Séance en hémicycle du 11 juin 2013 à 15h00

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.

Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, Pierre Mauroy s'est éteint le 7 juin. Disparaît une grande figure locale, une grande figure parlementaire et, surtout, une grande figure de la République.

Pour beaucoup de nos concitoyens, le nom de Pierre Mauroy est, de manière indélébile, attaché au département du Nord et à la ville de Lille, aux destinées de laquelle il présidera pendant plusieurs décennies, au point de la personnifier. Les députés que nous sommes garderont aussi le souvenir de ces presque quinze années de mandat au cours desquelles Pierre Mauroy aura porté la voix du département du Nord à l'Assemblée nationale avec une fougue, une chaleur et un humanisme à l'image de cette région si attachante.

Mais Pierre Mauroy restera dans les esprits, bien sûr, comme le premier chef du premier gouvernement d'alternance de la Ve République. À cette occasion, il assumera une responsabilité historique, démontrant que l'on peut être porteur d'une espérance nouvelle sans négliger les contraintes du quotidien et les réalités de notre environnement européen et international.

L'hémicycle n'oubliera jamais. Nous n'oublierons jamais la puissance de cette voix, de cette stature et de cette gestuelle qui exprimaient la force de conviction d'une grande figure de France.

La parole est à M. le Premier ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Monsieur le président de l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs les députés, ce matin, le Président de la République a rendu, au nom de la France, un hommage solennel à Pierre Mauroy. Ce midi, c'est la famille socialiste qui a salué sa mémoire. Et, avant l'hommage des siens et de sa ville jeudi, c'est ici, à l'Assemblée nationale, et il y a quelques instants au Sénat, que nous lui rendons ensemble hommage.

Premier chef d'un gouvernement de gauche de la Ve République – l'Union de la gauche – c'est dans cette enceinte qu'il a conduit d'une main ferme et humaine toutes les grandes réformes du premier septennat de François Mitterrand. Je pense aux grandes réformes sociales ; je pense aux libertés nouvelles, à l'abolition de la peine de mort ; je pense à la décentralisation : autant de réformes se confondant avec sa personnalité qui constituent l'oeuvre de Pierre Mauroy et qui figurent, désormais, au coeur du pacte républicain.

Pierre Mauroy fut un homme politique total. Il fut un homme d'État, de ceux dont la mémoire s'impose à tous. Il fut un grand premier ministre dont les convictions socialistes, réformistes, se renforcèrent à l'épreuve du pouvoir. Il fut un grand européen. Il fut un grand maire de Lille, un bâtisseur inlassable, toujours soucieux de ne pas rompre le lien entre sa ville et les populations des milieux les plus populaires.

Pierre Mauroy était, enfin, quelqu'un de profondément humain et qui aimait profondément la France et les Français.

Un mot revient sans cesse depuis son décès : « affection », celle qui fait la force des liens qu'il avait, au fil des années, tissés avec l'ensemble de sa famille politique, avec les habitants de la métropole lilloise mais aussi avec l'ensemble des Françaises et des Français.

L'Assemblée nationale se souviendra longtemps de Pierre Mauroy. Il en avait connu tous les lieux : les bancs des députés, les bancs du gouvernement, les bancs de l'opposition, les bancs de la majorité, les bancs des jeunes députés, mais aussi les bancs des vieux sages. Ayant connu tous les lieux de cette Assemblée, il continuera de leur appartenir. C'est à chacun d'entre nous que son ambition pour la France se transmet aujourd'hui. C'est en chacun d'entre nous que continuera de battre sa vocation au nom du peuple français.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous invite maintenant à observer une minute de silence.

Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est le coeur encore serré par l'émotion que le groupe socialiste a rejoint l'hémicycle pour rendre, lui aussi, hommage à Pierre Mauroy. Je tiens à remercier Christian Jacob, le président du groupe UMP, d'avoir accepté d'intervertir les deux premières questions, permettant ainsi au groupe socialiste de remplacer la sienne par cet hommage.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ici, Pierre Mauroy était chez lui. Sur les bancs du gouvernement comme sur ceux des parlementaires, sa belle voix, grave et vibrante, s'est élevée pour défendre une certaine idée de la République, une certaine idée de la réforme, une certaine idée de la gauche.

C'est avec François Mitterrand et Pierre Mauroy que l'histoire de la gauche a de nouveau rencontré le destin de la France. Convaincu qu'il était possible de conjuguer responsabilité et ambition, réalisme et progrès social, il a engagé d'importantes conquêtes sociales et créé des libertés nouvelles qui ont marqué des générations entières.

Pierre Mauroy était un visionnaire. Il l'a été pour son pays, il l'a été pour son parti, il l'a été pour sa ville. Ce géant, comme on disait à Lille, mais pas simplement à Lille, refusait les paresses intellectuelles, les positions tactiques et les effets de tribune sans lendemain. Attentif aux plus faibles, il avait depuis son plus jeune âge, et la rencontre avec Léo Lagrange, qu'il racontait, n'y était sûrement pas pour rien, une boussole qui indiquait le cap de la justice et de l'égalité. Il a inspiré les socialistes, c'est évident, mais au-delà, tous ceux qui croient en la capacité de la politique à bouleverser l'ordre des choses, dès lors qu'elle préfère l'action à la proclamation.

Pierre Mauroy savait que c'est ici et maintenant que l'avenir s'invente. Il savait réconcilier le réel et l'idéal. Pierre Mauroy savait mettre du bleu au ciel. Dans ses mémoires, il écrivit : « Les hommes passent avec le reste. Les justes causes, elles, ne meurent pas. » Avec Pierre Mauroy, la cause et l'homme ne font qu'un. Il est, ici, notre ami. Au nom du groupe socialiste, je veux dire que son souvenir, sa générosité et son action resteront à jamais gravés dans nos mémoires.

Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI. – Quelques députés du groupe UMP se lèvent également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter la bienvenue aux deux députés élus dimanche dernier :

M. Meyer Habib, dans la huitième circonscription des Français établis hors de France ;

M. Frédéric Lefebvre, dans la première circonscription des Français établis hors de France.

Mmes et MM. les députés du groupe UMP applaudissent vivement, beaucoup d'entre eux debout.

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La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Permettez-moi tout d'abord de m'associer à l'hommage qui vient d'être rendu à l'ancien Premier ministre Pierre Mauroy, un homme de conviction et de courage.

Applaudissements sur de nombreux bancs.

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Monsieur le Premier ministre, je dirai d'abord un mot pour rendre la victoire à ceux qui, dans la circonscription dans laquelle j'ai défendu les couleurs de ma famille politique, l'ont portée, les Françaises et les Français d'Amérique du Nord.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.

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J'ai dit au cours de cette campagne qu'en homme de loyauté et d'unité que je suis, j'étais décidé à agir dans l'unité pour tous ces Français audacieux dont on a parfois tendance à caricaturer le parcours.

J'ai eu des échanges sur ce point avec votre ministre de la santé et j'aimerais évoquer un sujet très important, la situation des infirmières du Québec.

Je souhaite que nous puissions agir de concert pour défendre ces infirmières, qui vivent de graves difficultés. Je demande à chacun d'être attentif : en effet, des centaines d'infirmières françaises vivent dans la précarité, dans un système à deux vitesses. Il faut l'appui du Gouvernement. Une réunion doit se tenir le 25 juin au sujet de l'arrangement de reconnaissance mutuelle sur la question de l'équivalence des diplômes.

Je souhaite que le Gouvernement s'engage à appuyer le combat de ces infirmières, et notamment à défendre et à reconnaître l'équivalence de leurs diplômes, afin que celles qui ont obtenu le leur avant 2012 soient traitées de manière équitable avec celles qui l'ont eu après.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.

Debut de section - Permalien
Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger

Je vous félicite tout d'abord pour votre élection, monsieur le député. Elle montre l'attachement que les Français d'Amérique du Nord et du Canada vous ont témoigné, qui n'a d'égal bien sûr que celui que les électeurs des Hauts-de-Seine continuent à vous porter.

Je vous remercie pour votre question qui me permet de vous présenter l'une des priorités de mon ministère : accompagner la mobilité professionnelle à l'international. Cette mobilité est bien sûr facilitée par la reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles, sujet que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a d'ailleurs abordé lors de sa visite au Québec avec Mme Pauline Marois.

Comme vous l'avez rappelé, je présiderai le 25 juin la cinquième réunion bilatérale de l'entente entre la France et le Québec en matière de reconnaissance professionnelle.

Aujourd'hui, soixante-dix arrangements de reconnaissance mutuelle ont été conclus, concernant les métiers de l'artisanat comme des professions réglementées. À la fin de 2012, 753 personnes formées en France avaient fait reconnaître leurs qualifications.

Il existe encore quelques difficultés, notamment pour les infirmières françaises formées en France avant 2012 puisque celles qui ont été formées après 2012 ont un statut différent au Québec.

Je peux vous assurer que j'évoquerai cette question lors de la réunion du 25 juin et proposerai à cette occasion qu'un groupe de travail franco-québécois soit constitué sur ce sujet pour soumettre des recommandations aux secrétaires généraux de l'entente, dans l'esprit de ce qui a été convenu entre nos deux Premiers ministres.

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La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Le groupe GDR s'associe de tout coeur à l'hommage rendu à Pierre Mauroy.

Applaudissements sur de nombreux bancs.

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Cette question s'adresse à M. le ministre chargé des transports.

Le corridor de fret n° 2 sera opérationnel le 10 novembre 2013. La discrétion avec laquelle il s'est mis en place, le peu d'écho qu'il suscite des autorités compétentes, sont pour le moins étonnants au regard de son importance stratégique. Il relie en effet, par le réseau ferroviaire, les ports européens de Rotterdam et Anvers à Bâle, en Suisse, et à Lyon, c'est-à-dire qu'il ignorera les ports de Dunkerque et du Havre, tout en rapprochant Rotterdam, Anvers et Gand des marchés lorrains, bourguignons et rhône-alpins.

Cela se fera au détriment de Marseille.

Ce schéma logistique, qui favorise la massification des marchandises au profit des ports du Benelux, est vécu comme un énième détournement de nos trafics naturels. En outre, toute massification agit sur la politique tarifaire et la concurrence, si elle doit être de mise, ne peut conduire à affaiblir nos ports.

La réforme portuaire, acceptée par les syndicats devait permettre un développement technique, économique et social majeur. Or le port de Marseille ne bénéficie pas de tous les engagements annoncés.

Ce corridor, en l'état, va à l'encontre des propos du Président de la République la semaine dernière à Marseille, et atténue durablement les moyens de développement de ce grand port.

M. Geoffroy Caude, délégué général de l'Union des ports de France, considère que la majorité de nos ports sont situés à l'écart de ces corridors, ou mal reliés à eux, notamment Marseille.

La configuration des bassins Ouest du grand port maritime de Marseille n'est pas acceptable. Avec le corridor de fret 2, ce sont 20 millions de tonnes qui vont échapper à Marseille.

Monsieur le Ministre, je vous demande que ce corridor soit modifié…

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Merci, monsieur Charroux.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Vous avez raison, monsieur le député, de souligner combien la situation portuaire est un enjeu majeur pour la compétitivité de la France et l'ambition maritime française.

La France est la cinquième puissance portuaire européenne, forte de 360 millions de tonnes de fret et de 30 millions de passagers. Elle est le deuxième espace maritime mondial. Pour autant, les ports français font face à une concurrence très vive.

C'est pourquoi nous avons lancé, sous l'autorité du Premier ministre, une stratégie nationale de relance portuaire, qui a été annoncée il y a quelques semaines. J'étais aux côtés de M. le Président de la République à Marseille la semaine dernière pour saluer cette vitrine du savoir-faire maritime français, le Jules Verne. L'occasion a été donnée de réaffirmer combien l'enjeu de l'aménagement du territoire par les ports était majeur.

En ce qui concerne Marseille, puisque j'ai eu l'occasion de revoir les acteurs du portuaire, un certain nombre de travaux sont engagés, notamment pour permettre la liaison avec l'hinterland. C'est le cas notamment du terminal de Fos 2XL, ce sera le cas en 2015 de la liaison fluviale grand gabarit reliant Fos et le canal du Rhône, et c'est vrai également de la forme 10, qui permettra la construction d'un nouveau bateau-porte.

En outre, vous le soulignez, Marseille est accrochée à l'axe rhodanien, qui est un enjeu pour le trafic avec l'hinterland.

De ce point de vue, l'amélioration des dessertes terrestres du port est un enjeu majeur. C'est vrai de la déviation de Miramas, c'est vrai également de l'ensemble des travaux autour de Martigues-Port-de-Bouc. Par ailleurs, le réseau central fret des RTE-T permettra pour les corridors est-ouest mais également nord-sud de donner une opportunité à Marseille.

Je sais pouvoir compter sur Marie-Arlette Carlotti et l'ensemble des élus locaux pour réaffirmer cet enjeu majeur.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Notre groupe s'associe à l'hommage rendu à Pierre Mauroy, homme d'État que nous avons accompagné dans ses combats politiques.

Applaudissements sur de nombreux bancs.

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Monsieur le ministre du travail et de l'emploi, je vous accompagnais hier sur le terrain, à Lyon, dans le quartier de Perrache, où nous avons rencontré une association dispensant une formation pour les salariés et les demandeurs d'emploi afin d'améliorer leur maîtrise du français.

Je sais que la lutte contre le chômage est la priorité de ce gouvernement,…

Un député du groupe UMP. Allô !

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…et notamment la lutte contre le chômage des jeunes, qui a atteint dans notre pays un niveau insupportable.

Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.

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J'entends l'opposition vous critiquer sur nos résultats, alors que nous avons voté dans cette assemblée des dispositifs qui entrent à peine en application. Dois-je rappeler que la loi de sécurisation de l'emploi n'est même pas encore promulguée ? Une politique de combat contre le chômage doit être appréciée sur la durée.

D'ailleurs, sur le bilan en matière d'emploi des cinq dernières années de la droite au pouvoir, l'histoire a rendu son verdict.

Un député du groupe UMP. La crise aussi !

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C'est un énorme échec : 724 000 chômeurs de catégorie A en plus, un taux de chômage des jeunes qui a atteint les 24 %. Et comme solution, l'UMP, à l'instar de M. Fillon sur France 2, n'a de cesse, depuis des mois, de ressortir les heures supplémentaires défiscalisées

Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

qui, soit dit en passant, ont coûté à l'État 5 milliards d'euros par an.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

D'ailleurs, chers collègues de l'opposition, ne croyez-vous pas que, plutôt que de réfléchir à donner plus de travail à ceux qui en ont déjà, il vaut mieux s'occuper d'en trouver à ceux qui n'en ont pas ?

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler les différents dispositifs mis en place ainsi que les résultats que vous connaissez déjà ou que vous escomptez d'ici à la fin de l'année ?

Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.

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La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, nous étions en effet hier à Lyon. Ç'aurait pu être avec d'autres, ailleurs sur notre territoire, car nous nous déplaçons beaucoup et nous savons que la préoccupation fondamentale des élus, de droite comme de gauche, c'est la situation du chômage.

Comment agissons-nous ? D'abord en favorisant la croissance économique, car c'est par la croissance retrouvée que pourront se créer des emplois.

Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Aujourd'hui, un certain nombre de signaux positifs sont en train de s'allumer.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Ils peuvent laisser penser que la deuxième moitié de cette année verra le retour de la croissance et de la création d'emplois.

Mais cela ne suffirait pas, à ce stade : il faut aussi encourager les entreprises à embaucher, tout particulièrement des jeunes, ceux qui sont restés au bord du chemin. Car parmi le million de chômeurs de plus, on trouve principalement des jeunes qui, au cours des cinq dernières années, ont fait les frais de politiques inadaptées à la situation économique et sociale de la France.

Le contrat de génération vient d'être adopté et publié ; il entre en pleine application et les entreprises qui veulent s'inscrire dans cette démarche sont déjà très nombreuses. Le crédit d'impôt compétitivité emploi – je souligne le mot « emploi » – va mettre de l'argent à disposition des entreprises pour investir et embaucher. Et, bien sûr, les emplois aidés sont absolument décisifs aujourd'hui pour répondre à un certain nombre de situations totalement inadmissibles : pour les jeunes sans emploi et sans formation, ce sont les emplois d'avenir.

Monsieur le député, vous l'avez vu hier à Lyon, et c'est comme cela sur l'ensemble du territoire français : ça y est, ça a démarré, ça marche fort, les emplois d'avenir !

Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Je demande aux uns et aux autres, plutôt que de continuer à critiquer, de s'inscrire dans cette réussite et d'apporter des solutions concrètes à des jeunes qui en ont besoin.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

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La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

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Le groupe UDI s'associe à l'hommage rendu à Pierre Mauroy.

Applaudissements sur de nombreux bancs.

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Élu du Nord, j'ai une pensée particulière pour cet homme du Nord qui savait dépasser les clivages, dans l'intérêt de toute la métropole lilloise.

Un député du groupe UMP. Ça a bien changé !

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Monsieur le ministre de l'éducation nationale, la réforme des rythmes scolaires, qui, je cite, « s'applique de plein droit dès la rentrée 2013 », soulève deux nouvelles incertitudes pour les familles et les élus locaux préparant cette rentrée.

D'une part, par une lettre du 24 janvier, vous vous engagiez auprès des maires sur l'assouplissement des taux d'encadrement des activités périscolaires. Or le Conseil d'État vient de rejeter le projet de décret sur ce sujet.

D'autre part, le doute reste complet quant aux modalités de participation des caisses d'allocations familiales au financement des temps d'activités périscolaires.

Vous comprenez bien l'inquiétude des familles et des élus locaux, alors que le temps presse, à un mois des vacances d'été. Les communes organisent, en ce moment même, les recrutements d'animateurs, planifient les activités et lancent les inscriptions des enfants pour la rentrée.

J'ajoute que ces deux incertitudes cumulées entraîneraient, pour les communes qui mettent en oeuvre la réforme dès septembre prochain, un surcoût considérable, susceptible de remettre en cause le bon déroulement de la rentrée scolaire. Il est donc urgent de clarifier les conditions de mise en oeuvre de cette réforme.

Ma question est donc simple : au bout du compte, quel sera le taux d'encadrement en vigueur à la rentrée 2013 ? Quelles garanties pouvez-vous apporter aux communes quant au financement des caisses d'allocations familiales pour les temps d'activités périscolaires ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.

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La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Monsieur le député, merci pour la précision de votre question. Je reconnais la légitimité de vos inquiétudes sur les deux points et je souhaite vous rassurer.

Pour ce qui est des taux d'encadrement, malgré la décision de la section sociale du Conseil d'État, nous conserverons un encadrant pour quatorze enfants de moins de six ans et pour dix-huit enfants de plus de six ans, taux que nous avions décidés après consultation des collectivités locales. Cela fonctionnera. Le Conseil d'État ne s'est pas prononcé sur le fond et nous recherchons avec lui, sur la forme, les moyens de concrétiser cela dès la rentrée.

Pour ce qui est du financement, il s'agit d'une rumeur. La Caisse nationale des allocations familiales prend pleinement sa responsabilité, à la fois pour le temps périscolaire pris en charge de façon supplémentaire avec la réforme des rythmes, et pour toutes les autres activités périscolaires, en particulier les accueils de loisir, déjà pris en charge.

La loi, vous le savez, a inscrit le fonds d'aide aux communes à son article 47. Nous recevrons jeudi une dernière fois les associations d'élus pour leur présenter le décret que nous avons préparé. Je pourrai donner des instructions dès la semaine prochaine.

Sur les deux sujets qui vous inquiètent légitimement, je peux ainsi vous apporter l'assurance que les choses fonctionneront comme il se doit.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

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La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le ministre du redressement productif, Goodyear, Lafarge ou Petroplus : on ne compte plus les sites industriels en difficulté dans la France de François Hollande.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Ben voyons !

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Qu'il est loin déjà le temps où vous montiez sur les estrades syndicales pour tenir aux salariés un discours enjôleur, mais trompeur… Aussi à Florange n'ont-ils pu que dresser une stèle à la mémoire de vos engagements. Aujourd'hui, ce sont les salariés de Michelin qui s'interrogent sur votre absence de politique industrielle. Les dirigeants de la société en effet pointent « la question du coût du travail » et « un droit du travail complexe » dans la décision de fermeture de l'activité poids lourds à Joué-lès-Tours.

En Indre-et-Loire, 730 salariés – soit autant de familles et de vies cassées – vont devoir assumer ce traumatisme. Votre gouvernement et le député de la circonscription étaient au courant de cette situation depuis bien longtemps. Michelin a signé votre pacte de compétitivité. Or je tiens à rappeler que c'était un outil de votre fameuse boîte, qui était censé aider les entreprises.

Dans ce dossier, comme depuis un an, votre responsabilité est grande. Vous avez rayé d'un trait de plume la fiscalité anti-délocalisation et la TVA compétitivité. Une récente étude de Ernst & Young montre d'ailleurs la perte d'attractivité de la France. Votre stratégie de la défausse permanente, sur le mode du « c'est pas moi, c'est la faute du précédent gouvernement » ne tient plus, et ne dupe plus personne. Cette argumentation que vous utilisez tout le temps nourrit la montée des populismes, ne l'oubliez pas ! Vous devrez un jour en rendre des comptes.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Monsieur le ministre, poserez-vous cette fois dans les magazines en bonhomme Michelin plutôt qu'en marinière ?

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Quelle désillusion pour ceux qui avaient cru au changement ! Sachez, monsieur le ministre, que les mensonges ne tiennent jamais longtemps. Allez-vous enfin prendre des mesures pour que la France progresse ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Merci, madame. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Croyez bien que la situation de Joué-lès-Tours nous préoccupe et que nous partageons la violence de la dureté de la situation vécue par les familles, les élus, quels qu'ils soient, et les salariés de cette entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais concrètement ? Nous voulons des faits !

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

D'ailleurs, avec Michel Sapin, nous avons dit à Michelin que toute personne qui perdrait son emploi à cause de Michelin devrait retrouver un emploi grâce à Michelin.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Nous avons imposé cette exigence directement à la direction du groupe.

Madame Greff, je voudrais vous donner quelques informations que vous semblez ignorer. Michelin n'a pas seulement annoncé la fermeture de Joué-lès-Tours, mais également un plan d'investissement massif sur quatre ans en France, pour près d'un milliard d'euros – 800 millions d'euros pour être exact. Il a annoncé le maintien de sa base industrielle France pour une capacité maintenue de production de 1 600 000 pneus de poids lourds par an. Michelin a même annoncé son intention d'accroître la production française par les exportations. Il a souhaité réorganiser, en doublant ses capacités, une usine semblable à La Roche-sur-Yon, ce qui correspond à une fusion avec l'usine de Joué-lès-Tours. Cela permettra à cette usine de se battre à armes égales avec la concurrence chinoise et indienne dans le pneumatique. Enfin, Michelin a annoncé la création de 450 emplois : 220 à Montceau, 90 au Puy et 170 à La Roche-sur-Yon.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Michelin s'est aussi engagé à maintenir un volant d'embauche important pendant les quatre ans du plan, puisque sur les 2 000 départs à la retraite, 1 800 seront remplacés.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Nous avons dit à Michelin de s'occuper des salariés de Joué-lès-Tours : ils ne devront pas aller à Pôle Emploi.

Situation de Michelin à Joué-lès-Tours

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La parole est à M. Laurent Baumel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre du redressement productif, la direction du groupe Michelin a annoncé hier la suppression d'ici au premier semestre 2015 de 730 emplois sur les 960 que compte aujourd'hui son site de Joué-lès-Tours, dans ma circonscription. Certes, Michelin semble inclure cette décision dans un plan d'ensemble comprenant des investissements importants en France. Néanmoins, cette décision est, selon vos propres mots, monsieur le ministre, une « déflagration » pour Joué-lès-Tours et la Touraine. C'est un véritable choc, aussi bien pour les salariés qui vont perdre leur emploi que pour leurs familles, les sous-traitants qui travaillaient pour Michelin et l'ensemble du tissu économique local.

Comme pour d'autres territoires qui ont subi ce type de décisions, je pense à tous ces salariés qui ont acheté leur maison, construit leur vie familiale et qui ne pourront accepter d'être déplacés comme des pions dans un plan de reclassement. Au-delà des salariés, c'est un territoire qui se sent abandonné, car Michelin fait partie de son histoire depuis cinquante ans. Les Tourangeaux ont beaucoup donné à ce groupe et contribué à ce qu'il devienne le fleuron industriel mondial que l'on connaît. Dans ces conditions, monsieur le ministre, les élus et la population ne pourront se satisfaire de mesures d'accompagnement.

Certes, nous sommes conscients de la baisse du marché du pneu poids lourds, mais nous voulons d'abord connaître le bien-fondé industriel, et non simplement financier, d'une décision de regroupement de toute cette activité sur le seul site de La Roche-sur-Yon, surtout lorsque l'on considère les deux milliards d'euros de bénéfice réalisés par le groupe l'année dernière et sa responsabilité morale et humaine vis-à-vis de la Touraine. Nous demandons que Michelin réinvestisse aussi sur le site de Joué-lès-Tours pour y développer de nouvelles activités économiques et de nouveaux emplois industriels.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous souhaiterions savoir si vous êtes entré en contact avec la direction de Michelin pour obtenir des explications…

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…sur ce qui a motivé ses choix. Pouvez-vous nous dire si le Gouvernement compte interpeller le groupe Michelin afin d'obtenir la garantie que celui-ci investisse à Joué-lès-Tours ?

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Michelin a en effet pris la décision de redéployer ses activités industrielles pour résister aux attaques, souvent déloyales d'ailleurs, des pays low cost dans le pneu poids lourds. Cette mesure est nécessaire, car nous risquions inévitablement de perdre tôt ou tard cette activité productive sur la base industrielle France. Les mesures que nous avons demandées à Michelin sont d'abord des mesures de considération pour les salariés, mais aussi pour le territoire, notamment à Joué-lès-Tours où il y a eu en effet une véritable déflagration.

Plusieurs députés du groupe UMP. Trop de charges !

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Les premières mesures sont les mesures d'âge pour les salariés les plus âgés, avec une prise en charge par Michelin de l'accompagnement vers la retraite. S'agissant des 430 salariés qui ne sont pas concernés par ces mesures d'âge, nous avons demandé au groupe qu'il se débrouille et qu'il assume sa responsabilité économique, sociale et humaine. Premièrement, il doit proposer à ceux qui n'accepteront pas la mobilité à l'intérieur des autres sites Michelin de retrouver un travail dans la région de Tours.

Exclamations sur les bancs du groupe GDR.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Deuxièmement, nous avons demandé à Michelin de procéder à la réindustralisation, en tenant compte du fait que l'entreprise maintient, en y investissant 22 millions d'euros, 200 emplois sur le site de Joué-lès-Tours, pour des activités de spécialités qui serviront l'ensemble des autres usines du groupe.

L'ensemble de ces éléments m'amène à vous proposer que les élus du territoire, le Gouvernement et les partenaires sociaux entrent en dialogue avec la direction de Michelin, de manière à ce que la responsabilité de celle-ci, qui est engagée, soit effectivement exercée. Nous l'avons fait dans d'autres dossiers. Nous savons le faire. Si tout le monde s'y met, nous pourrons réussir.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

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Monsieur le président, chers collègues, le groupe écologiste s'associe à son tour à l'hommage de la nation à Pierre Mauroy.

Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.

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Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique.

Un projet de règlement européen sur la protection des données personnelles est actuellement débattu au Parlement européen. Il vise à mieux protéger les citoyens face aux nouveaux dangers de dissémination de leurs données personnelles. Les grandes entreprises informatiques, telles que Google, Microsoft, Facebook ou Apple, ne supportent pas cette volonté de protection des citoyens. Elles ont d'ailleurs lancé une opération de lobbying d'une ampleur inégalée. Il existe donc un danger sérieux que ce projet de règlement soit vidé de son sens.

Les risques sont nombreux. Ainsi, les données de Facebook permettent déjà de déterminer les affinités politiques ou l'orientation sexuelle, même lorsqu'elles ne sont jamais affichées. Jeudi dernier, le lanceur d'alerte Edward Snowden, ancien de la CIA et de la National Security Agency, a révélé au Guardian l'existence du programme Prism qui permet au gouvernement américain d'accéder aux données des serveurs des géants de l'informatique : Google, Facebook et d'autres lui fourniraient, sur simple demande, tous les renseignements personnels, mails ou photos des internautes non américains. La réponse de ces entreprises est que seuls ceux qui ont quelque chose à cacher devraient être inquiets. Le caractère privé des opinions personnelles est pourtant la base de notre démocratie.

Dans les années trente, les Pays-Bas ont organisé, avec un système IBM, un recensement religieux de leur population pour déterminer le financement des cultes. Lors de l'invasion des Pays-Bas en mai quarante, ce fichier a permis aux nazis d'éliminer les Juifs très rapidement. Cela démontre bien qu'une base de données personnelles couvrant toute la population européenne peut permettre des usages infiniment plus inquiétants que ne le disent leurs promoteurs.

Madame la ministre, vous avez annoncé un projet de loi « Protection des données personnelles » en février dernier. Quand sera-t-il présenté en Conseil des ministres ? Quelles mesures prendra le Gouvernement pour s'assurer que les entreprises et le gouvernement américains n'accèdent pas à des quantités effarantes de données privées concernant les citoyens français ?

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Madame Attard, je vous remercie pour votre question et je souhaite rappeler en préambule qu'Internet est une grande avancée pour la liberté d'expression et une source d'innovation pour nos entreprises. De tels bénéfices ont été rendus possibles grâce à un Internet ouvert et libre, auquel ce gouvernement reste attaché et qu'il entend préserver.

Les données personnelles sont le carburant de l'économie de la connaissance et des services de demain. Mais vous avez raison : leur exploitation massive, qui est source de création de valeur, révèle aussi de nouveaux dangers. La protection des données personnelles est donc un enjeu absolument majeur. C'est pourquoi, dans le cadre des négociations sur ce règlement européen, notre objectif est de combiner protection des données des personnes et dynamisme du secteur numérique. Il s'agit de garantir aux entreprises une concurrence équitable avec les acteurs extra-européens et de limiter leurs charges administratives, mais aussi de donner aux individus utilisateurs le contrôle de leurs données et de leur permettre de s'adresser à la CNIL. Un tel équilibre n'était pas garanti par la proposition d'accord soumise au Conseil européen la semaine dernière, et c'est pourquoi la garde des sceaux, au nom du gouvernement français, a refusé d'y souscrire.

Sur la question des transferts de données, notamment hors d'Europe, sachez que nous veillerons à exiger des garanties très fortes en la matière car la situation actuelle n'est pas du tout satisfaisante. Les règles du Safe Harbor sont en effet moins protectrices que le cadre européen.

Enfin, s'agissant du projet de loi numérique que vous avez également évoqué et qui a été annoncé en février, il fait l'objet d'un travail avec les ministères de l'intérieur et de la justice. Son objectif sera de protéger les libertés en ligne en donnant plus de droits aux personnes et plus d'importance au rôle de la CNIL.

Nos exigences, madame la députée, sont extrêmement fortes pour éviter un « Bolkestein » des données personnelles.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Madame la ministre des affaires sociales, alors que vendredi paraît le rapport Moreau, ma question concerne la future réforme des retraites, que vous avez bien du mal à engager… Et pour cause ! Confrontés à la réalité du terrain et non plus baignant dans les fantasmes que vous entreteniez du temps où vous étiez dans l'opposition, vous et vos collègues vous retrouvez tellement embourbés dans vos mensonges que vous ne savez plus si vous devez reculer ou avancer.

2003 : le Parti socialiste dénonce, par la voix de son porte-parole Benoît Hamon, la décision du Gouvernement d'allonger la durée de cotisation. Quelques mois plus tard, dans le texte de sa motion pour le congrès de Dijon, François Hollande promet de « conserver le départ à la retraite à soixante ans ».

2010 : vous annoncez tambour battant « un retour à l'âge légal à soixante ans ».

« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.

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2012 : alors là, c'est le grand flou.... On ne sait plus qui écouter dans la cacophonie ambiante de votre camp, où seule compte la victoire. Vous érigez l'âge légal de soixante ans en totem, excluant tout allongement de la durée de cotisation avant au moins 2020 – mais force est de constater qu'il y avait bien un loup derrière tout cela.

Enfin, il y a encore quelques jours, vous excluiez avec force et conviction l'idée même de travailler plus longtemps.

À ce niveau d'incohérence, l'on peut se demander s'il s'agit de mensonges ou d'incompétence.

« Les deux ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Résultat : sur ce sujet comme sur tant d'autres, votre gouvernement est complètement perdu ! Dernier exemple en date : dimanche dernier, la porte-parole du Gouvernement a peiné pour trouver un exemple de réforme menée par le gouvernement de gauche dans le domaine des retraites La raison est simple : il n'a jamais rien entrepris sur le sujet !

Le mensonge a été l'oxygène de votre campagne présidentielle, mesdames, messieurs les socialistes ; aujourd'hui, il vous asphyxie et empêche le pays d'avancer.

Au sujet des retraites, ce que nous attendons de vous, madame la ministre, et de votre gouvernement est simple : ramener tous les régimes aux mêmes conditions, à savoir même durée de cotisation, même âge de départ à la retraite et même mode de calcul ; pas de mesure hypocrite en jouant uniquement sur la durée de cotisation.

Madame la ministre, ma question est simple : à l'heure où il est plus que temps de se mettre au travail et de ne plus promettre tout et n'importe quoi, serez-vous enfin capable, face à la représentation nationale, de dire la vérité aux Français et donner les grandes lignes de la réforme des retraites ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser Marisol Touraine, retenue en ce moment au Sénat, et qui aurait certainement aimé répondre à votre question.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Pourrions-nous convenir au moins d'une chose, monsieur Robinet : sur un sujet comme celui-ci, ce n'est peut-être pas la peine d'utiliser les grands mots que vous prononcez.

Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

En effet, la première constatation que nous pourrions faire ensemble, c'est qu'au cours de ces dernières années, il y a eu au moins trois si ce n'est quatre réformes des retraites.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

À chaque fois, vous ou vos amis les avez présentées comme étant la dernière des réformes, celle qui allait résoudre tous les problèmes ! En 2010, la plus récente a, elle aussi, été présentée comme l'ultime ! Or vous n'avez rien réglé ! Le déficit est toujours là : 20 milliards de déficit à l'horizon des années 2020. L'injustice est toujours là : vous l'avez renforcée.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Comment donc allons-nous agir ? Tout d'abord, monsieur le député, contrairement à ce que vous et votre majorité avez fait, nous allons agir par le dialogue

Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

, à travers le respect des autres, le respect des partenaires sociaux

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

, par la recherche, autant que faire se peut, d'un certain nombre de directions communes. Vous savez, quand on agit par le dialogue, on agit dans la durée, alors que vous, vous avez agi uniquement dans la dureté. Nous avons une méthode : celle du dialogue. Elle commence par le rapport de Mme Moreau que vous avez mentionné et que nous pourrons analyser ensemble ; elle continuera par la grande conférence de la fin de la semaine prochaine, qui permettra à tous les partenaires d'aborder le sujet ; elle se prolongera par la concertation au cours des mois de juillet et d'août et du début du mois de septembre, pour trouver les meilleures solutions, c'est-à-dire les solutions efficaces pour installer dans la durée un système auquel nous tenons, celui du système par répartition, un système juste et solidaire !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.

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La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le président, chers collègues, avant de poser ma question à M. le ministre des outre-mer, M. Victorin Lurel, je voudrais saluer la performance et la qualité du travail fourni par notre délégué junior, Laurent Peretti, qui mérite des applaudissements.

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs.

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Monsieur le ministre, lors des élections territoriales du 6 mai dernier, les Polynésiens ont marqué à plus de 70 % leur attachement à la République. Le gouvernement nommé le 17 mai dernier hérite d'une gestion indépendantiste catastrophique : 30 % des Polynésiens vivent sous le seuil de pauvreté ; le taux de chômage s'élève à plus de 25 % ; près de 15 000 emplois ont été détruits, des centaines d'entreprises ont fermé ; la protection sociale polynésienne est en péril.

Durant cette sombre période, les Polynésiens ont eu un profond sentiment d'abandon de la part de l'État. C'est sur ce terreau de détresse sociale qu'a prospéré l'illusion de l'indépendance.

Aujourd'hui, le nouveau gouvernement de la Polynésie française souhaite résolument se tourner vers l'avenir. Il s'est engagé dans une politique de redressement des finances publiques, de diminution de la dépense et de réforme fiscale. Ce préalable permettra une relance économique au travers de la commande publique et des conventions de coopération entre les secteurs public et privé.

Si le gouvernement polynésien assume pleinement ses responsabilités, il ne saurait être privé de la solidarité nationale pour l'accompagner dans ses efforts de redressement et de développement. Les Polynésiens souhaitent qu'un dialogue serein et constructif avec l'État soit renoué et veulent surtout croire en la présence de la France à leurs côtés dans ces moments difficiles.

Comment l'État envisage-t-il son soutien au gouvernement de la Polynésie française afin de l'accompagner dans ses efforts de redressement ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et quelques bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Monsieur le député, vous me permettrez de m'associer à l'hommage que vous avez rendu aux délégués juniors et singulièrement à celui de la Polynésie française.

Vous m'interrogez sur le soutien de l'État au développement économique et social de la Polynésie française. Ma réponse sera simple et elle a d'ailleurs déjà été donnée il n'y a pas si longtemps dans cet hémicycle.

Le Gouvernement conduit par Jean-Marc Ayrault respecte scrupuleusement un principe simple et cardinal : servir également tous les Français quels que soient leurs origines ou leurs territoires. Lorsque nous sommes arrivés en mai 2012, nous avons trouvé une situation financière et budgétaire singulièrement dégradée

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Et le gouvernement de l'époque était singulièrement bloqué.

Nous avons signé une convention portant plan d'assainissement et de redressement et nous avons immédiatement débloqué 50 millions d'euros qui avaient été votés, tenez-vous bien, en loi de finances rectificative de 2011. L'ancien gouvernement refusait de débloquer ces fonds-là. C'est aujourd'hui chose faite.

Ce plan de redressement prévoyait aussi d'apporter la garantie de l'État pour que la Polynésie puisse avoir accès au crédit bancaire. La banque SOCREDO a accepté de financer l'assemblée et le pays pour un montant de 40 millions d'euros, avec la garantie de l'Agence française de développement qui était obstinément refusée auparavant.

N'ayez crainte, ce Gouvernement restera impartial en Polynésie comme ailleurs.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Plus haut, toujours plus haut, est-ce l'objectif du Gouvernement, monsieur le Premier ministre ? Nous pourrions le partager s'il ne s'agissait pas hélas du chômage et de son record historique, de l'augmentation des impôts, des charges sociales et des dépenses publiques.

Nombre d'indicateurs économiques sont dans le rouge ; le pouvoir d'achat et la consommation diminuent ; des entreprises sont en difficulté et certaines disparaissent dans chacune de nos circonscriptions. Enregistrer 50 000 chômeurs de plus chaque mois, ce n'est pas acceptable. Trop, c'est trop.

La situation est grave, mes chers collègues, et nos concitoyens nous alertent chaque jour sur leurs difficultés. Les jeunes et les seniors sans emploi sont désespérés ; les retraités s'estiment oubliés ; la famille est attaquée et les classes moyennes, qui travaillent et ont des enfants, deviennent les mal aimés du Gouvernement. Après les allocations familiales, irez-vous, monsieur le Premier ministre, jusqu'à diminuer les aides aux personnes dépendantes, comme la presse s'en fait l'écho ?

Ces derniers jours, les perspectives se sont encore alourdies dans deux domaines : les chiffres de la délinquance ne font que monter car le laxisme et la culture de l'excuse ne favorisent pas la sécurité ; et il faut déplorer une nouvelle hausse prévisible du déficit de la Sécurité sociale.

Devant une telle faillite de votre politique économique et un avenir aussi sombre, monsieur le Premier ministre, vous qui êtes au pouvoir depuis plus d'un an et ne pouvez plus critiquer vos prédécesseurs, quand allez-vous prendre vos responsabilités et agir avec efficacité pour que nous sortions de la crise comme le font d'autres pays ?

Pour conclure, je voudrais dire à M. Sapin que si l'actuelle majorité avait voté pour notre réforme des retraites, nous n'en serions certainement pas là aujourd'hui.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Merci, monsieur le député, pour le sens de la nuance dont vous avez fait preuve en posant cette question qui n'en était pas une, en réalité, mais un simple tissu de contrevérités désagréables

Exclamations sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

C'est maintenant une habitude, de ce côté de l'hémicycle, quand vous abordez cette séance.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Vous ne vous rendez pas compte qu'en procédant ainsi vous donnez de notre pays – je dis bien de notre pays et non pas de tel ou tel gouvernement – une image négative qui n'est pas conforme à la réalité. La France est un grand pays, la cinquième puissance économique du monde et la deuxième de l'Union européenne. C'est un pays moteur de l'Union européenne.

Ce gouvernement, conduit par Jean-Marc Ayrault, sous l'impulsion du Président de la République, s'emploie à redresser le pays

Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

que vous avez laissé dans une situation qui n'était pas satisfaisante, qu'il s'agisse des déficits, du chômage ou de la dette.

Je pourrais faire une réponse aussi évasive que la question, mais je me limiterai à quelques points pour vous dire comment nous redressons ce pays. Hier, j'étais dans la région Poitou-Charentes avec Nicole Bricq.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Nous avons visité de belles entreprises qui utilisent le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, une mesure qui soutient la compétitivité française.

Exclamations continuelles sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Nous avons visité de belles entreprises qui bénéficient de l'extension du crédit d'impôt recherche qui permet d'innover. Nous avons visité de belles entreprises qui mettent en oeuvre les emplois d'avenir ou les contrats de génération.

Voilà la politique que nous menons. C'est une politique de redressement qui commence à porter ses fruits. Si la France se trouve dans une position compliquée dans la zone euro, l'indice de la production industrielle s'améliore et la croissance devrait repartir au prochain trimestre.

Vous devriez être à nos côtés pour redresser la France plutôt que de la dénigrer comme vous le faites.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, M. Manuel Valls.

La mort de Clément Méric, il avait dix-huit ans, a provoqué une vive émotion dans ma ville, dans sa ville, Brest, parmi ceux qui le connaissaient et bien au-delà, comme dans l'ensemble de la communauté nationale. Par respect pour sa mémoire et la douleur de ses parents, je veux porter ici le témoignage d'amis proches de sa famille.

Clément était un garçon d'une grande intelligence, et d'une maturité précoce. Il avait été brillamment reçu au baccalauréat, alors qu'il était à peine sorti d'une maladie grave. Avec courage. Il avait été reçu à Sciences Po dans la foulée. C'était aussi un amateur de musique, de littérature et de tas de belles choses. Il avait des convictions politiques bien affirmées, mais nullement sectaires. Au coeur de ses convictions, se trouvaient le refus de l'injustice mais aussi la non-violence.

Monsieur le ministre, les circonstances tragiques de son décès sont insupportables. Cet acte odieux est avant tout l'expression de la haine et de la violence. Ces valeurs sont prônées en France par des groupes d'extrême-droite.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous devons bien en mesurer l'importance, car c'est le contrat républicain que ces groupes voudraient détruire. Dans une vieille démocratie comme la nôtre, la liberté d'expression est protégée mais la violence n'est pas tolérée, elle n'est jamais admise. Partout en France, la jeunesse s'est rassemblée pour le rappeler : la haine fait reculer l'humanité. Cet élan républicain de la jeunesse est l'honneur de notre pays.

Monsieur le ministre, vous avez tiré des conclusions fortes de cet événement. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous indiquer les mesures que vous avez prises ?

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Madame la présidente, je comprends votre émotion quand vous parlez de ce jeune homme d'origine brestoise, un garçon de dix-huit ans, qui n'avait qu'une envie, réussir sa vie, et qui avait le droit, comme d'autres, d'avoir des convictions, mais qu'on n'avait pas le droit de brutaliser jusqu'à la mort, comme cela s'est passé l'autre jour. L'indignation qui est la vôtre et celle de tous ceux qui l'ont connu, ou qui ont connu sa famille, c'est aussi l'indignation de l'immense majorité des Françaises et des Français et, je crois pouvoir le dire aussi, de la représentation nationale.

Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement ne tolèrera pas la violence, ne tolèrera pas que se diffusent la haine, le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme, l'homophobie, toutes les formes de haine et de violence qui peuvent conduire jusqu'à la mort. Alors, oui, le Gouvernement est déterminé à agir. D'ailleurs, la justice a déjà commencé à agir, puisque, comme vous le savez, l'enquête qui a été diligentée par le parquet, avec le concours de la police judiciaire, a très vite mené à des arrestations. Le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, a particulièrement veillé à ce que les forces de police soient mobilisées pour aller vite et, aujourd'hui, plusieurs interpellations ont permis des mises en examen. Je fais toute confiance à la justice pour que les responsables de cet acte odieux soient jugés et condamnés sévèrement grâce aux lois que notre République s'est données et que vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, avez pu voter.

Mais le mal est plus profond. Quand un jeune homme, chéri de ses parents, apprécié de tous, profondément engagé dans la défense de ses idéaux, meurt dans un tel drame, c'est notre République qui est atteinte, et c'est notre République que nous devons défendre. Et nous devons de toutes nos forces barrer la route à ces idées qui, malheureusement, demeurent encore, et parfois prospèrent, des idées d'inspiration fasciste, des idées d'inspiration néo-nazie, qui ont fait tant de mal à la France, et tant de mal à l'Europe.

C'est pourquoi j'ai demandé au ministre de l'intérieur, comme également, à la garde des sceaux, de regarder ce que nous pouvions faire sur la base de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure issu de la loi du 10 janvier 1936, de regarder les conditions de dissolution des groupuscules d'extrême-droite qui provoquent la haine raciale que je viens d'évoquer.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et ceux d'extrême-gauche ?

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Sur la base de ces éléments, les éléments qu'il m'a transmis…

Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Mesdames et messieurs de la droite, vous pourriez faire preuve d'un petit peu de dignité.

Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Il y a un jeune homme qui est mort, des arrestations ont eu lieu, des mises en examen ont eu lieu, la justice se prononcera.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Nous savons simplement que les auteurs présumés appartiennent à des groupes d'extrême-droite, à des services d'ordre d'extrême-droite. C'est d'eux qu'il s'agit et c'est sur eux que j'ai demandé au ministre de l'intérieur de me faire un rapport, qu'il m'a remis le 8 juin. Aussitôt, je lui ai demandé d'engager la phase contradictoire,…

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

…conformément à la loi de 1936, qui consiste à engager la procédure de dissolution des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires. La même phase contradictoire sera également engagée pour le groupe Troisième Voie et pour tous les groupes et associations d'extrême-droite contraires aux valeurs et aux lois de la République.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que le Gouvernement a engagé, dans le respect des lois de la République. Nous ferons preuve de la plus grande des intransigeances mais, encore une fois, dans le respect de la loi, et ce n'est qu'à l'issue de cette procédure contradictoire qui prendra quelques jours que, si elle conclut à la dissolution, le Président de la République prendra un décret de dissolution en conseil des ministres.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.

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La parole est à M. Olivier Audibert-Troin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Mea question s'adresse à monsieur le Premier ministre, mais, en premier lieu, je souhaite adresser aux otages français retenus au Sahel depuis maintenant pratiquement 1 000 jours une pensée, une pensée de cette terre de France qu'ils aiment tant, et de la représentation nationale solidaire face à l'épreuve qu'ils traversent et que traversent leurs familles.

Monsieur le Premier ministre, toutes les violences, toutes les haines sont condamnables, celles des groupuscules d'extrême-droite, certes, mais aussi celles des groupuscules d'extrême-gauche.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Monsieur le Premier ministre, votre équipe est en place depuis un an. Un premier bilan peut donc être dressé, notamment en matière de sécurité, droit fondamental pour chacun de nos concitoyens.

Les résultats obtenus sont désormais les vôtres. Ils sont à vous et à vous seul. Cambriolages : de + 5 % à + 14 %. Vols avec violence : de + 3 % à + 5 %. Vols à la tire : de +13 % à +35 %. Violences sexuelles : + 28,6 %. Parallèlement, les taux d'élucidation dégringolent

Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je comprends, chers collègues, que ces chiffres aient plutôt tendance à vous ennuyer.

S'attaquer à la délinquance, à l'insécurité, demande certes des moyens mais, avant tout, une volonté farouche. Or votre gouvernement n'a tiré aucune leçon des errances des années Jospin.

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Voilà que la culture de l'excuse s'invite ici, dans ces travées, et que le laxisme est devenu la règle de votre politique pénale, créant un climat d'impunité chez les délinquants : abrogation programmée des peines planchers et de la rétention de sûreté ; suppression annoncée des tribunaux correctionnels pour mineurs ; refus de construire de nouvelles prisons ; réflexion en cours sur un mécanisme de libération conditionnelle automatique des détenus.

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Monsieur le ministre de l'intérieur s'est dit, et c'est son droit, prêt à exercer les plus hautes responsabilités. Nos concitoyens, eux, et c'est leur droit aussi, demandent…

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Merci !

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Monsieur le député, attention, d'abord, aux amalgames et aux confusions. Le Gouvernement, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, notamment à l'occasion de la présentation de la loi anti-terroriste, sera impitoyable à l'égard de tous les groupes qui s'en prennent aux institutions et à la République. En l'espèce, comme vient de le rappeler avec force le Premier ministre, ceux qui ont tué un jeune homme, Clément Méric, ce sont des groupes d'extrême-droite, et installer la confusion, installer le parallèle, par rapport à l'histoire de notre pays, avec ceux qui se sont engagés, depuis toujours, dans la lutte contre l'extrême-droite et contre les fascistes, c'est installer une confusion dangereuse, notamment dans cet hémicycle, car nous partageons tous la même idée de la République, sur tous les bancs, je le crois. Faites attention à cette confusion, faites attention à cet amalgame !

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

De la même manière, monsieur le député, je le répète, quand il s'agit de la lutte contre la délinquance, contre la violence, une violence qui est présente, qui ne cesse d'augmenter depuis trente ans, notamment la violence contre les personnes, ce que j'attends, comme ministre de l'intérieur – les maires, sur tous les bancs, sont bien capables de se mobiliser ! –, c'est qu'on ne caricature pas les chiffres, c'est qu'on n'exploite pas la délinquance, c'est qu'on soit capable de se rassembler, précisément, au nom des valeurs de la République. Et moi, monsieur le député, j'ai la conviction que la politique que nous avons mise en oeuvre, la coopération entre, d'une part, la police et la gendarmerie et, d'autre part, la justice – car nous ne mettons pas en cause, nous, la justice, qui est au coeur de l'État de droit –, j'ai la conviction que cette politique est déjà en train de payer. Aujourd'hui, dans bien des départements, y compris le vôtre, la délinquance crapuleuse est en train de reculer. Moi, j'ai confiance dans la police et dans la gendarmerie, j'ai confiance dans les forces de l'ordre.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Yann Capet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Brittany Ferries, SNCM, My Ferry Link : ces trois compagnies maritimes illustrent, chacune à leur manière, l'enjeu majeur représenté par le transport maritime sous pavillon français. Elles emploient aujourd'hui plusieurs milliers de marins et de sédentaires. Chaque jour, elles relèvent le défi de s'imposer dans un des secteurs qui subit le plus fortement les vicissitudes d'une concurrence exacerbée. Après la décision de la Commission européenne du 2 mai 2013, imposant à la SNCM le remboursement de 220 millions d'euros d'aides publiques jugées incompatibles avec les règles européennes de la concurrence, l'autorité britannique de la concurrence a interdit à deux navires de la compagnie My Ferry Link l'accès au port de Douvres. Pour cela, elle s'appuie sur des arguments qui apparaissent sinon fantaisistes, du moins dénués de tout fondement objectif.

Il est en effet difficile de prouver que la concurrence sera mieux préservée sur la ligne Calais-Douvres si deux compagnies y opèrent plutôt que trois ! Cette décision est d'autant plus incompréhensible qu'elle est en totale contradiction avec la position de l'autorité française de la concurrence, qui a validé le montage juridique et financier liant My Ferry Link à Eurotunnel, sous réserve d'une stricte séparation des activités de transport de fret des deux groupes. Je le rappelle : il s'agit de deux entités différentes !

Je ne doute pas que le Gouvernement conteste cette décision, comme il l'a fait à propos de la décision de la Commission européenne frappant la SNCM. Que ce soit pour la SNCM, ou pour My Ferry Link, vous jouez, monsieur le ministre, un rôle actif, qui tranche avec le silence assourdissant – et à certains égards méprisant – observé par le précédent Gouvernement. Il faut rappeler votre volontarisme et votre détermination dans la gestion du dossier SeaFrance, que votre prédécesseur avait laissé sur les quais de l'oubli et de la honte !

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.

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Depuis, les navires et de nombreux salariés de l'ex-compagnie SeaFrance ont repris la mer entre Calais et Douvres.

Monsieur le ministre, ma question est la suivante : comment entendez-vous agir pour trouver une issue favorable et rapide à cette situation ubuesque, et permettre ainsi le maintien du pavillon français dans la Manche et la mer du Nord ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Monsieur le député, vous avez raison de souligner qu'en arrivant aux responsabilités nous avons trouvé un secteur maritime exsangue.

Protestations sur quelques bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Une entreprise publique, SeaFrance, a été liquidée, entraînant la suppression de 1 500 emplois. Une autre compagnie, Brittany Ferries, connaît des difficultés : nous l'aidons régulièrement. Enfin, le Gouvernement travaille jour après jour pour assurer un avenir à la SNCM.

Vous avez décrit, monsieur Capet, cette situation. Dès le premier jour, nous nous sommes mobilisés pour sauver l'emploi français dans le secteur maritime. Le Parlement a adopté un projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de transports, dont certaines dispositions visent à éviter le dumping social dans le transport maritime, favorisant ainsi la compétitivité du pavillon français.

Il s'agit à présent de soutenir My Ferry Link. Vous savez à quel point le Gouvernement a été actif pour soutenir l'initiative des salariés de SeaFrance, qui ont sacrifié jusqu'à leurs indemnités de chômage pour constituer une société coopérative et participative, une SCOP. De cette manière, les navires sous pavillon français continuent d'être présents dans le transport maritime entre les deux rives de la Manche.

L'autorité de la concurrence anglaise, la Competition Commission, vient de prendre une décision. Cette décision est extrêmement grave : je viens de l'indiquer à mon homologue la semaine dernière. Je l'ai répété au secrétaire d'État aux transports hier, lors de la réunion du Conseil des ministres de l'Union européenne en charge des transports : cette décision va à l'encontre de celle de l'Autorité française de la concurrence, et ne respecte donc pas l'autorité de la chose jugée par une juridiction française. Le Gouvernement a fait appel de la décision de la Commission européenne à propos de la SNCM ; de la même manière, le Gouvernement est mobilisé pour défendre l'emploi français. Nous ne ménageons aucun effort pour que le pavillon maritime français ait un avenir, et pour que le bon sens l'emporte !

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Agriculture.

Samedi, toute la filière agricole et agroalimentaire bretonne était réunie à Loudéac, au coeur de la Bretagne. Il y avait là des paysans, qui voient leurs revenus baisser de manière dramatique : certains sont ruinés. Il y avait là des ouvriers qui savent que leurs emplois sont menacés : ils ont à l'esprit les noms de Doux et de Gad, et s'inquiètent en outre de l'avenir de toute la filière dinde. Il y avait aussi là des élus : ils savent que c'est leur territoire qui est en jeu.

Tous ces gens m'ont mandaté pour vous dire la chose suivante, monsieur le ministre : il nous faut un plan Orsec pour l'agriculture et l'industrie agroalimentaire bretonnes. Nous savons bien que tout ne dépend pas de vous, et que nos finances publiques sont dans une situation dramatique. Il reste néanmoins possible de prendre certaines décisions rapidement.

D'abord, on peut agir sur la question de l'étiquetage. Vous le savez, monsieur le ministre : après l'affaire de la fraude à la viande de cheval, les consommateurs le demandent. Les producteurs le demandent aussi. C'est très simple : le consommateur doit savoir où l'animal dont la viande est utilisée pour une préparation quelconque est né, a été élevé, a été abattu, et enfin où sa viande a été transformée. Cela ne dépend que de vous, que du Gouvernement !

Ensuite, le fameux choc de simplification pourrait constituer une avancée.

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Le Président de la République l'a annoncé : nous attendons les résultats !

Prenons un exemple très simple : les installations classées. Nous avions un peu progressé sur cette question avec le précédent ministre de l'agriculture. Nous devons encore progresser.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.

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De quoi s'agit-il ? Il faut respecter le droit de travailler, le droit d'investir ! Dans notre pays, il faut un ausweis pour investir !

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Sur ce point, nous pouvons évoluer. Respecter les règles européennes, pourquoi pas, mais nous n'avons pas de raisons de rajouter aux règles européennes des règles nationales.

Progressons : cela dépend de vous ! Qu'allez-vous faire immédiatement, monsieur le ministre ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Monsieur le député, vous savez que la situation de la Bretagne me préoccupe comme vous depuis quelque temps. Vous avez cité le nom d'un certain nombre d'entreprises qui connaissent ou ont connu des difficultés. Vous avez évoqué l'entreprise Doux : à peine étions-nous arrivés aux responsabilités qu'elle déposait le bilan et engageait un plan de redressement. Aujourd'hui, tout est fait pour que ces entreprises poursuivent leur activité.

Vous avez évoqué la situation de l'ensemble de l'agriculture bretonne. Différentes filières sont concernées, aussi bien le secteur de la production de lait que la filière porcine et la filière volaille.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Ces secteurs connaissent en effet, à des degrés différents, des difficultés. Il est nécessaire de repenser un plan global pour la Bretagne : j'en conviens tout à fait.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Pour ce qui concerne la production de lait, plus particulièrement, nous avons fait ce que jamais personne n'avait fait. Nous avons négocié et mis en place un médiateur pour augmenter le prix auquel les produits sont achetés aux producteurs. Si aujourd'hui, monsieur le député, nous avons des problèmes, ce n'est pas parce que cette table ronde a eu lieu. C'est parce que certains industriels ne remettent pas aux producteurs ce qui a pourtant été décidé, et accepté même par la grande distribution.

Nous avons aussi à régler les problèmes liés à l'étiquetage des produits. Il s'agit d'un problème d'ampleur européenne : nous avons commencé à agir à ce niveau. Mais il faut également s'organiser au niveau national. Plusieurs réunions ont eu lieu, en particulier avec les acteurs de la filière porcine et de la filière volaille, pour structurer des cahiers des charges et faire en sorte que la viande française soit reconnue et valorisée. C'est tout l'enjeu des documents sur lesquels nous travaillons et qui seront publiés début juillet : vous disposerez alors des éléments d'appréciation.

Enfin, vous avez évoqué la question des installations classées, et plus particulièrement la question de la filière porcine. Le choc de simplification ne doit pas aboutir à mettre en cause les règles qui encadrent la production, en particulier du point de vue environnemental. Au contraire, il doit permettre d'accélérer les projets qui doivent être réalisés : je suis d'accord avec vous sur ce point.

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Merci, monsieur le ministre.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Agriculture en Bretagne

La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente-cinq dans la salle Lamartine, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.

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L'ordre du jour appelle le débat sur Internet et la protection des données personnelles.

La Conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties.

Nous commencerons par une table ronde en présence de personnalités invitées. Vous aurez la possibilité de leur poser des questions. Puis nous procéderons, en présence du Gouvernement, à une nouvelle séquence de questions et de réponses, avec d'éventuelles répliques et contre-répliques.

La durée des questions et des réponses est limitée à deux minutes.

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Pour la première phase du débat, je souhaite tout d'abord la bienvenue à Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, à M. Jean-Marc Manach, journaliste, et à M. Loïc Rivière, délégué général de l'Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet.

Avant de commencer la première phase de notre débat, je donne brièvement la parole à Mme Laurence Dumont, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, à l'initiative de ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la présidente de la CNIL, monsieur Rivière, monsieur Manach, mes chers collègues, je suis heureuse d'ouvrir cette séquence de contrôle par cette table ronde sur le thème « Internet et protection des données personnelles » à laquelle je vous remercie d'avoir accepté de participer. Je regrette l'absence de la société Google, qui avait été invitée et dont je déplore le refus de se prêter à ce débat avec la représentation nationale.

Notre sujet fait partie du quotidien de tous les Français, en particulier des plus jeunes, mais ses impacts sur la vie privée ne sont pas toujours bien mesurés par les utilisateurs.

L'actualité de ces derniers jours aux États-Unis concernant l'Agence nationale de sécurité démontre, s'il en était besoin, la nécessité de ce débat. Comme le notait l'éditorial d'un journal du soir avant-hier : « Dans la séculaire bataille entre la sécurité et la liberté, la seconde gagne rarement. » À nous de faire mentir cet éditorial.

Le numérique prend une place de plus en plus importante dans notre économie : il représente plus de 8 % du PIB et plus d'1 million d'emplois, ce dont nous pouvons nous réjouir. Le développement des technologies et des services sur Internet avance toutefois à une vitesse vertigineuse, en complet décalage avec le temps législatif et réglementaire.

Tout en facilitant le développement de ce secteur économique qui recèle un vrai potentiel de croissance et d'emplois, nous avons pour mission et même pour devoir, en tant que parlementaires, de protéger la vie privée de nos concitoyens et les libertés publiques. C'est donc pour éclairer le législateur que le groupe socialiste a souhaité dans un premier temps recueillir le point de vue d'intervenants extérieurs avant d'interroger la ministre déléguée chargée de l'économie numérique sur les actions que le Gouvernement entend mettre en oeuvre.

Où en sommes-nous aujourd'hui en matière de collecte et de traitement des données personnelles ? Quelles en sont les conséquences sur la vie privée des citoyens ? Comment protéger celle-ci le plus efficacement possible et à quelle échelle – nationale, européenne, internationale – sans entraver le développement économique de ce secteur ? Telles sont les questions qui nous sont posées.

Ce débat, qui fait suite à de nombreux travaux, notamment une mission d'information commune sur la protection des droits de l'individu dans la révolution numérique, a lieu à point nommé, à l'heure où l'Europe réforme sa réglementation et alors que le Gouvernement a prévu dans sa feuille de route sur le numérique l'adoption d'une loi d'ici à 2014.

Le Parlement a, par plusieurs résolutions européennes, participé au débat sur les textes européens actuellement en discussion, et nous pourrons demander à la ministre de nous indiquer dans quelle mesure nos propositions ont été prises en compte dans les discussions européennes.

Il est indispensable de s'emparer de ce sujet avant qu'il ne soit trop tard, avant que nous ne soyons dépassés par un développement technologique que nous n'aurions pas su appréhender à temps. C'est maintenant que nous devons agir car il en est encore temps ; à nous de déterminer comment et à quelle échelle.

À n'en pas douter, vous nous aiderez à obtenir les réponses à ces interrogations en nous permettant de croiser les différents points de vue que vous représentez.

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Je vais donner maintenant la parole à chacun de nos invités pour une brève intervention.

La parole est à Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Debut de section - Permalien
Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de me donner la possibilité d'intervenir devant vous.

Pour commencer, je rebondirai sur le propos de Mme Laurence Dumont. Nous sommes en effet en train de changer d'univers. Nous sommes face à une explosion des données personnelles et à une facilité sans cesse accrue de leur traitement. En outre, ces données ont aujourd'hui une valeur économique, ce qui est tout à fait nouveau. Ni la loi « Informatique et Libertés » de 1978 ni la directive européenne de 1995 sur la protection des données à caractère personnel n'avaient conçu la protection des données personnelles des individus par rapport à la valeur économique. Cette protection est d'abord une protection de l'individu vis-à-vis de l'État et des tiers ; ce n'est pas un droit économique, du moins pour le moment.

Or les données personnelles changent progressivement d'univers. Désormais, leur intérêt réside dans la capacité économique actuelle et future qu'elles révèlent. À titre d'exemple, la géolocalisation servait jusqu'à présent à savoir où se trouvait une personne. Aujourd'hui, cet outil a une portée différente : il est intéressant de savoir qu'un individu se trouve à tel endroit parce qu'on va pouvoir lui offrir des services autour de cette localisation – des services de marketing, des coupons à acheter ou des réductions alléchantes dans un magasin ou un restaurant situés à proximité de l'endroit où il se trouve. Progressivement, les données personnelles commencent à susciter l'intérêt non pas uniquement parce qu'elles révèlent une information sur un individu, mais aussi parce qu'elles dévoilent la capacité économique présente et future de cet individu.

La question est donc la suivante : notre cadre juridique – la loi de 1978, la directive européenne de 1995 en cours de révision – est-il adapté à cette évolution ?

Concernant le cadre juridique européen, un projet de règlement a été proposé par Mme Viviane Reding, commissaire chargée de la justice, voici un an. Les discussions sur ce projet se déroulent dans un climat d'intense concurrence internationale sur la question du cadre juridique des données personnelles. Dans toutes les régions du monde, on légifère et on essaie d'élaborer un cadre normatif qui soit le plus attractif possible pour l'économie numérique.

La négociation de ce projet de règlement a rencontré beaucoup de difficultés. Vous le savez peut-être, un Conseil européen s'est tenu il y a quelques jours sous présidence irlandaise et a conduit à mettre le holà aux négociations sur ce texte. Tout cela n'est probablement pas sans lien avec le lobbying extrêmement virulent qui s'est exercé ces derniers mois auprès du Conseil européen, du Parlement européen et de la Commission européenne.

Malgré toutes ces difficultés, les Français, comme les Européens, ont intérêt à ce que ce texte aboutisse, et ce pour trois raisons au moins.

La première raison est opérationnelle : nous avons un système juridique qui date de 1995, donc d'une époque à laquelle Internet n'existait pas et la coopération opérationnelle entre les autorités était beaucoup moins nécessaire que maintenant. Nous avons impérativement besoin d'un cadre juridique des données personnelles qui corresponde à l'ère numérique.

La seconde raison est d'ordre symbolique : le sujet est majeur pour nos concitoyens. Nous, Européens, sommes très avancés sur la question. Si aucun texte n'est adopté, nous serons impuissants vis-à-vis de la concurrence internationale, vis-à-vis des Asiatiques et des Américains.

La troisième raison pour laquelle il faut que nous aboutissions à un texte est diplomatique. Avant que les négociations sur l'accord de libre-échange entre l'Europe et les États-Unis ne s'engagent véritablement, l'Union doit se mettre en ordre de marche sur la question de la protection des données personnelles, dans la mesure où celle-ci est très importante sur le plan commercial et où les intérêts d'acteurs économiques américains sont directement concernés. Il me semble donc très important de parvenir in fine, malgré les difficultés inhérentes à cet exercice, à un texte commun.

S'agissant du projet de règlement relatif à la protection des données personnelles, je voudrais appeler votre attention sur trois points. Le premier, que M. Jean-Marc Manach évoquera sans doute plus longuement, est celui du profilage et du consentement

Comme je l'ai dit en introduction, le profilage est au coeur de l'économie numérique et les données personnelles sont de plus en plus utilisées pour offrir des services toujours plus personnalisés, fixer un prix, innover dans l'offre. D'évidence, le profilage est bien différent de ce que nous connaissions jusqu'alors, les bases clients : il est permanent ; il peut être alimenté par des données publiques – auxquelles le responsable du traitement a accès sans que chacun en soit forcément conscient – et par des informations personnelles récupérées sur Internet ; enfin, il est largement ignoré des personnes concernées. La CNIL est donc très vigilante sur cette question.

Les discussions sur le projet de règlement ont achoppé sur la question du consentement. Cela tient en partie à la rédaction quelque peu compliquée de l'article 20, qui laisse à penser que le consentement serait la seule base légale possible du profilage. Les entreprises, qui craignent de devoir demander le consentement de l'internaute à chaque fois qu'elles mènent une action de profilage – lequel est de plus en plus au coeur de la vente – ont fait beaucoup de lobbying contre le consentement. Par réaction, les gouvernements ont renchéri en souhaitant le renforcer.

En réalité, la rédaction de l'article 20 est beaucoup plus fine, car elle autorise plusieurs bases légales : le consentement, le contrat et la loi – ce qui d'ailleurs existait jusqu'alors. Si c'est le consentement qui est la base du traitement des données, s'il le légitime, alors il ne peut être présumé. Il doit être clairement exprimé. Doit-il être « explicite » ou « non ambigu » ? Il ne s'agit pas de se battre sur les mots. La personne concernée doit manifester sa volonté de façon claire et précise.

En France, nous connaissons déjà cela avec l'opt-in, obligatoire pour le dépôt de cookies. La CNIL travaille avec les professionnels de la publicité depuis plusieurs mois pour essayer de bâtir des conditions réalistes d'opt-in. Le consentement est bien sûr nécessaire, mais le demander à tout moment, de façon systématique, « empêcherait » une navigation normale. Il est possible de concevoir des conditions qui rendent explicite le consentement et qui, pour autant, restent réalistes.

Afin de pouvoir suivre la réalité très changeante du profilage, la CNIL a demandé à être dotée d'une capacité de contrôle en ligne. Aujourd'hui, nous contrôlons sur pièces et sur place, ce qui suppose d'envoyer des équipes observer la façon dont les traitements sont opérés et saisir, le cas échéant, des matériels informatiques. Nous pourrions agir à distance en nous rendant simplement sur les sites pour analyser la façon dont ils fonctionnent, dont les cookies sont déposés ou non, et vérifier si le consentement de l'internaute, et quel type de consentement, est demandé. Plusieurs amendements visant à doter la CNIL de cette capacité de contrôle en ligne seront déposés par François Brottes au projet de loi sur la consommation.

Le deuxième point concerne la gouvernance. Ce terme obscur désigne la façon dont les autorités de protection des données peuvent coopérer sur des sujets qui intéressent plusieurs pays européens – je pense notamment aux affaires Facebook et Google.

Notre contre-proposition à la proposition initiale de Viviane Reding a été relayée au niveau du G29. Il s'agirait de mettre en place un système de gouvernance beaucoup moins centralisé, dans lequel l'autorité nationale resterait compétente dès lors que les citoyens du pays seraient ciblés, mais avec une obligation de coopération beaucoup plus forte. Cette proposition a recueilli l'accord du rapporteur Jan Philipp Albrecht et quasiment celui de Viviane Reding. Reste à obtenir celui du Conseil européen.

Peut-être pourriez-vous demander à Mme Pellerin quelle sera la position du gouvernement français sur cette question ? Il serait bon que la France reprenne cette proposition après avoir été en pointe lors du dernier Conseil « Justice et affaires intérieures » sur le projet de règlement. Nous pourrions ainsi porter une vision très innovante de la gouvernance européenne entre autorités de protection des données.

Le troisième point concerne le périmètre du projet de règlement. Comme je l'ai dit, le lobbying sur ce texte a été intense. L'un des leviers utilisés était de dire que certaines données ne sont pas des données personnelles et qu'elles peuvent, de ce fait, échapper à la protection et aux droits qui leur sont attachés. Avec la « pseudonymisation », procédé qui consiste à « dégrader » la qualité de donnée personnelle – l'anonymisation consistant, elle, à supprimer tout lien entre la donnée et l'individu –, la donnée, devenue moins personnelle, nécessiterait moins de protection et l'individu concerné perdrait certains de ses droits la concernant.

Cette tendance, qui pourrait facilement aboutir à détricoter la protection, nous paraît extrêmement dangereuse. Un certain nombre d'acteurs sont intéressés non par la dimension personnelle de la donnée – peu leur importe qu'elle concerne M. X ou Mme Y –, mais par son pouvoir économique. Ils estiment donc que la protection n'a pas besoin d'être aussi importante, d'où leur intérêt à ce que la notion de pseudonymisation émerge dans le champ du règlement.

Il faut absolument résister à cette tendance dangereuse, en affirmant que la pseudonymisation peut certes être très utile – d'ailleurs, les autorités l'ont encouragée au nom de la liberté d'expression –, mais à condition qu'elle ne modifie pas la nature juridique de la donnée qui, au regard de notre loi, est personnelle de façon directe ou indirecte. Statuer sur l'intensité de la personnalisation risquerait de fragiliser la protection. Le G29 a exprimé une position très négative quant à l'introduction de la notion de donnée pseudonymisée dans le texte, afin de maintenir, à juste titre, sa cohérence conceptuelle et opérationnelle.

Je n'évoque que ces trois points parmi tant d'autres. Le projet de règlement, ainsi que vous le diront la ministre et les autres intervenants, est un objet très complexe.

Je voudrais aussi appeler votre attention sur l'éducation des individus au numérique, qui constitue bien évidemment le premier niveau de la protection et de la maîtrise des données personnelles. C'est seulement si nous sommes tous conscients de l'écosystème numérique et si nous en connaissons les outils que nous pourrons le maîtriser. C'est pourquoi la CNIL, qui travaille depuis quelques années sur cette question, a souhaité « passer à l'échelle », en demandant à ce que l'éducation au numérique soit reconnue comme grande cause nationale.

Ce dispositif, qui date de 1997, permet de bénéficier d'une plus grande exposition médiatique, notamment télévisuelle, et d'accéder à des financements plus importants. Les pouvoirs publics, les acteurs économiques qui participent à la construction du numérique et les acteurs de la société civile – entreprises, associations de consommateurs, associations de parents – doivent faire ensemble cet effort. Nous avons donc constitué un collectif, dont les dix-sept membres se réuniront pour la première fois au mois de juillet. Ceux d'entre vous qui souhaiteraient s'associer à cette initiative seront bien sûr les bienvenus. Pourquoi ne pas envisager un comité de soutien parlementaire ?

Enfin, le Gouvernement a annoncé pour 2014 un projet de loi dont le contenu n'est pas encore connu. Je suggère qu'il anticipe une avancée figurant dans le projet de règlement, celle du droit à la portabilité. Ce droit, dont il a été moins question que du droit à l'oubli, est économique. Il consiste en la capacité, pour une personne, de récupérer dans un format simple et interopérable l'ensemble des données numériques agrégées lors de la relation qu'elle a développée avec un vendeur ou avec un réseau social et à laquelle elle souhaite mettre fin.

Ce droit, qui figure dans le projet de règlement, fait écho à toute une série d'initiatives développées en Grande-Bretagne, aux États-Unis mais aussi en France, notamment à travers la FING – Fondation Internet Nouvelle Génération –, et qui s'inspirent de la notion de smart disclosure, l'idée étant que c'est l'individu qui récupère une partie du pouvoir économique que constitue la donnée.

Il pourrait être intéressant d'anticiper ce droit à la portabilité, de manière à introduire dans ce monde des données personnelles, très oligopolistique, une forme de concurrence, en donnant à l'individu la possibilité de négocier, mieux qu'il ne le fait aujourd'hui, ses données personnelles. C'est une suggestion que je fais à la ministre, dans la perspective du projet de loi de 2014.

Voilà, madame la présidente, ce que je pouvais dire, brièvement, sur le sujet.

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Je vous remercie, madame la présidente.

La parole est à M. Jean-Marc Manach, journaliste.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Manach, journaliste

Merci, madame la présidente, pour votre invitation.

Mme Falque-Pierrotin parlait tout à l'heure de la pseudonymisation ; je commencerai mon intervention en évoquant un dessin qui a fait beaucoup de mal à Internet : paru en 1994 dans le New Yorker, ce dessin représentait un chien regardant un écran d'ordinateur, avec la légende suivante : On the Internet, nobody knows you're a dog, c'est-à-dire : « Sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien. » Cela laissait entendre que, sur Internet, on est anonyme ou pseudonyme, ce qui est complètement faux, car tout ce que l'on fait sur un ordinateur laisse des traces, a fortiori sur Internet. Ces traces, ce sont des données personnelles, directement ou indirectement nominatives.

À la fin des années quatre-vingt-dix, un rapport sur l'existence du réseau Echelon révélait que tout ce qui transitait sur Internet ou les réseaux de télécommunication était espionnable ou espionné par les services de renseignement américains. Depuis, on a beaucoup moins parlé de cette surveillance généralisée que de la foule d'anonymes qui répand des « bêtises » sur Internet. De nombreux parlementaires notamment ont, ces dernières années, fustigé l'anonymat permettant ces bêtises.

Or voici que, depuis vendredi, la presse du monde entier crie au scandale parce que l'on a appris l'existence du programme Prism. Pas plus tard que ce matin, Bernard Guetta se scandalisait sur France Inter de cette surveillance généralisée d'Internet. Cela ne date pourtant pas de vendredi, mais de 1947 et de la mise en place du réseau Echelon !

Ce que l'on a découvert vendredi, ce sont cinq pages d'un PowerPoint qui en compte quarante et une, ce qui veut dire que ni le Washington Post ni le Guardian n'ont estimé qu'ils pouvaient rendre publiques les trente-six pages restantes, compte tenu de l'hystérie collective, politique et médiatique, provoquée par la publication de cinq malheureuses pages sur un fait connu depuis longtemps : les États ou les entreprises commerciales surveillent ce que l'on fait.

Pour ce qui auraient manqué ce PowerPoint, Prism serait en réalité un programme grâce auquel la NSA, le service de renseignements américain qui espionne les télécommunications, aurait négocié avec Google, Facebook, Microsoft, Dropbox, Skype et j'en passe, des accès, directs ou non – ce n'est pas clair –, à leurs serveurs, sachant que ce n'est pas du tout la même chose d'espionner ce qui transite par des câbles sous-marins ou des satellites et d'avoir un accès direct aux serveurs de Google ou de Skype.

Si on ne sait pas exactement ce qu'est Prism, on sait en revanche que cela fait scandale. Et c'est une bonne chose car l'on n'a jamais autant parlé des enjeux liés aux données personnelles et au respect de la vie privée que depuis qu'Internet existe et qu'il est surveillé. Le problème, c'est que les termes du débat sont souvent mal posés. Je vais donc m'efforcer de proposer ici des questions plus pertinentes.

Je m'arrêterai en premier lieu sur la notion de vie privée et sur la loi de 1978 adoptée à la suite du scandale SAFARI, révélé par un article du Monde. Il s'agit d'un projet d'interconnexion, sous la houlette du ministère de l'intérieur, de l'ensemble des fichiers de l'administration, permettant de tout savoir d'un individu à partir de son numéro de sécurité sociale. Les fils de résistants, les proches d'anciens déportés évoquent le retour de la chasse aux Français ; la droite évoque les fichages dans les mairies communistes… La loi entend donc mettre un terme à ce fichage, protéger les gens et les données personnelles. C'est une loi sur la protection des données personnelles.

Le problème est qu'aujourd'hui, avec le web, on est de plus en plus dans un régime de projection – plutôt que de protection – des données personnelles. Aujourd'hui, tout un chacun peut ouvrir un blog, livrer ses pensées sur un compte Twitter ou commenter n'importe quel article de presse en ligne. Or ce sont ces mêmes personnes qui, alors qu'elles ont choisi d'exister publiquement, se plaignent ensuite que l'on attente à leur vie privée.

Mais il n'y a plus, d'un côté, les pauvres qui n'ont pas accès aux médias et ont le droit à une vie privée et, de l'autre, une élite ayant accès aux grands médias et dont la vie est publique : Internet est une échelle horizontale, grâce à laquelle tout le monde a désormais accès aux médias, et pas seulement ceux qui passent au journal de vingt heures ou sont interviewés dans les quotidiens.

Ces enjeux qu'on rapporte à la vie privée sont en fait des enjeux de vie publique. Prenons l'exemple du réseau social Facebook. Dès lors que l'on y a, en moyenne, entre cent et quatre cents « amis », tout ce que l'on y partage avec eux, même en ayant fermé son mur, ne relève plus de la vie privée mais, au mieux, de la vie sociale, voire de la vie publique, puisque l'on s'adresse à un cercle qui, comptant quatre cents « amis », n'est plus si restreint que ça.

Selon moi, Facebook n'a donc rien à voir avec la vie privée. On peut certes utiliser le système de messagerie privée de Facebook pour envoyer un message à quelqu'un – cela relève alors de la correspondance privée –, mais dès lors que l'on partage quelque chose sur un réseau social, a fortiori quand le modèle économique de ce réseau social consiste à agréger les données personnelles pour en dégager des profils de consommateurs, afficher de la publicité ciblée et vendre aux annonceurs des listes d'homosexuels de moins de trente-cinq ans et habitant Strasbourg, cela ne relève plus de la vie privée !

Il faut donc faire la part des choses entre ce qui relève, d'une part, de la vie sociale et de la vie publique et, d'autre part, de la vie privée. Or les nombreux utilisateurs de Facebook qui ont fermé leur mur se situent dans une sorte d'entre-deux. C'est dans cette zone floue que l'on a besoin de règles pour éviter les dérives.

Parlant de ces dérives, Simon Davies, un Britannique qui a créé l'ONG Privacy International à la fin des années quatre-vingt-dix pour défendre le droit à la vie privée, a écrit un texte très intéressant.

Il y rappelle le combat mené dans les années soixante-dix pour défendre le consentement explicite et rappeler que, quand une femme dit non, c'est non. Le consentement ne peut être implicite, et ce n'est pas parce qu'une femme est un peu éméchée, qu'elle est très bien habillée ou qu'elle bronze les seins nus sur la plage qu'on a le droit de faire n'importe quoi avec elle.

Il fait le parallèle entre ce combat visant, à l'époque, à protéger les femmes, et celui que mènent aujourd'hui les défenseurs des libertés et des droits de l'homme pour protéger le droit à la vie privée, grâce à la notion de consentement explicite. Lorsqu'on dit non, c'est non : je n'ai pas envie que Facebook ou Google puissent commercialiser le fait que je sois un homosexuel de moins trente-cinq ans habitant Strasbourg, ou une lesbienne vivant à Marseille et votant communiste ! Il est important de savoir qui on est vraiment sur un réseau et dans quelle mesure une entreprise ou une administration va pouvoir exploiter les données personnelles ou les informations que l'on rend publiques pour en faire du business.

Un mot à présent des CNIL européennes, membres du G29, car elles non plus ne sont pas toujours bien appréhendées. Il y a deux ou trois mois, alors qu'il revenait des États-Unis, Gilles Babinet, notre digital champion, censé représenter la France auprès de la Commission européenne, a déclaré en marge d'un entretien qu'il fallait fermer la CNIL, au motif que c'était un ennemi de la nation.

Il a d'abord tenté de justifier ces propos pour le moins brutaux en les mettant sur le compte de la fatigue, avant d'expliquer que les CNIL européennes favorisaient, dans les faits, le chômage en empêchant les embauches. Il a cité, à titre d'exemple, le dossier médical partagé, autorisé par la CNIL. Selon un rapport de la Cour des comptes sorti il y a deux mois, la puissance publique a investi près d'un milliard d'euros dans le DMP sans que les industriels soient capables d'en faire quelque chose qui marche. En d'autres termes, il s'agit d'un projet dans lequel on a gaspillé énormément d'argent public, alors que, depuis le début, les défenseurs des droits de l'homme et de la vie privée dénoncent un outil qui servira surtout à ceux qui font commerce de données personnelles sans vraiment améliorer la qualité des soins.

Le deuxième exemple donné par Gilles Babinet concerne la carte d'identité électronique biométrique sécurisée, interdite non par la CNIL mais par le Conseil constitutionnel, au motif qu'elle constituait une atteinte disproportionnée à la vie privée.

Après cinq navettes l'an dernier entre l'Assemblée nationale et le Sénat – un record, paraît-il –, la proposition de loi censée permettre de réprimer quelque 200 000 usurpations d'identité par an ne concernait plus, aux dires du Gouvernement lui-même devant le Conseil constitutionnel, que 7 000 faux documents. On allait donc ficher 35 millions de « gens honnêtes », pour reprendre la phraséologie du rapporteur UMP au Sénat, afin de lutter contre un phénomène ne concernant que 7 000 cas par an.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Manach, journaliste

Non, ce n'est pas rien, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu'il s'agissait d'une atteinte manifestement disproportionnée à la vie privée.

Accessoirement, on a appris entre-temps que le Gixel, lobby des industriels qui fabriquent ces papiers d'identité, avait très sereinement expliqué aux sénateurs qu'en tant que leaders mondiaux sur ce secteur les Français se devaient d'adopter la carte d'identité électronique sécurisée, s'ils voulaient être crédibles et continuer de pouvoir la vendre partout dans le monde.

Beaucoup de gens considèrent ainsi que la CNIL, le G29 et le futur règlement européen peuvent constituer des obstacles au développement du commerce. Je pense pour ma part que c'est avant tout le manque de confiance qui est susceptible d'entraver le commerce : en l'absence d'une autorité de contrôle, on se méfiera des médicaments frelatés, encore qu'il soit difficile de se passer de médicaments.

On dépense beaucoup plus d'argent pour faire du commerce de données personnelles que pour les sécuriser. Depuis les années quatre-vingt dix, des sites comme Zataz et Kitetoa ont épinglé des milliers d'entreprises et d'administrations qui ne sont pas fichues de protéger correctement les données personnelles qu'elles ont sur leurs serveurs et qui, pourtant, n'ont quasiment jamais été condamnées en justice. Les gens n'ont apparemment pas porté plainte, et j'ignore si cela relève du domaine de la CNIL.

Si on veut développer le commerce électronique et faire en sorte que les gens aient confiance dans le fait que les administrations et les entreprises protègent leurs données personnelles, sécurisons les données. Créons une filière de formation à la sécurité informatique et embauchons des hackers pour protéger les serveurs – car c'est bien, en fin de compte, leur raison d'être.

En tout état de cause, pour en revenir à Prism et au projet de règlement européen, ce dernier fait l'objet, selon les propres termes de Viviane Reding, de l'offensive de lobbying la plus intense qu'ait jamais connue l'Union européenne.

Deux conceptions de la protection des données personnelles s'opposent. La première, européenne et humaniste, a donné naissance à la CNIL en 1978, avec la loi pionnière « Informatique et Libertés ». Elle défend une vision de l'individu citoyen, que l'on doit d'abord protéger avant de songer, ensuite, à utiliser ses données. À l'inverse, la conception américaine de la protection des données personnelles défendue par la Federal Trade Commission considère avant tout le citoyen comme un consommateur et entend protéger la possibilité pour les entreprises de faire du business avec ses données personnelles. Citoyen ou consommateur ? Tels sont les termes de la bataille qui se joue en ce moment à Bruxelles.

Je ne sais pas si l'on peut parler de changement de civilisation, mais nous sommes passés, avec le téléphone portable, avec Internet, à quelque chose de nouveau, que nos grands-parents n'ont pas connu. Pour eux, l'anonymat était la norme et le fait d'être connu, d'être une personne publique, l'exception. Nous nous promenons aujourd'hui avec des outils de tracking comportemental, commercial, voire gouvernemental, dans nos poches. Nous nous en servons pour appeler, mais les téléphones « intelligents » sont aussi des outils de tracking. Il est important d'en prendre conscience car ce n'est pas la menace de Big Brother qui se profile. Je ne pense pas que la France ou les pays européens soient sur le point de voir émerger un Hitler ou un Staline. Nous serions plutôt dans un système kafkaïen où, de plus en plus surveillés, de plus en plus perçus comme des suspects, nous sommes de plus en plus amenés à prouver notre innocence. Je pourrais vous citer de nombreux exemples.

L'autre crainte, c'est celui d'un univers à la Minority Report, où certaines personnes en arriveraient à devoir flouer les systèmes de surveillance mis en place. À Calais, un quart des demandeurs d'asile se brûlent les doigts pour effacer leurs empreintes digitales !

Nous sommes en 2013, le projet de règlement européen va prendre un certain nombre d'années et je ne sais pas où nous en serons en 2020, mais je sais en revanche que personne n'aurait imaginé, il y a seulement dix ans, où nous en serions aujourd'hui en matière de traitement de données personnelles et de surveillance de l'Internet. De surcroît, nous serons de plus en plus contrôlés par des objets, et non pas seulement du fait de ce que nous écrivons sur Twitter, sur Facebookou dans nos courriels. Il est essentiel de comprendre que si nous ne parvenons pas à contrôler les machines, ce sont les machines qui nous contrôleront à terme. L'article 1er de la loi « Informatique et Libertés » ne dispose-t-il pas que l'informatique doit être au service de chaque citoyen ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie.

La parole est maintenant à notre dernier invité, M. Loïc Rivière, délégué général de l'Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet, que j'invite à essayer de ne pas dépasser les dix minutes initialement prévues, afin que puisse ensuite s'engager un échange avec les députés présents.

Debut de section - Permalien
Loïc Rivière, délégué général de l'Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet

Mesdames et messieurs les députés, je veux tout d'abord vous remercier de m'avoir convié à m'exprimer devant vous sur les données personnelles en tant que représentant de l'Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet, qui regroupe quelque 350 entreprises du logiciel et d'Internet, dont certains acteurs majeurs que, si j'ai bien compris, vous auriez souhaité entendre aujourd'hui – mais nous pourrons en reparler plus tard.

Je salue, au nom du groupement que je représente, l'intérêt témoigné par la représentation nationale à ce sujet, dans la continuité des travaux menés par M. Bloche il y a quelque temps. C'est un sujet important pour les acteurs industriels que nous sommes, car nous souhaitons évoluer dans un univers de confiance numérique propice au développement de nos services, du cloud computing en particulier. Nous partageons de surcroît le sentiment, exprimé ici et là, que les pouvoirs publics français n'ont peut-être pas tout à fait pris la mesure de ces enjeux ni engagé l'investissement politique nécessaire. Il semble cependant que la situation évolue.

Pour notre part, nous espérons assumer ici notre responsabilité en présentant devant vous notre vision de ce sujet crucial.

Je voudrais tout d'abord revenir sur la notion de données personnelles. Si le sujet a fait l'objet d'un certain lobbying, c'est qu'il n'est pas simple. Multiformes et hétérogènes, les données personnelles sont des données sensibles concernant aussi bien l'identité personnelle que les traces comportementales, les traces numériques que l'on laisse sur Internet. Il s'agit d'une réalité hétérogène, mais également intangible, du moins en partie, comme l'a dit Mme Falque-Pierrotin. Ces données, en tant que telles, n'ont pas de réalité intrinsèque : elles en acquièrent une par le traitement que l'on en fait. Il ne faut donc pas en avoir une vision essentialiste de ces données. Si elles ressortent de l'intimité, elles ne sont pas l'intimité elle-même, et c'est pourquoi je n'adhère pas à certaines comparaisons qui ont été faites, même si j'en comprends le sens.

Derrière ces données ce profile aussi, et c'est ce qui fait qu'il y a débat, une formidable promesse de services. Nous avons évoqué la géolocalisation, où la donnée personnelle devient à la fois le fondement et la « monnaie » du service. Aujourd'hui se développent des applications où l'agrégation des données personnelles, consentie par les utilisateurs, fonde le service. Je pense à Waze, dont vous avez peut-être entendu parler : un service construit à partir des données personnelles envoyées par les automobilistes sur le trafic, les routes, les trajets.

La donnée personnelle est aussi la « monnaie » du service car, aujourd'hui, nombre de modèles économiques sur Internet sont fondés sur la publicité, laquelle a vocation à être ciblée en fonction des données personnelles que l'on peut collecter – encore qu'il y ait beaucoup de façons de procéder à cette collecte. C'est toute la complexité du problème.

Ces données doivent être protégées. Les usages vont vite, voire trop vite. Or, le droit censé les protéger n'évolue pas à la même allure, même si, depuis la directive de 1995, un certain nombre de textes en ont précisé le champ, et même si la loi « Informatique et Libertés » nous apporte encore aujourd'hui les preuves de sa pertinence. Il est évident que ce cadre avait besoin d'être rénové, et nous adhérons pleinement à l'initiative du projet de règlement qui aura le mérite de s'appliquer rapidement, sans qu'il soit besoin de le transcrire.

S'il est un problème, c'est celui des usages. Je reviendrai sur la notion de privacy paradox, discutée mais passablement éclairante. Nous vivons à l'heure d'une exposition maximale de soi, où l'on peut considérer que beaucoup de problématiques relèvent davantage de la vie publique que de la vie privée. On parle aujourd'hui de « marketing de soi », de personal branding. Les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, les blogs, sont des outils qui permettent à l'individu de faire la promotion de sa personne, de sa production intellectuelle ou artistique.

Cependant, tout en voulant s'exposer au maximum, chacun souhaite garder le contrôle. Si cette attitude n'est pas à proprement parler paradoxale, elle est pour le moins contre-intuitive. Je pourrais la comparer à celle des conducteurs qui roulent vite mais ne veulent pas aller dans le mur.

En fin de compte, la sécurité des données personnelles ressort peut-être plus de la sécurité routière que de la sécurité tout court. Il faut protéger les individus contre eux-mêmes et faire face à des stratégies différentes d'exposition de ces données personnelles, à des attitudes différentes. L'outil numérique doit prendre en compte cette hétérogénéité aussi bien que le droit, ce qui rend la situation beaucoup plus complexe que nous ne l'imaginions et renvoie à un volet important, évoqué par M. Bloche dans son rapport et que vient d'aborder Mme Falque-Pierrotin : celui de l'éducation au numérique. On ne mesure pas toujours les conséquences des nouveaux usages, même si les premières affaires, les premiers jugements, les premiers drames aussi, car il y en a eu quelques-uns, font progressivement émerger la conscience des limites de ces outils.

Notre organisation professionnelle ne peut que recommander, sur ce sujet, de ne pas figer l'innovation, d'adopter la neutralité technologique comme principe – c'est ce qui a d'ailleurs fait la force de la loi « Informatique et Libertés ». Concernant la portabilité des données, il s'agit de ne pas imposer de format trop strict, qui empêcherait l'interopérabilité.

S'agissant du consentement explicite, le sujet est beaucoup plus complexe. Opt-in, opt-out ? Consentement explicite, implicite ? Adoption de gradations supplémentaires ? Une même expression peut s'entendre de différentes manières. Certains acteurs industriels considèrent ainsi le paramétrage du navigateur comme une possibilité d'expression du consentement explicite. C'est une interprétation qui n'a pas été retenue par les autorités de contrôle, en particulier par la CNIL.

De même, il faut distinguer les cookies à finalité de traitement, installés par le service numérique que l'on souhaite consulter, des cookies tiers qui permettront de collecter des informations allant bien au-delà du site consulté et de suivre toute notre navigation sur Internet. C'est sans doute dans le paramétrage des navigateurs que réside une partie de la solution.

Un autre sujet concerne grandement les entreprises : celui de la coresponsabilité du traitement. Parce que nous souhaitons évoluer dans un cadre de confiance numérique, il convient que la responsabilité ne soit pas diluée. Or, nous craignons qu'elle ne le soit. Nous affirmons vigoureusement – et je crois que la CNIL partage notre position – que le cadre contractuel doit conserver sa force dans les relations entre le responsable de traitement et le prestataire. L'adoption des codes de conduite, ou BCR – binding corporate rules –, est également une solution à suivre, quoique un peu lourde pour un certain type d'entreprises. Il faut prêter attention à la façon dont les PME auront à respecter certaines obligations documentaires, car cela aura forcément un fort impact financier et administratif.

Certains amendements du rapport Albrecht nous ont tout de même inquiétés, en ce qu'ils visaient à imposer des obligations à des PME de moins de 250 salariés pour des traitements concernant 500 dossiers, ce qui est absolument ridicule. Un commerçant de quartier peut très facilement constituer un fichier de 500 personnes. Je paraphraserai un responsable britannique : il ne faut pas seulement établir une législation pour les grands acteurs industriels – il parlait en l'occurrence de Google –, mais aussi pour les PME, et il faut prêter attention à ce type d'éléments.

Quant au « droit à l'oubli », c'est une notion importante qui traduit une attente forte des citoyens, soucieux de contrôler leur image au fil du temps. Ils ont d'ailleurs la même attitude vis-à-vis de la liberté d'expression. On peut y voir une contradiction, mais ce ne serait pas la première fois que le citoyen exprimerait des aspirations paradoxales.

En effet, qui serait demain éligible au droit à l'oubli ? La question n'est pas simple. Les archivistes, les historiens, assez inquiets, ont d'ailleurs fait circuler une pétition sur ce sujet : « Sans nom, l'histoire a-t-elle encore le même sens ? » Nous devons être sensibles à leur préoccupation.

Si certains invoquaient demain le droit à l'oubli pour s'offrir une nouvelle virginité, par exemple en politique, la représentation nationale le leur accorderait-elle ? La justice le leur accorderait-elle? Je n'en suis pas certain. Il est très difficile de déterminer ce qui ressort de l'histoire et de la mémoire et ce qui justifierait un droit à l'oubli. Le rapport Albrecht renforce d'ailleurs les garanties du droit d'expression, ce qui nous semble important.

Sur la forme, nous avons déjà des éléments grâce au droit à l'image, au droit de conservation des données, au droit à l'opposition. Ces droits sont compliqués à mettre en oeuvre. Nous craignons que le droit à l'oubli ne confine à un droit au déréférencement, qui ciblerait uniquement les moteurs de recherche et non pas la source initiale ni même le cache de ces moteurs de recherche. Cela pourrait s'apparenter à un mécanisme de censure, rendant les moteurs de recherche responsables des contenus éditoriaux publiés sur Internet. Ils deviendraient finalement responsables de ce qu'est Internet, de ce qu'est la réalité numérique, ce qui nous paraît contradictoire avec la liberté d'expression et les libertés publiques.

L'enjeu du projet de règlement est aussi celui d'un projet de loi dont la représentation nationale pourrait, si j'ai bien compris, être saisie l'année prochaine pour répondre à ces différentes attentes contradictoires. Ne perdons pas de vue que la liberté d'expression nous commande de mettre en oeuvre un dispositif qui nous aide à prévenir l'arbitraire, sans retirer aux citoyens la responsabilité de contrôler leur exposition ni à l'industriel celle de leur donner, en toute transparence, les moyens de ce contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, madame la présidente, messieurs pour vos interventions extrêmement riches.

Nous allons maintenant passer à la phase des questions.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

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Madame Falque-Pierrotin, vous avez évoqué une avancée qui aurait eu lieu la semaine dernière au Conseil européen, concernant la possibilité d'une double saisine : auprès de la CNIL nationale et auprès de celle du pays où l'opérateur est censé être localisé. Cette avancée est-elle déjà formalisée ? C'est un élément important qui favoriserait l'application d'un droit le plus protecteur possible.

Par ailleurs, on s'est rendu compte que la pression exercée par les consommateurs et par les régulateurs au niveau des Vingt-Huit avait abouti à une meilleure protection. Quelles sont les relations qui existeraient éventuellement entre les CNIL d'Europe et leurs homologues d'autres pays – si ceux-ci ont la chance d'en avoir une –, notamment en Amérique et là où l'on pratique le plus Internet ? Autrement dit, y a-t-il un « Régulateurs de tous pays, unissez-vous ! », ou bien sommes-nous seuls à réguler ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, je veux d'abord remercier les différents intervenants extérieurs d'être venus participer à cet important débat.

Tous ont parlé de données personnelles. Mais, en réalité, évoquer les données personnelles, c'est évoquer la vie de tous les jours.

On a mentionné tout à l'heure la protection des données personnelles dans le cadre européen par la voie du règlement, ce qui est d'une importance fondamentale pour nos droits, nos sûretés et notre économie. Or, la semaine dernière, les États membres de l'Union européenne ont refusé le projet de règlement destiné à renforcer la protection des données personnelles sur Internet.

Au niveau du Parlement, la commission des affaires européennes avait déjà émis un avis contrasté sur ces projets. À côté des droits nouveaux affirmés, on note une autre avancée, avec le renforcement des droits existants. Il reste tout de même des interrogations relatives aux garanties effectives données aux individus.

Je poserai trois questions à nos invités.

Quelle est la définition d'une donnée personnelle, et quel caractère identifiable direct ou indirect s'y attache ?

Quel est le périmètre d'application de la réglementation qui exclurait certains secteurs ?

Enfin, je m'interroge sur une approche par le risque qui ne concernerait que certains processus. Quelles sont les approches que vous recommanderiez, notamment pour tenir compte de l'effort d'approfondissement supplémentaire que doivent mener les parlements nationaux ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le projet de règlement sur l'utilisation des données personnelles est extrêmement intéressant. J'espère que le lobbying qui s'exerce actuellement au Parlement européen sera sans effet et que ce texte ne sera pas vidé de tout son sens.

Je me contenterai de poser des questions concernant le consentement explicite et la finalité spécifique.

Lorsque vous allez chez le médecin et que celui-ci vous demande de vous déshabiller, vous le faites parce que, implicitement, vous l'autorisez à vous examiner. Pour autant, vous ne l'autorisez pas à prendre des photos et à faire de celles-ci un usage commercial en les vendant.

Cet exemple n'est pas éloigné du sujet dont nous débattons. En effet, il montre que les industriels ne peuvent pas considérer que nous avons mis des informations sur Internet afin qu'elles soient ensuite utilisées délibérément par toutes les entreprises de façon commerciale – ou de quelque autre façon. Ce sont nos données personnelles.

Il me semble également très important de définir ce qu'est l'intérêt légitime. Une entreprise pourrait en effet exploiter commercialement des données personnelles si elle a un intérêt « légitime » à le faire. Quelle est la définition de l'intérêt légitime ? Pour l'instant, elle est extrêmement vague. La notion peut se traduire plus ou moins par celle d'intérêt commercial de l'entreprise, ce qui autorise, de fait, toute marchandisation de ces données.

C'est un sujet extrêmement sensible. Je ne m'attarderai pas sur les autres propositions, extrêmement judicieuses, du projet de règlement, qu'il s'agisse du profilage, de l'augmentation des amendes ou de l'encadrement des sorties de données d'Europe. Cela étant, j'espère que vous pourrez nous éclairer sur la définition de l'intérêt légitime et du consentement explicite.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame Falque-Pierrotin, messieurs Manach et Rivière, je vous demanderai de bien vouloir répondre en vous livrant au même exercice, c'est-à-dire en deux minutes maximum.

La parole est à Mme Isabelle Falque-Pierrotin.

Debut de section - Permalien
Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés

Monsieur Martin-Lalande, il n'y a pas eu d'avancées, jeudi et vendredi derniers, au conseil « Justice et affaires intérieures ». Il n'y a pas eu d'accord sur le schéma de gouvernance. Nous sommes toujours dans le débat qui vise à concilier l'objectif de simplification des interlocuteurs, que recherchent les entreprises à travers un guichet unique, et la nécessaire compétence des autorités nationales vis-à-vis de leurs ressortissants.

C'est pourquoi nous avons fait une proposition qui, je le crois, concilie ces deux objectifs et articule de façon satisfaisante le rôle des différentes CNIL européennes, qui restent localement compétentes dans un certain nombre de cas, et qui sont en même temps plus intégrées grâce à une coopération plus forte que celle initialement envisagée par Mme Reding.

Nous avons par ailleurs d'autres contacts qu'avec nos seuls homologues européens. Nous en avons avec les Américains, les Canadiens, les Australiens, et avec tout l'espace francophone. Et, au-delà des contacts théoriques, nous entamons des coopérations très opérationnelles avec ces gens-là. Par exemple, nous avons conduit, il y a quinze jours, avec dix-sept autorités du monde entier, une opération sweep day qui visait à étudier, dans les dix-sept pays concernés, les deux cents principaux sites commerciaux pour vérifier s'ils respectaient ou non les mentions d'informations légales nécessaires en termes de protection des données.

Debut de section - Permalien
Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés

Il y avait parmi eux des sites européens, mais aussi des sites australiens, chinois, etc. Il est intéressant de constater que les autorités de ces pays coopèrent de plus en plus entre elles.

Madame Karamanli, s'agissant de la définition des données personnelles, il n'y a rien à changer. La définition actuelle est suffisamment « plastique », grâce à la notion les données directement ou indirectement identifiantes.

Quant à l'approche par le risque, elle est très séduisante car elle paraît plus fine et plus proportionnée, mais elle n'est pas si bonne que cela pour les entreprises, car elle offre beaucoup moins de sécurité juridique. L'évaluation du risque est une notion très relative, car il existe bien des façons d'évaluer le risque, et qui sont bien moins sûres, en tout état ce cause, que lorsqu'on fixe un principe. Les entreprises commencent d'ailleurs à se rendre compte que cette approche peut être coûteuse pour elles.

La question de Mme Attard sur l'intérêt légitime est très intéressante, car c'est une notion peu utilisée en France. Dans cette notion d'intérêt légitime, il y a, bien sûr, la finalité, mais pas seulement. En réalité, l'intérêt est légitime dès lors que la finalité est compensée par les droits que l'on ouvre à l'individu. En d'autres termes, il ne peut pas y avoir d'intérêt légitime si l'individu, par exemple, ne sait rien du traitement. Une partie de l'intérêt légitime est liée à l'information et à la capacité de maîtrise offerte à l'individu par rapport à la finalité du traitement.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Manach, journaliste

Concernant l'intérêt légitime, je ne me place pas à l'horizon 2014 ou 2015. La directive européenne a été adoptée en 1995 et concernait la protection des données personnelles ainsi que la libre circulation de ces données. Il ne s'agissait pas de protéger des citoyens, mais de fournir un cadre juridique permettant aux données personnelles d'être suffisamment sécurisées, de transiter d'un pays à un autre, de sorte que l'on puisse faire du business avec.

Aujourd'hui, on est en train de réviser ce cadre. Mais il faut savoir que, dans vingt ans, nous aurons peut-être des bouts d'Internet dans le corps et que l'intérêt légitime d'une compagnie d'assurance sera peut-être, dès lors, d'envoyer de petits robots vérifier si nous avons un cancer pour augmenter, si c'est le cas, notre prime d'assurance – en nous demandant notre consentement ou non.

Il ne faut pas penser qu'Internet est constitué seulement d'un clavier, d'une souris et d'un écran. C'est ce que nous connaissons pour l'instant, qu'il s'agisse d'un ordinateur ou d'un téléphone portable. Dans cinq, dix, quinze, vingt ans, où en seront les réseaux d'ordinateurs ? Je l'ignore. Ce que je sais, en revanche, c'est que certains industriels ont réussi à faire énormément de business – et tant mieux pour eux ! Google a une capitalisation boursière, ainsi que Facebook. Je ne sais pas ce qu'il va se passer, mais il me semble important d'encadrer les choses pour que ce soit l'humain qui contrôle, et pas la machine.

Debut de section - Permalien
Loïc Rivière, délégué général de l'Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet

Quelques éléments concernant la marchandisation.

Quand on utilise un logiciel, une application, on évolue dans un cadre contractuel. On a trop souvent tendance à l'oublier parce qu'on veut l'utiliser très vite. On ne lit pas le contrat lié au logiciel, mais on devrait le faire, car on apprendrait que, si ce logiciel nous est concédé gratuitement ou à un tarif très bas, c'est parce qu'il y a une marchandisation. Et s'il y a marchandisation, ce ne peut être que celle de ce que nous allons confier, en l'occurrence nos données personnelles.

Il faut bien comprendre cela : quand le service est gratuit, cela veut dire que le produit, c'est nous ! D'où la nécessité d'avoir un cadre contractuel, donc un cadre réglementaire dans lequel s'épanouiront ces cadres contractuels adaptés qui feront que les choses seront faites en toute transparence et dans le respect de la protection des données personnelles. Si l'on ne veut pas payer un logiciel, il faut donner quelque chose en échange. Aujourd'hui, c'est le modèle économique de nombre de services.

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Nous en venons à une nouvelle série de questions.

La parole est à Mme Axelle Lemaire.

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J'habite au Royaume-Uni. Je puis donc témoigner de ce que l'affaire Prism fait grand bruit là-bas, donnant sans doute lieu à une certaine hystérie collective. En tout cas, elle a le mérite de révéler à l'opinion publique le fait que la surveillance des données personnelles peut être utilisée par des acteurs du numérique comme par des pouvoirs publics.

Cela étant, un sondage publié cet après-midi par YouGov démontre que 51 % des Britanniques trouveraient normal qu'un État utilise des logiciels pour accéder à des données personnelles…

Il y a vingt ans, la question de la surveillance se posait en termes d'écoutes téléphoniques. Aujourd'hui, à l'ère du numérique, c'est la surveillance en ligne qui apparaît plus préoccupante, notamment dans les pays qui portent atteinte aux droits de l'homme. Reporters sans frontières, dans son rapport annuel concernant les ennemis d'Internet, citait l'exemple comme la Syrie, la Chine, l'Iran, le Bahreïn ou le Vietnam, qui utilisent des produits commerciaux destinés à la surveillance des données, vendus par des entreprises domiciliées dans des États démocratiques occidentaux pour surveiller des militants des droits de l'homme, des journalistes, des blogueurs, des cyberactivistes.

Dans ce contexte de guerre des armes numériques, pensez-vous utile – puisqu'un projet de loi est attendu – d'inscrire dans une sorte d'habeas corpus numérique – peut-être sous la forme d'une « constitution numérique » comme au Brésil – des principes comme ceux que vous avez cités – la neutralité du net, le droit à l'oubli, la portabilité des droits, mais aussi, peut-être, la traçabilité des produits de surveillance, voire la responsabilité des entreprises qui vendraient ces produits à des régimes non démocratiques ?

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Je voudrais souligner combien il serait important que nous ayons une position politique nationale sur la protection des données personnelles et sur d'autres sujets. Pourtant – nous en parlerons tout à l'heure avec Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique –, nous avons compris qu'a priori rien ne se passera avant 2014.

C'est un débat qui a été mené de manière fragmentée, avec des rapports et des colloques dans tous les sens. J'ai le sentiment que nous arrivons après la bataille, notamment au niveau européen, et j'aurais aimé que notre débat d'aujourd'hui vienne un peu plus tôt dans la saison.

Le projet de règlement européen sur la protection des données personnelles a été retoqué jeudi 6 juin par les États membres de l'Union européenne. Dans ces conditions, je voudrais demander à nos invités de formuler un état des lieux et un programme d'action. Considérez-vous que la législation française est en phase avec les changements ou pas ? Enfin, sempiternelle question, posée ce matin encore lors d'un débat sur la fiscalité du numérique : faudra-t-il aller plus loin, en particulier à l'échelle mondiale ? Légiférer uniquement au niveau européen est-il efficace, sur ce point comme sur bien d'autres dès lors qu'il s'agit d'Internet ?

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Le débat porte sur un vaste sujet. Je me demande pour ma part s'il est véritablement bon de légiférer alors que l'économie du numérique est aujourd'hui largement installée. Je m'interroge sur la nécessité d'une législation relative à l'utilisation des données par les entreprises dans le contexte, évoqués par Mme Falque-Pierrotin, d'un changement de modèle économique et de comportements. Ainsi, la géolocalisation confère aux entreprises une force de proposition. Il y a bien là une dimension commerciale qui s'approche à grands pas et qu'à mon sens il ne faut pas trop restreindre, même s'il faut maintenir la protection des données personnelles et de la vie privée.

Quant à l'affaire Prism, qui est en réalité l'affaire Snowden, elle pose un double problème. Des écoutes téléphoniques et numériques ont ciblé des gens dont il n'est pas certain qu'ils étaient susceptibles d'être mis en cause, ce qui peut choquer. La nécessité dans laquelle sont les pouvoirs publics d'assurer un certain degré de surveillance et de contrôle n'en demeure pas moins. Snowden a peut-être passé des accords avec Facebook et d'autres réseaux sociaux, mais on ne sait pas comment.

La France doit-elle véritablement entrer de plain-pied dans un tel processus de réflexion afin de mettre au point une législation par laquelle les pouvoirs publics contrôleraient l'utilisation du numérique sans handicaper l'économie du numérique ?

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Merci, mes chers collègues.

La parole est à M. Jean-Marc Manach.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Manach, journaliste

Ayant beaucoup travaillé sur les marchands d'armes numériques, je suis en mesure de répondre à cette question. Un rapport de 600 pages sur les raisons de l'échec d'HADOPI a été publié il y a un mois, mais, à ma grande surprise, aucun sur l'affaire Amesys – du nom de la société française qui a vendu un système de surveillance d'Internet à Kadhafi. Celui-ci n'est plus là, le logiciel non plus, et pourtant des dirigeants d'Amesys – dont le nom a changé – se trouvaient en février dernier à Tripoli pour proposer le système dans le cadre d'un salon de marchands d'armes et de télécommunications. Il serait en outre utilisé au Maroc, au Kazakhstan et dans un certain nombre d'autres pays, sans que les pouvoirs publics en pipent mot. Au contraire, en Grande-Bretagne, en Allemagne et aux États-Unis, les pouvoirs publics ont infligé des amendes aux entreprises britanniques, allemandes et américaines qui ont vendu des systèmes de surveillance à des dictateurs. Je m'étonne donc du silence total du Gouvernement sur ce point. Alors que des gens se battent au niveau européen sur ce sujet, je ne comprends pas comment la France, patrie des droits de l'homme, peut laisser la situation en l'état, sans qu'il y ait aucun débat politique pour remettre en cause la fourniture, proprement scandaleuse, d'armes de surveillance à des dictateurs.

Quant à l'affaire Prism, je suis toujours très étonné de constater que l'on dépense des dizaines, voire des centaines de millions de dollars, peut-être même des milliards, en systèmes de surveillance généralisée des télécommunications au nom de la lutte contre le terrorisme, alors même que l'on n'arrive pas à trouver ne serait-ce que 1 % de ces sommes pour surveiller les transactions financières et lutter contre les paradis fiscaux, alors même qu'il y a évidemment là de l'argent à récupérer ? Je ne parle même pas de la fiscalité du numérique et de la question de savoir s'il faut ou non taxer les données personnelles : je parle de traquer des gens qui violent la loi au moyen des réseaux de communication.

Debut de section - Permalien
Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL

L'affaire Prism me semble être une illustration d'un phénomène malheureusement rencontré ailleurs, qui est le « pompage » par des autorités étrangères, américaines en particulier, d'un certain nombre de données sur nos concitoyens européens, aux fins de lutte contre le terrorisme ou de surveillance des transports et des passagers – avec les données PNR. L'affaire Swift a soulevé le problème il y a quelques années. Les États-Unis récupèrent des données sans que l'on sache dans quel but, même si l'on pense, bien sûr, à l'intelligence économique.

Le G29 a plusieurs fois appelé l'attention de la Commission sur ce point, réclamant une visibilité, une capacité de négociation ainsi que la possibilité de fixer un certain nombre de balises autour des demandes émanant d'autorités étrangères. Jusqu'à présent, nous n'avons pas été entendus. Une première version du projet de règlement comportait une disposition selon laquelle toute autorité étrangère demandant l'accès à des données relatives à des ressortissants ou des résidents européens devait obtenir le blanc-seing préalable d'une autorité européenne de protection des données. Une telle disposition ne figure plus dans le projet de règlement, mais elle constituerait probablement une bonne réponse.

Deuxièmement, que peut-on faire après la réunion du 6 juin ? Le projet de règlement est-il définitivement compromis ? Je ne le crois pas. Je crois que nous avons encore la possibilité de trouver une voie de conciliation entre la Commission, le Conseil et le Parlement. La France peut y jouer un rôle tout à fait intéressant, car notre voix est très écoutée dans les discussions européennes. Cela nous donne la possibilité de fédérer un certain nombre de pays européens autour d'une position raisonnable permettant à la fois de moderniser notre outil juridique, de protéger les droits des citoyens européens et de rester fidèles à l'héritage humaniste dont on a parlé tout à l'heure. Ce qui s'est passé le 6 juin ne met pas, selon moi, un terme définitif au projet, mais permet au contraire de le relancer.

Debut de section - Permalien
Loïc Rivière, délégué général de l'Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet

L'affaire Prism pose, selon moi, le problème, non pas des acteurs industriels que je représente, mais de la place des agences de renseignement au sein de la gouvernance démocratique des pays concernés, dont la France. Elle illustre l'absence de changement de politique américaine, pourtant attendu de Barack Obama, sur ce point. Remettons les choses à leur place : les outils numériques actuels offrent aux gouvernements et aux agences de renseignement des moyens de traque et d'écoute décuplés, ce qui suppose en retour un renforcement des institutions démocratiques et des moyens de contrôle. S'emparer de ce sujet tout à fait important, tel est bien le rôle de la représentation nationale.

Quant à l'idée d'un habeas corpus, il faut faire attention à ne pas faire la loi pour elle-même. Le droit doit servir à quelque chose. Se contenter d'inscrire des grands principes sans être à même de les appliquer faute de cadre règlementaire adéquat ne rimerait en définitive à rien. Un projet de règlement est discuté, il s'appliquera le cas échéant tel qu'il aura été élaboré. Il me semble donc raisonnable que le gouvernement français attende d'en voir l'aboutissement.

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Je vous remercie.

Nous en venons aux dernières questions.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

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Nous sommes confrontés à un problème de protection des données personnelles. En effet, les acteurs commerciaux d'Internet collectent de plus en plus d'informations sur ses usagers et mettent en oeuvre des dispositifs d'exploitation dont on peut considérer qu'ils sont excessifs. J'ai bien compris la valeur économique des données mises sur Internet, ainsi que leur valeur politique d'ailleurs. M. Rivière disait tout à l'heure qu'utiliser une application emporte une contractualisation de la marchandisation des données que je livre en l'utilisant. Le rapport Colin-Collin évoque, quant à lui, le « travail gratuit » du citoyen qui livre des informations sur Internet. Comment peut-on, monsieur Rivière, concilier les deux, c'est-à-dire fournir via Internet des informations utiles aux entreprises sans en être rémunéré ? Votre précédente réponse était intéressante, car elle suggérait qu'il vaut mieux ne pas légiférer dès lors que l'on n'est pas en mesure de contrôler les entreprises.

Il faut, selon moi, établir un rapport plus équilibré entre les informations que je fournis et leur usage par les entreprises – éventuellement à mon corps défendant. Mme Falque-Pierrotin a fait tout à l'heure une démonstration édifiante : dès le deuxième pas sur un site, on est déjà surveillé par 47 instances ! J'étais réellement terrifié d'apprendre cela et n'ose imaginer ce qu'il en est au troisième pas ! La notion de consentement est très importante et me semble pourtant passer, aujourd'hui, derrière les contingences commerciales. Je ne voudrais pas être un consommateur consommé !

Sourires.

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Ma question s'inscrit dans le droit fil de la précédente. Nous avons évoqué la valeur économique et la marchandisation, voire la monétisation des données personnelles. Cela comporte à mes yeux un risque énorme car, dès lors que l'on monétise quelque chose afin de le vendre, on n'en est, par définition, plus propriétaire. Je souhaite connaître le sentiment de nos trois invités sur ce point, ainsi que leur avis sur une proposition qui peut paraître symbolique mais qui n'en élargit pas moins le champ de la réflexion : pour assurer la protection effective des données personnelles, ne faut-il pas en envisager, in fine, la constitutionnalisation ?

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J'aimerais, quant à moi, connaître l'avis de nos invités sur les techniques de blocage légal de sites hors de toute intervention du juge et leurs éventuels effets pernicieux, tels que le surblocage et le développement de pratiques d'anonymisation. Ma collègue Laure de La Raudière et moi-même avons eu à plusieurs reprises l'occasion d'insister sur la nécessité de s'interroger en amont sur les effets potentiellement négatifs de telles techniques.

Debut de section - Permalien
Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL

Je répondrai d'abord à M. Rogemont. Il faut en effet lever l'épaisse opacité qui nimbe les offres et le traitement subséquent des données personnelles. À l'évidence, l'utilisation des données personnelles de nos concitoyens les met mal à l'aise et la moindre difficulté : l'affaire Facebook, par exemple, les crispe et ils se demandent ce que l'on fait au juste de leurs données personnelles.

Un effort est donc actuellement accompli par les responsables de traitement de données et par les entreprises pour mettre fin à cette opacité et fournir des informations claires sur l'utilisation qui est faite des données personnelles, afin que les individus puissent choisir de consentir, si nécessaire, ou de s'opposer. Sur ce point, la situation actuelle n'est clairement pas satisfaisante.

Sourires.

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J'ai bien conscience d'être indélicat en prenant la parole de cette façon, madame la présidente, mais je ne peux m'empêcher de poser cette question. Pensez-vous vraiment que toutes les personnes inscrites sur Facebook aient préalablement lu le contrat d'utilisation ? En tout état de cause, même si l'on a lu ce contrat, on n'a qu'un choix, celui d'accepter ou de refuser l'ensemble de ses conditions. Il est impossible de négocier et d'accepter seulement certaines d'entre elles pour en écarter d'autres.

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Je rends à Mme la présidente de la CNIL la parole que M. Rogemont lui a prise de façon un peu cavalière.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés

Nous sommes en train de négocier avec les grands acteurs d'Internet, je pense notamment à la société Google, contre laquelle plusieurs CNIL européennes viennent de lancer une action, afin de les pousser à assurer une granularité beaucoup plus fine de l'information et à donner aux individus, leurs clients, la possibilité de dire oui ou non selon les moments – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Par ailleurs, la CNIL est favorable à la constitutionnalisation de la protection des données personnelles, qui existe déjà dans treize pays européens, et a elle-même formulé cette proposition. Comme Jean-Marc Manach, je considère qu'une telle mesure serait utile. En effet, la protection constitutionnelle des données personnelles se fait via la protection de la vie privée. Or, aujourd'hui, les données personnelles s'inscrivent dans un périmètre qui dépasse la vie privée. Il serait donc intéressant de constitutionnaliser la protection des données personnelles, à l'image de ce qui se fait déjà dans d'autres pays européens.

Pour ce qui est du blocage, c'est un sujet très compliqué qui soulève de multiples questions, relatives par exemple à la liberté d'expression ou à la censure. À l'issue du séminaire intergouvernemental du 28 février dernier, la CNIL a été chargée, pour ce qui concerne le filtrage des sites pédopornographiques, d'assurer le contrôle du blocage. Le blocage proprement dit est effectué par une autorité administrative – en l'occurrence, le ministère de l'intérieur – mais une entité distincte, la CNIL, est chargée de contrôler les opérations de blocage, afin de limiter ses effets négatifs le cas échéant. La CNIL réfléchit actuellement à cette nouvelle mission.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Manach, journaliste

Comme l'ont montré l'exemple de la HADOPI et les multiples manifestations de l'effet Streisand, le blocage est contreproductif.

Dans le rapport de la commission d'enquête sur les services de renseignement, publié la semaine dernière, le juge Trévidic souligne qu'à l'heure actuelle, 100 % des personnes inculpées pour terrorisme le sont en partie grâce à Internet et 80 % uniquement grâce à ce moyen. Par conséquent, vouloir bloquer les sites pédophiles et les sites terroristes revient à empêcher les policiers de faire leur travail, c'est-à-dire d'identifier les personnes fréquentant ces sites. En fait, le blocage est contreproductif à la fois en ce qu'il est inefficace techniquement – parce qu'il existe toujours des moyens de contourner les mesures de blocage – et en ce qu'il gêne le travail de la police, qui surveille les personnes fréquentant les sites interdits.

Pour ce qui est du « consommateur consommé » évoqué tout à l'heure par M. Rogemont, je vais essayer de tirer le débat vers le haut. Dernièrement, l'Assemblée a voté un amendement du Gouvernement visant à mettre fin à la promotion des logiciels libres dans l'éducation nationale, ce qui est proprement scandaleux. Si l'on veut que les gens contrôlent leurs ordinateurs plutôt que d'être contrôlés par eux, qu'ils contrôlent leurs données personnelles et soient conscients des enjeux qui s'y rapportent, ils doivent être poussés à utiliser des logiciels libres. À défaut, ils vont continuer à se comporter uniquement comme des consommateurs, qui se contentent d'acheter un logiciel commercial et d'appuyer sur le bouton sans lire le contrat et sans savoir comment fonctionne Internet. Ainsi, à l'heure actuelle, on ne forme pas les gens à utiliser des tableurs : on les forme à utiliser Excel.

Pour ma part, je n'ai pas de problème avec Facebook. Je l'utilise, mais je veille à ne rien y mettre de ma vie privée : je n'y mets que des informations relevant de ma vie publique et que j'ai envie de partager. Je n'ai pas de problème non plus avec la publicité ciblée, que je bloque grâce au logiciel Adblock – et pour la confidentialité, je supprime les cookies et je vide mon historique de temps en temps. Bref, je me donne les moyens de contrôler mon ordinateur, grâce aux logiciels libres. C'est pourquoi le fait que, la semaine dernière, le Gouvernement ait refusé que les enfants puissent avoir un accès à l'ordinateur sans forcément passer par telle ou telle marque de logiciel me paraît revenir à se tirer une balle dans le pied : en agissant ainsi, on laisse penser qu'à l'école, on forme d'abord des consommateurs avant de former des citoyens, ce qui n'est évidemment pas normal.

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Loïc Rivière, délégué général de l'Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet

Je vais répondre aux questions portant sur le « consommateur consommé » et sur le travail gratuit, mais également à celle portant sur le logiciel libre, sur laquelle je me sens directement interpellé – et je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer à ce sujet devant la représentation nationale.

La question du travail gratuit constitue, pour nous, sans doute l'un des derniers avatars des impostures intellectuelles que l'on voit fleurir, n'ayant pour but que de stigmatiser l'économie numérique. En matière d'économie numérique et de culture, on parle de transfert de valeurs. Les industries culturelles comprennent très bien que, lorsqu'elles donnent à un chanteur repéré dans le métro la chance d'enregistrer un disque en studio, elles créent de la valeur. En revanche, si un acteur d'Internet met à disposition cette même musique sur tous les supports possibles, cela ne crée aucune valeur ! Il faudra m'expliquer…

Pour ce qui est du travail gratuit, on est tout de même bien loin du tripalium ! Lorsqu'un utilisateur se rend sur un site Internet, il fournit ses données de manière passive et indolore. Si un travail est accompli en la matière, c'est celui qui a abouti à l'algorithme utilisé. C'est donc celui des forces de recherche et développement, de centaines et parfois de milliers de développeurs – un travail dont le résultat vous est effectivement fourni gratuitement, et en échange duquel vous donnez quelque chose.

Ce n'est là que l'un des modèles économiques parmi la multitude de modèles qui nous entourent. En matière de logiciels, il y a deux modèles économiques : le logiciel libre et le logiciel propriétaire. Pour notre part, nous sommes favorables à la neutralité technologique, et souhaitons donc que l'État puisse, selon les cas, acheter du logiciel libre ou du logiciel propriétaire. Il est proprement scandaleux de voir la loi définir ce qui relèverait du bon ou du mauvais modèle économique. Affirmer, au moyen de la loi, que l'État ne doit acheter que du logiciel libre revient à écarter non seulement les grands éditeurs de logiciels, mais aussi une multitude de PME développant des environnements numériques de travail et des outils pour l'e-éducation.

Certaines entreprises n'ont pas choisi le modèle du logiciel libre, parce qu'elles veulent financer leur recherche et développement au moyen d'un modèle de licence. Tout le monde, ici, utilise sans y voir le moindre inconvénient, sans se sentir emprisonné et sans même y penser, des logiciels propriétaires sur son téléphone, son iPad, sa tablette ou son ordinateur – et, demain, les enfants qui utiliseront ces logiciels, ou ceux conçus sur le modèle du logiciel libre, peu importe, ne s'en porteront pas plus mal ! Le rôle de l'État est d'être neutre sur le plan technologique. Sur ce point, je me félicite du vote de l'amendement du Gouvernement ayant supprimé la priorité au logiciel libre, qui a ramené le débat à la raison. On n'arrête pas de présenter le logiciel libre comme une valeur sociétale, et il est exact qu'il présente de nombreux aspects positifs : il a tout son sens en matière de partage de la connaissance, notamment entre universitaires, il constitue une très bonne méthode de développement de logiciels et permet à certaines personnes de créer leurs propres logiciels et de les distribuer sur un modèle de services. Toutefois, rien ne permet de considérer que le logiciel libre a vocation à s'imposer comme un modèle unique, à moins d'avoir la nostalgie de cette manie normalisatrice qui a eu cours naguère dans certains pays, où tout était planifié, y compris la forme, la taille et la matière des casseroles – les mêmes pour tous !

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Nous en avons terminé avec les questions.

Je vous remercie, madame et messieurs, d'avoir bien voulu participer à nos travaux. Nous allons maintenant passer à la seconde partie de ce débat, avec l'intervention de Mme la ministre.

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui pour ce débat sur Internet et les données personnelles, un sujet d'une brûlante actualité, bien que cela n'ait pas été fait exprès.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

C'est là un sujet absolument décisif, surtout lorsqu'on a l'ambition, comme ce gouvernement, de porter la numérisation de tous les pans de la société. Car c'est bien là l'objectif de la feuille de route gouvernementale sur le numérique adoptée en février dernier, et à laquelle tous les ministères ont contribué : innerver toutes les politiques publiques par le numérique.

C'est aussi l'objectif du plan Très haut débit que j'ai mis en place, à la demande du Président de la République, pour apporter la fibre dans toute la France d'ici à dix ans – parce qu'Internet, demain, doit être à très haut débit. C'est encore l'objectif des mesures pour le numérique à l'école que nous avons annoncées hier avec Vincent Peillon ou, dans un autre registre, le soutien à l'application de la LICRA que j'ai lancée ce matin.

Ce gouvernement porte une véritable ambition numérique. Il porte aussi et surtout une vision de l'Internet, dont je veux ici vous présenter les contours. Premièrement, nous considérons qu'Internet doit être ouvert. Devenu un moyen essentiel de la liberté d'expression, c'est un outil radical et unique pour l'émancipation des peuples – on l'a vu hier, on le verra à coup sûr encore demain.

Reste que cette liberté, comme toutes les libertés d'ailleurs, peut être utilisée en bien ou en mal, et que la frontière est parfois ténue. Il y a d'un côté les révolutions arabes et le formidable impact des réseaux sociaux comme outil de mobilisation, et d'un autre côté, plus proche de nous, l'affaire Prism, aux États-Unis, dont nous aurons sans doute l'occasion de parler. On doit donc prendre en considération les deux faces d'une même liberté.

Internet est aussi une source d'innovation sans précédent pour nos entreprises, comme l'attestent les 4 000 start-up du numérique existant en Île-de-France. J'en dressais le constat hier encore au Grand lieu de l'innovation intégrée, qui constituera un accélérateur, un incubateur de start-up.

Que l'on songe enfin aux apports du numérique pour les services publics, aussi bien nationaux que locaux, qu'il s'agisse par exemple de payer son impôt – voilà qui est également d'actualité, même si ce n'est pas très agréable – ou simplement de se repérer dans une gare.

Tous ces apports constituent des révolutions, dans la mesure où ils changent au quotidien la vie de nos concitoyens, des usagers et des consommateurs, et ils ont eu lieu grâce à un Internet libre et ouvert.

C'est bien l'ouverture, l'échange, la facilitation des communications que nos concitoyens plébiscitent au travers d'Internet. Cet attachement à un Internet ouvert va de pair avec le respect des libertés et de la vie privée.

S'agissant de cette dernière question, l'exploitation des données personnelles offre de nouvelles perspectives formidables en termes de services et de développement économique, mais nous conduit à nous interroger dans le même temps sur l'encadrement juridique à mettre en place.

La protection des données personnelles est donc devenue un enjeu majeur, tant du point de vue de la préservation des libertés que du point de vue économique.

La France connaît en la matière une tradition ancienne, puisqu'elle a créé la première autorité de protection des données en Europe, la CNIL, en 1978. Cette même année, le Parlement a adopté la loi CADA relative à l'accès aux documents administratifs. Cela marque le début de l'open data et de la politique d'ouverture des données.

Nous connaissons donc bien ces sujets depuis trente- cinq ans.

Si les principes fondamentaux de notre République sont immuables, le monde change. Aussi nous faut-il respecter les libertés individuelles et la vie privée, tout en nous adaptant à un monde nouveau où les données, traitées en quantités astronomiques, sous toute forme et à tout instant, sont devenues d'importantes sources de valeur et de richesse pour nos entreprises.

Ces questions ne se traitent évidemment pas dans le seul cadre national : la dimension européenne revêt une importance de premier plan. Il nous faut protéger nos données hors de l'Europe.

S'agissant en particulier de la question des transferts de données hors de l'Europe, nos entreprises – françaises et, plus généralement, européennes – ne doivent pas subir davantage de contraintes que leurs concurrentes extra-européennes du seul fait qu'elles respectent la loi et protègent les données.

À l'inverse, les données de nos concitoyens ne doivent pas être détournées, transférées ou réutilisées à volonté dès qu'elles quittent l'Europe, à leur insu dans certains cas.

Depuis l'adoption de la directive de 1995, notre droit protège les données en cas de transfert vers des zones où elles ne sont pas protégées. Ce débat demeure d'actualité : nous devons garantir la protection des données de nos concitoyens, même à destination de pays extérieurs à l'Europe.

Voilà l'un des enjeux majeurs du projet de règlement européen actuellement en discussion, sur lequel nous reviendrons certainement au cours de ce débat.

Ce règlement européen influencera forcément le contenu du prochain projet de loi numérique, annoncé pour 2014 par le Premier ministre et évoqué lors du séminaire gouvernemental de février dernier. Avec le ministère de la justice et celui de l'intérieur, nous tiendrons naturellement compte, dans le cadre de la rédaction de ce projet de loi, du projet de règlement sur le secteur marchand et du projet de directive sur les fichiers publics – autrement dénommés fichiers souverains.

S'agissant du contenu du projet de loi numérique à venir, ainsi que de l'ensemble du champ de la protection des données personnelles, je me réjouis du temps de débat que nous allons avoir et j'espère qu'il me permettra de vous préciser les intentions du Gouvernement en la matière.

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Nous allons à présent aborder la phase des questions. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, premier orateur inscrit.

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Madame la ministre, il nous a été confirmé tout à l'heure que le Conseil de l'Union européenne Justice et affaires intérieures n'a pas pu parvenir à un accord, les 6 et 7 juin derniers, concernant le prochain règlement européen.

Ce projet de règlement, à propos duquel on espère que la discussion aboutira, prévoit de conférer une compétence exclusive au régulateur du pays où se trouve l'établissement principal de l'entreprise responsable du traitement des données pour prendre l'ensemble des décisions applicables, y compris en matière de contrôle et éventuellement de sanction.

S'il était retenu, ce mécanisme aurait pour conséquence d'obliger bien souvent les citoyens à faire valoir leurs droits dans un pays autre que celui de leur résidence, leur CNIL nationale devenant alors une simple boîte aux lettres.

Cette disposition ferait courir un risque considérable de dumping intra-européen, bien que le règlement s'assigne pour objectif d'aboutir à des règles et à un cadre juridique communs : des différences pourraient voir le jour dans les conditions de mise en oeuvre de ces règles, qu'il s'agisse des moyens, des délais ou de la jurisprudence. Les acteurs économiques seront incités à s'établir dans les pays les moins-disants et les moins outillés au regard de la protection des données personnelles.

Mme Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL, avait affirmé, lors d'une réunion du groupe d'études sur Internet que je copréside avec Christian Paul, que dans le cadre de la mise en oeuvre de la notion d'établissement principal, il serait souhaitable que les citoyens se voient reconnaître la possibilité de saisir leur CNIL nationale, ce qui impliquerait une obligation de coopération et de coresponsabilité entre autorités nationales.

Madame la ministre, que va faire le Gouvernement en ce sens ?

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Mme la garde des sceaux a effectivement, au nom du gouvernement français, rejeté le projet d'accord européen proposé, en particulier en raison de cette question du guichet unique.

Vous avez raison de souligner que l'application stricte de cette proposition induirait non seulement un risque de nivellement par le bas des garanties offertes mais, surtout, des complications pour nos concitoyens si toutes les entreprises qui traitent un nombre considérable de données décidaient de concert de s'installer dans un pays où, à l'instar de Malte, la CNIL ne dispose pas des moyens nécessaires pour faire face à un afflux de requêtes.

Le Gouvernement soutient une règle différente, une règle aménagée du guichet unique qui maintient la faculté offerte aux citoyens français de demander la protection de la CNIL française en cas d'atteinte à leurs droits tout en établissant une compétence conjointe avec l'autorité du pays où se trouve l'établissement principal de l'entreprise. Un comité européen des autorités de contrôle assurerait l'unité de jurisprudence entre ces institutions, afin d'assurer la convergence et la cohérence de l'action des diverses autorités saisies.

L'objectif du Gouvernement – nos exigences seront très fortes en la matière – est donc de parvenir à une convergence de la réglementation et non pas à un nivellement par le bas. Aussi souhaitons-nous l'institution d'un double guichet ou, autrement dit, d'un guichet unique caractérisé par une double compétence, l'une relevant de l'autorité du pays de résidence du citoyen, l'autre de l'autorité du pays de l'établissement principal de l'entreprise.

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Je me réjouis que le Gouvernement s'apprête à défendre ce point de vue. Quelles chances cette position a-t-elle d'être partagée par une majorité de pays européens ?

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Vous me demandez de me livrer à de la politique-fiction ! L'Allemagne, le Royaume-Uni et d'autres pays avec lesquels nous avons eu des contacts, tels l'Italie et l'Espagne, sont plutôt en phase avec notre vision des choses. Il n'en reste pas moins difficile de vous dire si cette vision emportera l'adhésion d'une majorité de pays européens.

À tout le moins peut-on constater que nos partenaires européens ne souhaitent pas proposer un nivellement par le bas des garanties offertes aux citoyens.

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Madame la présidente, nous sommes quelque peu troublés par le déroulement de la séance. Il nous avait semblé que M. Bloche devait au préalable présenter le rapport de la mission d'information. Nous allons nous adapter mais c'est regrettable, car cela aurait enrichi le débat.

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Je suis navrée, madame Dumont, mais l'ordre du jour se résume à une séance de questions avec possibilité de répliques. L'intervention que vous évoquez n'a malheureusement pas été évoquée en conférence des présidents. Je tiens à ce que les choses soient claires entre nous : je m'en tiens au déroulé de la séance tel qu'il m'a été communiqué.

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Je le crois bien volontiers. Je m'interroge simplement sur l'origine de cette erreur, puisque M. Bloche était présent pour se livrer à cette intervention.

Je reviendrai sur une question que j'ai déjà posée aux participants à la table ronde, Mme Falque-Pierrotin ayant d'ailleurs été la seule à me répondre : au regard des enjeux économiques importants qui s'attachent dorénavant au traitement des données personnelles, quelle est votre position sur la question de la constitutionnalisation de la protection de ces données ?

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

À titre personnel, dans la mesure où la question n'a pas été posée en tant que telle au Gouvernement, je suis plutôt défavorable à la constitutionnalisation. Il me paraît très compliqué de figer de manière définitive dans la Constitution, dans la loi aussi d'ailleurs, des principes qui risquent d'obérer pour l'avenir l'innovation, en particulier des entreprises.

Cela peut sembler refléter un point de vue excessivement économique. Toutefois, nous nous trouvons dans un environnement tellement évolutif, où techniques et technologies évoluent avec une telle rapidité, qu'il ne faut pas mettre en danger la capacité de nos entreprises à innover et à utiliser – certaines le font à bon escient – les données personnelles, qui constituent un gisement de valeur sans précédent.

Il convient donc d'être très vigilant et de trouver le bon équilibre en la matière. C'est ce à quoi nous nous attachons, tant dans les discussions conduites dans le cadre de l'Union européenne que dans les réflexions menées à l'échelon interministériel. Cet équilibre doit assurer une garantie satisfaisante des données personnelles tout en préservant le dynamisme de l'économie numérique, qui ne doit pas être bridé par des décisions figées et définitives.

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Je suis d'accord avec vous, madame la ministre : les données personnelles constituent un formidable gisement de valeur et un potentiel de croissance et d'emplois. Mon souci n'est absolument pas de freiner cela, mais de savoir s'il existe un moyen sûr d'assurer la protection des données personnelles et si la constitutionnalisation n'en serait pas un. Par ailleurs, je ne comprends pas le lien que vous faites entre la constitutionnalisation et les freins à l'innovation.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Le lien n'est pas systématique : tout dépend de ce que l'on écrit dans la Constitution. Il pourrait s'agir de dispositions extrêmement précises, interdisant par exemple, en vertu de la protection due à chaque citoyen, de traiter des données personnelles sans leur consentement explicite – même si ce type de disposition, du fait de son degré de précision, n'a normalement pas à figurer dans un texte constitutionnel. Cela pourrait être de nature à empêcher le développement de certaines activités.

Aussi convient-il de prime abord de réfléchir à cette question dans un cadre législatif, et d'évaluer l'impact des mesures adoptées. Recourir directement au niveau constitutionnel ne serait pas nécessairement proportionné aux besoins.

Par ailleurs, ce qui semble se produire actuellement aux États-Unis – l'on ne dispose pas encore de preuves – montre bien que, quels que soient les lois et les règlements, il est toujours techniquement possible de les contourner. Il convient donc de faire preuve de pragmatisme et de réalisme quant à la manière dont certains acteurs sont susceptibles de s'affranchir du respect des règles, qu'elles soient législatives ou constitutionnelles.

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Je voudrais revenir sur une question qu'a évoquée Mme la présidente de la CNIL, à savoir l'ajout, dans le projet de règlement européen, d'une disposition qui me paraît dangereuse et qui va complètement modifier ce texte magnifique et le rendre contraire aux objectifs poursuivis : je veux parler des données pseudonymes. Les entreprises disposeraient en effet du droit de créer des bases de données très complètes en retirant simplement les éléments permettant d'identifier les personnes, à savoir leurs nom et prénom.

Or on sait très bien que déduire d'une telle base de données l'identité d'une personne est un vrai jeu d'enfant. Il semblerait même que le numéro de sécurité sociale doive être considéré comme une donnée pseudonyme. Autant dire l'hypocrisie d'un tel concept !

L'anonymisation des données est une escroquerie intellectuelle. Considérez une base de données de clients d'un opérateur de télécommunications, de laquelle sont retirés les éléments permettant une identification immédiate : nom, prénom, adresse, numéro de téléphone et relevé d'identité bancaire. Cette anonymisation est supposée protéger la vie privée de tout individu figurant dans cette base de données. Pensez-vous vraiment qu'il soit compliqué de retrouver l'identité d'un individu, lorsque l'étude des déplacements de son téléphone portable permet de déterminer son lieu de résidence, son lieu de travail, l'école de ses enfants et les magasins dans lesquels il se rend ?

Un article de la revue Nature de mars 2013 précise qu'en partant d'une telle base de données, appartenant à un opérateur de télécoms belge, des chercheurs ont réussi à contourner les mesures d'anonymat, avec un taux de réussite de 95 %. Il est donc totalement illusoire, voire malhonnête de prétendre que l'anonymisation suffit à protéger la vie privée des personnes.

Pensez-vous, madame, la ministre, pouvoir empêcher un tel ajout dans ce projet de règlement européen ?

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Je pense qu'il ne faut pas avoir plusieurs régimes de régulation en fonction du type de données.

C'est en fait le profilage qui est en cause, c'est-à-dire la capacité de certains opérateurs ou de certaines plateformes à suivre les internautes. Cela soulève de lourds enjeux, notamment en matière de protection des droits – sans revenir sur les enjeux économiques, mais il est vrai que de nombreuses entreprises ont construit leur modèle économique à partir du profilage. J'ai cité tout à l'heure, Criteo, leader mondial de la publicité ciblée en ligne.

Pour le moment, le projet de règlement prévoit un consentement explicite. Vous me répondrez que cela revient au même : si l'on consent explicitement à ce que les données soient exploitées, il est possible à des opérateurs ou à des organismes de recherche de repérer les déplacements. Ce débat de société doit, je le pense, faire l'objet d'un débat public. Je me trouvais il y a peu en Suède, pays dont on ne peut pas dire que les droits n'y sont pas respectés. En Suède, l'administration publique a fait l'objet d'une réforme très importante. Tous les citoyens et toutes les entreprises se voient maintenant attribuer un numéro d'identification leur permettant de faire de nombreuses démarches en ligne, ce qui leur simplifie énormément la vie, mais leur donnant aussi accès, lorsqu'ils le souhaitent, à la fiche de salaire de leur voisin de palier, celui-ci en étant informé par un courrier de l'administration. C'est donc un régime de transparence extrêmement poussé.

La position que la garde des sceaux et moi défendons est celle du renforcement du principe du consentement de l'utilisateur concernant l'accès à ses données, ce qui lui permettra de savoir qu'elles seront susceptibles d'être utilisées par un certain nombre d'opérateurs. Cette obligation de consentement explicite doit être étendue au profilage.

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Le personnummer – le numéro d'identification personnel de tous les Suédois – existait déjà quand j'habitais en Suède, il y a presque un quart de siècle. Le temps passe vite…

Grâce à ce numéro d'INSEE simplifié, des informations peuvent être communiquées sur tous les éléments de la vie d'une personne, et également sur celle de son voisin. Ce n'est pas de cela que nous parlons mais, comme vous l'avez précisé, de la question du consentement explicite, aspect crucial, noeud central de ce projet de règlement. Ce consentement est aujourd'hui implicite. Passer à un consentement explicite résout énormément de difficultés. Toutefois, modifier le projet de règlement en y ajoutant ces données pseudonymes, ce pseudo-anonymat, dénature totalement la volonté du législateur européen qui veut protéger l'internaute qui déposera ses données personnelles. Ce n'est pas parce qu'on met ses données personnelles sur Facebookqu'on en autorise la commercialisation par n'importe qui. Contrairement à ce qu'affirmait tout à l'heure M. Rivière, il n'est ni normal ni logique que des données personnelles déposées par un internaute sur Facebook soient utilisées à des fins commerciales sans qu'il ait donné son assentiment. De tels propos m'ont semblé tout à fait faux. Comment réagissez-vous à cela ?

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Une véritable difficulté technique se pose. Il y a eu un débat au sein du Conseil JAI sur le consentement explicite et le consentement non ambigu. C'est, il est vrai, compliqué. En effet, le consentement explicite s'envisage, par exemple, comme une case à cocher ou un réglage de navigateur. C'est un type de règle qui pourrait brider l'activité de nombreuses entreprises.

Faut-il se contenter d'un acte positif – que l'internaute flashe un QR Code sur une page, une publicité par exemple, ce qui signifierait qu'il est intéressé par un contenu et qu'il accepte d'entrer dans un programme d'utilisation des données personnelles – ou faut-il des actes plus explicites ? Il est très compliqué de définir les bonnes modalités du consentement explicite, qui garantissent à la fois que les internautes comprennent les enjeux et les conséquences de leur consentement au traitement des données personnelles et que les acteurs économiques pourront les utiliser. Ils le font d'ailleurs d'une manière pas forcément invasive ou négative, qui ne se traduit pas forcément par un marketing direct et désagréable.

Il convient donc vraiment de trouver le bon point d'équilibre entre la protection des données personnelles, et donc le consentement explicite, et les enjeux économiques, qui sont tout de même non négligeables, y compris en termes d'emplois, et qu'il convient donc de prendre en considération. Aujourd'hui, la valeur économique des données personnelles représente un marché de 315 milliards de dollars.

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Madame la ministre, je rejoins les préoccupations de Mme Attard. Comme nous l'avons précisé à plusieurs reprises, la centralisation des données me paraît aujourd'hui dangereuse pour la protection des libertés individuelles. En effet, un très grand nombre d'utilisateurs d'Internet stockent la plupart de leurs données personnelles – messages, contacts, affinités, photos… – chez les géants du net, notamment Google ou Facebook. Voilà la question de fond : faire confiance aux entreprises privées pour protéger des libertés fondamentales telles que la liberté d'expression et la protection de la vie privée. Tant que les utilisateurs feront aveuglément confiance à ces sociétés sans réaliser la valeur de leurs données personnelles et le caractère crucial de leur protection, ils resteront exposés à cette surveillance, que ce soit dans un but purement commercial, sécuritaire ou politique.

Afin de répondre à cette préoccupation, je pense qu'il faudrait utiliser des services Internet décentralisés, et je crois que vous vous êtes déjà exprimée sur ce point. Cela implique que les utilisateurs s'interrogent sur le fonctionnement de la technologie et cherchent activement à la maîtriser. Nous, adultes, qui avons été éduqués avec la plume de Jules Ferry, rencontrons des difficultés à utiliser les logiciels, libres notamment… Cette question cruciale touche à l'éducation et à la technologie. Si je vous interroge sur ce point, c'est parce que, en tant que maire – je cumule !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

– je développe le net dans les écoles. Je sais que vous travaillez avec Vincent Peillon à l'entrée de l'école dans l'ère du numérique. Pouvez-vous nous indiquer les dispositifs qui seront mis en oeuvre afin d'éduquer et de sensibiliser, ce qui me semble essentiel, les jeunes utilisateurs du web à la protection des données personnelles ?

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Pour ce qui est de la régulation des gens du net d'abord, vous avez tout à fait raison, la directive de 1995 qui s'applique actuellement a un champ d'application territorial extrêmement peu clair. Les débats sont nombreux sur ce sujet – et l'on en parle beaucoup dans le travail sur le projet de règlement. Je citerai, entre autres questions, l'application des mêmes règles à tous les traitements de données personnelles appartenant à des résidents européens, les transferts vers les territoires dépourvus de législation en matière de protection des données ou l'autocertification des acteurs, qui les laisse libre de traiter ensuite les données. Le Gouvernement sera très ferme lors des discussions du projet de règlement européen. Nous souhaitons que les géants du net, que les entreprises non européennes respectent la législation européenne quand les données concernent les Européens, même si cette législation est plus exigeante. Ce n'est pas tout à fait le cas actuellement. En effet, l'accord Safe Harbor entre l'Union européenne et les États-Unis, conclu en 2000, ne garantit pas parfaitement la protection des données personnelles des Européens.

S'agissant ensuite de l'école, je vous rejoins et je souscris pleinement à votre souci d'apprendre très tôt aux jeunes non à utiliser des tableurs ou le traitement de texte, mais à coder, à développer et à comprendre l'environnement technologique dans lequel ils évolueront ensuite en tant qu'utilisateurs. Je suis très favorable aux expérimentations menées actuellement soit par des associations, soit dans le cadre de l'école. Il existe des langages de développement qui sont extrêmement simples et qui peuvent être enseignés dès l'école primaire. Des élèves de sept ou huit ans peuvent les utiliser. L'Estonie a généralisé les cours de codes à l'école primaire. Nous ne sommes pas forcément en mesure de généraliser cette pratique immédiatement, mais je pense que ces initiatives mériteraient d'être expérimentées et évaluées.

Concernant le service public numérique, Vincent Peillon a annoncé hier qu'il allait créer une direction chargée de réfléchir à l'entrée du numérique dans l'école et à l'entrée de l'école dans le numérique. Une véritable réflexion sera menée sur la pédagogie. C'est, à mon sens, fondamental. Cela ne doit pas uniquement consister à mettre des tablettes à la disposition des élèves, mais à réfléchir à la manière dont les enseignants renouvelleront leurs méthodes pédagogiques. Un service public éducatif du numérique pourra ainsi être mis en place. En effet, les cours en ligne, ce que l'on appelle les massive online open courses, se développent actuellement dans les autres pays. Ils sont libres de droits et utilisables par tous. Il en va de même pour l'enseignement supérieur, avec les initiatives Coursera du MIT. Nous devons nous aussi être dans la course.

Je me suis engagée, avec Vincent Peillon, à déployer tout d'abord le très haut débit dans les écoles, qui seront des sites prioritaires, et à travailler au développement d'une filière du numérique éducatif. Je crois en effet que ce qui nous manque, c'est de peser dans les standards internationaux. Nous devons, pour cela, disposer d'une filière intégrée entre les équipements, les contenus et la pédagogie. Il convient vraiment d'organiser cette filière qui, pour l'instant, est beaucoup trop fragmentée pour donner de bons résultats. Nous y travaillons et, tous les six mois, Vincent Peillon et moi ferons le point sur l'avancement de ce chantier.

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Je vous remercie de cette réponse qui me satisfait pleinement, madame la ministre. Ce sera un énorme travail à accomplir, auprès des jeunes notamment. Des mallettes pédagogiques seront nécessaires pour accompagner les enseignants, car ce n'est pas non plus évident pour eux. Nous sommes utilisateurs, mais peut-être n'avons-nous pas encore bien compris l'environnement, comme vous l'avez rappelé à juste titre. Je prends donc note de votre proposition et de vos intentions sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je poserai plusieurs questions.

Tout le monde ici estime que l'affaire Prism est vraiment d'une ampleur considérable. Si elle était avérée, quelle pourrait être la réponse diplomatique de la France ? Quelles actions sont-elles menées auprès des grands groupes américains afin de savoir s'ils ont vraiment fourni des informations sur les citoyens américains, mais aussi du monde entier ? Je ne sais pas si mes collègues ont reçu, comme moi, un mail de Google les informant que l'entreprise n'était absolument pas impliquée dans Prism. Ce n'est pas le président de Googlequi me l'a envoyé, mais un de nos contacts habituels de Google France. J'estime que la réponse apportée n'est pas à la hauteur de l'affaire, si celle-ci s'avère. Je tenais à porter ce message d'inquiétude.

Ma seconde question concerne le cloud. Le règlement sur les données personnelles pourrait-il aussi s'appliquer pour les entreprises ? Certaines d'entre elles, en effet, y mettent toutes leurs données. L'on sait que le développement massif de l'analyse de données des entreprises va permettre de nouvelles perspectives de services à destination de particuliers ou des entreprises et profondément bouleverser certains modèles économiques industriels. Il ne faudrait donc pas qu'en utilisant les données de nos entreprises, ce soient des acteurs étrangers qui puissent développer ces nouvelles formes d'économie. On le voit dans le domaine du particulier, mais cela peut arriver pour de grands groupes industriels dont nous sommes très fiers, EADS par exemple. Si les données d'EADS recueillies sur l'ensemble des capteurs d'un avion n'étaient plus sa propriété mais étaient diffusées dans le monde entier et non contrôlées, sans portabilité de ces données, c'est l'avenir du groupe qui pourrait être mis en cause.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Sur l'affaire Prism, c'est vrai que nous n'avons pas beaucoup d'informations de la part du Gouvernement américain pour l'instant. Barack Obama a justifié le programme en expliquant qu'il ne visait que des citoyens non américains, ce qui n'est pas très rassurant pour nous. Quasiment toutes les entreprises ont nié l'existence d'un accès direct, d'une porte arrière. Les PDG de Google et de Facebook ont quant à eux publié un démenti formel, c'est sans doute ce qui vous a été communiqué.

C'est un problème très préoccupant pour nos concitoyens mais également pour nos entreprises, vous avez raison. Cela pose encore une fois la question des conditions de transfert des données hors Europe.

Le Gouvernement américain a assuré qu'il enquêtait, et qu'il fournirait aux autres gouvernements toutes les données nécessaires pour prouver la légalité de son dispositif. Nous attendons donc ces éléments d'information.

Le Quai d'Orsay attend bien entendu les explications du gouvernement américain, mais propose de continuer à travailler à l'universalisation du pacte international des Nations unies relatif aux droits civils et politiques, et à appeler les États à mieux respecter les garanties, contenues dans ce pacte, qui protègent le droit à la vie privée. C'est une initiative diplomatique mais, lorsque les explications seront fournies par l'administration américaine, il y aura vraisemblablement des discussions bilatérales ou multilatérales à avoir avec elle.

Sur le cloud, il y a souvent eu des discussions sur la question d'un cloud souverain. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le précédent gouvernement avait lancé, grâce au programme d'investissements d'avenir, deux initiatives financées par la Caisse des dépôts pour avoir des clouds de taille critique suffisante, avec des data centers ou des serveurs situés sur le territoire français, pour qu'ils ne puissent pas être soumis au Patriot Act ou en tout cas à des saisies de données sur demande de pays étrangers.

Finalement l'affaire Prism, si elle est avérée, et même si de nombreux doutes avaient été émis sur ce point, rend relativement pertinent le fait de localiser des data centers et des serveurs sur le territoire national, afin de mieux garantir la protection des données traitées dans des clouds, avec des sociétés françaises implantées en France et soumises à la loi française.

C'est aussi un moyen pour les entreprises, en particulier celles qui détiennent des informations stratégiques en matière soit de souveraineté, soit d'intelligence économique, de protéger leurs données.

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Toujours à propos du Patriot Act, envisage-t-on, d'abord en France, voire sur le plan européen, de mener une politique industrielle cohérente avec les angoisses que vous venez d'énoncer ? En Allemagne, par exemple, on met en place un cloud allemand pour les données publiques allemandes. En France, je ne vois pas d'initiative aussi avancée. N'aurait-on pas intérêt à ce que des initiatives soient prises non pays par pays mais sur un plan plus européen ? J'ai bien entendu ce que vous nous avez répondu sur la protection des données personnelles sur une surveillance politique extérieure, mais c'est tout de même un peu court pour protéger les personnes.

Je reviens sur le consentement explicite. Si j'ai bien compris, vous passiez du consentement explicite au consentement non ambigu et j'aurais voulu savoir un peu comment cela se présente.

Lorsque l'on entre dans une application, on a l'impression que la gratuité entraîne l'acceptation ipso facto que l'on puisse utiliser de façon marchande nos données sans notre autorisation.

Il y a en plus le profilage, grâce aux informations que je vais donner sur Internet lors de mes démarches personnelles. Il n'y a pas que la marchandisation, on ne va pas simplement les utiliser, on va en plus finir par me donner des informations prédéterminées par rapport à ce que les sociétés pensent de mes besoins. L'on va attenter à ma liberté de découvrir ce que je ne connais pas encore, puisqu'on ne va me donner que « moi-même », constamment répété ; on va m'enfermer dans une idée de moi-même, et qui n'est pas la mienne ! Comment allez-vous mener la réflexion à ce sujet ?

Patrick Bloche est parti, c'est dommage. Dans les cinquante-quatre propositions qu'il faisait dans son rapport sur les droits de l'individu dans la révolution numérique, la dix-septième concernait la manière d'intégrer le respect de la vie privée dans l'utilisation des puces RFID.

Bref, sommes-nous autre chose que des consommateurs ?

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Sur l'approche industrielle du cloud, vous avez totalement raison. Nous prenons aujourd'hui conscience, peut-être un peu tard, de la nécessité qu'il y aurait eu vraisemblablement à être moins dépendants des infrastructures, des plates-formes ou des points d'accès à Internet autres qu'européens. C'est d'ailleurs un peu la question que j'ai posée au Conseil national du numérique sur la neutralité du net étendue aux points d'accès à Internet que sont les moteurs de recherche ou les plates-formes.

La nécessité d'avoir un cloud souverain se pose effectivement avec une grande acuité. Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, Jérôme Filippini, à la tête du SGMAP rattaché au Premier ministre, est extrêmement sensible à ces questions et promeut donc beaucoup la mutualisation des infrastructures, en particulier des administrations, pour que nous ayons un cloud souverain.

Nous avons des acteurs sur le cloud, des sociétés comme OVH, par exemple, société située à Roubaix, et les deux entreprises financées sur le programme d'investissement d'avenir, Numergy et Cloudwatt, qui sont des consortiums français, avec des data centers situés en France, des serveurs situés en France, qui peuvent donc proposer des solutions de cloud souverain, y compris d'ailleurs aux services publics.

Lorsque j'ai parlé d'un consentement explicite et non ambigu, j'ai expliqué qu'il y avait eu un débat entre ces deux notions. Comment, en effet, trouver une régulation qui ne soit pas trop stricte pour ne pas nuire au développement d'un certain nombre de modèles économiques de type marketing ciblé ? L'idée d'un consentement explicite a été défendue par la garde des sceaux lors du conseil JAI, et il y avait une autre position, qui vous a peut-être été présentée d'ailleurs par le représentant de l'AFDEL, le consentement non ambigu, qui n'est pas du tout facile à définir ni sur le principe ni techniquement.

Aujourd'hui, il y a tout de même des protections. Pour le marketing direct, il est exigé un consentement explicite direct, avec une case à cocher. Soit vous acceptez que vos informations soient transmises à des tiers ? soit vous n'acceptez pas.

Pour le profilage, en revanche, le fait que, si vous écrivez « avocat » dans un mail sur Gmail, des publicités pour des services d'avocats s'affichent immédiatement, c'est vrai qu'il n'y a pas de consentement explicite.

Nous devons donc proposer pour le profilage une extension du consentement explicite, à charge pour l'Union européenne ou la Commission de définir les modalités précises et la forme que doit prendre ce consentement, ce qui n'est pas évident non plus. Est-ce la conception de la plate-forme qui fera que vous serez amenés à un moment à consentir, que ce soit par une notification push que vous accepterez, une case à cocher à nouveau ou toute autre technique ? Il est nécessaire en tout cas d'étendre la notion de consentement explicite, qui, aujourd'hui, n'est pas obligatoire.

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Juste une question : comment ?

Je comprends vos propos, mais, concrètement, dans un univers où ce sont les entreprises qui déterminent ce qui est « légal » sur Internet, comment une puissance publique peut-elle infléchir le dispositif vers la notion de consentement explicite ?

Aujourd'hui, quand vous allez sur une application, apparaissent trois pages illisibles, et vous cochez la case « j'accepte » sans les lire car vous avez tout simplement envie d'utiliser Google. Parfois, c'est même en anglais, c'est diabolique.

Exclamations sur plusieurs bancs.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Nous devons déjà peser dans le débat européen, et le conseil JAI a bien montré que la voix de la France était écoutée puisque l'accord n'a finalement pas été adopté. Comme je le disais tout à l'heure, il est essentiel d'obtenir l'application des règles du règlement européen à des acteurs non européens.

Il faut aussi une proportionnalité car on ne doit pas forcément imposer les mêmes règles aux différents sites.

Le principe, c'est que l'utilisateur doit avoir le pouvoir et le contrôle sur ses données. Il faut donc que l'information soit claire et transparente, et non pas en trois pages incompréhensibles en police 8, qui dissuadent la lecture. Nous devons aussi travailler pour que tous les opérateurs de plates-formes ou les gestionnaires de site soient incités à présenter des conditions d'utilisation des données personnelles ou de revente de fichiers de manière transparente et lisible, intelligible pour l'utilisateur. Parfois, c'est vrai, demander le consentement ne suffit pas forcément.

Nous devons donc travailler à la fois sur la transparence de l'information délivrée et sur les modalités de délivrance du consentement par l'utilisateur mais, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas évident techniquement, et je ne crois pas que l'on puisse imposer le même degré de contrainte à tous les sites.

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J'ai deux questions à vous poser, madame la ministre.

Je voudrais d'abord revenir un peu à la charge après l'interpellation de Laurence Dumont sur la constitutionnalisation de la protection des données personnelles et, peut-être plus largement, sur la façon dont les libertés fondamentales qui sont aujourd'hui exercées par et grâce à l'Internet peuvent être protégées dans notre Constitution comme elles le sont déjà plus ou moins, ou pas à pas, par la loi.

Quand on parle, par exemple, d'habeas corpus numérique, cela signifie que la protection des données personnelles peut être un principe constitutionnel. Il appartient au législateur et à la jurisprudence de construire le droit autour d'un principe, mais ce dernier peut gagner à figurer dans le bloc de constitutionnalité. Je le dis d'autant plus volontiers que le Conseil national du numérique a proposé que soit constitutionnalisé le principe de neutralité. À titre personnel, je n'y verrais que des avantages.

Il y a des principes à inscrire dans la Constitution ; la loi leur donnera ensuite des déclinaisons plus pratiques. Le Conseil constitutionnel lui-même, dans sa décision sur la loi HADOPI, a fait de l'accès à l'Internet une liberté fondamentale. On voit émerger peu à peu un ensemble de principes qui sont autant de libertés fondamentales et qui gagneraient à être inscrits dans notre Constitution. Je ne dis pas qu'il faut le faire la semaine prochaine, mais ce serait intéressant dans les années qui viennent.

D'autant que la reconnaissance des libertés n'a jamais empêché le développement d'un secteur. La liberté de la presse, ainsi, n'a jamais empêché le développement de la presse. De la même façon, les principes que nous évoquons, neutralité et protection des données personnelles, n'entravent pas forcément l'innovation. Souvent, les entraves viennent de ce que de très gros acteurs s'y opposent à l'innovation venant d'acteurs plus petits ; dans l'écosystème numérique, c'est plutôt là que se nichent les blocages.

Il y a donc une réflexion à avoir sur cette constitutionnalisation possible. Ce n'est pas du fétichisme juridique, mais plutôt une aspiration démocratique, qu'il faut bien sûr rendre compatible avec le monde numérique. Comme Laurence Dumont, je pense que ce pourrait être une bonne chose.

Ma seconde question est beaucoup plus courte. S'agissant des données personnelles, des propositions vous ont été faites il y a quelque temps : nous avons auditionné, dans le même groupe d'études, Nicolas Colin. Il s'agit de la fiscalisation de l'usage des données personnelles. Par curiosité, je souhaiterais savoir si vous entendez donner un début de suite à cette proposition très créative.

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La parole est à Mme la ministre déléguée, pour répondre à ces deux questions très concrètes.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

S'agissant de la constitutionnalisation, je rappelle que la Constitution garantit déjà les libertés et droits fondamentaux, qui doivent être respectés, que ce soit dans l'espace public réel ou virtuel. Internet n'est pas une zone en dehors de la République, et les principes garantis par le bloc de constitutionnalité, la convention européenne des droits de l'homme, la Constitution, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ont vocation à s'appliquer et peuvent être invoqués pour protéger droits et libertés, y compris sur Internet. C'est un débat que l'on peut néanmoins ouvrir, cela correspond peut-être à une demande sociale forte. Je pense que pour l'instant le niveau législatif est suffisant, et c'est l'option qu'a choisie le Gouvernement, sachant, en particulier, que la notion d'habeas corpus numérique concerne davantage la gestion ou le traitement informatisés des données par les autorités publiques, notamment la police, que l'action d'opérateurs privés.

En ce qui concerne la fiscalité numérique, nous menons un travail à plusieurs étages. Le débat, ces derniers mois, au sein de l'Union européenne et de l'OCDE, a considérablement gagné en ampleur. Le sujet était assez peu évoqué il y a encore un an, mais la question de l'érosion des bases et du déplacement des profits est entrée dans la discussion au sein de l'OCDE, à la demande, d'ailleurs, de l'administration américaine.

Nous travaillons dans le cadre de l'OCDE sur la question de savoir comment nous pouvons appliquer à l'économie numérique une notion de présence digitale fiscale – c'est la traduction des termes anglais retenus – qui permettrait de rattacher à un territoire des bénéfices ou un chiffre d'affaires réalisé par une entreprise n'ayant pas de siège, pas de représentation juridique dans un pays de l'Union européenne.

Au sein de l'Union européenne, la réflexion a été relancée sur une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés qui permettrait d'avoir une position de négociation plus forte vis-à-vis des acteurs multinationaux optimisant leur impôt, quitte, ensuite, à ce que l'on trouve les moyens de répartir la recette fiscale entre les États de l'Union, en fonction de critères à déterminer : chiffre d'affaires, taille d'équipes, bénéfices…

Enfin, s'agissant des solutions nationales, le rapport de Nicolas Colin et Pierre Collin a proposé une taxation des entreprises ayant un usage non vertueux des données personnelles. Nous y travaillons depuis plusieurs mois avec les services de la législation fiscale et la direction du budget. Mais ce sont des concepts compliqués à mettre en oeuvre. En particulier, ils ne doivent pas conduire à ce que des entreprises comme Orange ou EDF – cette dernière étant moins présente dans l'économie numérique –, qui manient beaucoup de données personnelles, soient excessivement lésées.

La solution n'est pas mûre à ce jour ; nous y travaillons encore. Il n'est d'ailleurs pas exclu que nous ayons des propositions lors du prochain projet de loi de finances. Mais ces concepts sont radicalement nouveaux et il n'est pas aisé de les mettre en oeuvre. Surtout, leur impact doit absolument être évalué au préalable, pour savoir quels types d'entreprises seront concernés, si cela implique des transferts de charges, entre quels acteurs… Nous souhaitons avancer sur le sujet, mais avec prudence, pour ne pas mettre en danger les marges de croissance d'entreprises qui utilisent beaucoup de données personnelles.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur des données personnelles qui sont peut-être plus personnelles que les autres, les données de santé, selon deux approches.

La première concerne l'utilisation des données anonymisées de santé à des fins de santé publique, de pharmacovigilance ou de pharmaco-épidémiologie. À l'occasion d'une table ronde organisée par notre collègue Christian Paul, nous avons vu que les positions des différents acteurs ou demandeurs sur cette question d'open data étaient encore très éloignées les unes des autres.

Je pense que les données d'anonymat peuvent être respectées dès lors que sont choisies des cohortes suffisamment larges pour rendre impossible le danger qu'a souligné Mme Attard, à savoir que, par croisement de fichiers, les personnes soient identifiées malgré l'anonymisation. Je souhaite connaître votre sentiment à cet égard.

La seconde approche est celle du DMP, ce dossier médical personnel qui tend à devenir de plus en plus un dossier médical partagé. La question du consentement est posée. Je vous ai entendu parler de « consentement explicite et non ambigu ». Au cours de la précédente législature, j'ai interrogé à plusieurs reprises la présidente de la CNIL sur divers aspects du numérique de santé, et en particulier sur la façon d'opérer le recueillement du consentement pour les données de santé ; elle m'a répondu que le consentement devait être explicite et éclairé. Le consentement devrait donc être à la fois explicite, non ambigu et éclairé ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En ce qui concerne la dimension pratique, je pense qu'il ne peut s'agir que d'un consentement prouvé par un écrit. À l'heure actuelle, dans les établissements de santé, ce sont les services administratifs qui créent des DMP. Parfois, on fait même appel aux patients eux-mêmes pour créer leur propre dossier médical. Cela ne me paraît pas conforme à l'exigence de la CNIL, qui est sans aussi la vôtre, d'un consentement qui soit à la fois explicite, non ambigu et éclairé. Je souhaite recueillir votre sentiment sur ces deux approches des données personnelles de santé.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Vous évoquez, monsieur le député, un sujet qui m'est très cher, mais sur lequel en effet il n'y a pas encore de consensus entre les acteurs.

Je suis persuadée, notamment au regard des expériences menées dans plusieurs pays étrangers, que la libération des données publiques en matière de santé, pour autant que ces données soient anonymisées, offre un gisement considérable d'informations, pour la prévention, l'épidémiologie, la création de modèles d'affaires... La ville de New York, par exemple, qui détenait beaucoup de données de santé, les a libérées ; il s'est ainsi créé de nombreuses start-up, qui anticipent désormais l'arrivée de certaines épidémies, comme la grippe, mieux que les agences publiques de santé. Du point de vue de la prévention comme de la création d'activité, ce pourrait être extrêmement bénéfique pour l'écosystème de l'économie de la santé.

En ce qui concerne le dossier médical personnalisé, les statistiques sur les examens redondants concernent souvent des examens extrêmement coûteux, comme les scanners ou les radios. Ils sont prescrits plusieurs fois, par exemple parce que le document a été égaré. L'existence d'un dossier médical personnalisé, où pourraient être stockés ces images, scanners, IRM, dans un espace sécurisé, permettrait de réduire considérablement la dépense sociale, ce qui, à l'heure actuelle, n'est pas du luxe.

Vous savez qu'il existe un GIP DMP, un peu en jachère pour le moment en raison de ces questions du consentement et de la gestion de la donnée publique. Certains acteurs publics du secteur de la santé, à l'instar de la CNAM, ne sont pas très favorables à la libération de ces données publiques, alors qu'il y a là, je pense, pour autant que la technologie permette de garantir la vie privée et l'intimité des patients, un gisement considérable d'économies, et surtout la possibilité d'un meilleur service aux patients. Imaginez que vous ayez, par exemple sur une carte à puce, votre dossier médical personnalisé : s'il vous arrive un accident, le personnel de l'hôpital qui vous traitera pourra immédiatement connaître vos antécédents, vos allergies, et autres données importantes. Il est d'ailleurs tout à fait envisageable technologiquement que vous puissiez déterminer, en fonction des personnes qui consulteront ce dossier, à quelles données elles auront accès. Si vous avez avorté et que vous ne souhaitez pas que cela se sache en cas d'accident, car ce n'est pas une information forcément nécessaire, vous pouvez très bien décocher cette information.

Marisol Touraine a relancé une concertation sur le sujet. C'est évidemment un débat qui nécessite la concertation entre les patients, les associations, les représentants de l'hôpital public, les agences régionales de santé. Je crois vraiment qu'il mériterait d'aboutir, car ce serait une source d'amélioration de la qualité du service rendu aux patients ainsi qu'une source d'économies potentielles considérable.

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J'ai une petite question très précise à vous poser, madame la ministre. La précédente table ronde concernait l'éducation numérique, dont nous sommes tous convaincus qu'il s'agit d'un enjeu énorme pour répondre à terme à toutes les questions que nous nous sommes posées cet après-midi. On sait que ce sont souvent les jeunes qui sont les moins vigilants en termes d'utilisation de ces données. La CNIL a lancé un collectif pour soutenir l'idée de décréter l'éducation numérique grande cause nationale, ce qui donnerait des moyens et ouvrirait un accès aux médias. Je voulais savoir s'il y avait déjà, de votre côté, des éléments de réponse à cette revendication.

D'une phrase, pour conclure notre débat de l'après-midi, vous avez dit à juste titre qu'aux niveaux européen et mondial la voix de la France était écoutée. Soyez convaincue, madame la ministre, que c'est bien parce que la voix de la France est écoutée – ce qui est historiquement légitime : nous avons été les premiers, avec la loi de 1978, à créer une CNIL – qu'il faut que nos exigences soient fortes.

Vous aurez compris, je pense, qu'elles le sont dans la majorité. Je pourrais dire, sous forme de boutade, qu'on peut être pour l'autorégulation exigeante, mais que la loi n'est pas inutile dans un certain nombre de cas. Or, quand il s'agit de la protection des citoyens, le passage par la loi est en l'occurrence le plus favorable.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

S'agissant des actions de sensibilisation à la vie privée sur Internet, en sus d'un grand nombre d'acteurs mobilisés pour sensibiliser les usagers – et surtout les plus jeunes d'entre eux – aux enjeux de la protection des données personnelles, la CNIL a mené en 2011 une campagne de sensibilisation ciblée sur les collèges. Elle a été très bien faite et un guide pédagogique a été diffusé. Je ne sais pas si Mme Falque-Pierrotin l'a évoqué tout à l'heure, mais en 2012 un partenariat entre la CNIL et Mines-Télécom a été signé pour sensibiliser également le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur aux problématiques de protection des données personnelles dans le cadre des projets de recherche.

Par ailleurs, un certain nombre d'acteurs de la société civile – en particulier, l'Association française des correspondants informatique et libertés – organisent régulièrement des sessions de sensibilisation et de formation. Dans le cadre du Plan numérique de Vincent Peillon, des actions de sensibilisation des jeunes, et particulièrement des plus jeunes, au numérique sont prévues, afin de montrer par des cas très pratiques les dangers d'Internet. Des films pédagogiques extrêmement bien faits et adaptés à tous les âges expliquent ainsi les dangers qu'il y a à s'exposer ou à se surexposer parfois sur les réseaux sociaux et à laisser traîner des données personnelles ou des photos. Ils montrent bien l'impact que cela peut avoir par la suite sur la vie réelle des jeunes. Il faut que l'État encourage ce type d'actions. Il accompagnera d'ailleurs la CNIL en ce sens – et pourquoi pas en partenariat avec l'Éducation nationale ?

Nous partageons votre exigence relative à la protection des libertés numériques ; c'est pourquoi nous étions opposés à ce guichet unique qui aurait conduit à un forum shopping et à un nivellement par le bas des exigences en matière de protection des données publiques. Nous voulons garantir un haut niveau de protection pour nos concitoyens, mais également pour nos entreprises : aussi avez-vous parfaitement raison. Dans la loi sur le numérique que je souhaite présenter au premier semestre de l'année 2014, l'objectif sera bien de garantir les droits et les libertés fondamentales dans le monde numérique, notamment la liberté d'expression et de communication qu'Internet nous a apportée. Mais il s'agira aussi de renforcer le droit des personnes, notamment vis-à-vis des fichiers de police. C'est la question de l'habeas corpus que j'évoquais tout à l'heure et qu'il conviendra d'articuler avec le calendrier européen de règlements et la directive sur les fichiers souverains.

Je suis plutôt favorable au renforcement des pouvoirs de la CNIL, dans le cadre de la défense des droits à la vie privée et à la protection des données personnelles. S'agissant de la neutralité du net, j'ai demandé au Conseil national du numérique de s'intéresser à la pertinence de l'extension d'un tel concept aux plates-formes et aux points d'entrée sur Internet que constituent les moteurs de recherche ou d'autres plates-formes de recherche verticale, voire aux équipements dotés de systèmes d'application qui sont totalement fermés. Cette question de la neutralité du net pourra faire l'objet d'une partie de cette future loi, de même qu'un certain nombre d'éléments de régulation dans le secteur des télécoms, qui doivent également être abordés.

Un groupe de travail sur la cybercriminalité a été mis en place récemment, avec Manuel Valls et Christiane Taubira. Nous travaillons sur la manière de protéger les plus fragiles, en particulier, contre tous les aspects de la cybercriminalité, qui sont assez nombreux, de la pédopornographie à la contrefaçon, en passant par les arnaques.

Il faudrait également prévoir des dispositions législatives relatives à toutes les mesures de contrôle indépendant – notamment en matière de protection de la propriété intellectuelle – qui nécessitent l'intervention d'un juge et qui ne passent pas par des techniques de filtrage du net. Un travail interministériel est actuellement en cours, avec le ministre de l'intérieur et la garde des sceaux, pour intégrer l'ensemble de ces préoccupations dans un projet de loi.

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Nous avons vu ce que représente l'effort de qualité en matière de protection des données personnelles ainsi que l'effort de sécurité pour tout ce qui ira dans le cloud. Ne peut-on pas essayer de transformer cet effort en un avantage compétitif pour l'Europe au niveau mondial ? Il s'agirait de donner au consommateur européen une image plus favorable des sociétés qui travaillent en Europe dans le respect de ces règles. N'y a-t-il pas un travail à mener en ce sens pour transformer en un avantage compétitif l'effort qualitatif de protection que nous ferions dans le cadre du nouveau règlement pour le traitement des données comme pour l'hébergement dans le cloud ?

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Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

La présidente de la CNIL défend en effet cette idée selon laquelle le régime de protection des données personnelles est aussi, en quelque sorte, un facteur de compétitivité ou d'attractivité économiques.

Concernant la prise de conscience des citoyens sur ces questions de protection des données personnelles, il existe des sondages récents sur les réseaux sociaux en particulier. Ces sondages montrent qu'il existe une très forte adhésion à ces réseaux sociaux – et une très forte pénétration en France – couplée à une très forte inquiétude vis-à-vis du respect d'un certain nombre de règles ou de la protection des données personnelles sur ces mêmes réseaux : la relation est donc fortement ambiguë.

Dès lors que des entreprises se soumettraient à des normes élevées, elles pourraient proposer des options permettant à chacun de choisir son degré d'adhésion relatif au traitement de ses données personnelles. Certains en effet peuvent aimer le marketing ciblé et trouver pratique de se voir spontanément proposer des hôtels à Istanbul, s'ils cherchent un billet d'avion pour Istanbul. C'est donc aussi à chacun de déterminer son degré d'acceptation dans le traitement ou non de ses données, et ce de manière automatique ou non. Il pourrait en effet y avoir un avantage compétitif à tirer pour des entreprises vertueuses – pas nécessairement européennes – qui adopteraient des codes de bonne conduite et seraient par la suite valorisées par leurs utilisateurs. Nous revenons à la soft law.

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Je n'ai pas été saisie d'autres demandes de prise de parole : le débat est donc clos. Madame la présidente Dumont, je me permets de vous redire que, renseignement pris, il n'avait pas été demandé à la Conférence des présidents qu'il y ait une présentation du rapport Bloche-Verchère ; c'est pourquoi nous avons eu un débat de cette forme. Je pense néanmoins que chacun a pu poser les questions qu'il avait à poser. Je remercie Mme la ministre.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Questions au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron