Séance en hémicycle du 9 avril 2013 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s'adresse à M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le 5 décembre dernier, en réponse à une question que je lui posais dans cet hémicycle, Jérôme Cahuzac, les yeux dans les yeux, affirmait qu'il n'avait jamais eu de compte en Suisse. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Encore !

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Cet après-midi, c'est vous que j'interroge, monsieur le Premier ministre. J'espère avoir cette fois la vérité, toute la vérité, toute la transparence sur l'affaire Cahuzac. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Monsieur le Premier ministre, avez-vous utilisé l'administration fiscale pour essayer de blanchir votre ministre du budget ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pourquoi, monsieur le Premier ministre, l'enquête fiscale déclenchée par Pierre Moscovici était-elle aussi incomplète ? Pourquoi n'avoir interrogé qu'UBS ? Pourquoi ne pas être remonté avant 2006 ? (Le bruit continue sur les bancs du groupe SRC.) Pourquoi ne pas avoir sollicité Singapour, alors qu'une convention d'entraide fiscale existe aussi avec ce pays ? Et surtout, comment expliquez-vous que cette enquête ait permis à Jérôme Cahuzac de laisser entendre, fin janvier, qu'il était mis hors de cause ?

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire également pourquoi vous avez maintenu en poste votre ministre du budget, malgré les révélations de la presse début décembre ? Avec le Président de la République, avec le ministre de l'économie et le ministre de l'intérieur, vous êtes-vous seulement réfugié dans une abstention coupable, ou avez-vous agi pour éviter que la vérité n'éclate ? (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, vous dites vouloir la transparence de la vie publique. Mettez vos actes en accord avec vos paroles ! Vous pouvez le faire, dès maintenant, dans cet hémicycle, devant la représentation nationale. Sinon, les Français auront compris que vos propositions sur la moralisation de la vie publique ne sont qu'un écran de fumée, une manoeuvre de diversion pour détourner l'attention de l'affaire Cahuzac et échapper à toute responsabilité. (Même mouvement.)

Monsieur le Premier ministre, n'ajoutez pas à la crise économique et sociale que vous avez provoquée une crise morale et politique ! Répondez à nos questions, répondez aux questions des Français ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

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La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous en prie ! Vous savez bien que c'est au Gouvernement de choisir le ministre qui répond.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Des questions ont été posées par les autorités légitimes pour ce faire, par le président de votre commission des finances, Gilles Carrez, par le président de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, par les rapporteurs généraux de ces deux commissions. Des réponses ont été apportées, et elles sont extrêmement claires. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Elles disent de la façon la plus nette qu'il y a eu, c'est vrai, une faute personnelle, impardonnable comme l'a dit le Président de la République (Mêmes mouvements), mais que cette faute n'est en aucun cas celle du Gouvernement, ni celle de l'administration fiscale, une administration exemplaire que vous mettez en cause de façon, j'ose le dire, assez sournoise. (Vives protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Ces réponses sont très claires. Elles disent qu'il n'y a pas eu, et c'est la seule information qui était à notre disposition, de compte à l'UBS en 2010 ensuite transféré à Singapour, ni pour Jérôme Cahuzac ni pour un ayant droit. C'est la seule question que nous pouvions poser, et nous l'avons fait. (Nouvelles exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Ce n'est pas ma faute si a été signée avec la Suisse une convention d'entraide qui ne permettait pas de faire plus (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP), c'est vous qui l'avez signée ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Ce n'est pas non plus sous ma responsabilité qu'a été déposée, le 28 mars dernier, soit cinq jours avant les aveux de M. Cahuzac, une proposition de loi visant à proposer une amnistie fiscale pour les exilés fiscaux, c'est vous qui l'avez fait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Notre démarche n'est vraiment pas la même. Notre démarche, c'est de dire la vérité, de moraliser la vie publique, de ne pas tolérer les conflits d'intérêt. (Les huées continuent.) Ce n'est pas sous notre gouvernement qu'on trouvera des avocats d'affaires qui sont en même temps députés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations redoublées sur les bancs du groupe UMP.) Moi qui suis avocat, j'ai démissionné en 2007 quand j'ai été élu !

Alors, plutôt que de vous livrer à ces incriminations malveillantes, rejoignez-nous dans le combat pour la moralisation de la vie politique, de la vie publique ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est ce qu'attendent les Français ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC, dont de nombreux membres se lèvent, ainsi que sur les bancs des groupes écologiste et RRDP. – Huées sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

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S'il vous plaît, asseyez-vous et retrouvez votre calme !

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La parole est à M. Thierry Mandon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le Premier ministre, nous l'avons tous vécu ce week-end, sur les bancs de cette assemblée, le climat de suspicion généralisée qui règne dans notre pays est insupportable. Nos concitoyens sont atterrés par les révélations des derniers jours. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ils s'interrogent sur la probité de la classe politique dans son ensemble (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP, d'où l'on désigne les bancs du groupe SRC) et nous savons tous que le comportement irresponsable de quelques-uns ne doit pas, entacher l'action sincère des responsables politiques de notre pays. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

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Nous attendons donc beaucoup de la réforme que vous préparez. Elle doit absolument nous faire sortir, au plus vite, de ce climat de suspicion. Pouvez-vous en donner les grands objectifs ? (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mais, monsieur le Premier ministre, il y a plus grave encore que la suspicion. Il y a la confusion, la confusion méthodiquement instillée qui fait l'amalgame entre la défaillance d'un homme, aussi inqualifiable soit-elle, et l'action de votre majorité. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il y a la volonté manifeste d'entraver votre devoir d'action et de réforme. Il y a, derrière les indignations de ces tardifs pères la morale, des pères fouettards qui n'ont jamais supporté votre politique de redressement dans la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pourtant, chacun sait bien que les véritables remèdes à la crise de confiance qui mine notre pays sont la lutte contre le chômage, la redynamisation de notre industrie, le redressement des comptes publics, la réhabilitation de l'école républicaine. Plus de transparence, oui, mais pour renforcer la capacité de notre pays à relever les défis lancés aux Français !

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire comment, malgré cet insidieux travail de sape, le redressement de notre pays, va se poursuivre au cours des prochaines semaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. le Premier ministre. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, vous vouliez entendre le Premier ministre, laissez-le s'exprimer !

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Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Monsieur le député, je vous remercie d'être allé à l'essentiel. Les Français ont besoin d'avoir confiance dans les institutions (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et dans les élus de la République. L'immense majorité d'entre eux, quelle que soit leur sensibilité politique, croient à l'engagement, ils croient aux raisons pour lesquelles ils se sont présentés devant le peuple et, dans l'immense majorité des cas, ils assument leur mandat avec intégrité. C'est cela, la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

À tous ces élus, je veux rendre hommage. Je n'ai jamais jugé du niveau de probité en fonction de la sensibilité politique, que l'on soit de gauche, du centre ou de la droite.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Ça, c'est une conviction.

En même temps, je considère que nos concitoyens ont le droit de connaître, grâce à la transparence, tout ce qu'ils sont en droit d'attendre pour qu'il n'y ait aucun doute sur aucun des élus à qui ils ont fait confiance.

Le projet que je présenterai au Gouvernement le 24 avril fera l'objet d'une communication demain en conseil des ministres. Ces dispositions, que le Président de la République m'a demandé de préparer, seront d'abord fondées sur le principe de la transparence. Mais, deuxième principe, en cas de manquement, il y aura des sanctions plus rigoureuses. Cela rattrapera une tentative antérieure que vous aviez malheureusement empêchée d'aboutir, mesdames et messieurs de la droite : une proposition de loi prévoyait, en 2010, de sanctionner durement les élus qui feraient de fausses déclarations de patrimoine.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Eh bien, il est temps de légiférer ! C'est ce que je proposerai demain, en conseil des ministres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Le troisième point, essentiel, c'est la lutte contre la fraude, la lutte contre la grande criminalité financière organisée, la lutte contre la fraude fiscale, qui fait perdre aux contribuables français, à ceux qui travaillent et qui font des efforts, des dizaines et des dizaines de milliards d'euros par an. Demain, les règles seront plus strictes, les règles seront plus fortes, qu'elles soient nationales ou européennes, qu'elles concernent les comptes à l'étranger ou la lutte contre les paradis fiscaux.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

C'est ce que je dirai demain et c'est ce que vous aurez à voter, mesdames et messieurs les députés, dans les semaines qui viennent.

Tout cela, nous le faisons pour une raison essentielle : le redressement du pays. Cet après-midi, vous allez voter une grande loi de réforme, qui est issue d'une négociation. (« Pin-Pon ! Pin-Pon ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Pour la première fois depuis trente ans, on parvient à un équilibre entre souplesse de l'organisation des entreprises et sécurisation des parcours professionnels. Je veux, en cet instant, remercier les députés de la majorité gouvernementale et le rapporteur Jean-Marc Germain. Ils ont fait un travail formidable. C'est l'une des grandes réformes dont vous pourrez être fier demain, elle sera suivie de beaucoup d'autres, par la voie de la négociation ; je pense, en particulier, au grand chantier de la réforme de la formation professionnelle.

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, pour ce que vous faites pour le redressement de la France, en soutenant le pacte de compétitivité, de croissance et d'emploi, la réforme du marché du travail, demain celle de la réforme professionnelle, au nom du Gouvernement je salue votre travail, parce que, vous, vous croyez au redressement de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, dont de nombreux députés se lèvent. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

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La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

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Monsieur le Premier ministre, le mensonge de Jérôme Cahuzac est certes un acte individuel (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) se nourrissant de ressorts humains détestables, qui existent dans tous les milieux, qui ne sont pas nouveaux, comme l'addiction à l'argent. Le politique a bien peu de prise sur cela, sinon par le renforcement des sanctions contre les fraudeurs, notamment en instaurant enfin des peines dissuasives pour les élus.

Mais cette évasion fiscale est surtout la conséquence d'un modèle de développement de la finance internationale qui a fait du dumping fiscal l'un de ses moteurs. Il est la conséquence d'une coupable mansuétude, qui ne peut que nous interroger, des différents gouvernements depuis plusieurs années.

Une Europe impuissante, souvent volontairement malgré le travail des eurodéputés, des nations qui s'en remettent à la définition de règles communes qui ne viennent jamais, et le résultat est là. Un rapport sur l'évasion des capitaux publié en 2012 indique que près de 36 milliards d'euros sont chaque année soustraits au budget de l'État. Trente-six milliards volés aux Français !

À la crise financière et sociale, l'évasion fiscale ajoute une crise morale. Plusieurs responsables de la majorité ont dit leur volonté de voir le Parlement saisi de mesures radicales et déterminées. Les uns et les autres, nous travaillons à des propositions de loi. Celle des écologistes sera déposée demain sur le bureau de notre assemblée, mais chacun sait que, sur ces questions, rien n'est possible sans la volonté du Gouvernement.

Ma question est donc claire : êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à mettre en oeuvre en France un équivalent de la législation américaine, qui a instauré pour les banques étrangères, sous peine de retrait de leur agrément, une obligation de transmettre aux services fiscaux américains des informations sur leurs clients contribuables aux États-Unis ?

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La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Madame la députée, je partage votre révolte. Il est inadmissible qu'au moment où des efforts particuliers sont demandés aux Français et, au-delà, aux Européens, des phénomènes d'exil fiscal, d'évasion fiscale puissent se développer. C'est d'ailleurs, vous le savez, l'un des sujets sur lequel le Gouvernement s'est mobilisé depuis sa nomination. Nous avons fait passer, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, un paquet de mesures de lutte contre la fraude. Il doit permettre de récupérer, non pas 36 milliards d'euros, mais d'emblée un milliard d'euros.

Vous savez pertinemment aussi que, dans le cadre de la loi bancaire que j'ai défendue devant votre assemblée, a été adopté, à l'initiative de votre groupe, un amendement qui permettra à la France d'être le premier pays au monde à obtenir des informations sur les activités de ses banques dans tous les pays du monde, y compris dans les paradis fiscaux. Personne ne peut nier que ces paradis fiscaux existent. Les révélations faites dans le journal Le Monde le montrent : non, contrairement à ce que disait M. Sarkozy, les paradis fiscaux, ce n'est pas fini !

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Et le trésorier de la campagne de M. Hollande ?

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

C'est la raison pour laquelle il faut passer d'échanges d'informations à la demande à des échanges d'information automatiques. (« Augier ! Augier ! » sur les bancs du groupe UMP.) C'est ce qu'ont fait les États-Unis, avec une législation qui s'appelle FATCA, qu'il faut transposer à l'échelle européenne. (« Augier ! Augier ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Vous devriez plutôt écouter, en effet, ce que je vais dire. Ce matin, j'ai signé avec mes homologues allemand, britannique, italien et espagnol une lettre à la Commission européenne pour qu'il y ait un FATCA européen, pour que ces mesures soient donc appliquées dans toute l'Union, en particulier en France.

Voilà quelle est la volonté du Gouvernement, voilà quelle est la volonté du Président de la République : bannir l'évasion fiscale, lutter contre l'exil fiscal, combattre les paradis fiscaux. Nous sommes avec vous, nous sommes ensemble ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le Premier ministre, votre majorité est installée au pouvoir depuis un an, et les crises – financière, sociétale et morale – se multiplient à travers le pays. Cela a des conséquences dramatiques : la montée du chômage, la précarisation de nos concitoyens, qui ont de plus en plus de difficulté à boucler les fins de mois, et le découragement les jeunes qui arrivent sur le marché du travail.

Le cap fixé par le Président de la République et l'action du Gouvernement ne répondent pas aux attentes des Français. Le Gouvernement doit se ressaisir et redonner une orientation claire à la politique du pays. Pour les élus de l'UDI, l'action publique doit se concentrer sur trois sujets qui sont, pour nous, les vraies priorités.

Premièrement, l'emploi et l'économie. Pour redonner de la compétitivité à nos entreprises, il faut immédiatement abaisser leurs charges de 30 milliards d'euros, dès mai 2013, sans attendre les effets de ce dispositif complexe qu'est le crédit d'impôt compétitivité et emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Il faut stopper le massacre systématique des services à la personne et baisser la TVA sur le logement : ces deux secteurs sont en effet pourvoyeurs d'emplois non délocalisables.

Deuxièmement, le redressement des finances publiques impose une réduction majeure des déficits. Vous devez baisser les dépenses publiques. Afin que les Français reprennent confiance, vous devez mettre fin à l'augmentation des prélèvements obligatoires, alors que depuis dix mois, vous les avez augmentés de 27 milliards d'euros !

Troisièmement, la construction européenne doit être relancée d'une manière plus humaniste et moins mercantiliste. Réenchantez l'Europe au lieu de la faire détester ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.) Il nous faut accélérer les convergences sociales, environnementales et fiscales qui rendront à nouveau les Européens solidaires les uns des autres.

Telle est la feuille de route que l'UDI propose au Parlement. J'ose espérer que votre Gouvernement en tiendra compte dans ses choix à venir. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et du chômage !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, vous avez posé plusieurs questions à la fois, toutes relatives, en réalité, à un seul et même sujet, qui vous préoccupe autant que nous, quelles que soient les politiques que nous préconisons. Je veux parler du chômage, et de l'emploi, de la lutte contre le chômage, de la lutte pour l'emploi !

Cela est vrai dans plusieurs domaines. Dans le domaine de la construction, un plan a été annoncé il y a quelques jours, et a reçu l'agrément de tous ceux qui veulent que ce secteur redémarre, du côté patronal comme du côté des syndicats.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Le redémarrage de ce secteur aurait des conséquences importantes en termes d'emplois. Cela vaut également pour le secteur des services à la personne, auxquels je sais que vous attachez une importance toute particulière. Nous y sommes attachés aussi, car nous savons que ce secteur a de forts besoins, et recèle donc des possibilités d'emploi pour nombre de Français et de Françaises qui, à l'heure actuelle, n'ont pas la capacité d'occuper des emplois d'une autre nature. Nous le faisons, parfois avec vous, souvent sans vous, mais nous le faisons !

Enfin, il y a la bataille pour la jeunesse, plus précisément pour l'emploi de la jeunesse. Il est insupportable, aujourd'hui, c'est que trois millions de personnes sont touchées par le chômage.

Plusieurs députés du groupe UMP. Par votre faute !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Cela résulte de la succession de mois et de mois d'augmentation du chômage depuis cinq ans. Mais il est plus insupportable encore que 500 000 jeunes de moins de 26 ans n'ont ni emploi, ni formation. Ceux-là n'ont pas d'emploi aujourd'hui, et n'ont pas non plus la formation qui leur permettrait d'en obtenir un demain. C'est à eux que s'adresse le programme des emplois d'avenir.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Tourné vers la jeunesse, vers ceux qui en ont le plus besoin, je vous demande à tous de vous mobiliser. Cela démarre ! Cela marche ! Cela avance ! Chaque fois qu'un contrat d'emploi d'avenir est signé, cela fait un problème en moins, une galère en moins. Mobilisez-vous ! Apportez-nous votre concours, et nous pourrons ainsi résoudre le problème… (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

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La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s'adresse à M. le ministre du travail.

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Monsieur le ministre, notre assemblée s'apprête aujourd'hui à voter un des textes qui marqueront sans doute cette législature. Il s'agit du projet de loi sur la sécurisation de l'emploi. En cette période de crise sans précédent, nous devrions tous, sur tous les bancs, nous rassembler pour mener la bataille pour l'emploi, qui reste la seule préoccupation des Français, quel que soit le contexte politique.

Le Gouvernement et la majorité l'ont compris, et ont fait de la lutte contre le chômage la priorité absolue.

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À ce sujet, monsieur le ministre, vous avez dit que la France a besoin d'un nouvel équilibre. Vous avez assuré qu'elle est capable de se réformer profondément, et qu'elle peut le faire par le dialogue. Pour réussir là ont d'autres ont échoué depuis trop longtemps, le Président de la République a opté pour la concertation et le dialogue social. Cette nouvelle méthode a permis la conclusion d'un accord national interprofessionnel entre les partenaires sociaux le 11 janvier 2013.

Le projet de loi soumis aux députés est issu de cet accord. C'est sans doute cette particularité qui lui donne une force supplémentaire. Cette loi inaugurera un nouveau dialogue social à la française. Vous connaissez l'attachement de la majorité au droit du travail et à la protection des salariés. Nous voyons tous, dans nos circonscriptions, les difficultés que traversent les Français, la précarité du travail mais aussi les difficultés des entrepreneurs. C'est dans cet esprit de responsabilité que le travail parlementaire a été mené, tant dans les commissions que dans l'hémicycle.

Ce texte donne plus de souplesse au marché du travail à un moment où les énergies publiques et privées se conjuguent pour inverser la courbe du chômage. Il crée de nouveaux droits pour les salariés, et propose des réponses pour changer les comportements.

Monsieur le ministre, le projet de loi de sécurisation de l'emploi s'inscrit dans une stratégie globale de sortie de crise. Nous en sommes fiers. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi son adoption est une avancée historique pour notre démocratie sociale, une avancée pour le monde du travail et les salariés de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à qui je souhaite, au nom de notre assemblée, un joyeux anniversaire. (Sourires.)

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Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Merci, monsieur le président, pour cette pensée amicale.

Madame la députée, nous avons travaillé pendant une semaine, dans cet hémicycle, à l'élaboration de cette loi sur la sécurisation de l'emploi. Chacun y a participé, et a fait des propositions selon ses convictions. Nous devrions tous partager la même préoccupation : comment faire en sorte d'éviter les licenciements ? Trop souvent, en France, la première des solutions envisagées pour faire face aux difficultés d'une entreprise, c'est de licencier. Il faut en finir avec cette manière de faire !

Il faudra aussi, dès que la croissance reprendra, dès les premiers souffles de la reprise, que nos entreprises embauchent plus vite, plus tôt, et plus fort qu'elles ne le faisaient auparavant. Tel est l'objectif de l'accord social et de la loi sur la sécurisation de l'emploi : permettre aux entreprises de s'adapter plus vite, pour leur permettre aussi d'embaucher plus vite et pour plus longtemps. C'est véritablement un texte de lutte pour l'emploi, et contre le chômage.

Ce texte a par ailleurs pour vocation d'apporter plus de sécurité à chaque salarié. Il donnera ainsi aux salariés des droits nouveaux, comme le droit à une couverture complémentaire santé, le droit à la formation tout au long de la vie, le droit à des allocations de chômage de meilleure qualité en cas de besoin, le droit d'être informé et de participer à la définition de la stratégie de l'entreprise. Je pourrais encore continuer cette énumération.

Voilà le travail que nous avons accompli ici ! Tout cela est issu d'un accord signé par les partenaires sociaux. Mesdames et messieurs les députés, une loi issue d'un accord signé par les partenaires sociaux, c'est une loi d'autant plus forte qu'elle a été préparée par ceux qui l'appliqueront dans les entreprises ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

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La parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. « Je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti. Il ne présentera jamais sa candidature. Il ne sera donc pas élu et, pourtant, il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance. » Voilà ce que déclarait François Hollande, dans son discours au Bourget, le 22 janvier 2012 ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Aujourd'hui, les Français, stupéfaits, ont appris que cet adversaire avait un nom, avait un visage, c'est celui d'un ami, l'ami du Président de la République : Jean-Jacques Augier, trésorier de sa campagne présidentielle ! (Vifs applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

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En pleine découverte de l'affaire Cahuzac, le fait que l'on apprenne que le trésorier de François Hollande place son argent dans un paradis fiscal aux îles Caïmans est révélateur de l'hypocrisie de François Hollande (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP), de l'hypocrisie de la gauche, toujours prompte à donner des leçons de morale et à jouer les professeurs de vertu ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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Nous sommes passés de la « gauche caviar » à la « gauche caïman » ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C'est le Président de la République et vous-même, monsieur le Premier ministre, qui êtes responsables de ces nominations ! Vous devez assumer votre responsabilité politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les Français ne croient pas que vous ne saviez rien ! Comment croiraient-ils que vous saviez moins sur votre ministre du budget que les organes de presse ? Vous cherchez à faire diversion ! Vous nous devez des réponses, monsieur le Premier ministre ! Vous devez des réponses aux Français ! Que saviez-vous ? Depuis quand ? Combien de temps allez-vous continuer à faire croire que les plus hautes autorités de l'État n'avaient aucune information sur cette affaire pendant plusieurs mois ? Tant que vous n'aurez pas répondu, monsieur le Premier ministre, c'est votre responsabilité et votre crédibilité qui seront en jeu ! (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

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La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget. (« Ayrault ! Ayrault ! Ayrault ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Écoutez la réponse de M. le ministre, s'il vous plaît !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Monsieur le député, je voudrais vous remercier pour votre question qui me donne l'occasion de rappeler un certain nombre de principes. Dans la vie politique, chaque individu, quelle que soit sa sensibilité, est responsable de ses actes devant l'opinion et devant sa conscience. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Je pourrais citer le nom de beaucoup de personnalités qui ont été proches du précédent pouvoir et du précédent Président de la République et qui ont pu avoir quelques manquements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Mais, en ce qui me concerne, je n'en déduirai pas que c'est le précédent Président de la République qui doit être mis en cause (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC),car la politique, monsieur Herbillon, est un exercice digne…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

…qui implique, lorsque l'on est responsable politique, que l'on ne procède pas à des amalgames, que l'on n'ait pas la haine à la commissure des lèvres et que l'on soit capable de ne pas « donner avec la meute », ce que vous venez de faire de façon indigne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Ensuite, monsieur Herbillon, permettez-moi, également au nom des principes, de vous rappeler que, concernant la finance, nous avons mis en oeuvre, depuis plusieurs mois, des actions que vous n'aviez mises en oeuvre, qu'il s'agisse de l'union bancaire, de la supervision des banques pour qu'elles ne puissent pas se laisser aller aux agissements spéculatifs d'hier,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Augier !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

…que nous avons l'intention, sur la fraude fiscale, de faire l'exact contraire de ce que vous avez fait (Protestations sur les bancs du groupe UMP),…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

…c'est-à-dire que nous ne mettrons pas en place d'amnistie pour les fraudeurs, comme le proposent un certain nombre de parlementaires sur ces bancs. Ainsi, Mme Boyer et M. Luca, notamment, demandent à ce que l'on amnistie tous ceux qui sont à l'origine de fraudes ! (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je veux vous dire, aussi, que, contrairement à ce que vous avez fait, nous n'aurons aucune complaisance à l'égard de pays qui n'échangent pas avec nous des informations, alors qu'ils devraient le faire ! Ces pays, quels qu'ils soient, seront mis sur la liste des paradis fiscaux ! Enfin, monsieur Herbillon, nous procéderons au sein de l'Union européenne, pour que la transparence soit totale, à des conventions d'échanges d'informations et nous ferons en sorte, à l'instar de ce qu'ont fait les États-Unis (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

…qu'il y ait des conventions signées avec tous les pays qui accueillent… (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

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Nous avons compris que certains sont d'accord et d'autres non. Nous allons maintenant écouter Mme Girardin !

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La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le ministre délégué chargé du budget, lors de sa dernière intervention télévisée, le président de la République a rappelé qu'en 2014 l'essentiel des efforts budgétaires portera sur la dépense. Mieux : à l'exception de l'augmentation de la TVA pour financer le pacte de compétitivité et de croissance, François Hollande a annoncé qu'il n'y aura pas de nouvelle hausse d'impôts pour financer le budget de l'État. Nous connaissons donc la politique qui sera menée cette année et en 2014. Les radicaux de gauche et le groupe RRDP souscrivent et soutiennent cette politique.

Toutefois, les Français ont besoin de connaître la stratégie qui sera privilégiée sur l'ensemble du quinquennat pour redresser les comptes de la nation, pour corriger l'incurie de nos prédécesseurs. Le semestre européen est déjà bien entamé et nous entrons dans la phase la plus délicate. Fin avril, le Gouvernement français devra remettre à la Commission européenne son programme de stabilité pour la période 2013-2017. Dans deux semaines, vous ferez, ici même, monsieur le ministre, une déclaration sur ce programme, qui sera suivie d'un vote. On l'a vu l'année dernière et lors de la programmation des finances publiques, ce type d'exercice conduit à une succession de chiffres, des chiffres qui perdent en crédibilité tant ils sont modifiés, presque tous les mois, en raison de la crise économique. Ces prévisions constamment revues sont certes nécessaires, mais elles brouillent la lisibilité de l'action publique. Elles ne permettent pas à nos concitoyens de se référer à un cap clair, solide et partagé.

En plus des prévisions de croissance à cinq ans, des estimations de solde structurel et des estimations de taux d'inflation, ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, que le programme de stabilité soit l'occasion pour le Gouvernement de proposer une vision claire sur sa stratégie courageuse en termes de finances publiques, non pas seulement en 2013 et en 2014, mais sur l'ensemble du quinquennat ?

Pour moi, seule une telle vision permettrait de répartir les efforts budgétaires sur les quatre prochaines années et, ainsi, de ne pas hypothéquer la croissance, indispensable à la maîtrise des finances publiques et à l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

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La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Madame la députée, j'apporterai, tout d'abord, une petite précision : le programme de stabilité français sera présenté aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat le 17 avril prochain, donc la semaine prochaine. Après le débat suivi d'un vote, il sera transmis à la Commission européenne et normalement discuté avec elle dans le cadre du semestre européen. Nous avons une stratégie. Le Premier ministre l'a présentée tout à l'heure. Elle a un nom : c'est le redressement d'un pays dont la situation, lorsque nous en avons hérité, était terriblement dégradée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qu'il s'agisse des déficits, de la dette, de l'emploi, de la compétitivité. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Il s'agit d'un double redressement. Premièrement, le redressement de l'appareil productif ; aucun gouvernement, et nous sommes là depuis seulement onze mois n'a fait autant pour la compétitivité et la croissance que celui-ci. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il a créé la Banque publique d'investissement, le crédit d'impôt compétitivité emploi, il a mené des politiques de filières !

C'est ainsi que nous mènerons également le second redressement : celui des comptes publics. Il ne peut y avoir de redressement harmonieux des comptes publics que s'il y a redressement productif et redémarrage de la croissance. Mais notre cap sera, en effet, la réduction des déficits tout au long de ce mandat avec une préoccupation : celle de l'équilibre. C'est la raison pour laquelle je vais, dans quelques minutes, rencontrer mon homologue américain Jack Lew, (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) qui se trouvait hier en Allemagne. Il a dit, y compris à nos amis allemands, qu'il fallait que ceux qui ont des capacités excédentaires concourent à la croissance de l'Europe !

Puis se pose la question du rythme. C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas précipiter les choses et ajouter l'austérité à la récession. Nous demanderons, en conséquence, à la Commission européenne de différer l'objectif de 3 % de PIB à l'année suivante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Enfin, cette politique est crédible et juste. Elle est crédible, puisque les taux d'intérêt, et c'est un record historique, sont descendus à 1,75 %. Elle est juste, elle mènera à la croissance, elle mènera à l'emploi : vous avez raison de la soutenir, et c'est celle que nous présenterons à nos partenaires européens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le Premier ministre, ces jours-ci en tout cas, vous êtes sans doute le plus mal placé pour parler aux Français de moralisation de la vie publique, particulièrement si j'en crois les procédures judiciaires en cours dans le sud de la France ou le procès qui a débuté aujourd'hui pour un ancien de nos collègues du Pas-de-Calais. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Après avoir lu la dépêche du sénateur socialiste Gaëtan Gorce datée de ce jour, j'en doute encore davantage. Il accuse sur son blog le parti socialiste de dérives claniques, estimant que ni « DSK » ni Cahuzac ne sont des accidents. Leur attitude, et plus encore le sentiment d'impunité qui, manifestement, les habitait, sont la conséquence d'un long processus de l'appareil dirigeant du parti, écrit l'élu de la Nièvre. (Vifs applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Votre volonté de jeter en pâture les parlementaires à l'opinion publique pour vous dédouaner de vos propres responsabilités est indigne.

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C'est cela, monsieur Cazeneuve, qui est indigne, et non l'amalgame dont vous nous accusez et qui n'existe pas. (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Depuis plusieurs jours, monsieur le Premier ministre, nous vous interrogeons, en écho à la question de Jean-Christophe Lagarde l'autre jour.

Est-il vrai ou non que le bâtonnier de Lot-et-Garonne a averti les services du Président de la République d'une certaine forme de dérive de la part de Cahuzac ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Est-il vrai ou non, monsieur le ministre de l'intérieur, que, comme continue à l'affirmer la presse, les services de police auraient transmis une « note blanche » au ministre, qui l'aurait lui-même relayée ensuite aux autorités ?

Pourquoi, monsieur le Premier ministre, n'avez-vous pas interrogé les autorités de Singapour dans le cadre de la convention qui nous lie à elles ?

Ce sont des questions précises auxquelles, aujourd'hui, le peuple français demande des réponses.

Moraliser la vie publique, ce n'est pas, encore une fois, inventer des règles pour jeter quelqu'un d'autre que soi en pâture, c'est exercer sa responsabilité de chef…

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…et c'est prendre acte du fait que, lorsque l'on a échoué, on doit partir. (Vifs applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP, où l'on scande : « Ayrault ! Ayrault ! ».)

S'il vous plaît, écoutez M. Vidalies, il a toujours des choses intéressantes à dire.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Dans cette affaire, monsieur le député, il y a un élément de réponse que nous pourrions partager, c'est que la justice dans ce pays a bien fonctionné. (« Ayrault ! Ayrault ! » sur les bancs du groupe UMP.) C'est peut-être la différence avec ce qui se passait hier : une justice libre, n'ayant reçu aucune instruction du pouvoir, a pu fonctionner. (« Ayrault ! Ayrault ! » sur les bancs du groupe UMP.)

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Mes chers collègues, cela ne sert à rien, c'est M. Vidalies qui vous répond !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Cela change singulièrement d'une autre époque où l'on évoquait ces questions ici, dans cet hémicycle. (« Ayrault ! Ayrault ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Sur la transparence de la vie financière, nous étions tous d'accord, y compris le Nouveau Centre (« Ayrault ! Ayrault ! » sur les bancs du groupe UMP) : sous l'ancienne majorité, nous avions prévu des sanctions pour ceux qui feraient une fausse déclaration de patrimoine et, en commission des lois, cette proposition avait été votée à l'unanimité mais, fait rare dans l'histoire de la République, alors que le texte allait arriver en séance publique, un amendement a été déposé pour supprimer cette infraction de fausse déclaration. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames, messieurs les députés, mesdames, messieurs les citoyens français, cet amendement était signé par M. Jacob et par M. Copé. (Huées sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Répondez à la question !

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Voilà ce que vous avez fait ! Mettre les actes en accord avec les paroles, c'est un principe que vous devriez vous appliquer à vous. C'était au mois de décembre, que tous les Français le sachent. Vous êtes moins fiers quand on vous rappelle votre passé ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées persistantes sur les bancs du groupe UMP.)

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La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. J'y associe mon collègue Patrick Bloche.

Monsieur le ministre, le week-end dernier, deux couples homosexuels ont été violemment agressés par des groupes d'individus dans les 10e et 19e arrondissements de Paris. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Ces faits odieux sont insupportables et font dramatiquement écho à l'escalade des violences verbales et physiques homophobes constatée ces dernières semaines.

Dans la nuit de samedi à dimanche, la devanture de l'espace des Blancs-Manteaux, qui abritait le Printemps des associations organisé par l'Inter-LGBT a été vandalisée. À Paris, les personnes LGBT sont soutenues par un tissu associatif structuré pour déposer plainte et se reconstruire, mais, dans nos villes et nos campagnes, d'autres victimes ont peur de dénoncer les actes qu'ils subissent.

Autre signe de ce climat délétère, ces derniers jours, les élus engagés en faveur du mariage pour tous sont eux aussi la cible des attaques des opposants à la loi. Erwann Binet, notre rapporteur, a été empêché physiquement de parler à un débat la semaine dernière. Les sénatrices Esther Benbassa et Chantal Jouanno ont, pour leur part, subi respectivement des dégradations matérielles et des menaces.

Le débat est fondamental dans une démocratie. Il doit avoir lieu et, en ce qui concerne le mariage pour tous, il a eu lieu et continue d'avoir lieu.

Plusieurs députés du groupe UMP. Référendum !

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Il doit se dérouler dans le respect de chacun. Manifestement, ce n'est pas le cas.

Nous devons en appeler à la responsabilité de tous pour que cessent les violences, et d'abord à celles et ceux qui organisent les manifestations contre le mariage pour tous, dont on attend des positions claires pour s'opposer aux extrêmes qui propagent la haine homophobe.

Nous n'aurons de cesse de le répéter, l'homophobie sous toutes ses formes doit être condamnée. Elle est une atteinte à notre République. La République française, c'est l'égalité. La République française, c'est le refus des distinctions fondées sur l'origine, la condition sociale, mais également l'orientation sexuelle.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement entend lutter contre la recrudescence des actes homophobes de ces derniers mois ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Les faits que vous avez rappelés, madame la députée, sont en effet intolérables et inacceptables. Je sais que certains pensent que c'est par l'intimidation, la peur, les violences qu'ils imposeront leurs idées. Ils se trompent, la République ne cédera jamais devant de tels agissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La démocratie, c'est la liberté d'opinion, la liberté d'expression, c'est aussi le droit de manifester et de tenir des réunions publiques et, dans notre République, il n'y a pas de place pour les factieux, ceux qui ne respectent aucun principe démocratique afin d'imposer leur idéologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Des personnes sont agressées en pleine rue du fait de leur homosexualité, des locaux associatifs et des permanences politiques sont attaqués, des élus, des parlementaires de gauche et de droite subissent des intimidations directement ou sur les réseaux sociaux, des intimidations et des menaces de mort du fait de leur engagement en faveur du mariage pour tous. Je pense à Chantal Jouanno, à Christian Cointat, à Esther Benbassa et à votre rapporteur, M. Erwann Binet, à qui je veux témoigner mon amitié et ma solidarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Ce climat d'intolérance doit cesser. La haine de l'autre, la violence n'ont pas de place dans la démocratie. C'est la légitimité républicaine et celle du Parlement qui sont remises en cause, et chacun doit le mesurer.

Madame la députée, je vous assure que la police et la justice agissent pour faire cesser de tels actes et punir sévèrement les auteurs, et j'en appelle chacun à la responsabilité. Chacun doit peser ses mots et ses actes. La représentation nationale, dans son intégralité, doit condamner de tels agissements et tout mettre en oeuvre afin que cesse ce climat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le Premier ministre, au-delà de l'acte scandaleux d'un ministre pris la main dans le pot de marmelade (Mouvements divers), l'évasion fiscale doit être attaquée sur le fond. Moraliser la vie politique, c'est très bien ; mettre fin à l'immoralité systémique et aux dérives dangereuses du capitalisme financier, c'est encore mieux.

Le jeu cynique des prix de transfert des multinationales, les schémas d'optimisation fiscale, les carrousels à la TVA, c'est devenu un sport mondial !

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Avec notre collègue Nicolas Dupont-Aignan, nous en découvrons tous les jours en préparant notre rapport pour la commission des affaires étrangères : 60 milliards d'euros « planqués » en Suisse par 2 000 familles françaises, 30 milliards dissimulés dans les paradis fiscaux, 1 000 milliards d'euros d'évasion fiscale en Europe, de grandes banques françaises impliquées, des services fiscaux désarmés dans lesquels on a supprimé 25 000 emplois en dix ans.

Plusieurs députés du groupe UMP. Augier !

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Ces impôts volés sont aussi des emplois supprimés en France.

Il est urgent d'obtenir la transparence et l'échange automatique d'informations bancaires. Monsieur le ministre, quels moyens concrets allez-vous enfin mettre en oeuvre contre la fraude fiscale ? Qu'attendez-vous pour créer un haut commissariat contre l'évasion fiscale (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), comme le propose, unanime, la commission d'enquête sénatoriale, parmi ses soixante propositions ? La France ne devrait-elle pas être aux avant-postes pour lever l'intolérable opacité qui existe au Luxembourg et en Autriche, et mettre en place un FATCA européen ? Enfin, avez-vous vraiment la volonté de faire avancer l'harmonisation fiscale en Europe, qui est sans doute l'une des meilleures réponses à l'offshore ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Merci beaucoup, monsieur le député, pour votre question. Vous avez raison d'insister sur le fait que la lutte contre la fraude fiscale doit être implacable.

C'est la raison pour laquelle, contrairement à ce qui pu se passer à certains moments de l'histoire de notre République, il n'y aura pas de cellules de régularisation appliquant un droit dérogatoire à l'égard de ceux qui ont commis des fraudes fiscales et qui souhaitent rentrer en France. Cela n'existera plus.

Il n'y aura pas non plus, contrairement à ce qu'ont pu faire certains pays européens, d'accords dits « Rubik », qui garantissent des ressources fiscales à un pays par un prélèvement à la source sur les comptes détenus par ses ressortissants à l'étranger, tout cela dans l'opacité et le secret bancaires les plus grands. Cela n'aura pas lieu.

Il n'y aura pas non plus d'amnistie fiscale pour ceux qui ont placé leurs comptes à l'étranger et pourraient être tentés de revenir dès lors qu'ils seraient assurés de la clémence et de la mansuétude de l'État.

Un député du groupe UMP. Augier !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Le droit fiscal s'appliquera à tous les contribuables, quels qu'ils soient.

Vous avez raison, monsieur le député : si nous voulons remettre la finance en ordre, il faut aller beaucoup plus loin dans la lutte contre la fraude, et mettre en oeuvre des dispositions en France et en Europe.

En ce qui concerne, tout d'abord, la France, il s'agit de durcir considérablement la liste des paradis fiscaux, en ne nous contentant pas de simples conventions d'échange d'informations mais en veillant à ce que l'échange d'informations soit total, absolu, avec tous les pays de l'Union européenne, y compris l'Autriche et le Luxembourg, mais également avec les pays tiers.

Nous devons harmoniser au sein de l'Union européenne la fiscalité de l'épargne. Il faudra notamment, comme vous l'avez dit, mettre en place des accords de type FATCA, qui permettent, à l'instar de ce qu'ont fait les États-Unis, d'obtenir toutes les informations concernant les comptes détenus à l'étranger.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Enfin, je veux demander à la presse, qui dit détenir des éléments et des fichiers, de bien vouloir les communiquer à la justice, de manière que celle-ci puisse faire son travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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La parole est à M. Christophe Priou, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, qui n'a pas souhaité jusqu'à présent répondre aux députés de l'opposition.

Un député du groupe UMP. Scandaleux !

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Souvent, monsieur le Premier ministre, certains de vos ministres, M. Valls et M. Moscovici par exemple, dans leurs réponses aux questions des députés de l'opposition, reprochent à ceux-ci de ne pas faire dans la nuance. Que dire de certains membres de votre gouvernement qui ont tenu à votre endroit des propos extrêmement nuancés, et confirmés par vous-même ? Je veux citer le ministre du redressement productif : « Tu fais chier la terre entière avec ton aéroport de Notre-Dame-des-Landes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Tu gères la France comme le conseil municipal de Nantes. » (Mêmes mouvements. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

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Même si je ne partage pas la même sensibilité politique que vous, monsieur le Premier ministre, je tiens à dire que vous avez été un grand maire de Nantes, avec une vraie vision d'aménagement et de développement. Dans le cadre du développement et de l'aménagement du territoire, justement, vous avez toujours défendu l'utilité d'un aéroport international du Grand Ouest, qui est le projet du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

La commission du dialogue que vous avez établie à l'automne dernier doit vous remettre ses conclusions juste après cette séance, conclusions largement diffusées dans la presse depuis quelques semaines, ce qui est assez discourtois à votre endroit.

Alors deux questions se posent. L'aéroport du Grand Ouest Notre-Dame-des-Landes sera-t-il construit, oui ou non ? Si oui, quand les travaux démarreront-ils ?

Enfin, les populations locales, que vous connaissez bien puisque ce sont celles de votre circonscription législative, subissent depuis des mois d'inamissibles entraves à la liberté de circuler, des vols et du racket, commis par 200 ou 300 squatteurs internationaux. Quand et comment l'ordre républicain sera-t-il rétabli ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP, où l'on scande « Ayrault ! Ayrault ! »)

Nous avons compris que vous étiez en désaccord, chers collègues, mais ça ne sert à rien de crier !

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Je comprends ces acclamations à l'endroit de M. le Premier ministre, qui non seulement a été un grand maire de Nantes, mais est aussi un grand Premier ministre. C'est un hommage que vous lui rendez en clamant son nom ici, dans cet hémicycle. Nous le prenons comme un soutien et comme un encouragement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Les députés du groupe UMP continuent de scander « Ayrault ! Ayrault ! ».)

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S'il vous plaît, chers collègues ! Écoutez M. le ministre !

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Monsieur le député, une longue période d'auditions a permis à la commission du dialogue d'appréhender les enjeux qui s'affrontent autour du projet de transfert de l'aéroport de Nantes Atlantique.

Ce matin, différents rapports ont été remis au Gouvernement. Tout d'abord, Stéphane Le Foll a reçu le rapport de la mission agricole chargée d'évaluer les moyens de limiter l'impact en termes de consommation de terre agricole. Un deuxième rapport a été remis au préfet de région : il s'agit du rapport du comité d'expertise scientifique chargé d'évaluer la méthode de compensation environnementale mise en oeuvre.

Je recevrai dans quelques minutes le troisième rapport (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), celui de la commission du dialogue présidée par Claude Chéreau. Cette commission avait pour objectif d'inventorier l'ensemble des arguments et de mettre en perspective les enjeux de ce projet pour une meilleure compréhension.

Les trois mois écoulés d'échange démocratique et respectueux des points de vue ont permis de déterminer les pistes à suivre pour réactualiser la méthode et apporter des garanties en ce qui concerne l'environnement urbain et naturel, les terres agricoles, ainsi que les conditions de suivi de ce grand projet structurant pour la région. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui ou non ?

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La parole est à Mme Sabine Buis, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la ministre de l'écologie, après une décennie de déclin industriel et économique, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a engagé le redressement productif de la France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Or, dans ce combat pour redonner de la force à nos entreprises, nous savons que la question de l'énergie est décisive. Dans les années 1970, on disait : « en France, on n'a pas de pétrole mais on a des idées » (Mêmes mouvements) ; aujourd'hui, nous n'avons toujours pas de pétrole, mais nous avons toujours des idées, et la nouveauté, c'est que nous les mettons en oeuvre.

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Depuis dix mois, en effet, votre ministère procède méthodiquement pour enrichir et renouveler le mix énergétique de la France. Nous avons relevé le défi et le pari des énergies renouvelables : c'est une bonne nouvelle pour l'environnement, c'est une bonne nouvelle pour la croissance, c'est une bonne nouvelle pour la France.

L'implication des citoyens et des territoires engagés dans le débat national pour la transition énergétique va permettre d'amplifier le mouvement et de réduire le recours aux énergies fossiles. Je tiens à ce titre à saluer la création du premier forum citoyen « Oui à la transition énergétique et écologique » qui se tiendra ce week-end en Ardèche, à Villeneuve-de-Berg.

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Nous saluons cette évolution particulièrement nécessaire pour notre pays qui va permettre de mieux sécuriser nos approvisionnements et de doter la France de nouveaux instruments pour faire face à la raréfaction des ressources.

Madame la ministre, comment votre politique de développement des énergies renouvelables s'insère-t-elle dans la stratégie de conversion écologique conduite par le Gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Debut de section - Permalien
Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

La transition énergétique participe de notre politique de sortie de crise et de création d'emplois. Elle fait d'ailleurs actuellement l'objet d'un débat national auquel chaque citoyen peut participer en se connectant sur le site www.transition-energetique.gouv.fr. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) De nombreux débats se tiennent sur l'ensemble du territoire, dans toutes les régions – j'en profite pour saluer tout particulièrement l'engagement de la région Rhône-Alpes.

Toutefois, sans attendre les conclusions de ce débat, le Gouvernement a pris des mesures d'urgence qui sont également des mesures de politique industrielle : en faveur du photovoltaïque, de l'éolien et de l'éolien offshore, pour lequel un deuxième appel d'offres a été lancé, de la biomasse, avec le travail mené par le député Jean-Yves Caullet, ou encore de l'hydroélectricité, véritable trésor national – je salue à ce propos les travaux de votre collègue Marie-Noëlle Battistel.

Nous avons aussi pris des mesures pour la méthanisation, en collaboration avec le ministre de l'agriculture, car nous voulons que l'agriculture contribue à l'indépendance énergétique de la France et que la transformation des déchets agricoles en énergie permette en même temps d'apporter aux agriculteurs un complément de revenus. Nous voulons également développer les énergies marines, dans lesquelles la France peut être un leader mondial.

Tout ce travail a été engagé.

Dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, nous devons revoir les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, débattre – et c'est l'enjeu des discussions actuelles – de l'autoconsommation, de la façon dont les territoires et les collectivités territoriales pourront demain favoriser le développement des énergies renouvelables et créer de nouvelles filières industrielles, afin de rattraper le retard pris par le précédent gouvernement dans ce domaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le Premier ministre, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les partenaires sociaux avaient commencé à discuter (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) pour chercher collectivement à accroître la compétitivité qui fait cruellement défaut à nos entreprises. M. Hollande a préempté ce dialogue social en y imposant sa feuille de route – l'occasion était sans doute trop belle de faire croire aux Français que le dialogue social était le fait de la gauche, de la seule gauche.

Mentionnait-on dans cette feuille de route la compétitivité et la sécurisation de l'emploi ? La compétitivité a été oubliée dans le projet de loi que vous allez faire voter tout à l'heure à votre majorité bien obéissante aux ordres. Serait-il trop simple de laisser travailler tous ceux qui créent cette valeur ajoutée qui finance notre société ? Avez-vous oublié que c'est le privé qui finance le public ?

Rappelez-vous : « Moi Président, j'interdirai de mentir aux Français » ! Mais sécuriser l'emploi, c'est mettre tout en oeuvre pour qu'il y ait toujours du travail sur notre territoire et donner envie d'entreprendre. Après avoir suivi les débats, quel chef d'entreprise voudra franchir le seuil des cinquante salariés ? Vous mentez aux salariés et vous découragez les patrons, parce que vous avez dénaturé l'accord initial. Vous n'avez pas sécurisé l'emploi mais vos consciences. Les mauvais chiffres vous rattraperont, monsieur le ministre, car vous avez oublié la compétitivité.

Quand allez-vous comprendre que grossir le code du travail amincit les chances de trouver un travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, pourquoi être aussi caricatural ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pourquoi tenir des propos aussi simplistes qui choquent autant les partisans de votre groupe…

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…que tous ceux qui nous écoutent, salariés ou chefs d'entreprise ?

Monsieur Taugourdeau, j'ai cru entendre, en écoutant début de votre question, que le chantre du dialogue social aurait été Nicolas Sarkozy,…

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Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…celui-là même qui, meeting après meeting, faisait siffler ceux qu'il appelait les corps intermédiaires, et qui étaient autant les représentants des syndicats que ceux du patronat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et vous voudriez nous faire croire aujourd'hui que cet homme ainsi que ceux qui le soutenaient auraient amorcé le dialogue social, quand vous l'avez brisé, et même brisé menu ? (Sourires.) Au contraire, c'est nous qui avons renoué les fils du dialogue avec les partenaires sociaux, car il n'est pas d'autre solution pour que, dans une entreprise, toutes les forces tirent dans le même sens.

L'accord du 11 janvier est issu de la volonté gouvernementale, traduite dans le document d'orientation ; de la volonté de tous les partenaires sociaux de se mettre autour de la table et de négocier ; de la volonté des partenaires sociaux majoritaires de prendre le risque de signer un accord ; d'une double volonté politique, celle du Gouvernement et celle de l'Assemblée qui va voter le projet de loi pour que chacun puisse apporter de la sécurité aux entreprises comme aux salariés. C'est ainsi que l'on construit l'avenir, que l'on progresse, que l'on est positif ; contrairement à vous qui êtes toujours négatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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La parole est à Mme Edith Gueugneau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s'adresse à Mme la ministre des droits des femmes.

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ! Allô !

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Madame la ministre, vous participiez ce matin à une conférence sur les enjeux de l'accès des femmes aux comités exécutifs et aux comités de direction des entreprises. Le « plafond de verre », comme on l'appelle, recouvre une réalité multiple : celle de l'imaginaire collectif, des préconçus des métiers, mais aussi la question de l'accompagnement et du financement. Briser ce plafond de verre constitue un enjeu fort, et ce à plusieurs titres.

Il s'agit tout d'abord d'une question de droit et d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et les chiffres à ce propos nous font dresser de tristes constats : alors que la France est un des pays européens où les femmes travaillent le plus, moins de 3 % des Françaises de 18 à 64 ans ont créé une entreprise ou étaient propriétaires d'une entreprise, contre 5 % en Allemagne et plus de 10 % aux États-Unis.

Il s'agit également d'un enjeu stratégique pour les entreprises, car soutenir l'entreprenariat féminin, c'est bien soutenir la croissance économique. Évidemment, un tel engagement participe du vivre-ensemble, qui s'adoucira de la fin des représentations sexuées des formations et des métiers.

En matière d'égalité entre les femmes et les hommes, tous les combats doivent s'engager, et c'est la société entière qui en récoltera les bénéfices.

Ma question porte sur le volet de l'entreprenariat féminin, que le Président de la République a mis à l'honneur lors de la journée de la femme, le 8 mars dernier. Vous évoquiez, madame la ministre, lors de votre déplacement au Génopole d'Évry, la mise en place d'un plan de développement de l'entreprenariat féminin. J'ai rencontré cette fin de semaine des femmes de ma circonscription du Charolais-Brionnais, chefs d'entreprise ou dirigeantes, qui m'ont témoigné leur attachement à toute volonté politique permettant aux femmes qualifiées et compétentes de suivre le parcours qu'elles méritent en féminisant les postes de direction. Aussi, je souhaite connaître, madame la ministre, les mesures de ce plan de développement et le calendrier de sa mise oeuvre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

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La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Madame M. Franck Gilard. Mme Thatcher !

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

…ou encore de la création d'entreprises, sont autant de pertes de chance individuelles pour les femmes concernées, mais aussi des pertes de chance pour la société tout entière, qui en est privée de leurs talents et de leur créativité. C'est pourquoi j'ai pris à bras-le-corps ces sujets.

Tout d'abord, s'agissant de la question de l'accès aux responsabilités des femmes, ce matin même, vous l'avez évoqué, je signais une convention avec seize des plus grandes entreprises de notre pays pour qu'elles s'engagent sur des objectifs chiffrés de féminisation de leurs comités directeurs. Le Gouvernement poursuivra cette dynamique positive en rendant désormais publics les résultats en la matière, c'est-à-dire la féminisation des postes de direction de toutes les plus grandes entreprises, celles du SBF 120 en l'occurrence.

Nous veillerons aussi à aller plus loin, notamment pour que les conseils d'administration puissent trouver suffisamment de femmes pour atteindre les 40 % réclamés par la loi, par exemple en stimulant des candidatures parmi les femmes chefs d'entreprise, en particulier de PME.

J'en viens à l'autre sujet qui nous intéresse : la création d'entreprises. Là encore, un plan a été préparé, il sera annoncé au mois de mai prochain. Il comportera trois volets : la sensibilisation et l'orientation des jeunes filles vers la création d'entreprises, avec notamment une semaine annuelle qui y sera consacrée et des femmes chefs d'entreprise qui viendront témoigner ; un meilleur accompagnement des créatrices grâce à des services simplifiés et à un premier accueil qui répondra à leurs contraintes spécifiques ; et puis nous améliorerons le financement, nerf de la guerre, à travers les interventions de la Banque publique d'investissement, la Caisse des dépôts et consignations, et le montant du Fonds de garantie à l'initiative des femmes augmentera de 20 % cette année.

Voilà ce qu'il en est, madame la députée. J'espère avoir répondu à votre question. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

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La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le Premier ministre, le naufrage moral de votre gouvernement se double d'un naufrage économique et social ! Depuis dix mois, ce sont plus de mille chômeurs supplémentaires par jour. Pas une semaine ne s'écoule sans une nouvelle taxe : taxe sur les retraités, taxe sur le travail et les heures supplémentaires, taxe sur les familles, j'en passe et des meilleures !

S'agissant des comptes publics, vous n'êtes pas au rendez-vous des engagements pris, et pour cause ! Le mensonge est, lui aussi, au coeur de la crise morale : votre mensonge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Pour maquiller vos forfaits (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vous tabliez sur des chiffres de croissance totalement farfelus : vous nous avez présenté un budget avec une hypothèse de croissance de 0,8 %. Et pour comble, aujourd'hui, Pierre Moscovici reconnaît que la croissance ne sera que de 0,1 % en 2013. Or les économistes s'accordent à dire qu'il faut au moins 1,5 % de croissance pour créer des emplois.

Mais que faites-vous pour enrayer le chômage, relancer notre économie et la compétitivité de nos entreprises ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous ne proposez que…

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…des dispositifs dérisoires, telle la boîte à outils du Président de la République qui propose des emplois d'avenir coûteux, précaires et qui ne trouvent pas preneurs ; des contrats de génération qui ne seront que des effets d'aubaine ; le crédit d'impôt compétitivité, soit une usine à gaz pour les PME. C'est soigner une hémorragie avec du sparadrap !

Une telle politique ne peut pas inverser la courbe du chômage. Elle va au contraire mener progressivement l'économie de notre pays à la banqueroute. J'y vois une constante dans votre action : la vérité a été dissimulée.

Quand allez-vous enfin prendre les mesures qui s'imposent pour créer un véritable choc de compétitivité et de vérité ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

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La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Madame la députée, je vous remercie pour votre question, qui renvoie à un sujet de préoccupation très important qui nous rassemble dans cet hémicycle, par-delà nos sensibilités politiques : celui des comptes publics.

Vous avez raison de vous en inquiéter parce que quand votre majorité a quitté le pouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), il y avait 4 % de déficit structurel, alors qu'il y en avait 2,9 % à son arrivée. Je vais vous donner quelques chiffres concernant l'évolution de la dépense publique : elle a été de 2,3 % entre 2002 et 2007 ; entre 2007 et 2012, elle a encore atteint de 1,3 % ; depuis que nous sommes en situation de responsabilité, elle est de 0,5 % et, pour la première fois depuis de très nombreuses années, la dépense de l'État diminue, de 300 millions d'euros dès 2012 et de 1,5 milliard pour l'année qui vient.

Vous avez doublement raison, madame la députée, de vous inquiéter du niveau de la dette, et d'autant plus que, sous le quinquennat de Nicolas de Sarkozy, non seulement elle a pris vingt-cinq points de PIB, mais elle a doublé.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Pas une fois, au vous du précédent quinquennat, le gouvernement que vous souteniez n'a réussi à diminuer le déficit structurel.

Madame la députée, quand on a un tel bilan sur les comptes et sur la situation du pays (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), on se dispense de donner des leçons à ceux qui exercent le pouvoir depuis dix mois (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et qui, depuis dix mois, ont réussi l'évolution de la dépense publique, à diminuer le niveau du déficit structurel de 1,2 % et qui s'apprêtent à le faire à hauteur de 1,8 %. Nous sommes en effet dans une véritable trajectoire de redressement des finances publiques…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

…malgré la lourdeur du bilan que vous nous avez laissé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Choc de compétitivité

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La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

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La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté pour la semaine du 13 mai, la proposition d'ordre du jour suivante :

Lundi 13 mai, mardi 14 mai et mercredi 15 mai, après-midi et soirs, et vendredi 17 mai, matin, après-midi et soir :

Projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

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L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi (nos 774, 847, 839).

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Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à qui je souhaite un joyeux anniversaire,…

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Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

ANI-versaire ! (Sourires.)

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…chers collègues, ce projet de loi constitue une avancée pour notre pays. Il est une réponse à la nécessité de concilier le besoin d'adaptation des entreprises et les aspirations des salariés à la sécurité de leur emploi.

Avant de revenir sur le contenu du texte, je voudrais saluer la méthode, celle du dialogue social à la française, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, mardi dernier à cette tribune.

François Hollande, lors de la campagne présidentielle, avait annoncé, dans son engagement n° 35 : « Je mettrai en place, en concertation avec les partenaires sociaux, la sécurisation des parcours professionnels pour que chaque salarié puisse se maintenir dans l'entreprise ou l'emploi et accéder à la formation professionnelle. » C'est précisément ce que fait ce texte, dans le respect du dialogue social, de la grande conférence sociale de juillet, jusqu'à sa discussion devant le Parlement, en passant par l'accord signé le 11 janvier dernier par les partenaires sociaux, qu'il transcrit.

Je voudrais souligner l'excellent travail de M. le rapporteur, Jean-Marc Germain…

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…dans la conduite de nos travaux, tant en commission que lors des auditions et en séance publique, pour la discussion article par article du projet de loi, où il a fait montre de sens de la pédagogie et de patience, sans jamais renoncer à ses convictions.

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Ainsi, au cours des 300 heures d'auditions, des échanges permanents avec les partenaires syndicaux et patronaux ont été maintenus, qui ont permis à l'ensemble des acteurs, signataires ou non, d'être écoutés.

Au cours des soixante-quinze heures de débat dans l'hémicycle, chacun d'entre nous a pu exprimer sa position et ses convictions. In fine, plus d'une centaine d'amendements, issus de tous les bancs, ont été adoptés.

Si le travail du groupe GDR sur chaque disposition du texte a pris beaucoup de temps, il a permis de démontrer, point par point, qu'il n'y a, dans ce texte, pas plus de loup caché que « d'âne dans le sac » – pour reprendre l'expression imagée d'André Chassaigne, qui a été très présent parmi nous –, mais bien un ensemble de droits nouveaux pour les salariés. Ce débat de qualité, très argumenté, a permis de rétablir la réalité et de traiter au fond, pour ne pas dire à fond, chacune des dispositions.

C'est ainsi que le législateur a pu apporter les précisions et améliorations nécessaires. Si la transcription n'est pas littérale, elle est parfaitement loyale.

Ce texte crée des droits nouveaux tels que la généralisation de la couverture complémentaire santé et le compte personnel de formation, auquel je suis particulièrement attaché, qui dotera chacun d'un outil pour concrétiser l'amélioration de sa qualification professionnelle.

Ce compte individuel de formation universel, qui concernera 28 millions de personnes dans notre pays et qui est totalement transférable, devrait être opérationnel d'ici environ un an. Il sera aussi le réceptacle du droit à la formation initiale différée, que nous avons introduit par amendement : la puissance publique pourra abonder directement le compte de ceux qui ne disposent pas d'un premier niveau de qualification.

Ce texte permet aussi de lutter contre la précarité en modulant les cotisations de chômage en fonction de la qualité et de la durée du contrat de travail, notamment en surtaxant, dès le mois de juillet, les CDD courts dont le nombre a explosé au cours des dernières années.

Autre apport du texte : la création de droits rechargeables à l'assurance chômage, qui permettront aux chômeurs de ne pas perdre leurs droits à l'indemnisation quand ils retrouveront un emploi.

S'agissant du temps partiel, souvent subi, le texte comporte une avancée considérable pour les salariés, en instaurant une durée hebdomadaire minimale de vingt-quatre heures.

Si les accords de maintien dans l'emploi existent déjà, le texte prévoit leur encadrement : ils seront nettement mieux sécurisés pour les salariés tout en offrant une autre issue que le licenciement.

Le projet de loi réforme les procédures de licenciements collectifs qui ont fait couler beaucoup d'encre : elles ne seront désormais possibles que par un accord majoritaire des partenaires sociaux ou par une homologation par l'administration. Ainsi 100 % des plans sociaux devront être validés par les services de l'État.

Le projet de loi crée aussi de nouveaux droits sociaux avec une meilleure information et consultation des représentants des salariés qui négocieront désormais les grandes orientations stratégiques et le plan de formation de l'entreprise, dans le cadre des accords de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences. N'oublions pas non plus que, conformément à l'engagement n° 55 du candidat François Hollande, le texte consacre la présence à part entière de salariés dans les conseils d'administrations des grandes entreprises.

Bien sûr, ce texte a suscité des inquiétudes, largement relayées dans cet hémicycle, mais notre conviction profonde est qu'au fur et à mesure que les salariés bénéficieront des droits nouveaux contenus dans le texte, chacun reconnaîtra la portée de celui-ci et comprendra qu'il marque une étape fondamentale de la défense de l'emploi, de la lutte contre la précarité et de la sécurisation des parcours et des transitions professionnels que nous voulons construire.

Ce texte, fruit d'un compromis, qui renoue les fils du dialogue social, est une bonne nouvelle pour la France, pour les salariés et pour les entreprises de notre pays. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à l'approuver massivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons examiné, pendant plus de soixante-quatre heures de discussion, le projet de loi de sécurisation de l'emploi qui devait retranscrire l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.

Tout ça pour ça, pourrais-je dire ! En effet, le texte que nous sommes appelés à adopter respecte en apparence l'esprit de l'accord national interprofessionnel, mais le dénature sur tous les points.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

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Ainsi, concernant la clause de désignation pour la complémentaire santé, le Gouvernement et la majorité sont restés totalement sourds à nos arguments. Au lieu de donner aux entreprises la liberté de choisir l'organisme et de sauvegarder ainsi 40 000 emplois dans le courtage d'assurance et les mutuelles, ils ont décidé de maintenir cette clause. La majorité s'est par ailleurs éloignée de l'accord national en mettant fin au paiement de cette mutuelle à 50 % par l'entreprise et à 50 % par le salarié.

S'agissant de la mobilité volontaire, la discussion du texte n'a pas été suffisante pour sécuriser la place du salarié. Après une mobilité dans une autre entreprise, et si le salarié désire revenir dans son entreprise d'origine, que se passe-t-il en cas d'opposition de celle-ci ? Qui assume la fin du contrat de travail, la première ou la seconde entreprise ? Sur ce point, le texte est flou et place le salarié et l'entreprise dans une situation d'insécurité juridique.

L'accord avait par ailleurs prévu une instance unique de coordination des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Avant le passage en Conseil d'État, le texte prévoyait que l'expertise de cette instance, dans les cas où plusieurs CHSCT seraient concernés, se substituerait aux décisions de chacun d'entre eux. Dans le projet de loi, il fallait recourir à un accord. Enfin, dans la version adoptée, ce n'est plus possible. Plus on avance dans le processus législatif, plus le Gouvernement et la majorité mettent à mal l'équilibre voulu par les partenaires sociaux.

Le Gouvernement, s'appuyant sur le code du travail, a confirmé que les employés de maison seront exclus de l'article 8 concernant le temps partiel. Pour autant, les porteurs de presse, les services à la personne, les organismes sociaux et médico-sociaux et toute une partie des particuliers-employeurs, qui concernent de nombreux salariés, devraient bénéficier du même régime.

Au groupe UMP nous avions proposé des dérogations pour les salariés qui ne peuvent travailler autrement que dans ces conditions. Faute de prise en compte de nos amendements, de nombreux salariés vont donc se trouver confrontés à de grandes difficultés, voire à la perte de leur emploi. Vous pouvez encore, monsieur le ministre, revoir cet aspect du texte lors de sa lecture au Sénat.

Malgré la seconde délibération demandée par le M. le ministre sur l'article 8, hier soir, à minuit moins le quart, et un retour au bon sens sur une partie de cet article, vous êtes restés insensibles à la situation de ces personnes.

Le texte alourdit le code du travail et réinvente l'eau tiède, puisque certains articles existaient déjà, comme par exemple les accords de méthode ou encore les contenus des plans de sauvegarde de l'emploi.

Nous avons également été témoins de l'invention du licenciement personnel économique. La transcription des quinze lignes de l'accord national interprofessionnel sur le sujet occupe treize pages du texte de loi qui, à défaut de faire le bonheur des salariés, feront celui des avocats.

En résumé, nous avons assisté pendant tout ce débat à un affrontement des gauches, en particulier au sein du parti socialiste, affrontement qui a éclaté au grand jour lors de l'examen de l'article 16. Une interruption de séance dix minutes, portée finalement à quarante-cinq minutes, a été nécessaire pour que le ministre réussisse à faire avaler la couleuvre au rapporteur du texte et à une partie du groupe socialiste.

Au groupe UMP, nous respectons et nous encourageons le dialogue social. Ce respect s'est traduit par l'adoption de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007 dite « loi Larcher ». Ainsi, l'esprit de l'accord national interprofessionnel nous aurait encouragés à voter favorablement ce projet de loi, mais celui-ci a dénaturé le texte de l'accord. En outre, les amendements adoptés et les arguments du Gouvernement, lorsque ce dernier acceptait de nous répondre, n'ont pas été convaincants.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

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Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, attaché au dialogue social et confiant dans les avancées que celui-ci peut susciter, le groupe UDI avait abordé le débat sur ce projet de loi dans une logique constructive. À l'issue de l'examen du texte, nous regrettons donc que notre groupe soit partagé entre quelques satisfactions, une véritable incompréhension et une profonde déception.

Les quelques satisfactions tiennent au fait que le Gouvernement a bien voulu, sur certains points, prendre en compte les propositions de l'UDI. Il en est ainsi – il s'agissait d'une préoccupation particulièrement importante à nos yeux – concernant le dispositif de la complémentaire santé, auquel le Gouvernement a bien voulu apporter des précisions permettant de mieux faire valoir la liberté de l'employeur et de garantir la transparence dans le choix de l'organisme assureur. C'est le cas également de la définition du champ d'appréciation des graves difficultés conjoncturelles justifiant la négociation d'un accord de maintien de l'emploi.

Sur notre proposition, l'Assemblée a par ailleurs adopté un amendement invitant le Gouvernement à amplifier le recours à l'activité partielle, en posant notamment la question du coût de celle-ci pour l'employeur.

Nous nous félicitons également que l'amendement, soutenu par Arnaud Richard, qui proposait un bilan et une évaluation des actions de revitalisation des bassins d'emploi ait été adopté à la quasi-unanimité. Sur notre initiative, une véritable réflexion pourra ainsi être menée sur les moyens mis en oeuvre pour la revitalisation économique d'un site dans le cadre d'une restructuration de grande ampleur.

Ces avancées sont cependant trop timides à nos yeux pour dissiper la réelle incompréhension qui s'est établie au fil de la discussion de ce texte, notamment de l'examen des amendements.

Le Gouvernement et la majorité ont en effet pris le parti de modifier, à leur gré, le texte de l'accord national interprofessionnel, alors qu'ils ne cessaient de rappeler aux autres groupes l'impossibilité d'en changer les termes.

C'est notamment le cas à propos des accords de mobilité interne et de la qualification du licenciement qui peut s'ensuivre : les partenaires sociaux prévoyaient un licenciement pour motif personnel, le Gouvernement et la majorité ont imposé un licenciement pour motif économique.

Ils se sont ainsi éloignés de l'accord. Monsieur le ministre, nous y voyons une contradiction de votre part, dans la mesure où vous avez souvent répété qu'il fallait avoir confiance dans la capacité des partenaires sociaux, en particulier des syndicats, à créer des droits favorables aux salariés.

En tout état de cause, il nous semble indispensable de connaître l'avis des partenaires sociaux sur cette modification significative de l'un des dispositifs créés par l'accord.

Enfin, l'incompréhension fait place à la déception concernant plusieurs questions restées sans réponse.

C'est notamment le cas du coût et du financement de la complémentaire santé, pour lesquels aucune garantie sérieuse n'a été apportée par le Gouvernement.

C'est également le cas de l'instauration d'une durée minimale de temps partiel de vingt-quatre heures hebdomadaires. Favorable à cette mesure, le groupe UDI pense qu'il est indispensable de prévoir des dérogations pour les secteurs d'activité qui ont recours au temps partiel de façon structurelle du fait de la nature et des spécificités de leur activité.

L'accord avait d'ailleurs ouvert la voie en prévoyant une dérogation pour les particuliers employeurs. C'est dans le même esprit et en partageant la prudence des partenaires sociaux que nous avons souhaité proposer différentes dérogations. Les plus importantes concernaient les intermittents du spectacle, le secteur agricole, ainsi que, bien entendu, tout le périmètre des services à la personne, secteur d'activité qui a créé plusieurs dizaines de milliers d'emplois ces dernières années. Ces secteurs représentent autant de filières professionnelles fragiles que votre projet de loi déstabilisera davantage et pour lesquelles le texte n'est pas adapté.

Au final, le groupe UDI le déplore : la lettre de la loi s'écarte de la lettre et de l'esprit de l'accord. La réflexion doit donc se poursuivre et s'approfondir au Sénat puis en commission mixte paritaire où, à défaut de prise en compte de nos propositions, nous ne pourrons que nous opposer à votre texte.

Pour l'heure et pour toutes ces raisons, le groupe UDI s'abstiendra sur ce projet de loi, en espérant que le Gouvernement entendra son appel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après quinze heures d'examen en commission et près de soixante-dix heures de débat dans notre hémicycle, nous sommes arrivés au terme de l'examen du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi.

Je salue le travail sérieux et constructif du rapporteur, Jean-Marc Germain, sans qui nous n'aurions pas pu tant avancer. Je salue également le travail assidu du groupe GDR et de son président André Chassaigne.

Nos débats, très pointus sur chaque article, nous ont apporté une expertise partagée qui, je le regrette, pourra difficilement être simplifiée. La variété des dispositifs concernés et le nombre de modifications de procédures inscrites dans ce texte compliquent la tenue d'un débat citoyen éclairé. Il est pourtant essentiel d'y procéder dans un contexte de crise démocratique.

Ce texte renforce le dialogue social et favorise ainsi la représentation syndicale en France. En ce sens, les dispositions qu'il comporte renvoient à des négociations qu'il faudra remporter.

Les écologistes sont animés par un objectif majeur : la transformation écologique de la société. Celle-ci s'impose à nous tous les jours, quand des pans entiers de nos industries ferment, comme les mines il y a cent ans, ou se délocalisent. Ces fermetures sont liées à la mutation profonde d'une économie trop énergivore et trop dépendante des matières premières.

Comme toujours, face à ces mutations, différentes approches s'affrontent. La première position consiste à faire aveuglément confiance au marché en occultant les dégâts humains et environnementaux : c'est celle des députés de l'opposition. Une autre attitude consiste au contraire à la fois à chercher des solutions dans le présent et à anticiper les évolutions prévisibles de notre économie. Nous estimons pour notre part que la démocratie sociale, inscrite au coeur de ce texte de loi, relève résolument de cette dernière approche.

La démocratie sociale est constitutive de la démocratie en général. Elle favorise la participation plutôt que la représentation, notamment dans les entreprises. Elle est une condition nécessaire de la transformation écologique.

Ces caractéristiques se retrouvent dans les articles 4 et 5, qui créent de nouvelles modalités de consultation des personnels et qui instaurent la représentation de ces derniers dans les conseils d'administration. Alors que les salariés étaient toujours consultés en aval des décisions, la loi prévoit désormais qu'ils le soient en amont, sur la stratégie de l'entreprise. C'est un élément important pour faire face aux dérives financières et pour encourager la mutation écologique. À cette fin, nous avons défendu des amendements visant à ce que l'information et la consultation des salariés portent également sur des données environnementales, amendements qui ont été intégrés au texte final.

La formation est un facteur décisif pour élargir les compétences et la qualification nécessaires aux emplois d'avenir dans un contexte de reconversion, tout comme la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Elle est la condition d'une reprise en main par l'individu lui-même de son parcours professionnel. Sur ce sujet, deux amendements que nous avons défendus ont été retenus.

D'autres éléments appellent en revanche plus de réserve de notre part. Les partenaires sociaux ont en effet prévu de nouveaux droits individuels que le présent projet renvoie à des négociations ou à des projets de loi ultérieurs. Dans cette démarche, nous serons à leurs côtés.

D'autres mesures, je pense en particulier aux accords de maintien de l'emploi ou aux dispositions sur la mobilité interne, appellent une grande attention de notre part. Nos amendements ont certes permis de préciser ces dispositions. Les négociations sur la mobilité doivent ainsi désormais prendre en compte les critères personnels et familiaux.

Je rappelle néanmoins que le groupe s'est abstenu sur l'article 12, qui déroge à la règle sur le licenciement collectif au-delà de dix personnes, ainsi que sur l'article 16, qui instaure des délais de prescription des actions en justice trop courts pour la défense des salariés.

Nous nous distinguons ici fortement du groupe de l'opposition, qui a souhaité tout au long de nos débats se faire le porte-parole du MEDEF. C'est pourquoi je vous remercie, monsieur le ministre, et je remercie à travers vous le Gouvernement, d'avoir permis de réelles améliorations au profit des salariés.

En conclusion, pour apaiser l'inquiétude que soulève ce texte, il appartient au Gouvernement de mettre en oeuvre les nouveaux droits le plus rapidement possible, notamment les droits rechargeables pour l'assurance chômage, le compte personnel de formation et la complémentaire santé. Il faudra associer les Français à l'évaluation de cette loi lors d'une conférence sociale qui devra se tenir au plus tôt, éventuellement dès l'été 2014.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, à la suite de sa réunion et de façon collective, le groupe écologiste a décidé de s'abstenir sur ce projet de loi. Pour ma part, je tiens à vous dire que, malgré mon épuisement, je suis très heureux d'avoir partagé cette riche séquence parlementaire à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

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La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le projet de loi que nous nous apprêtons à voter transcrit dans la loi un accord national interprofessionnel d'une grande ambition : un accord issu du dialogue social entre patronat et syndicats et voulu par le Président de la République et sa majorité. Cette nouvelle approche est louable après tant d'années où l'opprobre n'a cessé d'être jeté sur les corps intermédiaires.

Nous, radicaux et apparentés, ne pouvons que saluer ce dialogue social qui est inscrit dans les fondements mêmes du radicalisme. Le progrès social n'est jamais aussi prononcé et durable que lorsqu'il est concerté et apaisé. C'est bien par l'action collective que l'homme est l'artisan du progrès.

On nous disait que la transcription de l'accord par voie législative rendrait caduque le rôle du législateur ; nous ne l'avons pas cru. Les débats et les nombreux amendements adoptés nous ont donné raison : le législateur a pu préciser, corriger, détailler, amplifier des dispositions dont seules les grandes lignes étaient définies dans l'accord initial.

Preuve que le dialogue social n'est pas une coquille vide au service des communicants, cette méthode a permis des avancées bien supérieures à celles qui auraient pu être espérées autrement. Le projet de loi va renforcer la compétitivité de notre pays tout en sécurisant l'emploi de nos concitoyens.

Des avancées majeures sont prévues. Le droit à une complémentaire santé sera étendu à tous les salariés – il n'y a que ceux qui en bénéficient déjà qui s'y opposent. Les salariés bénéficieront de droits rechargeables à l'assurance chômage. Les parcours professionnels seront sécurisés par l'individualisation de la formation, par une plus stricte réglementation du travail à temps partiel et par l'obligation de retrouver un repreneur en cas de fermeture d'établissement.

Le projet de loi instaure la consultation systématique des institutions représentatives du personnel sur les décisions des grandes entreprises. Des salariés seront désormais présents aux conseils d'administration et auront une voix délibérative. Cette représentation présage une ère nouvelle, celle de la démocratie sociale au sein des entreprises, que les radicaux ont toujours appelée de leurs voeux. Comment peut-on croire que des salariés prenant part aux décisions relatives à leur entreprise iraient à l'encontre des intérêts de celles-ci ? Comment peut-on imaginer que des syndicats signeraient un accord sans être persuadés qu'il est favorable aux salariés ?

Pour autant, nous entendons et respectons les arguments des syndicats non signataires qui trouvent l'accord déséquilibré. Des mesures sensibles méritent notre attention. C'est pourquoi les députés du groupe RRDP ont demandé à ce qu'une évaluation soit conduite sur les accords de maintien de l'emploi. Sur ce sujet comme sur ceux des nouvelles procédures de licenciement collectif ou des délais de prescription des litiges, il nous faudra être vigilants – vigilants pour éviter les abus, vigilants pour prévenir les inefficiences de toutes sortes qui pourraient transformer l'esprit de la présente loi.

L'audace n'est généreuse que si elle est éclairée.

Nombre de dispositions ne deviendront effectives que lorsque les accords de branche auront abouti. Si les négociations seront conduites sans difficulté dans certains secteurs, elles risquent en revanche d'être plus délicates à mener dans d'autres et de permettre alors des avancées sociales moins prégnantes. Si de trop grandes inégalités entre branches apparaissent, il sera du devoir de l'État – de notre devoir – d'agir pour y remédier.

Je le disais, la démarche est bonne. Le contenu méritait des ajustements législatifs ; de notre point de vue, la plupart des ajustements nécessaires ont été réalisés. Voici un projet de loi qui constitue une nouvelle étape dans la concrétisation des droits nouveaux pour les salariés et qui renforcera l'économie française. Son adoption vise non pas à favoriser des effets d'aubaine, mais bien à faciliter la relance de la croissance. Les députés du groupe RRDP, dans leur majorité, voteront pour. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

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La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (Ah ! sur les bancs du groupe UMP.)

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Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, chers collègues, après une semaine d'une bataille menée par les députés du Front de gauche et d'autres, l'heure est venue de se prononcer sur le projet de loi de transposition de l'accord national interprofessionnel.

À cet instant, dans toute la France, la mobilisation des citoyens contre ce texte s'intensifie. Quoi de plus normal ? Vous réalisez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le rêve du MEDEF : entrave aux comités d'hygiène et de sécurité et aux instances représentatives du personnel ; aménagement des obligations d'organiser des élections des représentants des salariés ; réduction des délais de prescription pour la délinquance en col blanc ; enrichissement des assurances privées grâce aux complémentaires santé ; contournement des juges pour faciliter et sécuriser les licenciements ; déploiement des contrats intermittents « super-précaires » ; déréglementation du temps partiel ; plans de mobilité forcée sans aucune restriction géographique ; accords de compétitivité avec baisse des salaires et augmentation du temps de travail ; plans de licenciement simplifiés, automatisés, accélérés. Le bilan est lourd ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Quant aux contreparties, elles sont minimes, lorsqu'elles ne sont pas hypothétiques, comme cette fameuse taxation des CDD, qui ne figure même pas dans le texte et qui ne coûtera pas un centime aux entreprises !

Surtout, ce texte est entaché d'un vice de fond : la prétendue négociation sociale prévaut désormais sur la loi.

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À l'heure où le chômage atteint des records, cela donne un pouvoir exorbitant au patronat et permet toutes les régressions au prétexte de la crise. Cela place les représentants des salariés sous la pression des chantages à l'emploi et aux fermetures de site, et participe à la déconsidération de l'action syndicale. Le rapport de force défavorable aux salariés dans l'entreprise est entériné. La réalité des conflits sociaux est niée et le droit du travail, construit de haute lutte, est mis entre parenthèses.

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Nous le disons aujourd'hui solennellement : ce texte de casse sociale ne créera pas un emploi supplémentaire. Au contraire, il risque de provoquer une hémorragie de licenciements.

C'est la raison pour laquelle les députés du front de gauche, pendant une semaine, ont ferraillé contre chacune des dispositions dangereuses de ce projet. Loin de s'enfermer dans l'obstruction, ils ont multiplié les propositions constructives et concertées.

Nous avons pu créer des convergences avec des députés de la majorité, dont je salue ici la clairvoyance et le courage.

Mais au final, seuls deux de nos centaines d'amendements ont trouvé grâce aux yeux du rapporteur et du ministre. Quelques autres avancées, bien minimes certes, ont cependant pu être obtenues grâce au rassemblement des plus progressistes de notre assemblée.

Nous aurions pu limiter la casse sur tel ou tel point, plus particulièrement la déréglementation du temps partiel, dont les femmes sont les premières victimes. Mais nous nous sommes heurtés à un verrouillage gouvernemental systématique. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

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Le Gouvernement a même demandé à ce qu'il soit procédé à une seconde délibération, hier à minuit, pour expurger le texte et supprimer l'une des seules avancées votées par la représentation nationale !

Quant aux régressions, elles sont au rendez-vous, et nombreuses ! Nous relayons ici la voix des manifestants qui battent le pavé dans toute la France. Ces citoyennes et ces citoyens viennent de toute la gauche, dans la multiplicité de ses composantes. Ils rejettent la précarisation des salariés, la flexibilisation qui malmène les familles et les conditions de travail, les cadeaux à un patronat qui s'était déjà frotté les mains pendant les dix années de pouvoir de la droite.

Chers collègues, le changement de cap que tout le monde attend peut se faire dès aujourd'hui, sur ce projet de loi. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce texte valide les logiques de financiarisation et de précarisation.

Un député du groupe UMP. Qui a voté Hollande ?

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Il est encore temps de le retirer pour donner un nouvel élan, le signal d'une remobilisation de toute la gauche sur ses valeurs de solidarité et de combat social. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Il est l'heure de rebattre les cartes en évitant ensemble le piège que nous tend le MEDEF. Il dit d'ailleurs sa satisfaction aujourd'hui même, par la voix de Mme Parisot. Il est temps de nous réunir pour lutter enfin contre la finance et les forces de l'argent !

Plusieurs députés du groupe UMP. Cahuzac !

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Pour ce qui nous concerne, vous le savez bien, nous défendrons inlassablement les salariés de ce pays, quelle que soit la conjoncture, quels que soient les gouvernements. Nous ne renoncerons jamais ! (Quelques députés du groupe UMP entonnent L'Internationale.)

Ce projet de loi marque d'innombrables reculs, il a l'aval de la droite d'argent.

Joignez vos votes à celui des députés du front de gauche ! Rejetons ensemble la copie du patronat ! Ce sera – enfin – le coup d'envoi du changement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

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Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi.

(Il est procédé au scrutin.)

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 554

Nombre de suffrages exprimés 276

Majorité absolue 139

Pour l'adoption 250

contre 26

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe RRDP.)

Vote sur l'ensemble

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La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

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L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral (nos 878, 883).

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous nous retrouvons, aujourd'hui, pour une nouvelle lecture de ce projet de loi, qui aborde sa phase conclusive.

C'est une réforme importante pour notre vie démocratique, une réforme dont les orientations ont été arrêtées par le Président de la République, qui est ainsi sur le point d'aboutir.

Par leur stabilité dans l'histoire, nos institutions locales ont su faire la démonstration de leur force. Pour autant, il serait faux de croire qu'elles doivent rester figées. Bien au contraire ! Nous devons toujours nous interroger sur les moyens d'approfondir notre démocratie, de consolider ce lien essentiel, ce lien de confiance qui existe entre les citoyens et leurs représentants. Il y va de la légitimité et de la pérennité de ces institutions.

Pérenniser, ce n'est pas conserver, ce n'est pas maintenir un système envers et contre tout, au risque de voir les citoyens s'en éloigner.

Non, pérenniser notre démocratie locale, c'est lui donner un nouveau souffle, une nouvelle légitimité. C'est conforter cette culture démocratique locale qui, au rythme des étapes de la décentralisation, s'est développée depuis trente ans dans nos régions, nos départements et nos communes, pour devenir une vraie spécificité française.

Cette culture démocratique, nos concitoyens y sont habitués. Ils y sont viscéralement attachés. Il s'agit à présent de la moderniser, de l'approfondir, de la renforcer.

Ce projet de loi s'appuie sur trois grands principes, à commencer par celui de la proximité. La proximité, c'est le lien entre l'élu et le territoire, entre l'élu départemental et le canton. C'est donc, aussi, le choix d'un scrutin majoritaire.

La démocratie locale est forte de ce lien qui a rapproché les citoyens de la décision publique, qui leur a permis, au contact des élus, de mieux faire entendre leur voix. Mais qui a permis aussi aux élus d'éclairer leurs choix, de prendre des décisions au plus proche des préoccupations, des soucis quotidiens des Français.

La proximité, c'est un gage de pertinence dans l'exercice du mandat local – vous l'avez tous dit, d'une manière ou d'une autre.

Le second principe, c'est celui de la parité, c'est-à-dire simplement de la juste représentation de ce qu'est notre société. Comment continuer de nier cette nécessité ? Partout, la parité a progressé. Il faut continuer sur cette voie. Or, en France, nous le savons, elle ne progresse que par la loi.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Au-delà des bonnes intentions des uns et des autres, nous constatons malheureusement qu'en l'absence de loi, la parité n'est pas respectée. Là aussi, c'est un gage d'adhésion, d'identification à nos institutions. Un élément de vitalisation, si vous me permettez cette expression. Pour cela, la parité doit s'étendre là où, jusqu'à présent, elle n'existait pas assez, voire à peine, voire pas du tout : dans nos départements, dans nos cantons et dans les petites communes.

Enfin, le principe de juste représentation des électeurs et des territoires a guidé ce texte, comme il doit d'ailleurs guider toute réforme électorale. C'est un principe démocratique, très simple, mais que certains perdent parfois de vue : la légitimité d'une institution, quelle qu'elle soit, tient d'abord à sa représentativité. Là aussi, ce texte représente une avancée parce qu'il permet à la fois la représentation des citoyens et, grâce au travail du Parlement, celle de nos territoires, voire plus, de nos paysages.

Nous arrivons donc aux ultimes étapes de la discussion de ce projet de loi. Le texte qui vous est soumis aujourd'hui est très proche de celui qui a été adopté, en seconde lecture, le 2 avril dernier, par votre assemblée.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Votre commission des lois a procédé à quelques ajustements, essentiellement rédactionnels.

Je m'y étais engagé, et je crois que la promesse a été tenue : le Gouvernement a su être à l'écoute de la représentation nationale, de votre assemblée comme du Sénat. Au fil des débats, le texte a été clarifié,…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

…enrichi même, monsieur le président Sauvadet. Dans son état actuel, ce texte est satisfaisant pour le Gouvernement. Seuls deux points importants méritent, de notre point de vue, d'être encore améliorés. Je vais y revenir.

Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce texte, mais je crois nécessaire, au moment de cette nouvelle lecture, de réaffirmer ici, devant l'Assemblée nationale, combien cette réforme permettra de réellement approfondir notre démocratie locale.

De la démocratie départementale d'abord. Cette démocratisation ne saurait se satisfaire de demi-mesures, de changements à la marge. C'est d'abord vrai, j'y insiste, en matière de parité. Un département plus démocratique, ce sont d'abord des assemblées paritaires. La parité est un objectif constitutionnel. Le Gouvernement vous propose d'atteindre enfin cet objectif et de mettre un terme à ce qui représente, aujourd'hui, une anomalie départementale.

Quant au mode de scrutin, j'entends ceux qui, depuis le début de l'examen de ce texte, se sont opposés aux principes du binôme, avec force et détermination. Certains groupes ont opté, clairement, pour un scrutin proportionnel. C'est leur droit et je respecte leur conviction et leur choix, mais – je l'ai répété à plusieurs reprises – ce n'est pas la voie choisie par le Gouvernement, puisque, j'y insiste, l'ancrage local des conseillers départementaux ne serait plus assuré. Le statu quo est inacceptable et on ne peut être à la fois « pour » la parité, « pour » le scrutin majoritaire et « contre » le binôme. Ce débat nécessite de la cohérence.

Sans tirer de conclusions particulières du vote des Alsaciens, qui tient à de nombreux facteurs, reconnaissons que le choix du mode de scrutin pour la nouvelle collectivité alsacienne, laquelle ne verra pas le jour suite au référendum,…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

…était bien compliqué. Attention à la complexité.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Je ne doute pas que vous serez d'accord avec moi, car en mélangeant départements et régions, il y avait là un risque de confusion. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Le binôme, c'est clair : un homme et une femme. C'est la parité. Vous avez le droit de ne pas être d'accord, mais au moins les règles sont limpides.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Vous avez raison de faire référence aux propos du Président de la République, je vous en félicite, je n'aurais pas osé le faire là.

Avec le scrutin binominal, la part des femmes dans les assemblées départementales passera de 13,5 % à 50 %. Voilà un résultat tangible de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Un département plus démocratique, c'est aussi un département qui représente mieux les citoyens, et qui préserve les territoires, dont les territoires ruraux.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

La démocratie, c'est : un homme, ou une femme, une voix. À moins que vous n'ayez une autre conception de la démocratie, mais je ne pense pas qu'ici, à l'Assemblée nationale, vous exprimeriez une autre opinion.

Sur tous les bancs, beaucoup ont reconnu que la carte cantonale de 1801 était obsolète. Mais ce sont parfois les mêmes qui refusent le principe d'un remodelage global ! La cohérence politique commande d'admettre la nécessité de ce redécoupage. Celui-ci offrira toutes les garanties démocratiques indispensables…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

…à la fois parce que les conseils généraux seront consultés pour avis et parce que le Conseil d'État sera saisi de ce découpage, département par département.

Je le redis, ces garanties n'étaient pas offertes par le projet de redécoupage que la majorité précédente avait proposé pour l'élection du conseiller territorial. S'il y a tripatouillage ici, qu'est-ce que ce devait être avant !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Mais si, monsieur Sauvadet.

C'est ce gouvernement qui fait le choix de fixer des règles claires, précisément pour éviter tout charcutage, tout tripatouillage. C'est grâce à ces règles claires que nous pourrons avancer. C'est ce Gouvernement, aussi, qui prévoit des exceptions afin de préserver les territoires les plus isolés !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Soyons respectueux les uns des autres, si vous le voulez bien, monsieur le député. Je crois qu'en de tels moments, c'est nécessaire, pour vous comme pour moi.

Nous avons donc fait le choix de la transparence.

Un principe clair est au coeur de ce projet de redécoupage, un principe constitutionnel bien sûr, mais surtout un principe fondamental de toute démocratie : l'égalité devant le suffrage.

Or, aujourd'hui, ce principe n'est correctement respecté dans aucun de nos départements. Dans la quasi-totalité – quatre-vingt huit –, l'écart entre le canton le moins peuplé et le plus peuplé est supérieur à un pour cinq. L'égalité devant le suffrage, ce n'est pas cela !

Je vous ai entendus, sur tous les bancs, rappeler la nécessité, que je peux comprendre, de préserver les territoires.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Le Gouvernement avait, dès l'origine, prévu des exceptions, limitées et justifiées. Sur ce point, les débats ont permis d'avancer, de clarifier. Je pense notamment au rôle des élus qui représentent la montagne, les vallées, le littoral, les îles, tous ces territoires isolés. La rédaction est à présent satisfaisante.

Mais je mets en garde une nouvelle fois cette assemblée : la représentation d'un territoire ne saurait primer la représentation des citoyens. C'est un impératif constitutionnel.

Sur ce point, la jurisprudence n'a cessé d'être précisée, ces dernières années. Le Parlement a fait le choix de fixer à 30 % l'écart maximal entre la population d'un canton donné et la moyenne départementale. Encore une fois, le Gouvernement est sensible à votre souci de préserver la représentation des territoires, mais – je l'ai dit à plusieurs reprises, le 13 mars dernier au Sénat ou le 26 mars dernier, ici même –, nous ne pouvons pas prendre le risque d'une inconstitutionnalité, qui pourrait remettre en cause le travail que nous avons accompli en commun sur les exceptions territoriales. J'insiste sur ce point ; d'ailleurs, certains d'entre vous l'avaient dit, à l'occasion de nos débats.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

J'ai souhaité néanmoins avancer le plus loin possible à la fois sur les exceptions territoriales et sur ce que les uns et les autres ont appelé le « tunnel ». Nous disposions déjà de l'avis du Conseil d'État…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

…et, après de nouvelles consultations juridiques, nous avons essayé de trouver une solution, qui m'a été suggérée par votre rapporteur, Pascal Popelin. Le Gouvernement vous proposera finalement de supprimer cette référence chiffrée de 30 %. Un amendement défendu par M. Sauvadet allait dans ce sens, et M. Larrivé, répondant à Mme Bechtel, avait également suggéré cette piste, qui nous permet de conserver les exceptions. Il y a évidemment l'avis du Conseil d'État sur le découpage, mais il y a aussi les exceptions.

Approfondir la démocratie locale, c'est également prendre acte, dans nos institutions, dans nos modes de scrutin, de la révolution intercommunale. Alors que les compétences intercommunales n'ont cessé de s'étendre ces dernières années, il fallait donner une lisibilité électorale aux institutions intercommunales, une légitimité démocratique à leurs élus. J'entends les résistances qui s'expriment, mais il faut, là aussi, être cohérent : il y a aujourd'hui un fait intercommunal en France, qui s'impose progressivement. Et ce fait institutionnel doit devenir un fait démocratique. L'élection des conseillers intercommunaux au scrutin universel par fléchage, déjà imaginé par la majorité précédente, répondra à ce souci.

Au cours de nos débats, le mode de scrutin proposé initialement a été amendé. Nous sommes arrivés, je crois, à un bon compromis, qui donne la souplesse nécessaire à l'établissement des listes. Il faut, là encore, se garder de complexifier cette disposition, au risque de rendre la loi inintelligible pour les électeurs et de s'exposer à la censure du Conseil constitutionnel.

Enfin, l'approfondissement de la démocratie territoriale devait concerner les communes, qui sont la base de notre démocratie. Cet échelon essentiel de la vie démocratique locale doit être préservé ; pour cela, il faut le moderniser. Dans bien des communes, le scrutin de liste majoritaire ne permet pas la parité. Dans bien des communes, le jeu, parfois bien triste, du raturage et du panachage a encore cours. Il fallait donc étendre le mode de scrutin proportionnel. Mais il fallait aussi tenir compte des réalités territoriales.

Le Gouvernement avait souhaité conserver le système existant dans les plus petites communes, où il est parfois difficile de constituer des listes complètes. C'est pourquoi le texte initial avait prévu un seuil de mille habitants, qui permet à 85 % de la population d'avoir accès à ce mode de scrutin paritaire.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

L'Assemblée nationale a opté, à une courte majorité, pour un seuil de cinq cents. Dans de nombreux départements, les maires des communes rurales se sont exprimés contre cet abaissement. Je crois donc qu'il serait sage de les écouter et de revenir à la proposition initiale.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Et je dois reconnaître que le vote était serré, ici, à l'Assemblée nationale. C'est pourquoi le Gouvernement sera favorable aux amendements allant dans ce sens, notamment à celui que défendra M. Tourret.

Mesdames, messieurs les députés, nos débats ont été longs, souvent fructueux ; il est à présent temps de les conclure, sereinement, dans un esprit de responsabilité.

Égalité devant le suffrage, parité, démocratisation de l'intercommunalité : voilà ce que doit permettre la réforme. Je nous invite à l'aborder avec détermination, mais aussi avec la prudence – je viens d'en faire la démonstration – qui sied à l'élaboration de la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, pour la troisième fois, notre assemblée entame l'examen de la réforme instaurant un nouveau mode de scrutin pour l'élection des conseillers départementaux, adaptant les modalités d'élection des conseillers municipaux et instaurant l'élection au suffrage universel direct des futurs conseillers communautaires, appelés à siéger au sein des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale.

À l'heure où notre République traverse ce que, pour ma part, je n'hésite pas à nommer une crise, nos débats pourraient de prime abord sembler dérisoires. C'est tout le contraire, puisqu'ils concernent la démocratie et son organisation. Aussi, permettrez-vous à votre rapporteur de prendre la liberté, en ce moment particulier, de s'éloigner quelques instants du texte lui-même.

Il est des choses que je n'entends pas, que je n'entends plus, et que je voudrais rappeler avec force à cette tribune. La première est que notre démocratie – que l'émotion conduit bien vite à accabler – est un bien inestimable, irremplaçable, dont tous les acteurs et commentateurs du débat public devraient prendre le plus grand soin. Les nations pouvant choisir librement ceux qui ont la charge, pour un temps, de leur destin, des plus hautes autorités de l'État jusqu'aux élus qui oeuvrent à l'échelon local, ces nations ne sont pas si nombreuses dans notre monde. Il est encore trop peu de pays où l'alternance démocratique peut s'opérer sans troubles civils ou militaires, par la simple décision des électrices et des électeurs.

La France, qui fut parmi les précurseurs de ce mode de dévolution des responsabilités publiques, a parcouru un long chemin. Il ne fut pas rectiligne. Il fut parfois douloureux, et certains ont donné leur vie pour que nous puissions l'emprunter. Nous avons tous le devoir, par nos actes individuels et collectifs, par notre comportement personnel, nos expressions publiques et nos décisions, de contribuer à préserver ce bien commun qu'est notre république. Parce que, chaque fois qu'elle a été ébranlée ou qu'elle a vacillé, notre pays a connu des heures sombres, dont il mit du temps à se relever. Je ne veux pas de cet avenir pour mes enfants, pour mes compatriotes, pour mon pays.

Tout corps en bonne santé peut être porteur de virus. Mais il est doté d'un système immunitaire qui dispose de ses propres défenses, auxquelles il revient de détecter et de neutraliser les agents pathogènes.

Au milieu du torrent d'injures, d'accusations et d'insinuations qui se déverse actuellement sur notre vie démocratique, face à ce qui, à mes yeux, constitue un risque encore bien pire : celui de la défiance ou de l'indifférence croissante de nos concitoyens à l'égard de la chose publique, je n'entends pas assez dire qu'en France, la presse est libre de publier les informations dont elle pense, en reponsabilité, qu'elles doivent éclairer l'opinion, que la justice peut travailler en toute indépendance à la recherche de la vérité. Ce n'est pas le cas partout et cela n'a pas toujours été le cas chez nous.

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Enfin, je ne méconnais pas le décalage qui existe entre l'idée que chaque Français se fait des élus qu'il connaît, qu'il voit à l'oeuvre sur son territoire, et l'appréciation qu'il porte sur le personnel politique en général. Mais je n'entends pas assez que l'immense majorité des élus du suffrage universel de notre pays, quelle que soit leur appartenance politique et quel que soit le mandat qu'ils exercent, est d'une totale probité et mue, avant tout, avec sincérité, par le souci de servir l'intérêt général.

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Pardonnez-moi ces digressions, mais je n'imaginais pas engager nos échanges sur ce texte, sans avoir réaffirmé ces convictions. Et je forme le voeu que ce soit en les conservant à l'esprit que nous poursuivrons notre travail.

À ce stade de l'examen de ces projets de loi, beaucoup de choses ont été dites, les points de vue des uns et des autres sont connus, la commission mixte paritaire a abouti à un accord sur le projet de loi organique, et de nombreux articles du projet de loi ordinaire ont été adoptés conformes par les deux assemblées.

Restent pour l'essentiel en débat la question du mode de scrutin départemental, les modalités du découpage cantonal et le seuil de mise en oeuvre du scrutin de liste majoritaire avec prime proportionnelle pour les élections municipales.

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S'agissant du mode de scrutin départemental, je veux rappeler une fois encore l'intention qui nous anime. Nous voulons rendre possible la mise en oeuvre du principe constitutionnel de parité au sein des assemblées départementales, derniers organes délibérants des grandes collectivités territoriales de notre République où il n'a pas su, hélas, encore trouver sa place. Et nous souhaitons, en même temps, conserver le lien territorial qui nous semble indispensable à l'exercice de ce mandat, compte tenu des missions qui sont celles des départements.

L'instauration d'un mode de scrutin proportionnel aurait permis de satisfaire le premier de ces objectifs, mais pas le second. Inversement, le retour à un scrutin majoritaire uninominal remplissait le second, mais les dernières élections cantonales ont démontré qu'il était rédhibitoire s'agissant du premier. Seule l'élection des binômes paritaires permet de tenir ces deux objectifs, sur lesquels se sont engagés le Président de la République et le Gouvernement.

J'observe d'ailleurs que, si une majorité de rejet a pu se dégager au Sénat à l'encontre de cette proposition, aucune majorité de projet, porteuse d'une solution de substitution, n'a émergé des débats à la Haute Assemblée. De la même manière, lors des travaux de notre commission des lois, de nombreuses propositions ont été avancées, parfois par les mêmes collègues, sans qu'aucune ne rassemble, y compris, dans certains cas, au sein des groupes politiques dont elles émanaient.

La commission des lois a donc maintenu la proposition d'élire désormais les conseillers départementaux au scrutin majoritaire binominal paritaire. J'ai la conviction que cette innovation, qui ne sera pas la première invention française en matière de démocratie…

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…sera de nature à rénover notre vie publique. Et je pense qu'à l'image de tant de réformes dont le caractère novateur a toujours suscité des questions, inquiété ou provoqué le rejet lorsqu'elles furent proposées, celle-ci fera demain partie intégrante de notre paysage institutionnel. Tout comme, aujourd'hui, on peut relire de manière amusée ou accablée – c'est selon – les réactions qu'accompagnèrent l'adoption des premières lois de décentralisation en 1982.

Un autre point demeure en débat, celui des modalités du redécoupage cantonal. Certains prétendent que cet exercice n'est pas nécessaire et que, une fois l'abrogation du conseiller territorial décidée, il eût été possible d'en revenir à la situation actuelle, dont je rappelle que, pour les deux tiers des cantons, elle est inchangée depuis 1801, soit depuis deux cent douze ans !

Lors de l'examen en première lecture, j'ai cité plusieurs ministres du précédent gouvernement, dont les interventions attestaient du contraire. Le déni sur ce sujet n'ayant pas faibli à la lumière de nos débats, je voudrais, par souci de convaincre, vous livrer cette fois-ci l'opinion sur le sujet de M. Brice Hortefeux, alors ministre de l'intérieur et qui répondait à une question du sénateur Jean-Louis Masson. Ses propos figurent au Journal officiel du 16 février 2012, page 438 : « Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, les travaux de remodelage de la carte cantonale qui seront conduits par le Gouvernement s'appuieront sur des bases essentiellement démographiques et devant conduire à une réduction significative des écarts de population entre circonscriptions par rapport à la moyenne départementale. » Il ajoutait : « La réduction des disparités démographiques existant entre les cantons au sein des départements milite aussi en faveur d'un nouveau découpage, y compris dans ceux où le nombre de conseillers territoriaux sera égal à celui des conseillers généraux. »

Je maintiens donc que la précédente majorité s'apprêtait à procéder à un redécoupage général des cantons de notre pays, afin de satisfaire au principe constitutionnel d'égalité du suffrage, qui n'est pas, loin s'en faut, respecté aujourd'hui.

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Je maintiens qu'encadrer strictement dans la loi le travail du pouvoir réglementaire, qui aura en charge de procéder aux consultations et au redécoupage, constitue une avancée démocratique notable, à laquelle nous devrions tous souscrire.

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Je persiste à considérer enfin, comme je l'ai indiqué avec une constance que personne ne me contestera, qu'il convient d'en rester dans la loi au plus près des éléments connus de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État en matière de respect du principe d'égalité du suffrage. C'est ce que nous propose le ministre, et le reste, pour moi, n'est que posture.

Je terminerai en évoquant la question du seuil de mise en oeuvre du scrutin de liste pour les élections municipales. Depuis de nombreuses années, un consensus existe sur l'extension, à des communes moins peuplées, du scrutin actuellement en vigueur dans celles de plus de 3 500 habitants. Le précédent gouvernement avait envisagé 500. L'actuel a proposé 1 000. Le Sénat l'a suivi, tandis que nous avons retenu 500. La question consiste à savoir où sera trouvé le bon équilibre, ma conviction étant que le mouvement vers la généralisation progressive de ce mode de scrutin est, quoi qu'il arrive, un mouvement inéluctable, qui répond aux aspirations d'une démocratie modernisée.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter, à l'occasion de cette nouvelle lecture, le texte issu de nos derniers travaux en commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Guillaume Larrivé.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c'est la troisième fois que j'ai l'honneur et le plaisir, sans aucune lassitude, de présenter à cette tribune, au nom du groupe UMP, une motion de rejet contre le projet de loi modifiant les règles d'élection des régions, des départements et des communes.

La situation est assez singulière : depuis le début de la législature, jamais un texte présenté par le Gouvernement n'avait dû être débattu lors de trois lectures à l'Assemblée nationale.

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La vérité est que ce projet de loi, malgré l'éloquence du ministre qui le défend, se trouve aujourd'hui enlisé dans un parcours parlementaire chaotique, tant il suscite d'opposition.

Pardon de devoir à nouveau vous rappeler, d'abord la très vive préoccupation du Sénat, qui s'est exprimé à deux reprises, avec force et conviction, pour rejeter le texte dans son principe : rejet total du texte en première lecture et rejet du coeur du texte en deuxième lecture. Venant de la Haute Assemblée, dont la mission constitutionnelle est de représenter les collectivités territoriales, et dont la majorité a pourtant basculé à gauche, cette opposition est un échec majeur pour le Gouvernement, incapable de persuader les sénateurs de l'opportunité de son projet.

Je veux souligner aussi l'opposition de tous les groupes de l'Assemblée nationale, à la seule exception du groupe socialiste.

Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, que seuls 271 députés ont voté en faveur du projet de loi mardi dernier, ce qui signifie qu'une majorité d'entre nous – 306 députés très exactement – ont choisi de ne pas approuver ce texte…

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En effet, 236 ont voté contre, trente-cinq se sont abstenus et trente-cinq n'ont pas pris part au vote.

Chacun a à l'esprit, enfin, les réticences de la commission mixte paritaire, qui a été dans l'impossibilité d'adopter un texte commun, malgré la présence de sept parlementaires socialistes sur quatorze, lesquels n'ont pu entraîner à leurs côtés un seul des sept autres parlementaires. (Sourires.)

Cet échec de la CMP conduit le Gouvernement à saisir à nouveau l'Assemblée nationale, puis le Sénat, dans la perspective d'un dernier mot laissé à l'Assemblée ou plus exactement aux seuls députés socialistes.

Ces oppositions et ces réticences parlementaires se nourrissent, semaine après semaine, jour après jour, des oppositions et des réticences qui s'expriment sur le terrain, dans chacune des régions, dans chacun des départements, dans chacune de nos circonscriptions.

Pourquoi votre projet de loi, monsieur le ministre, suscite-t-il tant d'incompréhension et de réprobation ? Il y a, je crois, au moins trois motifs de rejet.

Je ne reviendrai pas ici sur les incertitudes juridiques très fortes qui entachent votre texte. Nous les avons longuement développées lors des deux premières lectures, article après article, et nous saisirons le Conseil constitutionnel, à qui il appartient d'en juger.

Indépendamment de ces questions constitutionnelles, notre premier motif d'opposition tient au contenu même du projet de loi qui fait naître, sur le terrain, de très vives inquiétudes. J'en veux pour preuve, en particulier, les déclarations de notre collègue Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, qui constate, avec regret, mais aussi avec combativité, que la voix des maires n'est pas suffisamment entendue.

À onze mois des élections municipales, les incertitudes sur le mode de scrutin suscitent des préoccupations légitimes. Après plusieurs années de débat, il existe aujourd'hui un assez large accord sur le principe de l'abaissement du seuil des élections se tenant au scrutin de liste paritaire, majoritaire avec représentation proportionnelle à deux tours. Le débat, ces dernières années, a mûri, et l'Association des maires de France s'est exprimée, de manière très claire, en faveur d'un seuil de 1 000 habitants. Nous regrettons que les députés socialistes se soient obstinés, jusqu'alors, à ne pas prendre en compte cet avis. Comme le Sénat, nous avons la conviction que, dans les plus petites communes, où chacun se connaît, nos concitoyens restent attachés au mode de scrutin actuel, qui permet un choix à la fois très ouvert et très précis, notamment grâce au panachage.

Par conséquent, nous présenterons des amendements pour retenir un seuil de 1 000 habitants. Je comprends que le ministre de l'intérieur n'y est pas hostile. Au nom du groupe UMP, je vous appelle, mes chers collègues, sur tous les bancs, à voter ces amendements de bon sens.

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Nous continuons, de même, à demander la suppression du nouveau mode de scrutin départemental binominal, qui n'est réclamé par personne sur le terrain, car personne ne pense sérieusement que l'instauration d'un binôme va rendre plus efficace le travail des différents échelons de collectivités. Nous nous en sommes expliqués lors des deux premières lectures : à aucun moment, mes chers collègues de la majorité socialiste, vous ne nous avez donné le début d'une esquisse d'argument démontrant qu'il était nécessaire de créer ce binôme pour améliorer l'efficacité des départements. En réalité, nous l'avons dit et nous persistons à l'affirmer, ce n'est qu'un prétexte pour redécouper à votre guise tous les cantons de tous les départements de France. L'opacité de ce redécoupage cantonal n'est plus à démontrer.

Vous improvisez aujourd'hui même, monsieur le ministre, à la dernière seconde, un amendement du Gouvernement que nous avons découvert à quatorze heures trente et qui précise que le redécoupage se fera « sur des bases essentiellement démographiques ».

Il est vrai que l'eau bout à 100 degrés et que la Constitution demande de respecter les équilibres démographiques. Mais il faudra aller un peu plus loin au moment de la discussion de l'amendement. Est-ce à dire que le tunnel de 20 % que vous aviez défini en première lecture et que vous aviez porté à 30 % en deuxième lecture se trouve abandonné, rétréci ou élargi ? Il faudra choisir ou, en tout cas, nous dire quelle lecture vous faites de votre amendement. L'improvisation de cette rédaction appelle à tout le moins des précisions. J'ajoute surtout qu'elle ne règle en rien le problème majeur que nous avons soulevé, celui de la transparence du redécoupage.

Oui, monsieur le ministre, nous persistons à vous demander, sans grand succès jusqu'à présent, la création d'une commission pluraliste, présidée par un parlementaire de l'opposition et dont le rapporteur serait un parlementaire de la majorité, qui donnerait un avis, publié au Journal officiel, sur chaque redécoupage, dans chaque département.

C'est cette commission pluraliste – je le dis sous le contrôle de M. Marleix et de M. Marleix (Sourires) – qui, seule, permettrait d'assurer la transparence politique de cette opération de redécoupage. Si vous persistez à la refuser, c'est parce que vous faites le choix de l'opacité.

Plus de transparence politique : c'est à cet effort que nous continuons à vous appeler, dans l'intérêt des territoires de notre pays.

Mais l'intérêt des territoires, le Gouvernement y a-t-il vraiment réfléchi ? Nous ne le pensons pas, et c'est notre deuxième motif d'opposition à votre projet de loi, Car vous vous obstinez à vouloir modifier les règles d'élection dans les régions, les départements et les communes, alors que personne ne sait aujourd'hui quelle organisation le Gouvernement souhaite dessiner pour les collectivités territoriales dans les années à venir.

Le Président de la République – oui, nous le citons, monsieur le ministre –, dans un discours supposé fondateur, prononcé à la Sorbonne, cet automne, avait annoncé que le Parlement serait saisi, au début de l'année 2013, d'une réforme tendant, notamment, à clarifier les compétences de chaque collectivité.

Nous en sommes bien loin. En réalité, le Gouvernement est dans l'incapacité d'indiquer à l'Assemblée nationale où il veut aller et s'il a, oui ou non, un vrai projet pour les collectivités territoriales de notre République.

Nous comprenons, à la lecture de la presse – et seulement à la lecture de la presse puisque, pour l'instant, aucun ministre n'a daigné s'exprimer dans cet hémicycle sur cette question –, que le Premier ministre a dû faire marche arrière, mardi dernier, et a décidé de retirer l'avant-projet de loi sur la décentralisation, qui comptait près de 175 pages et plus de 120 articles. Sans doute était-ce là une manifestation paradoxale du « choc de simplification » évoqué par le chef de l'État.

Le président de l'association des maires ruraux, Vanik Berberian, a qualifié ce projet d'usine à gaz. Notre collègue Alain Rousset, député socialiste de la Gironde, a expliqué, en sa qualité de président de l'Association des régions de France, qu'à vouloir contenter tout le monde, le texte n'a donné satisfaction à personne. Et le président du groupe socialiste au Sénat, François Rebsamen – vous voyez, mes chers collègues, que j'ai de bonnes références ! – a été plus clair encore, en affirmant l'opposition résolue de son groupe au texte du Gouvernement !

Aussi, devant l'opposition générale, le Gouvernement a été contraint de renoncer à son projet, en se résignant à le découper en tranches : une loi sur les métropoles, d'abord, puis, sans doute, une loi sur les régions et, peut-être un jour, une loi sur le reste, c'est-à-dire les départements, les intercommunalités et les communes. Le président socialiste du conseil général des Côtes-d'Armor, Claudy Lebreton, en tant que président de l'Assemblée des départements de France, a eu raison, je crois, de souligner que cette reculade du Gouvernement était un échec collectif pour la gauche.

Mais c'est aussi, hélas ! un échec pour notre pays. Car l'incapacité du Gouvernement et de la majorité à définir, après presque un an de législature, un projet pour les collectivités territoriales, va se payer très cher.

Vous ne savez pas quelles compétences vous souhaitez confier à quelles collectivités.

Vous ne savez pas non plus quelles relations entretiendront les collectivités avec l'État.

Le Gouvernement a décidé de diminuer de 4,5 milliards d'euros, dans les deux ans, le montant des dotations versées par l'État aux collectivités, mais personne ne sait, ici, comment cette diminution sans précédent va s'appliquer.

Je prendrai un seul exemple, très concret, qui nous concerne tous : l'avenir des contrats de projet entre l'État et les régions. L'exécution des contrats actuels, préparés par le précédent gouvernement, s'achève dans quelques mois, en décembre 2013. Le Gouvernement entend-il, oui ou non, préparer de nouveaux contrats ? Ces contrats seront-ils déclinés, comme c'était jusqu'alors le cas, dans les départements, dans les aires urbaines comme dans les territoires ruraux, dans les agglomérations et les pays ? Quel en sera le volume ? Quelles en seront les priorités ? Des milliers d'élus locaux attendent, monsieur le ministre, non pas la création du binôme, mais des réponses précises à ces questions qui engagent l'avenir, puisqu'elles conditionnent le financement des projets d'infrastructures et le développement des territoires.

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Non seulement le Gouvernement reste silencieux sur ces questions de fond – je le dis devant des présidents de conseils généraux éminents, comme François Sauvadet ou Hervé Gaymard –, mais il s'ingénie à modifier les règles qui s'appliqueront lors des prochaines élections locales. C'est là, mes chers collègues, une curieuse inversion des priorités.

J'en viens, pour conclure, au troisième motif de notre opposition à votre projet de loi.

Je voudrais, à cet égard, répondre aux propos liminaires de notre rapporteur, Pascal Popelin.

Je crois profondément qu'il n'est pas légitime de bouleverser les modes de scrutin après chaque alternance, quelques mois avant un rendez-vous électoral. Or, c'est précisément ce que le Gouvernement propose pour les trois échéances électorales majeures qui doivent se tenir en mars 2014 : les élections municipales, cantonales et régionales.

Je sais que le Gouvernement me répondra, en droit, qu'aucun principe constitutionnel n'y fait directement obstacle, puisque le Conseil constitutionnel, dans une décision du 21 février 2008, n'a pas reconnu de principe fondamental qui interdirait de modifier les règles électorales dans l'année qui précède un scrutin. Mais je ne me place pas, sur ce point, sur le terrain juridique. Et j'admets, bien volontiers, que par le passé, d'autres gouvernements, d'autres majorités ont, eux aussi, agi de cette manière. Mais je crois précisément que de telles pratiques, de tels arrangements devraient appartenir au passé.

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Dans une démocratie moderne, apaisée, respectueuse des citoyens, il est choquant de modifier les règles du jeu à tout bout de champ, car cela ne fait qu'alimenter le soupçon de manipulation.

Je regrette qu'en modifiant les règles du jeu électoral à quelques mois des échéances normalement prévues, le Gouvernement ne fasse qu'alimenter la défiance de nos compatriotes à l'égard des institutions de notre République. Cette défiance est grande. Prenez garde à ne pas l'aggraver !

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite une nouvelle fois, au nom du groupe UMP unanime, à rejeter ce projet de loi de convenance électorale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Monsieur Larrivé, vous avez dit ne pas souhaiter revenir sur ce que vous estimez être les incertitudes juridiques du texte, préférant nous annoncer, ou plutôt nous confirmer une saisine du Conseil constitutionnel. Je le regrette, car, en théorie, tel est l'objet de la motion de rejet préalable que vous étiez censé défendre.

D'ailleurs, vous ne semblez pas vraiment souhaiter l'adoption de cette motion…

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…puisque vous venez d'appeler à l'adoption de certains amendements, ce qui suppose que nous discutions effectivement du texte que vous deviez nous convaincre – sans succès, je le crains – de rejeter.

Afin d'accéder à la demande de discussion de M. Larrivé, je vous invite, mes chers collègues, à repousser la motion de rejet à l'usage détourné de laquelle nous sommes désormais habitués.

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Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Le rapporteur vient de dire l'essentiel. Je répondrai à mon tour à M. Larrivé sur deux points, sous le regard de M. Marleix et de M. Marleix. (Sourires.)

Tout d'abord, il n'y a ni enlisement ni chaos. Ne portez pas, monsieur Larrivé, un jugement trop sévère sur la procédure parlementaire. Si nous avions opté pour une procédure d'urgence, un vote bloqué ou un temps programmé, vous nous auriez reproché d'escamoter le débat. Non ! Il s'agit du rythme d'examen normal d'un texte faisant l'objet de navettes entre l'Assemblée et le Sénat. J'ai apprécié l'humour de vos commentaires sur la commission mixte paritaire, mais en tout état de cause, nous nous serions quand même retrouvés ici pour tirer les conclusions de la CMP.

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Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Je sais, M. Sauvadet. Le texte va repartir au Sénat puis reviendra ici, il est normal de prendre le temps nécessaire.

Par ailleurs, il y a ici, à l'Assemblée nationale, une majorité. Vous pouvez faire des commentaires à son sujet, mais je remarque qu'il n'y a pas de majorité opposée à ce que nous proposons. Il ne peut d'ailleurs y en avoir, entre ceux qui proposent le statu quo, ce qui est tout à fait leur droit, et ceux qui proposent le scrutin proportionnel. Ce qui s'impose, pour avoir à la fois la proximité et la parité, c'est le scrutin binominal que nous proposons.

En outre, en matière de modes de scrutin, personne n'est pris par surprise. Le Président de la République a toujours dit pendant la campagne que nous reviendrions sur le conseiller territorial, d'ailleurs déjà abrogé par le Sénat lui-même. Un tel engagement impliquait évidemment de le remplacer par un autre mode de scrutin, comme celui que nous proposons. Nous ne touchons pas au scrutin des élections régionales ni à celui des élections européennes. Quant aux élections sénatoriales, vous savez le choix que nous avons fait pour un certain nombre de départements, qui ne bouleverse pas l'équilibre auquel les sénateurs sont attachés. Là aussi, nous respectons les règles tout à fait essentielles qui doivent régir ces modes de scrutin.

Pour les élections municipales, nous tirons tout simplement les leçons de ce que vous n'avez pu mettre en oeuvre lorsque vous avez travaillé sur le fléchage de l'intercommunalité. Vous avez raison, nous pourrons tomber d'accord sur certains amendements relatifs au seuil de 1 000 habitants, d'ailleurs proposé par le texte initial comme par l'association des maires de France, dont je salue le président, Jacques Pélissard, ici présent. À l'évidence, nous prenons en compte l'avis des maires sur ce sujet.

Afin que le débat ait lieu, ainsi que la discussion de vos propres amendements, monsieur Larrivé, le Gouvernement propose le rejet de votre motion préalable.

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Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

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Vous avez rappelé, monsieur le ministre, l'engagement du Président de la République de revenir sur le conseiller territorial. Mais je n'ai pas souvenir que, lors de son discours de Dijon consacré aux collectivités territoriales, il ait annoncé…

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…mais je suivais la campagne présidentielle. Je n'ai pas souvenance qu'à aucun moment le Président de la République, alors candidat, ait évoqué un binôme, un vaste redécoupage ni la suppression de 2000 cantons en France. Si tel avait été le cas, je puis vous dire que cela aurait probablement fait réfléchir plus d'un de nos compatriotes.

Par ailleurs, vous évoquez, monsieur le ministre, une procédure normale. Certes, vous avez été un parlementaire réputé et écouté, vous êtes aujourd'hui ministre et assumez vos responsabilités. Mais il est une petite chose à laquelle je souhaiterais vous rendre attentif, c'est l'esprit de la Constitution. Vous êtes en train de piétiner le Sénat, qui a rejeté votre binôme à deux reprises, la deuxième fois à une majorité encore plus large que la première. Il ne veut pas de la révision de l'ensemble des cantons, ce grand tripatouillage électoral que vous vous apprêtez à faire, et l'a rejeté par deux fois, lui dont la Constitution prévoit bien qu'il représente les collectivités. D'ailleurs, la révision constitutionnelle nous conduit désormais à prendre préalablement l'avis du Sénat sur certains textes, en particulier s'ils portent sur la décentralisation et l'organisation du territoire. C'est la raison pour laquelle le groupe UDI, soucieux du respect de l'esprit de la constitution, votera naturellement la motion de rejet préalable.

De même, en matière de parité, la Constitution dit qu'il faut y tendre et d'ailleurs nous y avons contribué lorsque nous étions en charge du gouvernement de la France, (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), parfois avec votre soutien.

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En tout cas, vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, maintenir un texte rejeté par une majorité de sénateurs mais aussi de députés, qui ne se sont pas tous exprimés, et soutenu par un seul parti. Trouvez-vous moral, au moment où on parle de moralisation de la vie politique, qu'un seul parti politique puisse, au nom du fait majoritaire à l'Assemblée nationale, imposer à toutes les autres formations politiques et au pays qui n'en veut pas la réforme d'un mode de scrutin ? Si on parle de morale, la question mérite d'être posée ici. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

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La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

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M. Larrivé a effleuré le sujet de la prochaine loi de décentralisation. Nous n'y sommes pas encore et sans doute nos débats seront-ils passionnés, voire passionnants, qui sait ?

Nous voterons contre la motion de rejet, car nous savons bien qu'il n'existe pas de majorité pour un scrutin de liste dans le département. Nous savons aussi que le conseiller territorial est supprimé, et on ne le regrettera pas. Dès lors, rétablir un scrutin majoritaire sans la parité nous ramènerait aux cantons du XIXe siècle, ce qui serait certainement encore pire que ce que l'on propose là. Certes, l'abaissement du seuil de scrutin de liste de 3 500 habitants à 1 000 ou 500 est peut-être un gage au conservatisme. Nous ne sommes pas de chauds partisans du scrutin majoritaire, mais de là à voter cette motion de rejet, n'en faisons pas trop.

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La parole est à M. Alain Tourret, pour Radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Je voudrais répondre à M. Larrivé, juriste à la finesse incontestable. S'il ne trouve aucun argument constitutionnel, c'est vraiment qu'il n'y en a pas ! Il se réserve peut-être pour la quatrième lecture ! (Sourires.)

J'ai écouté avec beaucoup d'attention tout ce qu'il propose. Sur le contenu même du projet de loi, il n'a pas trouvé un seul argument en faveur de l'inconstitutionnalité. Il aurait pu éventuellement développer une réflexion sur la notion de binôme, il ne l'a pas fait. Quant au redécoupage, il serait selon lui anticonstitutionnel, faute de commission pluraliste présidée par M. Marleix !

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M. Marleix n'est pas la référence de la constitutionnalité de nos textes ! Dès lors, cela ne tient pas.

Sur l'organisation territoriale et les compétences, je ne vois là nul argument constitutionnel. Enfin, M. Larrivé nous dit qu'il n'est pas nécessaire de bousculer les scrutins mais précise lui-même que ce n'est pas un argument en soi et qu'il n'envisage pas de convaincre le Conseil constitutionnel sur ce point.

Je suis donc bien obligé de constater qu'en dehors de ce qu'il soutient, c'est-à-dire la convenance électorale, il n'y a selon lui rien à reprocher au texte sur le plan constitutionnel. C'est pourquoi, alors même que j'interviendrai sur le fondement du texte mais d'une autre façon, j'estime que cette proposition de rejet pour non-constitutionnalité ne doit pas être admise.

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La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe Socialiste républicain et citoyen.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous présentons à nouveau ce projet de loi « sans illusions », comme disait M. Sauvadet en commission des lois mercredi dernier, sans illusions sur l'attitude de l'opposition. En effet, les explications cent fois répétées sur la nécessité d'un nouvel équilibre et d'une démocratie locale à l'image de ses habitants ne l'ont visiblement pas convaincue, à moins que sa posture ne soit qu'artificielle.

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C'est une simple opposition de principe qui conduira invariablement au dépôt d'une motion de rejet, quelle que soit la valeur de nos propositions. L'opposition affirme à juste titre qu'un tel mode de scrutin serait « unique au monde » et étaye l'essentiel de son discours sur ce postulat. Je la remercie de nous reconnaître le mérite d'être, en effet, à l'initiative d'une évolution démocratique considérable et à nulle autre pareille. C'est pour cette raison que nous avons été élus : pour changer et transformer notre société, pour donner aux Français les moyens de leurs aspirations, pour redonner à notre démocratie le souffle dont elle a besoin ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

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En l'état, que refusez-vous ? Le droit de nos concitoyens de choisir leurs représentants dans les EPCI ? Une représentation équitable des territoires dans les collectivités territoriales ? La démocratie locale peut-être ? Je comprends votre difficulté à envisager l'avenir et je ne m'étendrai pas sur la difficile mise en pratique du principe de parité dans votre camp !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Voilà la vérité !

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Voyez, madame la présidente, le nombre de femmes de ce côté-ci et de l'autre : on compte 101 femmes dans le groupe SRC et 27 à l'UMP ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons la République en héritage, qui comporte le devoir de permettre à chaque homme et à chaque femme d'être pleinement acteur des institutions qui nous appartiennent. Nous sommes d'autant plus fiers d'être uniques au monde et de traduire l'exigence démocratique des Français par nos actes et, précisément, par la réforme proposée.

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Ce qu'elle dit est important, madame la présidente !

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Le groupe socialiste votera donc contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je dirai en effet quelques mots au nom de l'UMP. On pourrait légitimement penser que les parlementaires de la majorité et de l'opposition souhaitent se donner le temps de la réflexion sur un sujet d'importance, puisque c'est la troisième fois que nous en débattons ici. En fait, personne n'est satisfait par ce mauvais texte et chacun en souhaite le rejet !

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Les sénateurs, avec conviction, ont voté par deux fois contre ce texte. Ils ont même été dans un embarras si remarquable lors de la CMP qu'ils ont tout fait pour la faire échouer !

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Ici même, il y a une semaine, vous avez vous-mêmes fait preuve d'une très grande hésitation, puisque le texte n'a été adopté que par 271 voix contre 236 et 35 abstentions, soit 271 voix de chaque côté si je puis dire. Cette loi, monsieur le ministre, n'est pas dans l'intérêt des territoires. Parce que vous soumettez la France à la découpe électorale sans vous soucier de la représentation des territoires ruraux, nous voterons la motion de rejet brillamment défendue par notre collègue Guillaume Larrivé au nom du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

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J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Olivier Marleix.

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Monsieur le ministre, en ce 9 avril, cette troisième lecture du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, municipaux et intercommunaux et modifiant le calendrier électoral ne laisse plus place au doute : le Gouvernement est passé à la 3D. Il ne s'agit pas de la technique cinématographique, mais des qualificatifs qui s'y appliquent le mieux : déni, diversion et division.

Le déni, c'est votre incapacité à affronter les vrais problèmes du pays et de nos compatriotes que sont le chômage, le pouvoir d'achat, la violence dans nos villes et dans nos écoles. Incapables d'y faire face, vous préférez parler d'autre chose.

Incapables de faire baisser le chômage, incapables de redonner du pouvoir d'achat – mais au contraire l'amputant en supprimant les heures supplémentaires, en taxant les retraites même des plus modestes, et en réduisant les allocations familiales –, incapables de réduire la dépense publique, incapables de redonner confiance aux entrepreneurs que votre déni de la réalité économique effraie, vous vous lancez dans toutes sortes de diversions.

Diversion avec le mariage et l'adoption pour les couples de même sexe…

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…diversion avec le cumul des mandats – comme si le fait que quelques-uns, parmi nous, renoncent à être maire de leur village, allait suffire à sauver le pays ; diversion avec le droit de vote des étrangers ; diversion parfaitement cynique de la part du Président de la République, avec l'annonce d'un projet de loi de moralisation de la vie politique qui n'hésite pas à jeter l'opprobre, au passage, sur tous les parlementaires pour tenter de ne pas répondre aux questions que nous lui posons sur le rôle du Gouvernement dans l'affaire Cahuzac ; diversion, enfin, avec ce texte qui nous occupe aujourd'hui, sur les modes de scrutin locaux.

Et pour que la recette soit parfaite, il faut naturellement que ces priorités gouvernementales divisent. La division est la technique de communication choisie par votre gouvernement, parce qu'elle a ce grand mérite de donner l'illusion que vous êtes de grands réformateurs et, en même temps, de faire partager le poids de ces débats inutiles avec une opposition réduite à perdre son temps dans des débats inutiles, bien loin des soucis des Français.

Je résumerai ce que nous avons déjà eu l'occasion de dire à maintes reprises dans cet hémicycle en rappelant les sept péchés capitaux de votre projet de loi. Le premier de ces péchés, c'est que vous êtes dans le déni de ce qu'a exprimé votre propre majorité au Sénat et à l'Assemblée nationale, ce qui vous conduit à faire le choix du passage en force – une première depuis la décentralisation pour un texte sur les collectivités territoriales.

La commission mixte paritaire à laquelle nous avons assisté la semaine dernière était ubuesque : c'est le groupe socialiste du Sénat qui a fait le choix de faire échouer la CMP pour donner le dernier mot au groupe PS de l'Assemblée nationale ! Quelle dénaturation du travail parlementaire ! C'est d'autant plus regrettable pour un texte sur les collectivités territoriales qui, en vertu de notre Constitution, intéressait au premier chef le Sénat.

Cet épisode malheureux a été le point d'orgue de la méthode que vous appliquez depuis le début : celle du « Circulez, il n'y a rien à voir ! » C'est ainsi qu'ici, à l'Assemblée nationale, quasiment aucun amendement de l'opposition n'a été accepté – à l'exception d'un amendement particulièrement brillant du président Sauvadet. Quant à ceux de la majorité et du rapporteur, ils ne sont guère plus nombreux à avoir été adoptés et se cantonnent principalement à des précisions d'ordre rédactionnel.

Le deuxième péché de votre projet de loi est une atteinte sans précédent à la représentation des territoires ruraux. Oui, c'est vrai, les conseils généraux actuels assurent une surreprésentation des territoires ruraux. Oui, le découpage actuel des cantons assure cette égalité de chacun à faire entendre sa voix dans l'assemblée départementale, quel que soit le canton où il habite, quelle que soit la vallée reculée, le village isolé, ou le territoire peu dense où il vit. Avec vous, tout cela va disparaître.

Vous ne retenez que le principe de l'égalité démographique, les réalités territoriales n'étant désormais plus prises en compte qu'à la marge. C'est un déni profond de ce qu'est, depuis plus de deux siècles, le conseil général, instance de solidarité entre les hommes, mais aussi entre les territoires.

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Votre texte consacre une vision socialiste, désormais bien ancrée et bien comprise, de la vassalisation des territoires ruraux périphériques au territoire urbain central, dont tout doit procéder. (« N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe SRC.) Ainsi la ville de Nantes peut-elle décider comme bon lui semble de construire son aéroport chez les ruraux voisins.

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Mes chers collègues socialistes, certains d'entre vous sont élus de territoires ruraux. J'ai peine à comprendre votre manque de réaction face à ce texte, alors que les conseillers généraux socialistes des cantons ruraux disent, partout sur le territoire, leur incompréhension et leur désolation face à votre projet. Où sont-ils, ces candidats du PS aux élections législatives qui prétendaient jouer les défenseurs du monde rural ?

Plusieurs députés des groupes SRC et RRDP. Ici !

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Eh bien, on aimerait les entendre davantage !

Dans les zones rurales de notre pays, ce n'est pas un canton sur deux qui va disparaître, mes chers collègues, mais bien trois sur quatre, qui seront fusionnés dans de grands ensembles sans cohérence historique ni géographique, dans une effroyable logique mathématique que le ministre de l'intérieur lui-même n'a pas démentie.

Derrière, c'est toute l'organisation de nos services publics – gendarmeries, postes, collèges, maisons de retraite – qui va perdre, à travers les cantons, ce qui faisait encore figure de cadre de référence à leur organisation. C'est toute l'organisation de proximité de nos services publics que vous vous apprêtez à démembrer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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Monsieur le ministre, nous avons bien pris connaissance de votre amendement de dernière minute abandonnant le tunnel des plus ou moins 20 % pour celui des plus ou moins 30 %. Mais quelle est votre intention, quelle interprétation le juge administratif devra-t-il retenir de l'intention du législateur ? C'est là un élément particulièrement important de notre débat.

Sur ce point, il ne doit pas y avoir de doute. Il me semble que notre intention, celle du Sénat, celle exprimée en première lecture par des amendements de l'opposition, mais aussi par des amendements socialistes – notamment un amendement de Mme la présidente de l'ANEM, proposant d'élargir le tunnel à plus ou moins 40 % –, va dans le sens d'une interprétation large, souple, de ces bases « essentiellement démographiques » que vous nous proposez d'adopter. C'est un point sur lequel nous attendons évidemment des précisions de votre part, monsieur le ministre.

Le troisième péché capital de votre texte est la paresse. Vous qui n'avez qu'un seul argument pour justifier le découpage brutal de nos territoires, celui du principe d'égalité devant le suffrage, vous n'hésitez pas à inscrire de nouvelles inégalités dans cette loi. Votre texte fige, en effet, des écarts de ratio entre le nombre d'habitants et le nombre d'élus ou de cantons d'un département à l'autre, qui n'ont rigoureusement rien à voir, et que rien, absolument rien, ne justifie, si ce n'est l'héritage et le poids du passé. En Lozère, par exemple, il y aura un conseiller départemental pour 2 900 habitants, contre un pour 57 000 en Seine-et-Marne. C'est la conséquence mécanique des nouvelles règles de ce projet de loi. Nous ne pouvons pas comprendre et accepter de voir figer ces écarts dans le marbre de la loi. Au contraire, nous estimons que les Français ont le droit d'avoir le même nombre de conseillers généraux à leur écoute, à leur disposition, proche d'eux, quel que soit le département où ils habitent. Nous considérons aussi que le poids électoral des conseils départementaux dans le collège électoral sénatorial aurait dû être rééquilibré à l'occasion de la rédaction de ce texte. Or, il sera de 1,6 % dans les départements alsaciens et de 10 % dans les départements de Corse. C'est un point sur lequel vous ne nous avez donné aucune explication.

Pour plus de justice et d'équité – des thèmes qui vous sont chers, mes chers collègues – vous auriez dû faire le choix d'un tableau avec des effectifs par strates, comme il en existe un pour les effectifs des conseils municipaux, et comme il en existe des tas dans le code électoral ou dans le code général des collectivités locales, notamment dans les conseils généraux.

Le quatrième péché, c'est le mépris qu'exprime votre texte envers les élus locaux : sous couvert de parité, ce sont probablement 3 000 conseillers généraux qui vont être renvoyés dans leurs chaumières. Ce sont des élus bien identifiés par les citoyens – on ne peut pas en dire autant des conseillers régionaux, par exemple –, dévoués à la chose publique et dont la vocation est d'administrer en proximité des territoires auxquels ils sont profondément attachés.

Si cette décision s'inscrivait dans un effort de rationalisation des effectifs d'élus locaux, nous pourrions comprendre ce qui serait un geste courageux, mais il n'en est rien puisque, dans le même temps, vous recréez plus de 1 800 conseillers régionaux qui, au terme de la réforme territoriale, avaient disparu, mais qui trouvent grâce à vos yeux parce qu'ils sont désignés par les partis politiques.

Vous donnez au passage une magnifique illustration de ce que doit être un élu à vos yeux : un apparatchik représentant un parti politique avant de représenter un territoire. C'est cette vision que vous voulez promouvoir avec la proportionnelle ou votre projet de réforme du cumul des mandats. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous commettez votre cinquième péché capital en cassant ce lien simple et compréhensible entre le conseiller général et ses électeurs, que permet le scrutin majoritaire uninominal à un tour, pour le remplacer par un système électoral illisible : le scrutin binominal. Un homme et une femme, solidaires dans leur campagne électorale, pouvant siéger, en revanche, sur des bancs différents après leur élection et susceptibles d'être candidats l'un contre l'autre au terme de leur mandat. Comment l'électeur peut-il comprendre quelque chose à ce système parfaitement inintelligible ?

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Dans un monde où nous souhaitons tous que les élus assument clairement, franchement, directement leur responsabilité devant ceux qui les élisent, vous vous ingéniez à inventer un système électoral qui va parfaitement en sens inverse. Avec cette réforme, la responsabilité des élus s'exercera désormais partout, devant la justice, devant les médias, partout sauf dans les urnes, sauf devant les électeurs. Quel progrès pour la démocratie, vous qui prétendez par ailleurs la moraliser !

Le sixième manquement grave de ce projet de loi est l'absence de toute concertation locale, monsieur le ministre. Vous reprenez à peu près ce qui a dû être la méthode de découpage appliquée en 1801. Ces cantons qui structurent notre vie locale depuis plus de deux siècles vont disparaître d'un trait de plume. En quelques semaines, vous allez préparer leur refonte et les conseils généraux n'auront que six semaines entre juin et octobre – pour certains, uniquement entre le 14 juillet et le 15 août – pour émettre un avis, si possible en catimini, afin que les citoyens ne puissent pas se rendre compte de ce qui se passe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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Comment pouvez-vous justifier auprès d'élus qui ont passé plusieurs mois, souvent plus d'un an, à débattre des schémas de l'intercommunalité, que vous décidez tout seuls, d'en haut et d'une façon aussi expéditive ?

Enfin, monsieur le ministre, alors que votre gouvernement se fait, depuis quelques jours, le chantre de la transparence en toute chose, vous, en matière électorale, vous entendez vous en dispenser. Ainsi, vous avez refusé systématiquement – cela a été le cas au cours des deux premières lectures, en tout cas, mais peut-être votre position va-t-elle évoluer aujourd'hui,…

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…sous l'influence de cette grande demande de transparence dont la majorité se fait l'écho – tous les amendements proposés par notre groupe pour instituer une commission pluraliste, du type de celle que la précédente majorité avait inscrite dans la Constitution pour encadrer les découpages législatifs.

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Pourquoi, monsieur le ministre, une telle obstination à refuser plus de transparence, plus de démocratie ?

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Finalement, au terme de deux lectures dans chaque assemblée, votre gouvernement, non seulement n'a pas entendu le Parlement, n'a quasiment pas accepté d'amendements, mais il ne nous a également apporté que très peu de réponses. Vous vous êtes d'abord caché derrière une prétendue obligation, du fait de la disparition « promise » du conseiller territorial. En fait, cet argument est faux : vous auriez pu ne rien changer.

Vous nous avez dit ensuite être tenu, malgré votre bonne volonté, d'inscrire un tunnel de plus ou moins 20 % pour le découpage des cantons du fait de la jurisprudence du Conseil d'État. C'est une approche quelque peu déconcertante du travail législatif... Enfin, vous inventez un mode de scrutin obscur que vous n'êtes capables de justifier que par la parité, mais dont vous semblez reconnaître vous-même, à force de silence, que cela n'aurait pas grand sens de le transposer dans d'autres élections, notamment pour celle des députés de l'Assemblée nationale, tant cela amoindrirait cette perception de la responsabilité politique intrinsèquement liée au scrutin majoritaire.

Cette responsabilité personnelle de l'élu que garantit le scrutin uninominal est pourtant – les sombres affaires révélées ces derniers jours l'illustrent au plus haut point – le seul véritable point d'ancrage de notre démocratie, et vous ne pouvez pas y toucher de façon aussi légère.

Au bout du compte, monsieur le ministre, comment voir autre chose, dans ce texte, qu'une manoeuvre un peu pathétique de sauvetage électoral d'un parti politique qui voit venir la vague de la sanction des Français qui ont été trompés (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – « Très bien » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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Tel le second héroïque et consciencieux du Titanic, vous tentez de jeter quelques chaloupes à la mer, mais cela ne suffira malheureusement pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Je conçois tout à fait qu'à la troisième lecture du texte, il soit bien difficile de trouver les arguments qui permettent de justifier la prétendue nécessité de le renvoyer en commission.

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Oh non ! Les arguments ne risquent pas de manquer !

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De ce fait, vous avez souhaité placer cette motion de renvoi en commission sous le signe de la 3D, vous livrant à une déclinaison de ce thème sur votre appréciation de nos dix premiers mois de gouvernement.

Qu'il me soit donc permis, à mon tour, de porter, en utilisant la même technique, une appréciation sur vos dix années de gouvernement…

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Il y a d'abord un « D » comme « dette », que vous avez augmentée de 600 milliards d'euros en cinq ans ; puis un « D » comme « déficit commercial », que vous avez porté à 70 milliards d'euros (« Hors sujet ! » sur les bancs du groupe UMP) ; enfin un « D » comme « désindustrialisation », matérialisée par la perte de 700 000 emplois.

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Tout ceci a produit des conséquences en 3D : désolantes pour vous, dramatiques pour la France et difficiles, très difficiles, pour ceux qui ont la lourde tâche de vous succéder et de redresser le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez évoqué les sept péchés capitaux du texte, qui ne sont d'ailleurs pas ceux que l'on cite habituellement. Pour en revenir à un registre plus traditionnel, peut-être le principal péché entachant votre intervention était-il celui de l'envie, celle de ne pas avoir été une majorité ayant réussi à achever sa propre réforme du conseiller territorial, et qui veut donc à tout prix empêcher l'actuelle majorité de conduire à bien la réforme sur laquelle elle s'était engagée.

Je donne donc naturellement un avis défavorable, avec un seul D, au renvoi en commission de ce texte qui, me semble-t-il, peut être examiné tout à fait sereinement, aujourd'hui, par notre assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Monsieur Marleix, j'ai vu qu'en vous écoutant faire référence à tous ces textesM. Poisson frémissait… (Sourires – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Pardon, monsieur le député, je retire évidemment immédiatement cette attaque personnelle, d'autant que nous ne sommes plus le 1er avril… (Nouveaux sourires.)

Les références religieuses employées en permanence pour accabler ce texte paraissaient quelque peu exagérées. Pour notre part, nous tirons tout simplement les conséquences de l'abrogation du conseiller territorial, qui était loin de faire l'unanimité. Une majorité, au Sénat comme à l'Assemblée, appelait d'ailleurs de ses voeux cette abrogation.

À partir de là, il faut évidemment un autre mode de scrutin : c'est celui que nous avons proposé. Il est inventif, nouveau – vous vous étiez d'ailleurs vous-mêmes essayés à l'inventivité avec le conseiller territorial.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Non, ce mode de scrutin est très clair : il se situe dans le cadre départemental. J'ai pour ma part le sentiment que les Français sont attachés au département.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Nous partageons ce point de vue : voilà au moins un point d'accord.

Ce scrutin permet en premier lieu la représentation territoriale des citoyens, puisque l'on conserve l'idée du canton. En tout état de cause, tout découpage nouveau aurait dû modifier à nouveau en profondeur notre carte cantonale en raison de l'existence d'un certain nombre de principes constitutionnels et pour la simple raison qu'il n'y avait pas eu de découpage global depuis plus de deux siècles. Ce scrutin permet de surcroît la parité.

Où est donc la paresse ? Vous ne pouvez d'ailleurs pas nous reprocher en même temps l'inventivité et la paresse : il faut choisir. Nous proposons à la fois cette proximité et la parité.

Pour reprendre vos termes, « la paresse, l'absence de respect de nos grands principes constitutionnels » mais aussi et surtout un regard acéré sur les évolutions de notre société doivent amener à favoriser, dans l'ensemble de nos textes, la parité. C'est ce que nous faisons, à travers le scrutin majoritaire binominal que nous vous proposons.

Il y a eu un débat sur la question du tunnel, qui a donné lieu à un certain nombre de propositions, rappelant les principes constitutionnels mais aussi la représentation de nos territoires. En ce qui concerne l'intercommunalité et les communes, le rapporteur l'a très bien rappelé il y a quelques instants, nous avons simplement tiré les conséquences du fait que vous n'avez pas achevé le travail, en particulier pour ce qui concerne le fléchage.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Je regrette que vous ayez utilisé des mots qui, je n'en doute pas un seul instant, dépassaient votre pensée. Moi, je me réjouis de l'oeuvre accomplie : nous franchissons, nous achevons une étape concernant l'intercommunalité.

S'agissant des communes, nous avons eu également un débat mais nous pouvons nous retrouver sur l'essentiel. Très honnêtement, nous avons été à l'écoute et de l'Assemblée nationale et du Sénat, plus particulièrement du Sénat d'ailleurs,…

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Manuel Valls, ministre de l'intérieur

…qui avait été la première chambre saisie en première lecture, et cela est normal, s'agissant de la représentation des communes.

C'est pourquoi le texte a finalement conservé le seuil de mille habitants qu'il comportait à l'origine, même s'il y a eu des positions divergentes, y compris de la part du groupe socialiste, le débat à ce sujet n'ayant rien de partisan.

Vous fustigez, monsieur Marleix, les appareils et les apparatchiks : soyez un peu plus imaginatif ! L'ensemble des élus ici présents tiennent leurs voix du suffrage universel dans une circonscription ; certains même sont des apparatchiks, cela peut arriver, mais cela n'enlève rien à leur légitimité. Les partis sont à leur place au sein des institutions de la Ve République et vous n'êtes pas favorable, que je sache, à leur disparition. Il me semble même que l'UMP prête un minimum d'attention au découpage législatif ou à la désignation de ses candidats : c'est cela, un appareil de parti.

Faisons attention, comme le disait fort bien Pascal Popelin il y a un instant, à ne pas fustiger les élus d'un côté, les partis politiques de l'autre. Chacun concourt à l'expression démocratique et à l'organisation des institutions. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas engager de rénovation : il en faut, bien évidemment.

Il m'a semblé que vos arguments étaient un peu exagérés, peut-être était-ce pour pouvoir mieux argumenter car vous ne semblez pas vous-même totalement convaincu : vous avez compris que l'on va très vite passer à la phase la plus passionnante, celle du découpage, qui requerra l'avis des grands élus des départements, des conseils généraux – que l'on ne sollicitera évidemment pas au mois d'août – avis au plus près duquel il faudra se tenir, ainsi que de celui du Conseil d'État. Cela, vous ne l'aviez pas proposé pour le conseiller territorial…

Aujourd'hui, au-delà du fracas des mots et des débats, nous arrivons à un scrutin de proximité et paritaire, qui respectera les citoyens et les territoires et recueillera, je n'en doute pas, beaucoup d'avis positifs. Si l'on y ajoute nos propositions concernant l'intercommunalité et les communes, oui, la démocratie aura avancé. C'est l'objet de ce texte, qui est modeste quant à sa présentation mais qui va en même temps représenter un profond changement.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Oui, historique. Associer mon modeste nom à une révolution réelle…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

…dans nos territoires, tout en conservant la dimension rurale et la parité, c'est un motif de fierté : vous le voyez, monsieur Marleix, nous avançons (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Monsieur Poisson, je vous donnerai la parole pour un rappel au règlement après le vote sur la motion de renvoi en commission, voire en fin de séance s'il s'agit d'un fait personnel.

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Non, non, ce sera un rappel au règlement, madame la présidente.

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Très bien. Nous en venons aux explications de vote sur la motion.

La parole est à M. Philippe Vigier.

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Au groupe UDI, nous souscrivons complètement à la démonstration faite par Olivier Marleix en « 3 D » – j'ai apprécié cette expression à sa juste valeur. Moi, je vais vous faire une démonstration en « 3 A ».

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Eh oui, le triple A est important, hélas, vous n'obtenez qu'un A- partout…

Tout d'abord, alors que, François Sauvadet l'a dit à l'instant, l'histoire des conseils généraux est vieille de deux siècles, nous en sommes aujourd'hui à nous demander sir l'avenir du pays sera ou non, meilleur demain.

Monsieur le rapporteur, vous feriez bien d'être prudent dans vos propos, car les dix premiers mois de la politique de ce gouvernement ont été émaillés d'échecs successifs. Mais la France ira-t-elle mieux demain, avec ce mode de scrutin, qui permettra de sélectionner les hommes et femmes qui travailleront dans les territoires auxquels, vous le savez, nous sommes très attachés ? Vous ne répondez pas à la question !

Ensuite, quel est l'élu, sur quelque banc que ce soit, qui ne s'est pas un jour préoccupé d'aménagement du territoire ? Or, demain, les zones rurales seront sous-représentées, les zones urbaines surreprésentées et les élus seront éloignés du terrain. Vous ne pouvez pas dire le contraire, c'est la vérité !

Votre troisième A négatif, vous le devez à la faible adhésion à votre projet, qui a été par deux fois rejeté au Sénat. Ici même, monsieur le ministre, la majorité s'effiloche au fil du temps. J'ai à l'esprit la très bonne expression de mon voisin Tourret, qui parlait d'« adhésion positive », se traduisant par une abstention car le ministre lui est sympathique, avant d'annoncer le passage à une « abstention négative »…

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Il apparaît donc, à l'évidence, que ce texte ne va pas dans le bon sens.

Monsieur le ministre, je veux dire un mot de l'article 3. Vous nous avez fait l'autre jour une démonstration, que j'ai écoutée avec intérêt. Rejetant toutes nos propositions, vous avez expliqué qu'il y aura moins d'écart entre les cantons des petits départements et des grands départements parce qu'on va de 4 000 habitants en Creuse à 70 000 en Seine-et-Marne. Fort bien. Mais pourquoi ne pas avoir établi, une proportionnalité entre le nombre d'habitants et le nombre d'élus, comme cela se fait pour les élections municipales.

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Vous le savez, toutes les décisions du Conseil constitutionnel posent la nécessité de l'égalité devant le suffrage. Celle-ci n'étant pas établie dans votre projet de loi, je suis persuadé que le Conseil constitutionnel vous sanctionnera sur ce point.

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La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

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J'ai eu un peu de mal à suivre le raisonnement de M. Marleix. Il a parlé d'illusions, d'écran de fumée, puis on a eu droit à Cahuzac, Takieddine, Bettencourt…

En revanche, j'ai bien noté les références aux deux capitales de la Bretagne. Rennes d'abord, puisque c'est là que Le père Ubu a été joué pour la première fois. Nantes, ensuite – et je pense que votre popularité du coté de Notre-Dame-des-Landes a dû faire un bond, puisque, contrairement à ce que je pensais, vous êtes opposé à la construction de l'aéroport.

Puis vous avez jeté l'anathème contre ce projet. Certes, la ruralité est à repenser : ce n'est pas avec la ruralité du dix-neuvième siècle que l'on fera progresser celle du vingt et unième. Il faut un nouveau logiciel, qui accorde toute sa place à la région. Chez nous, en Bretagne, elle est la collectivité structurante, celle qui propose une stratégie. Les conseillers régionaux sont d'ailleurs aussi connus que les conseillers généraux, voire davantage.

Au total, nous ne voterons pas cette motion de renvoi en commission.

Un député du groupe UMP. C'est dommage !

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Monsieur le ministre, à « déni, diversion et division », je répondrai par « ringardise, ringardise et ringardise » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Ringardise car refus de prendre en compte l'évolution de la population, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas. Ringardise car refus de prendre en compte la situation des femmes, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas. Ringardise enfin car refus d'aborder les réalités territoriales, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas. J'appelle donc au rejet de cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Je veux rassurer notre collègue Olivier Marleix : il y a en ce moment sur ces bancs des députés, en particulier des députées, socialistes, qui sont issues de la ruralité, qui approuvent ce texte, et qui le voteront – qui le voteraient même des deux mains si elles le pouvaient.

Oui, nous nous réjouissons qu'enfin, demain, au sein des conseils généraux, autant de femmes que d'hommes puissent être élus pour représenter ces territoires (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Effectivement, le conseiller territorial, nous n'en voulions pas. Les hommes et les femmes de gauche, les socialistes, n'en voulaient pas car, nous l'avons dit à plusieurs reprises, ce système éloignait l'élu de ses électeurs. Dois-je rappeler qu'un conseiller général de Haute-Savoie, qui devait siéger à la fois à Annecy, siège de l'assemblée départementale, et à la région, devait parcourir 150 km ? Vous avez fait le calcul, monsieur Marleix, vous-même, conseiller général d'Anet, auriez dû parcourir 130 km pour siéger au conseil général et au conseil régional. La proximité n'était donc pas le point fort de votre système.

Vous nous dites qu'aujourd'hui la ruralité n'est pas prise en compte, mais c'est faux : elle l'est prise, au même titre que la parité. Comment ne pas rappeler qu'au cours des cinq dernières années, la prise en compte de la ruralité par la majorité précédente s'est traduite par la fermeture des gendarmeries, la fermeture des écoles (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), la fermeture des perceptions. Il faut le dire ! Venez voir dans les territoires ce qui s'est passé ! Maintenant nous avons des territoires abandonnés par les services publics.

Heureusement, nous avons été entendus, grâce, en particulier, à l'adoption d'un amendement, porté sur tous les bancs, à l'article 23.

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Oui, le ministre nous a entendus.

Alors, un renvoi en commission pour quoi faire dès lors que nous n'allons pas vous convaincre, pas plus que vous ne nous convaincrez de rétablir le conseiller territorial. Pour l'ensemble de ces raisons, nous ne voterons pas le renvoi en commission.

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Au terme de ces très longues heures de débat – et je ne partage pas l'avis de M. le rapporteur : nous ne rabâchons pas nos arguments, nous allons à l'essentiel –, les arguments les plus importants semblent tamisés. Monsieur le ministre, vous avez dans votre exposé liminaire à l'occasion de cette troisième lecture, retenu deux points essentiels. Vous avez dit que cette loi était bonne parce que les assemblées départementales qui en résulteront seront plus démocratiques car plus représentatives.

Et cela pour deux raisons : parce qu'elles seront paritaires, et parce qu'elles représenteront mieux la population.

Pour ce qui est de la parité, expliquez-moi donc, si cette loi est véritablement satisfaisante dans ce domaine, la raison pour laquelle une présidente actuelle de la délégation aux droits des femmes et son prédécesseur se sont abstenus ? Il eût été judicieux que vous les consultiez en amont et que la loi soit élaborée avec leur concours. Voilà qui aurait constitué une approche véritablement paritaire.

Et pour ce qui est de la représentativité de la population, monsieur le ministre, vous n'avez cessé de protester de votre engagement à représenter de façon équilibrée les territoires et la population. Sauf que, dans cette troisième lecture, vous convenez que le découpage se fera finalement essentiellement en fonction de critères de population… ce qui fait tomber toutes vos proclamations précédentes ! Certes, c'est un principe constitutionnel, mais pour notre part nous préconisons la recherche d'un subtil équilibre, voire d'une dialectique entre la représentation des territoires et celle de la population.

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C'est pourquoi nous demandons à la fois la transparence et la concertation dans le redécoupage. Et c'est aussi pourquoi nous soutenons cette motion de renvoi en commission excellemment défendue.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

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La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour un rappel au règlement.

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Il est fondé sur l'article 58 de notre règlement.

J'ai, comme parfois, fait l'objet d'une attaque soudaine à propos de mon patronyme, de la part du ministre de l'intérieur. (Sourires.) Je me référerai à la célèbre tirade de Cyrano, qui commence par « C'est un peu court, jeune homme ! » et qui finit par « Je me les sers moi-même, avec assez de verve, mais je ne permets pas qu'un autre me les serve ». Pour ma part, je le permets, monsieur le ministre, mais j'aimerais qu'à l'avenir, si vous vouliez à nouveau vous livrer à cet exercice, pour susciter de l'intérêt et une certaine forme d'estime, vous y mettiez un peu plus de créativité. Là, franchement, c'était un peu faible !

Cependant, je vous remercie d'avoir ainsi publiquement justifié la proposition de loi que j'ai déposée sur le bureau de l'Assemblée le 1er avril dernier, qui vise à prendre des sanctions très sévères à l'encontre de tous ceux qui se moqueraient de moi à l'avenir ! (Rires et applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Monsieur le député, je vous comprends et je vous ai déjà présenté mes plus plates excuses. Ayant moi-même fait dès mon très jeune âge l'objet d'un certain nombre de plaisanteries du fait de mon nom, associé à des danses classiques dans un pays plus à l'est que le nôtre, je comprends votre souffrance et votre douleur et je m'y associe. Si j'étais parlementaire, j'aurais bien évidemment voté votre proposition de loi ! (Rires.)

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Dans la discussion générale, la parole est à M. François Sauvadet.

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D'abord, un constat très simple : c'est la troisième lecture de ce texte et plus on avance dans le débat, moins vous avez de soutiens. Cela s'est vérifié déjà au Sénat, en deuxième lecture, quand le coeur de votre texte a été repoussé avec encore plus de voix que lors du premier examen. Et en commission mixte paritaire, j'ai même été triste pour le parti socialiste : les deux rapporteurs se regardaient, avec un peu d'effroi, se demandant ce qu'ils allaient bien pouvoir faire d'un tel texte… (Sourires.)

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C'est vrai : que faire d'un texte rejeté par le Sénat, trouvant tout juste sa majorité à l'Assemblée nationale avec le seul parti socialiste ? Vous avez constaté ensemble, vous, les deux groupes qui constituent le coeur de la représentation parlementaire, que seul un constat d'échec permettrait à ce texte enfin de passer, contre l'avis du Sénat, à l'Assemblée nationale… Voilà la réalité que nous vivons.

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Cet échec de la commission mixte paritaire signe le constat que vous n'avez pas de majorité au Sénat. Je vous le redis : dans le contexte que nous traversons, vouloir faire passer en force un texte refusé par une large majorité de la représentation, c'est prendre un gros risque.

C'est un risque qui sera sévèrement sanctionné lorsque les Français découvriront ce que contient ce texte, lorsqu'ils verront le vaste redécoupage des cantons que vous aurez opéré. Vous avez annoncé vouloir en supprimer plus de 2 000, ce qui, compte tenu de la démographie, va se traduire par d'immenses circonscriptions rurales. Lorsqu'ils vont découvrir que dans ces immenses circonscriptions rurales, on leur proposera de voter pour un tandem, un homme et une femme, et que le pauvre maire dans sa petite commune devra commencer par se demander auquel s'adresser, à l'un, à l'autre, aux deux en même temps… Vous êtes en train d'organiser le désordre territorial, monsieur le ministre de l'intérieur. Et le jour où les Français auront découvert ce que vous avez fait, je vous le dis, vous aurez des comptes à leur rendre.

Je vous invite à bien réfléchir à ce qui vient de se passer en Alsace – une région dynamique, à forte identité, avec un projet fédérateur. Qu'ont témoigné les Alsaciens avec ce vote par voie référendaire ? Qu'ils ne voulaient pas de fusion. Derrière ce vote, il n'y a pas que le contexte de crise que nous traversons. Il y a tout simplement la conviction profonde que le département, par ce rapport particulier qu'il a su tisser au fil des décennies et des siècles avec les collectivités locales, constitue la dernière unité qui protège, qui assure ce lien singulier entre des territoires et la population qui y vit.

Cette population ne se veut pas représentée simplement par la loi du nombre. Songez que tous les autres modes de scrutin, désormais, sont fondés sur des circonscriptions qui garantissent la loi du nombre et que le sentiment d'abandon s'est exacerbé au cours des dernières années ! Il ne manquera pas de l'être encore plus lorsque les Français prendront conscience de la situation. Oui, nos compatriotes sont profondément attachés à cette dimension territoriale de la seule collectivité qui garantit la juste représentation des territoires et des populations qui y vivent.

J'ai fait une enquête dans mon département, monsieur le ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pourquoi pas ? Après tout, ce département, c'est un peu la France… Il compte, certes un certain maire de Dijon qui piaffe aux portes de votre ministère, mais il est aussi un peu à l'image d'une France plurielle, qui compte d'éminents responsables du parti socialiste entre autres.

Quoi qu'il en soit, j'ai reçu 10 000 réponses. Dix mille !

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Toutes exprimaient plusieurs choses. D'abord – et que les gens soient issus de la ville ou de la campagne, je vous y rends attentifs – elles exprimaient un véritable attachement au département. Lorsqu'il était question des petits cantons qui couvrent de grandes surfaces avec peu d'habitants et des grands cantons en milieu urbain, même les gens des villes nous ont dit de ne pas y toucher ! Cela assure une juste représentation, cela évite que les déserts ne se développent, cela stoppe cette montée du sentiment que des territoires ne seraient plus représentés… Voilà ce qu'ont dit ville et campagne.

C'est une vision équilibrée du territoire qu'ils ont voulu ainsi défendre : faire en sorte que le phénomène des agglomérations ne se développe pas encore, avec son lot de drames, face à des territoires qui se désertifient et qui ont eux aussi leurs difficultés au quotidien.

Voilà ce qui est en jeu, avec votre réforme. Ce n'est pas simplement une réforme électorale, quoique ses intentions ne soient pas pures, chacun le sait. C'est une réforme qui va avoir de profondes conséquences dans l'histoire de notre pays. Vous disiez tout à l'heure que c'était une étape, mais non ! Ce n'est pas une étape, c'est une rupture. Une rupture historique, qui va conduire à voir des territoires entiers privés de représentants – en tout cas privés de leur juste représentation. C'est cela, la réalité.

Qu'attendait-on de vous ? Car, vous l'avez rappelé vous-mêmes, chers collègues de la majorité, si vous avez combattu le conseiller territorial avec force, jamais, à aucun moment, vous n'avez dit par quoi vous le remplaceriez. Jamais.

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Aujourd'hui, c'est fait. Mais qu'attendaient de vous tous les élus locaux que je rencontre ? Ils voulaient que vous clarifiiez les choses, que vous fassiez un an III de la décentralisation.

Qu'en faites-vous, de cet an III de la décentralisation ? Reviens, Gaston Defferre, ils sont devenus fous ! Pour vous, il s'agit d'abord de parler des métropoles et des grandes villes. Que de ça. Pas d'autre chose, c'est trop compliqué. D'ailleurs, tous les élus locaux – toutes les associations qui les représentent, y compris celles qui sont conduites par des élus de gauche – disaient bien que cette grande loi de décentralisation allait conduire droit dans le mur !

Ensuite, il était question de parler des régions. Quelques mois plus tard… On voit bien que vous voulez bâtir la France sur les grandes métropoles et de grandes régions stratégiques. Mais l'aménagement du territoire, dans tout ça ? C'est ce qui restera pour les discussions du mois de décembre : on verra alors ce qu'il advient des conseils généraux, des communes, des intercommunalités…

Oui, monsieur le ministre, il fallait réformer. C'est une grande ambition et je ne doute pas que vous ayez envie de la porter. Mais pour le faire, il fallait d'abord clarifier le débat, et ensuite assurer un mode de scrutin qui assure pleinement la mission de chacun des niveaux de collectivités.

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Vous faites strictement l'inverse. C'est pour cela que nous nous y opposons. Il y a là un débat de fond, un vrai débat de fond à mener. La France que vous voulez construire est-elle agglomérée, ou est-ce une France d'équilibre ? Cette question ne peut pas simplement se régler sur fond de parité. Certes, c'est un des éléments à prendre en compte, mais qui ne doit pas être le premier par rapport à tous les autres objectifs. Vous en avez fait la première préoccupation, au détriment d'une autre : celle que les territoires soient justement représentés.

C'est cela que nous critiquons. Vous nous accusez d'être contre la parité. Cela n'a pas de sens !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Mais si !

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Nous vous avons pourtant fait des propositions. Vous affirmez qu'il n'y a pas d'idée alternative à celle du binôme, portée par le seul parti socialiste. Franchement, ce n'est pas sérieux ! Que n'avez-vous pris le temps de consulter toutes les autres formations politiques pour parvenir à une convergence ? Au moment où vous parlez tant de moralisation de la vie politique, j'espère que plus jamais un seul parti ne pourra imposer dans notre pays, et contre l'avis de toutes les formations démocratiques, un mode de scrutin dont nous ne voulons pas.

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J'espère que vous nous soutiendrez lorsque nous proposerons qu'au moins pour modifier le mode de scrutin, il faille recueillir l'assentiment des trois cinquièmes de la représentation nationale. Parce que le mode de scrutin, c'est la vie commune – pas les uns qui ont raison contre les autres, mais le fondement de la démocratie ! Souffrez au moins que nous travaillions ensemble à ce que les règles du jeu démocratique soient partagées par plus d'un groupe politique, fût-ce le parti socialiste majoritaire.

En réalité, vous allez bâillonner les territoires ruraux. Vous allez donner les clefs de tous les départements de France aux villes et agglomérations, avec des difficultés de gestion sur lesquelles je ne reviens pas.

Alors que nous devrions travailler d'arrache-pied pour répondre aux difficultés de nos compatriotes, qui ont besoin d'aménagement du territoire, c'est-à-dire que nous leur apportions des services au public, vous engagez une démarche que nous combattons.

Jamais dans l'histoire de la République on n'aura fait passer en force une réforme d'une telle importance, si vite, au mépris de la démocratie française. Vous redécoupez. Vous imposez un mode de scrutin qu'aucune formation politique à part le parti socialiste ne veut. Vous repoussez à 2015 les élections. Vous changez le mode électoral des sénatoriales, notamment avec une plus grande représentation des villes et des agglomérations. Le Sénat s'oppose à tout cela ? Vous passez en force.

Palme du tripatouillage le plus grossier. Palme de la mort des territoires ruraux. Oui, vous resterez au palmarès, monsieur le ministre, et je le regrette. Vous valez mieux que cela. Si vous voulez sortir par le haut de ce débat…

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…je vous fais une suggestion : reprenons le dialogue. Remettons l'ensemble des formations politiques et des grandes associations d'élus autour de la table pour élaborer une loi électorale qui garantisse les objectifs que nous avons en partage. Sinon, vous resterez dans l'erreur et ce sont les électeurs qui demain vous le rappelleront. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

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C'est la troisième fois que ce texte vient en discussion dans cet hémicycle. Vous le savez, nos réticences portent sur le caractère majoritaire du scrutin. Le mode de scrutin binominal, que l'on attend de voir mis en oeuvre avant de juger de son caractère pratique, demeure tout de même une avancée par rapport au mode de scrutin actuel.

Revenir au statut quo ante, et ce sans procéder au nécessaire redécoupage des cantons, ne peut être une solution. Considérons en outre l'effort considérable qui est fait pour assurer la parité de la manière la plus large possible.

S'il s'agit donc d'un grand pas pour la parité, c'est en revanche un petit pas que nous faisons pour la pluralité démocratique. Nous aurions évidemment préféré au scrutin binominal le scrutin de liste, qui était l'autre possibilité ouverte pour assurer une représentation paritaire.

Permettez que je m'attarde de nouveau sur la réforme du mode de scrutin pour les élections départementales, car il s'agit selon nous, du coeur du projet de loi.

Le scrutin de liste proportionnel à deux tours présente l'avantage d'être utilisé lors des élections municipales et régionales, et le mérite d'être totalement paritaire, grâce à l'obligation de constituer des listes sur lesquelles alternent strictement hommes et femmes. L'ensemble des scrutins locaux aurait ainsi été organisé selon les mêmes modalités, ce qui ne peut être que bénéfique en termes de lisibilité pour les électeurs.

Pour assurer la représentation des territoires, à laquelle le Président de la République est à juste titre attaché – en tant qu'élu rural, je le suis aussi –, ce mode de scrutin aurait pu se fonder sur des listes de section infra-départementales d'un nombre réduit. Ce découpage se serait appuyé sur les pays et les communautés de communes.

Ce mode de scrutin, contrairement à ce qui a été affirmé en commission, cumule bien toutes les qualités : représentation fidèle de l'opinion ; ancrage territorial ; mise en oeuvre de la parité ; proximité et caractère gouvernable des assemblées délibérantes issues du suffrage.

Au cours de nos nombreuses heures de débat, j'ai noté que presque tous réclamaient une prise en compte des réalités géographiques et des bassins de vie, ainsi que des critères liés à la cohérence territoriale. Le département est-il encore, du point de vue de cette dernière, la bonne échelle ?

La solution réside, pour nous, dans l'émergence de collectivités territoriales à part entière, qui se fonderaient sur les bassins de vie. Ces collectivités, évidemment, n'existaient pas en 1981, lorsque l'excellent Gaston Defferre…

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…a fait sa décentralisation, qui était une régionalisation ; il a donc créé la région. Je parle aujourd'hui des intercommunalités et des pays, qui sont une réalité chez nous.

Bien loin d'annoncer l'effacement des communes, craint sur quelques bancs, il nous semble au contraire que cela participerait de leur renforcement. Cela leur permettrait de mettre en commun leurs forces, d'établir des synergies et de développer des projets collectifs à l'échelle du territoire. Les communes rurales et les territoires ruraux ont besoin d'intercommunalités fortes face à ces nouvelles métropoles qui nous attendent, et qu'il ne nous est d'ailleurs pas permis de remettre en cause au nom de la sacro-sainte compétition des villes mondialisées. Cet esprit, ce darwinisme territorial nous inquiète. Nous craignons que ces compétitions ne conduisent finalement à une négation de l'aménagement du territoire, auquel nous sommes évidemment très attachés. Sans doute en reparlerons-nous lors de l'examen de la prochaine loi de décentralisation.

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Ce que les débats autour de ce projet de loi démontrent finalement, c'est que l'échelle du département n'est pas forcément plus adéquate pour mettre en oeuvre les politiques de la territorialité et de l'action sociale.

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Pas assez proche pour mener une politique d'accompagnement tout au long de la vie, elle ne permet pas non plus la hauteur de vue nécessaire à la mise en oeuvre de politiques de territorialité cohérentes.

C'est pourquoi, en ce qui concerne l'élection des futurs conseillers communautaires, nous saluons cette avancée qu'est l'adoption d'un dispositif de fléchage, sous la forme d'une liste intercommunale séparée de la liste communale sur le même bulletin de vote. Par cohérence, nous devons aller plus loin dans cette logique qui vise à faire clairement émerger l'échelon intercommunal et donner la possibilité d'un ordonnancement différent entre les deux listes, tout en maintenant la parité.

Nous présenterons donc un amendement qui vise à assouplir ces règles et demanderons que l'on ne conserve que l'obligation pour les candidats aux sièges communautaires de figurer dans les trois premiers cinquièmes de la liste pour les sièges municipaux. Dans tous les cas, les conseillers communautaires resteraient obligatoirement conseillers municipaux ; c'est la loi.

Pour éviter d'avoir à répéter la même liste d'arguments que lors des lectures précédentes, nous nous limiterons à développer les points qui demeurent encore en suspens lors de cette nouvelle lecture et auxquels nous sommes tout particulièrement attachés.

Il en est ainsi du seuil d'accès au second tour de l'élection départementale. Dans un souci de cohérence, puisque c'est le seuil utilisé pour les autres scrutins locaux, nous proposerons de revenir au texte gouvernemental d'origine et d'abaisser à 10 % des inscrits le seuil à partir duquel il est possible de se présenter au second tour. Le seuil de 12,5 % introduit par le Sénat nous paraît en effet porter atteinte à la pluralité politique et manquer de lisibilité pour les électeurs.

En vue de renforcer un peu cette pluralité politique au sein des assemblées départementales, nous proposerons également la possibilité de fusionner les binômes.

Il est un autre objectif pour mon groupe : celui de la lutte contre le favoritisme. Il nous semble qu'à la lueur des derniers événements, qui font peser un fort soupçon sur la probité de la classe politique, l'amendement que nous avons déposé pour interdire aux couples de même famille de se présenter ensemble permettrait de faire oeuvre de responsabilité et de prévoyance. Cette mesure pourrait avoir toute sa place dans le choc de moralisation de la vie politique, qui est nécessaire ; c'est pourquoi nous la proposerons une nouvelle fois. Comme l'a dit notre docte président de la commission des lois, le cas des couples vivant maritalement ne serait pas réglé, mais cela permettrait tout au moins d'éviter un certain nombre de situations regrettables.

Enfin, nous attachons une importance toute particulière à l'abaissement à 500 habitants du seuil au-delà duquel l'élection municipale a lieu au scrutin proportionnel.

Les débats m'ont montré une certaine condescendance vis-à-vis du milieu rural. Vous le savez comme moi : il y a autant de femmes que d'hommes dans le milieu rural. Alors pourquoi les femmes ne seraient-elles pas prêtes à y entrer en politique ? Je ne sais en vertu de quoi les femmes seraient, dans les campagnes, moins émancipées que dans les villes.

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J'en suis bien d'accord, chère collègue. C'est pourquoi je pense qu'elles peuvent prendre part à la vie politique et que, si l'on abaisse à 500 habitants, le seuil dont je parle, on trouvera évidemment suffisamment de femmes pour faire les listes. D'ailleurs, le même argument était employé lors de l'abaissement dudit seuil à 3 500 habitants.

Je ne vois donc pas pourquoi on ne donnerait pas un petit coup de pouce à la représentation féminine en abaissant ce seuil à 500, ce qui nous permettrait également de rajeunir la vie politique. Nous aurions aussi 32 000 conseillères de plus qu'aux dernières élections.

Cet abaissement du seuil à 500 habitants permet d'atteindre l'ensemble des objectifs que nous défendons : le renforcement de la parité, le renouvellement de la classe politique, la représentation des groupes et des familles de pensée minoritaires, une meilleure structuration du projet politique pour les citoyens. C'est à l'aune de ces objectifs que nous nous positionnerons, lors des prochaines lectures et du vote du texte.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Je demande une suspension de séance de cinq minutes.

Discussion générale

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La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)

Discussion générale

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous discutons à nouveau des mérites, de la valeur, des avantages de votre texte, mais aussi de ses insuffisances.

Revenons un instant en 1801. Pour paraphraser Victor Hugo, « ce siècle avait un an ». À Marengo, Bonaparte et Desaix victorieux venaient de sauver la France. Un an avant la paix d'Amiens, la France était prospère. Elle décida alors de diviser son territoire non seulement en départements, ce qui était déjà fait, mais encore en cantons. Pourquoi donc les cantons sont-ils restés la base de notre division départementale pendant plus de 212 ans ?

J'aime l'histoire. Je me suis donc intéressé à la manière dont le découpage des départements en cantons a été réalisé. Incontestablement, ce découpage a pris en compte les réalités locales, territoriales. À l'époque, il s'agissait des réalités d'une France majoritairement rurale, organisée autour de gros bourgs. Il n'y avait pas de division aussi marquée qu'aujourd'hui entre le rural et l'urbain. Cela explique pourquoi d'année en année, de décennie en décennie, de siècle en siècle, le canton est demeuré la structure de base de nos départements. Cet équilibre se retrouve-t-il dans votre projet de loi, monsieur le ministre ?

Je sais bien que les choses sont plus complexes de nos jours. Les campagnes se sont vidées et la ruralité a été abandonnée au profit des villes et du périurbain. Il n'y avait, à l'époque, que de très faibles différences de population entre les cantons ; ces différences sont devenues, aujourd'hui, énormes : l'écart de population atteint la proportion d'un à dix, vingt, trente, et même parfois d'un à quarante-cinq !

Il fallait donc, à l'évidence, remodeler la carte des cantons. Ce remodelage aurait pu être effectué de plusieurs façons. Vous avez essayé – Dieu sait que c'est difficile – d'atteindre un équilibre entre la territorialité et la représentation des femmes dans les conseils généraux. Vous nous dites souvent que vous ne pouviez pas faire autrement. C'est peut-être vrai ; il n'en reste pas moins que le binôme, cette invention créatrice, pose un certain nombre de problèmes. J'admets cependant que le principe de représentation des femmes devait s'imposer.

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Deuxièmement, concernant la représentation des communes, vous auriez pu choisir la voie des rapprochements ou des fusions de communes. Vous ne l'avez pas fait : je ne pense pas que vous ayez eu tort en cela.

Je suis élu d'une circonscription du bocage normand, où il n'y a pratiquement pas de villes. Elle ne compte que des gros bourgs, hormis une petite ville de 12 000 habitants, Vire. La réalité que j'y constate, c'est que les communes veulent continuer d'exister. C'est un des éléments essentiels de notre démocratie, dont acte.

À partir de là, comment pouvait-on imposer la représentation des femmes dans les conseils municipaux ? Vous connaissez notre position à ce sujet : nous souhaiterions que le seuil soit fixé à 1 000 habitants. Descendre en dessous ne serait pas raisonnable. Tous ceux que vous avez consultés, comme Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, et nombre de sénateurs, vous invitaient à arrêter votre décision sur ce chiffre de 1 000. C'était aussi, il me semble, votre opinion personnelle. Je pense que nos amis socialistes vous suivront sur ce point.

En ce qui concerne la taille des cantons, une question se pose. Convient-il de mettre en place cette sorte de « tunnel », c'est-à-dire cette limite aux disparités démographiques entre cantons ? Faut-il fixer la marge à 20 % ou 30 % ? Incontestablement, des problèmes de constitutionnalité se posent : il suffit pour s'en convaincre de relire les décisions du Conseil constitutionnel. Vous essayez de trouver une solution à ce problème, mais il ne faudrait pas, monsieur le ministre, que cette solution empêche de dessiner un découpage des cantons qui prenne en compte les réalités locales.

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Nous avons besoin que vous nous rassuriez sur ce point : nous attendons vos réponses.

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En ce qui concerne le respect des limites des circonscriptions législatives, je vous ai écouté, monsieur le ministre, avec beaucoup d'attention. À plusieurs reprises j'ai insisté sur cet impératif : il faut par principe respecter les circonscriptions législatives. Je comprends qu'il puisse y avoir des exceptions, mais il ne faudrait pas que certains élus – en particulier parmi vos amis – se mettent à piocher les territoires qui leur plaisent le mieux : et que je te prends ceci, et que je te refile cela…

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Cela se ferait au détriment de la plupart de vos alliés. Monsieur le ministre, sachez donc résister à vos amis socialistes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'espère que l'esprit d'équité l'emportera en vous quand vous aurez à donner votre avis sur les intérêts de votre parti. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je voudrais enfin, monsieur le ministre, au moment où cette loi est une nouvelle fois présentée à la représentation nationale, dire qu'elle aurait été à mon avis beaucoup plus efficace si elle s'était appuyée sur une nouvelle définition des pouvoirs des collectivités territoriales. Pourquoi les modes de scrutin diffèrent-ils entre les régions et les départements ? On peut se poser la question.

La région, c'est la circonscription de l'avenir, de l'investissement, de l'économie, de la recherche et du développement. Le département, quant à lui, est l'échelon territorial qui assure la proximité. De ce fait, il découle que le mode de scrutin au conseil départemental doit traduire un lien territorial. Ce lien territorial n'est pas nécessaire, en revanche, pour les régions, car elles sont l'échelon de l'avenir économique. Encore faudrait-il que cela soit certain ! Pour en être certain, il aurait fallu mener d'abord cette grande réforme des collectivités territoriales que j'évoquais à l'instant !

Monsieur le ministre, je pense que le Gouvernement s'est trompé sur ce point. Je suis intimement convaincu qu'il se trouve face à un mur. C'est sans doute pourquoi il a décidé de ne pas présenter de grand projet de loi sur l'organisation territoriale, comme il en était question jusqu'alors. J'ai entendu partout invoquer les mânes de Gaston Defferre, que je me flatte d'avoir bien connu. Je pense qu'en effet, la grande loi de décentralisation de 1982 aurait pu servir de modèle. Malheureusement, nous n'en sommes pas là ! La loi que vous proposez est une loi orpheline : elle aurait dû être précédée par une nouvelle définition des compétences des différents échelons territoriaux.

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C'est à partir de cette redéfinition des compétences que l'on aurait pu travailler sur les modes de représentation.

Monsieur le ministre, la réforme dont il est question aggravera l'entassement des échelons territoriaux ! Elle renforcera les métropoles et les sites métropolitains, qui doivent s'appuyer sur les pays. Il faut supprimer des échelons, monsieur le ministre ! Les pays, par exemple, ne correspondent plus à rien. La création de cette formule a été imposée pour faire plaisir, à un moment donné, à nos amis écologistes. Il fallait leur faire plaisir : ils ont eu leur loi sur les pays ! J'ai moi-même participé aux échanges sur cette question : les radicaux de gauche faisaient à l'époque partie du groupe radical, citoyen et vert, lequel négociait avec Dominique Voynet, qui était ministre de l'aménagement du territoire. Est-il bien sérieux de maintenir cette structure ?

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Il y en a peut-être quelques-uns qui marchent, mais alors que nous devons réaliser des économies, je crois que cela ne correspond malheureusement plus à rien.

Enfin, monsieur le ministre, il faut méditer l'exemple alsacien. Vous ne pouvez pas rester silencieux à ce sujet, vous devez nous proposer des solutions.

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Les conditions de réussite du référendum étaient trop contraignantes : il était pratiquement impossible d'y arriver. Tous les élus régionaux attendaient un vote favorable en Alsace : c'est un échec ! Cet échec s'explique malheureusement par la conjonction des fronts du refus, qui n'a pas été surclassée par la conjonction des fronts des propositions.

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Moi qui suis un élu normand, je suis intimement convaincu que réunir certains départements et certaines régions présente un intérêt vital. Cela ne peut se faire qu'à votre initiative, monsieur le ministre ! N'ayez aucune confiance dans les élus territoriaux : ce sont des conservateurs qui ne veulent rien changer et se trompent sur tout. Ayez confiance en l'État, en vos administrations : voilà ce que je vous dis, moi qui suis élu local ! En la matière, l'État a toujours été novateur et les élus locaux toujours conservateurs, et ceci depuis 1789.

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Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous nous abstiendrons, mais cette fois-ci de manière positive, sur ce projet de loi.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je commencerai par revenir sur la méthode retenue et son calendrier.

Dès le début, notre groupe a indiqué combien il lui semblait curieux de décider du mode de scrutin des collectivités territoriales avant de connaître le nouveau paysage institutionnel. Il nous semblait en effet plus judicieux, plus logique, de commencer par abroger la réforme territoriale de 2010, comme nous ne cessons de le demander, pour ensuite reporter les élections régionales et départementales à 2015, puis discuter du contenu du nouvel acte de décentralisation et, après tout cela seulement, examiner la question des modes de scrutin.

Cette position, que nous avons affirmée au cours de la première comme de la deuxième lecture, est confortée par deux éléments nouveaux qui viennent plaider, selon nous, pour une révision du calendrier des réformes territoriales. Premier élément : le report, à la demande du président du Sénat lui-même, du projet d'acte III de la décentralisation sous la forme qui était annoncée. Ce projet a été non seulement reporté, mais aussi divisé en trois parties, dont l'examen sera étalé dans le temps. Nous examinerons d'abord le texte sur les métropoles, avant l'été, puis celui portant sur les régions, à l'automne. Le reste, rassemblé dans un texte intitulé « compétences et solidarités territoriales », sera inscrit plus tard, peut-être même après les élections municipales de 2014.

Plusieurs de mes collègues ont déjà fait référence au deuxième élément nouveau : c'est l'échec retentissant du référendum sur la collectivité unique d'Alsace, qui a eu lieu dimanche dernier. Au-delà des éléments conjoncturels, en votant non, nos concitoyens ont clairement rejeté cette dangereuse collectivité unique qui n'apportait à leurs yeux aucune solution concrète à leurs problèmes. Par ce vote, ils ont réaffirmé leur exigence de proximité, et leur opposition à tout big bang territorial.

Nous en tirons, pour notre part, deux conclusions. Premièrement, il faut prendre le temps du débat, écouter les élus locaux et leurs associations représentatives. C'est indispensable pour mener à bien une réforme de cette importance. Il faut également prendre le temps de réécrire cet acte III, en prenant pour fil rouge la réponse aux besoins humains et aux défis de la démocratie à tous les niveaux. Cette réécriture devra rappeler le rôle essentiel de la commune, véritable lieu de démocratie et de citoyenneté, ainsi que la pertinence des trois autres niveaux : département, région, et État. L'État était le grand absent de la première version de la réforme, celle qui a été reportée. Il doit rester le garant de la solidarité et de l'égalité républicaines.

Le temps est d'autant plus nécessaire qu'il doit permettre – je veux insister sur ce point – le respect du choix des citoyens à l'occasion des prochaines élections municipales. Il serait en effet incompréhensible que la volonté populaire et les choix qu'elle exprimera pour l'avenir de chaque commune au printemps 2014 soient contredits par une réforme votée avant ce scrutin qui donnerait tous les pouvoirs ou presque aux métropoles à partir du 1er janvier 2015.

Tout cela nous conduit à penser, monsieur le ministre, que le mieux – et il n'est pas trop tard, même si je ne me fais guère d'illusion – serait que le Gouvernement maintienne, bien sûr, les dispositions du projet de loi qui tendent à reporter à 2015 l'organisation des élections cantonales et régionales, mais qu'il remette à plus tard l'examen des dispositions relatives au mode de scrutin des élections départementales. Il nous paraît, en effet, plus logique de décider du mode de scrutin de ces élections départementales lorsque nous aurons une connaissance précise du sort qui sera réservé aux départements. Ce temps de réflexion et de débat indispensable nous permettrait aussi, dans le cadre de cette reprise de dialogue avec les associations représentatives des élus locaux, d'organiser la concertation sur ce mode de scrutin départemental rejeté à deux reprises par le Sénat, rejeté par cinq groupes sur six de notre assemblée, mode de scrutin, on le sait, qui suscite sur le terrain perplexité et scepticisme. Si telle ne devait pas être la position du Gouvernement, notre groupe serait, évidemment, amené, en cette nouvelle lecture, à réaffirmer ses positions des deux premières lectures. Je les résume brièvement.

Nous sommes, ainsi, opposés à la création de ce curieux binôme dont le premier effet sera de renforcer le bipartisme…

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…sans permettre une réelle représentation des territoires. Je veux rappeler, ici, qu'il est possible, comme nos débats l'ont démontré, de conjuguer la parité, le pluralisme, la représentation des territoires tout en évitant les aléas d'un découpage toujours sujet à caution et ces débats quelque peu surréalistes sur le tunnel plus 20 ou moins 20 %, plus 30 ou moins 30 %. Il suffit, pour tout cela, de s'inspirer des deux modes de scrutin qui, je le crois, font l'unanimité aujourd'hui et qui sont en vigueur pour les élections municipales et régionales.

Notre autre grand point de désaccord concerne le mode de désignation des délégués des communes par la technique du fléchage. Nous considérons, en effet, que les délégués des communes à l'intercommunalité doivent continuer à représenter les communes, donc à être désignés par les conseils municipaux. Vous avez évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre, dans votre propos introductif, la révolution intercommunale. Nous craignons, pour notre part, qu'elle ne se traduise, à terme, par la mort de nos 36000 communes. Lors des lectures précédentes, nous avions critiqué l'appellation de « conseillers intercommunaux », préférant nous en tenir, pour les raisons indiquées, ci-dessus, à celle de « délégués des communes ». De ce point de vue, les débats en commission mixte paritaire ne sont pas faits pour nous rassurer. En effet, la commission mixte paritaire a retenu l'expression de « conseillers communautaires », ce qui ne fait que renforcer nos inquiétudes sur ce point.

Enfin, nous étions d'accord sur un point dans ce projet de loi, à savoir l'abaissement du nombre d'habitants pour l'application du scrutin de liste aux élections municipales aux communes de plus de 500 habitants. Nous y trouvions de nombreux avantages. Ainsi, la parité pouvait être mise en oeuvre dans 7 000 conseils municipaux de plus. Il nous semble également qu'en évitant le panachage, le débat des municipales aurait davantage porté sur les projets que sur les personnes. Il doit en être ainsi dans une démocratie. Vous nous avez annoncé, tout à l'heure, votre intention de revenir sur ce point et de remonter le seuil, les communes alors concernées étant celles de plus de 1 000 habitants. Nous avons donc maintenant une troisième raison majeure, monsieur le ministre, de nous opposer à ce texte !

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Madame la présidente, mesdames, messieurs, nous arrivons presque, puisque nous l'examinons pour la troisième fois dans cet hémicycle, au terme de nos discussions sur ce projet de loi, plus de quatre mois après le dépôt du texte initial sur le bureau du Sénat. Cela a été précisé par M. le Ministre et par M. le rapporteur, notamment, ce texte a nourri bien des oppositions. Quelle surprise ! Il eut été prodigieux qu'un projet de loi relatif à des élections ne provoquât aucune réaction ! Il peut toutefois nous être permis de constater que les interventions qui ont émaillé nos débats et ceux du Sénat étaient d'une bonne foi à géométrie variable. De sous-amendements en détails juridiques ou autres subtilités techniques, il m'apparaît que nous avons, par moments, perdu la vision d'ensemble de ce texte qui est un texte de progrès pour la démocratie territoriale. Je souhaite ainsi que nous le jugions à l'aune de ce qui devrait être notre unique préoccupation : l'intérêt général. Or, il faut le constater, ce sont souvent les intérêts particuliers, ceux de nos territoires, ceux des élus que nous côtoyons tous les jours, qui ont, à certains moments, trouvé droit de cité au sein de cet hémicycle ou en commission.

M. le ministre l'a réaffirmé à plusieurs reprises : s'agissant des élections départementales, pierre d'achoppement de ce texte, ce projet est le seul, via le scrutin binominal, qui permette de garantir la proximité des élus avec un territoire et une population donnée, sur le mode de ce qui existe aujourd'hui, et de garantir la parité au sein des hémicycles départementaux et, ainsi, de s'orienter vers une juste représentation de la société.

On ne nous aura rien épargné comme arguments durant les débats : « trop complexe », « usine à gaz », M. Olivier Marleix a parlé, tout à l'heure, de « scrutin inintelligible », d'autres ont dit que les citoyens « n'y comprendront rien ». Comme si nos concitoyens étaient trop simples d'esprit pour comprendre un mode de scrutin ! Mais, mes chers collègues, nous sommes leurs représentants ! Sans doute devez-vous avoir une bien piètre opinion de vous-mêmes !

La vérité est plus simple : si tout le monde est favorable à la parité ou l'affirme, certains ne souhaitent pas avoir à expliquer à des conseillers généraux, qu'ils connaissent bien, qu'ils estiment, qu'ils devront céder leur place à des candidates femmes. Nous connaissons les chiffres : 13,8 % seulement de femmes sont élues dans les assemblées départementales ! Dans mon propre département, les Yvelines, sur trente-neuf conseillers généraux, il y a seulement cinq femmes dont l'une était initialement suppléante ! La réforme signifie clairement qu'une petite quinzaine d'entre eux devra laisser la place. À l'échelle de la France, ce sont plusieurs centaines d'élus, de candidats potentiels qui seront concernés. Comme nos concitoyens, nous ne cessons de réclamer le changement, mais, dès qu'il arrive, c'est par un concert de protestations qu'il est accueilli ! Le résultat de la récente consultation qui a eu lieu en Alsace le prouve à l'envi.

Mes chers collègues de l'opposition, vous qui n'avez de cesse de demander à la majorité d'être plus courageuse, plus énergique, plus réformatrice, eh bien voici l'une de ces réformes – ce n'est pas la première – qui vise l'intérêt général et modifie en profondeur les visages de la démocratie territoriale ! Ce n'est, en effet, pas un changement à la marge. Cette réforme est de nature à mettre un coup d'arrêt à ce qui peut parfois s'apparenter à une forme de sclérose territoriale. Elle permettra d'insuffler un vent nouveau pour nos départements, de les placer davantage en phase avec la réalité contemporaine du pays. On vous retrouve, là, en train de vous faire les porte-voix du conservatisme et du statu quo !

Gouverner, c'est choisir ; légiférer aussi ! Il y a des choix à faire mes chers collègues, ils ont un prix. Nous n'avons encore jamais connu de réforme facile, qui ne vienne pas sans des décisions difficiles à prendre. C'est là notre rôle, c'est là notre responsabilité en tant qu'élus de la nation. Il nous faut assumer le bouleversement de la physionomie politique de nos territoires.

Les autres avancées incluses dans ce texte sont de même nature, qu'il s'agisse de l'abaissement du nombre d'habitants pour l'application du scrutin de liste aux élections municipales, favorisant la parité et écartant le panachage, de l'instauration d'un début d'élection au suffrage direct pour les conseillers communautaires et de l'obligation de déclaration de candidature.

Je tenais, en tout cas, à saluer la volonté de dialogue qui a été celle du Gouvernement et de la majorité, via M. le rapporteur, tout au long des nombreuses heures de discussion que nous avons connues depuis le début de l'étude de ce texte.

Nous ne serons pas tous d'accord sur son intérêt et ses modalités. Ces divergences, nos divergences au sein de cet hémicycle, sont aussi ce qui fait vivre le débat républicain. Nous devons nous en féliciter pour la santé de notre démocratie. Ce débat ne fut toutefois pas toujours des plus stimulants. L'essentiel sera qu'avec le vote de ce texte, vous l'avez dit, monsieur le ministre, on puisse approfondir, renforcer et pérenniser notre démocratie et lui donner un second souffle.

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Madame la présidente, mesdames, messieurs, nous sommes, ici, pour discuter de la loi électorale et non de l'acte III de la décentralisation. Je tiens, en préambule, à affirmer mon attachement à la modernisation de la vie publique. Les règles électorales en font partie. Nous avons commencé à poser le cadre avec la loi du 16 décembre 2010. Nous devons, maintenant, positionner le curseur.

Mon propos portera essentiellement sur les questions communales et intercommunales.

Monsieur le ministre, cette modernisation doit rassembler et ne peut, en République, s'effectuer sans un minimum de consensus. Elle ne peut résulter du seul fait majoritaire en cette période de crise économique, sociale et morale profonde.

J'évoquerai trois points. Le premier porte sur l'application du scrutin de liste pour les élections municipales. Que les choses soient claires. Nous devons effectivement choisir le positionnement du curseur. Je me suis rendu, monsieur le ministre, dans plusieurs dizaines d'assemblées générales de maires ; j'ai écouté les maires ; nous avons interrogé, en tant que membres de l'Association des maires de France, les associations départementales de maires. D'après les remontées de terrain que nous avons eues, le seuil proposé se situe entre 1 000 et 1 500 habitants pour l'application du scrutin de liste. C'est dans ce contexte que le Bureau de l'AMF, dont la composition est pluraliste, des témoins peuvent en attester ici, a proposé de s'en tenir à ce seuil de 1 000 habitants.

L'exigence de constitution de listes complètes dans les petites communes aurait pour conséquence, pour la plupart d'entre elles, de réduire le débat démocratique en n'offrant pas d'alternative – il n'y aura qu'une seule liste parce qu'il ne sera pas aisé de constituer plusieurs listes complètes, d'où des problèmes de parité et de crédibilité de la liste – et en risquant de décourager, de fait, la participation des électeurs. Dans ce contexte, la légitimité des élus communaux et intercommunaux risque d'en souffrir.

Je tiens à évoquer un deuxième point, monsieur le ministre, à savoir la double liste sur le bulletin de vote lors des élections municipales. Le dispositif retenu pour l'élection des élus communautaires conduit, de facto, à retenir les candidats situés en haut de la liste municipale et dans l'ordre de présentation de celle-ci. Dans ces conditions, quels peuvent être l'intérêt et l'utilité de faire figurer sur le même bulletin une seconde liste puisque ce seront les mêmes candidats, dans le même ordre ? Pourquoi ne pas favoriser l'intelligibilité du scrutin et la compréhension par les électeurs du bloc communal par un simple fléchage ?

Il convient de ne pas dissocier les deux fonctions complémentaires, un élu communautaire étant lui-même obligatoirement élu municipal. Le renforcement de la légitimité démocratique des élus communautaires ne doit pas avoir pour effet de rompre l'unité du couple commune-intercommunalité. Dissocier le couple commune-EPCI, c'est, à terme, conforter l'idée d'un empilement des structures, alors qu'il faut favoriser, au contraire, la complémentarité dans une logique d'efficience de la dépense publique.

Mon dernier point portera, monsieur le ministre, sur la question du dépôt des candidatures pour les petites communes. Le projet de loi prévoit une procédure de déclaration des candidatures pour les communes en dessous du seuil du scrutin de liste. Nous avons demandé l'application à l'ensemble des communes de la règle du dépôt des candidatures. Cela permettrait, en effet, de conforter la clarté du vote. Afin d'assurer la fluidité des opérations électorales et de simplifier ce nouveau dispositif pour les petites communes, je proposerai, dans un amendement, d'élargir les possibilités, s'agissant du lieu de dépôt.

Outre la préfecture et la sous-préfecture, la mairie pourrait accueillir sans problème ces dépôts de candidature. Les candidats auraient le choix de s'adresser à la mairie, à la préfecture ou à la sous-préfecture, ce qui ouvrirait les possibilités, surtout dans les petites communes, où aucune habitude n'est prise. Si le système est trop serré et devient un carcan, on risque d'en voir des conséquences sur les candidatures pour ces élections dans les communes de moins de 1 000 habitants.

Au terme de cette troisième lecture, il conviendrait de rechercher un consensus large, ce qui, pour les règles électorales, est souhaitable pour notre pays. Faire progresser le consensus républicain sur ces sujets ne serait pas inconvenant. Aussi, dans cette période troublée, je souhaite ardemment que les dispositions que j'ai évoquées soient adoptées pour améliorer le fonctionnement de notre démocratie locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes très chers collègues, depuis plusieurs semaines, nous avons fait évoluer le texte que nous examinons aujourd'hui. Sa forme actuelle mêle intelligemment nos exigences et celles que d'autres ont portées, notamment au Sénat.

Ce qui nous guide et nous guidera tout au long du débat pour cette lecture et probablement la suivante, c'est d'abord, évidemment, le respect de l'égalité devant le suffrage, inscrite, je le rappelle, dans notre Constitution, la parité et le respect de la diversité de nos territoires.

Tout cela est très éloigné des intentions que nous prêtent nos collègues de l'opposition. De quelles accusations, en effet, n'avons-nous pas fait l'objet ? Or nous avons à chaque fois cherché à répondre sur le fond au nombre astronomique d'amendements que vous avez déposés en première et deuxième lecture. Nous avons toujours respecté votre parole. Trop souvent diluée, il est vrai, dans une volonté patente d'entraver l'avancée du débat, nous l'avons néanmoins toujours écoutée.

Nous avons aussi su entendre les propositions des uns et des autres. Nous les avons même parfois prises en compte pour ajuster un texte qui ne concerne, ne vous en déplaise, ni le parti socialiste, ni l'UMP, ni l'UDI, ni quelque parti que ce soit, mais qui est d'abord utile à la République, utile à nos concitoyens, utiles à nos territoires.

Cela, vous avez du mal à l'intégrer, habitués que vous étiez à décider de tout, tout seuls, depuis cinq ans, dix ans, devrais-je dire, mais il faut vous faire cette idée que nous sommes les garants de la ruralité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), car, dans ces villages que vous citez tant, c'est d'abord à nous que nos concitoyens ont confié la gestion d'un grand nombre de circonscriptions, de cantons, de départements et de toutes les régions. Cela, vous vous plaisez à l'oublier. Vous, les chantres du monde rural, et Mme Massat l'a parfaitement souligné, non seulement vous avez abîmé les services publics…

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…mais vous n'avez jamais cherché à en améliorer la représentativité.

J'ai d'abord cru naïvement déceler dans cette opposition systématique une forme d'immobilisme. En réalité, il n'en était rien. C'était je crois, une forme de crainte, de frustration. Vous semblez, en effet, frustrés de ne pas avoir imaginé, vous, un nouveau système électoral plus juste, plus lisible, plus représentatif, plus moderne, et je le comprends.

Vous vous êtes retrouvés un peu fossilisés, par votre entêtement idéologique, dans une ère révolue, une ère où la justice électorale n'existe pas, où l'illisibilité du calendrier électoral est un outil politique, où la représentation du peuple de France n'est au fond qu'une chimère.

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Nous avons opté pour l'exact contraire. Vous nous critiquez, nous assumons.

Votre posture m'inquiète tout de même. Progressiste et démocrate, j'ai cru, un bref instant certes, que vous finiriez par voter ce scrutin binominal, si novateur, si juste aussi. Pourtant, parler de parité vous parait être un leitmotiv vain et inapproprié, inutile même, ai-je entendu, avec lequel on peut transiger. Il ne l'est pas, loin s'en faut. C'est une bataille, et nous allons avec cette loi, encore une fois sous l'impulsion de la gauche, la faire progresser.

Vous nous parlez d'exemplarité, de cohérence, mais quoi de plus exemplaire que d'introduire dans chaque collectivité, chaque exécutif, une part d'élues femmes égale à celle des hommes ? Qui peut, en 2013, s'opposer à de tels principes ? Qui peut nier que nous avons besoin d'une représentation politique plus juste ?

Vous avez alors cherché à caricaturer cette disposition, l'un des orateurs de l'UMP, qui n'est pas là ce soir, parlant de la part des ouvriers, de la part des handicapés, des salariés, des fonctionnaires et j'en passe, dans le collège des élus. Cela a pu l'amuser, et j'ai vu que cela n'amusait pas tout le groupe UMP, mais, pour nous, cela n'a rien de drôle !

Nous, nous nous battrons pour que la représentation des élus se rapproche le plus justement et le plus fidèlement du peuple français. C'est, pour un grand nombre d'entre nous, le sens, la genèse de notre engagement politique.

Oui, nous voulons la parité, mais ce n'est pas seulement ce que nous souhaitons : nous nous battrons aussi pour tendre partout vers une rénovation, un renouvellement de notre vie politique. C'est notre objectif et nous n'en dévierons pas.

Mes très chers collègues, c'est avec fierté que nous pourrons bientôt dire que nous avons changé, ensemble, le paysage électoral de notre pays, le visage de la France. Nous assumons ce changement, nous le défendons, et, rassurez-vous, nous le porterons dans les élections quand elles viendront. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai entendu des propos sur lesquels je souhaiterais réagir, qui montrent que, visiblement, nous n'avons pas réussi à convaincre un certain nombre de nos collègues de la majorité. Ce n'est pas que cela m'étonne, mais je suis tout de même surpris de continuer à entendre ces mêmes arguments qui n'ont pas l'heur de m'avoir convaincu non plus.

Monsieur Da Silva, je suis obligé de pointer, comme l'a fait excellemment Annie Genevard tout à l'heure, que, sur ce texte censé promouvoir la parité d'une manière non pareille, l'actuelle présidente de la délégation aux droits des femmes s'est abstenue et l'ancienne présidente a voté contre. Ce texte n'aurait pour seule obsession que de promouvoir la parité ? Alors soit nos deux collègues n'ont jamais rien compris au sujet qu'elles portent depuis des années ici, ce que je ne veux pas croire, soit il y a un problème et il faut dire lequel. J'ai posé la question en première lecture au rapporteur et à la présidente de la délégation, mais je n'ai pas obtenu de réponse. C'est dommage parce que cela nous aurait intéressés.

Vous avez parlé d'un nouveau souffle, madame Descamps-Crosnier, chère collègue yvelinoise.

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Vous avez fait référence à un département que nous connaissons bien et auquel nous sommes tous les deux attachés, mais, très franchement, je ne vois pas comment et en quoi la simple modification du mode de scrutin, plus un redécoupage des territoires, suffirait en lui-même à donner un nouveau souffle aux collectivités. Ce qui donne du souffle aux collectivités, c'est la qualité des personnes qui y sont élues et qui y siègent. Ce n'est pas le mode électoral, ni le découpage des territoires.

Monsieur Tourret, je vous entendais dire tout à l'heure que les élus territoriaux sont d'affreux conservateurs qui n'ont jamais rien compris à rien et qu'il faudrait faire uniquement référence à l'État. Pour quelqu'un qui est de tradition radicale, c'est un peu surprenant.

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C'était il y a un siècle tout de même, cela a pu changer depuis !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

C'est toujours d'actualité !

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Vous prétendiez tout à l'heure, monsieur Da Silva, que le parti socialiste et les élus socialistes étaient les garants des territoires ruraux. Si vous pouviez dire aux élus socialistes du conseil régional d'Île-de-France qu'il y a aussi de la ruralité en Île-de-France et qu'il serait bon qu'ils s'en occupassent de temps en temps, franchement, quand on voit le mal que nous avons simplement à nous faire entendre, cela arrangerait bien les affaires des élus ruraux du sud des Yvelines. Je parle pour l'Île-de-France car je n'habite pas ailleurs et je n'ai pas l'intention de déménager.

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Oui, mais c'est tout de même goudronné, monsieur Juanico, on peut y arriver facilement, et il y a le téléphone : on peut donc se renseigner.

Il est donc tout de même extrêmement étonnant d'entendre parler dans cette assemblée du parti socialiste comme du protecteur par excellence de la ruralité alors que, lorsqu'il siège dans les régions – je ne vous mets pas en cause, chère collègue, car vous n'y êtes pas – il est quasiment impossible de se faire entendre…

Monsieur le ministre, il y a une forme de paradoxe dans votre discours, et je n'en dirai pas davantage puisque vous y viendrez certainement dans vos réponses. Que mettre dans un territoire deux fois plus grand deux élus ayant la même compétence puisse accroître la proximité, franchement, il y a là quelque chose qui m'échappe, mais j'ai sans doute été inattentif pendant le début des échanges…

Enfin, deux points restent en suspens, puisque j'ai compris que nous n'aurons satisfaction sur aucun de ceux que nous avons soulevés.

Il y a d'abord le seuil de 1 000 habitants, auquel le Sénat a manifesté à plusieurs reprises son attachement. Compte tenu des circonstances politiques dans lesquelles nous débattons, c'est, semble-t-il, le plus élevé auquel nous puissions accéder. Je pense qu'en l'état actuel de nos échanges, il serait bon de s'en tenir là. Descendre à 500, comme cela a été voté par notre assemblée et par la commission, me paraît totalement déraisonnable et, puisque le doute subsiste sur l'objectif initial de la parité, je ne vois pas de raison d'y sacrifier.

Enfin, j'appelle à nouveau votre attention, monsieur le ministre, sur l'article 11 et la solidarité à l'égard des créances des deux candidats. Je maintiens que ce régime est trop sévère pour des candidats aux élections. Il est assez dissuasif et des personnes qui ne se rendront pas compte de sa portée auront de mauvaises surprises. Il est donc très utile de faire évoluer cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons à nouveau le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral.

Ce texte est certes important mais, au moment où les Français sont déboussolés, où notre pays connaît une crise morale et économique sans précédent, où le taux de chômage atteint des records historiques, qui peut sincèrement penser que votre texte constitue une priorité ? Qui plus est, engager des réformes sur les collectivités territoriales et leur mode électoral est difficile et nécessiterait beaucoup plus de temps.

Durant la campagne présidentielle, le candidat socialiste avait expliqué aux Français qu'il engagerait de grands débats mais, aujourd'hui, vous agissez dans la précipitation, sans concertation avec les élus concernés et en l'absence d'un esprit de consensus pourtant nécessaire.

Durant la campagne présidentielle, le candidat socialiste avait expliqué aux Français que les collectivités locales avaient besoin d'un nouveau souffle, de nouvelles compétences, de nouvelles libertés mais, aujourd'hui, vous les asphyxiez financièrement et vous réduisez leur marge de manoeuvre. Le Gouvernement a en effet confirmé le 12 février dernier une réduction historique des dotations de l'État de 4,5 milliards d'euros entre 2013 et 2015. Cette baisse des dotations est un véritable coup de massue pour les élus locaux.

C'est donc également dans un contexte de crise pour les collectivités territoriales que vous venez nous présenter un projet qui ne répond pas aux attentes de nos concitoyens, pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, vous imposez brutalement la parité pour les élections départementales. Ce scrutin binominal a pourtant été rejeté à deux reprises par la Haute assemblée, dans un élan de lucidité.

Il a aussi été dénoncé par la présidente de la délégation aux droits des femmes, Mme Catherine Coutelle, qui déclarait à ce propos dans La Nouvelle République du 10 décembre dernier : « c'est une solution qui me choque énormément et qui me heurte profondément. »

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« Le message que je reçois en tant que femme politique, c'est : vous n'êtes pas capable d'y arriver toute seule, donc il faut des couples ! C'est stupéfiant ! Je trouve même cela humiliant et je le vis comme un mépris. (...) C'est un dévoiement de la parité ». Cette vision dogmatique de la parité est donc rejetée dans vos propres rangs.

Ensuite, appuyée par un charcutage territorial, cette loi écrasera la représentation des territoires ruraux.

Faut-il rappeler, mes chers collègues, que nos cantons ont une identité forte, une identité qui est le reflet d'une réalité économique et humaine, d'une réalité historique et géographique ? Cette identité, vous ne pouvez pas la rayer d'un trait de plume.

Le département de la Vendée, dont je suis élue, passerait ainsi de trente et un cantons à dix-sept. Les élus locaux, quelle que soit leur couleur politique, sont inquiets. Ils n'acceptent pas que cette opération de redécoupage se fasse dans de telles conditions.

Là encore, le Sénat à majorité de gauche a refusé pour la deuxième fois la suppression de la moitié des 4 000 cantons de France.

Plus le débat avance, plus il y a d'opposants à votre texte, mais ces opposants, vous ne voulez pas les entendre. Ils rejettent votre politique qui consiste à faire entrer les cantons dans des cases statistiques pour mieux respecter les exigences d'une loi arithmétique. Cela va tout simplement créer des cantons artificiels !

Ce texte n'est pas souhaitable. Il va affaiblir la démocratie locale et nos territoires. Il est rejeté par le Sénat, rejeté par les élus locaux et nos concitoyens, qui ne sont pas dupes. Les Français ont en effet bien compris vos intentions : vous voulez redécouper la carte de la France pour défendre vos intérêts politiques, et ça ils ne l'accepteront pas. Car ce que veulent nos concitoyens, mes chers collègues, ce ne sont pas des tripatouillages électoraux, mais de vraies réformes qui correspondent aux vraies attentes des Français.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ce projet de loi que nous réexaminons constitue une étape primordiale pour la démocratie locale. Il s'agit d'améliorer la représentativité des territoires et la visibilité des élus. Les nombreux échanges nous ont permis d'améliorer le texte, au plus proche des intérêts locaux. Ces échanges, à la fois ici et au Sénat, ont permis d'exprimer les attentes des uns et des autres.

En 2010, nous avions le spectre du conseiller territorial. Ce conseiller qui devait se substituer aux conseillers généraux et régionaux dès 2014, représentait un véritable recul démocratique. Il avait suscité de vives critiques : c'était un cumul institutionnalisé entre les mandats de conseiller général et de conseiller régional ; la parité reculerait, avec la mise en place du scrutin majoritaire pour cette future élection ; les assemblées régionales deviendraient pléthoriques ; un même mandat valait pour deux institutions aux compétences différentes ; la fusion des départements et des régions était lancée sans être assumée. Bref, l'abrogation était nécessaire ; nous l'avons fait l'an dernier.

Aujourd'hui, le texte que nous présentons permet de renforcer le lien essentiel entre les citoyens et leurs représentants par une démocratie de proximité renforcée. Ce projet vise à moderniser les modes de scrutin des élections locales afin de les adapter à la réalité démographique de nos territoires. Ce texte ne peut répondre seul aux exigences de l'organisation territoriale décentralisée mais il a le mérite de clarifier un certain nombre de points. En remplaçant l'appellation de « conseiller général » par celle de « conseiller départemental », il rend l'action locale beaucoup plus lisible pour les citoyens.

Deux avancées notamment qui m'apparaissent particulièrement fondamentales.

La première, et non des moindres, vient d'être développée : elle concerne le renforcement de la présence des femmes dans les assemblées départementales. Actuellement, plus de 95 % des présidents et 85 % des vice-présidents des conseils généraux sont des hommes. Innovation en matière électorale, l'article 2 introduit le scrutin binominal paritaire pour les élections départementales. Le texte prévoit ainsi l'élection de deux conseillers départementaux par canton au scrutin majoritaire à deux tours. Concrètement, les candidats à l'élection cantonale devront se présenter en binômes composés d'un homme et d'une femme.

Sur le plan intercommunal, l'introduction du fléchage des futurs conseillers communautaires rend plus lisible le choix des électeurs et aidera également à renforcer la parité. L'article 20 permet à certains conseillers municipaux d'être délégués communautaires, au-delà des premiers de liste. Les amendements proposés ont apporté de la souplesse, tout en répondant à cette attente de partage de la représentativité. Au niveau communal, l'abaissement du seuil de l'élection à la proportionnelle est, là aussi, nécessaire pour renforcer la parité.

Le second aspect fondamental à mes yeux concerne l'intégration des spécificités des territoires ruraux dans la représentation locale. Je dois l'avouer, j'étais au début un peu inquiet quant au redécoupage des cantons ; grâce au débat, le risque d'une faible représentation pour la ruralité a été écarté. Avec les avancées de certains amendements et ce nouvel examen, je suis désormais pleinement confiant quant à la capacité d'intégrer nos territoires. Il était d'ailleurs nécessaire de les faire évoluer. Les bassins de vie ont changé, l'importance des intercommunalités a redessiné les territoires. Le canton reste un espace politique et territorial pertinent, mais il était nécessaire de le moderniser.

Nous avons fait évoluer le texte pour prendre ces réalités en considération. Tout d'abord, nous avons tenu compte des spécificités géographiques et de la répartition de la population pour obtenir un conseiller départemental plus proche des citoyens. En effet, en zone de revitalisation rurale ou en zone de montagne, si le seul critère du nombre d'habitants avait été retenu, nous aurions eu des cantons ruraux gigantesques, avec une difficulté supplémentaire en termes de proximité. Je suis heureux que les territoires ruraux aient été pris en considération et que, dans certains cas, on puisse adapter les règles.

Élu de l'Hérault, dans un territoire rural, je suis, vous le savez, monsieur le ministre, d'un canton qui fait 1 200 habitants alors que le plus gros canton du département en compte 48 000.

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Écoutez bien, chers collègues de l'opposition !

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En matière d'équité territoriale et de justice, je sais de quoi je parle. Aujourd'hui, les intercommunalités ont fait évoluer ces territoires. Le territoire d'élection n'est pas nécessairement un territoire de projet. Depuis toujours, dans un canton de 1 200 habitants d'un département d'un million d'habitants, j'ai travaillé avec mes collègues conseillers généraux voisins pour former des projets de territoire, et nous avons d'ailleurs, ce qui légitime l'action des départements, une politique essentielle en matière de contrats de territoire. Car aujourd'hui on raisonne en termes plutôt de territoire que de périmètre électoral.

Le travail sur l'évolution des modes de scrutin, le fléchage des délégués communaux aux intercommunalités et le repositionnement des conseillers départementaux me paraissent essentiels. J'ai fait quelques calculs. Le conseiller territorial, c'était un élu pour 30 000 habitants ; le conseiller départemental, un élu pour 15 000 habitants.

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C'est la pertinence des projets et l'intelligence des territoires qui nous feront avancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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La parole est à M. Bernard Gérard, dernier orateur inscrit.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, l'examen en nouvelle lecture du projet de loi visant la réforme des scrutins locaux nous donne une fois de plus l'occasion de dénoncer l'incohérence de l'action menée par la majorité et de souligner l'ire des élus ruraux. Je crois que peu d'élus socialistes ont pris la mesure de la colère de ces élus.

Hier, j'étais, dans le département du Nord, dans les Flandres et, il y a huit jours, dans la Sambre. Les élus ont tous le même avis. Loin d'être un choc de simplification, ce projet est un choc de complexité absolument inégalé. Les élus, sur le terrain, considèrent que vous semez le désordre le plus complet au sein des cantons, que vous êtes, avec votre scrutin, en train de brouiller la logique territoriale et de fragiliser l'action de proximité, pourtant au coeur du mandat cantonal. Vous créez un élu hybride qui se retrouvera solidaire des fautes ou des erreurs de son binôme avant l'élection et autonome après.

Pour répondre à notre excellent collègue Marc Dolez, je pense qu'en réalité les grandes formations politiques ne seront pas favorisées. Ce sera l'occasion de marchandages épouvantables entre toutes sortes de formations, grandes et petites, qui rendront improbables les majorités dans les conseils généraux. Vous verrez que le résultat de cette loi sera qu'il n'y aura plus de majorité stable dans les conseils généraux : ce sera l'inaction, l'inverse, sans doute, de ce que vous souhaitez, monsieur le ministre.

L'incompréhension est aujourd'hui totale. Cette réforme devait s'appuyer sur l'acte III de la décentralisation promis par le Président de la République, mais le revers essuyé par le Gouvernement la semaine dernière, avec le renvoi du projet de texte, remet à plus tard la nécessaire réflexion sur les compétences et l'organisation des collectivités territoriales. Avant de voir comment nous allons organiser les élections, il faudrait pourtant savoir qui va faire quoi.

Dans le Nord, nous avons tenu, jusqu'à la semaine dernière, des réunions avec le préfet pour discuter des intercommunalités nouvelles. Nous travaillons sur ce sujet dans la transparence, toutes formations politiques confondues. Il est invraisemblable de décider aujourd'hui de découpages intercommunaux sans savoir à quoi ressembleront nos cantons demain. Cette incertitude, cet aléa ne nous permettent pas de nous prononcer en toute sérénité sur un texte comme celui-ci.

J'entends dire que l'opposition ferait de l'obstruction. C'est bien mal lire ce qui se passe au Sénat, où se fait jour un rejet total. M. Sueur s'est ainsi ingénié à empêcher la CMP d'aboutir, tant il craignait de voir réitérer par la Haute Assemblée le rejet d'un texte que personne ne peut accepter.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de reprendre le cas du Nord, pour vous dire ce que nous attendons. Le redécoupage ramènera le nombre de cantons de soixante-dix-neuf à quarante et un. Les élus, dans les assemblées, se regardent, chacun se demandant si c'est lui ou un autre qui va disparaître.

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Ce que je trouve totalement invraisemblable dans cette affaire, c'est d'entendre – j'espère que c'est faux, monsieur le ministre – que ceux qui tiendraient les ciseaux seraient des personnels politiques des fédérations socialistes de nos régions. J'aimerais avoir des précisions sur ce qui est train de se tramer et obtenir, de la part de l'État et de vous-même, des garanties. Vous ne pouvez laisser votre nom à une réforme faisant la part belle à des appareils politiques plutôt qu'à une démarche de transparence. Vous méritez mieux que cela.

Nous ne pouvons accepter qu'un redécoupage se fasse dans la précipitation et sans aucune concertation. Nous exigeons que des commissions de transparence soient mises en place.

Le dernier redécoupage des circonscriptions avait pour impératif le respect des limites des cantons. Cet impératif, nous vous demandons de l'appliquer pour 1e redécoupage cantonal. C'est le sens de plusieurs amendements que nous avons déposés. Il faut absolument préserver cela.

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Le redécoupage avait fait l'objet de multiples discussions entre les parties ; nous devons faire de même dans cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion en nouvelle lecture du projet de loi et du projet de loi organique relatifs à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. ;

Proposition de loi visant à proroger jusqu'au 31 décembre 2013 le régime social du bonus exceptionnel outre-mer.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron