Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle le débat sur la politique maritime de la France.

La parole est à Mme Huguette Bello, première oratrice inscrite.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, mes chers collègues, ce débat sur la politique maritime de la France a été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée à l'initiative de la composante ultramarine du groupe GDR, car il nous est évident que, pour une part essentielle, l'avenir se jouera, dans ce domaine, à partir des territoires d'outre-mer et avec les acteurs locaux. En effet, si avec 11 millions de kilomètres carrés, l'espace maritime français est considéré comme le deuxième territoire maritime mondial, il relève pour 97 % des territoires d'outre-mer.

Cette immense zone économique exclusive n'a pourtant pas suscité une ambition particulière. Elle a été négligée car la France a longtemps oublié qu'elle avait une vocation maritime et une responsabilité particulière en la matière. Depuis une décennie, cet oubli commence à être réparé. Expérimentations et réflexions se multiplient. Pas plus tard qu'hier se sont tenues à la Réunion les Assises de la mer et du littoral. Mais les contradictions demeurent, et cela à tous les échelons. Deux exemples l'illustrent de manière éloquente.

D'abord, le niveau des connaissances sur ces espaces. Alors que l'importance des enjeux maritimes s'impose jour après jour, la deuxième puissance maritime mondiale ne dispose toujours pas de données globales sur les ZEE ultramarines, pas plus que sur les ressources naturelles qu'elles recèlent. Cet aspect, qui devient problématique au moment où la prospection des ressources de la mer s'accélère, constitue un argument en faveur de la création de ce « pôle de la mer » que nous appelons de nos voeux à la Réunion. Dans l'océan Indien, haut lieu de la biodiversité, le potentiel de recherche est immense. Une telle structure, où seraient regroupés compétences scientifiques et moyens de recherche, permettrait de rendre plus proche une expertise encore fortement centralisée.

Ce pôle serait aussi un excellent vecteur pour promouvoir l'enseignement et la formation relatifs aux métiers de la mer – les métiers émergents, notamment – ainsi que le préconisait déjà le Grenelle de la mer. Il pourrait également inciter l'Europe à inscrire enfin les océans parmi ses priorités, notamment dans son programme-cadre pour la recherche et le développement.

Paradoxale aussi la politique commune de la pêche : alors qu'elles contribuent pour les deux tiers à la façade maritime communautaire, les régions d'outre-mer et leurs potentialités marines ne sont pas prises en compte. Malgré leurs ressources halieutiques abondantes et préservées, elles sont soumises à la politique de restriction des captures et des flottes définie pour des espaces marqués par la raréfaction des ressources.

On sait qu'avec la Réunion, Mayotte, les îles éparses, les terres australes antarctiques françaises, la ZEE française dans l'océan Indien est loin d'être négligeable. On sait aussi que l'espace maritime des pays de la Commission de l'océan Indien représente deux fois la superficie de la Méditerranée. Pourtant, l'immense majorité des captures – 97 % – dans cet océan est réalisée par des pays non riverains. Le fait que, contrairement aux régions ultrapériphériques portugaises ou espagnoles, les RUP françaises ne soient pas représentées dans un comité consultatif régional semble peser lourd dans les décisions qui les concernent.

Il est donc urgent qu'elles soient, elles aussi, dotées d'un comité consultatif régional, en sorte qu'elles puissent exprimer leur avis au sein de l'Union européenne. De la même manière, la cohérence des décisions se trouverait renforcée si les RUP pouvaient participer, au moins comme observatrices, aux négociations des accords de pêche entre l'Union européenne et leurs pays voisins. Une initiative de la France en ce sens serait particulièrement bienvenue. Elle s'inscrirait dans le cadre de la politique maritime intégrée, qui place les régions parmi les acteurs principaux.

Le xxie siècle sera celui des océans, répète-t-on à l'envi. Le champ des possibles ne cesse en effet de s'élargir. En quelques années, les océans sont devenus une source majeure d'énergies renouvelables. Dans les outre-mer, où de multiples expérimentations sont d'ores et déjà en cours, et notamment le procédé d'énergie thermique des mers, les énergies marines renouvelables seront un apport décisif pour atteindre l'objectif d'autonomie énergétique.

Nous assistons aux prémices d'une nouvelle industrie dans laquelle, du fait de leur position géographique, les territoires d'outre-mer seront incontournables. Filières d'avenir par excellence, les énergies marines ont besoin d'être soutenues. Nous peinerions à comprendre que les projets novateurs en cours à la Réunion finissent par être abandonnés, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sous le double effet de la mondialisation des échanges, mais aussi de la fonte des glaciers du pôle Nord, les routes commerciales maritimes se redessinent, parfois même de nouvelles voies de navigation s'ouvrent. Ces évolutions sont décisives. Elles modifient en profondeur les flux économiques. Elles déterminent les stratégies portuaires. Dans l'océan Indien, un axe majeur est en train de se consolider entre l'Asie et l'Afrique. Il s'inscrit dans la stratégie du « collier de perles » de la Chine qui veut relier l'Asie et l'Amérique latine.

Cette nouvelle configuration ne peut que renforcer l'ambition du grand port maritime de la Réunion. Elle rend aussi plus indispensable encore la création d'une compagnie maritime régionale associant la Réunion et les îles voisines. La Commission de l'océan Indien vient d'en approuver le principe. La réalisation de ce projet serait l'un des signes les plus clairs de la politique de grand voisinage prônée par l'Europe.

La France ne sait pas combien elle est riche ! Parce qu'elle est liée à la page la plus douloureuse de leur histoire, les Réunionnais se sont longtemps détournés de la mer. Mais nous retrouvons la géographie, nous retrouvons l'océan Indien. À nous, tous ensemble, de donner tout son sens à cette nouvelle étape.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.

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Depuis un an, le Gouvernement entreprend de relever le défi maritime français, de résoudre ce paradoxe qui veut que la France, deuxième surface maritime au monde grâce à ses territoires ultrapériphériques, peine à s'affirmer comme une véritable puissance maritime. De Grenelle de la mer en rapports parlementaires ou en travaux d'experts – tous de grande qualité, il va sans dire – le diagnostic est solide.

Vous avez fixé une ambition, monsieur le ministre, une feuille de route : relever le défi maritime français. On peut d'ailleurs enregistrer des avancées ces derniers mois, avec l'application des règles de l'État d'accueil aux navires pratiquant le cabotage en France ou la ratification de la convention internationale sur le travail maritime, pour ne prendre que quelques exemples.

Je souhaiterais, sans couvrir les nombreux sujets qu'appelle un débat sur la politique maritime de la France, en évoquer trois en particulier.

Pour ce qui est de la stratégie nationale de relance portuaire tout d'abord, vous fixez trois priorités : l'industrie, l'aménagement et la logistique. Je ne m'arrêterai que sur ce dernier point. Mettre les ports au centre de la chaîne logistique, quoi de plus naturel en effet, lorsqu'on sait que près de 80 % du commerce mondial empruntent les voix maritimes ? Ainsi, 74 % des marchandises qui entrent en Europe ou la quittent empruntent la mer. Mais un cinquième de ce volume transite par trois ports seulement : Rotterdam, Hambourg et Anvers.

Le développement de l'hinterland de nos ports est donc une nécessité d'autant plus absolue qu'une part importante des flux hexagonaux transite par les grands ports du Nord. Les ports doivent être conçus comme des interfaces, des connexions entre les grandes autoroutes maritimes, ferroviaires et fluviales inscrites dans les grands corridors européens. Ainsi, les enjeux sont largement sur la terre ferme, et le développement des coopérations par façade et par axe entre les grands ports maritimes, les ports décentralisés et les ports intérieurs est d'une importance capitale. Nous avons tous en tête les rapprochements qui s'opèrent dans le Nord-Pas-de-Calais, sur l'axe Seine ou sur la façade Atlantique et en Méditerranée.

Ces démarches conduisent à des projets d'investissements optimisés qui n'en nécessiteront pas moins des financements. Sur ce point, doit-on considérer qu'ils trouvent leur place dans le schéma national des infrastructures de transport ? Et la récente annonce par l'Union européenne d'une remise à niveau de 300 grands ports maritimes annonce-t-elle un soutien accru à l'investissement ?

S'agissant du pavillon français, Arnaud Leroy s'est vu confier une mission sur la compétitivité des transports et services maritimes Français. Nous ne pouvons en effet nous satisfaire du vingt-huitième rang de notre flotte de commerce. Je ne reviendrai pas sur la situation de la compagnie My Ferry Link et, à travers elle, sur l'enjeu du pavillon français, particulièrement dans la Manche et en mer du Nord, évoqué hier. Je sais qu'il fait l'objet d'une grande vigilance.

Je souhaite cependant aborder un sujet connexe, qui pourrait avoir des conséquences, à court terme, sur nos compagnies maritimes transmanche : celui de la directive sur la teneur en soufre des combustibles marins. Cette dernière impose une réduction drastique de la teneur en soufre, qui ne devra pas dépasser 0,1 % à compter du 1er janvier 2015, autant dire demain, dans les zones de contrôle des émissions de soufre – Baltique, mer du Nord, Manche – et 0,5 % en 2020 pour les autres régions maritimes européennes.

Les professionnels s'interrogent sur les techniques disponibles, notamment de filtrage, pour atteindre cet objectif, et redoutent de devoir subir des frais de propulsion gonflés de l'ordre de 40 %.

Vous avez déjà pris plusieurs initiatives sur ce sujet, monsieur le ministre, mais ne peut-il être envisagé de solliciter un nouveau délai auprès de la Commission européenne, non pas pour reporter sine die son application mais d'une certaine manière pour la dépasser, en proposant que la flotte française, en tout cas pour le transmanche, s'engage à se convertir au GPL, ce qui présenterait l'avantage que ne soient émis ni soufre ni particules ? Cet engagement nécessiterait à la fois un délai, mais aussi une aide à l'investissement pour adapter la flotte.

Je souhaite aborder en conclusion une méthode : celle de la politique maritime intégrée. Il s'agit sans doute de l'élément clé de la politique maritime que vous édifiez. Cette approche doit permettre de transformer l'océan de potentialité que recèle le monde maritime. C'est un appel à l'intelligence, à l'innovation, à la définition d'un espace partagé et préservé, pas uniquement sous un angle portuaire, sous celui de la flotte ou de la pêche, qui dominent souvent les débats, mais dans toutes les composantes d'une politique maritime intégrée.

Cette approche exige assurément une stratégie nationale, mais elle ne saurait aboutir sans une déclinaison territoriale associant tous les acteurs. C'est la démarche que vous avez engagée lors de l'installation du Conseil national de la mer et des littoraux, avec le lancement des Assises de la mer, en confiant la responsabilité à chaque façade de contribuer à la définition de cette stratégie.

Enfin, nous savons que la flotte océanographique française est particulièrement vieillissante. Pouvez-vous nous préciser si son renouvellement, régulièrement évoqué, est prévu prochainement ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au risque de choquer ou de surprendre, je voudrais d'abord dire que lors de la dernière campagne présidentielle, le candidat qui a le plus, et peut-être le mieux, parlé de la politique maritime et des enjeux qu'elle peut revêtir pour notre pays est celui que le groupe GDR a soutenu. C'est peut-être le seul point d'accord que j'ai avec Jean-Luc Mélenchon : il est convaincu que les enjeux maritimes sont décisifs pour notre pays. Merci au groupe GDR d'avoir inscrit à l'ordre du jour de cette séance un débat sur la politique maritime de la France.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Quelle conversion !

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La mondialisation de l'économie, c'est avant tout la « maritimisation » de l'économie. Parler de la politique maritime de la France, c'est parler de la façon dont la France prend sa part dans la mondialisation.

Avant d'évoquer cette politique maritime, je voudrais souligner une difficulté et un paradoxe.

La difficulté réside dans l'incroyable diversité des sujets englobés dans le domaine de la politique maritime : le tourisme, la plaisance, la pêche – je vois ici la députée de Fécamp ! – le commerce, les ports, l'industrie, la souveraineté, les spécificités ultramarines, la formation, la recherche… avec en outre une redoutable complexité technique et juridique.

Le paradoxe, qui s'explique sans doute par cette complexité mais a aussi d'autres raisons, tient à la contradiction entre les enjeux essentiels pour notre pays et le relatif désintérêt des Français pour leur domaine maritime, constaté depuis bien des années par des intellectuels plus brillants que moi ou des responsables politiques plus importants que moi – je pense notamment à Fernand Braudel ou à Nicolas Sarkozy lors d'un discours fondateur sur la politique maritime de la France prononcé en 2009 au Havre.

Je ne voudrais pas essayer de traiter tous les sujets, je n'en aurais ni le temps ni la compétence, mais je voudrais évoquer deux domaines qui me semblent importants.

Le premier concerne la politique portuaire de la France.

Les ports n'ont jamais eu très bonne presse en France : lieux d'échanges, de brassage, de négoce et de spéculation, de trafic, lieux où l'insécurité a toujours été plutôt au-dessus de la moyenne, lieux d'un travail physique souvent rude et rarement mis en valeur dans l'imaginaire français, lieux de luttes sociales très intenses. Et pourtant, ils sont essentiels, parce que la mondialisation exige des places portuaires efficaces, capables d'accueillir des navires de plus en plus gros et des flux de plus en plus massifs, toujours plus vite et toujours plus sûrement.

Des places portuaires efficaces, c'est utile pour approvisionner le pays, pour exporter notre production, pour capter les flux et développer les capacités de production. J'en donnerai deux exemples.

D'abord, la grande entreprise française Total a concentré ces dernières années ses investissements les plus massifs en Europe sur deux sites : Le Havre et Anvers, pour 1 milliard d'euros chacun. Pourquoi ? Parce que ces sites de production sont des sites portuaires. À l'époque où nous nous interrogeons sur la fin de l'industrie du raffinage ou de la production pétrolière, il faut se poser la question du sens de ces investissements massifs dans des places portuaires.

Le deuxième exemple est passé très largement inaperçu, mais lors du débat sur la fermeture du site de Florange, Mittal a indiqué que stratégiquement, il fallait investir sur des sites situés sur les flux. Dans l'esprit de Mittal, si du moins j'ai bien compris, le site était condamné pour des raisons autant économiques que géographiques. L'investissement productif se concentre aujourd'hui dans une économie mondialisée là où les flux passent, proches des lieux d'échanges maritimes et portuaires.

La question de la compétitivité de nos places portuaires est donc absolument essentielle pour la compétitivité de notre industrie et de notre pays. Cette compétitivité s'accroît, peut-être pas assez rapidement, sans doute à des rythmes différents en fonction des grandes places portuaires – probablement plus vite au Havre qu'à Marseille, à Dunkerque qu'à Bordeaux – mais elle s'accroît, pour trois raisons.

Tout d'abord, de bonnes réformes sont intervenues. Sans remonter à celle de 1991, portée par un ministre qui a mené depuis une belle carrière, rappelons-nous celle de 2008, très critiquée au moment de son adoption mais qui donne de bons résultats. Citons également de bonnes décisions, en particulier celle de regrouper les places portuaires du Havre, de Rouen et de Paris, au sein de Haropa GIE, qui permet d'avancer dans une intégration toujours plus intense de ces trois places complémentaires.

La deuxième raison tient à l'importance des investissements consentis. Nous devons saluer cette politique de continuité nationale tout à fait admirable : les investissements sur Port 2000, décidés en 1995, ou ceux sur les terminaux d'échanges multimodaux qui, là encore, permettront peut-être de gagner des parts de marché.

La dernière raison, peut-être la plus importante, est le changement d'esprit qui prévaut sur un certain nombre de grandes places portuaires. Je prendrai l'exemple du Havre, sans doute parce que je le connais bien et qu'il est cher à mon coeur. J'y constate une mobilisation tout à fait exceptionnelle de l'ensemble des acteurs portuaires : les dockers, qui intègrent un discours de productivité et de compétitivité et qui souhaitent défendre leurs outils de production en faisant valoir leurs atouts, les opérateurs privés, qui investissent et mobilisent des énergies, les opérateurs publics, comme la douane, et enfin les grands établissements publics.

Ces éléments expliquent nos progrès considérables en termes de trafic portuaire. Ainsi, au Havre, le trafic aura sensiblement progressé cette année, de l'ordre de 5 à 10 % s'agissant des containers, alors même que dans les grands ports concurrents d'Europe du Nord, le trafic portuaire stagne, quand il ne régresse pas. Cela signifie que nous prenons des parts de marché et que nous sommes sur la bonne voie.

Cette compétitivité n'est cependant pas encore suffisante. Nous rattrapons un retard. En 1990, le port du Havre enregistrait 1 million de containers, de même que celui d'Anvers. Le rapport est aujourd'hui de un à trois : trois pour nous, neuf pour eux. Le chemin est encore long.

Si cette compétitivité n'est pas encore suffisante, c'est que le fret ferroviaire est un échec massif : échec au niveau des infrastructures, retards d'investissements, échec des opérateurs qui ne parviennent pas à faire vivre ce domaine essentiel et qui, ce faisant, limitent la compétitivité des places portuaires.

Deuxième raison de ce retard : nous privilégions la culture de la lutte sur la culture du service. Il y a des grèves en France, et il y en a à Anvers et à Rotterdam. Mais si en France, on dit qu'il y a une grève, à Anvers et à Rotterdam on invoque le brouillard ! Nous privilégions la culture de la lutte en France là où les grands ports du Nord privilégient celle du service. Cela ne signifie pas que la situation soit plus simple là bas mais que nous estimons qu'il faut dire qu'elles sont plus compliquées ici.

La troisième raison relève des choix publics qu'il convient de clarifier. Faut-il véritablement privilégier les liaisons fluviales, le canal Seine-Nord, avant d'avoir réalisé tous les investissements nécessaires sur les places portuaires françaises ? Faut-il vouloir développer les ports du nord ? J'ai tendance à penser qu'il convient de remettre à l'endroit la politique portuaire qui se fait trop souvent… à Anvers.

Quatrième raison : les investissements. Les pays du Nord, Rotterdam, Anvers, investissent des montants considérables. Nous ne sommes pas au niveau.

Enfin, peut-être ne sommes-nous pas suffisamment convaincus que les investissements portuaires relèvent d'une logique de politique industrielle. Il y a là quelque chose qui tient à notre culture, à notre envie, qu'il faut évidemment développer.

Les enjeux immédiats sont évidents. La commission Mobilité 21 a été chargée de se pencher sur le traitement des accès portuaires. Je ne sais pas si M. le ministre pourra nous en dire beaucoup à ce stade mais l'enjeu est considérable. Par ailleurs, quel dispositif fiscal faut-il envisager pour faciliter l'investissement des opérateurs publics, et surtout privés dans les ports français ? Peut-on imaginer des dispositifs fiscaux favorables pour les investissements étrangers, comment le favoriser ? Enfin, quelle politique d'aménagement du territoire mener pour renforcer l'intégration des hinterlands vers les ports ?

Je voudrais à présent aborder, beaucoup plus rapidement, le sujet de la formation des marins.

Pas de politique maritime sans marins, et pas de marins sans formation. Les marins français sont reconnus : le système de formation à la française a fait ses preuves, mêlant apprentissages théoriques et pratiques, expérience à bord et enseignement à terre, enseignement général et enseignement technique. Mais il est aujourd'hui dans une situation délicate.

Regroupant les quatre écoles de la marine marchande, une École nationale supérieure maritime a été créée récemment avec l'objectif de rationaliser et, peut-être de développer la formation. Force est de constater qu'aujourd'hui, de très grandes inquiétudes demeurent sur son avenir.

Ce n'est pas son implantation qui est en jeu, puisque les quatre sites sont préservés – celui du Havre sera d'ailleurs amélioré – mais son projet pédagogique, sa stratégie. L'école semble encore hésitante, empêtrée dans des considérations budgétaires. Sa spécialisation et la tutelle du ministère des transports et de l'équipement y sont sans doute pour quelque chose. Si l'on veut développer les doubles diplômes, les accords avec les universités étrangères, avec les écoles étrangères, il faut ouvrir cette école sur l'enseignement supérieur et définir une stratégie plus ambitieuse que celle qui prévaut aujourd'hui. Le sujet est essentiel. Nous ne ferons pas une grande politique maritime sans marins.

L'urgence est réelle, car notre flotte commerciale souffre. Tous nos concurrents européens ont doublé leur volume de marine marchande. Nous avons augmenté de 10 % quand les Allemands, les Danois, les Italiens et les Anglais renforçaient de 100 à 200 % le volume de leur flotte.

L'urgence est réelle car les autres ne nous attendent pas, qu'il s'agisse de Rotterdam, Anvers, Gènes ou encore Tanger. L'urgence est évidente parce que, dans la logique de la déclaration de Limassol – vous y étiez, monsieur le ministre – l'intégration croissante d'une politique maritime européenne se fait jour et parce que, si nous ne savons pas où nous allons, il y a peu de chance pour que nous pesions dans les décisions européennes.

La politique maritime exige continuité et union, mais aussi un cap clair et une unité nationale assumée. Si le présent débat peut y contribuer, il faut s'en réjouir. C'est en tout cas dans cet esprit mais aussi avec cette exigence que l'UMP accompagnera le Gouvernement.

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La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva pour cinq minutes. J'invite l'ensemble des orateurs à respecter leur temps de parole.

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Avant d'aborder ce débat sur la politique maritime, rappelons que la mer et les océans couvrent 70 % de la surface du globe, que 4 milliards d'êtres humains vivent sur une zone côtière et que 90 % du commerce transitent encore par la mer.

La France, deuxième surface maritime au monde avec près de 11 millions de kilomètres carrés, le doit évidemment à ses territoires d'outre-mer, qui en détiennent 97 % et qui lui assurent une présence sur les trois océans de la planète, dans les deux hémisphères et jusqu'au pôle sud. À ce titre, notre pays doit tenir une place centrale dans le débat international et faire de l'exploitation durable et de la valorisation des océans l'un des grands axes stratégiques de sa politique.

Une dynamique ambitieuse avait été mise en place par Jean-Louis Borloo en 2009 avec le Grenelle de la mer. Cette approche, inspirée du Grenelle de l'environnement, a permis de prendre autant en compte les préoccupations environnementales que les dimensions économiques, sociales et humaines de la mer à travers une réelle concertation de tous les acteurs. Elle a rendu possible l'adoption de 137 engagements qui constituent l'ossature de la politique maritime de la France, une politique qui s'efforce de concilier le développement économique avec la préservation du plus grand réservoir de richesses naturelles de l'humanité.

Sur la forme comme sur le fond, les Assises de la mer et du littoral, lancées au mois de janvier, s'inscrivent dans la continuité de cette politique qui ne doit pas prêter à des clivages superficiels. Votre volonté de mettre en oeuvre une véritable politique intégrée va évidemment dans le bon sens et la Polynésie française prendra toute sa part dans la définition de cette stratégie.

Composé d'archipels qui comptent au total 118 îles hautes et atolls dont 76 seulement sont habités, l'ensemble des terres émergées de la Polynésie française représente 3 500 kilomètres carrés, soit la moitié de la superficie de la Corse. Pourtant, à elle seule, elle détient la moitié de la surface maritime française avec près de 5 millions de kilomètres carrés, l'équivalent de la superficie du continent européen. Nous sommes positionnés au centre de grands ensembles économiques : l'Amérique du nord, l'Amérique latine, l'Asie, dont les États tournent de plus en plus intensément le regard vers cette ressource bleue encore en jachère. Ces simples données géographiques justifient la participation pleine et entière de la Polynésie française aux Assises de la mer et plus largement à toutes les instances chargées de la définition de la politique maritime de la France.

Au titre de son autonomie institutionnelle, la Polynésie française détermine sa propre politique maritime et littorale. Elle négocie et signe directement des accords internationaux afin de protéger et valoriser son espace maritime. Dans cette optique, elle a institué le 1er juillet 2010 le conseil polynésien de la mer et du littoral avec l'intention d'associer directement l'État à sa réflexion et au pilotage de sa politique. Le premier bilan d'activité de ce conseil fort de trois ans d'expérience peut aujourd'hui nourrir les travaux des assises nationales.

Le mercredi 4 juin, le conseil des ministres polynésien a d'ailleurs adopté le principe de sa contribution et la nomination d'un rapporteur général des Assises de la mer et du littoral. Nous espérons qu'elle viendra utilement enrichir la future stratégie nationale de la mer et du littoral que le Gouvernement adoptera en 2014 pour les six prochaines années.

Au-delà de la Polynésie française, c'est l'ensemble de l'outre-mer, notamment du Pacifique, qui doit être le fer de lance de cette ambition maritime française. Je pense évidemment à nos collègues du groupe UDI de Nouvelle-Calédonie, Sonia Lagarde et Philippe Gomes, sans oublier Napole Polutélé de Wallis-et-Futuna.

La mer constitue un atout stratégique, économique et politique essentiel pour la France. Elle est à ce titre l'un des enjeux majeurs du XXIe siècle. L'ampleur de notre présence maritime représente une chance inestimable, mais aussi une charge immense, avec la responsabilité de 10 % de la biodiversité mondiale. Avec 97 % de cette présence outre-mer, il est temps de mettre en place une véritable politique durable en direction de ces territoires et d'en faire la vitrine française des énergies renouvelables marines.

Dans le domaine de la mer et des océans, comme dans beaucoup d'autres, les territoires d'outre-mer sont absolument vitaux pour notre pays. Ils sont le concentré de toutes les réussites possibles de notre République. De notre volonté politique, dépendra notre capacité à en faire le laboratoire avancé pour un développement durable et totalement soutenable.

Si, au terme de ce débat, le groupe UDI a pu vous délivrer ce message, il n'aura pas été inutile.

Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.

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Monsieur le ministre, des études prospectives ont été diligentées visant toutes à mettre en valeur les réelles potentialités de développement qu'offre l'étendue du domaine maritime exceptionnel où s'exerce sans partage la souveraineté de la France.

Le sujet, pour captivant qu'il soit, ne peut être qu'effleuré tant il est vaste. Les dimensions traitées sont fortement imbriquées. Elles vont de la sécurité militaire à l'économie en passant par la géostratégie. Dans Le défi maritime français, document d'une quarantaine de pages, le Président de la République, avec votre étroite collaboration, monsieur le ministre, a réitéré la volonté de la France de faire de la mer un enjeu majeur de la croissance économique.

Et, comme par enchantement, on semble découvrir et l'importance cruciale de la mer et l'importance cruciale des pays dits d'outre-mer. Depuis les temps les plus reculés, la mer a été un moyen de communication et d'échanges, mais aussi de rivalités, de conquêtes, de domination, de pillages et d'exactions en tous genres. Le rapport du Sénat en date du 17 juillet 2012 précise que « l'importance économique, diplomatique, écologique croissante des espaces maritimes dans la mondialisation fait plus que jamais de la mer un enjeu politique grâce auquel un État peut rayonner et affirmer sa puissance sur la scène internationale ».

La donne n'a pas fondamentalement changé : les choses s'adaptent, se réorientent au gré des intérêts du moment. Serons-nous encore pénalisés alors que nous détenons l'essentiel de cet espace maritime ? Vous en conviendrez, ce n'est plus concevable aujourd'hui.

S'il est vrai que la France possède le domaine maritime le plus varié au monde et le deuxième en superficie, soit 11 millions de kilomètres carrés, juste derrière les États-Unis d'Amérique, il faut savoir que 97 % de cette superficie est composé des zones économiques exclusives de nos territoires. Ces derniers détiennent également 84 % de la biodiversité française.

En outre, la France a opportunément demandé l'extension des plateaux continentaux de la Guyane, de la Nouvelle-Calédonie, de la Réunion et de la zone Caraïbe relevant de sa compétence. Si cette demande était acceptée, sa superficie maritime augmenterait de plus d'un million de kilomètres carrés, ce qui en ferait le premier domaine sous-marin du monde, l'équivalent de vingt-deux fois la superficie terrestre de la France.

La Martinique ne peut demeurer plus longtemps à l'écart de ces changements, d'où la nécessité d'avoir son mot à dire par le truchement d'un pouvoir réel de décision. Permettez que je cite à nouveau La France face à la nouvelle géopolitique des océans : « La volonté d'accaparement des ressources du sous-sol marin conduit certains États à contester le principe posé par la convention de Montego Bay selon lequel les ressources situées au-delà des juridictions nationales appartiennent au patrimoine commun de l'humanité et sont à ce titre exploitées de manière collective. »

L'acte final de la convention de Montego Bay a été signé par 142 pays et lie aujourd'hui 162 États. Cette convention commence par ces mots : « Animés du désir de régler, dans un esprit de compréhension et de coopération mutuelles tous les problèmes concernant le droit de la mer et conscients de la portée historique de la convention qui constitue une contribution au maintien de la paix, à la justice et au progrès pour tous les peuples du monde »… C'est au nom de ces principes que nous ne voulons plus rester en dehors des décisions prises car elles nous concernent tout autant au premier chef.

Pour mémoire, je rappellerai qu'en 2004 des négociations ont été amorcées avec les autorités de la Barbade pour le transfert d'une partie des espaces maritimes se situant au Sud-Est de la Martinique sans prendre la moindre attache avec une quelconque de ses collectivités. De même, l'attribution au Venezuela de l'île d'Aves, réduisant de façon importante l'espace maritime de la Guadeloupe et de la Martinique, s'est faite sans notre accord : nous avons ainsi perdu 18 000 kilomètres carrés. Ces pratiques d'antan ne sont plus concevables aujourd'hui.

Monsieur le ministre, une île ayant comme frontière naturelle la mer, son peuple et encore plus le politique que je suis ne pouvaient rester indifférents à la situation : un plateau continental surexploité, une chute brutale du nombre de marins pêcheurs, passant de près de 2 000 à 700, une production très loin de l'autosuffisance avec 4 600 tonnes de poissons pêchées pour 12 000 tonnes consommées, alors que la ressource pélagique, très abondante, n'était pas exploitée.

Pour remédier à une telle situation, voici en quelques mots une liste non exhaustive des mesures qui ont été prises.

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Ne pressons pas la barque, afin qu'elle ne coule pas, madame la présidente !

Sourires.

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Mais votre temps de parole est déjà écoulé, lui, mon cher collègue !

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Parmi ces mesures on relèvera donc un redéploiement vers le pélagique. Nous avons ceinturé la zone économique exclusive de la Martinique de trente dispositifs de concentration de poissons. L'État tardant à délivrer les autorisations d'occupation temporaire – je n'instruis pas là un procès, je dis la vérité ! – le conseil régional, après huit mois d'attente infructueuse, a décidé de les poser. Ce faisant, j'ai commis à l'époque un délit d'initiative, parmi tant d'autres – ce qui n'est pas comparable avec un délit d'initié. La production est ainsi passée de 4 600 tonnes à 10 460 tonnes en 2009 !

Je mentionnerai également la création de neuf zones de cantonnement en y incluant…

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J'en ai presque terminé, madame la présidente. Soyez attentive à un sujet que tout le monde reconnaît comme le plus important pour le XXIe siècle…

Mais puisque vous me pressez, je conclurai sur les énergies renouvelables en précisant que les régions ultrapériphériques m'avaient confié la mission de déterminer les potentialités propres à chacune d'elles, ce qui a été fait après appels d'offres internationaux. Pour la Martinique, la possibilité a été retenue de mettre en expérimentation l'énergie thermique de la mer à Bellefontaine. C'était à l'époque où j'étais président du conseil régional, n'ai-je donc pas le droit de le rappeler ? Bref, la région Martinique a été devancière en maints domaines, comme vous pouvez le constater.

En conclusion, les enjeux maritimes deviennent de plus en plus prégnants. C'est la ruée vers la mer, sous le vocable de « maritimisation ». Pour moi, ce concept doit aller de pair avec « optimisation », ce qui implique une redistribution des responsabilités et des richesses en vue du développement endogène et de la coopération régionale renforcée avec les pays de la Grande Caraïbe que vous préconisez, monsieur le ministre. Si, comme vous le pensez, le XXIe siècle est maritime, sachez qu'il est aussi le nôtre. Je ne veux pas que la Martinique soit orpheline de sa mer.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et UMP.

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Merci, monsieur Marie-Jeanne. Loin de vous avoir empêché de parler, j'ai toléré très exceptionnellement, et ce n'est pas mon habitude, un dépassement de l'ordre de 80 % de votre temps de parole.

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La France possède, on l'a dit, le second espace maritime mondial, ce qui lui confère une grande responsabilité en matière de préservation de la richesse naturelle des océans.

On oppose encore parfois, à tort, exigence environnementale et développement économique Si chacun admet facilement l'impact négatif du recul de la biodiversité sur les écosystèmes et le climat, on ne perçoit pas toujours son impact sur l'activité économique. La préservation de la diversité des espèces devrait être un argument suffisant en soi pour une meilleure prise en compte des impératifs de protection de l'environnement dans les politiques publiques. Néanmoins, pour ceux qui ne seraient pas convaincus par ce seul argument, j'ajouterai que la gestion durable des ressources et des potentialités de la mer est non seulement positive pour l'économie, mais absolument indispensable à certaines activités comme le tourisme, les loisirs sous toutes leurs formes, la pêche ou encore l'aquaculture.

Cependant, la préservation du milieu marin ne pourra pas être réellement acceptée si elle est perçue comme étant contraire aux enjeux sociaux et économiques. Il nous faut donc convaincre qu'elle est la condition de la poursuite des activités humaines qui en dépendent. Cette interdépendance appelle la mise en place d'une politique maritime intégrée, tant les différents enjeux sont liés : qu'il s'agisse du développement économique maritime, de l'enseignement, de la recherche et de l'innovation ou des conditions de travail des gens de mer, les objectifs de la politique maritime sont tous tributaires de la qualité de l'environnement marin.

Concilier ces objectifs dans l'intérêt de tous et dans la durée, avoir une approche équilibrée entre l'utilisation des ressources naturelles, le développement économique et la protection de l'environnement et de la biodiversité, c'est adapter les critères du développement durable au milieu marin.

La protection des espèces passe nécessairement par la protection de leur habitat. C'est pourquoi la création d'aires marines protégées doit être l'un des axes forts de la politique maritime de la France. Je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes convaincu. La France accueillera d'ailleurs au mois d'octobre le troisième congrès international des aires marines protégées à Marseille et en Corse.

La stratégie nationale des aires marines protégées a pour but de classer sous ce statut 20 % des eaux sous juridiction française d'ici 2020. Ces aires peuvent prendre différentes formes : zone Natura 2000, parc national ou réserve naturelle marine. Nous avons, au total, une quinzaine d'outils à notre disposition et il en est un parmi eux qui me paraît particulièrement adapté pour concilier activités économiques et préservation de la biodiversité : il s'agit du parc naturel marin. Le parc naturel marin permet en effet la gestion intégrée d'une zone maritime d'intérêt particulier pour la biodiversité et l'activité humaine, englobant l'espace arrière-littoral, le littoral lui-même et le large. Il doit notamment avoir une mission écologique, mais aussi permettre une exploitation durable par la valorisation du patrimoine culturel et naturel maritime, c'est-à-dire protéger, tout en créant de la valeur ajoutée socio-économique, scientifique et pédagogique.

Son mode de gouvernance, qui associe tous les acteurs locaux et institutionnels concernés dans le processus de décision, est certes exigeant, mais il favorise la prise de conscience de l'interdépendance entre l'économie – maritime, littorale et terrestre – et la préservation du milieu marin. Il existe actuellement cinq parcs naturels marins en France, qui expérimentent ce mode de fonctionnement et vous savez, monsieur le ministre, que j'appelle de mes voeux la création d'un sixième, celui des Pertuis charentais et de l'estuaire de la Gironde.

La protection et l'exploitation du milieu marin sont liées sur le long terme. Nous devons parvenir à concilier le développement économique en mer, sur le littoral et sur terre, tout en assurant la sauvegarde des espèces maritimes, dont les ressources sont actuellement surexploitées ou polluées. La France, monsieur le ministre, doit avoir l'ambition de devenir une référence dans le monde en matière de préservation de la biodiversité marine.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Merci, ma chère collègue, d'avoir respecté votre temps de parole. La parole est à M. Christophe Priou.

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Je suis heureux que le Parlement puisse débattre ce soir de la politique maritime de la France. C'était l'une des préconisations du rapport sénatorial de 2012 sur la maritimisation que la tenue d'un débat annuel. Ce même rapport soulignait aussi la nécessité de mieux suivre et évaluer notre politique maritime, en regroupant des actions au sein d'une loi de programmation maritime quinquennale.

L'océan, c'est l'eau, la nourriture et l'énergie de demain. De la mer dépend en grande partie notre prospérité future. Sans politique maritime volontariste, et sans politique intégrée de l'Union européenne pour la mer, nous ne tirerons jamais les bénéfices d'une économie qui voyage en bateau : 90 % du commerce mondial transite aujourd'hui par voie maritime, et l'expansion de ce trafic est de l'ordre de 40 % en dix ans. Mais d'autres volets sont concernés par cette maritimisation, comme la gestion intégrée des zones côtières, qui a déjà été évoquée – rappelons que 75 % de la population vit à moins de 150 km des côtes – ou la biodiversité en haute mer, qu'il faut protéger avec des outils juridiques adaptés de régulation des espèces et des activités.

À l'heure de cette maritimisation en marche, il convient de sécuriser nos intérêts et donc de renforcer le rôle et les moyens de notre marine océanique, surtout lorsqu'on constate que les pays émergents construisent déjà activement les marines de demain tout en déployant des stratégies maritimes ambitieuses.

La mer est devenue une ressource stratégique ; du moins en renferme-t-elle de nombreuses, avec l'exploitation des ressources marines, fossiles, minérales ou renouvelables. Le pétrole et le gaz constituent le marché le plus important, puisque le marché de l'offshore représente aujourd'hui 30 % de la production mondiale de pétrole. Les besoins énergétiques devraient croître considérablement dans les prochaines décennies, et il convient de s'y préparer activement. Une tendance de fond semble se dessiner, avec le développement de technologies nouvelles d'extraction, mais aussi l'essor de la transformation sur place, qui optimise ainsi le cycle de production. Les fonds marins ont des réserves considérables de ressources minérales.

La maîtrise et la planification des espaces maritimes constituent un enjeu capital pour la France et pour l'Europe, surtout dans un contexte de raréfaction des ressources terrestres. Il y a donc lieu de confirmer la capacité de la marine nationale dans le temps long et d'inverser la tendance à la diminution de son format, puisqu'elle a connu une diminution de 30 % depuis les années 2000 : ce sera à la prochaine loi de programmation militaire d'y veiller.

Les membres de l'Union européenne doivent rapidement se mettre d'accord sur une vision stratégique commune et définir leurs intérêts vitaux communs. Les enjeux de la maritimisation sont forcément partagés par les pays de l'Union. On ne peut donc que souhaiter l'implication active de l'Europe, avec les outils dont elle dispose : l'initiative « Connaissance marine 2020 », le programme « Maritime spatial planning », la surveillance maritime intégrée et les stratégies régionales par bassins maritimes.

La recomposition des routes maritimes et l'évolution des flux est aussi une question européenne, et je souhaite que la France soit plus présente dans la définition des plans de transport européens, dont les infrastructures ferroviaires, fluviales et routières doivent être parfaitement adaptées pour capter les flux maritimes et portuaires.

La maîtrise des routes maritimes entre l'Europe et l'Asie est un enjeu stratégique majeur, or un fait essentiel va bouleverser la carte des routes maritimes : l'ouverture de nouvelles voies maritimes au Nord. L'Arctique est déjà l'objet de convoitises en raison de ses impressionnantes ressources en hydrocarbures, mais demain s'y ajoutera un passage maritime de première importance, par la mer de Barents, la mer de Laptev, la mer de Sibérie orientale et le détroit de Bering, qui constituera une nouvelle porte commerciale vers l'Asie. C'est bien une nouvelle dimension stratégique qui doit être intégrée à notre politique maritime.

La France, nation ouverte sur de nombreuses mers et sur tous les océans, a donc un rôle de premier ordre à jouer, afin que l'appropriation d'une zone maritime et de ses ressources ne se fasse pas à notre détriment et sans nous. Gardons à l'esprit, comme le souligne le rapport sur la maritimisation, que cette appropriation progressive de la mer par l'homme constitue un risque pour l'environnement marin, et que la valorisation des activités marines passe aussi par la protection de l'environnement en mer. Souvenons-nous des naufrages, qui auraient pu et dû être évités, de l'Erika et du Prestige, qui ont pollué nos côtes en 1999 et en 2002.

Je souhaite donc que le Gouvernement fasse connaître rapidement ses priorités, et que la France soit le moteur d'une ambition européenne retrouvée. La balle est donc dans votre camp, monsieur le ministre, et je souhaite qu'elle rebondisse plus haut que les résultats de l'US Boulogne, qu'on a déjà vu en meilleure santé sportive !

Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Monsieur le ministre, le libellé même de ce débat n'est pas bon. Je crois qu'on aurait dû l'intituler : « Absence d'une réelle politique ambitieuse maritime pour la France ».

Finalement, si notre pays souffre d'un mal profond, c'est du métropolicentrisme : la France se voit continentale et européenne, alors qu'elle est mondiale et maritime. Plusieurs de nos collègues ont rappelé qu'avec plus de 11 millions de kilomètres carrés, nous avons le deuxième domaine maritime au monde. Or celui-ci est lié à 97,5 % aux départements, collectivités et territoires ultramarins. Dans ce contexte, l'absence d'une réelle politique d'exploitation de nos ressources maritimes doit nous interpeller.

Trois des défis majeurs que l'humanité aura à relever au cours du XXIe siècle ne pourront l'être que par le biais d'une exploitation raisonnable et raisonnée des ressources des mers et des océans. Je songe d'abord au défi de l'alimentation, avec 9, 10 ou peut-être même 11 milliards d'êtres humains sur cette planète à la fin du siècle en cours. Sans l'ambition d'aller rechercher dans la mer les protéines qui permettront de nourrir toute la population de la planète, nous n'arriverons pas à relever ce défi. Au-delà de l'aquaculture, il faut songer aux immenses possibilités qu'offrent les algues. Actuellement, en France, vingt tonnes d'algues sont destinées chaque année à l'alimentation humaine. Ce chiffre s'élève à 10 000 tonnes en Chine, un millier de tonnes au Japon ! C'est dire les perspectives qui existent en la matière.

La pharmacopée de l'avenir est également dans les mers et les océans. Or, nous ne connaissons pas encore toute la réalité de la vie qui s'y loge. Nous connaissons la bande superficielle, les premiers cent mètres de profondeur, mais nous ignorons les immenses ressources qui se cachent ailleurs. Cette nécessité de connaissance est essentielle et l'exploration de Tara, initiative privée française, mérite à ce titre d'être mentionnée.

Le deuxième défi majeur est celui de l'énergie. Or, les mers et les océans offrent des ressources naturelles quasi inépuisables, capables de répondre aux besoins d'énergie de la terre. La France a certainement des savoirs et des opportunités à faire valoir en matière d'énergies marines renouvelables. On a parlé de l'énergie thermique, produite par la houle, mais il y a aussi l'énergie des hydroliennes, qui sont pleines d'avenir, et d'autres sources d'énergies encore, comme les gisements d'hydrogène qui pourraient se trouver sur les dorsales océaniques, qui constituent un enjeu considérable.

Le troisième défi majeur sera celui de l'eau, de l'accès à l'eau. Cela a été dit : l'essentiel de la population mondiale vit près des côtes et l'accès à une ressource en eau par désalinisation est un enjeu essentiel.

Finalement, pour relever ces trois défis, la France a une chance exceptionnelle : celle d'avoir des entreprises – très grands groupes ou PME – qui sont souvent leader mondial dans l'exploitation des ressources des mers et des océans. Nous avons le deuxième domaine maritime au monde. Ce qui nous manque, c'est une véritable ambition, une politique maritime de long terme pour faire en sorte que notre pays relève l'immense défi de faire face aux besoins de notre pays et de l'humanité tout entière.

Dans ce cadre, et malgré toutes les qualités des hommes qui mettent en oeuvre ces politiques – je pense notamment au Secrétaire général de la mer, M. Aymeric, dont les services sont particulièrement dynamiques – je me demande si la politique maritime doit être portée à ce niveau-là ou à un niveau supérieur. C'est tout cela que nous aurons à mettre en oeuvre.

Je conclurai en paraphrasant Paul Claudel qui, en 1911, disait : « la mer, c'est la vie du futur ». Je serais donc tenté de dire que la France sur mer, c'est la vie de la France du futur. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.).)

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Monsieur le ministre, nous aurions tellement aimé que vous fussiez un ministre de plein exercice, afin de pouvoir donner au monde maritime toute l'importance qu'il mérite ! Cela n'aurait sans doute pas été pour vous déplaire, vous qui avez été jusqu'à très récemment maire de cette grande ville maritime qu'est Boulogne-sur-Mer. Mais plus que cela, avec nombre de Bretons, le régionaliste que je suis est un partisan de la création d'un ministère de la mer décentralisé et de plein exercice – qui serait, pourquoi pas, installé à Brest !

J'arrête là les facéties pour aborder trois points de la politique maritime.

Premièrement, s'agissant du développement d'une stratégie portuaire nationale en termes de logistique et d'intermodalité, de développement industriel et d'aménagement des espaces, j'attire votre attention sur le nécessaire encouragement du cabotage, et plus particulièrement d'une pratique que l'on appelle le tramping. Il s'agit du transport maritime à la demande par un navire de commerce non affecté à une ligne régulière, pouvant notamment être propriété publique.

Si l'on veut relancer le développement industriel et commercial de nos ports en favorisant l'intermodalité, il convient en premier lieu que la puissance publique considère les navires comme des infrastructures dans lesquelles elle peut investir, et pas seulement comme des moyens de transports. C'est d'ailleurs la position défendue depuis des années par la région Bretagne et par la conférence des régions périphériques maritimes, en particulier auprès de la Commission européenne, mais jusqu'à présent sans succès.

L'autre enjeu à relever en vue de développer le commerce maritime, et notamment le cabotage, consiste à associer davantage les chargeurs routiers, notamment agroalimentaires, dans la chaîne logistique. Le report modal doit être encouragé de manière plus active, et nous regrettons que les recettes issues de la taxe poids lourds ne viennent pas alimenter les budgets des régions qui gèrent les ports de commerce. Nous pensons d'ailleurs que les conseils régionaux devraient pouvoir étendre là encore leur compétence, en prenant en charge tous les ports de commerce et en menant une politique maritime régionale.

Mon deuxième point porte sur les infrastructures portuaires locales. Elles sont cruciales aujourd'hui, notamment avec le développement du gigantisme des navires. Le mardi 4 juin dernier, François Hollande inaugurait le Jules Verne, l'un des plus grands porte-conteneurs au monde. Les navires étant toujours plus grands, c'est désormais aux ports de s'adapter à ces nouveaux monstres des mers. Dans cette compétition mondiale, Rotterdam et Shanghai ont plus de chances que Lorient ou Brest. En France, seuls Le Havre et Marseille, peut-être Saint-Nazaire, pourraient tirer leur épingle du jeu.

L'une des solutions à creuser serait d'encourager le feedering, processus de collecte et de distribution des conteneurs dans les nombreux ports secondaires délaissés par l'organisation des lignes océaniques autour des grands ports desservis par les navires géants. Il s'agit donc de mener une politique maritime volontariste visant à développer nos infrastructures portuaires de taille plus modeste pour ne pas être les laissés pour compte de cette course au gigantisme.

Outre la survie de nos infrastructures portuaires, le gigantisme des navires de transports de marchandises pose de nombreuses questions en termes de sécurité, et pas seulement dans les ports. Le 9 mars dernier s'est déroulé au large de la Bretagne un exercice de remorquage effectué par l'Abeille Bourbon sur le navire Marco Polo, plus grand porte-conteneurs du monde. Si l'exercice de remorquage par l'Abeille Bourbon s'est déroulé sans difficulté, de nombreuses questions restent sans réponse. Que se passerait-il si ce genre de navires tombait en avarie en dehors de la zone d'action de l'Abeille Bourbon ? Rappelons-nous qu'en janvier 2007, l'un des plus puissants remorqueurs d'Europe fut mobilisé pour faire face à l'accident du MSC Napoli qui se trouvait dans la Manche et transportait 2 200 conteneurs. Certains représentaient près de 1 700 tonnes de produits toxiques. En cas de perte de conteneurs, quels seraient alors les moyens mis à la disposition des préfets maritimes ? Ces questions montrent surtout que les moyens de sauvetage dont disposent les préfets maritimes évoluent moins vite que le gigantisme des navires de commerce.

Enfin, le dernier point sur lequel je souhaitais intervenir est celui du développement des énergies marines renouvelables.

De vives préoccupations émergent quant à la lenteur des procédures administratives au niveau de l'État. Cela se manifeste sur plusieurs sujets : le déblocage de l'aide promise par l'État à l'institut des énergies décarbonées, France énergies marines, au titre des investissements d'avenir ; le lancement du premier appel à manifestation d'intérêt sur l'hydrolien ; la cartographie des zones susceptibles de recevoir des sites d'essai, des fermes-pilote ou de futurs parcs d'exploitation. S'y ajoutent la lourdeur et l'accumulation des procédures qui conditionnent l'entrée dans la phase d'exploitation.

Dans une entrevue accordée à un quotidien régional, le président de France énergies marines a établi un parallèle saisissant : en Écosse, il suffit d'une procédure unique d'autorisation, en France, il en faut quatre. Rappelons que l'Écosse est leader mondial sur les énergies marines renouvelables… La capacité financière de l'Écosse, 37 milliards, et la possibilité d'adapter la réglementation ne sont pas étrangères à cette réussite. Il serait donc bon d'avoir des précisions sur le calendrier de mise en oeuvre des engagements de l'État afin que se concrétise au plus vite son soutien au développement de la filière des énergies marines renouvelables. À Brest où ailleurs, monsieur le ministre, nous sommes certains de pouvoir compter sur votre soutien sur ces questions.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier d'avoir accepté la tenue d'un tel débat à l'Assemblée nationale, à la demande du groupe GDR et particulièrement de ses membres d'outre-mer.

Faut-il rappeler que les outre-mer permettent à la France d'être présente sur les six continents et d'être ainsi la seconde puissance maritime mondiale, après les États-Unis ? Trop souvent nous l'oublions : la France n'est la France que par ses outre-mer.

Malheureusement, cette dimension maritime de la France n'est plus très perceptible dans la politique française depuis une dizaine d'années. C'est donc tout à votre honneur, monsieur le ministre, de vouloir redéfinir enfin une stratégie nationale de la mer pour la France et nous en sommes partie prenante.

La mer et les îles ne sont pas seulement notre environnement, mais aussi notre histoire, notre économie, notre commerce, notre culture, nos transports. L'économie de la mer est donc fondamentale pour nous et dépasse la question des échanges portuaires, du pétrole et du gaz, des ressources des profondeurs, de la pêche. C'est une économie-monde qui s'appuie généralement sur des économies insulaires. C'est une économie-monde qui est née du commerce triangulaire du XVIe siècle, donc des échanges mondialisés.

Le risque de la mondialisation est de dénaturer ce milieu fragile. Mais celle-ci peut aussi être une chance. Je salue par exemple l'initiative de Michel Rocard de faire de l'Antarctique un endroit préservé où l'on n'aurait pas le droit d'exercer certaines activités. Il faut en effet désormais tirer de la mer des occasions d'améliorer le niveau écologique de notre production à terre. Il faut extraire de la mer l'énergie qui s'y trouve en permanence, gratuite et illimitée. Il faut développer la culture en mer des algues riches en protéines. Il faut substituer une approche qualitative à une approche quantitative. Il faut enfin planifier notre approche politique et stratégique de la mer. Nous devons aussi fortement développer par exemple les hydroliennes, les énergies utilisant les courants, les énergies renouvelables.

C'est ce vers quoi vous tendez, monsieur le ministre, en mettant en oeuvre une vision systémique et globale, et je vous en félicite. Je me permettrai cependant de vous interroger sur quelques questions particulières qui intéressent au premier chef les Antilles.

En ce qui concerne les infrastructures et le transport maritime, vous préconisez la mise en oeuvre de stratégies de hub par les principaux donneurs d'ordre dans un contexte de concurrence intense pour capter les trafics, et plus singulièrement, pour notre région des Antilles, le trafic de transbordement.

De fait, la région caribéenne est amenée à connaître de profondes mutations avec l'ouverture élargie du canal de Panama. L'évolution du trafic conteneurisé va nécessiter des investissements pour rendre les ports fonctionnels. Quels moyens allez-vous y consacrer, sachant que les collectivités n'en ont pas et que la LODEOM qui avait prévu le passage en zone franche globale du port attend toujours un décret d'application en la matière ?

La Martinique dispose, depuis la guerre du Mexique, de l'un des trois bassins de radoub de la Caraïbe. Or cette filière de la construction navale est moribonde, sous-utilisée. Que prévoyez-vous pour financer et relancer cette activité industrielle ?

La filière pêche et aquaculture est finalement très peu développée en Martinique. La ressource est pourtant là, mais l'impact de la pollution, l'absence d'aides financières à l'installation des jeunes marins désireux de partir au large, le niveau d'endettement des entreprises, entravent le développement de cette économie. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour restructurer ce secteur, en termes d'accès aux financements, de formation, de rationalisation des points de débarquement et de mise sur le marché des produits de la mer, et de redynamisation du territoire axé sur l'innovation ?

Cette question de la politique maritime doit d'abord être abordée en pensant la recomposition spatiale des territoires et en faisant de la mer le secteur prioritaire du développement des économies insulaires qu'elle se doit d'être.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

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L'occasion nous est donnée, à l'initiative de nos collègues du groupe GDR, de débattre de la politique maritime de la France, ce qui n'est pas si fréquent. L'élue finistérienne que je suis, présidente du groupe d'étude « mer, pêche et souveraineté maritime », leur en sait gré.

Tandis que la maritimisation du monde est en plein essor, notre nation doit mesurer la chance qu'elle a de posséder la seconde zone économique exclusive du globe, avec plus de 11 millions de kilomètres carrés. C'est une étendue importante, source de richesse et de développement par l'ampleur de ses ressources océaniques, qu'il nous faut savoir exploiter de manière durable et responsable.

Au niveau européen, nous sommes engagés avec volontarisme dans la promotion d'une politique maritime intégrée. À l'échelle nationale, je vous sais, monsieur le ministre, très mobilisé sur plusieurs fronts pour inscrire la politique maritime dans une toute autre dimension que celle qui lui était réservée jusqu'alors.

Ainsi, en matière d'économie maritime, outre l'élaboration d'une véritable stratégie nationale portuaire, le cap est fixé pour donner au transport maritime un environnement juridique stable et adapté aux enjeux, tandis que le pavillon français devrait être rendu plus compétitif. La mission confiée à Arnaud Leroy sera assurément riche d'enseignements pour relancer notre marine marchande et donner un nouvel élan à notre économie maritime.

Par ailleurs, le récent accord trouvé dans le cadre de la réforme de la PCP, la politique commune de la pêche, permet de trouver un équilibre acceptable pour la préservation de la ressource halieutique comme pour l'activité économique qu'est la pêche française.

Mais notre économie maritime aurait intrinsèquement peu de sens sans considération pour ceux qui l'animent et la font vivre, sur nos mers et au-delà. Je salue ici le travail essentiel mené par le Gouvernement pour mener à bien le processus de ratification de la convention du travail maritime du 23 février 2006. Cette convention fait office de code du travail commun aux marins du monde en visant à l'amélioration de leurs conditions de travail, de santé et de sécurité en instaurant des règles de concurrence loyale entre les armateurs. Le code international pour les marins, en projet depuis 1920, est enfin en passe de devenir réalité. L'instauration d'un socle commun de règles sociales minimales permettra ainsi d'améliorer le sort fait aux gens de mer, des travailleurs trop souvent exploités sur les océans du monde entier.

Mais nous devons aussi regarder de près les droits sociaux des marins à l'échelle nationale. Le régime spécial de sécurité sociale des marins est l'un des plus anciens régimes de protection sociale. Tous les bénéficiaires de l'Établissement national des invalides de la marine, actifs comme retraités, y sont très attachés. La spécificité du métier, la dangerosité de son exercice comme sa pénibilité, doivent pouvoir justifier la préservation de ce régime.

Cette dangerosité du métier est surtout connue du grand public lorsque surviennent des naufrages, qui laissent la plupart du temps des familles endeuillées, mais le caractère accidentogène de la profession demeure encore trop méconnu. Soucieux de prendre toute sa part dans l'amélioration de la sécurité au travail des marins, le Conseil supérieur des gens de mer, dont je suis membre, est particulièrement attentif à cette problématique et nourrit ses travaux de ceux, remarquables, menés par l'Institut maritime de prévention.

À l'évidence, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la qualité des navires, la qualité de la navigation, la formation des marins à la sécurité en mer, les normes d'aptitude physique et l'équipement individuel de protection. Sur une flottille vieillissante, vous le savez, monsieur le ministre, où les engins de pêche et autres équipements prennent de plus en plus de place, sans compter prochainement le lieu de stockage dédié au « zéro rejet », l'espace de travail devient de plus en plus inadapté aux manoeuvres nécessaires, au risque de compromettre la sécurité des hommes. Par ailleurs, certains accidents du travail maritime surviennent lorsque l'effectif à bord n'est pas conforme à l'effectif de sécurité, soit que le marin ne s'est pas suffisamment reposé, soit qu'il ne se trouve pas à occuper son poste habituel de travail. La polyvalence, qui peut être un atout à terre, peut constituer un risque en mer. Nous devons prendre les mesures qui s'imposent pour améliorer la sécurité des équipages et prévenir les risques professionnels auxquels s'exposent les marins.

Enfin, je souhaite évoquer la question du devenir de la caisse maritime d'allocations familiales, dont l'existence pourrait être menacée. Comme vous le savez tous, la CMAF finance la protection sociale des marins : elle leur verse les prestations familiales et sociales. C'est un organisme atypique du régime général, doté d'une compétence nationale et faisant office à la fois de CAF et d'URSSAF, qui agit en faveur de la population affiliée au régime spécial des gens de mer. Avec une présence effective sur les quatre façades maritimes métropolitaines, la CMAF permet une prise en compte adaptée des problématiques spécifiques au monde maritime. Mais il est question de transférer les ressortissants de la CMAF vers la caisse départementale d'allocations familiales du lieu de résidence, et de diluer ainsi la réelle complémentarité qui existe entre la CMAF, l'ENIM et le service social maritime. Les marins et leurs familles ont aujourd'hui besoin d'être rassurés quant à l'avenir de cette institution.

Parce que les droits sociaux ont un impact sur les conditions de travail, de sécurité et l'attractivité d'un métier, nous devons collectivement oeuvrer à les conforter et à les améliorer. Il me semble que ces droits sociaux sont l'une des conditions de la pérennité de la pêche.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.

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Monsieur le ministre, vous avez exposé en conseil des ministres les principes de la nouvelle politique maritime intégrée et, entre autres, souhaité développer l'économie maritime dans toutes ses dimensions. Je voudrais attirer votre attention sur deux points.

D'abord, en ma qualité de député de la Haute-Corse, je ne puis éviter de rappeler que la Corse ne dispose pas, en termes de transport maritime, d'un véritable service minimum garanti qui s'exerce dans les mêmes conditions qu'un service minimum terrestre. Oui, monsieur le ministre, la politique maritime concerne également le transport des passagers, le fret ainsi que le développement du tourisme, qui est un secteur très important de notre économie. Régulièrement, et plus particulièrement à l'approche de la saison estivale ou d'événements importants – le tour de France cycliste par exemple – la Corse est prise en otage. Les grèves ou menaces de grèves mettent à genoux des secteurs entiers de l'économie insulaire. Notre économie ne supporte plus cette situation qui perdure depuis des décennies.

Deuxième point : monsieur le ministre, dans le cadre de votre souhait de maintenir la flottille de pêche, nous ne devons pas oublier la situation des pêcheurs artisanaux pratiquant la petite pêche qui se voient appliquer des dispositions européennes totalement inadaptées à leur métier. Ces pêcheurs, dont le nombre se réduit comme peau de chagrin, sont la vitrine de nos ports de pêches. Ils ne disposent pas de gros moyens de prise et sont les principaux gardiens de la ressource en zone côtière. Dans le cadre d'une politique maritime intégrée, les instances européennes doivent ouvrir les yeux et se rendre compte que ces petits métiers existent et qu'ils ne mettent pas en péril la ressource. Il est de notre devoir de protéger cette corporation bien spécifique avant qu'elle ne soit totalement décimée. Elle fait partie de notre patrimoine.

Monsieur le ministre, je ne pouvais m'empêcher d'attirer votre attention sur ces deux points.

Par ailleurs, la France dispose, de par sa surface maritime, d'une position privilégiée sur la scène internationale. Les mers et les océans sont une source de richesse et d'opportunités économiques nouvelles, mais ils sont également le lieu de menaces nouvelles et d'une compétition acharnée entre des États aux capacités d'action en pleine croissance.

Cela implique que la France soit capable d'affirmer sa souveraineté. Les tensions juridiques et militaires générées par la volonté de certains États d'étendre ou de contester les limites de leurs eaux territoriales ou de leurs zones économiques exclusives témoignent de l'importance stratégique et économique des espaces maritimes.

L'économie française est aujourd'hui totalement dépendante de ces flux maritimes. L'essentiel de nos approvisionnements en énergies fossiles, matières premières et produits finis qui transitent par voie maritime est exposé aux blocus, à la piraterie, aux actions terroristes et au trafic de drogue. L'exploitation des gisements offshore, les approches maritimes et les infrastructures critiques – ports industriels et terminaux pétroliers – doivent faire l'objet d'une surveillance permanente de la marine nationale. La maritimisation implique une concentration d'intérêts stratégiques. Cette réalité se traduit par un accroissement continu des missions de la marine, alors que ses moyens capacitaires sont tout juste constants.

Le maritime est un enjeu économique majeur pour la France. Avec 1 500 milliards d'euros et un deuxième rang mondial, ce secteur assure en Europe deux millions d'emplois directs. L'économie maritime sera l'un des moteurs de la réindustrialisation et de la création d'emplois qualifiés. Aux côtés de secteurs innovants en plein développement, le naval de défense, budget d'investissement public par excellence, est au coeur de cette croissance bleue.

La mer est devenue le terrain de la compétition économique internationale : en témoigne la lutte pour l'accès aux ressources halieutiques et aux ressources minières des fonds marins.

Les océans sont un grenier énergétique, pharmaceutique, cosmétique et alimentaire. Ces opportunités et ces potentiels de développement représentent par ailleurs de véritables gisements d'emplois et d'activités économiques. C'est un autre enjeu de première importance, compte tenu des missions assurées par l'IFREMER, l'Institut de recherche pour le développement et le CNRS.

La politique maritime, c'est aussi la protection de l'environnement. Il faut faire de la préservation de l'environnement un atout du développement et y associer la gestion durable de notre planète.

La politique maritime de la France doit donc être volontariste : c'est une politique nécessaire et rentable en termes de retour sur investissement.

Monsieur le ministre, la prochaine loi de programmation militaire indiquera le niveau de l'effort que la France est disposée à fournir pour garantir ce volet fondamental de sa souveraineté et de sa sécurité. Dites-nous si la France est préparée à relever ces défis et à éviter ainsi un décrochage stratégique, vis-à-vis notamment des grands pays émergents.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, lors de l'installation du Conseil national de la mer et des littoraux, le 18 janvier dernier, vous avez affirmé que nous ne pouvions plus aborder la mer de manière aussi sectorielle que par le passé. Dont acte. Pour ma part, et très modestement, je considère qu'il faut oser aller beaucoup plus loin et plus franchement encore dans la rupture avec ce passé. J'affirme que nous ne pouvons plus concevoir ni aborder la politique maritime munis des oeillères centralisatrices et colonisatrices du passé.

Le 6 mai dernier, un projet de décret relatif aux conseils maritimes ultramarins et aux documents stratégiques de bassin maritime a été transmis pour avis au conseil général de Martinique. Cet avis est, à l'unanimité, très clairement défavorable. Le décret prévoit en effet des dispositions qui emprisonnent les collectivités sous le joug de la tutelle de l'État en la personne des préfets. Pourquoi ne pas confier la présidence du bassin maritime aux élus locaux ? Il importe de sortir de cette logique centralisatrice qui ne s'éteint ni même ne faiblit, contre vents et marées. C'est quand même un comble pour un gouvernement de gauche ! Au nom de quoi le préfet serait-il érigé en nouveau gouverneur des mers ?

À ce propos, quels sont les critères de délimitation des quatre bassins maritimes, Antilles, Guyane, Sud océan Indien et Saint-Pierre-et-Miquelon ? Ce découpage à la hache, et peut-être à la hâte, tend à faire avorter tout développement de relations transversales fructueuses entre la Martinique et la Guyane, par exemple. Pourquoi ne pas créer un grand bassin Antilles-Guyane ?

Par ailleurs, les dispositifs mis en place suscitent des questions quant à leur pertinence et leur efficience. Ce qui peut être considéré d'un point de vue central, parisien, comme une problématique secondaire relève souvent d'un intérêt vital pour nos territoires micro-insulaires. Pour nous, de nombreux défis sont à relever. Citons entre autres la connaissance, la maîtrise et la protection des milieux marins et littoraux, des espèces et de la biodiversité, les sanctuaires des mammifères marins, la fin de la surexploitation du plateau continental, le développement d'une pêche durable et responsable, l'élaboration d'un cadre juridique et fiscal attractif pour le développement de l'aquaculture, les centres de thalassothérapie, les énergies renouvelables maritimes, la recherche, le développement, la formation professionnelle adaptée, le développement du tourisme littoral et du transport maritime, la promotion de la plaisance et des loisirs nautiques, la valorisation du patrimoine maritime par la création de récifs artificiels, le renforcement de la coopération régionale avec les îles voisines notamment en matière de recherche des disparus en mer, la prévention des risques maritimes et notamment des tsunamis, la sécurité maritime, la protection sociale des marins, et caetera…

Concernant la pêche, en Martinique, nos eaux sont polluées par la chlordécone, ce qui engendre une interdiction de pêche dans un nombre croissant de zones maritimes côtières. Ainsi, 575 dossiers de pêcheurs nécessitant une aide d'urgence ont été recensés par la direction de la mer. Certes, l'État s'engage à leur verser une aide, mais à des conditions extrêmement restrictives. En outre, une fois cette aide consommée à court terme, dans ce contexte de pollution environnementale et de toxicité des directives européennes, quel sera l'avenir pour la pêche à moyen et à long terme ?

L'alternative du développement des espèces aquacoles est à promouvoir. En 2012, la production halieutique annuelle en Martinique s'élevait à 6 000 tonnes, pour une consommation de 20 000 tonnes : il y a donc un déficit d'environ 14 000 tonnes à combler. La révolution aquacole qui reste à enclencher passe notamment par l'élevage de dorades coryphènes, sardes, vivaneaux, thons rouges, oursins, lambis et autres langoustes. Le potentiel est considérable, inimaginable.

D'ailleurs, pourquoi ne pas créer un observatoire du milieu marin favorisant une recherche appliquée sur nos espèces endogènes pour optimiser le marché local et l'export ? On peut déplorer que les recherches de l'IFREMER ne servent que les propres besoins de cet organisme, souvent dictés par l'Union européenne. En dernier ressort, nos pays ne bénéficient concrètement que très rarement de ces connaissances.

En définitive, aucun développement de nos territoires ne peut se concevoir sans une politique cohérente et innovante de la mer. Cette politique ne doit plus se satisfaire d'une navigation à vue mais doit maintenant définir un cap, être dotée d'une boussole de haute précision et enfin d'un bon capitaine. C'est dire qu'elle doit désormais s'ancrer autour d'un acteur pivot : l'élu local.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

« Le défi maritime français est une invitation à une prise de conscience de tout ce que l'espace maritime et littoral peut nous apporter ; il permet également de faire émerger les enjeux, ignorés par beaucoup, trop ancrés dans des raisonnements terrestres, de la destinée maritime de notre pays ». Tels étaient les mots de François Hollande, alors candidat à la présidence de la République, dans le cadre d'un document devenu célèbre, Le défi maritime français.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, la France doit se doter d'une véritable stratégie de « croissance bleue ». Permettez-moi à ce titre d'évoquer trois enjeux majeurs pour l'avenir de la France maritime : pêche durable, énergie marine et industrie navale.

Je m'attarderai surtout sur la pêche durable, premier pilier de cette France maritime que j'appelle de mes voeux. La pêche française représente un chiffre d'affaires de 1 milliard d'euros et plus de 42 000 emplois. Dans un contexte où la France participe aux négociations sur la nouvelle politique commune de la pêche et au débat européen sur l'avenir de la pêche en eaux profondes, l'enjeu est clair : permettre aux professionnels de pratiquer une pêche durable en améliorant la viabilité économique des entreprises et en respectant toujours davantage la biodiversité des mers et des océans.

En ce qui concerne la pêche en eaux profondes, je souhaite que la France tienne fermement sur ses positions et continue de s'opposer clairement à l'interdiction de la pêche au chalut, proposée par la Commission européenne.

Je souhaite, dans un esprit constructif, rétablir quelques vérités. Depuis plus de dix ans, les pêcheurs ont pris conscience de la nécessité de travailler en partenariat avec des scientifiques compétents et embarqués, en particulier avec les équipes de l'IFREMER. Grâce à cette expertise partagée, plus de 35 000 traits de chaluts collectés ces dernières années permettent de démontrer la durabilité de la gestion des stocks – je pense par exemple au sabre noir et à la lingue bleue. Par ailleurs, dans son rapport d'avril 2012, le Conseil international pour l'exploration de la mer a clairement indiqué, et cela pour la première fois, que plusieurs stocks ne sont plus en danger et que la plupart d'entre eux sont en nette augmentation, tendances confirmées depuis. Enfin, et contrairement à ce que je lis, les navires de pêche ne raclent pas les fonds marins jusqu'à 1 800 mètres de profondeur. L'empreinte écologique des navires de grands fonds est en réalité minime, même si j'ai bien conscience qu'il faut poursuivre les efforts. C'est en ce sens que j'ai écrit une nouvelle fois la semaine dernière au Président de la République, au Premier ministre et au ministre, et c'est dans ce contexte que je me rendrai lundi à Bruxelles pour témoigner de l'objectivité des résultats.

Pour ce qui est des énergies marines, dont nous avons beaucoup parlé ce soir, je tiens à saluer les efforts du Gouvernement en matière d'hydrolien et d'éolien fixe en mer. Mais je considère que le temps est venu de développer également l'éolien flottant en mer, car nous détenons les technologies appropriées, qui sont de plus en plus matures. Ma crainte est de voir des industriels européens capter ces marchés potentiels, comme cela s'est fait pour l'éolien terrestre, alors que nous disposons des compétences et des savoir-faire. Je forme donc le voeu que nous puissions accélérer les choses sur l'éolien flottant, à l'image du projet Winflo en Bretagne.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Troisième pilier de la France maritime : l'industrie navale. Le Livre blanc de la défense a clairement acté le fait maritime, ce dont la représentation nationale peut se féliciter. Encore faut-il que la loi de programmation militaire le traduise en actes. Je pense au programme des frégates multimissions, à l'action de l'État en mer et aux programmes BSAH, B2M, Batsimar sur lesquels nous serons particulièrement vigilants dans les mois à venir. C'est dire que les chantiers ne manquent pas !

Je conclus, madame la présidente, car je sens votre impatience

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

… Pour compléter ce que j'ai dit sur les trois piliers de la France maritime : pêche durable, énergies marines et industrie navale, militaire ou civile, j'ajoute que je considère, à l'instar de mon excellent collègue de Ploërmel Paul Molac, et puisque nous sommes régionalistes tous les deux, que les enjeux du secteur maritime justifient pleinement un ministère de la mer et de la pêche de plein exercice. Ce combat de longue date reste d'actualité, et pas uniquement pour les Bretons. En tout état de cause, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur nous.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dès 1414, le prince portugais Henri le Navigateur avait fait le pari que l'avenir de son pays, qui n'avait que de faibles ressources, se jouerait en mer. Après lui, les autres États occidentaux se sont lancés à leur tour sur mer à la conquête du monde. Cela a conduit l'Europe à la suprématie commerciale, industrielle et culturelle qu'elle conserve encore aujourd'hui, l'Union européenne étant la première puissance économique et maritime mondiale.

Aujourd'hui, la mer et le littoral constituent toujours un enjeu global de sécurité et de développement durable. Rappelons que la mer couvre 70 % de la surface du globe et que 60 % de la population mondiale vit proche du littoral.

La mer contient une biodiversité extraordinaire : entre 10 et 100 millions d'espèces animales, 5 000 molécules à usage thérapeutique.

La mer est un espace convoité et stratégique : 90 % du commerce mondial emprunte la voie maritime, 95 % des données de communication internationale y transitent grâce à un million de kilomètres de câbles de fibre optique.

La mer est une richesse largement inexploitée, à commencer par l'énergie fossile, puisqu'on y retrouve 22 % des réserves mondiales de pétrole et 37 % des réserves de gaz. Mais elle représente aussi un énorme potentiel énergétique renouvelable, capable de générer une production exploitable correspondant à dix fois la consommation annuelle mondiale en électricité.

La France occupe un rang appréciable dans de nombreux secteurs maritimes : deuxième espace maritime, avec ses 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, sixième rang dans la construction et la réparation navales, premier rang dans le nautisme en construction de voiliers, sixième rang pour la recherche océanographique civile et militaire et vingt et unième rang pour la pêche et la production de produits de la mer.

Ainsi, la filière maritime génère plus de 52 milliards d'euros de valeur de production et 310 000 emplois directs, soit plus que l'industrie aéronautique, la banque ou l'automobile. Il est donc fondamental, en ces temps de morosité économique, de se donner les moyens de profiter de l'opportunité unique que nous offre la mer d'ouvrir de nouvelles perspectives de développement de richesses.

En qualité de député de Toulon et de président de la commission du développement économique du Conseil général du Var, j'ai eu la chance d'être associé, en 2005, à la création, puis au pilotage du pôle de compétitivité Mer PACA. Ce pôle à vocation mondiale, pendant et partenaire du pôle de compétitivité Mer Bretagne, constitue un formidable véhicule d'innovation à même de développer durablement l'économie maritime et littorale.

Il rassemble aujourd'hui 350 membres, dont 160 PME, 80 groupes et entreprises majors, 110 organismes de recherche et de formation dont 30 focalisés sur les écosystèmes. Cela représente environ 25 000 salariés et 2 000 chercheurs impliqués directement dans les projets portés par le pôle.

En effet, la vocation d'un pôle est de susciter et d'accompagner des projets collaboratifs innovants associant entreprises et laboratoires de recherche ou centres de formation. Le projet doit s'adresser à un marché mature ou émergent de taille mondiale, porté par un noyau dur d'acteurs aux compétences avérées sur le thème identifié.

À ce jour, deux cent deux projets représentant un engagement en recherche et développement de 543 millions d'euros ont été labellisés ; cent cinquante-trois d'entre eux sont d'ores et déjà cofinancés à hauteur de 395 millions d'euros.

Nos programmes fédérateurs portent sur des thèmes très variés : surveillance et intervention maritime, navire du futur, offshore profond, énergies marines renouvelables, aquaculture durable, pêche durable, biotechnologies bleues, aménagement côtier durable et génie écologique, services à l'environnement en littoral et en mer, port du futur.

La structure du pôle permet par ailleurs de nouer des partenariats stratégiques avec d'autres pôles ayant besoin de technologies ou étant en connexion avec nos marchés, avec d'autres structures nationales d'innovation, avec des clusters étrangers – d'Italie, du Maroc, de Norvège et du Brésil pour ce qui est du pôle PACA. Nous participons aussi au club des pôles mondiaux. Le pôle a permis de consolider des filières existantes et de redynamiser la filière navale au sens large. Mais il a aussi permis de faire émerger de nouvelles filières : énergies marines renouvelables et éoliennes en mer, micro-algues, pour la production de bio carburant et valorisation des coproduits à des fins alimentaires, cosmétologiques ou nutraceutiques, génie écologique côtier, métrologie et instrumentation.

Voilà, monsieur le ministre, un exemple de stratégie gagnante que je voulais évoquer. Oui, le XXIe siècle peut être un siècle maritime, voire le plus maritime de l'histoire de l'humanité. À cet égard, la France a tous les atouts pour tirer son épingle du jeu.

Des politiques ont été définies. Il faut maintenant se donner davantage les moyens de l'action. J'espère, monsieur le ministre, que votre visite la semaine dernière au pôle Mer PACA à la Seyne-sur-Mer a fini de vous convaincre qu'il faut continuer à soutenir nos pôles de compétitivité.

Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les précédents orateurs ont insisté sur les potentialités importantes de l'espace marin, sur la pêche, sur le transport, qui connaît un fort accroissement de son trafic, ou sur les énergies multiples.

Pour notre part, nous sommes satisfaits du soutien du Gouvernement au projet de parc éolien en mer, dont la mise en oeuvre permettra de diversifier les sources d'énergie conformément à nos objectifs européens d'une part et de développer de l'emploi d'autre part. J'espère que Fécamp, la ville dont je suis l'élue, – clin d'oeil normand en réponse à mes collègues bretons – aura le plaisir d'accueillir le premier parc d'éoliennes en mer, puisque nous en sommes à la phase du débat public. Un milliard d'euros d'investissements pour une ville de 20 000 habitants, cela compte.

En revanche, nous sommes inquiets quant à la pêche et aux propositions de réformes européennes. Dans la question de la pêche durable, monsieur le ministre, il faut prendre en compte les trois dimensions sociale, économique et environnementale et trouver un équilibre entre elles – ne pas imposer des quotas qui soient déconnectés des constats des pêcheurs.

Je ne reviendrai pas sur la question, essentielle mais dont nous avons déjà souvent discuté, de l'impact social des implantations qui se font dans les zones portuaires et qui bénéficient d'autorisations publiques délivrées par les grands ports maritimes. Il y a là des aspects qui sont davantage liés à un appât du gain immédiat qu'à la structuration de filières économiques.

Après ce propos liminaire, j'en viens à un point majeur : la densification de l'utilisation de l'espace marin, sous des formes variées, et la cohabitation des usages qui en découlent démultiplient les risques d'accidents et de pollutions. Envisager une exploitation optimisée et durable de notre capacité maritime, c'est faire de la sécurité en mer une priorité.

Jusqu'alors, ces questions ont toujours été abordées a posteriori, à la suite de catastrophes majeures sur lesquelles je ne reviendrai pas. Depuis le Traité de Maastricht, la sécurité maritime est une compétence de l'Union européenne. Or les États membres continuent d'assurer l'essentiel des activités de surveillance de leurs côtes. Avec ses 5 500 kilomètres de côtes et ses 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, la France a une responsabilité particulière en matière de sécurité. Elle a d'ailleurs fait figure de précurseur dans la prise en charge par l'autorité publique des questions de sécurité en mer, notamment avec le financement des remorqueurs d'intervention d'assistance et de sauvetage.

La réglementation française résulte d'une vision selon laquelle l'espace maritime est un bien public, dont la protection et celle de ses usagers relève de la puissance publique. Cette conception a cependant besoin de notre plus grande vigilance

J'en veux pour preuve la décision du gouvernement britannique de privatiser ses services de garde-côtes. Il n'a fallu que cinq mois à compter de son arrivée au pouvoir à David Cameron pour mettre en place un plan de restructuration des garde-côtes, avec pour objectif de transférer les charges de la surveillance et de l'intervention en mer au secteur privé. Par cette décision unilatérale, ce gouvernement conservateur mettait un terme à plus de dix ans de partenariat franco-britannique dans le remorquage en Manche et fragilisait ainsi la sécurité de ce passage maritime, l'un des plus fréquentés au monde.

La France, à diverses reprises dans ses engagements européens, a rappelé son opposition de principe à toute mesure conduisant à une déréglementation des services de secours et d'assistance en mer, eu égard aux risques de réduction des niveaux de sécurité mais aussi de dumping social.

Pourtant, la Commission européenne vient, le 23 mai dernier, de remettre sur la table son projet de libéralisation des services portuaires en proposant pour la troisième fois un règlement. Son objectif affiché serait de répondre à l'augmentation attendue du trafic maritime. Approche paradoxale : l'augmentation du trafic justifierait plutôt un encadrement plus rigoureux des services ciblés ! Tout comme vous, monsieur le ministre, nous sommes opposés à la privatisation des services de pilotage maritime, dont la qualité est reconnue. Les pilotes, agents extrêmement compétents, sont inquiets des dispositifs européens. À cet égard, je salue la promptitude avec laquelle vous avez pris la tête d'une délégation d'États pour dénoncer ce projet de règlement au sein du Conseil européen. Nous venons de le rejeter ce matin, dans le cadre de la commission des affaires européennes, et espérons que cette décision vous aidera à l'enterrer définitivement. La représentation nationale restera vigilante.

Nous savons, monsieur le ministre, votre sympathie pour le monde maritime et votre mobilisation pour établir une stratégie politique maritime. Vous pouvez vous sentir soutenu par cette assemblée dans l'accomplissement de cette tâche.

Pour finir, je remercie nos collègues du groupe GDR pour cette bonne initiative qui nous a permis de parler enfin de politique maritime. Nous sommes nombreux à cette heure tardive à participer à ce débat, réunis par une même passion.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle est aujourd'hui la région du monde qui rassemble plus de 300 millions d'habitants, qui concentre d'immenses déséquilibres humains et sociaux, qui fédère par sa géographie la première puissance économique du globe et la zone politique la plus instable du monde, qui réunit trois grandes civilisations et près de quarante peuples, qui supporte le passage de plus d'un milliard de tonnes de marchandises chaque année ? C'est la Méditerranée, mare nostrum, notre mer, quelle que soit notre terre d'élection.

Il me semble essentiel d'intégrer cette dimension méditerranéenne à l'important débat que nous avons aujourd'hui sur l'avenir de la politique maritime de notre pays. Ce n'est pas en tant que député méditerranéen que je m'exprime mais en tant que représentant de la nation, car la Méditerranée est un enjeu national.

Depuis la fondation d'Agde il y a vingt-six siècles et de Marseille par les Grecs, la France s'est aussi construite par sa façade méditerranéenne. Comment ne pas citer le dynamisme de la Narbonnaise durant l'Antiquité ? Comment oublier l'apport méditerranéen à la construction d'une France moderne dès les débuts de la République ?

Après la Libération, l'État central a conduit de grands aménagements visant à moderniser notre façade littorale méditerranéenne et il faut rendre hommage à cette politique qui voulait aménager la France de Dunkerque à Marseille. Malheureusement, dans les années suivantes, le littoral méditerranéen n'a pas connu une telle constance de l'État central, loin s'en faut.

Je le dis avec gravité : la faille s'élargit chaque jour entre une Europe du Nord en croissance, même relative, et une Europe méditerranéenne qui sombre sans fin dans une récession profonde. Cette faille pourrait à terme devenir un gouffre et plonger les plus grands pays tels que l'Italie, l'Espagne ou le Portugal dans une instabilité durable. Il n'est pas trop tard pour agir et les atouts des façades méditerranéennes peuvent être valorisés pleinement par une politique déterminée de croissance bleue.

Dans cette perspective, la France peut jouer un rôle moteur au niveau européen.

Je salue à cet égard votre action au sein du Gouvernement, monsieur le ministre, qui montre que vous avez pris la pleine mesure de cet enjeu : énergies marines, matériels nautiques de demain, outils de transport maritime, matériels industriels de désalinisation, utilisation des ressources marines dans les secteurs agroalimentaires et pharmaceutiques, transports durables. En résumé, nous pouvons travailler à l'émergence d'une ambitieuse filière industrielle marine.

À cet égard, je formule l'ambition pour notre pays que nous puissions construire cette filière comme nous avons construit hier la filière aéronautique autour d'Airbus. C'est là un enjeu européen majeur.

Notre littoral méditerranéen dispose d'un savoir-faire industriel reconnu et de pôles de recherche et d'intelligence internationaux, je pense en particulier à ceux de Montpellier. Ces savoir-faire doivent être mobilisés, des milliers d'emplois sont en jeu.

Un deuxième enjeu majeur doit nous mobiliser sans relâche : la pollution. Le bassin méditerranéen est un écosystème particulièrement fragile. N'oublions pas que plus de 90 % des populations de l'ensemble du littoral méditerranéen résident à moins de trente kilomètres des côtes. Or, la pollution des eaux par les rejets côtiers ou maritimes met à court terme potentiellement en danger nos pêches mais aussi l'ensemble des exploitations conchylicoles et ostréicoles.

Je sais, monsieur le ministre, que vous n'ignorez rien de ces difficultés que vous avez pu mesurer par vous-même lors de votre récente visite dans l'Hérault. J'insiste d'ailleurs à cet instant sur le caractère souvent familial de la pêche méditerranéenne, qu'il faut prendre en compte. En outre, la dégradation du milieu marin pourrait également conduire à un recul important des fréquentations touristiques sur nos littoraux.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer dans quelle mesure la France serait à même d'amplifier une dynamique européenne en matière de préservation des eaux méditerranéennes ?

Il se trouve que ma circonscription est un concentré de Méditerranée. Sète est le premier port de pêche de notre mer, le deuxième port de commerce après Marseille ; Agde est un port important. Avec mes collègues députés de l'Hérault, je suis particulièrement mobilisé sur la question de la pérennité du bassin de Thau : nous attendons des assurances quant à la mise en oeuvre d'un plan national d'action en sa faveur

Un dernier enjeu me semble tout aussi essentiel : la Méditerranée ne doit pas être une frontière, une fracture entre peuples du Sud et du Nord. Le président de la République François Hollande s'est engagé en faveur d'une relance du processus de construction d'une Euro-Méditerranée dynamique. Là aussi, il y a des gisements d'emplois importants et la politique maritime que vous menez peut constituer le ciment qui unira les peuples méditerranéens.

Même si, comme le chantait Brassens, en Méditerranée, Neptune ne se prend jamais trop au sérieux – moins en tout cas que sur la façade atlantique – c'est avec sérieux qu'il faut considérer aux plans national et européen l'enjeu méditerranéen.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

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La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, dernier orateur inscrit.

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Deuxième représentant de la façade méditerranéenne à cette tribune, je voudrais tout d'abord remercier mes collègues du groupe GDR de cette initiative, qui me paraît tout à fait d'actualité.

Monsieur le ministre, à l'heure où une triple crise, écologique, sociale et économique, s'est installée, la richesse des fonds marins, leur biodiversité et leurs ressources énergétiques constituent une promesse de relance durable. Elles créent aussi des appétits immenses pour les esprits les plus prédateurs, ceux-là qui dénient aux générations futures le droit à un environnement de qualité.

Face à cet enjeu majeur du XXIe siècle, la politique maritime de la France est à la croisée des chemins.

Le bilan de la précédente PCP est désastreux : 88 % des stocks européens sont surexploités. Ce sont les logiques productivistes d'exploitation des ressources halieutiques qui ont entraîné le déclin de la filière, le gaspillage et la régression des emplois.

Le 6 février dernier, le Parlement européen, rejoignant les propositions de la Commission, s'était largement prononcé en faveur d'une réforme radicale de la politique commune de la pêche. La priorité était accordée au renouvellement de la ressource et, par conséquent, à la renaissance économique et sociale du secteur, car les deux sont liés, bien entendu. Pour la première fois, le principe de durabilité s'inscrivait comme un déterminant majeur, s'appuyant sur des recommandations des scientifiques trop souvent ignorées.

L'accord entériné le 30 mai dernier par le Parlement, le Conseil et la Commission est un pas important. À travers l'abandon des quotas de pêche transférables, il réaffirme que les ressources halieutiques constituent un bien public qui doit être géré collectivement et ne saurait faire l'objet d'une appropriation privée.

Nous nous félicitons également des modes de répartition des quotas. Les États membres s'appuieront désormais sur des critères environnementaux et sociaux tels que l'impact des pêcheries sur l'environnement, les antécédents de l'armateur en matière de respect de la réglementation ou la contribution à l'économie sociale. C'est une bonne nouvelle, notamment pour les petits pêcheurs de thon rouge de la Méditerranée qui doivent enfin bénéficier d'une répartition plus juste et plus équitable de ces quotas.

Cependant, nous regrettons, monsieur le ministre, que les gouvernements européens n'aient pas eu la même ambition que les députés européens concernant la reconstitution des stocks. La position du Parlement aurait permis une reconstitution d'ici à 2020 grâce à l'ajustement des taux d'exploitation d'ici à 2015. En raison de l'absence d'échéance imposée par le Conseil, et la France en son sein, combien d'années faudra-t-il attendre pour que les stocks soient reconstitués avec les conséquences que l'on connaît pour la rentabilité des pêcheries et l'emploi ?

De même, l'objectif d'interdiction totale des rejets d'ici à 2017 – qui n'a pas été retenu sous cette même pression du Conseil, et en particulier de la France – aurait envoyé un signal fort, engageant davantage la responsabilité des pêcheurs et soutenant les plus vertueux.

Le 10 juillet prochain, la commission de la pêche du Parlement européen votera le rapport sur l'instrument financier de la PCP, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche – FEAMP. J'en appelle à votre vigilance, monsieur le ministre, afin que ce budget n'affaiblisse pas les objectifs de la PCP et que son message soit celui de la cohérence et du choix.

La protection des ressources est une priorité : plus de poissons en mer, c'est plus d'emplois à terme pour les pêcheurs. Les 6,7 milliards d'euros de dotations ne doivent pas être dispersés tous azimuts et ne doivent surtout pas financer un renforcement de la surcapacité ou d'autres objectifs économiques de court terme. Ce serait réduire d'autant les moyens accordés à la collecte de données scientifiques, aux contrôles de la PCP, à la recherche et à l'innovation en matière de technologies sélectives.

En outre, la Commission européenne reconnaît que la surcapacité est l'un des principaux facteurs de la surpêche. Elle reconnaît également que ce sont les subventions qui ont maintenu cette situation. La réforme de l'instrument financier de la politique commune offre donc une occasion unique de réorienter les subventions et de les mobiliser pour mettre en oeuvre une transition.

Il convient aussi de s'assurer que l'aquaculture ne soit pas développée sans discernement. Il faut notamment favoriser la filière herbivore plutôt que la filière carnivore, du fait de tous les problèmes que l'on connaît, notamment avec les farines animales. Il aurait mieux valu développer la filière des protéines végétales que nous appelons de nos voeux depuis un moment.

N'oublions pas que le respect des objectifs écologiques, loin de freiner la création d'emplois et le développement économique, sera le moteur de la transition.

En conclusion, permettez-moi de citer Richelieu : « Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu'ils ont ignorée. »

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Madame la présidente, j'imagine combien il doit être passionnant d'assister à un tel débat où s'entremêlent réflexions, idées, enjeux, ambitions, particulièrement celles qui animent les hommes et les femmes de la mer – mais combien il doit être difficile aussi d'organiser le temps de parole de tant d'orateurs, qui ont exposé leurs convictions, leur volonté, qui ont profité de la tribune qui leur était offerte pour faire passer des messages, où qu'ils siègent dans l'hémicycle.

Les élus du littoral, qui représentent les acteurs de la mer, sont animés par la volonté de porter l'ambition maritime. Il s'agit de faire en sorte que la France ne se détourne pas de cette ambition, d'une réalité qui a été affirmée également par des députés de l'intérieur des terres, que je salue avec plaisir. Mais peut-être Philippe Foliot est-il le seul dans ce cas…

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Tant mieux ! Cette conquête nécessaire consiste à faire partager à la nation et à tous ses représentants la conscience de l'enjeu maritime auquel est confronté notre pays en ce XXIe siècle.

Le Président de la République a voulu mettre au coeur de son mandat la nouvelle économie maritime, une politique maritime qui soit respectueuse des trois piliers du développement durable : l'économie, le social, l'environnement. Il a souhaité rendre concrète sa volonté de faire de la France un leader dans la définition d'une politique maritime intégrée. Il s'agit d'articuler, de mettre en cohérence des politiques touchant à la mer qui étaient jusqu'alors beaucoup trop éclatées, cloisonnées, pensées séparément, mises en oeuvre par des acteurs insuffisamment coordonnés.

Il s'agit désormais de concilier au mieux les différents usages de la mer – richesse à protéger, richesse à développer, environnement fragile qui doit être résolument protégé, gisement de croissance, gisement d'emplois, bref une mer qui doit être mieux exploitée.

La mer, cela a été dit, c'est tout à la fois l'environnement marin, le transport maritime, les ports et leurs enjeux, la pêche maritime, l'aquaculture, les loisirs, la plaisance, la construction navale, les énergies marines, renouvelables ou non. La mer, c'est également la prévention des risques, le tourisme littoral, la recherche maritime.

La liste est longue. Elle démontre la diversité de ces enjeux, de ces activités, qui peuvent parfois être contradictoires : la mer est aussi un lieu de conflits d'usages. Cela nous impose de nous dépasser pour relever le défi, ce défi partagé qui concilie parfois ces contradictions, dont nous souhaitons faire des complémentarités.

Je souhaite souligner à cet instant la démarche qui est la nôtre et qui, j'ai cru le comprendre, est partagée, de nous inscrire dans la cohérence initiée timidement par l'Europe dès 2007. L'Union européenne a confirmé au cours des dernières présidences, notamment la présidence chypriote avec la fameuse déclaration de Limassol du 8 octobre 2012, cette ambition de construction d'une politique maritime intégrée.

Il y a encore beaucoup à faire, mais le chemin est tracé et la France s'y est engouffrée. La France a salué cette initiative : ambitieuse, elle s'articule autour de différents thèmes au niveau européen, qu'il s'agisse de l'aquaculture, des énergies marines renouvelables, des extractions minérales, du tourisme ou des biotechnologies bleues.

Relever le défi maritime, disais-je : il est de taille, particulièrement pour la France. Vous avez, les uns et les autres, cité les chiffres et rappelé les enjeux : forte de 11 millions de kilomètres carrés, la France aura demain peut-être la première surface maritime au monde. Mais il y a aussi 300 000 emplois directs, qui sont bien évidemment au coeur de notre préoccupation, 900 000 emplois indirects au total, 52 milliards de chiffre d'affaires, 565 ports, 360 millions de tonnes de fret, 30 millions de voyageurs et tant d'autres activités…

L'enjeu est donc majeur, et je félicite particulièrement les parlementaires du groupe GDR, notamment les ultramarins, d'avoir permis ce débat. Nos échanges de cette séance nocturne, qui n'est pas finie, madame la présidente,…

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

…ont permis de placer la mer au coeur de la préoccupation des parlementaires et du Gouvernement.

Nous souhaitons convaincre chacun, même dans la capitale ! de cet enjeu : nous ne devons pas tourner le dos à la mer, mais au contraire établir une stratégie favorisant la croissance de demain, la croissance du XXIe siècle.

La deuxième surface maritime mondiale ne doit pas manquer cette opportunité, qui passe également par le respect des territoires ultramarins, j'y reviendrai. Pour cela, il faut parler d'une politique maritime intégrée, d'une stratégie nationale de la mer, du littoral, en lien avec tous les territoires.

Cette stratégie nécessite d'abord de se mobiliser et de s'entendre sur une définition. La définition de la stratégie nationale de la mer et du littoral est un principe posé dans le Grenelle 2 : il doit nous permettre de déterminer, en accord avec la loi, un cadre de référence tant pour la protection du milieu que pour la valorisation des ressources marines et la gestion intégrée et concertée des différentes activités liées à la mer et au littoral. Un décret sera publié en ce sens au premier semestre 2014.

Cette stratégie ne sera toutefois pas décidée en catimini, dans quelques bureaux, parisiens ou non. J'ai souhaité au contraire, par la mise en place de diverses instances de concertation, par une procédure et une méthode renouvelées, que le plus grand nombre puissent se saisir de la définition de cette stratégie maritime, car la France maritime est la France de la diversité.

Le premier lieu de concertation est le Conseil national de la mer et des littoraux. Je l'ai installé, au nom du Premier ministre, en janvier dernier. Instance de réflexion stratégique, lieu de débats, d'échanges, de concertation, d'observation, ce conseil se réunira de nouveau au mois de juillet. Il aura vocation à devenir le conseil économique, social et environnemental de la mer.

Plus largement, les débats se sont également déroulés au sein des conseils maritimes de façade, dans leur configuration ultramarine ; ces débats nourriront la stratégie nationale. Il est essentiel, partout, sur toutes les façades, de donner la chance d'échanger, de mener cette réflexion avec tous les acteurs des façades maritimes, de métropole ou d'outre-mer.

Cette diversité est une richesse, à condition qu'on la respecte ; elle est un enjeu, à condition qu'on la comprenne. Tel est le sens des Assises de la mer et du littoral, qui se sont déroulées de façon décentralisée. Pour avoir suivi les conclusions rendues lors des différents conseils maritimes de façade – il ne manque plus que celles de Rouen – j'ai eu le plaisir de mesurer combien les uns et les autres, acteurs de la mer passionnés, s'étaient impliqués et avaient saisi ce moment de participation et d'échange. Ils ont ainsi répondu à notre invitation de s'inscrire dans une vision générale, globale, qui déterminera la stratégie de la France pour les prochaines années.

Vous l'avez rappelé : la mer est une richesse, elle est le lieu d'activités économiques importantes. Nous devons apporter tout notre soutien à la nouvelle économie maritime que nous appelons de nos voeux.

Je vous ai entendus toute cette soirée ; d'ores et déjà, un certain nombre d'initiatives ont été prises, en moins d'un an.

Au terme de plusieurs mois de travaux pour définir et arrêter la stratégie nationale portuaire, nous avons présenté celle-ci le 24 mai dernier à Rouen. Cette stratégie concerne en premier lieu les sept grands ports maritimes hexagonaux, et s'articule autour des trois axes majeurs auquel nous avons déjà fait référence : construction de solutions logistiques intégrées, politique industrielle renforcée, rôle accru des aménageurs et des gestionnaires d'espaces.

Avec cette stratégie nouvelle, l'État affirme son ambition de donner à la France une place de premier rang dans le commerce international. Sa situation géographique lui permet d'être un point d'entrée, un hub de l'Europe. La concurrence à laquelle se livrent les ports européens, que vous avez mentionnée dans vos interventions, ne doit pas nous amener à baisser les armes, mais au contraire à consacrer tous les moyens et à donner toutes les chances à ce qui constitue une richesse, une force, un enjeu : l'ouverture portuaire vers les hinterlands.

Pour cela, il faudra travailler dans la cohérence. C'est tout l'enjeu de ce ministère des transports, de la mer et de la pêche ; certains souhaiteraient peut-être renforcer encore la complémentarité de ce portefeuille ministériel, mais la marche est progressive, et nécessaire. Cependant, un ministère de la mer est nécessairement itinérant, aussi ne m'en veuillez pas si je ne le localise pas sur l'une ou l'autre des façades maritimes !

La stratégie portuaire d'ouverture vers les hinterlands favorise la compétitivité et permet le désenclavement tant attendu. Il faut lutter contre un enclavement dépourvu de toute efficacité, au moment même où les ports européens se développent et offrent par l'investissement les moyens nécessaires.

J'ai demandé à la commission Mobilité 21 de prendre en considération cette situation paradoxale de la France qui, bien que dotée de la force que représentent ces façades maritimes, ces ports, ces espaces, n'en fait ni un objet de croissance, ni un objet de compétitivité. Il faut les désenclaver par le ferroviaire et par le fluvial. Il faut avoir une vision d'ensemble des grands corridors européens. La compétitivité, la croissance, l'emploi, dépendent aussi de cet enjeu-là.

Pour faire face à la concurrence internationale, nous devons également nous baser sur tous les métiers et sur notre savoir-faire en matière d'innovation, notamment dans les chantiers navals. Avec le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, nous souhaitons promouvoir la construction navale française. C'est toute la filière navale et, par effet induit, la filière nautique, qui doivent aujourd'hui mieux se structurer et se renforcer durablement.

Le Conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation pour la construction et les activités navales doit être présent, de même que le Comité stratégique de filière, qui doit prendre la mesure de son action et de son rayonnement.

Il s'agit d'oeuvrer à la définition et à la promotion du navire du futur. Il y a quelques heures, nous étions en discussion pour mobiliser le Programme d'investissements d'avenir afin de consacrer des moyens à son développement tout en tenant compte des enjeux et des rendez-vous environnementaux, qui sont ici directifs. Cela amènera la modernisation nécessaire mais aussi, pour les pêcheurs, un coût beaucoup moins important en termes de consommation.

Ce navire du futur devra être propre, économe, sûr, intelligent. Nos chantiers navals sont en capacité de le réaliser car il existe, sur toutes nos façades maritimes, des PME, des entreprises, des entrepreneurs qui possèdent ce savoir-faire.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

S'ils sont structurés en filière, ils seront soutenus. Nous devrons convaincre les établissements bancaires français de la nécessité d'accompagner tous ces gens passionnés qui, aujourd'hui, souffrent peut-être d'un manque de soutien à ce niveau.

La compétitivité des transports passe par la compétitivité des ports et des services maritimes français. Deuxième surface maritime mondiale, la France n'occupe que le 28e rang mondial concernant la marine marchande. Les perspectives d'évolution de notre marine marchande, dans une conjoncture internationale dégradée, sont une source d'inquiétude. C'est pourquoi le Premier ministre a confié, sur ma proposition, une mission à votre collègue Arnaud Leroy, chargé de proposer des mesures susceptibles de relancer notre marine marchande.

Je n'ai pas le temps, même si la passion est là, d'insister sur bien d'autres chantiers ; sauf si vous m'y invitez !

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Ainsi, la loi du 31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier, qui impose aux entreprises de raffinage une obligation de détention de capacité de transport de pétrole, est une étape importante : elle permettra de donner de la compétitivité et peut-être des perspectives nouvelles à nos armateurs, à notre flotte, à notre pavillon. Nous devons engager la réforme de la loi de 1992, qui est demandée, attendue. Je souhaite que ce chantier soit étudié dans les meilleurs délais par les représentants.

J'en viens à la nécessité de garantir la protection des navires battant pavillon français face aux menaces que fait peser sur eux une piraterie endémique dans certaines zones. Les armateurs nous demandent d'adapter notre système de sécurité. Le Gouvernement entend donc se saisir de la question des équipages de sécurité embarqués. Cela rejoint la préoccupation des flottes françaises et du pavillon français de s'inscrire dans la compétition mondiale du transport maritime en toute sécurité. Nous devons assurer cette sécurité.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Comme beaucoup d'autres choses que j'ai entendues ce soir, et que je me permets de relayer et d'appuyer. Je vous en remercie, monsieur le député.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il faudra appuyer votre collègue ministre de la défense !

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

La France sur mer, vous le savez, nous réunit !

Chaque navire sous pavillon français représentant une part de la souveraineté de la France, nous lui devons sécurité. Aussi le Gouvernement entend-il se saisir de la question des équipes de sécurité embarquées. À cet effet, nous réfléchissons, avec Jean-Yves Le Drian, à l'élaboration de dispositions législatives visant à encadrer strictement les activités privées à bord des navires et à mieux s'adapter aux contraintes des armateurs tout en respectant les prérogatives de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si on ne le fait pas, ce sont les Anglo-Saxons qui prendront ces marchés !

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Nous le ferons ! Ce qui a pris du temps ne doit pas en prendre plus encore.

Il a été fait référence à la réduction des rejets de soufre, enjeu majeur pour les différentes compagnies, notamment de transport maritime, dont on sait les difficultés qu'elles connaissent. J'ai pris mes responsabilités en traitant le dossier de SeaFrance dont Yann Capet a parlé tout à l'heure. Je reviendrai sur My Ferry Linkdans quelques instants si vous le souhaitez.

Nos compagnies françaises sont malades, il faut les accompagner, les aider. C'est vrai de Brittany Ferries et de la SNCM, dont nous nous préoccupons quotidiennement. Je me refuse de voir la SNCM abandonnée. Ne m'en veuillez pas de ne pas aller au-delà ce soir, mais il faut d'abord faire en sorte que les partenaires sociaux, les actionnaires ainsi que l'État actionnaire puissent travailler à la construction de solutions industrielles permettant de sauver les compagnies et le pavillon français.

Un mot sur SeaFrance, qui employait 1 500 personnes et qui a été en liquidation, sur Brittany Ferries, qu'il a fallu soutenir et où les difficultés perdurent, sur l'enjeu de la directive Soufre. Toutes les compagnies seront confrontées au renouvellement de leur flotte, notamment dans les zones SECA, avec un enjeu, une date, un niveau de réduction des pollutions exigeants. Le rapport Jouffray qui m'a été remis il y a deux jours constitue une perspective majeure dans le but de structurer, d'aménager chacune des côtes et façades maritimes pour ce qui est des infrastructures de gaz naturel liquéfié. C'est l'enjeu de toute la flotte française car si nous ne nous préparons pas à ce rendez-vous, la compétitivité de nos ports ne sera plus d'actualité et l'approvisionnement se fera dans les ports de Barcelone ou de Rotterdam plutôt qu'à Dunkerque ou à Marseille.

L'État doit être stratège sur cette question. De même, il doit prendre ses responsabilités dans la défense du pavillon France. Il n'est pas normal de voir des salariés se constituer en SCOP – tout innovant que soit ce montage – et investir leurs indemnités de licenciement, pour créer My Ferry Link, battant pavillon français. Il n'est pas normal que l'autorité administrative britannique prenne une décision inverse à l'autorité française de la concurrence et qu'elle méconnaisse une décision ayant autorité de la chose jugée, interdisant d'ailleurs aux propriétaires des bateaux de SeaFrance, suite à la liquidation, de les revendre dans un délai de cinq ans. Autant dire que la décision de l'autorité indépendante britannique est une mise à mort de la compagnie.

Alors que nous avons surmonté les difficultés de SeaFrance et sauvé 500 emplois, grâce d'ailleurs à la volonté des salariés, il n'est pas normal – parce que les parts de marché sont là, parce que la réussite du pavillon français est là ! – de devoir nous résoudre à cette solution inspirée, il faut le dire, du non-sens. Comment démontrer que deux compagnies garantiraient mieux la concurrence que trois ? Il y a un moment où les libéraux se prennent les pieds dans leurs propres démonstrations de logique capitaliste.

Il est important pour nous, comme je l'ai fait discrètement depuis plusieurs semaines et officiellement depuis le conseil des ministres européens au Luxembourg cette semaine, et à cette tribune en réponse à Yann Capet, de dire que ce que nous avons fait pour SeaFrance, ce que nous faisons pour Brittany Ferries ou pour la SNCM, nous le ferons pour My Ferry Link, car le pavillon français doit avoir ses chances et l'emploi marin français est une nécessité. Nous devons être le gouvernement, vous devez être les représentants du peuple qui garantissent cette réalité de l'emploi marin français.

Mme Grelier a évoqué, je crois, ce qui aujourd'hui est une chance, à savoir la reconnaissance d'un service public dans les ports par le Conseil d'État. Malheureusement, ce principe pourrait être mis à mal par le nouveau règlement européen sur les ports initié et suggéré par le commissaire européen Siim Kallas. Lundi dernier, lors du Conseil des ministres européens des transports, j'ai indiqué que la France était extrêmement réservée sur cette initiative nouvelle, extrêmement méfiante quant aux dispositions de ce nouveau paquet portuaire. Là où nous étions seuls auparavant, d'autres pays se sont exprimés, comme la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-Bas. Il est possible que la France soit à l'initiative de la protection de l'emploi mais aussi de la réalité des services publics dans les ports.

Dans cette économie maritime, n'oublions pas la pêche et l'aquaculture, qui jouent un rôle spécifique. Le monde de la pêche doit être préservé, valorisé, défendu. Je rappelle que la pêche représente 1,7 milliard de chiffre d'affaires et 90 000 emplois. Ce sont des réalités des façades maritimes, des réalités d'aménagement du littoral, d'économie du littoral. Les Français y sont attachés. J'ai entendu ici des interventions distinguant les pêches, comme s'il était légitime d'opposer tels ou tels types de pêche. Les pêches sont la réalité de la France, sa diversité. La pêche hauturière, la pêche thonière, la petite pêche, la pêche côtière, la pêche spécialisée sont la diversité de nos façades maritimes. Notre pays a la chance d'avoir des pêcheries mixtes, même si cela impose des exigences.

Monsieur Roumegas, il faut, comme vous l'indiquiez, faire en sorte que les avis scientifiques s'imposent. C'est d'ailleurs la position de la France lors de la discussion de la PCP. Il faut pointer du doigt les comportements peu respectueux de l'environnement marin et de la biomasse, peu respectueux de la réalité. Je pense notamment à la pêche minotière. On caricature la position de la France dans ces négociations, mais où sont ceux qui mettent en cause la pêche minotière, celle qui transforme toutes les captures en farine, celle qui ne respecte aucun stock d'aucun poisson ? Où sont-ils lorsque la France veut éviter pareille dérive, demande une analyse des conséquences de la pêche électrique, propose une mise sous quotas pour protéger des espèces en cas de surexploitation de la pêche ? Où est la réalité dans les propos de ces gens qui viennent donner des leçons, s'invitent parfois, sans vouloir le débat, sans écouter ce qui se dit ? Qui sont les défenseurs de la petite pêche, alors que, à l'initiative du Gouvernement, les petites pêches ont bénéficié de la répartition plus juste des quotas de thon rouge ? La France a été celle qui a permis de mettre sur la table le débat sur la pêche au gangui, qui sera peut-être entendu par le commissaire européen. Comment peut-on m'interpeller, via des pages entières, financées on ne sait comment, en me disant que l'on m'observe ? Eh bien qu'on le fasse, mais complètement, sans caricaturer la position de la France ! C'est une position équilibrée, qui respecte la diversité des pêches, qui respecte les pêches elles-mêmes, ainsi que les différents types d'activité qui garantissent l'emploi. Je rappelle que le développement durable, c'est de l'économie, c'est du social et c'est de l'environnemental.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

La réalité scientifique est là : c'est celle des stocks pêchés durables. En 2013, 61 % du stock de poissons de l'Atlantique nord est pêché durablement, contre 27 % en 2010 et seulement 6 % en 2005. Cette réalité scientifique s'impose. La surpêche peut exister, mais encore faut-il nous dire de quelles pêcheries il s'agit, sur quelles bases, sur quels stocks.

Vous dites que la France n'a pas demandé de date pour la reconstitution de la biomasse. Mais elle fut l'un des premiers pays à faire mention de la biomasse dans les discussions européennes ! Aucun pays n'a demandé une date butoir pour la reconstitution de la biomasse. Ceux qui prétendent le contraire ne disent pas la vérité. Aucun autre pays ne l'a fait, y compris ceux qui se disent vertueux pendant les discussions européennes, lorsque les caméras sont allumées, mais qui se mettent en retrait dès qu'elles s'éteignent et qu'il faut passer aux travaux pratiques de la réforme de la politique commune. Voilà ce que je voulais dire, parce que la France a un riche tissu social, une réelle identité culturelle, de nombreuses régions littorales.

Monsieur Denaja, je ne reviendrai pas sur la pollution en Méditerranée, puisque j'ai prononcé cet après-midi un discours au Sénat sur cette question. Les enjeux sont là, vous avez raison. Alors que la qualité des eaux se rétablit sur l'étang de Thau, je souhaite saluer les ostréiculteurs et les conchyliculteurs, et l'ensemble des acteurs sur l'ensemble des façades maritimes, qui participent à la qualité de l'environnement marin. Eux aussi dépendent de la qualité des eaux, eux aussi dépendent de l'interface terre-mer. Je salue donc tous ces efforts qui ont été engagés par les acteurs de la mer et des espaces côtiers.

Je ne reviendrai pas non plus sur la pêche traditionnelle de l'anguille et la reconstitution des stocks d'anguilles, sur les enjeux de la conchyliculture, de la pisciculture, de l'aquaculture française qui doit avoir une vraie stratégie de développement. Comment peut-on accepter que nos importations se montent à 80 % de notre consommation alors que nous pourrions développer sur toutes nos façades des petits métiers dans ce secteur, qui pourraient servir de complément de rémunération ?

La France a été présente de la première à la dernière minute de la discussion de la PCP, le long des journées comme des nuits blanches. Mais il fallait bien en passer par là pour construire les règles communautaires de la pêche pour dix ans, avec pour seul mot d'ordre des règles cohérentes, compréhensibles, opposables, contrôlables par tous les pêcheurs. Il faut pouvoir également évaluer les éventuelles incohérences des dispositions, des réglementations, qui peuvent aboutir à des rejets.

Nous sommes déjà au rendez-vous de la prochaine réflexion, celle du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche. Nous souhaitons faire correspondre la PCP et le FEAMP, la nécessaire modernisation des navires, l'accompagnement de nos métiers, les contraintes en matière de rejets ou de sécurité, les fonds nécessaires à la modernisation… Là où la France, mal défendue, n'avait reçu que 216 millions du dernier Fonds européen pour la pêche, l'Espagne recevait un milliard. Je souhaite rééquilibrer ces enveloppes, car je souhaite que les marins aient la possibilité d'accompagner, par des initiatives de recherche, de diversification et de modernisation, les enjeux de la pêche de demain.

La dimension sociale est là, chère Annick Le Loch, merci de l'avoir souligné en évoquant la caisse maritime d'allocations familiales et l'Établissement national des invalides de la marine, ses cent mille assurés maladie, ses cent vingt mille pensionnés. Il faudra toute notre attention pour que soit pleinement réussie sa transformation en établissement public.

La dimension sociale, c'est aussi la compétitivité du pavillon français, l'anti-dumping social. Il faut poursuivre – la marche est longue – la construction d'un pavillon européen.

Conformément aux engagements du Président de la République, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne transpose en droit national des dispositions de la convention du travail maritime de l'OIT, signée en 2006. Ce texte, sur lequel la commission mixte paritaire s'est accordée aujourd'hui même, constituera un instrument juridique contraignant qui va mettre en place des normes couvrant différents domaines du droit social. La France, de ce point de vue, assume ces progrès sociaux et ces garanties qui seront données aux marins : normes minimales applicables à bord des navires, dans l'emploi, la santé, la sécurité, le travail, l'hygiène. Tout cela, en quelques mois, nous l'avons réalisé, vous l'avez réalisé en votant cette transposition.

S'agissant des entreprises maritimes pratiquant le cabotage, la législation que vous avez adoptée à l'initiative du Gouvernement institue la règle de l'État d'accueil, permettant d'éviter le dumping social et d'appliquer des règles sociales s'alignant non sur le modèle le plus dégradé, mais sur le plus proche de la réalité française, avec des sanctions pénales pour les contrevenants.

Édouard Philippe évoquait l'enjeu de l'enseignement maritime : c'est vrai, il était dans une situation extrêmement dégradée il y a encore quelques mois. Il a fallu donner à l'École nationale supérieure maritime des moyens et des ambitions, un nouveau président, un nouveau directeur, pour éviter de la laisser à la dérive avec ses dettes et ses impasses. Il a fallu réaffirmer les sites historiques de Marseille, du Havre, de Nantes et bien sûr de Saint-Malo. L'enjeu est là, avec le lancement en septembre des états généraux de l'enseignement maritime. Il faut permettre aux jeunes de se tourner vers les métiers de demain : à la fois des métiers traditionnels, mais aussi ceux que la mer elle-même va créer. Il faut, pour l'ENSM et pour les douze lycées maritimes, une filière plus cohérente qui ouvre plus de perspectives.

Voilà ce qu'un pays maritime doit avoir comme ambition : donner des chances à la jeunesse, donner plus de cohérence à la formation, organiser tout cela. Vincent Peillon m'en a donné la garantie et nous travaillerons ensemble pour que ces états généraux permettent de renforcer l'enseignement.

On pourrait encore parler de la recherche, de l'innovation, des appels à manifestation d'intérêt, de l'Arpège, navire du futur, de l'enjeu des molécules d'origine marine aux plans pharmaceutique et alimentaire, des technologies bleues, de l'IFREMER qui, avec Geneviève Fioraso, fera l'objet d'une attention particulière. Cela a été confirmé, cher Philippe Folliot, cher Philippe Vitel, par le Premier ministre et c'est à nous de passer d'une ambition à la concrétisation d'une politique nationale.

De même, le Président de la République et le Premier ministre, lors de la conférence environnementale, ont souhaité que la France soit davantage en pointe dans la stratégie des énergies marines renouvelables. La France a publié un appel d'offres portant sur des installations éoliennes de production d'électricité : c'était en 2011. Un nouvel appel d'offres concernant deux nouvelles zones a été publié en début d'année. Nous devons là aussi faire en sorte – et merci d'avoir cité les réalités de France énergies marines – que la France soit plus ambitieuse encore. Elle doit avoir un programme qui permettra d'intégrer toutes les technologies : l'hydrolien, l'éolien flottant, l'énergie thermique des mers… C'est vrai pour les ultramarins, c'est vrai aussi pour les autres territoires. Enfin merci, chère Suzanne Tallard, d'avoir évoqué l'environnement marin.

Je souhaiterais m'adresser plus particulièrement, en cet instant, aux élus ultramarins. Vous avez raison, et je conclurai par cela : vous avez raison d'appeler la métropole à la prise en compte de ces réalités, vous avez raison de dire que l'ambition maritime, la surface maritime de la France, les perspectives de développement, passent aussi par la reconnaissance des régions ultramarines. C'est pourquoi, conformément à la volonté du Président de la République, chaque ministre dispose, à ses côtés, d'un conseiller chargé des outre-mer. C'est aussi pourquoi, dès les premières négociations en juin de l'année dernière, nous avons réussi à obtenir ce qui n'avait pas été le combat de ces dernières années : que nos outre-mer soient reconnus comme régions ultrapériphériques. Nous avons obtenu, dans une seconde négociation, que ces régions ultrapériphériques soient dotées de conseils consultatifs régionaux. Nous avons réussi à obtenir de la commissaire Maria Damanaki que ces conseils consultatifs et que les RUP puissent être associés, dans une procédure de codécision ou, en tout cas, de co-concertation. C'est important, que nos territoires d'outre-mer soient représentés au même titre que les régions ultrapériphériques du Portugal et de l'Espagne. Et enfin, nous avons aussi obtenu le respect de la zone des cent milles.

Voilà ce qui a été, en quelques mois, obtenu par ce Gouvernement parce qu'il est respectueux des outre-mer, des territoires dans leur diversité. Ce combat n'avait pas été mené au niveau européen. J'ai fierté et j'ai plaisir à dire à Victorin Lurel, pour ce qui est de la pêche outre-mer, que cette prise en compte des spécificités doit être complète, globale. Et j'aurai à coeur, à chacune des négociations européennes, d'avoir une pensée particulière, une plaidoirie appuyée, pour que cette reconnaissance soit pleine et entière de la part de la Commission.

Debut de section - Permalien
Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Rien n'est jamais suffisant, mais en moins d'un an, en dix conseils des ministres, nous avons apporté plus que nul autre gouvernement en respect et en reconnaissance aux régions ultrapériphériques ! Nous devons travailler encore, nous ne sommes qu'au début de longues négociations. Nous aurons notamment, sur les capacités de pêche, à faire en sorte que la spécificité des régions ultrapériphériques suscite des dispositions particulières, pour éviter l'application des règles européennes inadaptées à ces régions.

Je pourrais continuer. Vous avez été éloquents, vous avez été passionnés, vous avez été complets. Vous avez donné l'impulsion nécessaire, parce que les parlementaires de nos littoraux ont une vision de la France qui est celle d'un pays qui peut réussir, qui peut s'appuyer sur la croissance maritime. Nous la connaissons, nous savons qu'elle recèle toutes les solutions de demain : qu'il s'agisse de nutrition, d'énergie, de pharmacopée, nous avons des solutions qui passeront par la mer. Pour le moment, il faut armer la France pour ces défis.

Voilà, madame la présidente. De la capitale à la mer, il y a un grand pas. Il faut maintenant maritimiser la capitale, il faut que la capitale et ses élus aient pleine conscience de cette ouverture, de cet enjeu majeur pour la capitale d'une France maritime ! Ce sont en tout cas les voeux que nous formons et je suis persuadé qu'ils sont ici unanimement partagés.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le débat est clos. L'hémicycle aura été traversé d'embruns, de vagues, d'écume et de profondeurs !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance ce matin 13 juin à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

La séance est levée, le jeudi 13 juin 2013, à zéro heure dix.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron