dix ans la qualité des produits alimentaires en France s'est plutôt détériorée.

Face à ces affaires, les discours oscillent depuis des semaines entre catastrophisme et relativisme. À l'image du Gouvernement qui a efficacement géré cette crise, nous devons faire preuve de mesure, de lucidité et d'ambition.

Nous devons d'abord faire preuve de mesure, car ces scandales ne signifient pas que l'ensemble de nos mécanismes de protection et de surveillance est bon à jeter. Le système de traçabilité mis en place par la législation communautaire après la crise de la vache folle a plutôt bien fonctionné. En effet, en quelques jours, les autorités ont réussi à identifier les responsabilités, malgré la complexité et la multiplicité des intermédiaires. Mais il s'agit là de la traçabilité des entreprises, et non des produits : elle permet de savoir qui a produit, mais pas comment on a produit.

Nous devons faire preuve de lucidité, ensuite, car ces affaires ont permis à nos concitoyens de se rendre compte que les produits alimentaires sont traités sur le marché européen ou mondialisé comme des marchandises ordinaires, ce qui est une absurdité, étant donné la nature particulière de ces produits. Le système actuel dérégulé, fondé sur la libre circulation et la réalisation des profits, favorise l'émergence de circuits d'approvisionnement très complexes, faisant intervenir de multiples intermédiaires, qui n'apportent bien souvent aucune valeur ajoutée au produit.

Or, en multipliant les maillons de cette chaîne complexe, on augmente les probabilités d'être confrontés à ce genre de fraudes. Le système actuel crée donc les conditions de réalisation de ces manipulations. Dire cela, n'en déplaise aux apôtres de la mondialisation heureuse, ce n'est pas condamner la mondialisation, ni prôner le repli sur soi. Personne ici n'est hostile au commerce international des aliments, qui existe depuis des siècles. Nous n'avons d'ailleurs aucun intérêt à ce qu'il s'affaiblisse, puisque notre pays est une importante puissance agricole et dispose d'un secteur agroalimentaire très dynamique.

Nous devons, enfin, avoir de l'ambition, car il ne faut pas abdiquer face aux dérives du système. Je salue les mesures et les initiatives prises par le Gouvernement, mais pour reprendre la main, l'État doit placer les consommateurs au centre du système et leur donner les moyens d'arbitrer.

Selon Condorcet, il n'y a pas de liberté pour l'ignorant. Pour qu'un consommateur puisse comparer et choisir, il faut qu'il en ait les moyens. La réglementation communautaire prévoit actuellement que le consommateur est responsable de ses choix alimentaires, de ce qu'il va manger. Mais en réalité, il n'en a pas les moyens. Pour choisir son alimentation encore faut-il être correctement informé. Un consommateur bien informé est un consommateur mieux protégé.

Nos yeux sont actuellement rivés sur l'origine de la viande entrant dans la composition de plats préparés. Mais comme vous le savez, monsieur le ministre, l'Union européenne n'impose pas non plus d'étiquetage particulier pour les produits issus d'animaux nourris aux OGM.

De plus, il y a quelques semaines, la Commission européenne annonçait l'autorisation de l'usage de farines animales dans l'aquaculture. Tout cela doit inviter la représentation nationale à s'interroger sur le système européen de protection des consommateurs.

Le consommateur doit avoir le droit de connaître les conditions d'élevage des produits qu'il consomme. Ainsi, il pourra effectuer un choix éclairé suivant sa culture, ses convictions sociales ou encore écologiques.

Je souhaiterai donc savoir, monsieur le ministre, si cette question de l'information des consommateurs est actuellement bien prise en compte par les groupes de travail que vous avez réunis, et connaître les pistes de travail envisagées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, on ne peut que se réjouir de la tenue de ce débat cet après-midi. À titre personnel, je m'en réjouis d'autant plus que, depuis une quinzaine d'années, je travaille sur la question des abattoirs dans l'Hérault. C'est un sujet très important.

Aujourd'hui, notre agriculture doit faire face à un défi mondial : nourrir plus de 9 milliards d'individus à l'horizon 2050. Les agriculteurs vont donc devoir maintenir un niveau de production important, en s'adaptant à de nouvelles formes environnementales et en préservant la qualité des produits. Les attentes et les exigences sont nombreuses, il est de notre ressort d'accompagner et de soutenir ces agriculteurs pour relever un tel défi.

Il y a plus de soixante ans, Georges Orwell écrivait : « Nous pourrions bien nous apercevoir un jour que les aliments en conserve sont des armes bien plus meurtrières que les mitrailleuses. »

Nous ne pourrons empêcher la réalisation de cette prophétie qu'en accompagnant et en encadrant les agriculteurs, les abatteurs et les distributeurs. Il faut que notre alimentation soit respectueuse des contraintes environnementales et sanitaires, tout en veillant à ce que cela soit compatible avec la viabilité économique pour l'ensemble des acteurs.

La traçabilité alimentaire est un défi que notre société doit relever. Un nombre important d'intermédiaires peut constituer un frein à une bonne visibilité de la production, et un obstacle à l'information des consommateurs car la traçabilité devient complexe. Les logiques du premier prix doivent nous interpeller.

Pour éviter ces dérives, il faut agir en amont et vérifier la qualité des produits dès l'origine. Je pense notamment, pour les éleveurs, à l'alimentation des animaux qui doit être exemplaire pour offrir ensuite un produit fiable.

La crise de la vache folle, dans les années 1990, a marqué les esprits. Il est nécessaire de rester mobilisés pour la vérification des aliments à toutes les étapes de la filière. Cela passe également par la valorisation du travail des exploitations et des entreprises qui mettent en place une agriculture raisonnée. Ces démarches globales de gestion d'exploitation visent, au-delà du respect de la réglementation, à renforcer les impacts positifs des pratiques agricoles en matière d'environnement, et à en réduire les effets négatifs.

Dans ma circonscription de l'Hérault, j'ai rencontré de nombreux agriculteurs qui travaillent sans faille à mettre en place des pratiques raisonnées, notamment les AOP et les IGP, dans les secteurs du vin, de la viande, des légumes, des fruits, du miel ou des fromages, tels que les pélardons de mon petit village de Pégairolles-de-l'Escalette, où je vous invite quand vous le voulez, monsieur le ministre. Les produits proposés sont de grande qualité, et respectueux de l'environnement.

Lorsque l'on se penche sur la traçabilité alimentaire, la clarté et la qualité, il faut penser au mode de distribution en circuit court ou semi-court. Appliqués à la filière alimentaire, les circuits courts permettent de réduire le nombre d'intermédiaires dans la distribution, et d'offrir des produits artisanaux sur des terroirs de qualité.

Les circuits courts entretiennent un rapport de confiance avec les consommateurs. Ils connaissent un essor de plus en plus important. Cette démarche met en valeur les territoires et leurs produits. Les producteurs locaux utilisent de plus en plus ces modes de commercialisation.

En outre, ce système permet également de sauvegarder nos savoir-faire et nos emplois. Le secteur agroalimentaire, ce sont 500 000 emplois, et 90 % des entreprises sont de très petites entreprises. L'enjeu de la traçabilité alimentaire est d'intégrer une notion de proximité tout au long de la chaîne de l'alimentation. Une stratégie de circuit court renforce le système alimentaire, réduit les kilomètres entre le lieu de production et le lieu de consommation et donc les coûts et les émissions de gaz à effet de serre.

Le développement des circuits courts est toutefois limité par le manque d'abattoirs de proximité. De nombreux abattoirs sont éclatés sur notre territoire et répondent à des exigences de quantité plutôt qu'au souci de proximité. Le mode de fonctionnement et les équilibres d'abattage doivent s'adapter aux logiques nouvelles, et les abattoirs proposent souvent de grands volumes. Les difficultés économiques et les exigences sanitaires ont progressivement entraîné la fermeture de nombreux abattoirs locaux, qui constituaient des services publics.

Paradoxalement, les circuits courts de proximité sont en plein développement et la demande n'a jamais été aussi forte. Il faut aller encore plus loin pour que les produits puissent être mieux étiquetés, de façon simple et claire, et pour que les consommateurs soient informés sur ce qu'ils achètent. Il faut soutenir les filières alimentaires qui privilégient un nombre restreint d'intermédiaires tout en proposant des produits locaux de qualité.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser si vous souhaitez encourager le développement d'une agriculture durable, appuyée sur une stratégie de valorisation commerciale de proximité dans un rayon de 150 à 300 kilomètres, ce qui est la formule la plus aisément garante de transparence ? Au niveau de l'abattage et de la découpe, souhaitez-vous favoriser un abattage de proximité ? Enfin, êtes-vous favorable à un étiquetage valorisant clairement les circuits courts et semi-courts, ainsi que la proximité, qui mentionnerait la région de transformation d'origine de la matière première du produit commercialisé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, tandis que le récent scandale de la viande de cheval continue de révéler chaque jour son lot de surprises, ce débat vient à point nommé.

Ce scandale a mis en lumière la mauvaise information des consommateurs et a fait émerger les questions d'étiquetage et de traçabilité des aliments qui se retrouvent dans nos assiettes. Il révèle au grand jour les failles d'un système de production de viande « bon marché » et les pratiques de certains sous-traitants de l'industrie agroalimentaire peu soucieux du respect des règles et des normes en vigueur. Il montre la nécessité de mettre à plat les règles qui existent afin d'éliminer les failles dans lesquelles certains s'engouffrent, quitte à mettre en danger la santé du consommateur.

Si la France est l'un des pays où les règles relatives à la traçabilité sont les plus strictes et fiables du monde, la mondialisation des filières de l'agroalimentaire ne permet pas un total contrôle sur ce que nous mangeons.

L'enjeu, aujourd'hui, c'est la transparence, sur tous les produits, y compris transformés. En effet, si l'étiquetage de l'origine est obligatoire pour les produits bruts, il ne l'est pas pour les produits transformés.

Ainsi, le minerai de viande destiné à la fabrication de viandes hachées utilisées dans les plats cuisinés provient du monde entier, sans étiquetage et sans identification. Les poulets composant les nuggets ou autres escalopes panées peuvent aussi venir du Brésil.

Dans un système qui se mondialise, il est fondamental d'aboutir à une obligation européenne visant à indiquer sur l'étiquette le pays d'origine de la viande incorporée dans toutes les préparations et produits à base de viande et dans les plats cuisinés, accompagnée d'une harmonisation de la surveillance, de contrôles réguliers et de sanctions plus fortes.

Monsieur le ministre, je sais que vous avez rapidement réagi, et que vous avez rencontré les professionnels de l'agroalimentaire afin d'améliorer et de garantir la qualité et la traçabilité des plats cuisinés à base de viande. Les contrôles de la DGCCRF ont été renforcés et c'est très bien pour rassurer le consommateur, qui boude les plats à base de viande.

Mais ce scandale a eu de lourdes conséquences économiques pour les quelque 870 entreprises du secteur qui emploient près de 20 000 personnes dans l'ensemble de l'Hexagone, sous-traitants des marques ou des grandes surfaces produisant en marque libre. Avec, en moyenne, vingt-deux salariés par entreprise, ces dernières sont vulnérables à tout mouvement de baisse des commandes.

Telle est le cas de l'entreprise Fraisnor implantée à Feuchy, dans le Pas-de-Calais, dont vous avez rencontré les salariés début mars. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réactivité et votre soutien aux salariés en détresse. Cette entreprise de 125 salariés se retrouve en liquidation judiciaire faute de commandes suffisantes. Elle est spécialisée dans la fabrication de lasagnes fraîches. Cette belle entreprise de l'agroalimentaire, moderne, bien équipée, dotée d'un personnel bien formé, a vu sa production plonger de près de 70 % depuis le scandale. Elle n'est pas la seule, hélas ! En période de crise, l'État doit pouvoir aider ces entreprises mises à mal par un scandale dont elles ne sont pas responsables.

Il convient de mettre en avant les démarches qui ont été entreprises pour l'emploi dans le secteur de l'alimentation : vingt-deux référents régionaux de l'industrie agroalimentaire ont été installés. Leur mission consiste à répondre à toutes les questions, à tous les problèmes qui se posent aux entreprises.

Selon l'ANIA, il existe aujourd'hui environ 10 000 emplois à pourvoir dans le secteur agroalimentaire alors que nous perdons des emplois dans plusieurs filières. Un plan emploi très concret devrait bientôt être présenté. L'État et les professionnels vont s'engager sur des objectifs chiffrés. Il faut conserver, consolider et créer des emplois grâce aux contrats de générations, aux contrats d'avenir, et à l'apprentissage. C'est un plan ambitieux, qui tend également à revaloriser les emplois du secteur, et donc à les promouvoir et à améliorer certaines conditions de travail. Mais, malgré les démarches volontaires engagées en France, dont l'objectif est le renforcement de la transparence et de l'information du consommateur, et malgré les engagements des grandes enseignes françaises de la distribution de n'utiliser que de la viande 100 % française, cela ne suffit plus à redonner confiance au consommateur. Il faudra également en passer par une européanisation des politiques en la matière.

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour qu'il y ait, à l'échelle de l'Europe, une réelle prise de conscience de la nécessité d'un étiquetage européen de l'origine des viandes dans les plats préparés, afin que de tels scandales ne se reproduisent plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier mon ami Frédéric Roig, qui a bien voulu me céder cinq minutes sur son temps de parole.

Monsieur le ministre, vous ne serez pas étonné de mon souhait de m'exprimer à cette tribune, compte tenu du sérieux du sujet traité et de ses conséquences. Comme l'ont fait mes collègues, j'attire votre attention sur les conséquences de l'opacité des circuits de distribution de l'industrie agroalimentaire. Elle s'appuie sur le principe de l'achat aux cours les plus bas, afin de réaliser la meilleure marge bénéficiaire. Cela entraîne les dérives constatées dans le cadre d'un système bien établi à l'échelle européenne, voire mondiale.

Qui sont les victimes de ces trafics et de ces dérives honteuses ? Nous avons eu, monsieur le ministre, l'occasion de rencontrer certaines d'entre elles puisque Castelnaudary se trouve dans ma circonscription. J'ai donc pu percevoir le désarroi de ces familles, de ces hommes et femmes salariés de l'une de ces entreprises dont on a tant parlé, qui sont les victimes de ces comportements à caractère mafieux. Ce sont des pratiques à bannir, mais en avons-nous les moyens ? Vous nous le direz peut-être tout à l'heure, monsieur le ministre.

Je veux également évoquer la situation des éleveurs de nos montagnes, qui sont soumis à une pression terrible en matière de prix d'achat. Les difficultés qu'ils doivent affronter quotidiennement sont connues de tous et peuvent les acculer à la faillite, voire au suicide.

Enfin, le consommateur – c'est-à-dire nous-mêmes – est trompé, abusé, car il paie au prix fort des sous-produits. À qui profite le crime ?

Monsieur le ministre, l'encombrement de l'actualité ne doit surtout pas faire oublier trop rapidement ce dossier et cette pratique scandaleuse.

Je souhaite, monsieur le ministre, que nous ayons une réflexion de fond permettant de nous impliquer dans le développement des circuits courts. Il y a certainement des efforts à faire, car ce développement est porteur d'aménagements du territoire favorisant l'installation des jeunes agriculteurs et jeunes éleveurs, ainsi que le maintien des populations actives dans la ruralité. Les circuits courts doivent également conforter l'existence des abattoirs de territoire, des abattoirs de proximité – je crois que mon ami Frédéric Roig y a fait allusion tout à l'heure ; personnellement, je pense à celui de Quillan, au pied du massif des Pyrénées. Je crois, monsieur le ministre, que la meilleure garantie en matière de traçabilité et de qualité de l'alimentation consiste à aller vers ce type de distribution et ces circuits de proximité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - Permalien
Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, pour conclure ce débat, je veux d'abord vous dire combien j'ai apprécié le niveau de nos échanges, la qualité de vos interventions et même la technicité de vos propos. Ces débats font honneur à notre République : sur une question aussi essentielle que l'alimentation, nous savons en effet répondre ensemble à l'attente et à l'exigence des Français, en traitant avec le sérieux qui convient des sujets complexes qui engagent l'avenir de notre société et de notre pays, mais toujours dans un contexte européen. Je veux vous remercier très sincèrement de la qualité de ces échanges.

À bien vous écouter, je me dis que la réponse que nous devons apporter ensemble à la crise de confiance que nous constatons entre les Français et leur alimentation tient en trois points : plus de contrôle, plus d'information et plus de qualité.

Plus de contrôle, d'abord. Je veux répondre en quelques mots aux propositions et sollicitations de certains – ou plutôt certaines – d'entre vous ; je pense en particulier à Mme Girardin, qui a exprimé l'idée de la mise en place d'une commission. Je veux marquer l'intérêt du Gouvernement pour cette proposition. Au cours des prochaines semaines, nous aurons bien évidemment à continuer à travailler ensemble sur ces sujets, afin de trouver les bonnes réponses et d'être dans l'action concrète, parce que c'est ce qui est attendu de nous aujourd'hui.

Mme Girardin – comme Mme Fraisse, d'ailleurs – expliquait qu'un grand nombre d'intermédiaires intervenaient dans le processus, et que nous devrions être capables d'y remettre un peu d'ordre. J'insiste sur ce point, et je pense en particulier à la profession des traders, ces intermédiaires qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations que les autres acteurs de la chaîne alimentaire, notamment en matière sanitaire. Nous aurons à faire évoluer les obligations des traders, qui ne sont pas suffisantes aujourd'hui – c'est un combat que nous devons mener au niveau européen –, toujours pour la même raison : l'alimentation n'étant pas une marchandise comme les autres, les obligations, notamment sanitaires, doivent s'imposer à chacun des acteurs de la chaîne alimentaire. Avec Stéphane Le Foll, nous porterons ce débat au niveau européen. Je prends cet engagement devant vous aujourd'hui, car il y a eu des défaillances dans le fonctionnement du système, dans son organisation au niveau européen comme dans le cadre du marché intérieur. Il est donc indispensable d'avancer et de poser des actes clairs, ne serait-ce que pour montrer à l'ensemble des consommateurs européens que nous tirons toutes les leçons de la crise que nous vivons.

S'agissant des contrôles, certains ont appelé – c'est le cas d'une très grande majorité d'entre vous, si ce n'est de l'unanimité – à renforcer toujours nos contrôles vétérinaires. Je vois d'abord cette proposition comme une marque de confiance dans le service public français et à l'égard de nos vétérinaires, qui oeuvrent chaque jour avec beaucoup de conscience professionnelle, de rigueur et d'efficacité pour garantir la sécurité sanitaire. Il s'agit de l'une des priorités du Gouvernement : nous l'avons inscrite dans le budget 2013 et vous aurez, mesdames et messieurs les députés, à reprendre ce débat lors de la discussion du PLF pour 2014. Vous savez que le Gouvernement est très attaché au maintien, partout sur nos territoires, dans nos départements et nos régions, de services vétérinaires compétents et efficaces.

J'en viens maintenant au deuxième point que vous avez été très nombreux à évoquer : la question de la transparence. Comment améliorer l'information des consommateurs ? Je veux d'abord rappeler ce qui n'est pas permis en l'état actuel du droit européen. La combinaison des différentes dispositions européennes en matière d'étiquetage, de présentation des denrées alimentaires et de publicité empêche actuellement de rendre obligatoire l'étiquetage de la mention du pays d'origine. C'est cela qui doit changer.

Avec Benoît Hamon et Stéphane Le Foll, nous avons mené ce combat au niveau européen, et le commissaire Borg nous a répondu très récemment en annonçant un plan d'action en cinq points, dont l'un porte sur l'étiquetage de l'origine.

Cet étiquetage est aujourd'hui obligatoire pour la viande de boeuf mais, comme le disait M. le député Le Fur, nous souhaitons et nous nous sommes battus pour que cette obligation puisse désormais être étendue aux autres viandes fraîches, c'est-à-dire aux petits ruminants, au porc et aux volailles. J'en fais aujourd'hui l'annonce devant la représentation nationale : cette extension sera réalisée d'ici à décembre 2013.

Debut de section - Permalien
Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire

Nous progressons parce que nous nous sommes battus.

S'agissant de l'extension de la mention de l'origine aux plats préparés – vous savez que c'est un combat que nous avons mené –, la Commission présentera son rapport d'ici l'automne. Cette étape est très importante, puisqu'il s'agit d'une étude d'impact qui constitue un préalable indispensable à la prise de décision. Nous aurions souhaité que la présentation de ce rapport intervienne plus tôt, mais la Commission a proposé de le faire d'ici l'automne de cette année 2013 : là aussi, nous avançons.

Enfin, toujours s'agissant de la mention de l'origine, nous avons porté le débat sur l'extension de cette obligation au lait, aux produits laitiers et à tout ingrédient entrant pour plus de 50 % dans la composition de ces produits. La Commission propose que cette extension soit rendue possible sur la base d'un rapport publié d'ici à décembre 2014. Les produits laitiers feront donc l'objet d'une deuxième étape, en 2014. Mais quoi qu'il en soit, nous aurons avancé sur les viandes dès 2013, puisque c'est dans ce domaine que la confiance doit être restaurée sans délai.

Voilà ce que je peux aujourd'hui répondre aux parlementaires qui, de façon tout à fait légitime et pertinente, souhaitent davantage de transparence et d'information au bénéfice des consommateurs.

Enfin, le dernier point concerne la qualité. Comment améliorer la qualité des produits préparés, des produits transformés et, plus généralement, de l'alimentation ? Beaucoup d'entre vous – Mme Allain, M. Roig, Mme Orliac, Mme Maquet – ont mis en avant les circuits courts. Je partage cette volonté de donner toute leur place aux circuits courts, même si je préfère parler de circuits de proximité. Car ce qui définit le « circuit court », c'est le fait qu'il y ait un seul intermédiaire. Or, cela peut être le cas alors même qu'il y a 2 000 kilomètres entre le lieu de production et le lieu d'achat par le consommateur.

Il reste que, au-delà de ces débats sémantiques, plus de 20 % des exploitants français sont aujourd'hui engagés dans une démarche de valorisation des circuits de proximité.

Debut de section - Permalien
Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire

C'est important, parce qu'il s'agit d'un vrai modèle économique, qui consolide l'emploi sur nos territoires. Cela mérite vraiment que l'on s'y intéresse, et que l'on donne à ces exploitants et à ces producteurs tous les outils possibles pour qu'ils soient bien armés, bien accompagnés et bien formés dans un contexte de concurrence commerciale très rude.

Dans le cadre de la prochaine loi d'avenir, vous aurez, mesdames et messieurs les députés, à vous exprimer sur ce sujet, à prendre position et sans doute aussi à faire des propositions – je pense en particulier à des amendements que vous ne manquerez pas de présenter sur cette question très importante, dont dépend l'existence d'un véritable lien de confiance entre les Français et leur alimentation.

Je veux évidemment donner toute leur place aux circuits de proximité, mais je ne suis pas de ceux qui affirment que les circuits courts sont l'unique réponse au besoin de confiance et de qualité. On ne peut, en effet, pas considérer que la qualité est uniquement l'apanage de ces circuits de proximité. Si notre ambition est de valoriser une alimentation de qualité pour l'ensemble des Français, elle vaut pour les circuits de proximité comme pour les industries alimentaires. Je ne veux pas opposer les circuits de proximité et l'industrie alimentaire. Je considère que l'exigence de qualité s'adresse à l'ensemble des producteurs alimentaires de notre pays, qu'ils soient producteurs sur des circuits courts ou entreprises du secteur alimentaire. Il est essentiel de tenir les deux bouts de la chaîne. Il ne peut pas y avoir dans notre pays une alimentation réservée à une élite, à ceux qui en auraient les moyens, et une alimentation moins exigeante en termes de qualité pour tous les autres. Ce n'est pas possible. En tout cas, ce n'est pas ma politique. Valorisons les circuits courts, mais renforçons surtout l'exigence de qualité pour l'ensemble de la chaîne alimentaire.

Certains d'entre vous, notamment M. Verdier, ont cité la loi de modernisation de l'économie votée en 2008. On en mesure aujourd'hui les résultats. Ceux-ci ne sont pas fameux du point de vue des producteurs et des entreprises, des PME, et en particulier des industries alimentaires. Le juste équilibre tout au long de la chaîne alimentaire n'a pas été trouvé. Les producteurs et les entreprises de l'industrie alimentaire se disent parfois étranglés et ne peuvent plus dégager les marges suffisantes pour investir, donc pour tout simplement continuer à vivre. Cela signifie que nous devrons revoir, et dès les prochaines semaines, cette loi de modernisation de l'économie pour parvenir à un nouvel équilibre permettant à chacun de s'y retrouver et de vivre de son travail. Il s'agira, si cela se révèle nécessaire, de modifications ou d'adaptations d'ordre législatif. Ce sera indiscutablement aussi des adaptations réglementaires pour préciser certains dispositifs, pour les améliorer ou les corriger s'ils sont incertains ou négatifs. Quoi qu'il en soit, nous devrons parvenir à un nouvel équilibre permettant aux producteurs, aux transformateurs et aux distributeurs de vivre, et ce en ayant toujours le souci de protéger le pouvoir d'achat des consommateurs. Il est évidemment, là aussi, indispensable d'avoir une vision cohérente de l'ensemble des équilibres économiques. Je suis convaincu que nous pourrons y parvenir. À écouter les uns et les autres, je me dis qu'il pourra y avoir des convergences de vues et, je l'espère, de votes sur ces sujets aussi importants.

Je dirai un mot de l'emploi. Beaucoup d'entre vous et, en particulier, par Mme Maquet, MM. Favennec et Dupré, l'ont évoqué. Cette question est évidemment au coeur de ces problématiques. Il ne peut pas y avoir, aujourd'hui, de production, donc d'emplois à la production s'il n'y a pas, à proximité, d'unités de transformation. Il n'y a donc pas d'agriculture viable et durable sans industrie alimentaire viable et durable.

Debut de section - Permalien
Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire

L'inverse est tout aussi vrai. Nous devons, par conséquent, avoir à coeur de protéger les emplois existants. Je pense en particulier aux salariés des entreprises directement mises en cause dans les affaires que nous connaissons. Ces salariés sont aussi, d'une certaine façon, les victimes, les premières victimes de ces dysfonctionnements, de ces dérives et de ces pratiques frauduleuses. Nous devons donc être à leurs côtés et nous battre avec la même énergie pour qu'ils aient confiance en l'avenir, pour qu'ils soient rassurés sur leur propre avenir. C'est tout le sens des démarches et des combats que nous menons aujourd'hui à leurs côtés. L'emploi agricole et l'emploi dans les industries alimentaires sont évidemment une préoccupation majeure de votre gouvernement.

Nous devons nous attacher à promouvoir et à améliorer le modèle alimentaire français, afin de garantir à chaque Français, à chaque consommateur, à chaque citoyen, une assiette pleine, une assiette sûre et une assiette saine. C'est évidemment décisif et cela doit nous rassembler. Je porte cette exigence et cette ambition parce que je considère que cela répond à une attente de nos concitoyens et que c'est un atout formidable pour les industries alimentaires françaises. Nous savons que ce modèle alimentaire français, que nous devons améliorer en permanence, est aussi une référence dans le monde entier. Il permet à nos entreprises d'être présentes sur les marchés internationaux, et en particulier sur les marchés émergents. Je veux vous dire ma confiance dans le travail de nos salariés, de nos producteurs et de nos entreprises. Ils portent l'excellence française, laquelle est exigeante. Nous devons être à la hauteur de cette excellence. Nous devons tirer, et nous tirerons ensemble toutes les leçons – je dis bien toutes les leçons – de la crise que nous traversons.

Je veux, pour conclure, vous dire ma confiance, mon optimisme parce que je sais que nous y parviendrons ensemble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle le débat sur la politique de la ville et la rénovation urbaine.

La parole est à M. Francis Vercamer, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre chargé de la ville, mes chers et nombreux collègues (Sourires), avec Jean-Louis Borloo, le groupe UDI a souhaité mettre à l'ordre du jour de notre assemblée un nouveau débat sur la politique de la ville.

Un mois et demi après la clôture de la concertation nationale pour la réforme de la politique de la ville, un mois après les déclarations du Premier ministre à l'occasion du dernier comité interministériel des villes, il nous semble nécessaire que la représentation nationale échange sur les enjeux de nos quartiers fragiles. Il ne s'agit donc pas d'un énième débat. Acteurs de terrain, nous mesurons tous, en effet, que la politique de la ville a franchi un cap et qu'elle doit maintenant se renouveler.

Nous voulons, avec ce débat, poser les enjeux, partager les axes d'une action décisive des pouvoirs publics sur ces enjeux, déterminer quels outils sont indispensables pour y parvenir, et bien sûr éclaircir la question des moyens qui seront investis.

La politique de la ville a trente ans.

Depuis trente ans, bon nombre de ministres se sont succédé, de nombreux moyens ont été déployés, une multitude de plans divers ont été mis en oeuvre. Pourtant, les résultats ne sont toujours pas à la hauteur de ce qui était escompté.

Aujourd'hui, la politique de la ville concerne 8 millions de Français, vivant dans des quartiers où la crise économique que nous traversons se fait sentir davantage qu'ailleurs. Le taux de chômage y est toujours deux fois plus élevé, les inégalités y sont plus durement ressenties qu'ailleurs, et une personne sur trois y vit sous le seuil de pauvreté.

Dans ces quartiers, la politique de la ville devrait être le pilier essentiel d'une action qui, par son ambition et ses résultats, puisse contribuer à la cohésion sociale.

Comment expliquer alors que trente ans de politique de la ville n'aient pu venir à bout des inégalités sociales et économiques dans nos quartiers ?

Comment expliquer que la politique de la ville soit devenue un labyrinthe dont on se demande s'il a une issue ?

Comment expliquer que la politique de la ville soit devenue le symbole de cette « République impuissante » dénoncée dans leur rapport en 2010 par nos collègues François Pupponi et François Goulard ?

En trente ans, la politique de la ville a, de façon incontestable, mobilisé les énergies, multiplié les partenariats, mis à contribution l'État, les collectivités locales, les bailleurs, les associations et même les habitants.

Elle a aussi consisté, dans le même temps, à définir des zonages, à multiplier les dispositifs mal articulés, à les empiler, au point de devenir une politique extrêmement complexe qui, faute d'objectifs clairement définis, n'a pu démontrer son efficacité.

En trente ans, la politique de la ville, qui se voulait interministérielle, est devenue une politique publique à part entière, laissant trop souvent les politiques de droit commun tourner le dos aux quartiers dits prioritaires.

Député du Nord, monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion de vous entendre lors du lancement de la grande concertation à Roubaix. J'y ai ressenti une sincère volonté de porter une réforme de la politique de la ville, pour répondre à l'impatience des acteurs locaux et nationaux. J'ai aussi entendu votre discours de clôture, le 31 janvier dernier, où vous vous félicitiez de la densité des heures de réunion de travail, des 700 cahiers d'acteurs reçus, des grandes « rencontres avis citoyens » Mais, élu de cette assemblée depuis 2002 et maire d'une commune qui fait partie de tous les dispositifs de la politique de la ville depuis 1983, j'ai aussi le souvenir d'avoir entendu nombre de vos prédécesseurs annoncer avec la même sincérité, le même dynamisme et le même enthousiasme, l'importante concertation qui a fini, malheureusement, par rimer avec désillusion.

Le groupe UDI espère que, cette fois, fort des nombreux rapports qui se sont succédé et de la grande concertation, qui parvient, globalement, aux mêmes conclusions que les précédentes, le Gouvernement prendra des mesures fortes pour s'attaquer aux causes des problèmes dans les banlieues.

Si, parmi les vingt-sept mesures reprises par le CIV, certaines peuvent nous laisser perplexes quant à leur capacité à réformer la politique de la ville, nous saluons les cinq engagements pris par le Gouvernement autour de la construction de la politique de la ville, de la territorialisation des politiques de droit commun, de la rénovation du cadre de vie, de la mobilisation des interventions publiques, et bien sûr de la lutte contre les discriminations.

Nous regrettons toutefois que ce nouveau plan d'action ne soit pas plus ambitieux, plus audacieux et plus déterminé.

De l'imagination, de l'audace, de l'ambition, des moyens nouveaux, tels sont les ingrédients qui ont fait le succès de la dernière grande réforme de la politique de la ville, initiée par Jean-Louis Borloo il y a dix ans déjà, avec le lancement du vaste chantier de la rénovation urbaine.

À l'époque, difficile de croire que ce plan national de rénovation urbaine allait changer la vie des quartiers. Dix ans après, nul ne peut contester que la rénovation urbaine a sonné comme une véritable révolution urbaine, en additionnant les volontés locales, en désenclavant les quartiers, en cassant des barres, en améliorant l'habitat, en ramenant de nouveaux services aux publics dans les quartiers.

Ce sont ainsi 594 quartiers qui ont changé de visage et près de 4 millions d'habitants qui ont repris ou sont en train de reprendre le chemin de la citoyenneté, 45 milliards ont été investis dans les quartiers, dont 12,3 milliards apportés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, pour reconstruire ou réhabiliter les logements, moderniser les écoles et les équipements publics, redéfinir et aménager les espaces, bref, faire de ces quartiers des quartiers comme les autres.

Les résultats du PNRU sont positifs, même s'il reste beaucoup à faire. L'action engagée par l'Agence nationale de rénovation urbaine a donné lieu à d'incontestables succès, reconnus de façon unanime par tous les élus locaux, de toutes tendances confondues, mais aussi et surtout par les habitants des quartiers concernés.

Le groupe UDI se félicite d'ailleurs que le comité interministériel se soit engagé à mobiliser les ressources nécessaires pour mener à bien l'actuel plan et ait décidé, par là même, de reporter l'échéance de fin 2013 à fin 2015. Il est essentiel, en effet, que tous les projets puissent être menés à leur terme.

Si certains projets tardent à sortir de terre, pour d'autres, l'heure est venue d'en mesurer l'impact. Il est indispensable d'apprécier les transformations engagées dans les quartiers, de réfléchir à la pérennité des investissements réalisés, d'imaginer des actions à mener pour maintenir le lien social, essentiel dans les quartiers, et sortir les populations de leurs difficultés.

Il est inimaginable, et il serait même totalement irresponsable, de ne pas mettre en oeuvre un plan d'action qui assure que les efforts consentis à hauteur de tant de milliards soient confortés. En aucun cas nous ne pouvons prendre le risque de voir le renouveau des quartiers s'effondrer sous prétexte que leur PRU est « physiquement » terminé, car c'est après le projet de rénovation urbaine que tout commence. Ainsi, il est de notre devoir de conforter ce qui a été réalisé.

Monsieur le ministre, votre prédécesseur avait désigné plusieurs sites expérimentaux pour assurer la sortie progressive du dispositif des PRU, avec l'élaboration de plans stratégiques locaux qui, en particulier, organisent le relais avec les politiques de droit commun.

Maire de Hem, engagé dans un projet intercommunal de rénovation urbaine avec Roubaix, je peux vous dire que l'ensemble des partenaires ont contribué à l'élaboration de ce PSL. C'est un beau document, ce sont de belles intentions. Son seul problème, et non des moindres, est qu'il n'exige pas un engagement formel des partenaires, tant sur le plan humain que le plan financier.

Vous me permettrez de prendre l'exemple que je connais le mieux, celui de la ville dont je suis maire.

Au coeur du quartier en rénovation urbaine, a été construite et implantée une maison de l'emploi et des services publics, qui réunit sur un seul site mission locale, PLIE, agence locale de Pôle emploi, ainsi que d'autres services publics comme l'agence locale de l'assurance maladie.

Comment expliquer aux habitants et aux élus locaux, que, pour le fonctionnement et les actions de cette maison de l'emploi, l'État m'annonce pour 2013 une baisse très significative des subventions ?

Comment expliquer au centre social, acteur incontournable du quartier, qu'après qu'a été construit un tout nouveau bâtiment pour accueillir ses activités, il risque de perdre de lourds financements de la CAF et d'arrêter de nombreuses activités ?

Comment expliquer aux habitants, qui ont la mémoire d'un quartier où la sécurité était devenue la préoccupation première, que la zone de sécurité prioritaire de Roubaix récemment décidée par le ministre de l'intérieur s'arrête juste aux portes de la ville, sur une géographie différente ?

Comment expliquer que, cette année encore, en dépit du « changement », il faut toujours se battre pour maintenir des postes d'enseignants dans des écoles du réseau ÉCLAIR, des écoles toutes neuves financées par la rénovation urbaine, alors que les classes de maternelles comportent vingt-huit élèves, et que l'échec scolaire n'est pas qu'un slogan ?

Là se pose le problème de la mobilisation des politiques publiques traditionnelles, incapables de différencier le traitement d'un quartier et de tenir compte du chemin parcouru et des efforts réalisés.

Monsieur le ministre, il est extrêmement important de poursuivre l'action au sein de ces quartiers rénovés et de ne pas trop vite s'en détourner sous prétexte que le bâti s'est amélioré. Souvent, la situation, bien qu'elle se soit améliorée, reste fragile. Les habitants restent les mêmes, avec leurs difficultés et leur volonté d'en sortir leur famille.

Il faut peu de chose pour déstabiliser durablement, voire anéantir des années d'efforts continus. C'est pourquoi le groupe UDI encourage le Gouvernement à donner un caractère contractuel au plan stratégique local, avec des engagements précis des partenaires, qui leur soient opposables, exigeant ainsi l'implication des politiques sectorielles de droit commun.

De même, face au succès de la rénovation urbaine, l'État ne peut rester indifférent à la situation de certains quartiers limitrophes, qui n'ont pas eu le même traitement, alors qu'ils avaient les mêmes difficultés et les mêmes stigmates. L'autre côté de la rue n'est pas dissimulé derrière un infranchissable Mur de Berlin. Les habitants des quartiers jouxtant les quartiers rénovés, qui vivent souvent avec les mêmes problèmes sociaux, dans des logements vieillissants et inadaptés, avec les mêmes espaces publics dégradés et mal définis, ont un sentiment d'injustice renforçant un sentiment d'abandon qu'il faut à tout prix corriger.

C'est dans cet esprit, et pour ne pas laisser des territoires en marge, que le groupe UDI appelle de ses voeux la concrétisation d'un plan national de renouvellement urbain, acte II, avec des objectifs aussi ambitieux. Elle devra s'appuyer sur une simplification administrative que chacun souhaite, mais surtout sur une volonté forte, celle de changer les quartiers, de réduire les inégalités et de redonner de l'espoir aux habitants.

Il ne s'agit pas de multiplier la dépense publique, mais il s'agit d'un investissement public qui nous permettra en outre, forts de l'expérience passée, de relancer l'insertion des populations dans le milieu du travail. Les moyens engagés pour rénover, reloger, mieux former révéleront le potentiel de talents et de créativité, d'esprit d'initiative et d'entreprise qui font d'ores et déjà la richesse des quartiers et contribueront demain à notre dynamisme économique.

Si le programme de rénovation urbaine est un volet très visible et symbolique de la politique de la ville, gardons à l'esprit que, dans ces quartiers, vivent des hommes, des femmes, des jeunes et des enfants qu'il faut accompagner massivement pour les mener vers l'emploi et la réussite scolaire, pour assurer la tranquillité urbaine, lutter contre les addictions et favoriser le bien-vivre ensemble.

Dans ces quartiers plus qu'ailleurs, l'emploi doit être au coeur de nos préoccupations. Malheureusement, sans activité économique, il n'y a pas d'emplois.

Depuis 1996, la politique des zones franches urbaines a démontré son efficacité pour la revitalisation économique des quartiers et l'accès à l'emploi des publics qui en étaient éloignés.

Député de Roubaix, je mesure le succès de la zone franche urbaine dans une ville qui a perdu des milliers d'emplois en raison de la crise du textile et qui, grâce à la zone franche, a su relever la tête avec la redynamisation de son territoire et la création de près de 5 000 emplois.

Monsieur le ministre, le groupe UDI est attaché à ce dispositif, qui a fait ses preuves. Nous en connaissons aussi les limites, que ce soit en termes d'effets d'aubaine ou d'adéquation entre l'offre et la demande d'emplois.

Nous sommes conscients que l'état de nos finances publiques oblige à faire des choix responsables.

La zone franche est un outil d'attractivité qui ne peut produire pleinement ses effets que si elle est combinée avec des politiques actives de mise à l'emploi, d'insertion, de formation, de GPEC territoriale, portées par les acteurs de l'emploi : Pôle emploi, maison de l'emploi, mission locale, plan local pour l'insertion et l'emploi, et j'en passe. L'accès à l'emploi est aussi conditionné par des actions fortes pour désenclaver les quartiers et favoriser la mobilité, en particulier via les transports collectifs. Au-delà des emplois francs, quelles initiatives comptez-vous prendre pour favoriser le dynamisme économique des territoires et permettre aux habitants des quartiers de trouver un emploi ?

En ce qui concerne la refonte de la géographie prioritaire, vous avez manifesté votre volonté de réduire le nombre de zones urbaines. Nous vous y encourageons,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…car il est plus que jamais nécessaire de concentrer les moyens sur les quartiers qui en ont le plus besoin.

Cela dit, la redéfinition de cette géographie prioritaire inquiète fortement les élus locaux, tant ses conséquences peuvent être lourdes pour certains territoires. Inutile de rappeler que les collectivités ayant des quartiers en difficulté sont souvent pauvres, voire extrêmement pauvres.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Pas toutes !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Or il ne se passe pas un jour sans que le Gouvernement nous annonce qu'il va falloir faire des économies. Il ne se passe pas un jour sans qu'il annonce que les collectivités territoriales devront contribuer à la mise en oeuvre de réformes coûteuses – à l'image de celle des rythmes scolaires – ou contribuer, par solidarité, à l'équilibre des finances publiques par le biais de la baisse des dotations d'État, principale source de financement des collectivités concernées par la politique de la ville.

Aussi, il est impératif, dans la future géographie prioritaire, de prendre en compte les capacités financières des communes et de s'appuyer sur des critères sociaux,…

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…tels que le taux de chômage, le nombre des bénéficiaires de minima sociaux, le nombre d'élèves en échec scolaire, de jeunes déscolarisés, de logements sociaux ; et ces critères devront être confortés par des indicateurs spécifiques au quartier, tels que le nombre de bénéficiaires de la CMU-C ou encore les faits de violences urbaines témoignant de l'ambiance du quartier.

De même, il est essentiel que les quartiers qui n'auront plus droit au label « prioritaire » continuent à être accompagnés et bénéficient d'une attention particulière de l'État et des collectivités impliquées, car nous savons tous que ces quartiers demeurent fragiles.

Enfin, la future politique de la ville devra s'appuyer sur un trio constitué par le préfet, le président de l'établissement public de coopération intercommunale et le maire, lequel sera relégué, d'après ce que j'ai compris, au rôle de simple opérateur.

Si l'approche de la politique de la ville par l'intercommunalité se justifie pour garantir la solidarité des territoires et une cohérence dans l'action, il est indispensable que le maire reste au coeur du dispositif. D'ailleurs, le récent rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles met en garde contre le recours plus grand à l'intercommunalité, le risque étant que l'investissement des élus locaux soit moindre. L'Observatoire précise que la forte mobilisation des maires et des élus locaux explique en partie le succès de la dynamique des programmes nationaux de rénovation urbaine.

Qui mieux que le maire peut prétendre connaître la situation des quartiers ? Qui est plus légitime que le maire pour rencontrer les habitants ? Qui est plus légitime pour porter, devant les habitants et avec eux, les aménagements et les actions à engager dans le quartier pour améliorer le cadre de vie, développer l'offre de services et maintenir le lien social ? Monsieur le ministre, le groupe UDI est attaché au rôle du maire dans la politique de la ville, à son rôle de proximité, et souhaite que son rôle soit conforté dans la gestion des moyens d'intervention dédiés à la politique de la ville.

Enfin, l'opacité de la politique de la ville s'explique aussi par les innombrables procédures administratives mises en place au fil des années. Les ministres qui se sont engagés à simplifier les procédures ont généralement été rattrapés par notre État tatillon, qui exige des présidents d'association, pour la plupart bénévoles, de multiplier les dossiers d'appels à projets, de justifier la moindre dépense en une multitude d'exemplaires, souvent différents, d'ailleurs, pour chaque financeur, transformant la politique de la ville en une machine à user. Aujourd'hui, une demande de financement pour une seule action dans le cadre d'un contrat urbain de cohésion sociale exige de produire à deux reprises dans l'année pas moins de cinq dossiers d'une vingtaine de pages, soit 200 pages, quel que soit le montant sollicité ! Simplifier les procédures est un objectif qu'il faut se fixer et qu'il est grand temps de concrétiser.

En conclusion, monsieur le ministre, la réforme de la politique de la ville lance un véritable défi au Gouvernement. Les vingt-sept mesures émises par le comité interministériel répondent globalement aux attentes des acteurs de la politique de la ville, qui sont impatients. Toutefois, nombre de ces mesures nécessitent des précisions.

Beaucoup d'interrogations demeurent quant aux modalités de financement des annonces intervenues : l'application de ces mesures se ferait, je cite, « à budget constant » et le lancement d'une « nouvelle génération d'opérations dès 2014 » ne s'appuie sur aucun chiffre précis. Les conditions de financement du programme national de rénovation urbaine, acte II, soulèvent également des questions. Il faudra attendre « avant fin 2013 », dit-on, le niveau d'engagement financier, et les modalités de financement et d'intervention de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine seront revues à la même échéance. Le Gouvernement doit préciser au plus vite les modalités de l'effort consenti en faveur des quartiers, détailler les mesures appliquées et fixer un calendrier.

Monsieur le ministre, nous le savons tous ici, « nos quartiers ne sont pas qu'une priorité, ils sont une urgence ». Ils ont besoin d'un cap clairement défini, d'un nouveau souffle, d'une nouvelle dynamique fondée sur des engagements fiables, partagés et crédibles. Des engagements qui ne soient pas de vaines promesses, mais des engagements qui soient tenus et qui redonnent à nos quartiers, à ses habitants, un horizon meilleur.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais commencer par remercier nos collègues du groupe UDI d'avoir sollicité l'organisation de ce débat essentiel au regard des inégalités territoriales auxquelles notre pays fait face aujourd'hui.

En effet, les habitants des quartiers en difficulté sont les premiers exposés au chômage et aux difficultés économiques et sociales que notre pays traverse. De même, ils sont les premières victimes de la dégradation de la qualité de vie car ces quartiers sont les plus exposés aux pollutions de l'air, aux pollutions sonores et à la précarité énergétique. Dès lors, la politique de la ville est un élément nécessaire de la lutte contre les stigmatisations, les discriminations et les inégalités dont les habitants de ces quartiers sont victimes.

La loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine devait constituer l'acte fondateur du renouveau de la politique de la ville. L'objectif assigné à cette réforme était de réparer les erreurs d'urbanisme commises pendant les Trente Glorieuses pour réduire significativement les écarts de développement qui pénalisent les quartiers dits prioritaires. L'ampleur du programme national de rénovation urbaine, piloté par l'ANRU et évalué à 42 milliards d'euros, concrétisait cette ambition. Pour améliorer ce dispositif, des réformes se sont succédé quasiment chaque année depuis dix ans, faisant évoluer profondément les modalités et les objectifs de la politique de la ville.

Malgré cela, dix ans plus tard, le bilan est sans appel : les écarts de développement entre les quartiers prioritaires et les villes avoisinantes ne se sont pas réduits, et, pire encore, certaines des nombreuses inégalités préexistantes n'ont fait que s'accroître. Le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles en atteste largement. Le taux de pauvreté est ainsi passé de 30 % en 2006 à 36 % en 2010 dans les ZUS. La part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté est trois fois plus élevée dans ces zones que dans le reste du territoire, un chiffre inadmissible, comme l'est le taux de chômage, qui atteint 21 % en ZUS, alors qu'il est de 10 % hors ZUS, ce qui est déjà trop élevé.

En matière de réussite scolaire, les élèves issus d'établissements en ZUS s'orientent nettement plus fréquemment vers la filière professionnelle, cursus qui semble désormais leur être réservé, si bien que le quartier entre dans un cercle vicieux : déqualification, ghettoïsation…

Le constat est donc peu flatteur, et la gestion de la politique de la ville de la dernière décennie, fortement critiquée par la Cour des comptes, ne l'est pas davantage : dilution des interventions sur un nombre beaucoup trop important de quartiers, défaut persistant de gouvernance et de coordination, manque d'articulation entre rénovation urbaine et accompagnement social, répartition inadéquate des crédits, trop faible mobilisation des politiques publiques de droit commun.

Dès lors, nous ne pouvons nous contenter du statu quo. Pour nous, l'enjeu n'est pas seulement de penser une politique de réparation pour les quartiers, mais de penser la ville dans sa globalité, de penser une ville durable. Pour y parvenir, la politique de la ville doit d'abord assurer l'accès aux emplois, aux services publics, aux transports. La sécurité des habitants doit elle aussi être assurée, parce que la violence et la délinquance touchent particulièrement les plus faibles et les plus vulnérables.

La ville durable telle que nous la souhaitons passe par une ville qui combat les injustices environnementales et assure la mixité sociale. C'est donc une politique de la ville ambitieuse qui doit être menée et qui doit passer par le désenclavement des quartiers populaires et la planification intégrée de l'habitat, des transports, de l'accessibilité aux services, de la lutte contre la précarité énergétique.

Pour nous, il s'agit de faire converger les politiques de droit commun de l'État et des collectivités locales sur les quartiers, en territorialisant une action publique jusqu'ici définie d'en haut. Il convient notamment de donner priorité à ces quartiers dans les politiques de l'État, comme cela a été le cas pour les emplois d'avenir, qui bénéficient prioritairement aux quartiers en difficulté, ce dont nous nous félicitons.

La politique de la ville doit être intégrée dans une politique plus large d'égalité des territoires. Dans cette perspective, nous souhaitons ici réaffirmer notre soutien à la réforme de la géographie prioritaire engagée par le Gouvernement.

En effet, les premières orientations qui ont été indiquées nous semblent aller dans le bon sens. Nous approuvons la logique de contractualisation par territoires privilégiant l'intercommunalité. Il s'agit de l'échelle pertinente pour penser l'aménagement du territoire, une échelle qui permettra de désenclaver ces quartiers en les intégrant dans une vision d'ensemble de la ville.

Nous appuyons également le recentrage sur un nombre plus resserré de quartiers, permettant une concentration des moyens, comme le préconise la Cour des comptes. Sur ce point, monsieur le ministre, vous avez annoncé que le nombre de quartiers prioritaires passerait de 2 500 aujourd'hui à 1 000 environ à l'avenir. Cela pose évidemment la question des critères sur lesquels vous fonderez votre choix de nouveaux ciblages. La part de population à bas revenus sera-t-elle bien évaluée au niveau du quartier et non au niveau de la commune ? Les mesures dont a bénéficié jusque-là le quartier seront-elles bien prises en compte ?

Je pense notamment à un quartier que je connais bien, et que vous connaissez aussi, le quartier de Grand-Vaux à Savigny-sur-Orge. Il n'a malheureusement pas été classé en ZUS et n'a donc que très peu bénéficié jusqu'ici des mesures de politique de la ville. C'est un quartier en difficulté dans une ville au niveau de vie moyen, qui pourrait être, de ce fait, écarté des zones prioritaires alors que ses habitants attendent aujourd'hui qu'on leur redonne un avenir. Grand-Vaux a besoin, plus que d'autres quartiers, d'un programme de rénovation urbaine, de transports, de commerces et d'emplois, et donc d'être intégré dans les 1 000 quartiers prioritaires que vous définirez.

D'une manière générale, la politique de la ville doit considérer les habitants des quartiers comme une richesse, en mettant les habitants au coeur de la politique de la ville. Concrètement, il s'agit de renforcer leur pouvoir d'agir pour en faire des acteurs de la transformation de leurs quartiers. Ainsi, il faudra soutenir les associations existantes et les habitants des quartiers, accompagner leurs mobilisations et écouter leurs attentes, plutôt que de leur proposer des solutions clés en main. La diversité et les solidarités fortes qui unissent les habitants de ces quartiers sont une richesse et un facteur de résilience face aux crises, qu'il faut mettre en avant.

Cette politique, co-élaborée avec les habitants, doit donner la priorité à l'éducation, à la formation et à l'emploi. Il faudra, de notre point de vue, faire un effort particulier sur la formation professionnelle, par la mise en oeuvre de dispositifs adaptés et surtout la création de partenariats avec les entreprises. S'agissant de l'éducation, dont dépendra l'emploi de demain, nous soutenons notamment un accroissement significatif du taux d'encadrement scolaire.

Pour nous, une véritable solidarité financière entre les territoires riches et pauvres doit être mise en place. La péréquation horizontale entre collectivités doit être renforcée. Elle doit permettre une présence accrue des services publics dans ces quartiers prioritaires.

Au travers du renouvellement urbain, nous devons repenser l'aménagement et l'organisation des ensembles urbains pour considérer ces quartiers non plus comme périphériques mais comme des quartiers centraux. Dans cette optique, la politique des mobilités et des transports doit donner la priorité aux infrastructures – nouvelles lignes vers les centres-villes, meilleures fréquences, navettes et taxis collectifs inter-quartiers… – ainsi qu'à des politiques de tarification favorables au désenclavement des quartiers.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, nous soutenons votre action, et nous partageons avec vous quatre axes prioritaires en matière de politique de la ville : la concentration des moyens sur un nombre restreint de quartiers, la co-élaboration avec les collectivités et les habitants, la priorité donnée à la formation et à l'emploi, et l'intégration dans un schéma global de ville durable.

Mais une question reste en suspens, et je conclurai sur ce point. C'est celle des moyens accordés à cette politique de la ville au cours de la législature. L'Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui assure le suivi du PNRU lancé en 2003, avait pour objectif de rénover 594 quartiers en dix ans, pour un montant de 42 milliards. Ce programme a pris du retard et les financements manquent. Vous avez annoncé que le programme serait prolongé jusqu'en 2015 et que les financements seraient assurés jusqu'à cette date. Pouvez-vous nous confirmer ces éléments, qui permettront de sécuriser l'achèvement des programmes de rénovation urbaine engagés, comme dans le quartier de la Grande-Borne à Viry-Châtillon ?

Pouvez-vous, plus largement, nous rassurer sur les moyens qui pourront être consacrés à un nouveau programme de rénovation urbaine ainsi qu'à l'ensemble des mesures de politique de la ville au cours de la législature ? La politique de la ville doit en effet faire partie, à notre sens, des priorités budgétaires de notre majorité.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la confiance que nous accordent nos concitoyens est fondamentalement liée à notre capacité à faire vivre le principe d'égalité. Or ce débat sur la politique de la ville nous inscrit au coeur de ce principe.

Pendant dix ans, le sentiment d'injustice n'a cessé de s'accroître au sein de la République. Dans nos quartiers, l'impression, souvent bien réelle, d'un abandon de l'État et des services publics est désastreuse pour notre avenir collectif. Car cet abandon a pour conséquences le décrochage scolaire, le chômage de masse, l'absence de perspectives et une certaine forme de désespérance. Pourtant, les talents y sont nombreux. Il nous appartient de les accompagner et de les soutenir pour en faire de véritables atouts. Notre responsabilité est donc aujourd'hui aussi immense que la tâche qui nous reste à accomplir.

Pour pérenniser la confiance et satisfaire les attentes des populations de nos quartiers, c'est l'ensemble des ministères qui doivent se mobiliser de façon soutenue ; car l'efficacité de cette mobilisation sera moindre si une synergie réelle n'est pas mise en oeuvre. L'échec de la précédente majorité sur ce point doit nous permettre d'anticiper certains écueils. L'interministérialité n'est efficace que si l'ensemble des acteurs partagent les objectifs assignés.

À cet égard, nous saluons les premières coordinations du Gouvernement en faveur des quartiers, avec notamment : la création de 2 000 emplois francs dès cette année et la réservation de 30 % des emplois d'avenir ; la scolarisation dès l'âge de deux ans ; le retour à une prévention incarnée par le dialogue entre police et citoyens ; le développement des maisons de santé ; enfin, la mobilisation de la Banque publique d'investissement pour la création d'entreprises en banlieue.

Par ailleurs, la politique de rénovation urbaine devra être poursuivie et accrue. Les efforts réalisés ces dernières années sur ce point doivent être soulignés car ils ont trop souvent été les seuls en matière de politique de la ville.

Mais un habitat rénové n'endigue pas le fléau des discriminations, ne permet pas de faire baisser le chômage et n'assure pas seul la transmission des valeurs républicaines. Nous ne le dirons jamais assez : l'articulation avec les autres politiques est indispensable. En effet, considérer les quartiers comme des zones à part, méritant une attention particulière que chacun des « plans Marshall » successifs prétend faire disparaître par un déversement d'argent public, cela n'est pas favorable à l'émergence d'une politique d'inclusion. Au contraire, cette politique au coup par coup, souvent liée à des faits divers médiatisés, renforce la stigmatisation de nos quartiers.

Aussi, en réduisant la politique de la ville à des efforts de rénovation urbaine saccadée, nous sommes condamnés aux illusions de solutions temporaires et précaires. Ces efforts discontinus ne sont pas vécus comme des opportunités par les habitants qui en ressentent le caractère ponctuel. De plus, l'actuelle situation de contrainte budgétaire forte ne nous permettra pas, ou très difficilement, d'envisager le renouvellement fréquent de tels efforts.

À l'inverse des précédentes majorités, nous devons entreprendre l'articulation de la politique urbaine avec les politiques économiques et sociales. Encore faut-il avoir pour principe, monsieur le ministre, la volonté de lutter contre les inégalités sociales. Mes chers collègues, le taux de pauvreté est trois fois plus élevé dans les ZUS qu'au sein des autres territoires de la République.

Face à ces inégalités, nous ne devons jamais céder au fatalisme et au cynisme, en acceptant la société hiérarchisée, telle qu'elle existe, comme un état de fait permanent. Pour changer véritablement et en profondeur cette société, nous devons assumer les politiques sociales et parmi celles-ci, en premier lieu, les politiques de redistribution, qui sont un instrument invariable de lutte contre les inégalités.

Nous devons donc inventer les nouvelles frontières de la politique de la ville. Celles-ci devront permettre d'éviter la dispersion de l'action et des moyens, tout en respectant la pluralité des situations. C'est pourquoi le niveau pertinent de la territorialisation de la politique de la ville devra s'incarner dans l'intercommunalité, qui permettra d'éviter l'écueil d'une action éparpillée entre plusieurs communes isolées. Grâce à l'intercommunalité, nous pourrons envisager la mutualisation indispensable des moyens pour agir avec efficacité et cohérence au sein de l'ensemble urbain.

L'intercommunalité sera le meilleur instrument de régulation face aux différents marchés, en particulier pour l'offre de logement. Dans la même perspective, elle permettra de peser sur l'offre scolaire, en se plaçant comme acteur central dans la définition des parcours scolaires offerts aux jeunes. À cet égard, ce parcours devra intégrer, y compris dans la filière professionnelle, la transmission des valeurs : valeurs républicaines, valeurs civiques, valeurs de laïcité, d'humanisme et de respect de l'autre. C'est à ce prix que le lien social pourra être préservé au sein de nos quartiers.

L'autre nouvelle frontière de la politique de la ville réside dans la redéfinition de la géographie prioritaire. Pendant trop longtemps, les pouvoirs publics ont eu tendance, d'une part, à ne pas assumer la logique d'efficacité qui vise à cibler et à concentrer les efforts à certains endroits et d'autre part, à opposer les lieux et personnes qui y vivent.

S'agissant du premier aspect, il faut saluer la décision du Gouvernement de canaliser la géographie spécifique sur 1 000 quartiers au lieu de 2 500 aujourd'hui. Mais de nouveau, les synergies entre les politiques devront être effectives pour ne pas être vaines. Si le zonage ne doit pas rimer, sauf par sa sonorité, avec le saupoudrage, il ne peut seulement consister à répandre de l'argent, indépendamment d'une dynamique.

Au coeur de ces dynamiques, la politique d'éducation prioritaire doit être le premier levier de la politique sociale, pour atténuer les inégalités dès le plus jeune âge. Le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles nous apprend qu'en 2009, 37 % des collégiens des ZUS avaient déjà redoublé une fois, quand la moyenne nationale est de 22,5 %.

La concentration des moyens dans telle ou telle zone urbaine ne peut pas produire de résultat si l'échec scolaire y devient une règle. Le dispositif « plus de maîtres que de classes » est, à cet égard, le bienvenu dans la lutte contre les inégalités.

La politique de sécurité devra également être accolée à la politique de la ville, la création de zones de sécurité prioritaire devant s'intégrer dans un schéma en cohérence avec l'éducation prioritaire et la géographie prioritaire.

Quant au second aspect, l'opposition systématique et idéologique entre la prévalence donnée aux lieux ou aux personnes n'a pas de sens. Trop souvent, les partisans d'une politique qui s'occuperait uniquement des personnes ont une idée erronée des lieux que l'on désigne par « quartiers ». Certes la banlieue telle qu'on la décrit souvent, peuplée de jeunes issus de la diversité, est intégrée dans cette définition mais elle ne représente qu'un quart des endroits visés par la politique de la ville.

Celle-ci intègre aussi des zones rurales, des habitations à loyers modérés des villages et des villes moyennes, des villes minières du nord de la France, des foyers de harkis dans le sud et, bien sûr, les zones domiennes. Par conséquent, une géographie prioritaire qui n'intégrerait ni la diversité de ces populations ni la spécificité de ces territoires manquerait son objectif. La participation de ces populations à la prise de décision collective est un puissant levier d'inclusion. L'échelle qui a été choisie pour la politique de la ville, celle de la territorialisation intercommunale, constitue le bon niveau d'action.

Enfin, permettez-moi d'évoquer rapidement un sujet qui me tient à coeur : la politique de la ville en outre-mer.

L'adaptation de cette politique de la ville à des situations aussi spécifiques que celles des départements d'outre-mer ou de certains territoires d'outre-mer conditionne sa réussite dans ces territoires. À l'occasion de la table ronde sur la politique de la ville en outre-mer, le 14 janvier dernier, un consensus s'est dégagé autour de l'idée d'une nécessaire souplesse dans l'application de cette politique. Les spécificités territoriales, notamment dans les départements qui organisent le passage à une collectivité unique, comme en Guyane et en Martinique, doivent justifier une exception au nouveau principe de territorialisation intercommunale.

Monsieur le ministre, j'ai essayé de le défendre ici et je le réaffirme en conclusion de cette intervention : la politique de la ville est l'histoire d'une mise en mouvement des énergies et d'une mise en synergie des politiques. Pour repousser les frontières de la politique de la ville, il vous faudra avant tout faire vivre les valeurs de la République dans toutes ses synergies, qu'il s'agisse de l'éducation prioritaire, de la sécurité prioritaire, du logement prioritaire, de l'accès à la culture ou de la promotion de la laïcité.

Pour toutes ces raisons, vous pourrez compter, monsieur le ministre, sur le soutien du groupe RRDP.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat s'inscrit au lendemain de la concertation et des annonces faites à l'occasion du comité interministériel des villes, et avant une grande réforme de la politique de la ville.

La politique menée ces dix dernières années n'a pas convaincu, et les inégalités territoriales, sociales et économiques dans notre pays n'ont fait que se creuser. D'ailleurs, la Cour des comptes, dans son rapport du 17 juillet dernier, dresse un bilan sévère des dix dernières années en matière de politique de la ville.

Son rapport insiste notamment sur « la très grande complexité des zonages et la multiplication des procédures mal articulées » et en appelle à une « réforme de la géographie prioritaire », afin de la « concentrer sur les zones les plus en difficulté ».

L'urgence est là : rétablir l'égalité républicaine, améliorer les conditions de vie des 8 millions d'habitants de ces quartiers défavorisés, concentrer les moyens là où le besoin est important et redonner de la confiance dans l'action publique, tout en insistant sur la mixité sociale.

Parler de politique de la ville, c'est évidemment parler de la rénovation urbaine des quartiers défavorisés. Nous nous accordons tous pour dire que l'ANRU fonctionne plutôt bien et que le PNRU, mis en place il y a tout juste dix ans, a permis à de nombreux quartiers de se transformer profondément. Le cadre de vie pour ceux qui y habitent ou qui y travaillent s'est indéniablement amélioré.

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Le rapport bilan de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles qui vous a été remis, monsieur le ministre, le 4 mars dernier, met en avant les succès du PNRU : les enquêtes menées auprès des habitants indiquent une large satisfaction ; les élus locaux constatent une transformation du paysage urbain et du cadre de vie des habitants – sans toutefois que cela suffise ; les professionnels ont adopté de nouvelles façons de travailler ensemble ; les bailleurs sociaux se sont engagés dans de nouvelles dynamiques ; les chantiers ont fleuri – au 31 décembre 2012, plus de 20 milliards d'euros de travaux avaient été réalisés.

Il est vrai que le PNRU a été doté de moyens puissants : 45 milliards d'euros auront été investis dans 594 quartiers, dont un peu plus de 12 milliards d'euros de subventions distribuées par l'ANRU ; plus de 600 000 logements auront été démolis, réhabilités ou reconstruits.

Je profite de ce débat pour signaler quelques problèmes dans le cadre de la rénovation urbaine. Les discussions avec des habitants de ma circonscription, impliqués dans des projets de renouvellement urbain, ont révélé des situations curieuses.

Certains locataires dont les logements sont démolis sont relogés dans des logements, neufs ou non, avec un loyer identique à celui qu'ils avaient, à surface égale : le seul désagrément subi est d'avoir à déménager, mais en général le changement se fait à leur avantage. Au contraire, les locataires dont les logements sont réhabilités subissent des désagréments de façon prolongée en raison des gros travaux qui sont effectués, chez eux ou chez leurs voisins : bruits, boue, poussière, nécessité de déplacer leurs meubles et leurs objets, changements de l'intérieur de leur logement avec des frais de remise en état – trous à reboucher, coups de peinture à redonner, nouveaux meubles à acheter. Or à l'issue des travaux, ces locataires voient, eux, leur loyer augmenter, et ce pour deux raisons : l'alignement sur le loyer maximum qui est autorisé voire rendu obligatoire par la réglementation ; le nouveau calcul de la surface corrigée et l'augmentation fréquente de celle-ci.

Ne serait-il pas souhaitable que tous les locataires soient traités de la même façon ? Si cela semble un détail, il est d'importance pour ceux qui subissent ces travaux.

Malgré ces quelques observations de terrain, le bilan reste positif.

Toutefois, la nouvelle politique de la ville que vous impulsez, monsieur le ministre, ne peut pas faire l'économie d'un PNRU 2. De nombreux quartiers qui n'ont pas pu bénéficier du PNRU 1 doivent aujourd'hui pouvoir bénéficier du succès de la rénovation urbaine, d'autant que nous sommes dans une période de crise économique et sociale et que le taux de chômage s'accroît dans ces quartiers difficiles.

Monsieur le ministre, le 31 janvier dernier, lors de la séance plénière de clôture de la concertation nationale « Quartiers, engageons le changement ! », vous avez pris plusieurs engagements, notamment la mise en oeuvre d'un engagement du candidat François Hollande, aujourd'hui président de la République. Il s'agit de son engagement 27 : lancer une nouvelle génération d'opérations de renouvellement urbain.

Certes, comme vous le préconisez, il faut évidemment achever le premier programme, mais on ne peut pas attendre. Beaucoup d'habitants en effet ne comprennent pas pourquoi ils sont aujourd'hui du mauvais côté de la rue, celui que l'on n'a pas pu rénover.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'espère que cette année verra se mettre en place les outils pour construire les fondations d'un volet rénovation urbaine dans les contrats de ville des futurs quartiers prioritaires qui seront lancés en 2014.

Pour réussir le changement de tous les quartiers, rénovés ou à rénover, il est indispensable que l'ensemble des acteurs, qu'ils soient associatifs, institutionnels, de la santé, de l'éducation ou encore de la sécurité et de l'insertion, travaillent en synergie pour une dynamique réelle de gestion urbaine de proximité, avec et pour les habitants qui sont au coeur de ces dispositifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, depuis votre arrivée au pouvoir, il y a dix mois, et encore dernièrement à l'occasion de la remise des deux rapports du comité interministériel des villes et de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, le Premier ministre a fait de nombreuses annonces en matière de politique de la ville et de rénovation urbaines, toutes allant dans le sens de l'austérité,…

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…à l'image de la politique que vous menez sur un plan plus général. Ainsi, on nous promet des restrictions budgétaires à tous les niveaux, un grand ménage dans le millefeuille des dispositifs existants, et une révision de la géographie prioritaire pour passer de 2 500 à 1 000 zones sensibles. Vous voulez rationaliser, actualiser, mieux cibler les deniers publics en la matière. Mais si l'on ne peut évidemment qu'adhérer à ces grands principes généraux, surtout dans la période que nous traversons, je tiens à vous alerter sur les conséquences des mesures que vous envisagez sur la vie quotidienne de centaines de milliers de familles déshéritées.

Tout d'abord, je tiens à signaler que concrètement, hormis les effets d'annonce, nous sommes toujours dans le flou et l'expectative : quelles seront les futures zones urbaines sensibles sélectionnées pour faire partie des 1 000, et selon quels critères ? Que deviendront les territoires qui n'auront pas été retenus ? Personne n'en sait rien aujourd'hui. On nous dit que la liste des heureux gagnants serait connue en juin.... Mais que se passera-t-il entre-temps ? Nous n'en savons évidemment rien.

Je suis maire depuis bientôt dix-huit ans, monsieur le ministre, d'une des villes les plus pauvres d'Île-de-France,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…et je voudras, loin des discours théoriques et idéologiques, vous faire part de mon expérience de terrain et des conséquences que la politique que vous voulez mener aura sur le quotidien des habitants de ma commune. En effet, je crains que ce ne soient les communes les plus vertueuses, celles qui se sont engagées depuis dix à quinze ans dans une politique de la ville volontariste et qui commencent à recueillir les fruits du travail engagé, qui en pâtissent, une fois encore pénalisées par les critères que vous adopterez pour satisfaire votre voeu de sélection drastique.

Quand j'ai pris les rênes de Villiers-sur-Marne, cette ville était une ville-dortoir, morose, avec une cité sensible où le taux de chômage avait explosé, où la délinquance régnait, où aucune politique de cohésion sociale n'existait. J'ai mené, depuis, une politique de redynamisation sans faille, au coeur de laquelle était la réalisation de l'ESCALE – espace socioculturel et d'aide à l'emploi –, la « cathédrale du respect humain », disait Jean-Louis Borloo en l'inaugurant en 2006, et qui est aujourd'hui notre navire amiral pour l'insertion, la réinsertion, l'intégration et la prévention de la délinquance. Quarante agents territoriaux, payés par la commune, et soixante-dix associations y accueillent chaque semaine quelque 3 500 personnes en difficulté. Il y a aussi le grand projet ANRU de réhabilitation de la cité, actuellement engagé, et dernièrement l'obtention d'une gare du Grand Paris. Je me suis battu pour obtenir les subventions nécessaires à la réalisation de ces projets. Si j'ai fait tout cela, ce n'est évidemment pas pour mon bon plaisir. Si j'ai engagé cette politique, endetté la commune et couru après les financements, c'est bien pour nos familles les plus défavorisées, pour nos enfants, pour leur avenir, pour recréer de la cohésion sociale, un bien-être de vie ensemble, et ainsi valoriser la commune et ses habitants. Derrière ces actions et la politique que je mène, il y a bien sûr des enjeux républicains forts qui ont des conséquences directes sur les destins de plusieurs dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants.

Mais depuis trois ou quatre ans, les dotations que nous percevons au titre de la politique de ville et de la rénovation urbaine ont diminué de 30 %.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Eh oui ! Qui était en place ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Stopper tout financement ou continuer à réduire ces aides, c'est stopper les résultats obtenus et la dynamique mise en place par l'ancienne majorité depuis près de dix ans, c'est nous pénaliser parce que nous avons un bon bilan, c'est encore abandonner les villes pauvres au profit des villes riches. Je rappelle les derniers résultats : une baisse de 25 % de la délinquance et une hausse de seulement 1,5 point du taux de chômage dans la ville.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Avec 30 % de baisse de crédits ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Oui, même avec une baisse de 30 %, parce que je me suis battu afin d'obtenir un grand projet ANRU pour cette cité de 6 500 habitants appartenant à la Ville de Paris, projet financé à ce jour à 80 %. Car 1 200 enfants vivent dans cette cité et je ne pouvais supporter qu'ils jouent leur destin dans des écoles en préfabriqué, dans un environnement délabré et abandonné de tous. Grâce aux financements que nous avons obtenus au travers des différents dispositifs de la politique de la ville et de la cohésion sociale, ce sont plus de 450 enfants, dont 400 issus de familles de l'immigration, qui sont suivis dans le cadre des différents dispositifs PRE – le programme de réussite éducative : lutte contre le décrochage scolaire, prévention de la délinquance, alphabétisation, assistance à l'intégration, etc. La liste des actions concrètes réalisées dans cette cité sensible serait longue. Continuer à diminuer ces financements,…

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Mais qui le propose ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…c'est diminuer d'autant le nombre d'enfants qui pourraient bénéficier de ce soutien et de cet accompagnement, c'est remettre en cause leur destin, leur vie, leur futur et, au final, c'est remettre en cause toute la politique de cohésion sociale que nous avons eu tant de mal à construire et à essayer de pérenniser.

Vous le voyez, monsieur le ministre, les mesures que vous envisagez seraient lourdes de conséquences car derrière ces lignes budgétaires se jouent des vies, des destinées, celles des enfants de la République, c'est-à-dire, en fin de compte, l'avenir de notre pays. Je le clame depuis quelques années déjà, sans malheureusement être entendu, plutôt que de stopper les dynamiques engagées qui améliorent considérablement la vie de nos populations, mieux vaudrait réformer en profondeur les mécanismes de péréquation qui ne fonctionnent pas et qui ne jouent pas aujourd'hui leur rôle. La ministre de l'égalité des territoires est, vous le savez, quelque peu muette sur le sujet. Le système de solidarité financière entre les territoires devrait être d'abord fondé sur des critères sociaux, tels que la pauvreté des populations, le revenu moyen, le potentiel fiscal et financier des communes, le nombre de logements HLM, etc. De même, il s'agirait de déplafonner la participation des communes riches qui touchent autant de subventions que les villes pauvres ! Monsieur le ministre, d'autres solutions que l'austérité et les coupes budgétaires pures et simples existent réellement.

J'insiste sur ce sujet : ne pénalisez pas les villes pauvres qui ont un bon bilan,…

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Qui en a parlé ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…dont les maires se battent, toutes tendances confondues – certains sont ici présents, je pense à mon collègue Pupponi, qui fait la même chose que moi –, et qui doivent poursuivre leurs efforts car beaucoup de choses restent évidemment à faire. Ne cassez pas la dynamique engagée, car inévitablement cela aurait des conséquences catastrophiques pour le futur, pour nos villes, bien sûr, mais aussi et surtout pour nos populations déjà fragilisées.

Au contraire, nous comptons sur vous pour pérenniser les financements des communes défavorisées qui ont travaillé pour leur population en dépit de leur faiblesse budgétaire et de leurs contraintes sociétales. Je vous demande de relever le défi, monsieur le ministre. Nous comptons sur vous pour faire des choix judicieux et ne pas mener une politique aveugle d'austérité qui ne mènerait nulle part, pénaliserait encore une fois les mêmes territoires, toujours les mêmes, les plus pauvres, et réduirait à néant le travail accompli ces dernières années.

La politique de la ville n'est ni de gauche, ni de droite. Elle est tout simplement réaliste et pragmatique.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux qu'à l'initiative du groupe UDI, nous puissions avoir ce débat sur la politique de la ville et la rénovation urbaine. Heureux, car en seulement dix mois, le Gouvernement, à travers vous-même, monsieur le ministre, a déjà un bilan riche de réalisations et de projets. Il m'est donné ici l'opportunité de revenir sur ces avancées pour nos concitoyens.

Jacqueline Maquet a rappelé ce qu'était l'engagement n° 27 du candidat François Hollande : « Je veux réinstaurer la justice dans tous nos territoires, en métropole comme en outre-mer. Je lancerai une nouvelle génération d'opérations de renouvellement urbain, je les compléterai par des actions de cohésion sociale en lien avec les collectivités et les associations, et je maintiendrai les services publics dans nos banlieues. J'augmenterai les moyens, notamment scolaires, dans les zones qui en ont le plus besoin et je rétablirai une présence régulière des services de police au contact des habitants. » Force est de constater que la réalisation de cet engagement est déjà bien avancée.

Ainsi, dès votre arrivée, vous avez engagé une grande concertation nationale réunissant habitants des quartiers, élus, associations et personnalités qualifiées, et dont les travaux ont été présentés le 31 janvier dernier. À l'occasion du conseil interministériel des villes du 19 février 2013, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a présenté, dans la lignée des recommandations de cette concertation, vingt-sept décisions pour engager le changement dans nos quartiers. Il s'agit tout d'abord de réaliser l'intégralité du programme national de rénovation urbaine, avec la sécurisation du financement de l'ANRU au-delà de 2013, ce qui a été acté dans la loi de finances alors que ce n'était pas le cas précédemment. Il s'agit aussi de préparer une nouvelle génération de projets de renouvellement à l'horizon de 2015, axée sur les territoires prioritaires. Ces nouveaux projets, inclus dans un probable PNRU 2, soutenus par l'ANRU, s'intégreront pleinement dans les nouveaux contrats de ville entre 2014 et 2020. Ils viendront répondre aux besoins non traités du PNRU 1 et seront prioritairement concentrés sur les quartiers les plus enclavés et les plus dégradés.

Le changement dans les quartiers, c'est aussi un engagement historique, que vous avez porté avec Marylise Lebranchu, pour un droit commun renforcé dans ces territoires en difficulté à travers la montée en puissance des mécanismes de péréquation. Jamais un effort national en matière de solidarité financière n'a été aussi important. En 2013, 210 millions d'euros supplémentaires sont consacrés au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, dit FPIC, 120 millions d'euros de plus à la DSU, 20 millions d'euros supplémentaires au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France et 25 millions d'euros de plus pour la DDU. Au final, 375 millions d'euros supplémentaires permettent aux communes les plus en difficulté d'apporter à leurs habitants les services publics et les autres services dont ils ont le plus besoin, et de mener les politiques sociales nécessaires.

Au sujet de la péréquation, vous m'avez fait l'honneur, monsieur le ministre, de me confier une mission visant à proposer une dotation spécifique à destination des territoires prioritaires de la politique de la ville. Il s'agirait d'engager une évolution de la dotation de développement urbain vers une dotation de politique de la ville, mécanisme qui s'articulerait avec la nouvelle organisation de la politique de la ville. En effet, vous avez amorcé un processus de rénovation de la géographie prioritaire afin de concentrer les moyens là où ils sont le plus nécessaire et d'y rendre plus cohérente et plus lisible l'action de l'État. Les nouveaux territoires prioritaires de la politique de la ville feront l'objet d'un contrat de ville unique et global, alliant État, collectivités territoriales et organismes sociaux, et seront inscrits sur la durée d'une mandature municipale. Ces contrats engageront des mécanismes de droit commun renforcé, notamment par cette nouvelle dotation de politique de la ville. Dans mon rapport, il s'agirait d'une dotation libre d'emploi, attribuée aux intercommunalités disposant de territoires prioritaires et basée sur des objectifs de réduction des inégalités et conditionnée à un renforcement des mécanismes de solidarité au sein de l'intercommunalité attributaire, une clause de revoyure permettant de faire le point à mi-contrat.

La mobilisation accrue des politiques de droit commun dans ces territoires passe également par un renforcement des synergies entre l'ensemble des ministères.

Ainsi, vous avez procédé avec le Premier ministre à la mise en place de conventions d'objectifs en faveur des quartiers populaires, qui précisent les engagements de chacun dans son domaine de compétences pour la période 2013-2015, en termes d'objectifs, de moyens mobilisés, d'adaptation qualitative des actions et méthodes, en particulier dans les champs de la jeunesse, du droit des femmes et, plus généralement, de la lutte contre toutes les formes de discrimination.

Sur le front de l'emploi, priorité du Gouvernement, la mise en place des emplois d'avenir, prioritairement destinés aux jeunes peu qualifiés des quartiers populaires, constitue une avancée significative pour lutter contre le chômage de masse qui touche ces territoires. L'expérimentation des emplois francs, dès 2013, sur dix sites tests, laisse entrevoir le prochain étage de ce dispositif. Ce mécanisme, qui incite à la création d'emplois dans les quartiers prioritaires, à destination des populations de ces quartiers, sera vecteur de développement économique et de cohésion sociale pour ces territoires.

Enfin, vous avez lancé un processus de simplification du pilotage de la politique de la ville et d'amélioration de la gouvernance qui imposent une meilleure association des collectivités territoriales et le renforcement du Comité national des villes, d'une part, ainsi qu'un soutien renforcé aux associations et aux habitants qui s'engagent dans nos quartiers, d'autre part.

Monsieur le ministre, en seulement dix mois, le Gouvernement a enclenché une réelle mutation de la politique de la ville et de la rénovation urbaine vers une plus grande cohérence, une plus grande lisibilité, des moyens renforcés et surtout vers une plus grande justice entre tous les territoires de métropole et d'outre-mer.

Mais maintenant, monsieur le ministre, le plus dur mais aussi le plus excitant commence, si je puis me permettre de le dire de cette manière.

Ces contrats de ville devront être négociés dans chaque territoire avec les difficultés et les tensions naturelles que cela implique. Mais quelle fantastique respiration démocratique que ce dispositif qui associera, pour la première fois, élus locaux, État, associations et habitants dans la définition d'un bilan local, des politiques indispensables et des objectifs à atteindre sur chaque territoire afin de lutter contre les inégalités.

Ces contrats seront un fort vecteur de cohésion sociale et de coalition des acteurs de la politique de la ville vers cet objectif d'égalité et de justice territoriale.

Je suis impatient, monsieur le ministre, de mener ce travail sur mon territoire et vous savez pouvoir compter sur tous les élus du groupe socialiste pour mener cette mission à bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Merci.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, le débat qui nous est proposé sur la rénovation urbaine et la politique de la ville arrive au lendemain d'une motion de censure dans laquelle le Premier ministre n'a pas consacré deux lignes à ce sujet, et quelques heures après l'annonce par le Président de la République d'un plan d'investissement pour le logement où il a évoqué, dans la précipitation, la rénovation urbaine et le logement. C'était à Alfortville, il y a quelques heures.

Or on ne peut circonscrire notre réflexion à un saupoudrage de moyens visant à satisfaire telle ou telle catégorie de logement social, annoncés en urgence.

Le sujet de la rénovation urbaine et de la politique de la ville mérite mieux car il comprend tous les enjeux de notre pays, révèle toutes les situations de crise et, par conséquent, peut porter tous les espoirs d'une France en mouvement, devenue urbaine.

Rappelons qu'à elle seule, la région Île-de-France regroupe 30 % du PIB français, 40 % des transports ferroviaires, 25 % des étudiants français, 20 % de la population française, et tout cela sur 2 % du territoire. Rappelons, par exemple, que l'insécurité est concentrée pour moitié sur les quatre régions les plus peuplées de France. Ces chiffres montrent que, devenue urbaine, la France est désormais malade.

Dans ces conditions, parler de politique de la ville, de rénovation urbaine, c'est évoquer une stratégie d'ensemble en matière de sécurité, de croissance, d'emploi, d'éducation, de transports et d'environnement autant que de logement.

Nous pouvons mesurer aujourd'hui les conséquences d'une politique d'urbanisme réalisée dans les années 1960 : un urbanisme torturé qui n'aura pas pris en compte les hommes et les femmes qui vivent dans la ville, y travaillent, s'y divertissent et y grandissent.

Depuis une dizaine d'années, la politique de la ville et de rénovation urbaine s'est attachée à corriger les effets dévastateurs de cette urbanisation trop rapide et ignorante de la géographie, de l'histoire et des populations. Dans ma seule circonscription, ce sont près de 150 millions d'euros qui ont été investis.

Dans ces projets de politique de la ville, les maires ont été les acteurs premiers, les porteurs de projets, les moteurs, ceux qui ont défini une vision pour leur ville afin de mettre en mouvement leur territoire et améliorer le quotidien de leur population. Ce sont les acteurs principaux et incontournables, parce que, plus que nul autre, ils sont capables de définir un urbanisme respectueux de la géographie et de l'histoire de leur ville tout en prenant également en compte les aspirations les plus profondes des habitants.

La politique de la ville ou la rénovation urbaine ne peut pas être une réflexion uniquement sur le bâti ; elle doit conjuguer l'urbain et l'humain. C'est pourquoi, au-delà des annonces faites par le Président de la République, nous nous inquiétons des modalités d'application de la politique de la ville qui semblent se dessiner.

La volonté réaffirmée de transférer à des intercommunalités, que l'on voudrait imposer aux populations, méconnaît voire méprise le rôle indispensable des maires dans la politique de la ville et la rénovation urbaine. Les dispositions, de plus en plus coercitives vis-à-vis des maires qui n'épousent pas le dogme du tout logement social comme seul et unique objectif de la politique de la ville, participent d'un hold-up institutionnel et d'un contresens méthodologique.

Nous avons pu apprendre que le plan national de rénovation urbaine était prolongé jusqu'en décembre 2015. Cette agréable information renforçait l'idée qu'une nouvelle génération d'opérations de renouvellement urbain serait intégrée aux nouveaux contrats de ville. Toutefois, ces derniers ne seront plus définis par la commune mais par l'intercommunalité. Et là, vous retournez dans l'aberration et la provocation à l'égard des maires de France avec les créations de métropoles et d'intercommunalités forcées. Une nouvelle fois, vous choisissez de diviser plutôt que de rassembler.

Confisquer les compétences des maires en matière d'urbanisme, c'est priver la politique de la ville de son principal atout. Punir les habitants par des amendes et des suppressions de subventions, en mettant en place des critères systématiques de politiques publiques, c'est se priver d'un soutien populaire. Dans les deux cas, c'est organiser à coup sûr un blocage opérationnel là où il faudrait, au contraire, créer une dynamique.

La politique de la ville et la rénovation urbaine doivent permettre de remettre en mouvement la France sans opposer les uns aux autres, en cherchant l'équilibre entre logement social et accession à la propriété, en favorisant le parcours résidentiel, en rapprochant emploi, transports, loisirs, école et logement. À cet égard, en matière de transports, la vision d'un Grand Paris était la bonne et je me réjouis que le Gouvernement se soit rangé aux dispositions des élus franciliens.

De la même manière que l'on a aidé à rénover et à transformer les grands ensembles des années 1960, symboles de déshumanisation, on doit aussi aider et respecter les maires des communes qui souhaitent réaliser un effort de rénovation et de solidarité en matière de logement, dans le cadre d'un urbanisme maîtrisé et inspiré par une histoire singulière.

Ma circonscription est urbaine et composée de quatre grandes villes dont chacune a fait des choix différents en matière d'urbanisme, de politique de la ville et de rénovation urbaine. Doit-on considérer qu'une ville de ma circonscription, qui compte déjà 50 % de logements sociaux et qui continue à vouloir toujours plus de logements aidés, est plus responsable qu'une ville comme Saint-Maur-des-Fossés, dont je suis élu, qui souhaite préserver un urbanisme à taille humaine et inscrire son développement dans son histoire et sa géographie particulières puisqu'il s'agit d'une presqu'île entourée par la Marne ?

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Cela n'empêche pas de faire du logement social !

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Nous devons considérer que les excès de part et d'autre sont irresponsables, que le zéro logement social est aussi coupable que le tout logement social.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Entre 0 % et 100 %, il y a quelque chose !

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Il est tout aussi absurde de favoriser les villes qui développent plus de 60 % de logements sociaux que de punir celles qui n'en développent pas assez. La politique de la ville et la rénovation urbaine doivent favoriser l'harmonie et l'équilibre des territoires et des populations. Mais, elle ne doit pas opposer, voire stigmatiser tel ou tel choix d'urbanisme.

C'est pourquoi les annonces du Gouvernement, qui visent finalement à réduire la politique de la ville et de rénovation à une politique en faveur du logement social, sont un contresens. Il nous faut travailler à aider l'ensemble du parcours résidentiel : du logement social à l'accession à la propriété ; le logement étudiant comme le logement pour le troisième et le quatrième âge ; l'accession sociale à la propriété comme l'accession temporaire au logement social.

Mais pour conjuguer l'urbain et l'humain, il faut aussi accompagner ces projets de ville et de rénovation urbaine par des mesures favorisant les emplois de proximité et de services…

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Ce sont les emplois d'avenir !

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… favorisant le tissu associatif et caritatif exceptionnel sans lequel il n'existe pas de politique de la ville ni de solidarité de proximité. Il ne faut donc pas abandonner les services à la personne…

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Cela s'appelle les emplois d'avenir !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

… qui y contribuent, tant vis-à-vis des particuliers que vis-à-vis des associations, comme vous le faites actuellement. Car, dans une France en mouvement, les conditions de vie évoluent, comme la dépendance, la petite enfance, les soins à domicile et le handicap. Le Gouvernement a annoncé la fermeture de l'Agence nationale des services à la personne qui assure la promotion de ces métiers, ce qui est également un contresens. Dans le projet de rénovation urbaine, cette agence est un élément important de solidarité et de proximité.

Les villes ne sont pas une succession de territoires urbains indifférenciés et déshumanisés. Au contraire, les disparités géographiques, historiques et même sociales, qu'il faut assumer, participent pleinement de la richesse de la politique de la ville. Cultiver les identités de chacun n'interdit pas une ambition commune de mettre en mouvement la France urbaine pour plus de prospérité, de croissance, de sécurité et de solidarité intergénérationnelle.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en voyant Sylvain Berrios sur la liste des inscrits à ce débat sur le renouvellement urbain et la politique de la ville, notamment en tant qu'élu de Saint-Maur-des-Fossés, je me suis dit qu'il avait été touché par la grâce.

J'ai pensé qu'il allait sans doute nous annoncer qu'il avait entendu le Président de la République, ce matin, appeler à l'effort en faveur de la construction de logements, notamment de logements sociaux.

D'ailleurs, cher collègue, vous avez fait référence à l'annonce du programme pour l'investissement en faveur du logement par le chef de l'État à Alfortville, dans notre département, ce matin. Mais que nenni, vous ne changez pas ! Pour autant, on ne va pas désespérer.

Mes chers collègues, la rénovation urbaine aura dix ans cette année. Ce furent dix ans d'une mobilisation sans précédent avec des outils robustes et durables, dont on a su assurer le financement même si le payeur final n'a pas toujours été celui qui était prévu initialement.

Par-delà les péripéties de financement, la stabilité du cadre d'intervention a été appréciable et elle est suffisamment rare pour être soulignée. On a tendance à présenter l'histoire de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine comme une success story, ce qui excuserait d'autant plus les expédients trouvés et les libertés prises pour son financement. C'était hier, surtout.

Le Parlement, dans sa fonction de contrôle, échouerait s'il ne soulignait pas les limites de la rénovation urbaine, sans vouloir la compromettre mais avec la lucidité nécessaire à son amélioration et à son prolongement que nous appelons tous de nos voeux. Cette lucidité fait aussi partie du bilan positif de l'ANRU qui a su conjuguer les froids critères de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles et les remarques moins froides de son comité d'évaluation et de suivi. Cet esprit de clarté devra être maintenu avec la refonte de la gouvernance que vous avez annoncée, monsieur le ministre délégué, dans le cadre du récent comité interministériel des villes.

En tout cas, mon expérience d'ancien administrateur de l'ANRU m'a convaincu de l'utilité et de la pertinence de l'observation, des conseils et de l'évaluation de ce comité d'évaluation et de suivi. Je voulais le dire ici.

Parmi les succès, il faut noter une victoire psychologique, paradoxale pour une politique centrée sur le béton et sur l'urbain : ce béton et ces démolitions ont eu un effet de changement d'image, de renversement de perspectives. Les millions de l'ANRU n'ont pas été vains pour prouver la présence des pouvoirs publics, favoriser l'intégration dans la ville des quartiers en difficultés et améliorer la vie de leurs habitants. Il ne faut pas négliger ce résultat, bien au contraire.

Dans une décennie marquée par les violences urbaines, particulièrement celles de 2005, le renouveau du lien urbain est un acquis important. La décennie passée, plus que celle des émeutes urbaines, fut surtout celle du retour d'une crise économique générale. Elle est venue frapper davantage encore des quartiers qui n'avaient jamais cessé d'être en crise.

En même temps que l'ANRU, nous nous sommes dotés d'un observatoire, l'ONZUS, qui, année après année, a enregistré le faible impact de nos politiques sur les fondamentaux tel que l'emploi et la pauvreté : ces quartiers affichent deux fois plus de chômage et sont trois fois plus exposés à la pauvreté. C'est un enjeu essentiel auquel le Gouvernement doit s'atteler dans la nouvelle politique de la ville que vous voulez engager, monsieur le ministre.

Pour autant, le tableau doit être nuancé car on ne perçoit pas toujours la mobilité dans les zones urbaines sensibles que certains habitants quittent. C'est une victoire individuelle mais dont ne bénéficient pas les territoires concernés où continuent à se concentrer les difficultés sociales. Comme le dit Mme Malgorn : les ZUS, on y entre et on en sort. C'est un élément clef pour récuser l'importation du concept de ghetto urbain.

La rénovation urbaine est une politique qu'il faut poursuivre tout en renouvelant ses principes fondateurs ainsi que les objectifs d'accès à l'emploi, aux services publics, à un logement agréable et à un cadre de vie embelli. Le plan initial était prévu pour cinq ans, nous sommes plus près des quinze ans au final. Il faut maintenant penser à une deuxième étape, un acte II qui ne soit pas la création d'un dispositif permanent mais qui prolonge le plan initial. Nous sommes attendus. Vous avez la responsabilité de poursuivre une politique renouvelée. C'est un chantier exaltant, et d'autant plus difficile à conduire dans les conditions budgétaires actuelles.

La dynamique de l'ANRU a été transposée au parc privé ancien avec ce que l'on a appelé successivement l'ANRU 2, l'ANRU parc privé puis le PNRQAD, le label qui a été retenu, dont l'ampleur n'a rien de comparable avec le programme national initial. On sait aussi que les quartiers en difficultés ont la spécificité de comporter des copropriétés parfois immenses, ce qui fait toute la difficulté d'intervention à Clichy-Montfermeil ou à Grigny par exemple. Mais cela ne doit pas conduire à oublier les autres copropriétés dont l'échelle est plus modeste. Je tenais, monsieur le ministre, à appeler votre attention sur ce point.

J'aimerais enfin vous interpeller sur la question du Grand Paris. Une grande majorité des ZUS franciliennes se trouvent à l'écart des territoires de projet qui vont concentrer des investissements importants au cours des quinze prochaines années dans le cadre du nouveau Grand Paris. En Île-de-France comme ailleurs, les acteurs publics veulent prendre la mesure de la métropolisation, cette nouvelle dynamique urbaine. La métropolisation consiste à accepter que certains secteurs servent de locomotive ; mais pour que l'ensemble fonctionne, il faut que tous les wagons soient bien arrimés, et en particulier les ZUS, qui concentrent les plus grandes difficultés.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, connaître vos intentions pour poursuivre et renouveler la politique de la ville dans les quartiers en renouvellement urbain, avec une nouvelle liste de quartiers. Je souhaite aussi que la nouvelle géographie de la politique de la ville que vous allez mettre en oeuvre à l'issue de la concertation nationale que vous avez conduite permette de dessiner de nouveaux périmètres, mais aussi de mettre en oeuvre des politiques thématiques par-delà ces périmètres. En effet, les populations en difficulté ne se limitent pas aux ZUS. Il existe des quartiers populaires en dehors, tant en secteur urbain que périurbain.

L'enjeu est de taille, monsieur le ministre, mais la tâche est exaltante. Il s'agit tout simplement de faire vivre l'égalité sociale et territoriale, de réparer ce qui s'est dégradé, ce qui a été mal fait et mal conçu. Il s'agit tout simplement de faire en sorte que vivent les valeurs républicaines, partout et pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

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Le comité interministériel des villes qui s'est réuni le 19 février a réaffirmé la nécessité d'une politique nationale de solidarité. Ses propositions s'appuient sur une large concertation des acteurs de la politique de la ville. Je retiendrai particulièrement cette nouvelle génération des contrats de ville qui met en avant l'idée d'aller vers des politiques de droit commun et qui affirme la nécessité de donner toute leur place aux habitants.

Les quartiers populaires ont connu depuis de nombreuses années, plus de vingt ans, toutes les vagues de politique de la ville. Nous avons expérimenté tous les dispositifs en « Z » – ZUS, ZFU, ZEP, ZUP – et tous les types de contrat et de projet : GPV, GPU, ANRU, CUCS et je m'arrêterai là… Il nous faut me semble-t-il être guidés par deux principes : avoir le projet, à terme, de sortir des dispositifs spécifiques et, et c'est presque plus important me semble-t-il, ne plus regarder les habitants des quartiers à distance. Ceux qui font la ville doivent la vivre, sinon grandit le sentiment dans nos villes d'être terre permanente d'expérimentation.

Il y a deux écueils traditionnels dans notre politique de la ville que le plan proposé permettra, je pense, de lever – ce qui ne dispense pas de rester vigilant ! Le premier, c'est la façon de faire vivre les lieux de société communs, à commencer par l'école parce que c'est là que se fait la rencontre entre les habitants et que se construit le vivre ensemble. Nous voyons tous dans nos quartiers, y compris les quartiers rénovés, se poser la question de l'évitement scolaire. Nous savons que nous pouvons l'enrayer, par le biais de la rénovation des écoles et des collèges, mais aussi grâce au travail sur les questions des filières scolaires, de l'accompagnement dans le primaire par des maîtres complémentaires et de la scolarisation à partir de deux ans. Il y a donc des leviers à activer.

Les équipements culturels et sportifs sont un autre lieu de société important. Les premiers plans de l'ANRU ont permis de faire des investissements dans ce domaine, mais sans les moyens de fonctionnement correspondants. Or une politique de rénovation urbaine a besoin qu'ensuite, les gens vivent ensemble, se rencontrent. À Rillieux-la-Pape, à Bron, à Vaulx-en-Velin, des villes de ma circonscription, il y a des compagnies de danse en résidence, mais il faut pouvoir les faire vivre ! Vaulx-en-Velin a désormais un pôle d'astronomie et de culture spatiale qui a vocation à brasser des populations diverses, mais encore faut-il pouvoir le faire fonctionner !

Le deuxième écueil, celui auquel se sont heurtés me semble-t-il les premiers plans de rénovation urbaine, c'est la question de la participation des habitants. Ces politiques transforment réellement les quartiers – à Vaulx-en-Velin, le centre ville est complètement sorti de terre – mais malgré cela, la défiance des habitants demeure. Cela se traduit au travers de choses toutes simples, les élections par exemple, avec des taux d'abstention si élevés qu'on a l'impression que le lien entre l'action publique, les décideurs et les habitants est rompu. C'est un véritable enjeu pour notre démocratie. Nous devons donc réévaluer les dispositifs de consultation et de concertation avant rénovation, et retravailler les conseils de quartier : comment les faire mieux fonctionner ? Comment mieux former les habitants ? Comme convaincre que la parole de chacun compte ? C'est un enjeu aussi important que de réussir la rénovation urbaine et la réhabilitation du bâti.

Je salue enfin votre volonté, monsieur le ministre, d'intégrer la notion d'histoire dans votre politique. La rénovation urbaine dans sa nouvelle dimension ne peut consister à faire table rase du passé. Nos villes ont une histoire : celle de l'immigration bien sûr, italienne, espagnole, portugaise, maghrébine, d'Afrique noire ou d'Europe de l'est, mais aussi une histoire ouvrière avec des usines, des friches industrielles, des combats syndicaux qui ont forgé une identité. Elles ont certes des tours, mais aussi des pavillons. Nous devons aussi garder trace de cette histoire au fur et à mesure que nous reconstruisons et que nous repensons la ville.

Vous portez monsieur le ministre une politique majeure, celle de la cohésion nationale. Vous êtes finalement chargé de réconcilier les habitants des quartiers populaires et ceux des centres villes. Vous devez parler à ceux qui disent « que d'argent déversé sur nos banlieues, et pour si peu de résultats ! » Vous devez les convaincre que, d'abord, il n'y a pas eu tant d'argent que cela, et ensuite que l'enjeu est important, parce que nous ne pouvons pas construire un pays à deux vitesses, un pays où l'on se regarderait des deux côtés de frontières intellectuelles si elles ne sont pas physiques. Et puis il faut aussi que les habitants des quartiers sachent qu'ils sont partie prenante de l'avenir de notre pays. C'est à cela que vous vous attelez, monsieur le ministre. Nous serons à vos côtés et nous vous souhaitons pleine réussite. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

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Au début des années quatre-vingt, la gauche a suscité un immense espoir en inventant la politique de la ville. Au début des années quatre-vingt-dix, elle a mis en oeuvre la péréquation financière, au travers notamment de la DSU. Aujourd'hui l'arrivée au pouvoir de François Hollande soulève un immense espoir dans les banlieues et les quartiers populaires. Monsieur le ministre, vous avez une responsabilité toute particulière car ce sont dans ces quartiers-là que l'on attend avant tout le changement.

Ce changement est déjà présent, et j'en mesure l'importance dans ma propre commune puisque Fameck et Uckange sont devenues zone de sécurité prioritaire. C'est d'ailleurs bien cette réconciliation entre les politiques de prévention et de sécurité publique qui indique aujourd'hui une nouvelle étape dans la politique de la ville. Pendant longtemps, la droite nous a accusés de ne faire que de la prévention, tandis que nous l'accusions de ne faire que de la sécurisation. Aujourd'hui nous faisons les deux, et avec efficacité, chacun peut le constater. Dans certaines communes, on est passé de l'ombre à la lumière. Il y a une véritable mobilisation en faveur des populations les plus défavorisées, pour qu'elles aussi puissent dormir la nuit et aller travailler le lendemain.

Je veux également souligner les efforts considérables qui ont déjà été faits dans le domaine de l'emploi. Les emplois d'avenir ont été prioritairement mobilisés dans les quartiers populaires. Cela n'allait pas de soi, d'autant que les précédentes majorités nous ont habitués à des politiques de yoyo dans le domaine des emplois aidés.

Par ailleurs, la politique volontariste du ministre de l'éducation nationale connaît d'ores et déjà des résultats, et est porteuse d'encouragements. Ainsi, 25 % des créations de postes se font dans le primaire, là où se rencontrent les plus grosses difficultés, où certains enfants très jeunes s'inscrivent déjà dans un échec durable, voire dans une primodélinquance qui ne leur permettra plus ensuite de s'insérer correctement dans la société.

Je serais tenté d'y ajouter la question des rythmes scolaires, qui ont été totalement perturbés à un moment donné. Aujourd'hui, nous revenons à une semaine normale pour des enfants normaux.

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Dans d'autres domaines, nous poursuivons et persévérons dans des politiques qui étaient déjà engagées. Je veux souligner dans le contexte de restrictions budgétaires l'effort important qui a été fait pour la DSU, qui connaît une augmentation de 9 %, soit 120 millions. Dans la période actuelle, c'est un signe fort, et c'est important pour nos communes. Mais au-delà, il ne faut pas perdre de vue la DDU, le FPIC et l'ensemble des politiques bénéficiant à ces quartiers, y compris les politiques de droit commun, qui sont tout aussi importantes.

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Il est également important de poursuivre des politiques très spécifiques, du type des préparations à Sciences Po, qui sont dans les zones urbaines sensibles un indicateur positif pour des enfants qui n'espéraient pas fréquenter une telle école.

Mais il n'y a pas que les quartiers difficiles. Puisque je suis issu d'un bassin souffrant de désindustrialisation, je dois rappeler que même s'il reste aujourd'hui encore des usines très haut de gamme dans les vallées sidérurgiques, il y a aussi des centres-villes très dégradés, une population qui connaît une vraie précarisation, des marchands de sommeil qui ne rénovent pas correctement l'habitat, un taux de chômage élevé. Certaines communes n'arrivent pas à s'en sortir parce qu'elles-mêmes n'ont pas les moyens d'engager les travaux.

Il ne faut pas oublier ces quartiers. Ils ne font certes pas partie des ZUS traditionnelles – une catégorie que vous voulez d'ailleurs recentrer, et vous avez raison. Mais ils remplissent les critères qui, objectivement, doivent caractériser les quartiers prioritaires. J'en vois deux : le nombre de personnes pauvres, évidemment, et c'est un critère essentiel, mais aussi la pauvreté de la collectivité ou de l'intercommunalité. Ce deuxième critère doit emporter des aides particulières car si, en plus de la population, les collectivités sont pauvres, on ne peut pas s'en sortir.

Je conclurai par un point plus technique concernant les CUCS. Même s'il ne s'agit pas vraiment d'un contrat, mais plutôt d'une politique territoriale, il faudrait que nous ayons une plus grande lisibilité concernant la répartition de l'enveloppe financière, qu'il n'y ait pas une remise en cause annuelle systématique, ce qui empêche de s'inscrire dans le long terme, et enfin que les notifications ne soient pas trop tardives, sans quoi il nous est impossible d'adapter nos budgets. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

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La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Je vous remercie pour la qualité des interventions que nous venons d'entendre. J'ai encore eu la preuve aujourd'hui qu'en matière de politique de la ville, ce sont toujours des élus de terrain passionnés et connaisseurs des réalités qui s'expriment dans cet hémicycle.

Je remercie donc chaleureusement l'ensemble des orateurs, en m'étonnant toutefois de l'absence d'un représentant du groupe GDR, dont j'avais cru comprendre qu'il se faisait une priorité de la défense des milieux populaires dans les quartiers difficiles. Mais peut-être M. Bénisti, qui s'est attaché à pourfendre la politique d'austérité du Gouvernement et à défendre les classes populaires, avait-il été investi d'une double mission ! (Sourires.)

Je veux également remercier le groupe UDI, une fois n'est pas coutume, qui a proposé que se tienne aujourd'hui ce débat. Je sais les députés de ce groupe particulièrement engagés en matière de politique de la ville.

Le débat sur la politique de la ville est fondamental pour notre société. Son enjeu excède largement le seul sort des quartiers en difficulté. Tout d'abord, il nous interroge sur l'idée que nous devons nous faire de la ville de demain, de sa construction, de son organisation fonctionnelle et sociale, et des liens qu'elle doit organiser avec son territoire. Ensuite, il met également en lumière le défi que nous devons collectivement relever, le défi de la cohésion sociale et territoriale. Enfin, il doit aussi permettre de réfléchir sur l'architecture, l'urbanisme et, bien entendu, les outils nécessaires à la transformation écologique de nos villes.

Mais la politique de la ville est aussi, je crois, une méthodologie de l'action publique. C'est en fait la seule politique partenariale et contractuelle, qui démontre au quotidien que le décloisonnement des pratiques et l'échange d'expériences sont des facteurs d'efficacité au service des habitants. C'est également certainement la seule politique publique qui pense le citoyen dans sa globalité, dans toutes les dimensions de sa vie quotidienne, qu'il s'agisse de santé, de sécurité, de logement, d'éducation, de formation, de culture ou d'emploi.

Dès le 22 août dernier, je présentais en conseil des ministres les moyens de mise en oeuvre du changement dans les quartiers. Ce changement s'est appuyé sur une concertation opérationnelle qui a réuni l'ensemble des acteurs de la politique de la ville durant quatre mois, autour de trois groupes de travail. Il y eut également les 700 cahiers d'acteurs et les 1 600 participants aux Rencontres Avis Citoyen.

Cette concertation a abouti à la réunion d'un comité interministériel des villes, le 19 février, qui a présenté non pas un énième plan d'urgence mais vingt-sept décisions concrètes, vingt-sept décisions pour respecter l'engagement 27 du Président de la République, qui a été rappelé tout à l'heure.

Le 19 février dernier, c'est bien l'ensemble du Gouvernement qui s'est engagé sous la direction du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Cette réforme de la politique de la ville vise un objectif primordial : la reconnaissance, enfin, de la réalité de nos quartiers et des conditions de vie de leurs habitants dans les politiques nationales et territoriales. Et, quand je dis « reconnaissance », je ne parle pas de gratitude à leur égard, je parle d'admettre leur existence et leur légitimité.

Toutes les études le montrent, vous l'avez rappelé : les politiques conduites depuis dix ans n'ont pas réduit les inégalités sociales et territoriales. La meilleure illustration a été donnée par la dernière étude de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, l'ONZUS. Je ne citerai qu'un seul chiffre : l'écart se creuse en matière de taux de chômage des jeunes, puisque celui-ci a gagné de plus de 6 points depuis 2008 dans ces territoires, tandis qu'il augmentait de 2,3 points en moyenne nationale. Cette étude, comme d'autres, démontre également qu'il est difficile de suivre les populations de ces quartiers en raison d'un fort turnover. Les familles en difficulté qui arrivent à s'en sortir quittent les quartiers populaires mais elles sont remplacés par d'autres. J'y reviendrai plus tard.

Le ministère de la ville a été créé par François Mitterrand et Michel Rocard pour améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers populaires. Ministre de la ville, je suis en fait le ministre des quartiers où se concentre la pauvreté. Ce sont parfois des morceaux entiers de villes qui en sont finalement exclus et cumulent les problèmes : chômage, échec scolaire, habitat dégradé, insécurité. Le ministère de la ville ne réglera pas seul l'ensemble de ces problèmes. L'objectif, c'est de casser les ghettos qui se construisent en ville, et aussi parfois dans les têtes. Car ces ghettos engendrent, vous le savez, des phénomènes dangereux pour notre cohésion sociale : trafics de stupéfiants, économie souterraine, repli communautariste, extrémisme religieux.

Si la République est, aux termes de l'article 1er de la Constitution « une et indivisible », ce principe est aujourd'hui fortement mis à mal dans ces quartiers. Pourquoi ? Parce que, pendant des décennies, notre République n'a pas voulu prendre la mesure de l'existence sur le territoire national de fractures territoriales profondes, qui engendrent aujourd'hui des fractures sociales inacceptables. Ces fractures sont accentuées par la crise, à l'intérieur des villes, entre les villes, entre les villes et les territoires périurbains, entre le périurbain et les territoires ruraux, entre la métropole et les outre-mer. La réponse que le Gouvernement entend apporter est la cohésion urbaine et le rétablissement de l'égalité républicaine sur l'ensemble du territoire.

Le Président de la République a manifesté cette volonté de rétablir l'égalité entre les territoires par la création d'un ministère dédié dont la charge a été confiée à Cécile Duflot. C'est un signal fort à l'égard des territoires stigmatisés ou délaissés.

Cette reconnaissance se traduit par l'affirmation d'une égalité qui ne consiste pas à donner la même chose à tout le monde et partout, l'affirmation d'une égalité qui consiste, bien au contraire, à donner à chacun en fonction de ses besoins, de ses manques, en fonction de ses ressources, et ce de manière équitable.

Cette reconnaissance des quartiers populaires doit d'abord se traduire par une rénovation de notre pratique collective de l'action publique. Vous le savez bien : si, depuis trente ans, nous n'avons pas réussi à régler le problème des quartiers, ce n'est pas parce que la politique de la ville a été un échec, comme certains aimeraient à le faire croire, c'est bien parce cette politique a été marginalisée par les politiques de droit commun, enfermée comme les quartiers qu'elle entendait ouvrir, et qu'à chaque fois que la politique de la ville s'est impliquée dans un quartier, les autres administrations s'en sont souvent retirées ;

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

…c'est d'ailleurs le constat qu'a fait la Cour des comptes dans le rapport rendu en juillet dernier. Or la politique de la ville est, par nature, interministérielle, et elle a été pensée pour venir suppléer, renforcer les crédits de droit commun, et non pour les remplacer.

Ma priorité est donc de changer la méthode, de revenir aux sources, à l'esprit qui animait à l'origine la politique de la ville, et de territorialiser, avec mes collègues du Gouvernement, les politiques publiques, en différenciant les interventions de l'État en fonction des difficultés rencontrées par les territoires et leurs habitants. C'est – j'en ai conscience – une révolution culturelle de l'action publique qu'il nous faut accomplir, mais j'ai aussi la conviction profonde que la politique de la ville a cette capacité d'innover, d'être à l'avant-garde des politiques publiques, comme elle le fait depuis près de trente ans déjà, en matière de contractualisation, de dispositifs partenariaux, d'ingénierie de projet, et qu'elle est donc un outil particulièrement pertinent et performant pour amorcer cette révolution. Il en est ainsi parce qu'elle est avant tout une méthodologie de l'intervention publique, comme je le disais en introduisant mon propos, plus qu'une manne financière essentielle pour les collectivités.

Je sais que la levée du droit commun fut le mur auquel mes prédécesseurs se sont heurtés. J'ai néanmoins la ferme volonté de briser ou de contourner ce mur ; ne pas y croire, ce serait de nouveau condamner la politique de la ville à être une politique de substitution, un ersatz de politique publique, une politique « bas de gamme » pour les quartiers populaires. Or il ne peut, dans notre pays, y avoir, d'un côté, une politique de la ville pour les quartiers populaires et, de l'autre, des politiques de droit commun pour le reste du pays. Ce n'est pas ma conception de la République, ce n'est pas celle du Gouvernement.

Je veux, pour lever ce droit commun, utiliser deux leviers, l'un national, l'autre local.

D'ici à la fin du semestre, je signerai des conventions d'objectifs et de moyens avec tous les ministères concernés afin que chacun s'engage sur des politiques de droit commun renforcées pour les quartiers populaires. Les premières conventions seront signées dans les deux prochaines semaines avec les ministères de l'emploi et de la jeunesse et des sports. Puis viendront les conventions avec le ministère des affaires sociales et de la santé, et celui de l'intérieur. De premières mesures tracent déjà le chemin, qui ont été rappelées : 30 % des emplois d'avenir, soit 30 000 emplois cette année, seront réservés aux jeunes issus des zones urbaines sensibles et des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; plus de 25 % des créations de postes dans l'éducation nationale seront réservées aux quartiers prioritaires ; les zones de sécurité prioritaires créées en milieu urbain sont toutes situées, à l'exception de l'une d'entre elles, dans des quartiers prioritaires relevant de la politique de la ville. Soulignons, à cet égard, une nouveauté : la carte des zones de sécurité prioritaire a été élaborée en commun par les ministères de la ville et de l'intérieur, qui n'avaient pas forcément, ces dernières années, l'habitude de travailler ensemble.

Le deuxième levier pour lever le droit commun est local. Les nouveaux contrats de ville réuniront autour d'une même table l'ensemble des acteurs habituels, bien entendu, mais également de nouveaux acteurs, qui seront signataires obligatoires. Je pense au recteur, ou au directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale, le DASEN, à Pôle emploi, aux agences régionales de santé, aux caisses d'allocations familiales, qui, avec les bailleurs et les collectivités, coordonnés par le préfet, le président de l'intercommunalité et le maire, devront déployer dans tous les quartiers populaires le droit commun renforcé. Une fois ce droit commun renforcé défini, les crédits de la politique de la ville seront déployés dans les quartiers prioritaires pour faire effet de levier ou pour amplifier.

J'en profite pour répondre à l'une des questions qui me furent posées, qui portait sur le rôle du maire. Ce n'est pas, pour moi, un simple exécutant de la politique de la ville. Ce sera bien son opérateur principal, puisqu'il est l'opérateur de proximité. Quant à l'intercommunalité, son rôle sera de resituer la ville dans son environnement, de développer des solidarités locales.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Ce sera aussi le bon échelon pour parler des politiques de peuplement et, entre autres, de l'attribution de logements.

Je précise par ailleurs, pour répondre à M. Jean-Luc Laurent, que les périmètres en Île-de-France ne sont pas adaptés. Si l'on raisonne uniquement en s'appuyant sur la communauté d'agglomération Clichy-sous-Bois Montfermeil ou sur le groupement d'intérêt public de Grigny et Viry-Châtillon, pour faire référence à mon département d'origine, on ne réglera pas le problème. C'est pourquoi je proposerai que le préfet de région, que l'État, en lien, bien entendu, avec les élus locaux, en lien, aussi, peut-être, avec les contrats de développement territoriaux tels qu'ils ont été définis par le Grand Paris, définisse des périmètres plus larges en Île-de-France, de façon à ce que les solidarités locales s'expriment là où les intercommunalités se sont souvent construites par opposition à la collectivité d'à côté.

Je sais que lever le droit commun sera difficile car, derrière les ministres, il y a aussi les administrations centrales et les administrations déconcentrées, il y a les habitudes et les méthodes de travail, il y a tout un logiciel d'organisation qu'il est impératif de changer. Mais, face à l'urgence, qui était déjà bien réelle lors de la réforme avortée de 2009, nous avons le devoir collectif de ne plus reculer. Il faut donc sauter le pas.

Je veux maintenant parler de la nouvelle géographie prioritaire, dont je sais qu'elle suscite beaucoup d'interrogations, voire quelques inquiétudes.

Elle sera objective et lisible, comme l'ont souhaité ceux qui ont participé à la concertation nationale que j'ai clôturée au mois de janvier dernier. Elle procède d'un souci de justice auquel le choix d'une nouvelle méthode statistique, le carroyage, et un critère social central, la part de population à bas revenus – certainement la part de population dont les revenus sont inférieurs à 60 % du revenu médian –, permettront de répondre. Des critères plus adaptés aux spécificités locales, notamment celles des outre-mer, s'y ajouteront. Avec cette nouvelle carte prioritaire, partout où sur le territoire national il y aura des concentrations spatiales de pauvreté, et donc des difficultés sociales, économiques et urbaines, partout, l'État répondra présent par les crédits de la politique de la ville et la levée du droit commun. Cette nouvelle méthode ne laissera pas de place au doute, et permettra aussi de rappeler à certains que l'objectif d'un quartier n'est pas d'être en politique de la ville, mais bien d'en sortir. À ce propos, je veux souligner le courage du maire de Montigny-le-Bretonneux, qui vient de m'écrire pour demander que sa commune sorte de la géographie prioritaire, puisqu'il considère que sa politique y a permis une amélioration de la situation.

Je l'affirme : reconcentrer, ce n'est pas renoncer.

Le saupoudrage permis par l'extension contractuelle des CUCS de 2006 a perverti l'effet de levier justement recherché par la politique de la ville. De 1 500 quartiers avant cette date, nous sommes passés à près de 2 500 aujourd'hui, avec un budget moindre. Il s'agit donc d'une réforme commandée non pas par la restriction budgétaire mais bien par le souci de redonner toute son ambition à la politique de la ville.

J'ajoute, à l'intention de M. Bénisti, que cette réforme avait déjà été envisagée en 2009. Je tiens à votre disposition l'ensemble des rapports et leurs conclusions, notamment le rapport de M. Hamel.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Force est de reconnaître que par manque de volonté – j'oserai même dire : par manque de courage – le précédent gouvernement avait renoncé à cette réforme, ou à tout le moins l'avait repoussée à une date ultérieure aux élections municipales. On se demande bien pourquoi !

Reconcentrer, c'est faire jouer la solidarité nationale dans les territoires où les difficultés et les besoins sociaux sont les plus importants. C'est reconnaître que Clichy-sous-Bois et Roubaix ont plus de difficultés dans leurs quartiers et moins de moyens pour les assumer que des villes comme Biarritz ou Boulogne-Billancourt.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

C'est également reconnaître que Guéret ou Auch, bien que situées en milieu rural, rencontrent des difficultés urbaines similaires qui rendent le soutien de l'État nécessaire. Nous sommes actuellement en train de faire des simulations pour déterminer la carte des zones prioritaires. Je pourrai la rendre publique après qu'elle aura effectué quelques allers et retours entre nos services et les préfets, qui eux-mêmes consulteront les élus locaux. Vous verrez que ces villes, qui n'étaient pas incluses dans le périmètre de la politique de la ville car elles sont situées en milieu rural, pourront désormais bénéficier de l'ingénierie et des crédits de cette politique.

Je souhaite, dans un premier temps, identifier les poches de pauvreté sur l'ensemble du territoire national. Mais ce n'est pas tout : je veux également, dans un deuxième temps, prendre en compte la richesse des territoires et leurs capacités d'intervention. Ces capacités seront mesurées par leurs potentiels ou leurs efforts fiscaux. En effet, certains quartiers de certaines communes peuvent rencontrer des difficultés, alors que dans le même temps ces mêmes communes disposent d'une richesse budgétaire structurelle leur permettant de mener des politiques de cohésion sans l'aide de l'État.

Je m'interroge, par exemple, sur la légitimité d'accorder encore aujourd'hui des crédits au titre de la politique de la ville à une ville du Sud de la France, plus précisément des Alpes-maritimes, dont les recettes de fonctionnement sont de 80 % supérieures à la moyenne de sa strate démographique, les dépenses d'investissement supérieures de 65 %, et le potentiel fiscal de 65 %. Je ne crois pas que le rôle de la politique de la ville soit de financer tous les festivals de France, fussent-ils les plus prestigieux !

Je pourrais citer d'autres exemples. Je m'interroge tout autant sur la légitimité de maintenir les crédits de la politique de la ville à destination d'une commune proche de celle dont je viens de parler, dont le budget de fonctionnement est de près de 15 % supérieur à la moyenne des autres grandes villes françaises, tout comme ses charges de personnel, ce qui lui permet de disposer de la première force de police municipale de France en termes d'effectifs, avec 380 policiers, 150 agents de la voie publique et 624 caméras de vidéosurveillance. Cette politique de sécurité fait la fierté de son maire. J'espère qu'il aura autant de fierté à reconnaître que sa ville peut être solidaire avec tous ses citoyens et notamment les plus fragiles, avant même de bénéficier de la solidarité nationale.

Cette révolution culturelle de l'action publique que j'évoque pour l'État doit également être amorcée par les collectivités territoriales. Celles-ci sont en première ligne face à l'urgence sociale ; elles sont un garde-fou territorial essentiel face à la crise qui frappe encore plus durement qu'ailleurs les habitants de ces quartiers. C'est le sens du nouveau contrat de ville qui se substituera dès 2014 aux contrats urbains de cohésion sociale, les CUCS. Ce contrat de ville devra être signé par les principaux acteurs de la politique de la ville, notamment les intercommunalités, les départements et les régions.

À cet égard, je me félicite d'avoir signé le 13 février dernier avec l'Association des régions de France et son président Alain Rousset une convention actant l'engagement des régions dans ces futurs contrats. Elles se sont engagées à consacrer au moins 10 % des fonds européens, qu'il s'agisse des fonds versés par le Fonds social européen ou de ceux versés par le Fonds européen de développement régional, aux quartiers concernés par la politique de la ville. À l'heure actuelle, ce taux est de 2 % pour le FSE et de 7 % pour le FEDER. Je vous signale que des conventions similaires sont en cours de rédaction avec l'Assemblée des départements de France et j'espère qu'une convention sera bientôt conclue avec l'Association des maires de France et bien d'autres associations de collectivités territoriales également. L'État et les collectivités ont un objectif commun : ils doivent donc conjuguer leurs forces sur ces territoires.

Permettez-moi de dire un mot de la rénovation urbaine. Le Plan national de renouvellement urbain a effectivement donné un visage plus digne à 300 000 logements en métropole et outre-mer. Il ne faut pas sous-estimer cette avancée, qui a amélioré le cadre et les conditions de vie des habitants. La rénovation urbaine est un outil qu'il s'agit de continuer à utiliser. Certaines opérations qui ont déjà commencé doivent être suivies d'une seconde phase pour transformer vraiment la vie des habitants. Rénover, construire, réorganiser les espaces privés et publics : ce ne sont là que des outils pour recréer des villes mixtes. Pour réduire les fractures géographiques, rénover les logements et limiter leur consommation énergétique, pour lutter contre l'étalement urbain, il faut reconstruire la ville sur la ville, et pas à côté d'elle, comme cela a été trop souvent le cas.

Le premier Plan national de rénovation urbaine représentait 45 milliards d'euros. Nous sommes à présent à près de 6 milliards d'euros de paiements, soit presque la moitié des montants dus par l'Agence nationale de rénovation urbaine. Je remercie mes prédécesseurs de m'avoir laissé ainsi l'essentiel des financements à trouver. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Non sans mal, les discussions budgétaires de fin d'année ont permis de sécuriser le financement de la fin de ce programme, tout en restaurant des relations de confiance avec les principaux acteurs. Avec la contribution d'Action logement et les nouvelles recettes fiscales mises en place par la loi de finances pour 2013, nous mobilisons les ressources nécessaires pour prendre en charge des dépenses supérieures à un milliard d'euros chaque année, et garantir ainsi la poursuite du PNRU sur la période 2013-2015.

Lors du comité interministériel des villes, le Premier ministre a souhaité, à ma demande, qu'une nouvelle phase soit lancée sans attendre la fin du premier PNRU. De nouvelles opérations de rénovation urbaine seront donc engagées dès la signature des contrats de ville en 2014 dans deux cents quartiers de métropole et trente quartiers d'outre-mer. Elles devront s'inscrire dans le cadre d'une politique de l'habitat plus globale, pour rééquilibrer l'offre de logements locatifs sociaux, notamment l'offre à bas loyer, sur le territoire des agglomérations.

La nouvelle géographie des actions de l'ANRU sera basée sur la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville, définie à partir de critères urbains comme la diversification de l'habitat, l'état du parc de logements et l'enclavement des quartiers. La liste des quartiers concernés sera donc resserrée et arrêtée au niveau national au mois de septembre prochain, afin d'éviter la dilution des crédits dans un contexte budgétaire contraint. Il s'agit d'assurer, à la différence du premier PNRU, la concentration des moyens nécessaires au traitement complet des quartiers concernés. En conséquence, la priorité sera donnée à la finalisation du traitement des sites actuellement concernés par un programme de rénovation urbaine et à l'intervention sur les secteurs limitrophes n'ayant pas bénéficié du premier PNRU.

L'apport de la rénovation urbaine est indéniable pour ce qui est de la méthode et de la rigueur : une logique de projet prévaut désormais, avec des échéances précises et des clauses de revoyure. La rénovation urbaine a permis de structurer les schémas d'aménagement des collectivités et de faire progresser l'ingénierie. Tout ceci doit être conforté par la continuité des programmes de rénovation urbaine de nouvelle génération. Mais il faut aller plus avant : une réflexion est en cours sur l'évolution du modèle financier, notamment sur les conditions de financement des opérations, la modulation des aides selon les capacités financières des maîtres d'ouvrage, l'analyse préalable de la soutenabilité financière des projets, l'introduction de formes de financement autres que la subvention, et le développement et la facilitation de l'investissement privé. Une réflexion est également en cours sur les nouveaux champs d'intervention de la rénovation urbaine. Je pense notamment aux équipements publics de santé et à la culture. La réflexion porte surtout sur la recherche d'une plus grande cohérence avec la politique du logement, dans la définition des stratégies de rééquilibrage du parc social et du relogement.

Quant à l'intervention de l'ANRU dans les territoires d'outre-mer, elle doit s'adapter aux spécificités de chaque département d'outre-mer, et notamment s'affranchir de la logique des grands ensembles. Il y a une urgence sociale et sanitaire à intervenir sur les secteurs d'habitat informel et insalubre. Je l'ai encore vu le week-end dernier au cours de mon déplacement en Martinique et Guyane. Les dispositifs de résorption de l'habitat insalubre, ou RHI, doivent bénéficier des acquis de la rénovation urbaine en matière de gouvernance. Les moyens de la rénovation urbaine et de la RHI devront donc être combinés. L'ANRU fera ainsi levier sur la résorption de l'habitat indigne, en se concentrant sur les volets aménagement, équipements publics et infrastructures, tandis que la RHI se recentrera sur le volet habitat.

Bien entendu, comme cela a déjà été évoqué, cette reconnaissance des fractures territoriales passe également par la solidarité financière, afin de soutenir les territoires qui connaissent des déficits structurels de ressources alors même qu'ils doivent assumer des besoins sociaux extraordinaires. Comme François Pupponi l'a souligné, dès 2013, le Gouvernement a proposé un renforcement historique de la péréquation. Je ne rappellerai pas les montants de cette augmentation. Nous devrons bien entendu maintenir ce cap en 2014.

Cette solidarité financière doit s'exercer à tous les échelons. Sur ce point, je suis d'accord avec les préconisations formulées par François Pupponi dans les conclusions de son rapport sur la solidarité financière et intercommunale, qui seront présentés au Parlement. Il s'agit notamment de rendre obligatoire la mise en place d'une dotation de solidarité communautaire efficace partout où l'État s'engage avec les crédits de la politique de la ville. Cette solidarité locale devra être retracée dans des annexes aux budgets communaux et intercommunaux. Nous réfléchirons également – comme François Pupponi l'a précisé – à la mutation de la dotation de développement urbain en une dotation de la politique de la ville. Celle-ci sera véritablement le bras armé financier des futurs contrats de ville. La liberté de son emploi permettra dans une certaine mesure de consacrer le droit à l'expérimentation, source d'innovation et d'intelligence territoriale.

Reconnaître les fractures territoriales, c'est aussi, comme cela a été souligné au cours de ce débat, reconnaître les quartiers et leurs habitants. C'est donc aussi en finir avec la stigmatisation dont ces derniers sont victimes depuis trop longtemps. C'est une réalité dans les faits mais aussi dans les têtes. Il y a, parmi les objectifs de la politique de la ville, des batailles que personne n'a le droit d'abandonner. La lutte contre les discriminations et la stigmatisation des habitants des quartiers est de celles-ci. C'est aussi le sens de cette réforme, conformément à notre souci de justice et d'égalité. À propos d'un sujet aussi sensible, ne nous retranchons dans des postures simplistes et rassurantes. Ne réduisons pas le débat à l'unique question de l'intégration. Faire porter le blâme sur les habitants de ces quartiers est trop facile : la majorité d'entre eux est en réalité totalement intégrée dans ce pays.

Il est trop facile de désigner et d'ostraciser par ce biais les héritiers de ceux qui en d'autres temps et en d'autres lieux ont pourtant fait la fierté de notre nation. Je pense aussi à nos compatriotes français d'outre-mer qui résident en métropole : ils sont également victimes de ces stigmatisations. C'est ajouter l'humiliation à l'injustice ! L'enjeu de cette bataille est majeur : à force de ne pas reconnaître les droits de ces habitants, nous construisons à l'intérieur du ghetto territorial, un ghetto mental. Et l'esprit de communauté qui a maintenu jusqu'ici, en lieu et place de la République, les valeurs de solidarité et de fraternité dans ces quartiers, peut en effet devenir un facteur d'auto-exclusion et de repli vers l'extrémisme.

Cette bataille pour casser les ghettos et reconstruire des villes mixtes est une bataille majeure pour la République et pour le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Le Premier ministre l'a pleinement exprimé lors du comité interministériel des villes, le 19 février dernier. Je sais que cette bataille sera longue et compliquée, car je connais les inerties coupables et les idéologies trompeuses qu'il va falloir combattre.

Lutter contre les stigmatisations, c'est aussi, bien entendu, combattre les discriminations à l'emploi. Aujourd'hui, un grand nombre de jeunes de ces quartiers, sans formation, sont éloignés du marché de l'emploi. Ce sont ces jeunes auxquels les emplois d'avenir devront s'adresser en priorité, comme je l'ai dit tout à l'heure. Nous devons également être attentifs aux jeunes diplômés qui, démarche après démarche, entretien après entretien, se voient refuser l'accès à un premier emploi.

C'est pour cela que nous expérimenterons dès cette année, sur une dizaine de sites, quelque 2 000 emplois francs. J'envisage cette formule avant tout comme un outil contre les discriminations. En effet, ces emplois francs doivent faciliter l'embauche de ces jeunes par des entreprises situées non plus dans le quartier, mais dans le bassin d'emploi. Si l'expérimentation est satisfaisante, nous disposerons de 10 000 emplois francs dans les trois années à venir.

La bataille contre les stigmatisations est aussi la bataille contre les discriminations qui frappent les habitants en raison de leur origine réelle ou supposée, ou de leur lieu de résidence. Afin de rétablir l'égalité pour les habitants des quartiers populaires, le comité interministériel des villes a pris plusieurs décisions visant à renforcer le pilotage interministériel et les leviers d'action du Gouvernement dans ces domaines pour en finir avec les discriminations en fonction de l'adresse dont sont victimes les habitants des quartiers populaires.

Lutter contre les stigmatisations passe également par la reconnaissance de l'existence d'une force citoyenne extraordinaire déjà mobilisée et qui doit être soutenue et encouragée. Je le vois dans chacun de mes déplacements : l'attente est forte dans les quartiers populaires.

Il faut à cet effet accorder une place centrale aux habitants, en leur reconnaissant le droit d'opinion, la capacité d'agir, le pouvoir de co-construire l'avenir de leur quartier. C'est pourquoi j'ai proposé à Marie-Hélène Bacqué et à Mohamed Mechmache – président de l'association ACLEFEU – une mission sur cette question pour qu'ils s'interrogent sur les bons outils à mettre en oeuvre. La France connaît un retard important dans ce domaine, et il y a même quelque chose d'anachronique à ce que je me tienne en 2013 devant vous, représentants du peuple, à l'Assemblée nationale, pour justifier de l'intérêt d'une démocratie locale renforcée. Le temps où l'on imposait d'en haut les politiques publiques sans l'accord de celles et ceux pour lesquels elles sont conduites est dépassé.

C'est d'ailleurs l'une des lacunes majeures qu'il nous faudra corriger dans les prochaines opérations de rénovation urbaine. Qui accepterait qu'on lui dise « bonjour monsieur, bonjour madame, dans trois ans, votre immeuble va être démoli et vous allez partir, mais on ne peut pas encore vous dire où, mais vous allez partir ». Aucun de vous ne l'accepterait. Ce qui n'est pas acceptable pour vous ne l'est pas non plus pour les habitants des quartiers populaires.

Il est paradoxal de s'inquiéter du désintérêt croissant pour la chose publique, de se préoccuper de l'hémorragie électorale dans ces quartiers ou de la montée des extrémismes et, dans le même temps, de ne pas donner aux habitants les moyens d'être pleinement acteurs dans leur quartier.

Je veux que la réforme de la politique de la ville marque sur la question de la participation des habitants un tournant décisif. Je veux que les habitants deviennent des acteurs à part entière dans les territoires, aux côtés de l'État et des collectivités.

Enfin, j'ai l'intime conviction que la lutte contre les discriminations passe par la lutte contre les processus de ségrégation et de relégation, donc par notre capacité à repenser la mixité sociale à l'aune des politiques de peuplement. C'est un point essentiel pouvant expliquer un grand nombre des difficultés de ces quartiers. Il est assez cynique de parler de problème d'intégration quand, pendant des décennies, on a délibérément concentré les populations immigrées dans ces quartiers. Il est parfaitement malhonnête de dénoncer un repli communautaire qui serait délibérément recherché par les habitants, quand des communes « hors la loi » préfèrent payer l'entre soi plutôt que de participer à l'effort de solidarité imposé par la loi SRU.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Contrairement à certains aujourd'hui, je ne souhaite pas abandonner l'objectif de mixité sociale à l'intérieur de ces quartiers. La mixité ne se décrète pas, elle se construit, notamment par des mécanismes d'attribution de logement, sur lesquels Cécile Duflot a lancé une grande concertation.

La future loi « logement et urbanisme » devra mettre en oeuvre des réformes structurelles en faveur de la construction de logements, notamment en matière de planification locale, en privilégiant l'intercommunalité comme niveau de planification opérationnelle. Le Président de la République a tracé la voie aujourd'hui même en annonçant un plan conséquent pour le logement.

C'est pourquoi la réforme de la politique de la ville commande elle aussi de changer d'échelle et d'appréhender le quartier non plus de manière refermée sur lui-même, mais inscrit dans la dynamique d'un territoire, d'une agglomération. L'intercommunalité est l'échelon stratégique pour repenser la mixité sociale, urbaine et fonctionnelle, l'échelon pertinent pour interroger les trajectoires résidentielles et combattre la « spécialisation » des quartiers populaires. Elle permet de conduire des politiques d'attribution concertées à une échelle plus grande et déclinées plus finement sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; d'intégrer les opérations de résorption de l'habitat insalubre en outre-mer comme je l'évoquais tout à l'heure ; de questionner les attributions DALO, le relogement des personnes après la démolition des immeubles ou le suivi des ménages dans leur parcours résidentiel.

Debut de section - Permalien
François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Il faut aussi travailler, j'en suis convaincu, à des mécanismes plus souples entre contingents préfectoraux et municipaux et réfléchir à des dispositifs de mutualisation interbailleurs ; peut-être, expérimenter la déconnexion entre financeurs et attributaires ; renforcer la qualité de gestion du patrimoine HLM. Cela nous permettra également d'apporter des solutions à la surreprésentation de populations issues de l'immigration et principalement des primoarrivants.

Je n'accepterai jamais l'effet de sas et la spécialisation de ces quartiers. On ne peut continuer dans cette logique qui veut qu'une famille en difficulté quittant un quartier soit automatiquement remplacée par une autre famille encore plus en difficulté.

S'agissant des zones franches urbaines, j'attends le rapport de M. Sordi et de M. Jibrayel, dont on me dit qu'il devrait plaider en faveur de la poursuite d'un dispositif auquel le précédent gouvernement avait décidé de mettre fin à la fin de 2014. J'ai proposé, et le comité interministériel des villes en était d'accord, une évaluation du dispositif par le Conseil économique, social et environnemental. Un rapport tant quantitatif que qualitatif devrait être rendu dans les prochains mois. Le Gouvernement sera alors en mesure de prendre les bonnes décisions dans un contexte budgétaire certes contraint. Si un nouveau dispositif prend corps, il devra comporter des obligations plus contraignantes pour les collectivités en matière d'accueil des entreprises. Je pense à des objectifs de sécurisation, de désenclavement de ces quartiers, à l'ensemble des conditions qui permettent à une entreprise de s'installer. Je souhaite qu'il y ait un dispositif particulier en faveur du maintien ou de l'implantation des commerces de proximité dans les quartiers populaires : l'enjeu est primordial.

Vous l'aurez compris, mesdames et messieurs les députés, mon objectif, avec cette réforme, est bien de résorber les ghettos, de combattre les concentrations de pauvreté qui minent la cohésion sociale et territoriale de notre pays, et d'abattre les barrières mentales qui réduisent encore bon nombre de nos compatriotes français et étrangers à être des citoyens de seconde zone, relégués dans des territoires de seconde zone.

La réforme de la politique de la ville ne résoudra évidemment pas tout ; mais elle traduit la volonté du Gouvernement de rétablir l'égalité républicaine dans ces quartiers, car il y a urgence. C'est un acte fort de reconnaissance. Nous avons besoin de redonner espoir à ces millions de Français qui désespèrent de ne pas être considérés comme des citoyens à part entière. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le ministre, de vos réponses et de vos conclusions.

Le débat est clos.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Débat sur la politique européenne en matière d'emploi des jeunes.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron