Séance en hémicycle du 3 octobre 2013 à 9h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Christian Jacob, Christian Kert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy et plusieurs de leurs collègues tendant à ne pas intégrer la prestation de la livraison à domicile dans le prix unique du livre (nos 1189, 1385).

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Christian Kert, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, nous venons parler d’une loi pour ainsi dire « culte » – la loi Lang – votée par un Parlement unanime, et désormais érigée, en quelque sorte, au rang de patrimoine commun par tous les acteurs de la chaîne du livre, et ce à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi présentée par le président du groupe UMP, M. Christian Jacob, par M. Hervé Gaymard, également présent, par M. Guy Geoffroy et par moi-même.

Cette loi, rappelons-le, limitait la concurrence par les prix et obligeait les détaillants à fixer le prix de vente au public à un niveau compris entre 95 et 100 % du prix fixé par l’éditeur. Elle poursuivait trois objectifs : l’égalité des lecteurs devant le prix du livre, la préservation d’un réseau dense de librairies partout sur le territoire et la préservation de la diversité de la production éditoriale. Souvenons-nous qu’elle a été votée dans un contexte marqué par l’offensive, sur le marché du livre, de grandes surfaces généralistes et spécialisées, qui proposaient des rabais de l’ordre de 20 à 40 %, lesquels rabais risquaient d’entraîner la disparition des librairies traditionnelles.

La loi Lang a mis bon ordre à ces pratiques et son bilan s’est avéré et s’avère toujours positif : elle a permis le maintien d’un réseau dense et diversifié de librairies ; l’offre éditoriale, à en juger par le nombre de titres nouveaux proposés chaque année, est demeurée très riche ; et l’évolution du prix du livre reste dans les limites de celle de l’indice des prix à la consommation.

Pour être clair et schématique, sur la base de cette réflexion, cinq points me paraissent devoir être examinés : le nouvel environnement du livre, les éléments nouveaux nés de ce contexte, la question de savoir s’il existe des éléments constitutifs d’une concurrence déloyale – nous répondons : oui –, la question de savoir ce que l’on peut faire pour lutter contre cette déloyauté, et enfin l’indispensable travail de toilettage législatif à conduire, comme le propose cette proposition de loi.

Première réflexion : le nouvel environnement du livre. Trente ans après la loi Lang, le marché du livre, comme celui des biens culturels en général, connaît de profondes évolutions, avec le développement du numérique, notamment des services numériques et du commerce en ligne. La vente en ligne de livres imprimés est actuellement la forme la plus dynamique du marché du livre : alors qu’elle ne représentait que 3,2 % du marché du livre en 2003, elle a atteint 13,1 % en 2011. Quels sont les enjeux induits par ce nouvel environnement ? Le développement de nouveaux canaux de distribution des livres soulève d’abord un premier enjeu lié à la défense des intérêts des créateurs : l’accès aux contenus ne doit pas, à terme, être contrôlé par un petit nombre de plateformes globales et internationales, qui seraient alors en mesure d’imposer leurs conditions, ce que nous voulons à tout prix éviter. Dans ce contexte de croissance du commerce de biens culturels en ligne, il convient également de promouvoir le développement de ce qu’on pourrait appeler un écosystème de services français et européens, composé de petits acteurs indépendants spécialisés dans des « niches », mais aussi de champions à vocation internationale. Il y a là un deuxième enjeu, en termes de revenus et d’emplois.

Enfin, à la diversité des canaux de distribution s’attachent également des enjeux de diversité culturelle et de richesse de la production éditoriale. De nombreuses études économiques ont tenté de mesurer l’impact du développement des services numériques sur la diversité culturelle. Le rapport que vous avez demandé à Pierre Lescure, madame la ministre, en donne un petit aperçu – j’imagine que vous l’évoquerez.

Deuxième grande réflexion : dans ce contexte, plusieurs éléments doivent être rappelés. En premier lieu, le marché de la vente en ligne de livres imprimés est dominé par un grand acteur, que nous avons bien entendu auditionné, l’américain Amazon. On estime qu’il détient 70 % des parts de marché de la vente en ligne de livres imprimés. Or, quiconque a acheté des livres sur Amazon – et nous en sommes probablement – sait que, contrairement à une librairie traditionnelle, si l’on y vient sans idée précise de ce qu’on veut lire, on a de fortes chances de repartir avec un best-seller ou une nouveauté de la rentrée littéraire. Que surtout l’on ne nous fasse pas dire, comme certains ont pu en avoir la tentation, qu’Amazon participerait d’un appauvrissement de l’offre culturelle : nous n’avons jamais dit cela.

Deuxième élément de ce contexte : sur ce marché de la vente en ligne de livres imprimés, les librairies indépendantes ne parviennent pas, pour l’instant, à trouver leur place. La capacité des libraires à investir dans les moyens de leur modernisation demeure, pour certains d’entre eux, très limitée, voire nulle, d’autant que le retour sur investissement peut s’avérer très faible dans un premier temps. Nous le savons bien, plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer ces difficultés, à commencer par la situation tendue que connaissent les libraires indépendants, du fait du poids des loyers, des charges de personnel, du coût des stocks. Deuxième raison fondamentale : on ne peut évoquer la situation florissante d’Amazon et les difficultés des libraires indépendants sans aborder la question fiscale. Tous les détaillants, traditionnels ou en ligne, ne sont pas dans la même situation pour affronter la concurrence sur internet : en effet, Amazon – pour reparler de cette société –, comme d’autres géants de l’économie numérique, pratique une politique d’optimisation fiscale systématique, qui a pour objet et pour effet de minimiser son taux d’imposition – nous connaissons bien cela. Selon la Fédération française des télécommunications, Google, Amazon, Apple et Facebook dégageraient entre 2 et 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France, mais ne verseraient chacun, en moyenne, que 4 millions d’euros par an au titre de l’impôt sur les sociétés. De plus, à cette concurrence fiscale déloyale s’ajoute une concurrence par les prix contraire à l’esprit de la loi du 10 août 1981.

Troisième grande réflexion : en quoi la gratuité des frais de port constitue-t-elle une concurrence sur les prix ? Il suffit, pour s’en convaincre, de rechercher, sur les sites de commerce en ligne, quels sont les frais de livraison pratiqués : pour prendre l’exemple d’un site de vente en ligne très connu, les frais de port y sont gratuits pour les livres, sans minimum d’achat, tandis que pour tous les autres produits – tels les vêtements – vendus sur ce site, les frais de port s’élèvent à près de 3 euros pour les achats d’un montant inférieur à 15 euros, et sont gratuits au-delà. Voilà ce qui est important dans notre raisonnement : les frais de port s’intègrent clairement dans une stratégie de différenciation par les prix, stratégie qui se décline, produit par produit, en fonction – on l’imagine – de considérations économiques.

Quatrième réflexion : que faire pour lutter contre cette concurrence déloyale ? En matière fiscale, de timides avancées permettent d’espérer une moindre intensité de la concurrence d’ici quelques années. Nous pensons notamment, madame la ministre, à la directive communautaire qui permettra d’ici 2015 d’assujettir les entreprises à la TVA, non dans le pays d’implantation mais dans le pays où les biens sont consommés. En revanche, aucune réponse n’a été apportée au problème de la concurrence par les prix que la loi Lang souhaitait contenir et que les vendeurs en ligne essaient de réintroduire. Vous-même, madame la ministre, vous avez pris acte, à l’occasion des Rencontres nationales de la librairie en juin dernier, de la nécessité d’interroger le principe de la gratuité des frais de port offerte par les sites de commerce en ligne. Voilà sans doute pourquoi vous nous proposerez d’amender la proposition de loi.

Cinquième et dernière réflexion : un indispensable travail législatif de toilettage, que nous avons entrepris par le dépôt de cette proposition de loi. En 1981, le législateur ne pouvait prévoir à quels défis nous serions confrontés dans l’univers numérique, mais il avait tout de même prévu que, lorsqu’un client désire acheter, en librairie, un ouvrage ne figurant pas dans le stock du libraire, le service de commande est gratuit : la loi de 1981 dispose en effet que le service de commande à l’unité est gratuit. Toutefois, la loi a prévu que les prestations exceptionnelles demandées par le client dans le cadre de ce service de commande à l’unité, par exemple la commande directement à l’étranger ou l’emploi de procédés de transmission plus rapides que ceux habituellement utilisés, peuvent justifier une rémunération exceptionnelle. Dès lors, le coût de ces prestations est facturé au client et vient s’ajouter au prix du livre.

Comme je l’avais dit en commission, la loi sur le prix unique du livre fait partie de ces monuments législatifs auxquels on ne saurait toucher que d’une main assez hésitante. J’avais à ce point raison que la majorité de la commission, monsieur le président de la commission, a refusé que celle-ci rende des conclusions sur la présente proposition de loi. Le rapporteur que je suis ne peut donc vous indiquer, au nom de la commission dont il est le porte-parole, s’il vous est demandé d’adopter ou de rejeter le présent texte.

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Les défenseurs des livres et des libraires que nous sommes tous ici ne peuvent cependant qu’encourager l’adoption de ce texte tel que modifié par les amendements que je vous présente et qui diffèrent de celui qui est proposé par le Gouvernement ; nous en comparerons les mérites lorsqu’ils seront mis en discussion. En tant que rapporteur de la commission, je me dois de vous indiquer que l’amendement du Gouvernement a été accepté par celle-ci et que ceux que je défends ont été à l’instant repoussés.

À titre personnel, madame la ministre, je ne prétends pas que nos amendements ne sont pas perfectibles et je suis ouvert aux sous-amendements qui pourraient être présentés en vue de les améliorer ; le rapporteur n’aurait, à cet égard, aucun scrupule à réviser sa copie. Je pense néanmoins qu’ils permettent d’éviter certains écueils de la rédaction proposée par le Gouvernement. C’est pourquoi je vous demande, à titre personnel, d’adopter la présente proposition de loi, modifiée par les amendements que je vous proposerai. En quelque sorte, madame la ministre, monsieur le président, nous allons imaginer une nouvelle forme de loi, une sorte d’OGM culturel.

Sourires.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Un OGM culturel ? Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne comparaison !

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La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mesdames, messieurs les députés, un seul sujet nous anime aujourd’hui, sur tous les bancs de cette assemblée : le livre, la chaîne du livre, sa diversité, sa richesse, dont nous sommes si fiers en France et qui sont préservés depuis plus de trente ans, depuis la loi Lang de 1981 sur le prix unique du livre, dont M. le rapporteur a eu l’amabilité d’affirmer qu’elle était désormais inscrite dans notre patrimoine national ; on pourrait même dire qu’elle est inscrite au patrimoine de l’humanité, puisqu’elle essaime dans beaucoup de pays dans le monde.

Nous sommes donc les héritiers et les enfants de cette loi. Nous avons d’ailleurs voté en 2011, à l’unanimité de cette assemblée, la loi relative au prix du livre numérique, qui était bien entendu dans l’esprit de la loi de 1981 et qui visait à l’adapter, à la mettre au goût du jour des évolutions technologiques.

L’objectif de la loi était de préserver la diversité de la chaîne du livre, en partant d’un principe simple que vous avez rappelé dans votre rapport, monsieur le rapporteur, et que Jack Lang avait exprimé à cette même tribune : le livre n’est pas une marchandise comme une autre. Le livre doit donc être soumis à des réglementations économiques différentes adaptées à sa spécificité, non pas pour tuer la concurrence, mais bien au contraire pour assurer une juste concurrence, garante de la diversité culturelle, éditoriale et créatrice de l’ensemble de la chaîne du livre. Or le seul moyen d’assurer cette juste concurrence entre les acteurs de la chaîne du livre, et donc la diversité de celle-ci, était d’avoir un prix unique, fixé non pas administrativement mais bien par les éditeurs, par les professionnels, et qui s’applique sur l’ensemble du territoire.

Cette loi, qui avait été inspirée par Jérôme Lindon, vers lequel vont nos pensées en cet instant, a eu des effets extrêmement bénéfiques en France sur l’ensemble du paysage, en amont sur le plan éditorial – nous avons un grand nombre de maisons d’édition, donc une diversité de l’offre, ainsi qu’une diversité des écritures et de la publication – et, en aval, sur la chaîne de distribution, puisque nous disposons d’une grande diversité de librairies qui parsèment, égaient et animent tous nos territoires.

C’est ce réseau de librairies – les librairies indépendantes, mais aussi celles qui appartiennent à des chaînes spécialisées dans le commerce culturel – d’une grande richesse, d’une grande variété, que nous souhaitons aujourd’hui défendre, protéger, non pas au non d’une vision conservatrice ou rétrograde, mais parce que nous considérons qu’il est d’une importance majeure pour l’ensemble de nos territoires. En effet, un libraire, ce n’est pas seulement quelqu’un qui vend un livre : c’est une personne qui conseille, qui oriente, qui fait découvrir, qui a un rôle de prescription, qui avant tout aime les livres, aime les textes et les fait partager aux lecteurs. C’est donc quelqu’un qui contribue d’une manière profonde à l’enrichissement de notre pratique culturelle et à sa transmission.

Vous le savez, le livre n’est pas non plus un objet culturel tout à fait comme les autres. C’est la transmission des idées, d’une vision du monde. C’est un partage, un échange et, évidemment, une ouverture d’esprit, une ouverture au monde.

Nous sommes donc rassemblés pour discuter d’un sujet dont l’importance est majeure, non seulement pour la chaîne du livre, bien sûr, et plus généralement pour l’ensemble de l’économie de la culture, mais aussi pour chacun de nos territoires. Nous savons en effet à quel point il est important d’avoir au coeur de nos villes des libraires indépendants qui contribuent à leur animation culturelle, qui créent du lien social autour de la librairie. Ils sont des éléments absolument indispensables d’une véritable politique non pas d’aménagement du territoire mais bien de vivification de nos territoires et de nos espaces urbains. Je pourrais également mentionner leur importance pour les zones rurales, puisque des librairies y sont également implantées, qui sont absolument exceptionnelles et qui font un travail remarquable pour faire vivre la culture, l’échange, le débat d’idées au coeur de nos territoires.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Nous allons donc débattre aujourd’hui d’un enjeu majeur pour l’ensemble des élus que nous sommes, élus de la France entière. Pourquoi faut-il se saisir d’un tel enjeu ? Parce que depuis 1981, et même depuis 2011 et le vote sur la loi relative au prix du livre numérique, des évolutions technologiques ont modifié la façon dont les livres sont vendus. Là encore, il ne s’agit pas de nous y opposer ; ce serait d’ailleurs vain, ce serait un barrage contre le Pacifique. Nous avons montré en 2011 que nous étions au contraire extrêmement volontaristes pour considérer la neutralité technologique indispensable aux objets culturels. Un livre est un livre, c’est avant tout un texte, quel que soit le support, physique ou numérique, grâce auquel il est diffusé. Mais étant donné la manière dont la vente en ligne est organisée économiquement aujourd’hui, nous pouvons légitimement exprimer notre inquiétude.

Nous avons évidemment tous à l’esprit des épisodes récents et douloureux : la fermeture de Virgin, en France, mais aussi, plus récemment encore, le risque qui pèse sur les cinquante-sept librairies du réseau Chapitre et sur ses 1 200 salariés. Nous avons donc légitimement le droit – mais c’est aussi un devoir – de nous interroger ensemble sur la manière dont nous pouvons rétablir une juste concurrence entre les acteurs de la chaîne du livre, tant pour la vente en ligne que pour la vente physique, afin de faire respecter l’esprit de la loi Lang de 1981. Car tel est bien tout l’enjeu de ce débat : respecter, malgré et avec les évolutions technologiques, l’esprit de la loi Lang, dont nous saluons tous ici les bienfaits, qui sont reconnus de façon unanime sur tout le territoire français.

Faire respecter l’esprit de la loi Lang, c’est bien sûr rétablir les conditions d’une juste concurrence face à des acteurs de l’économie mondialisée, des géants du numérique qui bénéficient d’avantages concurrentiels, comparatifs pourrait-on dire, liés à des stratégies connues d’optimisation fiscale extrêmement agressives. Le Gouvernement a engagé un plan très ambitieux pour soumettre à un impôt juste l’ensemble de ces sociétés, qu’on appelle les GAFA, l’acronyme qui désigne Google, Apple, Facebook et Amazon ; il a d’ailleurs été présenté à la Commission européenne la semaine dernière. Sans même attendre ces dispositions fiscales, nous avons aussi l’impérieuse nécessité d’agir pour empêcher un détournement de la loi sur le prix unique du livre de 1981.

Si la discussion d’aujourd’hui est un moment important, c’est aussi parce que nous partageons cet objectif commun, monsieur le rapporteur, et je tiens à vous remercier du travail que vous avez accompli et du rapport extrêmement intéressant que vous avez écrit au sujet de la proposition de loi que vos collègues du groupe UMP et vous-même avez déposée. Le livre a en effet souvent suscité en France un accord transpartisan, qui est, me semble-t-il, la preuve de notre attachement commun à cet objet et du sens de l’intérêt général que nous partageons en la matière. C’est peut-être cela aussi, l’exception culturelle, mais nous en sommes fiers, et nous pouvons nous en réjouir ce matin.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, j’ai décidé de proposer un amendement qui permettra, dans le même esprit que celui que vous défendez ce matin, et en accord avec la commission des affaires culturelles et son président Patrick Bloche, que je salue amicalement, d’améliorer, de renforcer le texte, de satisfaire l’objectif conjoint que nous partageons.

Ces dispositions ne sont pas aisées à rédiger, parce que ce débat sur la manière de lutter contre les détournements de l’esprit de la loi Lang au moyen de la gratuité des frais des ports, que certains opérateurs de la vente à distance proposent, agite depuis plusieurs années le réseau des libraires et des acteurs de la chaîne du livre. Il a même été l’objet d’un jugement de la Cour de cassation en 2008.

Comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, nous devons légiférer d’une main tremblante. Nous devons être très attentifs, vigilants et scrupuleux parce que toute ouverture, toute entorse à la loi de 1981 doivent être examinées avec précision. C’est pourquoi je vous présenterai tout à l’heure un amendement qui me paraît offrir la meilleure sécurité juridique possible et, en même temps, qui permet à nos concitoyens de constater que nous travaillons non pas au détriment du pouvoir d’achat mais bien pour une juste concurrence entre tous les acteurs de la chaîne du livre, et surtout pour faire respecter l’esprit de la loi sur le prix unique du livre.

Les dispositions que nous allons examiner ce matin s’inscrivent dans un contexte plus général, celui d’une politique très volontariste en faveur des libraires, que j’ai initiée depuis mon arrivée au ministère de la culture voilà plus d’un an. Les libraires sont en effet un élément indispensable de la chaîne du livre, un canal qui permet de préserver la diversité éditoriale ; nous pouvons d’ailleurs nous réjouir du nombre de titres qui sont sortis à la rentrée littéraire. Malheureusement, ils sont aussi le maillon le plus menacé, le plus fragile.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

C’est le commerce de détail qui a le taux de marge le plus faible aujourd’hui. En outre, si la vente de livres tous supports confondus stagne depuis dix ans, la vente en ligne a progressé, au détriment donc de la vente physique, par un effet de substitution. Mais les acteurs de la vente en ligne n’ont pas le même métier que ceux de la vente physique : le rôle de conseil, de prescription auquel je faisais référence tout à l’heure ne peut pas être rempli par des algorithmes. Il faut la qualité humaine, la qualité de lecture que seul un libraire peut offrir.

Après avoir procédé à une importante concertation avec l’ensemble des acteurs, j’ai donc annoncé, lors des Rencontres nationales de la librairie le 3 juin à Bordeaux, un plan en faveur de la librairie. Au mois de septembre, en première lecture au Sénat du projet de loi relatif à la consommation, j’ai fait voter la création d’un médiateur du livre, qui permettra de résoudre les conflits entre les différents acteurs de la chaîne du livre, notamment entre les éditeurs et les distributeurs. L’assermentation des agents du ministère, adoptée dans le même cadre, leur permettra de faire respecter les lois de 1981 et de 2011.

Ces dispositions ne visent pas à faire de la librairie un secteur protégé, préservé du marché, hors du temps et des évolutions en cours. Si le livre est un objet culturel, il est aussi le produit d’une industrie extrêmement puissante et dynamique : aux États-Unis, l’un des six premiers grands groupes d’édition est la filiale d’un groupe français, trois autres sont européens.

Les libraires sont des commerçants et entendent le demeurer. Nous ne pouvons qu’aller en ce sens : le plan pour la librairie vise à leur redonner les marges nécessaires pour innover et continuer à prendre des risques, en proposant des fonds diversifiés et spécialisés, en améliorant encore le service rendu aux clients.

Une partie des propositions que j’ai faites visent à renforcer les conditions de financement de la librairie. Ainsi, j’ai souhaité qu’un dispositif entièrement nouveau pour le financement de la trésorerie à court terme, indispensable aujourd’hui, soit créé. Il sera administré par l’IFSIC, la banque des industries culturelles, et financé, dès cette année, grâce à une dotation spéciale.

Je veux aussi accompagner les capacités de reprise des librairies, mesure nécessaire compte tenu de l’évolution de la pyramide des âges, très défavorable à cette profession. Les éditeurs ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités puisqu’ils ont annoncé eux-mêmes, à Bordeaux, qu’ils abonderaient eux aussi le fonds de soutien, à hauteur de 7 millions d’euros.

Enfin, j’ai demandé le redéploiement des ressources du Centre national du livre, pour doubler les aides à la librairie. Elles iront vers les besoins structurants, notamment vers la formation des libraires indépendants en économie, en marketing et en technologies numériques, ce qui leur permettra de développer leur propre site de vente en ligne – certains existent déjà sous forme mutualisée.

Il convient aujourd’hui d’améliorer les conditions de régulation du secteur du commerce du livre. L’amendement du Gouvernement, qui va dans le même sens que ce que vous proposiez, monsieur le rapporteur, vise à interdire le cumul du rabais de 5 % et de la gratuité des frais de port. Nous serons ainsi fidèles à l’esprit de la loi Lang, qui permettait un rabais de seulement 5 %, dans un objectif de fidélisation des clients et seulement à l’initiative des libraires. Ce rabais ne doit pas pouvoir être cumulé avec un autre avantage commercial, la gratuité des frais de port.

On le sait aujourd’hui, la gratuité des frais de port procède – il faut employer le mot – d’une stratégie de dumping, tout simplement. J’en veux pour preuve que dans les pays qui n’appliquent pas la loi sur le prix unique du livre, les opérateurs de vente en ligne ne pratiquent pas cette gratuité. Ils le font en France et dans les pays où le prix unique du livre existe, uniquement pour pouvoir s’introduire sur le marché et accéder ainsi à une position dominante. Une fois que cet objectif aura été atteint et que le réseau de libraires indépendants aura été écrasé, ils augmenteront leurs tarifs sur la livraison.

Nous avons donc l’impérieuse et urgente nécessité d’agir. L’amendement que je vous propose me semble apporter la meilleure sécurité juridique et permettre à tous ceux qui font métier de libraire – qu’il s’agisse de libraires indépendants ou de chaînes spécialisées dans le commerce culturel – de continuer à bénéficier de l’esprit de la loi Lang. Cette loi, loin d’être anticoncurrentielle ou d’aller contre les évolutions technologiques, permet de faire respecter une juste concurrence entre les acteurs d’un écosystème fragile, celui de la chaîne du livre.

Je suis heureuse, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mesdames et messieurs les députés, que nous puissions nous retrouver, sur tous les bancs de cette assemblée, pour partager cet esprit de responsabilité, dans le sens de l’intérêt commun. Comme l’écrivait Louis Aragon : « Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au coeur du commun combat ». Notre commun combat, aujourd’hui, c’est celui pour le livre, pour la librairie, pour le métier de libraire, parce que nous sommes des amoureux des livres et des textes, et que nous voulons que la France continue d’être un grand pays, qui rayonne par le livre, par le texte, par sa culture. Comme nous avons défendu ensemble, au printemps dernier, et victorieusement, l’exception culturelle au sein des instances européennes, nous nous retrouvons pour défendre ensemble cette belle chaîne du livre, avec tout ce qu’elle transporte de rêve, d’imaginaire, d’émotion, mais aussi d’intelligence et d’ouverture. Nous rendons ainsi un bel hommage à la loi Lang, mais aussi à tous ceux qui aiment les livres, qui aiment les textes, et qui contribuent à les faire vivre et à les diffuser dans notre pays.

Applaudissements sur tous les bancs.

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La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

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Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que notre collègue Christian Kert vient de rapporter vise à satisfaire une préoccupation que nous avons en commun depuis des années sur les bancs de cette assemblée : permettre l’égalité d’accès des citoyens au livre, dans des conditions tarifaires identiques, et quel que soit le territoire où ils se trouvent. Cette notion d’égalité des territoires est essentielle dans notre démarche.

Cette volonté commune a été formalisée par la loi Lang de 1981 sur le prix unique du livre qui – faut-il le rappeler ? – a été, déjà à cette époque, votée à l’unanimité de notre assemblée. Nous nous sommes également retrouvés en 2011 en adoptant la loi sur le prix unique du livre numérique, dont Hervé Gaymard, ici présent, était le rapporteur. L’unanimité n’était pas acquise d’emblée – un axe un peu étrange s’était d’ailleurs formé en première lecture entre les députés socialistes, alors dans l’opposition, et les sénateurs UMP, alors dans la majorité –, mais nous avons su nous rassembler en seconde lecture.

Depuis plusieurs décennies, les questions qui nous occupent ce matin font l’objet d’un réel consensus dans cet hémicycle. C’est pourquoi l’initiative visant à encadrer la possibilité pour les sites de commerce en ligne d’offrir la gratuité des frais de port a été accueillie avec bienveillance au sein de notre commission, tant les députés de la majorité s’étaient préalablement exprimés en ce sens et que le Gouvernement, par votre voix, madame la ministre, avait indiqué, à plusieurs reprises, sa préoccupation. D’ailleurs, comme le rappelle le rapport, vous aviez fait part en juin dernier de votre souci de rétablir des conditions équitables de concurrence.

Ainsi, l’ouvrage était d’ores et déjà sur le métier lorsque nous avons examiné ce texte en commission le 18 septembre. À ce moment-là, le Gouvernement avait utilement lancé une concertation, afin de prendre en compte la diversité des avis. C’est pourquoi, comme Christian Kert l’a rappelé avec la clarté et l’honnêteté intellectuelle qui le caractérisent et font de lui un député reconnu au sein de notre commission, j’ai proposé aux commissaires de s’en tenir à un débat général et de ne pas présenter de conclusions à ce stade.

Je crois que nous avons fait le bon choix : ce temps a été mis à profit par le Gouvernement pour terminer sa consultation. Il se trouve ainsi en mesure de nous proposer ce matin une rédaction qui, convenons-en, est plus à même de répondre à l’objectif poursuivi. La rédaction initiale de la proposition de loi n’était d’ailleurs pas satisfaisante aux yeux du rapporteur lui-même, puisqu’il a proposé de l’amender.

Nous discuterons des amendements pour arriver à une rédaction qui, je l’espère sincèrement, nous rassemblera sur tous les bancs de cet hémicycle. C’est la démarche qui nous unit aujourd’hui et qui permet de compléter utilement les mesures en faveur de la librairie indépendante déjà adoptées dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la consommation.

Je tiens à rappeler que cette majorité avait donné un signal fort, dès le mois de juillet 2012, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, en revenant sur la décision de porter le taux de TVA sur le livre à 7 %, une décision lourde de conséquences qui avait déstabilisé le secteur, tant la marge bénéficiaire des librairies indépendantes est extrêmement réduite. Le taux avait ainsi été ramené de 7 à 5,5 %. Le 1er janvier 2014, ce taux passera à 5 %. Si nous n’avions pris une telle initiative, il aurait pu atteindre, à la même date, 10 %.

L’écrivaine de talent que vous êtes, madame la ministre, a marqué avec fougue et conviction son attachement au livre et à la défense du réseau des librairies indépendantes. Face à la fragilité d’un secteur qui subsistera malgré le vote de cette proposition de loi, marquons aujourd’hui collectivement notre mobilisation de tous les instants pour défendre, dans notre vieux pays de culture, le livre et les librairies indépendantes.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.

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Dans la discussion générale, la parole est à Mme Annie Genevard.

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Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est une proposition de loi très importante que nous examinons aujourd’hui, car elle concerne un des terrains les plus emblématiques, où se rejoignent la politique culturelle menée par l’État et celle initiée par les collectivités territoriales : la librairie indépendante. C’est évidemment de son maintien, de sa présence sur le territoire, de son équilibre économique que nous allons parler.

Mais auparavant, je voudrais évoquer plus largement la situation de la lecture, dans le secteur privé comme dans le secteur public. J’aurais pu commencer par l’énumération des dangers, des problèmes qui menacent cette filière qui compte près de 3 500 libraires indépendants. Je préfère commencer mon propos par l’exposé d’un panorama plus positif, qui rend justice aux efforts accomplis depuis plus de trente ans en matière de promotion de la lecture et du livre.

La loi sur le prix unique du livre a inauguré une politique qui ne s’est jamais démentie, et qui a même fait école à l’étranger, en Allemagne, en Autriche, en Espagne, aux Pays-Bas, au Japon. Notre collègue Hervé Gaymard, spécialiste de cette question, lui a consacré une très intéressante mission. De cette loi fondatrice a découlé une dynamique qui a conduit à de véritables contrats de filière, incluant l’édition, la commercialisation, la distribution, l’animation. Partout en France, des médiathèques ont été aménagées, des salons du livre ont vu le jour, des libraires ont rivalisé d’inventivité pour animer ce commerce si particulier, le rendre attractif et moderne.

L’un des fleurons de cette politique est la réussite de la littérature jeunesse, inventive et créative : c’est une réussite à la fois littéraire et esthétique, mais aussi commerciale. Dans de nombreuses écoles, les auteurs et les illustrateurs sont venus à la rencontre des jeunes.

Une bonne politique publique en faveur du livre, dans une ville, ce sont des librairies, des médiathèques, des établissements scolaires et des mairies qui travaillent ensemble. Cette dynamique est précieuse. Elle résulte de la reconnaissance et de l’encouragement du secteur indépendant de la librairie par des décisions publiques qui ont toujours veillé à garantir cette spécificité.

On a naturellement cité la loi sur le prix unique du livre. J’en citerai une autre : celle du 18 juin 2003, qui a permis aux libraires d’affermir leurs positions dans les marchés publics des bibliothèques. Des labels comme celui des Librairies indépendantes de référence ont été créés, reconnaissant ainsi le rôle fondamental des librairies dans la promotion d’ouvrages exigeants et de qualité, garantes qu’elles sont de la diversité éditoriale, en donnant leur chance aux nouveaux auteurs et en participant à l’animation culturelle des territoires.

C’est tout cela que la puissance publique s’est employée à protéger, et c’est dans cette continuité que s’inscrit la discussion de cette proposition de loi, dont je n’hésite pas à dire qu’elle constitue l’acte II de la loi sur le prix unique du livre car elle vise à interdire certaines pratiques commerciales qui contournent le prix unique du livre et exercent une concurrence déloyale entre les ventes en ligne et les ventes en magasin.

Cumuler la gratuité des frais de port dès le premier euro, le rabais systématique de 5 % et la livraison à domicile, c’est évidemment une combinaison contre laquelle il est difficile de lutter. Elle a pourtant un coût non négligeable : pour Amazon par exemple – nommons-le –, les frais de port ont représenté une perte de près de 3 milliards de dollars. Comment justifier une telle perte sinon par la volonté stratégique de prendre des positions en fragilisant, puis en effaçant la concurrence de la librairie indépendante, à propos de laquelle je rappelle au passage quelques données chiffrées : 4 milliards d’euros et 10 000 emplois sont concernés par cette filière.

Chez Amazon – et je dis cela sans mépris –, on conditionne et on expédie des livres. Dans une librairie, au contraire, c’est à un libraire que l’on a affaire : un homme ou une femme qui aime les livres, qui peut en parler, conseiller les lecteurs, guider une recherche documentaire ou éclairer un choix. Or, qu’apprend-on à la lecture de l’étude réalisée pour le Syndicat de la librairie française et dévoilée lors des Rencontres nationales de la librairie en juin 2013 ? A elles seules, les têtes de chapitre sont éclairantes : « Le marché du livre touché à son tour » ; « La situation financière des librairies devient critique » ; « La survie des librairies : une anomalie économique » ; « Les banques resserrent l’étau » ; « Sous la contrainte, les libraires réduisent leurs stocks et coupent dans leurs effectifs ». Tel est le contenu de ce rapport. Il y a donc urgence à agir. Nous ne voulons pas que les libraires subissent le sort des disquaires, qui ont pour ainsi dire disparu de la plupart de nos villes. Nous ne voulons pas que, comme en Angleterre, un tiers des librairies indépendantes disparaissent en dix ans. Voilà ce qui motive notre démarche : mettre un coup d’arrêt à des pratiques qui s’apparentent à une forme de vente à perte. Tel est le sens de cette proposition de loi.

Puisque chacun, comme l’a dit Mme la ministre, souscrit à l’objectif, je forme le voeu que nous puissions trouver la bonne formulation. L’enjeu est si important qu’il ne saurait faire l’objet d’une exploitation politique, comme certains dans votre majorité avaient commencé à le faire en commission. Nous avons proposé un amendement au texte initial, qui, de notre point de vue, a l’avantage de la clarté : un prix unique, auquel s’ajoute éventuellement le coût d’une prestation supplémentaire de livraison à domicile. En effet, il est désormais possible de contrôler la réalité du coût de la livraison à domicile – vous avez d’ailleurs rappelé les dispositions prises récemment dans la loi sur la consommation. Le Gouvernement fait une contre-proposition qui, selon nous, ne règle pas la question de la gratuité du port.

Ce qui doit nous guider, c’est la recherche d’une solution juridiquement sûre et économiquement utile à la librairie indépendante que nous voulons protéger, mais aussi utile au consommateur, pour qui nous voulons préserver un commerce de proximité et une offre éditoriale multiple.

Le document que j’ai cité sur la situation économique et financière des librairies, et dont j’ai repris des propos alarmants, contient pourtant aussi l’expression d’un espoir et d’un optimisme. Je cite : « Des solutions existent […] Les libraires peuvent encore compter sur trois leviers ». Or, l’un de ces trois leviers est le soutien des pouvoirs publics. C’est précisément ce soutien que nous voulons mobiliser par cette proposition de loi.

Nous approuvons, madame la ministre, des mesures que vous avez annoncées le 25 mars dernier en faveur de la librairie indépendante, à savoir la mise en place d’un médiateur du livre et la création d’un fonds d’avance de trésorerie destiné aux libraires, ainsi que le dispositif d’aide à la transmission des entreprises. L’une de ces mesures vise à faire respecter le prix unique, clé de voûte d’un édifice à la fois fort et fragile : fort de ses 3 500 librairies, de ses 5 000 structures d’édition, de ses 70 000 nouveaux titres – c’est sans doute trop, nous pourrons y revenir – et de ses 500 millions d’exemplaires vendus chaque année. Mais fragile aussi, en raison de la concurrence du numérique et de la grande distribution, de la montée en puissance des gros opérateurs, de la transformation des pratiques commerciales et culturelles et de la baisse préoccupante des ventes.

Chers collègues, permettez-moi de conclure mon propos par le récit d’une anecdote à la fois savoureuse – je vous laisse en juger – et révélatrice. Dans ma ville de Morteau, il y avait depuis toujours une petite librairie à l’ancienne comme il en existe de moins en moins. Les enfants de l’école voisine en adoraient la libraire. Chaque jour en rentrant de l’école, ils s’y arrêtaient, papotaient, feuilletaient des livres tout en confiant à la libraire leurs petits secrets d’enfance. Puis, la librairie fut vendue. Avant le déménagement, les enfants ont gaiement inscrit sur un mur tout leur amour pour cette librairie et sa libraire. Lorsque les travaux de rénovation ont été entrepris, j’ai demandé aux nouveaux occupants de faire en sorte que ne soient pas effacés ces joyeux graffitis, quitte à les recouvrir éventuellement. Peut-être un jour lointain les retrouvera-t-on… Quoi qu’il en soit, ces enfants ont aimé les livres parce qu’ils aimaient leur chère libraire. Nulle vente en ligne, si utile soit-elle, notamment dans les territoires isolés, ne pourra remplacer cela.

Garantir les conditions de la viabilité économique de la librairie est un devoir. Il ne s’agit pas de restaurer un passé révolu. Il ne s’agit ni d’empêcher, ni de stigmatiser la vente en ligne – après tout, les libraires indépendants y ont eux aussi recours, pour près de 6 % du marché. Imaginez cependant la tristesse de nos villes si, par notre incurie, nous laissions dépérir un si précieux réseau. Sans doute cette mesure n’y suffira-t-elle pas, mais elle est un pas en avant qui exprime une volonté politique de freiner de mauvais usages, et qui donne à la librairie l’assurance que la représentation nationale est consciente de ses difficultés et désireuse de l’épauler.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici face à une nouvelle illustration de ce que nous prenons trop souvent pour une bataille d’arrière-garde, une sorte de cocorico national qui aurait les accents d’un chant du cygne, je veux parler de l’exception culturelle. Au contraire, je veux dire à quel point cette proposition de loi s’inscrit dans une continuité et fait honneur à cette haute ambition, que nous partageons.

J’ai d’ailleurs souvenir, monsieur le président de la commission, que vous vous êtes élevé, voici quelques mois, et avec le soutien unanime de votre commission, contre les termes de la mission de négociation du TTIP, pour réclamer l’exclusion des produits culturels du champ des discussions. Vous avez aujourd’hui l’occasion de parapher une nouvelle fois ce contrat si particulier qui lie notre pays à la culture et, plus largement, à un choix de civilisation.

C’est, je suppose, ce qui a justifié votre initiative de ne pas soumettre le texte présenté par M. Kert au vote de la commission. Vous avez ainsi souhaité éviter des combats de posture là où, sur le fond, l’unanimité était acquise. Voilà une sage décision, que nous saluons, parce qu’elle est cohérente.

Elle est cohérente avec l’esprit de la loi Lang sur le prix unique du livre. Cette proposition ne vise rien d’autre, en effet, que de revenir à l’origine de la loi en tenant compte des évolutions du monde : protéger l’ensemble de la filière du livre dans sa diversité, avec les mêmes règles pour tous. Elle est également cohérente parce qu’elle s’inscrit dans le cadre strict qui délimite l’exception culturelle, ce principe juridique qui exclut les activités liées à la culture du droit commercial commun, pour en appeler à des mesures particulières obéissant à une logique autonome.

Toutes les activités de l’esprit et leur traduction matérielle, y compris lorsqu’elles donnent lieu à échange marchand, appartiennent potentiellement à cet espace préservé. Le cinéma, on s’en souvient, s’est trouvé en pointe, du fait de la notoriété de ses représentants et parce que c’est dans ce secteur que les dimensions artistiques et industrielles sont les plus développées. Aujourd’hui, nous parlons du livre et de ses distributeurs amoureux, les libraires. Voilà donc ce seul carrefour de France où nous avançons tous dans le même sens ; voilà donc la seule exception qui fasse l’unanimité.

Soyons très attentifs à préserver ce patrimoine, car l’achat d’un livre est un acte particulier, qui s’effectue dans un endroit particulier. Lieux de vie, lieux de rencontres, lieux d’histoires, les librairies font partie de notre patrimoine et de la douceur de vivre française. En passant le seuil d’une librairie, au-delà d’un simple achat commercial, le lecteur cherche la vie, et les conseils. Derrière le choix d’un livre se cachent souvent les confessions d’un libraire qui apporte une vie à l’ouvrage. Le choix d’un livre est précédé d’un parcours, d’un effeuillage, d’un papillonnage. C’est un échange entre amateurs débutants et confirmés ; c’est l’entrée en douceur dans un monde à part. Comment pourrions-nous trouver le livre qui est passé inaperçu des sites internet et des grandes surfaces et qui, pourtant, est une véritable pépite ? Comment se réjouir d’avoir trouvé sa surprise, son moment de grâce, sans en faire une histoire personnelle ? Qui mieux qu’un amoureux des mots et de la pensée, du papier et des reliures, peut nous orienter vers le livre qui nous plaira ?

En pénétrant dans une librairie, le temps s’arrête et un autre monde s’ouvre, qui ne se referme jamais définitivement. La culture, écrit Edgar Morin, est ce qui relie les savoirs et les féconde. Voilà pourquoi elle n’est pas anonyme, voilà pourquoi elle n’est pas « de masse », voilà pourquoi elle n’est pas automatique. Voilà pourquoi elle ne saurait être orientée par des algorithmes, distribuée par des plateformes, transmise sans qu’il y ait jamais eu, dans cet acte d’achat, un passeur !

Si les librairies disparaissent et continuent à fermer les unes après les autres – je le constate hélas moi aussi dans la Mayenne –, où pourrons-nous trouver cette odeur de papier si caractéristique ? Les « objets livres » ne seront-ils plus alors que l’apanage de rares librairies spécialisées dans « l’ancien » ? Et les auteurs eux-mêmes, où seront-ils ? Aurons-nous demain, comme on reproduit aujourd’hui en Chine des tableaux représentant Paris, des auteurs industriels directement reliés aux pulsions du moment, au simple air du temps, dans le meilleur des cas ?

Ils sont à peu près 1 000 libraires indépendants de proximité à s’égrener sur l’Hexagone. C’est un réseau unique au monde, un réseau qui fait du bien partout : en ville comme à la campagne, à la montagne comme en bord de mer.

C’est un merveilleux remède contre la solitude, un lien qui rattache à la vie, notamment pour les personnes malades, celles qui peuvent connaître des difficultés de locomotion, ou encore celles qui ne sont pas décidées à s’abrutir devant la télévision. Oserai-je dire que c’est aussi un outil d’aménagement du territoire ? Non, je ne le dirai pas, car, vous le voyez bien, nous sommes bien au-delà.

Derrière un libraire, on aperçoit en filigrane tout un réseau de métiers : auteurs, éditeurs, imprimeurs, brocheurs, relieurs, typographes, papetiers, graphistes, correcteurs, traducteurs, commerciaux, magasiniers, coursiers, transporteurs, bibliothécaires, etc. Tout ce monde du livre représente autant de compétences et de savoir-faire qui peuvent demeurer là où ils sont.

Alors, d’évidence, le risque d’un désert des librairies, c’est celui de la désertification des talents et derrière tout cela, disons-le, celui d’une certaine forme de barbarie. Il apparaît donc essentiel de contenir vigoureusement toute concurrence déloyale qui affaiblirait ce réseau.

Tel est l’objet de cette proposition de loi qui vise à garantir la pérennité du prix unique du livre en excluant de son prix les frais de port, dont la gratuité n’est ni plus ni moins qu’un rabais déguisé.

J’ai lu les débats que ce texte a suscité en commission et j’ai été frappé de constater à quel point les défenseurs auto-désignés de la culture peuvent montrer d’intolérance.

C’est vrai qu’une telle proposition bouscule quelque peu les idées reçues, notamment celles qui tiennent à tout prix à reléguer la droite et le centre-droit dans la catégorie honnie des ultra-libéraux, lâchant par principe la bride sur le cou de la concurrence pure et parfaite, au mépris de ce qui fait l’équilibre d’une société. C’est tellement caricatural que cela en serait risible si ce déni de la réalité, cette volonté permanente de désigner des boucs émissaires, cette vanité stigmatisante ne servaient les adversaires de la démocratie et de la culture.

Essayons plutôt d’avancer et faisons-le pas à pas, ensemble. C’est, au fond, le sens de cette proposition modeste et précise.

Bien sûr, elle ne couvre pas tout le champ d’investigation possible sur ce sujet, notamment ce qui devrait conduire à une lutte féroce contre l’évasion fiscale des grands groupes de distribution, évasion qui est, plus que tout, la concurrence la plus déloyale qui soit et la plus inacceptable pour chaque Français. L’enjeu relève probablement plus de la compétence européenne que nationale. Il est en tout cas prioritaire et urgent de le traiter.

Nous devons sans aucun doute bâtir un vrai plan de sauvegarde de l’exception culturelle française pour préserver la liberté de choix que nous avons aujourd’hui. Nous devons garder le sourire au moment de payer. Il faut préserver ces lieux de vie qui nous réunissent, de sept à soixante-dix-sept ans.

Mais le mieux est l’ennemi du bien. Je vous propose donc que nous soyons, tout à la fois, idéalistes et réalistes, et que, sans posture, nous adoptions cette proposition de loi. C’est le souhait et le sens du vote du groupe UDI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi qui vise à rééquilibrer la concurrence entre les librairies en ligne et les librairies disposant d’un pas-de-porte. Je l’ai dit en commission, votre proposition de loi n’aborde qu’une partie extrêmement réduite du problème. Je ne dis pas pour autant qu’elle est mauvaise – le groupe écologiste envisage d’ailleurs de la voter si elle est amendée.

Quels sont aujourd’hui les avantages des librairies en ligne ? Selon vous, le principal serait la livraison gratuite. Selon moi, il ne s’agit là que d’un avantage parmi d’autres. Prenons le cas du leader, Amazon. Il dispose d’au moins six avantages stratégiques sur les librairies physiques.

Premièrement, la livraison à domicile gratuite.

Deuxièmement, son catalogue est immensément plus fourni que celui de n’importe quelle librairie. On y trouve des livres rares, voire épuisés, mais également des livres d’importation.

Troisièmement, monsieur le rapporteur, vous avez dit en commission que « si l’on vient sur le site sans idée précise de ce que l’on veut lire, il y a de fortes chances pour que l’on reparte sans rien acheter ou en achetant un best seller ou une nouveauté de la rentrée littéraire ». Avez-vous déjà été client du site Amazon, monsieur le rapporteur ? Parce qu’une de ses plus grandes forces est d’avoir mis en place un système de recommandation très performant. Plus vous naviguerez sur le site, plus les recommandations seront précises et pertinentes.

Quatrièmement, le site est disponible à n’importe quel moment, et depuis n’importe quel appareil connecté à internet. C’est le cas de tous les sites de commerce en ligne, ce qui est d’ailleurs une des raisons de leur succès.

Cinquièmement, Amazon a atteint une telle taille que les économies d’échelle réalisées sont considérables. Les supermarchés ont mis à mal les petites boutiques. Amazon éclipse par sa taille tous les supermarchés de France.

Sixièmement, les libraires indépendants sont obligés de déclarer leur chiffre d’affaires en France, et d’y être imposés. Amazon utilise toutes les règles fiscales mises en place par les libéraux de France et d’Europe dans le cadre de leur grand projet de déréglementation et de dérégulation : c’est votre grand projet, monsieur le rapporteur, celui de votre parti.

Je vais donc vous indiquer ce que votre proposition de loi aurait pu contenir si vous n’étiez pas aussi aveugles aux conséquences de la politique que vous avez menée de 2002 à 2012, et encore avant.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous auriez pu proposer de renforcer les moyens de contrôle juridique et financier des entreprises. La justice française a été rabotée, piétinée, sacrifiée. Une anecdote parmi tant d’autres : des greffiers de tribunaux achètent eux-mêmes leurs propres post-it pour travailler. Ce serait amusant si ce n’était pas si effrayant.

Qu’aurait permis le renforcement des moyens de contrôle ? Oh, trois fois rien, juste la récupération des 200 millions d’euros réclamés par l’administration fiscale à Amazon l’année dernière.

Vous auriez pu proposer de modifier les règles européennes pour que les grands groupes cessent d’échapper à l’impôt en se réfugiant dans les paradis fiscaux. Ah, j’oubliais, votre leader déclarait en 2009 qu’ « il n’y a plus de paradis fiscaux » !

Grâce à son implantation au Luxembourg, Amazon parvient pourtant à ne déclarer que 7 % de son chiffre d’affaires en France.

Vous auriez pu proposer de renforcer les moyens de l’inspection du travail. S’il y a une administration qui a souffert sous les gouvernements de droite, c’est bien l’inspection du travail. J’ai tellement entendu qu’elle ne servait qu’à empêcher les patrons de bien faire leur travail ! Alors que c’est tout le contraire, puisqu’elle sert à punir les patrons voyous.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En l’affaiblissant, vous avez créé un sentiment d’impunité chez un grand nombre d’employeurs. Cette impunité a de graves conséquences sur les conditions de travail des salariés en même temps qu’elle joue en défaveur des employeurs respectueux de la loi. Mais on sait bien que sur certains sujets, comme le droit du travail ou l’autodéfense, vous défendez une conception à géométrie variable du respect de la loi.

En 2011, chaque agent de contrôle de l’inspection du travail était en charge de 8 130 salariés. Je vous laisse juge de la qualité du contrôle ainsi exercé.

Je l’ai dit en commission, Amazon maltraite ses salariés pour maximiser ses profits.

Dans son livre En Amazonie - Infiltré dans le « meilleur des mondes », le journaliste Jean-Baptiste Malet raconte le temps qu’il a passé au service d’Amazon comme intérimaire du centre logistique de Montélimar. Son récit est édifiant.

La précarité est la règle et les salaires sont au minimum légal. Le directeur d’Amazon France, Frédéric Duval, se vante de payer 10 % au-dessus de ce minimum les salariés qui restent plus de six mois. Mais vu le nombre d’intérimaires employés, ils ne doivent vraiment pas être nombreux ! Le journaliste l’a constaté sur place : « Même ceux qui sont en CDI souffrent tellement de la dureté du travail qu’ils finissent par s’en aller. » Pour régler ces problèmes de souffrance au travail, c’est à l’inspection du travail qu’il faudrait s’adresser.

La façon dont Amazon abuse du système légal s’inscrit dans une stratégie bien rodée. Amazon profite de sa masse pour baisser les prix et éliminer les concurrents. Dans un deuxième temps, les prix sont remontés pour augmenter les profits.

Mon exposé est certes un peu long mais j’espère qu’il vous aura permis de comprendre pourquoi votre proposition de loi, composée d’un article unique, ne peut prétendre changer en profondeur l’état du commerce du livre en France. Je suis d’ailleurs inquiète de ses conséquences possibles. Si un certain nombre d’acheteurs commanderont auprès de leur libraire plutôt que sur un site en ligne, ce qui sera bénéfique pour les librairies, l’immense majorité continuera d’acheter en ligne. Le fait de facturer la livraison en sus ne fera qu’augmenter encore les marges d’Amazon. Rappelons à nouveau que ces marges, imposées à l’étranger, ne rapporteront rien à l’État français.

Enfin, vous auriez pu vous pencher sur l’avenir des livres. Amazon est le leader sur la vente de licences de lectures numériques. Eux parlent de « vente de livres », mais c’est une escroquerie sémantique. Le contrat que leurs clients acceptent leur donne un droit à lire, pas à la possession d’un fichier électronique. La meilleure preuve en est qu’Amazon se réserve le droit de supprimer les livres des comptes Kindle de leurs clients. Il est urgent de réfléchir à la façon de mettre fin à ces systèmes fermés et privateurs qui enferment les clients sans possibilité de sortie.

Nous déposerons donc un amendement au projet de loi de finances pour que la vente de livres sous forme de fichier en format ouvert bénéficie d’une TVA réduite, puisqu’il s’agit bien d’une vente, les systèmes fermés comme ceux d’Amazon ou Apple, qui sont une prestation de service numérique, conservant leur TVA au taux normal. Nous avons en France des éditeurs leaders sur la vente de livres numériques – je pense à Bragelonne, ou à publie.net.

J’espère que, lors des débats sur le projet de loi de finances, vous voterez tous, avec nous, cet amendement qui défendra les éditeurs qui innovent dans le bon sens, dans le respect de leurs auteurs et de leurs lecteurs.

Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la vie nous offre parfois de petits plaisirs. Qui d’entre nous n’a jamais goûté celui de sentir l’odeur du papier imprimé lorsque l’on pénètre dans une librairie ?

Aussi, il est évident que la proposition de loi déposée par nos collègues de l’UMP puise son inspiration dans une conception de notre culture qui transcende nos clivages partisans : le livre est un objet culturel spécifique avec lequel nous entretenons un rapport à la fois charnel et intellectuel, exigeant une distribution commerciale privilégiée et parfois personnalisée.

À l’heure des nouvelles pratiques de lectures issues de l’univers numérique et de l’essor bouillonnant du commerce électronique, à l’heure où nous constatons, voire subissons, tous, la disparition des librairies les unes après les autres, nous avons le devoir de protéger le livre face à ceux qui voudraient le réduire à un produit commercial ordinaire : trois clics et c’est fini !

Cette proposition de loi est donc bien pertinente. L’enjeu est immense car tous les acteurs du livre, auteurs, éditeurs, libraires et lecteurs sont étroitement liés, nous le savons, par le mode de commercialisation.

Mes chers collègues, la représentation nationale s’honore de débattre aujourd’hui de cette question, que sous-tend une certaine idée de l’humanité. Car il nous faut veiller à ne pas laisser la libéralisation économique digérer irrémédiablement cet « outil de liberté » comme Jean Guéhenno aimait à définir le livre dans ses Carnets du vieil écrivain.

Mes chers collègues, nous avons un devoir de prudence car nous savons qu’une nouvelle déstabilisation des librairies pourrait rapidement avoir des conséquences désastreuses sur l’ensemble de la chaîne du livre.

Car la baisse du nombre de libraires se traduit mécaniquement par un amoindrissement de la profondeur du catalogue des éditeurs et par une réduction de l’offre aux lecteurs.

Il suffit de se balader dans les librairies de nos amis américains ou anglais pour constater les ravages d’une commercialisation libéralisée : un réseau complètement sinistré, les têtes de gondoles achetées par les grands distributeurs dont l’unique objectif se résume à la vente des fameux best sellers.

Ce sont les mêmes livres qui s’empilent sur les rayons, et la production littéraire est en péril alors même qu’ils bénéficient de l’avantage de la langue anglaise. L’uniformité de la production donne des frissons à tous les grands lecteurs nostalgiques d’une découverte heureuse au hasard des rayons mal rangés de nos anciennes librairies de quartier.

La survie des librairies indépendantes et donc la diversité des auteurs dépendent intimement des éditeurs indépendants, ou bien des rares personnalités suffisamment fortes, dans les grandes maisons d’édition, pour résister à la logique financière implacable des distributeurs. La précarité économique de nos petites librairies n’est plus à démontrer et la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous donne l’occasion de lui permettre de lutter de façon plus équitable face aux géants de l’internet.

Nous avons eu le bonheur, en France, de trouver une solution pour que la concurrence sur le marché du livre ne se fasse pas sur le prix, mais sur d’autres paramètres, comme le conseil aux lecteurs, qui reste la valeur ajoutée des libraires passionnés qui connaissent nos goûts.

Cette solution, c’est le prix unique du livre mis en place par la fameuse loi Lang de 1981, qui fait aujourd’hui l’unanimité sur tous les bancs, avec ses deux conditions cumulatives inscrites dans son article 5 : « Les détaillants peuvent pratiquer des prix inférieurs au prix de vente au public mentionné à l’article 1er sur les livres édités ou importés depuis plus de deux ans, et dont le dernier approvisionnement remonte à plus de six mois. ». Aucune solde ou réduction au-delà de 5 % n’est autorisée pendant deux ans et six mois après le dernier réapprovisionnement.

Cette double condition a permis de limiter – mais pour combien de temps encore ? – la conquête irrésistible des parts de marché du livre par les commerçants en ligne qui vendent des livres comme ils vendent des chargeurs de portables. Cette double condition est d’ailleurs parfois attaquée, et nos amis de droite, qui la défendent et veulent la renforcer aujourd’hui, n’ont pas toujours eu cette bienveillance. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire !

Le constat est évident : les grands sites en ligne sont parvenus à détourner l’esprit de cette loi via les frais de livraison. En effet, les grands sites peuvent cumuler la remise de 5 % accordée sur la vente des livres avec des frais de transport gratuits, et ce sans toucher à leur marge.

Prenons un exemple, pour voir ce qu’est aujourd’hui la réalité de ce commerce en ligne. Nous avons voulu savoir de quelle façon nous pouvions acheter un livre. Au hasard, nous avons choisi En Amazonie - Infiltré dans le « meilleur des mondes » Il coûte 15 euros dans une librairie de quartier, est vendu sur le site Amazon 14,25 euros, frais de port compris. Mais, plus important encore, Amazon nous fait une autre proposition : le site nous vend le même livre pour 10,99 euros sur Kindle, une liseuse qui permet de lire les livres numériques. On est donc bien loin des moins 5 %, puisque l’on passe de 15 à 11 euros, soit 4 euros de moins. Cette pratique de concurrence déloyale renforce encore l’avantage comparatif vis-à-vis des librairies et désincite les lecteurs à se rendre dans une librairie de proximité.

Cette proposition de loi est un premier pas, ce qui ne nous exonérera pas d’une réflexion sur le livre numérique. L’exemple du Kindle que je viens de rapporter m’amène à penser qu’il faudra aussi que nous nous penchions sur cette question, car, encore une fois, on constate que le prix du livre n’est plus le même selon qu’on l’achète sur le serveur Kindle ou dans une librairie de quartier.

C’est cet équilibre fragile que nous devons renforcer face aux acteurs aux prétentions hégémoniques. Cette proposition de loi s’inscrit donc pleinement dans la politique culturelle que nous soutenons.

Madame la ministre, vous le savez malheureusement trop bien, ne pas réduire un bien culturel à une marchandise quelconque, c’est un combat, que nous vous encourageons à mener au niveau européen et au niveau mondial. Les résultats que vous avez obtenus nous agréent. C’est pourquoi le groupe RRDP se range derrière l’amendement que vous proposez ce matin, car il semble apporter plus de sécurité juridique et commerciale que l’excellente proposition de loi initiale de notre collègue Kert.

Enfin, il est bon de souligner que notre démarche renforce, trente ans après, la loi Lang, et de rappeler à nos concitoyens que le prix du livre n’augmentera pas à la suite de notre travail législatif. Il n’augmentera pas plus à compter du 1er janvier 2014, car il n’y aura aucune hausse de TVA, comme l’a très opportunément rappelé l’excellent président Bloche.

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, les députés du groupe Radical de gauche et apparentés soutiendront et voteront avec enthousiasme cette proposition de loi agrémentée de l’amendement du Gouvernement.

Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis dans son article unique vise, selon son rapporteur, à faire respecter la loi du 10 août 1981 qui a instauré le prix unique du livre.

On ne peut que se réjouir de voir l’ensemble de nos collègues, sur tous les bancs de cet hémicycle, soucieux du respect d’une des lois emblématiques de 1981, une loi qui visait à démocratiser l’achat de livres en limitant les hausses de prix au gré de la demande. Elle remettait ainsi un outil culturel à sa juste place, non comme une valeur marchande assujettie aux appétits de marges bénéficiaires des uns et des autres.

Cela me conduit à une idée partagée ici : quand on parle de livres, on ne parle pas d’une marchandise comme les autres, on ne parle pas d’abord de commerce, mais de culture. On parle de l’enrichissement de chaque personne, au sens de son émancipation, avant de parler profit. Et je ne peux que souscrire à la formule de M. le rapporteur Kert disant que « le livre n’est pas un bien de consommation comme les autres ».

Toutefois, l’analyse faite par M. le rapporteur aurait pu déboucher sur un texte de loi plus important. Car, et c’est ma première remarque, on ne peut, lorsque l’on traite du livre, s’en tenir à la question des conditions de commercialisation. On ne peut en effet traiter de la question des librairies sans traiter de celle de la lecture.

Devons-nous en effet nous préoccuper d’abord de la rentabilité d’un marché, de la « rentabilité des librairies » comme vous nous l’indiquez dans l’exposé des motifs, ou devons-nous plutôt réfléchir aux moyens à mettre en oeuvre pour redynamiser la lecture dans notre pays et, dans ce cadre, l’achat, et donc la vente, de livres ? Pour ma part, je choisis le deuxième terme de l’alternative.

Une étude réalisée pour le Syndicat de la librairie française et le ministère de la culture et de la communication, portant sur la période 2005-2012, est, de ce point de vue, intéressante à bien des égards. Cette étude précise notamment que l’achat d’ouvrages dématérialisés reste marginal en France, et donc qu’on est encore loin, pour l’instant, de la disparition du livre papier.

Quant à la vente par internet, elle augmente depuis plusieurs années, certainement pour une part au détriment de l’achat en librairie, mais elle peut aussi révéler, par ce moyen, le retour à la lecture de certaines catégories de lecteurs.

Il est en effet à mes yeux trop simpliste de faire porter la responsabilité du problème de la lecture et du livre dans notre pays au seul développement du numérique, comme vous semblez le penser, monsieur le rapporteur, en déclarant que ce sont « les évolutions technologiques » qui pourraient lui être fatales. Car la question posée est bien celle de la lecture. Le recul du livre s’ajoute malheureusement à celui de la presse, de sorte que nous ne pouvons que constater un recul général préoccupant de la lecture dans notre pays. Entre 1990 et 2011, la part des livres dans la consommation des biens culturels des ménages est passée de 10,8 % à 8 %, et celle de la presse de 23,9 % à 15,1 %.

Par ailleurs, il faut s’attaquer à l’un des problèmes qui touchent le livre et les librairies : celui du pouvoir d’achat. Car les librairies indépendantes souffrent aussi de ce dont souffre le livre : la baisse de la consommation des ménages en général et, dans ce cadre, la quasi-obligation pour eux de se détourner progressivement de tout ce qui n’est pas considéré par les familles comme vital, c’est-à-dire de tout ce qui ne part pas dans le logement ou la nourriture, notamment.

Nous avons un premier exemple de ce type de comportement avec les conséquences qu’a pu avoir la hausse de la TVA sur le livre en 2012, lorsqu’elle est passée de 5,5 à 7 %. Cette même année, nous avons pu constater une augmentation de 2,9 % du prix du livre et une baisse de 4,5 % du volume des livres vendus !

Nous pouvons prendre un second exemple : celui de la bonne résistance de la vente du livre de poche. Sur la période 2005-2012, elle a en effet progressé. Certes, nous conviendrons que le problème du livre ne tient pas au seul pouvoir d’achat et que les difficultés des librairies indépendantes sont aussi liées à d’autres paramètres.

Il faut d’ailleurs faire la différence entre les librairies elles-mêmes. Leur taille compte beaucoup dans leur réussite – ou non –, car elle influe sur le chiffre d’affaires de chacune d’entre elles. Mais compte aussi le poids des charges financières qui leur incombent. Je veux parler des loyers ou des frais financiers, par exemple, liés aux besoins de stocks ou de fonds de roulement.

Leur implantation pèse également. Une belle librairie comme celle de La Traverse, à La Courneuve, dégage à peine un SMIC pour les libraires qui la tiennent. Or cette proposition de loi, hélas, n’intervient aucunement sur ces problèmes ni sur celui de la lecture. Comme, d’ailleurs, elle ne permet pas non plus d’intervenir sur le comportement même des entreprises de vente par internet.

Rien en effet pour agir contre ce que nous indique le rapporteur : Amazon et autres Apple n’hésitent pas à utiliser les paradis fiscaux pour ne pas assumer le paiement de leur impôt en France au niveau de leur chiffre d’affaires, et à pratiquer une concurrence déloyale, sans parler des conditions de travail à l’intérieur de ces entreprises.

L’amendement gouvernemental adopté par la commission ne répond pas plus pleinement à ces questions puisqu’il se contente – c’est tout de même un premier pas – d’interdire le cumul de deux avantages : le rabais de 5 % et la prestation gratuite de livraison à domicile.

Il faut donc, à mes yeux, travailler à une politique de redynamisation de la lecture en général et du livre en particulier et il faut prendre des mesures particulières pour aider les librairies indépendantes à vivre et à jouer leur rôle indispensable auprès des populations auxquelles elles s’adressent, dans la proximité des relations que favorise la culture.

En France, le secteur de la librairie indépendante emploie 13 000 personnes, selon le Syndicat de la librairie française. Entre 2003 et 2012, son chiffre d’affaires global a reculé de 8 %.

Vous en avez parlé, madame la ministre, une réflexion est engagée par le ministère sur les aides à apporter aux librairies indépendantes, et j’espère que cela permettra d’avancer. Mais cela demande d’inclure dans cette réflexion la modification de leurs critères d’attribution. Ainsi, on ne peut pas demander à de très petites librairies indépendantes un minimum de chiffre d’affaires pour pouvoir percevoir les aides du Centre national du livre !

Je pense aussi que d’importants efforts doivent être portés au sein de l’éducation nationale pour dynamiser la lecture, pour donner goût à la lecture dès le plus jeune âge. N’y a-t-il pas une piste à investir au moment où les nouveaux rythmes scolaires laissent apparaître des problèmes d’égalité en matière de qualité éducative pour tous les enfants ? Il y a peut-être une piste à travers cette idée de donner l’amour de la lecture à tous ces enfants.

Chers collègues, oui, le livre n’est pas une marchandise comme les autres. Oui, il y a lieu de développer la lecture dans notre pays. Oui, il faut permettre aux librairies indépendantes de jouer pleinement auprès des populations leur rôle de conseil, de critique et de vecteur de diversité culturelle au coeur de nos villes. Relever ces défis demande d’avoir une vision, une ambition qui vont au-delà du champ de la présente loi.

Mes chers collègues, même si nous restons sur notre faim quant au contenu de cette proposition de loi, nous la voterons après amendement, car elle constitue la première pierre de ce chantier.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écolo et RRDP.

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Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a des jours et des nuits où, dans cette enceinte, il peut y avoir des moments de grâce, comme seule la culture peut en apporter ; et il me semble qu’aujourd’hui, nous allons en partager un.

Moment de grâce, quand nous nous retrouvons autour d’un texte gouvernemental précis, concis, simple, efficace ; un texte qui nous ramène à l’essentiel de la loi Lang, sur le prix unique du livre. Pas la peine de chercher à finasser en la contournant, pas la peine d’essayer de ne pas faire payer les frais de port tout en pratiquant la décote autorisée de 5 % ! Ce texte rappelle que le prix du livre est unique et que la loi est la même pour tous.

Moment de grâce, quand les députés, tous les députés, quelle que soit leur formation politique, partagent les mêmes valeurs, la même volonté, le même

sens de l’équité. Quand tous les députés démontrent qu’ils savent s’accorder sur un texte qui défend l’intérêt général. Quand tous, d’une même voix, sont capables de voter ensemble pour que la librairie indépendante soit protégée des marchands de marchandises culturelles en ligne…Et cela, pour que chacun ait sa chance, et parce qu’il y a une place pour tous.

Plus de librairies, c’est la fin d’un savoir-faire. Plus de librairies, c’est du lien social qui disparaît, c’est un désert économique qui avance, ce sont des emplois détruits – et largement autant qu’en créera Amazon. Plus de librairies, c’est un territoire qui perd de son attrait. Plus de librairies, c’est l’accès à la culture pour tous et partout qui est remis en cause.

Moment de grâce, quand tout un gouvernement, conscient de ce que veut dire « exception culturelle », de notre ministre de la culture, Aurélie Filippetti, au Premier ministre, en passant par le ministre de la consommation, et, plus largement, par Bercy, s’accorde pour que le texte puisse voir le jour.

Et que cette proposition de loi soit portée par un autre parti politique que le leur n’est pas l’essentiel. La raison doit rester la règle, d’autant que, suite au cafouillage de 2008, lorsque la majorité de l’époque a tenté de remettre en cause le prix unique du livre, il était important que l’UMP démontre sa sincérité et prouve par cette proposition de loi que ce n’était alors qu’une erreur de jeunesse. En outre, ce texte est plus que jamais d’actualité, il est une nécessité, après l’annonce par Actissia de la mise en vente des cinquante-sept librairies du réseau Chapitre.

Enfin, je ne sais si j’oserai parler d’état de grâce à propos d’Amazon et de ses confrères. Certes, je reconnais ne pas y être allée de main morte en les traitant en commission d’ « Attila des temps modernes », de « Terminator du commerce actuel » et autres doux noms d’oiseaux, qui me semblaient néanmoins illustrer parfaitement les torts qu’ils font subir à nos libraires.

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Pour autant, cela n’a pas empêché le directeur des relations publiques d’Amazon Europe de me faire part de ses inquiétudes si ce texte était voté : « réduction du pouvoir d’achat des consommateurs », « risque de compromettre la diversité de l’offre culturelle », « pénalisation de la filière du livre en France », etc. Il souhaite en tout cas « ouvrir un dialogue avec l’ensemble des acteurs de l’économie du livre ». J’ai tenté de le rassurer en lui expliquant que le pouvoir d’achat des Français ne s’en porterait que mieux si Amazon réglait au fisc les 200 millions d’euros qu’il lui doit, sans parler de l’impact financier de l’évasion fiscale, estimé à 0,5 milliard d’euros. J’ai tenté de lui démontrer que la proposition de loi et l’amendement du Gouvernement sont tout en nuances par rapport à la taxe dite Amazon que les États-Unis s’apprêtent à instaurer. La loi, rien que la loi mais toute la loi. En outre, subventionner les créations d’emplois d’une entreprise débitrice de l’État peut poser un problème de déontologie aux yeux du Français moyen, surtout quand cela provoque la disparition d’emplois dans les librairies, ce dont Virgin a déjà fait les frais.

Enfin, la gratuité des frais de port est appliquée par eux uniquement dans les pays où existe le prix unique du livre. Cela confirme bien une réalité : ce que le client gagne en frais de port, il le perd en impôts ! Je n’ai pas abordé avec lui les pratiques salariales de l’entreprise, préférant le renvoyer à la lecture du livre de Jean-Baptiste Malet, En Amazonie - Infiltré dans le « meilleur des mondes », qui a déjà été cité ce matin.

Avec tout cela, je ne suis pas sûre d’avoir trouvé grâce à ses yeux. Mais c’est logique. Car en réalité, derrière un simple article de loi se cache un choix de société. C’est la confrontation entre l’être et l’avoir, l’opposition entre la diversité et la domination du marché. Le rôle du législateur, c’est de rappeler que la culture et le livre ne se négocient pas, parce qu’ils ne sont pas une marchandise comme les autres. Rappelons que les mesures prises par Mme la ministre en faveur du livre soutiennent l’édition ainsi que la librairie indépendante, sa transmission et sa mise en réseau. Rassemblons-nous, votons et agissons pour que devienne réalité le slogan de lalibrairie.com, dont j’espère que vous le porterez tous : « Le lien social plutôt que l’évasion fiscale ».

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.

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Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, chers collègues, Christian Kert, Christian Jacob, Guy Geoffroy et moi-même, accompagnés par les députés du groupe UMP, avons déposé cette proposition de loi afin de parachever l’oeuvre législative déjà confortée lors de la précédente législature. La loi de référence reste bien sûr, chacun l’a rappelé, la loi relative au prix unique, adoptée à l’unanimité par le Parlement en 1981. Elle a permis, comme toutes les évaluations comparatives le prouvent, de maintenir la vitalité et la diversité éditoriales ainsi qu’un réseau de librairies encore unique au monde, malgré les difficultés qu’elles connaissent, en particulier une rentabilité très faible et des salaires souvent trop bas.

Nous avons parachevé cette loi en adoptant, dans un climat de consensus, trois mesures issues de propositions de loi présentées par le groupe UMP. Nous avons maintenu les pratiques habituelles de la profession en matière de délais de paiement, car leur réduction à quarante-cinq jours aurait remis en cause l’existence même de nombreuses librairies. Nous avons ensuite transposé la loi sur le prix unique au livre numérique, car il est impératif que l’éditeur fixe le prix du livre, qu’il soit papier ou numérique. Nous avons, enfin, appliqué au livre numérique le taux réduit de TVA, comme pour le livre papier, même si la position initiale de la Commission de Bruxelles n’était pas la nôtre. Dans ce contexte, il faut vous remercier, madame la ministre, d’avoir confirmé la mission confiée par le précédent gouvernement à Jacques Toubon qui s’en fait le prosélyte infatigable, avec d’ailleurs beaucoup de succès, comme on l’a vu récemment en Allemagne.

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Il restait, madame la ministre, mes chers collègues, un dernier point à prendre en considération. Il s’agit des implications du développement de la vente en ligne de livres papier quant au respect de la loi sur le prix unique, afin d’éviter les distorsions de concurrence. Le développement de la vente en ligne accroît la disponibilité des livres, grâce à une offre quasi-illimitée et à la possibilité d’être livré partout dans le monde. C’est une vraie révolution, qu’il faut saluer. Mais cette nouvelle offre ne peut se concevoir que comme étant complémentaire du réseau des librairies. Celles-ci sont en effet irremplaçables. Une librairie est un lieu convivial, de médiation, où est possible l’achat d’impulsion, qui est la base même de l’économie du livre. Le jour où elles auront disparu, nous ne pourrons plus parler de chaîne du livre.

C’est pourquoi il faut saluer les différents instruments mis en oeuvre pour défendre les librairies de référence. Et c’est pourquoi la neutralité des conditions d’exercice de la profession est nécessaire. Car un libraire en ligne n’a évidemment pas les mêmes charges immobilières et foncières, ni les mêmes charges de personnel, surtout quand on lui donne de l’argent public sous forme de prime d’aménagement du territoire – comme on l’a vu récemment à Chalon-sur-Saône, chez M. Montebourg –, et surtout quand il multiplie les procédés d’optimisation fiscale pour échapper à l’impôt.

La présente proposition de loi a donc pour objet de rétablir une telle neutralité en précisant la prise en compte des frais de port pour la vente en ligne afin d’éviter le dumping. Car il est curieux de constater qu’aujourd’hui, sur les sites de vente en ligne, les frais de port sont facturés pour tous les produits sauf les livres !

Une telle disposition, nous le savons bien, ne réglera pas à elle seule les problèmes de la librairie française, qui a de nombreux défis à relever. Nous savons d’ailleurs, madame la ministre, qu’il s’agit là d’un dossier qui vous tient à coeur et qui est l’un de vos dossiers prioritaires, avec la protection du droit d’auteur et la défense de la rémunération de la création à l’ère numérique. Vous connaissez notre vigilance et notre résolution à agir sur ces sujets. C’est pourquoi nous souhaitons que notre assemblée sache se rassembler pour adopter la proposition de loi du groupe UMP, comme elle a su le faire depuis maintenant plus de trente ans.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’intention de cette proposition de loi est fort louable et personne sur ces bancs ne niera que la question soulevée par ce texte est réelle. Le cumul de la gratuité des frais de port et du rabais systématique de 5 % a un impact désastreux pour nos librairies indépendantes. Au cours de l’examen du texte en commission, j’ai bien entendu les arguments développés par nos collègues. Soyez sûr, monsieur le rapporteur, que ce ne sont sûrement pas les députés de la majorité qui nieront toute l’importance de l’apport de la loi de 1981 pour la chaîne du livre et pour notre exception culturelle. Vous-même l’avez d’ailleurs qualifiée de « monument législatif » en commission. Vous me permettrez, à cet égard, de rendre un hommage particulier à Jack Lang, qui fut mon prédécesseur dans ma circonscription.

Rires.

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Je vous laisse à vos commentaires, monsieur Gaymard.

Malgré cette ambiance consensuelle qui prévaut ce matin – jusqu’à maintenant –, oserai-je vous rappeler que ce n’est pas l’actuelle majorité qui a décidé d’augmenter la TVA sur le livre en la portant à 7 % ? Mais sans doute l’aviez-vous fait au nom de ce même principe de défense des petites librairies qui nous anime tous aujourd’hui !

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Nous, nous avons plutôt fait le choix, dès juillet 2012, de la ramener à 5,5 %, conformément aux engagements pris par le Président Hollande, afin de favoriser la survie des librairies indépendantes. Ces quelques rappels, que l’opposition qualifiera de polémiques, étaient nécessaires pour qu’il y ait plus sincérité dans les débats.

Avant d’aborder la question des frais de port, je souhaite rappeler la situation de la librairie française à l’heure où nous parlons. Que d’avancées depuis l’année dernière ! Il y a un an, à quelques jours près, lors de l’examen du budget 2013 du ministère de la culture, nous dressions un constat alarmant du devenir du secteur. Dès votre prise de fonction, madame la ministre, vous avez marqué votre soutien à ce secteur, la plus importante des industries culturelles, et montré ainsi combien il figure parmi les priorités du Gouvernement en lançant immédiatement plusieurs rapports et groupes de travail sur le sujet. À l’issue d’une large concertation, vous avez présenté un plan de soutien à la librairie, de grande ampleur, destiné à redonner à ces commerces de proximité les deux points de rentabilité perdus au cours de la dernière décennie.

Ce plan propose plusieurs mesures, au premier rang desquelles figure un renforcement des aides publiques : la mise en place d’un fonds d’avance de trésorerie doté de cinq millions d’euros géré par l’Institut de financement du cinéma et des industries culturelles, l’IFCIC ; le fonds d’aide à la transmission des librairies, géré par l’Association pour le développement de la librairie de création, l’ADELC, et qui sera, pour sa part, abondé à hauteur de 5 millions d’euros soit un doublement de ses capacités habituelles ; et le doublement des aides du CNL aux librairies, soit 2 millions d’euros supplémentaires par an. Par ailleurs, un médiateur du livre a été institué afin d’assurer un meilleur respect du prix unique du livre. De telles avancées sont unanimement saluées par les libraires. Le président du Syndicat de la librairie française a même déclaré : « Depuis une dizaine d’années, je n ’ai jamais vu un ministre proposer autant de mesures actées en faveur du livre ».

Mais venons-en au coeur du sujet. Amazon, puisqu’il faut le citer, représente une vraie concurrence déloyale pour les libraires indépendantes. Les distorsions de concurrence, notamment sur le plan fiscal, par exemple en fonction du lieu du siège d’entreprises multinationales, doivent être éliminées. Il est nécessaire de rééquilibrer la concurrence entre la vente en ligne et la vente physique du livre. Nous le savons, pour Amazon, offrir les frais de port, surtout en France, pays du prix unique du livre, c’est tuer les librairies à petit feu afin de parvenir au monopole. Les quelques sites ou plateformes collectives développées par les librairies indépendantes ne leur permettent pas de soutenir une telle concurrence. Vous avez déclaré à Bordeaux en juin dernier, madame la ministre, réfléchir à une régulation plus stricte de la pratique commerciale de la gratuité des frais de port associée au rabais de 5 % permis par la loi. L’amendement du Gouvernement, adopté en commission ce matin, nous donne les éléments et précisions nécessaires, issus de la concertation volontariste engagée par vous-même depuis plusieurs mois avec la profession et qui pourraient nous amener, une fois n’est pas coutume – éternelle optimiste que je suis ! –, à un large consensus autour de cette question.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous discutons ce matin du livre. C’est un sujet important, car c’est celui d’un objet bien à part, qui n’est pas une marchandise comme les autres. Et c’est avec beaucoup de conviction et d’intérêt que je prends la parole devant vous. En effet, historiquement, le livre est le symbole par excellence du savoir, de la connaissance et de l’épanouissement personnel. C’est à travers le livre que l’accès à la culture est garanti et que l’esprit critique se construit. En ce sens, le livre est une promesse républicaine car il donne à chaque citoyen des clés pour comprendre et analyser le monde qui l’entoure, pour se forger des convictions. Mais c’est aussi la liberté et la création littéraire qui s’expriment ainsi. La lecture est également l’un des meilleurs remparts contre le populisme et les extrêmes. La France entretient depuis longtemps un rapport unique au livre, et nous avons la chance de bénéficier d’une grande loi, comme en témoignent sa reconnaissance unanime et sa pérennité, je veux bien sûr parler de la loi Lang.

La loi Lang répond à un objectif universel, duquel découle un objectif économique, en instaurant un prix unique du livre : tout livre neuf vendu en France se voit fixer un prix par l’éditeur, qui n’est susceptible que d’une remise limitée à 5 %. Ce régime dérogatoire a une explication : il est fondé sur le refus de considérer le livre comme un produit banalisé. De ce constat résulte une volonté d’infléchir les mécanismes du marché, afin d’assurer la prise en compte de sa nature de bien culturel à part qui, en tant que tel, ne peut être soumis aux seules exigences de la concurrence et au risque de dumping créant des situations de quasi-monopole et d’appauvrissement culturel. Grâce au prix unique du livre, c’est l’égalité des citoyens devant le livre qui est préservée, avec la garantie d’un livre vendu au même prix et le maintien d’un réseau de distribution sur l’ensemble du territoire national, mais c’est aussi le soutien au pluralisme dans la création et l’édition.

Aujourd’hui, il faut s’en féliciter, la vitalité d’Internet offre de nouvelles possibilités, utilisées aussi bien par les librairies indépendantes que par les nouvelles formes de distribution, notamment les plateformes dématérialisées. En revanche, il n’est pas acceptable que des dérives permettent de remettre en cause les réseaux de distribution historiques des librairies indépendantes, avec l’apparition de grands opérateurs marchands capables d’offrir et de livrer de très nombreuses références en un temps très court et à des conditions qui contournent le prix unique du livre en offrant la gratuité des frais de port.

Il faut rappeler que le secteur de la librairie indépendante est riche de rapports humains de qualité, grâce à un personnel très qualifié et compétent. De même, ce réseau est un lieu de vie et de culture dans nos territoires avec l’organisation de nombreuses animations autour du livre et de rencontres avec les auteurs – je le constate fréquemment à Rouen, où les actions de la librairie physique sont particulièrement dynamiques. Il est donc évident que nous devons protéger la filière du livre dans sa diversité et, sur ce point, je sais que tous les parlementaires sont unanimes sur le fond. Reste qu’il y a quelque ironie, je tiens à le souligner, à voir l’opposition présenter une proposition de loi relative au livre, alors qu’elle n’a pas fait grand-chose pour cette filière quand elle était aux responsabilités.

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J’en veux pour preuve, entre autres, le relèvement du taux de TVA de 5,5 % à 7 % sur l’ensemble des entreprises culturelles et artistiques, donc du livre, qui a remis en cause notre tradition littéraire et notre formidable diversité culturelle. Cette décision s’inscrivait dans un contexte général de non-politique culturelle du Président Sarkozy…

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…qui, non content d’en vouloir à la Princesse de Clèves, procédait aussi à des restructurations au sein du ministère de la culture, avec le risque de la soumission de la culture et de l’art à la loi du marché

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Plus que jamais en ces temps de crise, nous sommes convaincus que la culture n’est pas une marchandise, mais un véritable atout pour l’avenir de notre pays ; c’est pour cette raison que, joignant les actes à la parole, nous avons décidé dès juillet 2012 de rétablir le taux de TVA à 5,5 %.

Aujourd’hui, vous faites preuve de volontarisme, madame la ministre, comme l’atteste votre accord sur le fond avec cette proposition que l’amendement du Gouvernement que vous nous avez présenté viendra enrichir en rééquilibrant la concurrence entre la vente en ligne et la vente physique de livres. C’est une bonne action pour le soutien à la filière du livre, c’est une bonne action pour la protection des industries culturelles, c’est une bonne action pour la transmission et la démocratisation de la culture; c’est enfin une bonne action pour la promesse républicaine.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’avoue être un peu déçu en voyant que certains de nos collègues ne peuvent s’empêcher de faire de la politique politicienne sur un sujet qui devrait pourtant nous rassembler.

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Nous aurons tout loisir, chers collègues, de parler de politique culturelle, de parler du passé et du présent, des choix budgétaires faits par la précédente majorité sous l’impulsion du Président de la République, qui ont permis aux budgets de la culture d’augmenter constamment alors que ceux du présent gouvernement ne cessent de baisser au risque de saper les fondements de notre culture.

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Mais pour le moment, de grâce, essayons de retrouver ensemble les voies de la raison et de nous mobiliser pour voter collectivement un texte important pour la chaîne du livre.

En effet, le livre n’est pas un produit comme les autres. Irréductible à sa seule dimension commerciale, il bénéficie depuis plus de trente ans d’une régulation fondée sur le refus de le considérer comme un produit soumis aux seules exigences de la rentabilité immédiate, mais comme un fondement de notre culture, de notre civilisation. Le pivot de cette régulation, c’est la loi sur le prix unique du livre. Garante de la diversité culturelle et de la créativité éditoriale, cette loi est d’abord favorable au lecteur qui dispose grâce à elle d’une offre riche et variée. Elle a également permis à tous les réseaux de vente au détail de coexister sans qu’aucun ne domine les autres. Ainsi s’est maintenu un tissu de vente au détail, de librairies qui assument un rôle essentiel de médiateur culturel et contribuent à l’animation et à la vie économique des territoires, tout en coexistant avec les grandes surfaces et désormais le e-commerce.

Par-delà son bilan très positif, la loi sur le prix unique du livre constitue une loi fondatrice pour la régulation des industries culturelles, qui a inspiré près de la moitié des pays de l’Union européenne. Notre responsabilité collective est à présent de la faire vivre à l’heure numérique. Cette loi est en effet remise en question par les pratiques commerciales de certains acteurs du numérique qui appliquent systématiquement à l’ensemble des ventes de livres en ligne la gratuité des frais de port en plus de la remise de 5 % autorisée par la loi Lang. Il s’agit d’une forme de rabais déguisé et d’un détournement de la loi.

Pour les libraires français, cette concurrence est d’autant plus déloyale qu’un certain nombre de ces acteurs numériques ne sont pas domiciliés en France et bénéficient ainsi, nous le savons tous, de conditions fiscales plus favorables. Or, si l’on ne peut que se féliciter de l’essor de l’offre de la vente de livres en ligne, qui vient enrichir et compléter l’offre physique, il convient d’éviter que des acteurs pour lesquels le livre n’est qu’un produit d’appel, ne conquièrent une position hégémonique leur permettant d’imposer leurs conditions à toute la chaîne du livre.

Faire profiter le marché numérique du livre des principes vertueux de la loi Lang, c’est une exigence qui nous anime tous – nous avons pu le constater lors des interventions des orateurs qui m’ont précédé – depuis un certain temps déjà. La précédente majorité a engagé la France par des mesures novatrices dans la voie d’une régulation du cadre du livre numérique. Comme l’a rappelé Hervé Gaymard tout à l’heure, cela s’est fait d’une manière consensuelle avec l’opposition de l’époque. Nous avons voté à l’unanimité la loi du 26 mai 2011 relative au prix unique du livre numérique afin de protéger les éditeurs et libraires français face aux distributeurs numériques souvent installés dans des pays à la TVA plus favorable. Nous avons voté l’application au 1er janvier 2012 de la TVA à taux réduit sur le livre numérique. Enfin, nous avons encouragé le développement de l’offre légale avec l’adoption en février 2012 de la loi sur l’exploitation numérique des livres indisponibles, qui crée un aménagement novateur du droit d’auteur, permettant l’exploitation en ligne des livres du XXe siècle devenus indisponibles.

Aujourd’hui, c’est encore cette volonté d’adapter et de faire vivre la loi Lang à l’ère numérique qui nous a incités à déposer cette proposition de loi visant à assurer une concurrence équitable entre les libraires et les plateformes de vente en ligne. Je tiens évidemment à saluer l’excellente initiative de mes collègues Christian Jacob, Guy Geoffroy, Hervé Gaymard et Christian Kert, ainsi que le travail accompli par Annie Genevard. Le constat de la concurrence déloyale qui règne actuellement entre les plateformes de vente en ligne et les librairies traditionnelles est un constat partagé de tous, à droite comme à gauche. Vous l’avez encore évoqué lors des dernières rencontres nationales de la librairie, madame la ministre, en affirmant vouloir encadrer la gratuité des frais de port des ventes en ligne. Votre engagement dans ce domaine est donc total.

C’est pourquoi je me réjouis de cette proposition de loi, qui a le mérite de faire bouger les lignes. Les travaux de l’Assemblée nous amènent aujourd’hui à trouver une issue concrète pour les libraires et je ne doute pas qu’ensemble, au-delà des postures politiciennes de certains, nous trouverons la rédaction la plus pertinente. Par-delà les divisions partisanes, nous partageons tous la conviction qu’il est essentiel d’adapter la loi Lang au marché du livre numérique, parce que l’objectif consistant à préserver la diversité éditoriale, en prenant appui sur un riche réseau de libraires, reste pleinement d’actualité à l’heure du numérique. Ce combat pour la diversité culturelle, c’est bien celui de l’exception culturelle que notre assemblée s’est déjà engagée à préserver.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si la France tient aujourd’hui une place culturelle importante dans le monde, ce n’est pas le fruit du hasard ; c’est le fruit du talent des femmes et des hommes qui créent, et le fruit d’une politique qui, dans notre pays, souhaite prendre soin des créateurs. À l’heure d’Internet, le livre reste sans conteste un moyen de communication d’une remarquable modernité. Bon nombre des acteurs du livre – auteurs, penseurs, éditeurs, libraires – sont connus et agissent bien au-delà de nos frontières. Certains sont des intervenants majeurs d’une industrie désormais mondialisée, ce dont nous nous félicitons tous.

En outre, par une régulation vertueuse de l’économie du livre, dont le trait le plus emblématique est la loi Lang de 1981, avec le prix unique du livre, nous parvenons à assurer des débouchés à la diversité de la création éditoriale. Nous permettons aussi aux éditeurs de continuer à pouvoir prendre des risques et de s’engager sur le long terme auprès d’auteurs nouveaux et audacieux. Élue d’un territoire rural, je mesure – comme Mme la ministre, qui a insisté sur ce point – la nécessité commune de protéger le réseau de libraires. Les librairies indépendantes, par leur nombre et la variété de leur choix en matière d’assortiment, par leur lien direct avec les publics, demeurent aujourd’hui les garantes de cette diversité éditoriale que certains appellent « bibliodiversité ».

Cette proposition de loi résulte des Rencontres nationales de la librairie, qui se sont tenues à Bordeaux en juin dernier et ont réuni tous les professionnels du livre et de l’édition. Ces professionnels ont démontré leur capacité à s’unir au-delà de leur diversité pour parler d’une seule voix et défendre leur métier. À cette occasion, madame la ministre, vous aviez désapprouvé, les pratiques de dumping et annoncé une réflexion et une concertation avec les acteurs concernés sur la question de la gratuité des frais de port et de la remise de 5 %, l’objectif poursuivi étant d’empêcher le cumul de ces deux avantages.

La mesure proposée par la présente proposition de loi soutient la bataille du syndicat de la librairie française, qui a perdu en justice contre Alapage.com en 2008. La Cour de cassation avait finalement donné raison au marchand en ligne, alors que la gratuité des frais de port avait été précédemment considérée comme une vente à prime. Pour elle, la gratuité des frais de port n’est ni une vente à perte, ni une concurrence déloyale. Le Sénat a adopté le 13 septembre dernier, dans le cadre du projet de loi relatif à la consommation, trois amendements destinés à mettre en oeuvre les mesures législatives en faveur de la librairie indépendante, annoncées par Mme la ministre lors du salon de Paris qui s’est tenu au mois de mars dernier.

Ces mesures sont destinées à améliorer le fonctionnement des lois du 10 août 1981 relative au prix unique du livre papier et du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique. L’assermentation des agents du ministère de la culture et de la consommation améliorera l’effectivité de ces lois puisqu’elle leur permettra d’assurer une veille de leur application et un contrôle de leur mise en oeuvre, avec la possibilité de saisir la justice en cas de manquement. Vous avez également souhaité, madame la ministre, comme vous l’avez dit lors du salon du livre de Paris, que soit mis en place un médiateur du livre. Vous vouliez donner corps à cette demande ancienne qui n’avait jamais pu aboutir, c’est désormais chose faite : sous la forme d’une autorité administrative indépendante, le médiateur permettra de faciliter la conciliation entre éditeurs, distributeurs et librairies dans les conflits qui les opposent.

Nous sommes réunis ce matin en vue d’atteindre un objectif commun : la lutte contre les détournements de la loi Lang, qui donne lieu à un débat agitant également les réseaux du livre. C’est aussi le sens de la démarche de Mme la ministre qui a souhaité amender le texte initial afin de l’enrichir, et surtout assurer une plus grande sécurité juridique à l’ensemble des libraires, dont la vente est le coeur de métier. Je conclurai en évoquant le salon du livre qui va se tenir le week-end prochain à Lempzours, dans mon bassin de vie. Lempzours, qui ne compte que 120 habitants, va attirer plus de 100 auteurs venus exposer – pas uniquement locaux, mais aussi départementaux et nationaux.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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« Ne pas intégrer la prestation de la livraison à domicile dans le prix unique du livre ». Tel est l’objet de la proposition de loi que vous nous soumettez, monsieur le rapporteur. Concrètement, elle vise à empêcher une pratique commerciale agressive de certains libraires en ligne qui consiste à cumuler la remise de 5 % avec la gratuité des frais de port.

Cette proposition s’inscrit dans la démarche de concertation que vous avez engagée, madame la ministre, notamment lors des Rencontres nationales de la librairie de Bordeaux en juin dernier. À cette occasion, vous nous aviez annoncé une prochaine « régulation plus stricte de la pratique commerciale de la gratuité des frais de port associée systématiquement au rabais de 5 % permis par la loi ». Cette pratique a un effet déstabilisateur sur le secteur et va à l’encontre de la philosophie de la loi de 1981 qui prévoit un statut adapté à la spécificité du livre.

Jack Lang, alors ministre de la culture, avait défini devant l’Assemblée nationale les objectifs de la loi. Il expliquait déjà que ce régime dérogatoire est fondé sur le refus de considérer le livre comme un produit marchand banalisé et sur la volonté d’infléchir les mécanismes du marché pour assurer la prise en compte de sa nature de bien culturel qui ne saurait être soumis aux seules exigences de rentabilité immédiate.

Ainsi, l’acquis de gauche que représente l’instauration du prix unique a pour vocation d’assurer l’égalité des citoyens devant le livre par son accessibilité tant économique que géographique. Comment ?

En définissant tout d’abord un même prix sur l’ensemble du territoire national. En garantissant ensuite le maintien d’un réseau décentralisé de distribution indépendant, notamment dans les territoires les plus isolés, les villes centres, les territoires ruraux et même, pour l’anecdote, dans la plus petite île morbihannaise, Hoëdic, qui compte cent cinquante résidents permanents.

Sourires.

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Enfin, en permettant le soutien au pluralisme dans la création et l’édition.

Notre position à l’égard du texte qui nous est soumis aujourd’hui est dans le droit fil de cette logique initiée dès 1981. S’il est indispensable d’amender cette proposition de loi afin que ses modalités d’application répondent à l’ambition portée par le Gouvernement et aux défis qui se présentent aux acteurs de la filière, le message que nous lancerons sur ces bancs doit être clair : la concurrence entre détaillants ne peut pas s’appliquer sur le facteur prix, mais exclusivement sur la qualité de la prestation assurée.

Nombreuses sont les mesures qui ont d’ores et déjà été adoptées, matérialisant l’engagement du Gouvernement d’accompagner et de soutenir la filière. Les dernières en date sont issues des amendements adoptés au Sénat le 13 septembre dernier, lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation.

Ils mettent en oeuvre les mesures législatives en faveur de la librairie indépendante que vous avez annoncées, madame la ministre, lors du dernier Salon du livre en mars. Ainsi, les agents du ministère de la culture et de la communication seront assermentés pour le suivi de l’application et le contrôle des lois du 10 août 1981 relatives au prix unique du livre et du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique. Ils auront in fine la possibilité de saisir la justice en cas de manquement.

La seconde avancée réside dans la création d’un médiateur du livre, sous forme d’autorité administrative indépendante, qui facilitera la conciliation entre éditeurs, distributeurs et libraires lors d’éventuelles situations conflictuelles.

En définitive, le travail de réflexion sur les pratiques de dumping amorcé dès mars dernier se traduit ainsi aujourd’hui dans ce texte amendé par le Gouvernement. La proposition de loi amendée, inspirée des acquis passés contribue ainsi à assurer l’avenir d’une filière en pleine mutation.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.

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La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous ne pouvons que nous féliciter de ce très beau débat qui a permis de montrer notre attachement commun au livre. La proposition de loi déposée par le groupe UMP, amendée par le Gouvernement, nous permettra de franchir une étape supplémentaire dans l’acte II en quelque sorte de la loi Lang comme l’a rappelé Annie Genevard. Mme Genevard a également évoqué le plan d’éducation artistique pour les enfants et souligné son importance pour les jeunes générations ; l’éducation artistique et culturelle étant ma priorité au ministère de la culture, je ne peux que m’en réjouir. Yannick Favennec a développé l’amour du livre qui nous anime tous sur ces bancs, cependant qu’Isabelle Attard insistait sur la dimension fiscale dans la politique d’Amazon. Le Gouvernement travaille également sur cette dimension fiscale, à l’origine d’un contentieux en cours avec le groupe Amazon.

Thierry Braillard a insisté sur la sécurité juridique de la proposition du Gouvernement, point important par rapport à la proposition du rapporteur. C’est précisément le but de notre amendement qui garantit une sécurité juridique maximale notamment vis-à-vis de la jurisprudence de la Cour de cassation de 2008.

Marie-George Buffet nous a interrogé sur l’ensemble des mesures à prendre, et plus particulièrement sur ce qui touche aux loyers. J’ai développé le plan Librairie et je remercie Brigitte Bourguignon d’en avoir rappelé avec brio l’historique et l’éventail des mesures, mais je n’ai pas parlé des loyers. Je tiens à vous dire que cette question sera traitée. Certes, il y a les aides de l’ADELC, qui relèvent plutôt des collectivités locales, ainsi qu’une exemption de CET pour les libraires, elle aussi à l’appréciation des collectivités locales ; mais une disposition est prévue dans un projet de loi que Sylvia Pinel présentera en janvier prochain, qui visera à encadrer l’augmentation des loyers pour les libraires en limitant cette augmentation à un maximum de 10% par an au moment du renouvellement du bail. C’est donc une mesure extrêmement importante.

S’agissant des aides du CNL, j’ai demandé à son nouveau directeur – M. Vincent Monadé, dont je viens de signer l’arrêté de nomination – de travailler en direction des territoires les plus difficiles et d’en faire des territoires prioritaires. Jusqu’à maintenant, il n’était pas possible d’aider certains territoires prioritaires : la librairie La Traverse à La Courneuve, par exemple, avait nécessité de ma part une intervention exceptionnelle alors que cela aurait dû s’inscrire dans le cadre de la politique du Centre national du livre.

Sophie Dessus a rappelé l’importance du combat pour l’exception culturelle. Il est intéressant, voire amusant, de noter que des pays qui s’opposent à notre politique d’exception culturelle, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, travaillent eux aussi à des mesures vis-à-vis de certains grands groupes, notamment Amazon qui, en Grande-Bretagne, est l’objet d’une enquête approfondie de la part des homologues britanniques de Patrick Bloche, particulièrement vigilants et soucieux du respect de la législation fiscale en Grande-Bretagne. Aux États-Unis également, une réflexion est menée sur le cas des entreprises de vente en ligne qui bénéficient de régimes tout à fait exorbitants du droit commun, afin rétablir une concurrence plus juste et moins discriminatoire à l’égard des libraires qui vendent des livres de manière physique.

Je voudrais saluer le travail d’Hervé Gaymard qui, en 2011, avait porté la loi sur le prix unique du livre numérique. Hervé Gaymard a, à juste titre, cité le travail de Jacques Toubon, que nous avons reconduit dans sa mission sur la question de la TVA au sein de l’Union européenne. À partir de 2015, la TVA s’appliquera au pays de l’acheteur.

Pierre Léautey a rappelé l’importance du rôle des libraires dans la transmission. A Rouen, avec Matthieu de Montchalin, il est bien placé pour connaître l’importance et l’implication des libraires dans notre plan Librairie.

Je remercie Franck Riester d’avoir porté cette proposition de loi, qui est l’occasion pour moi de rappeler mon attachement à la mise en oeuvre la loi sur les oeuvres indisponibles. Nous y travaillons avec un plan de numérisation ambitieux et veillons à faire en sorte que la loi permette aux auteurs qui ne le souhaiteraient pas d’intervenir à tout moment.

Colette Langlade a insisté sur le beau concept de « bibliodiversité », à mes yeux plus approprié que le terme d’écosystème. Je vous souhaite, madame la députée, un bon week-end de fête du livre en Dordogne. Vous savez que je suis très attachée à ces territoires ruraux et à leur vivification par la culture et notamment par le livre. Et avec l’intervention de Jean-Pierre Le Roch, qui citait l’exemple du Morbihan, nous avons deux illustrations du rôle essentiel du livre et des libraires sur tous les territoires comme je l’ai dit dans mon propos liminaire. Je remercie chacun d’entre vous, en particulier Patrick Bloche à et le rapporteur Christian Kert pour ce travail et la qualité du débat qui a présidé ce matin.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.

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Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article unique.

La parole est à M. Vincent Feltesse.

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Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous allons entamer la discussion sur l’article unique, que nous allons, je l’espère, adopter de manière unanime. J’y vois un beau symbole du combat culturel commun que nous pouvons avoir en France.

Je voudrais mettre cette proposition de loi en perspective par rapport aux rencontres nationales de la librairie que nous avons accueillies à Bordeaux, où vous avez, madame la ministre, annoncé le plan Librairie.

Les précédentes RNL à Lyon avaient été assez moroses. Mais depuis, les choses ont bien avancé avec des amendements au Sénat, et aujourd’hui cette proposition de loi. Nous devons cependant avoir conscience que la question des librairies demeure, elle est devant nous. La faible marge n’est pas encore due à l’impact de l’arrivée du livre numérique, qui reste très limité en France, mais à différents coûts et à la concurrence. Ma collègue Marie-George Buffet l’a dit et vous le savez, madame la ministre : dans le coût de fonctionnement d’une librairie, le loyer, le foncier ont une part extrêmement importante. Lors des rencontres nationales de la librairie, mon collègue Alain Rousset et moi-même avons parlé de la proposition de loi que nous sommes en train de finaliser pour que cette question du foncier dans le cas de certains commerces rares, en particulier des librairies, puisse faire l’objet de dispositions spécifiques, notamment via les établissements publics fonciers. Il nous faut poursuivre dans ce chemin : si nous voulons et préserver les trois mille librairies indépendantes que nous comptons en France, voire les développer et développer leur taux de marge, nous devrons entrer dans la chaîne des valeurs des libraires. Quoi qu’il en soit, madame la ministre, je vous remercie pour votre présence ce matin et pour votre travail.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.

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Tout a été dit et bien dit, en convoquant, si je ne m’abuse, Aragon et la main tremblante de Montesquieu… Pour ma part,j’en resterai à l’article tel que propose de le rédiger l’amendement du Gouvernement : il renforce, vous l’avez dit, madame la ministre, la sécurité juridique et donne tout son poids à la proposition de loi rapportée par M. Kert. Notre collègue me reprochait l’autre jour de ne tenir que des propos empreints de vitriol ; je lui fais remarquer qu’ils sont aujourd’hui pleins de douceur et de miel

Sourires

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et que sa proposition de loi ne saurait être votée s’il ne souscrivait pas à l’engagement du Gouvernement, qui lui donne une force essentielle.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Je ne peux m’empêcher de revenir sur la teneur de certaines interventions. Je déplore, alors même que le sujet fait consensus, que nous nous sommes engagés à trouver les termes d’une solution susceptible de répondre au problème posé aux libraires, que certains d’entre vous aient profité de cette tribune pour régler leurs comptes, leurs petits comptes avec la politique culturelle passée.

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Je le regrette infiniment, d’autant que j’ai entendu des propos d’une outrance qui n’est pas digne de notre débat d’aujourd’hui.

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Allons ! Ce n’est pas vous qui dites cela !

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Parler de « non-politique culturelle » sous le gouvernement précédent, c’est faire insulte à la réalité : le budget de la culture n’a pas diminué entre 2007 à 2012.

Cette mise au point faite, je forme le voeu que nous puissions reprendre tranquillement le débat et que nous parvenions à une solution consensuelle.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Je suis saisi de deux amendements, nos 4 et 1 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 4 .

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Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

L’amendement no 4 du Gouvernement a pour objet d’imposer aux détaillants le strict respect du prix du livre fixé par l’éditeur ou l’importateur en cas d’expédition – sous réserve que le retrait du livre ne se fasse pas en magasin –, tout en leur permettant de pratiquer une décote à hauteur de 5 % du prix du livre sur le montant des prestations de livraison établi vis-à-vis des clients.

Pour simplifier, cette rédaction dont nous avons veillé à garantir la sécurité juridique, n’empêche ni le rabais de 5 % ni la gratuité des frais de port, en raison de la décision de la Cour de cassation de 2008 ; elle interdit seulement le cumul de ces deux avantages.

Une seule dérogation à ce principe est possible : c’est lorsque l’achat du livre en ligne est suivi d’un retrait en magasin chez le détaillant. En ce cas en effet, on peut considérer que le client, en achetant un livre sur internet via un paiement dématérialisé, puis en venant le chercher en librairie, suit la même démarche que lorsqu’il commandait un livre par téléphone à son libraire et qu’il allait ensuite le retirer sur place : cela ne nous paraît pas changer fondamentalement la nature de l’acte d’achat. Le principe de la gratuité de la commande à l’unité est posé depuis la loi de 1981, la disposition que nous vous proposons n’a pas vocation à s’appliquer dans ce cas précis.

Les détaillants qui facturent à leurs clients des frais de port pourront pratiquer sur ces frais un rabais correspondant à 5 % du prix du livre. Autrement dit, l’impact sur le prix du livre sera nul ; sur le prix total de la prestation payée par le client, il sera limité. Le renchérissement ne sera perceptible que pour les consommateurs qui s’approvisionnaient chez un détaillant qui, jusqu’à présent, cumulait le rabais de 5 % et la gratuité des frais de port.

Les ventes de livres en ligne représentent aujourd’hui 13 % du chiffre d’affaires du secteur. Sur ces 13%, 10% sont le fait des opérateurs cumulant rabais et gratuité des frais de port. Autrement dit, l’augmentation du coût ne vaudra que pour des ventes de livres, sachant que le consommateur aura toujours le choix entre l’achat en ligne et l’achat en librairie.

Cet amendement vous propose la rédaction la plus à même de sécuriser la volonté partagée sur ces bancs de rétablir les conditions d’une juste concurrence entre les différents acteurs de la vente de livres et de faire respecter efficacement l’esprit de la loi sur le prix unique du livre. Celle-ci autorise un rabais de 5 % – à la libre appréciation du libraire – et seulement de 5 % ; il nous faut éviter tout détournement de l’esprit de cette loi par le biais de la gratuité des frais de port. D’où la nécessité d’interdire le cumul de cet avantage avec le rabais de 5 %, comme le propose notre amendement.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1 et donner l’avis de la commission sur l’amendement no 4 .

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Madame la ministre, j’ai bien entendu la présentation que vous venez de faire de votre amendement ; mais j’ai, pardonnez-moi, la totale absence d’humilité de penser que celui que présente l’UMP est meilleur.

Sourires.

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Je vais tenter de vous le prouver et de vous convaincre peut-être de le retenir.

Avec notre amendement, le prix du livre, qu’il soit livré à domicile ou retiré par le client en magasin, est le prix fixé par l’éditeur, éventuellement minoré d’un rabais de 5 %. À ce prix vient s’ajouter le coût de la livraison – notons qu’il est bien question de « coût » de la livraison, ce qui exclut que le détaillant puisse facturer la livraison à domicile à un prix exagérément bas.

La comparaison de nos deux amendements appelle de ma part quatre observations.

Premièrement, l’amendement que vous nous présentez a pour effet de consacrer l’existence, en quelque sorte, de deux prix du livre. Le nôtre me paraît avoir le mérite de la simplicité : partout et quel que soit le mode de délivrance du bien au consommateur, le prix du livre est le même – libre au détaillant d’offrir au consommateur un prix « barré », autrement dit un rabais de 5%. Avec votre amendement, madame la ministre, le prix du livre livré à domicile sera obligatoirement le prix fixé par l’éditeur, alors que dans tous les autres cas, il pourra être éventuellement minoré d’une remise de 5 %. Il nous paraît paradoxal de vouloir réaffirmer le principe du prix unique du livre et d’aboutir à une solution qui reposerait sur deux prix différents.

Cela conduit à poser deux questions : d’abord, comment les choses vont-elles fonctionner pour les détaillants multi-canaux comme la Fnac, chapitre.com ou d’autres sites de vente en ligne dépendant de librairies physiques ? Il faudra pour un même livre afficher un prix barré lorsque le client vient chercher sa commande en magasin, et un prix non barré, sans rabais, s’il demande la livraison à domicile. Convenons que pour l’acheteur, ce système n’est pas d’une transparence totale !

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Ensuite, votre rédaction ne soulève-t-elle pas un problème de conformité au principe constitutionnel d’égalité ? Qu’une prestation spécifique comme la livraison à domicile soit facturée, cela paraît naturel ; mais que le prix du livre lui-même soit différent selon les modalités de sa remise, cela ne peut-il quelque part être considéré comme une mesure discriminatoire ?

Deuxième observation, votre amendement ne va pas interdire les frais de port gratuits : il va seulement dissuader les vendeurs d’y recourir. En effet, il indique bien que c’est le détaillant qui établit le tarif du service de livraison. Pour afficher des frais de port gratuits, le détaillant calculera quel montant représente 5 % du prix du livre fixé par l’éditeur ; une fois ce montant déterminé, il affichera les frais de port correspondant, puis applique la décote de 5 % de sorte que les frais de port ne coûteront rien au client. La conséquence pratique de votre amendement n’est donc pas d’interdire les frais de port gratuits, mais en quelque sorte de supprimer le rabais de 5 % sur le prix du livre lorsque le client demande une livraison à domicile. Dans un cas comme dans l’autre, je vous l’accorde, l’esprit de la dynamique que nous voulons impulser sera respecté : le livre vendu en ligne coûtera plus cher que le livre vendu en librairie. Mais avec votre amendement, on ne s’en prend plus à la seule gratuité des frais de port du livre.

Troisième observation : l’objection selon laquelle notre amendement serait impossible à appliquer au motif qu’il sera impossible de contrôler la réalité du coût de la livraison à domicile pour le détaillant ne nous paraît pas recevable. Soutenir que le coût des frais de port pour les détaillants en ligne est opaque et impossible à connaître est inexact, du moins à un niveau agrégé : le coût total et le coût net des frais de port figure, par exemple, dans le rapport annuel d’un géant américain de la vente en ligne, donnée que nous avons reprise du reste dans plusieurs de nos documents. Cet argument ne tient donc pas.

Lors de l’examen au Sénat du projet de loi sur la consommation, il y a un mois, a été adopté un amendement prévoyant un dispositif de contrôle mis en oeuvre par des agents relevant du ministère de la culture. Ils pourront procéder aux enquêtes nécessaires à l’application des dispositions de la loi sur le prix unique du livre. Sur le plan juridique, rien ne les empêcherait, me semble-t-il, de contrôler aussi les coûts de livraison à domicile pour le détaillant. Le contraire serait quand même étonnant.

Quatrième observation : nous considérons que l’amendement du groupe UMP se veut en quelque sorte un décalque dans l’univers numérique des principes de la loi de 1981 dont il respecte très scrupuleusement l’esprit.

On lui a parfois reproché d’être trop restrictif en ce qu’il ne mentionne que la livraison à domicile. Mais il serait très facile de pallier cette carence en supprimant les mots « à domicile » si, à la fin de mon exposé, vous considériez, madame la ministre, que notre amendement est meilleur, plus lisible et plus simple compte tenu de la volonté initiale du groupe UMP de ne plus autoriser cette forme très nette de concurrence déloyale qu’est la gratuité des frais de port.

Il faudrait que vous nous assuriez, madame la ministre, que l’intérêt du consommateur sera toujours préservé. Tout le monde doit avoir conscience – parce que nous ne sommes pas dans la polémique mais dans une démarche collective – que notre objectif principal est l’abandon de la gratuité des frais de port et qu’en tout état de cause, il faut aboutir à une interdiction du cumul des deux avantages, faute de quoi notre proposition de loi sombrerait dans l’irréalité. Ensemble, avec vous, avec la commission, nous devons tordre le cou à l’idée selon laquelle les mesures que nous proposons vont pénaliser le consommateur lecteur : c’est faux ! Le livre acheté en librairie restera vendu au même prix, avec éventuellement 5 % de rabais. Lorsqu’un consommateur paiera légèrement plus cher un livre acheté en ligne, c’est parce qu’il bénéficiera d’un service supplémentaire : le port. Ce service a un prix et il est normal qu’il soit répercuté, quelle que soit la formule que nous retiendrons ensemble.

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…mais il a oublié d’indiquer, ce que je fais bien volontiers à sa place, que la commission a donné un avis favorable à l’amendement du Gouvernement.

Sourires.

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Si je comprends parfaitement l’esprit de ce texte, je me permets d’intervenir sur un point : l’amendement du Gouvernement n’empêchera pas Amazon de livrer ses livres gratuitement aux consommateurs. Or nous devons tous garder à l’esprit que c’est précisément cette facilité que le lecteur recherche, quitte à payer son livre un peu plus cher.

Amazon a un avantage sur les librairies physiques : il permet au consommateur d’être livré chez lui. Cet avantage restera fort, quoi que l’on fasse, et ce texte n’y changera rien.

À l’heure d’internet et du e-commerce, les habitudes changent, et l’on est heureusement en droit de faire jouer la concurrence. S’il existe une vraie concurrence déloyale, elle se situe au niveau fiscal ; mais l’amendement proposé ne règle pas cette question, par essence européenne. Il y a là une vraie difficulté à résoudre.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Monsieur Tardy, l’objectif du Gouvernement est de concilier la défense de la liberté d’entreprendre et de la liberté du commerce et de l’industrie avec notre exigence de défense de l’esprit de la loi sur le prix unique du livre, qui a permis cette bibliodiversité.

Il n’est donc pas question d’interdire ni d’entraver des pratiques commerciales prévues dès l’origine dans la loi de 1981 avec le rabais de 5 %. Il ne s’agit pas non plus, pour répondre au rapporteur, de nous opposer à la liberté du commerce et de l’industrie, fondement de la négociation commerciale entre les vendeurs, les détaillants et leurs prestataires de distribution tels que La Poste.

Votre amendement, monsieur le rapporteur, présente une faiblesse principale : s’il était adopté, il renforcerait les positions dominantes des plus gros acteurs de la vente à distance qui, eux, ont les moyens de négocier avec leurs prestataires pour obtenir les tarifs de livraison le plus bas possible. Il les obligerait certes à valoriser le coût de la livraison, mais cette obligation pèserait sur tous, sur ceux qui ont les moyens de négociation les plus faibles comme sur ceux qui ont les moyens les plus durs. Les grands acteurs de la vente à distance obtiendraient ainsi des coûts de livraison plus bas puisque leur capacité de négociation est bien supérieure à celle des petits libraires.

Paradoxalement, votre amendement aurait donc pour effet pervers de renforcer la concentration, précisément parce que les plus gros acteurs ont les moyens de négocier des tarifs beaucoup plus bas pour la vente à distance. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé un amendement qui n’interdit pas la gratuité des frais de port, parce que nous avons tiré les conséquences de la décision de la Cour de cassation du 6 mai 2008.

Nous considérons en outre que la négociation sur les frais de port fait partie de la liberté du commerce et de l’entreprise. La seule chose que nous interdisons, dans le respect de la loi de 1981, c’est de cumuler la gratuité des frais de ports avec le rabais de 5 %.

Ainsi, dans le cas d’opérateurs de livraison à distance cumulant la gratuité des frais de port avec la remise de 5 %, un livre d’une valeur de 22 euros pourrait être vendu en ligne au prix de 20,90 euros – prix total payé par l’acheteur. Le même livre fourni par un libraire facturant des frais de port serait vendu à 25,90 euros.

Rien ne changera demain, si ce n’est que ceux qui vendent en ligne feront payer leur livre 22 euros au lieu de 20,90 euros, autrement dit au prix éditeur. Ce ne sera donc pas pénalisant pour le consommateur puisque, de toute façon, dans son esprit, la loi de 1981 a toujours considéré que le respect du prix fixé par l’éditeur n’était pas une entrave au pouvoir d’achat du consommateur. La meilleure preuve en est que, dans les pays ne pratiquant pas le prix unique du livre, les livres ne sont pas moins chers qu’en France. C’est bien là tout l’effet bénéfique de la loi de 1981.

Avec cet amendement, le Gouvernement demande donc d’interdire le cumul de deux avantages commerciaux, la loi de 1981 n’ayant autorisé qu’un seul avantage commercial, ce dont aujourd’hui chacun se satisfait.

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Madame la ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention. Nous poursuivons des objectifs communs : tout comme nous, vous vous dite favorable à la liberté d’entreprendre et de la liberté du commerce. Reste que, dans l’amendement que vous nous présentez, vous compliquez le système, ainsi que Christian Kert vous l’a expliqué tout à l’heure : vous reconnaissez de fait qu’il peut exister deux prix pour un même livre.

Qui plus est, vous ne favorisez pas la transparence dans la mesure où, vous venez de le dire à l’instant, vous ne vous opposez pas à la gratuité du transport. Ce qui revient à accepter que le commerce ne soit pas loyal et transparent. Cela nous ramène à un débat que nombre de nos collègues connaissent : la discussion avec la grande distribution sur les marges arrière. Dès lors que l’on accepte de masquer le coût d’une prestation – ce que vous reconnaissez : votre amendement n’interdit pas la gratuité de la livraison, autrement dit vous acceptez que le prix du service rendu soit dissimulé – on ouvre la voie à un système identique à celui des marges arrière. C’est pour cela que je ne vous suivrai pas dans cette voie, car il faut tendre à la transparence : le livre est vendu à prix unique, mais si une prestation supplémentaire est assurée, elle doit être identifiée et figurer sur la facture. Et que l’on ne nous dise pas qu’il est impossible d’en vérifier le coût : on sait pertinemment comment faire.

Je conçois parfaitement que, grâce à leur taille, certaines entreprises disposent d’une capacité plus importante à négocier des coûts plus avantageux. Mais nous souhaitons que toute la transparence soit faite sur un éventuel service supplémentaire, dont le coût doit être clairement indiqué. De cette façon, nous respectons la logique du prix unique : le livre demeure vendu à prix unique, mais si une prestation est ajoutée, alors elle doit être identifiée et inscrite en pied de facture. C’est là qu’est notre point de divergence : dans votre système, vous reconnaissez que le prix d’un service puisse être masqué. C’est un peu comme si vous acceptiez la vente à perte : un service qui n’a pas de prix, cela n’existe pas, un service coûte toujours quelque chose. Encore faut-il inscrire ce coût quelque part ; sinon, c’est reconnaître qu’il peut exister deux prix différents pour un même livre, et valider en quelque sorte le principe de la vente à perte pour un service qui ne serait pas facturé.

Je souhaite attirer l’attention de nos collègues socialistes sur ce sujet car si, sur le fond, nous convergeons et sommes tous animés par le même esprit, nous devons faire attention. Je crois vraiment que la rédaction que nous avons proposée permet d’assurer une lisibilité, une clarté : à un service supplémentaire doit correspondre un coût supplémentaire. Le consommateur est en droit de connaître ce coût et doit payer pour ce service supplémentaire.

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Je rejoins le propos du président Jacob. Sans doute, madame la ministre, allez-vous consulter les tweets qui circulent en ce moment même sur la blogosphère au sujet de notre débat : il intéresse beaucoup…

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Je ne consulte pas les tweets.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous ne regardez pas les tweets ? Vous avez sans doute raison…

Cela dit, par curiosité, j’ai voulu voir quel écho avait notre débat : certains messages reprochent aux députés de se montrer indifférents aux avantages consentis aux consommateurs. Ils ont le sentiment que nous allons prendre une décision contraire aux intérêts du consommateur.

Or précisément, l’amendement que nous proposons me paraît de nature à mieux faire comprendre la situation aux consommateurs : certes, ils paieront bien sûr les frais de port, mais ils comprendront également que tout service supplémentaire entraîne un coût supplémentaire. C’est un argument qui peut s’entendre. De surcroît, le jour où le consommateur ne trouvera plus de libraire à proximité de son domicile, lorsqu’il n’y aura plus de librairies dans les villes, alors la situation lui deviendra objectivement préjudiciable, dans la mesure où il n’aura plus le choix.

Rappelons ensuite l’objectif qui est le nôtre : il ne s’agit pas de mettre à égalité tous ceux qui vendent des livres en ligne, mais de préserver le réseau des librairies et la vente physique de livres. Il faut donc que nous arrivions à introduire un coût supplémentaire qui distingue favorablement la vente physique de livres de la vente en ligne. Notre amendement me semble de nature à identifier clairement l’avantage qu’il y a pour un consommateur lecteur à acheter son livre en librairie plutôt qu’à le commander en ligne.

Avec les moyens que vous avez mis en place – vous avez évoqué les agents assermentés, le médiateur du livre –, vous avez doté la profession d’outils permettant de surveiller et d’empêcher les pratiques anticoncurrentielles des opérateurs qui faussent la concurrence en se livrant au dumping. L’amendement que nous proposons nous semble donc objectivement plus efficace que celui du Gouvernement.

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Je ne suis pas certain que l’échange que nous venons d’avoir, dont je ne conteste pas la légitimité, ait apporté un tant soit peu de clarté dans ce que nous tentons de faire ce matin de la manière plus consensuelle qui soit.

Je m’aperçois qu’au travers des arguments qui sont développés, certains s’en tiennent à la proposition de loi dans sa rédaction initiale, d’autres soutiennent la proposition de loi intégrant l’amendement soutenu par le rapporteur Christian Kert – c’est bien évidemment son rôle –, cependant que le Gouvernement, très logiquement, défend l’amendement qu’il propose à notre assemblée.

Pour avoir été très attentif aux arguments développés, je soutiens que nous avons plutôt régressé en clarté. Cela dit, je ne voudrais pas que l’on perde de vue l’essentiel : pour avoir souvent rapporté, durant les deux précédentes législatures, des propositions de loi de mon groupe présentées dans le cadre des ordres du jour qui lui étaient réservés, sur des sujets consensuels et sans, à aucun moment, avoir eu la satisfaction de les voir amender par le gouvernement d’alors et adopter, je voudrais préserver ce que nous avons cette fois-ci essayé de faire en commission en ne concluant pas sur cette proposition de loi. Lors de la discussion générale, les interventions ont toutes convergé vers le même objectif : protéger la librairie indépendante dans notre pays. Nous devons à nouveau, comme nous l’avons fait en 2011 pour le prix unique du livre numérique, adapter le prix unique du livre aux réalités d’aujourd’hui.

De ce fait, je crois souhaitable de nous prononcer sur les amendements en nous gardant surtout de ne pas altérer l’esprit du texte, ce qui est à mon avis le plus important dans le débat de ce matin, puisque tous les groupes souhaitent légiférer en ce domaine. Et j’espère que le Sénat prendra rapidement le relais sur cette disposition législative nouvelle.

Je comprends votre réaction, chers collègues de l’opposition, mais souffrez que les députés de la majorité puissent amender cette proposition de loi de l’opposition et se retrouvent assez logiquement sur l’amendement présenté par le Gouvernement.

Monsieur le président, je souhaite apporter une précision. Quel que soit l’amendement qui sera retenu, il sera nécessaire de changer le titre de la proposition de loi. C’est ce que j’avais prévu dans un de mes amendements, mais il en est une sur laquelle nous pourrions nous accorder et qu’il appartiendra au Gouvernement d’agréer : « Proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres ». Cela nous permettrait de respecter l’intégralité de notre réflexion et la susceptibilité des auteurs de ces deux amendements.

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Nous y reviendrons dans un instant, lorsque nous examinerons le titre.

L’amendement no 4 est adopté, l’article unique est ainsi rédigél’amendement no 1 tombe.

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La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 2 .

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Puisque l’amendement n°4 a été adopté, et avec l’autorisation de Mme la ministre, je suggère de rectifier mon amendement n°2 afin que le titre de la proposition de loi – présentée par le groupe UMP, rappelons-le – devienne le suivant : « Proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres ». Ce titre me paraît correspondre pleinement à l’esprit de notre texte.

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Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n°2 , tel qu’il vient d’être rectifié ?

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Le Gouvernement est absolument favorable à ce nouveau titre qui me semble correspondre beaucoup mieux à l’esprit de l’intérêt général qui prévaut dans cet hémicycle. De surcroît, ce titre n’est pas stigmatisant et il montre bien que le texte vise à préserver au consommateur la diversité de l’offre éditoriale qui est la richesse de notre pays.

L’amendement no 2 , tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté. – Applaudissements sur tous les bancs.

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La parole est à Mme Annie Genevard, pour une explication de vote au nom du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

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Il y a toujours matière à dire, mon cher collègue ! Et je ne suis pas spécialement bavarde !

Rires sur les bancs du groupe SRC.

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Madame la ministre, nous nous réjouissons bien évidemment de la teneur des débats de ce matin qui, dans leur presque totalité, ont été constructifs et courtois. Nous nous réjouissons aussi de l’esprit qui a prévalu, qui aura permis d’aboutir à un consensus sur le titre de la proposition de loi. Nous restons persuadés que l’amendement no 1 était plus clair que l’amendement no 4 . C’est pourquoi nous nous sommes abstenus sur l’amendement du Gouvernement.

Mais finalement, l’essentiel demeure, à savoir que nous soyons tous engagés dans la défense de la librairie indépendante, sans stigmatiser d’autres opérateurs, et que nous garantissions, par notre travail et nos décisions, que la concurrence sera saine, qu’elle préservera ce à quoi nous sommes profondément attachés et que vous avez défendu.

Je tiens pour conclure à féliciter nos collègues et plus particulièrement Christian Kert, pour cette excellente initiative qui permettra, me semble-t-il, d’inscrire ce moment dans les annales de la maison puisque ce texte a recueilli un consensus aussi large que possible compte tenu de l’intérêt du sujet évoqué ce matin.

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Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à douze heures vingt-cinq.

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L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Marie-Christine Dalloz et plusieurs de ses collègues visant à introduire la notion de territoires ruraux et de montagne dans le code de l’éducation (nos 1031, 1384).

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La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

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Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée de la réussite éducative, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, l’avenir de l’école nous a longuement occupés au cours du premier semestre, avec la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. J’ai le plaisir de vous parler de l’école en territoire rural et de montagne en vous présentant cette proposition de loi, examinée le 18 septembre dernier par la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Son objectif est de faire en sorte que l’ensemble du ministère de l’éducation nationale, dans sa composante nationale comme dans ses composantes rectorales et départementales, prenne en compte la réalité des différences des territoires, et notamment des territoires de montagne et des zones rurales, et arrête de raisonner exclusivement à partir de moyennes.

Je voudrais vous convaincre d’adopter ce texte, car il est motivé par la cohérence et l’urgence.

La cohérence tout d’abord. Vous connaissez tous ce principe de notre droit qui veut que l’égalité passe par la reconnaissance des différences. Voilà qui est fondamental. C’est ce qu’exprime le premier article du code de l’éducation, l’article L. 111-1, qui dispose, d’une part, que l’école contribue à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et, d’autre part, que la répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation. Or c’est là, précisément, que le législateur s’est arrêté en si bon chemin, car le code ne fait que mentionner les différences de situation « notamment en matière économique et sociale ». On m’objectera que ce « notamment » permet d’englober toutes les différences. Cependant, comme je vous le montrerai, le silence du code tend à encourager l’adoption de mesures de carte scolaire qui ne prennent pas en compte la situation particulière des territoires ruraux et de montagne.

En outre, l’article L. 111-1 précise que la répartition des moyens a pour but de renforcer l’encadrement des élèves dans les zones d’environnement défavorisé et d’habitat dispersé, oubliant ainsi, une fois de plus, les zones rurales et de montagne. Or ces dernières ne se caractérisent pas uniquement par la dispersion de l’habitat, mais surtout par leur relief et leur climat. Ce silence du code est d’autant plus surprenant que le législateur a reconnu, à plusieurs reprises, la dimension territoriale du service public de l’éducation. J’en donnerai un seul exemple, mais ô combien significatif.

L’article L. 113-1 du même code, qui est consacré à la scolarisation des moins de trois ans, prévoit que l’accueil de ces enfants dans les écoles maternelles est « organisé en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d’outre-mer ». On l’inscrit à l’article L. 113-1 et pas à l’article L. 111-1… Ce qui prouve que, dès lors qu’il en a la volonté politique, le législateur peut apporter toute l’attention nécessaire aux territoires les plus fragiles.

En outre, le droit de l’éducation n’est pas le seul à reconnaître les spécificités des zones rurales et de montagne. Faut-il vous rappeler, à cet égard, les dispositions de la loi du 9 janvier 1985 relative à la montagne et celles de la charte sur l’organisation de l’offre des services publics et au public en milieu rural du 23 juin 2006 ? Je voudrais, à ce stade, vous rappeler que la solidarité des élus de la montagne a toujours dépassé jusqu’à ce jour les clivages politiques. Ce fut le cas dans la législature précédente. Ces éléments de droit ont d’ailleurs conduit le ministre de l’éducation nationale de l’époque, Luc Chatel, à adopter, le 30 décembre 2011, une circulaire relative aux écoles de montagne qui demande aux recteurs d’identifier, dans chaque département concerné, « les écoles ou réseaux qui justifient l’application de modalités spécifiques d’organisation et d’allocation de moyens au regard de leurs caractéristiques montagnardes ».

Malheureusement, ce ne sont là que des mots puisque, dans les faits, les DASEN interprètent très souplement ces instructions, voire de façon très disparate ; certains d’entre eux même les ignorent. Il convient donc de donner un fondement légal à la prise en compte des spécificités des écoles rurales et de montagne ; c’est la raison pour laquelle les oublis du premier article du code de l’éducation doivent être réparés.

Je sais que certains d’entre vous, sur ces bancs, me diront que la loi dite de refondation de l’école a changé la donne. Je connais l’alinéa du rapport annexé à cette loi qui indique que, lors de l’attribution des postes du dispositif « Plus de maîtres que de classes », « une attention particulière sera portée aux territoires ruraux et de montagne ». Mais je sais, et vous le savez aussi, que ce document n’a aucune portée normative : c’est une annexe.

Le deuxième point de mon argumentation est qu’il y a urgence à légiférer. En effet, le silence de l’article L. 111-1 du code conduit à ce que, malgré les créations de postes programmées par le Gouvernement – votre priorité, rappelons-le – les fermetures de classes ont, selon les médias locaux, rythmé la rentrée scolaire des départements ruraux ou de montagne.

Dans de nombreux cas, il a suffi qu’une école perde trois ou quatre enfants pour entraîner, en septembre, l’application de mesures de carte scolaire, dont la brutalité a suscité l’incompréhension des familles. C’est cela, la réalité des territoires ruraux et des territoires de montagne lors de cette rentrée scolaire.

Le ministre de l’éducation nationale a bien voulu me communiquer, le 18 septembre dernier, une estimation du nombre de fermetures de classe dans les cinquante départements qu’il a considéré être à dominante rurale ou de montagne. Celles-ci s’élèvent à 834 postes, même si cette donnée est à utiliser avec prudence car, à cette date, beaucoup de mesures n’étaient pas encore stabilisées. Huit cent trente-quatre impacts sur nos territoires alors que la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux a été suspendue et que vous avez annoncé que l’école devenait une priorité nationale ! Comment peut-on décider qu’elle est une priorité nationale alors qu’on ferme 834 classes dans des département ruraux et de montagne ?

Nous sommes donc très loin de la rentrée idyllique dépeinte par le ministre de l’éducation nationale et sa majorité ! Non, en territoire rural, il y a eu énormément de problèmes, ce qui n’a pas été le cas en zone urbaine.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au-delà de toute référence à l’actualité, je voudrais souligner que l’aveuglement de l’État à l’égard des besoins des territoires ruraux compromet, de fait, leur attractivité et leur développement, et ce pour une raison très simple : la présence ou l’absence d’une école est un facteur déterminant dans le choix d’une famille qui envisage de s’installer dans une commune rurale.

Par ailleurs, le desserrement du maillage scolaire en zone rurale ou de montagne peut avoir des conséquences sur la sécurité, la santé ou, à tout le moins, la qualité de la vie scolaire de nos enfants : une école qui s’éloigne, c’est, comme chacun le sait, de la route, autrement dit du temps de transport en plus, avec tout ce que cela comporte comme risques liés au relief et à la climatologie de montagne, notamment en période hivernale.

Pour ces raisons toutes simples, je vous propose d’ajouter les mots « territorial » et « zones rurales et de montagne » à l’article L. 111-1 du code, pour que la répartition des moyens de l’école tienne compte de ces réalités.

En outre, afin de compléter ce cadre législatif par un cadre réglementaire de haut niveau, la proposition de loi prévoit de préciser que les mesures relatives au classement des secteurs et écoles en zone rurale et de montagne, et à l’aménagement du réseau scolaire, feront l’objet d’un décret en Conseil d’État. En effet, les élus et les familles doivent avoir la garantie qu’ils seront informés à temps et que les décisions d’ouverture ou de fermeture de classes obéiront à des règles strictes, connues préalablement de tous.

J’en appelle donc à la solidarité nationale. J’espère vous avoir convaincus de la nécessité d’adopter ce texte qui a été malheureusement rejeté par la commission le 18 septembre dernier. Mais je sais que la solidarité de la montagne jouera en faveur de l’avenir de l’école dans les territoires ruraux.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l’éducation « pour tous » est effectivement un thème de nature à nous rassembler.

Votre proposition de loi visant à introduire la notion de territoires ruraux et de montagne dans le code de l’éducation n’est pas à prendre à la légère. Elle se situe à l’intersection de deux missions privilégiées de l’action publique : l’aménagement du territoire et l’éducation. Elle nous rappelle que l’éducation, pour être républicaine, doit constamment veiller à ce qu’aucune fraction de sa jeunesse ne soit laissée en déshérence. L’éducation n’est républicaine que lorsqu’elle unifie toutes les composantes du territoire national.

Veiller à ce que notre jeunesse puisse, sans exception, bénéficier sur l’ensemble du territoire national d’une éducation d’égale qualité, c’est pour nous prendre acte d’une prérogative qui nous honore en même temps que d’une charge qui nous incombe : il nous importe donc d’être à la hauteur. La refondation républicaine de l’école est une opération de redressement national.

C’est fort de ce sentiment de responsabilité qu’il y a maintenant un peu plus d’une année, le Président de la République François Hollande annonçait qu’il ferait de la refondation de l’école de la République, de la priorité à la jeunesse, la pierre de touche de son quinquennat.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

L’éducation est une des activités les plus nécessaires à une société. Les jeunes sont de nouveaux citoyens, en même temps qu’ils sont en train de devenir des citoyens. La génération des nouveaux venus aura la tâche, après nous, de renouveler le monde commun. Elle constitue ce moment où s’élabore l’avenir ; c’est la raison pour laquelle accorder la priorité à l’éducation, c’est contribuer à façonner la génération des bâtisseurs de demain.

Ernest Renan, dans un cours qu’il a prononcé en 1882, distinguait les quatre attributs qui soudent une nation : le consentement présent, le désir de vivre ensemble, la possession commune de vastes héritages et la volonté d’exploiter solidairement l’héritage reçu. Ce quatre attributs sont ceux de notre école républicaine. C’est pour cette raison que, si l’école est un service public de première importance, elle est aussi plus que cela : elle est celle qui renforce et raffermit, partout où elle se trouve, ce contrat social qui fait l’unité de notre nation.

L’école de la République se doit donc d’être présente partout, dans tous les territoires, dans tous les villages, quels qu’ils soient. C’est la raison pour laquelle je ne peux que saluer votre démarche, votre souci du bien commun, votre vigilance pour que l’école de la République n’oublie personne. Mais…

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Mais permettez-moi sans plus tarder de vous tranquilliser, d’adoucir votre inquiétude : les propositions d’ajouts au code de l’éducation que contient votre proposition de loi ne nous semblent pas indispensables. La dimension territoriale est déjà prise en compte dans son ensemble par le service public de l’éducation, qui intègre par là-même la dimension de la répartition des moyens.

Vous désirez introduire la notion de territoire ruraux et de montagne dans le code de l’éducation à l’article L. 111-1. Vous proposez d’insérer le mot « territorial » dans la phrase « la répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière territoriale et sociale ». Ensuite, votre proposition tend à insérer les mots « zones rurales et de montagne » dans l’alinéa 7 de l’article L. 111-1 qui dispose : « La répartition des moyens a pour but de renforcer l’encadrement des élèves dans les écoles et établissements d’enseignement situés dans des zones d’environnement social défavorisé et des zones d’habitat dispersé, des zones rurales et de montagne, et de permettre de façon générale aux élèves en difficulté, quelle qu’en soit l’origine, en particulier de santé, de bénéficier d’actions de soutien individualisé ».

Je vous rassure donc : la loi du 8 juillet 2013 a déjà modifié l’article L. 111-1premier alinéa en ajoutant la lutte contre les inégalités territoriales parmi les missions dévolues au service public de l’éducation. Vous avez donc été parfaitement entendue. Je vous le cite : « Le service public de l’éducation contribue à l’égalité des chances et à lutter contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite éducative ».

S’agissant de l’ajout des termes « zones rurales et de montagne », la notion de zone d’habitat dispersé figure à l’article L. 111-1, ce qui recouvre celle de zones rurales et de montagne. La précision ne nous semble pas absolument nécessaire.

Quant à votre souci concernant l’attention apportée aux territoires ruraux et aux zones de montagne, qui bénéficient déjà de taux d’encadrement favorables, l’article premier apporte une réponse en introduisant le devoir d’information et de concertation dans l’élaboration de la carte scolaire. Je vous le cite pareillement : « Une attention particulière sera également portée aux territoires ruraux et de montagne. Lors de l’élaboration de la carte scolaire, les autorités académiques auront un devoir d’information et de concertation avec les exécutifs locaux des collectivités territoriales concernées. »

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

En résumé, nous ne nous opposons pas à l’esprit de votre proposition de loi…

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

…mais il me semble que vous pouvez vous rassurer, car aujourd’hui, vos requêtes ne sont pas utiles, car elles ont déjà été mises en oeuvre.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Je ne fais que vous lire les textes !

Autrement dit, je salue l’importance que vous accordez à la présence de l’école dans le monde rural. C’est une proposition à laquelle nous sommes sensibles, elle vous honore, mais il faut reconnaître que, dans cet hémicycle, elle retentit comme un mea culpa pour l’action du précédent Gouvernement en la matière.

« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.

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Comme c’est original ! Nous ne nous y attendions pas !

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Eh oui ! Il y a forcément un moment où on revient aux réalités précédentes. Pendant ces cinq longues années, vous avez fait ce qui, selon nous, n’était pas forcément la meilleure chose à faire. Votre bilan, me semble-t-il, doit être rappelé.

Sur la période 2008-2012, ce sont 123 postes d’enseignants qui ont été supprimés dans les Ardennes, 122 dans la Meuse, 153 dans la Manche, 135 dans les Vosges, 184 dans la Somme…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Des zones de montagne dans la Manche ? C’est pour le moins curieux !

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Pardonnez-moi, c’etait le Perche ! Mais il y a eu 114 suppressions de postes dans le Jura, dont vous êtes pourtant, Mme Dalloz, la représentante. Autrement dit, lors des deux dernières années du quinquennat précédent, ce sont 1 018 postes, puis 1 430 postes, qui ont été supprimés. Au total, de 2008 à 2012, pas moins de 2 781 emplois d’enseignant ont été supprimés dans les départements ruraux. Cette hémorragie a été interrompue par la création, lors de cette rentrée, de 370 postes d’enseignant dans ces départements.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Cent soixante-quatorze l’ont été dans le cadre du dispositif « Plus de maîtres que de classes », qui mêle approche quantitative et approche qualitative, ce qui est particulièrement bénéfique dans le monde rural. Il permet de travailler en petits groupes. Nous avons en outre effectivement dû fermer 834 classes, mais nous avons largement compensé ces fermetures par 938 ouvertures, soit un solde net positif de 104 créations de classes.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Pas du tout, voyons ! Il faut également compter une centaine d’ouvertures pour la scolarisation des moins de trois ans.

Il faut souligner aussi une autre dimension de la nouvelle politique qui est menée, particulièrement favorable aux zones rurales et de montagne, qui souffrent souvent d’un éloignement des ressources sociales et culturelles.

C’est pour lutter contre cet état de fait que nous accordons une attention spécifique aux questions numériques. Le numérique, en effet, constitue un puissant levier pour connecter les zones isolées à la culture, à l’information et au savoir.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Comme sous la IIIe République, le désenclavement du monde rural passa par un vaste plan de construction de voies de communication, il passe aujourd’hui par le développement des infrastructures numériques. Cela suppose effectivement d’engager un effort sans précédent pour raccorder au très haut débit les écoles des villages isolés.

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Il n’y a pas de très haut débit chez nous !

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Cet effort est mis en oeuvre dans le cadre du plan France Très Haut Débit.

Éduquer au numérique et par le numérique exige également que les enseignants soient mieux formés qu’ils ne l’étaient auparavant. C’est dans cette optique que les futurs professeurs des écoles suivront une formation spécifique dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, dont au moins neuf heures de formation continue en utilisant des ressources numériques.

Quant à la réforme des rythmes scolaires…

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

… dont on parle beaucoup actuellement, elle est particulièrement propice au monde rural. Les activités périscolaires, comme les temps de transport, ne sont pas les mêmes dans une grande ou petite ville.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

L’idée est de permettre aux communes, dans le respect du cadre national des vingt-quatre heures réparties sur neuf demi-journées, d’organiser les temps de l’enfant en fonction des atouts…

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Ça ne marche pas ! Les enfants sont fatigués !

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

… et des contraintes des territoires. C’est une nouvelle souplesse qui bénéficiera particulièrement aux communes rurales…

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Ce n’est pas ce que dit l’association des maires ruraux de France !

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

… qui prendront appui sur ces projets éducatifs de territoire pour mettre en valeur, par exemple, les richesses de leur patrimoine.

La réforme des rythmes permettra de prendre en compte la spécificité des territoires ruraux et de montagne. Je suis allée dans beaucoup de territoires ruraux, à Chamboulive, à Conches-en-Ouches, j’étais tout récemment dans une petite commune à côté de Belfort…

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

.. et à chaque fois j’ai vu des enfants particulièrement épanouis suite à ce nouveau système et qui apprenaient beaucoup de choses. Je crois que vous devriez sortir de Paris et aller voir ce qui se passe ailleurs, notamment, dans la ruralité.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Autrement dit, le code de l’éducation donne déjà toute leur place aux territoires ruraux et de montagne.

Protestations sur les bancs du groupe UMP.

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Mes chers collègues, allons ! Vous aurez la parole tout à l’heure ! Écoutons la ministre !

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Absolument.

Nous faisons en sorte de mettre en oeuvre la lettre de ces textes pour que le bien-être des élèves de ces territoires soit accru et qu’ils bénéficient comme tous les autres des meilleures conditions d’apprentissage et d’enseignement tant dans le domaine scolaire que périscolaire.

La France n’est pas une carte. C’est un alliage de territoires divers, variés, complexes, riches, foisonnants. Depuis la IIIe République, la mission de l’école a toujours consisté, et consistera toujours, à raffermir chaque jour le pacte républicain qui nous unit et qui fait de notre pays une nation. Telle est notre préoccupation !

Je pense qu’il n’est pas indispensable d’ajouter des textes aux textes pour que nous nous sentions concernés par cette question.

La présence de l’école dans tous les territoires et son égal accès pour tous est ce qui soude la communauté de destin de tous les membres de notre nation. Nous tenons ce cap, qui est le seul qui vaille, et nous savons évidemment que nous vous retrouverons avec nous dans cette bataille pour parvenir à l’égalité des territoires.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sophie Dion.

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Monsieur le président, madame la ministre – puisque M. Peillon n’est pas avec nous aujourd’hui, ce que nous ne pouvons que regretter…

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Comme d’habitude, vous n’avez qu’un sous-ministre avec vous !

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Non, non. Vous n’êtes pas une sous-ministre, mais bien une ministre de plein exercice qui représente M. Peillon…

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative

Dont acte.

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La ministre de la réussite éducative, c’est une ministre concernée par le sujet !

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Mais, malgré tout, nous discutons d’un sujet très important. La loi de refondation de l’école de la République méconnaît…

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Malheureusement, je suis obligé de vous dire que nous ne sommes jamais écoutés, ni par vous, ni par M. Peillon. Son absence confirme d’ailleurs le peu d’intérêt que représente pour vous le thème sur lequel nous travaillons (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

La loi de refondation de l’école de la République méconnaît les besoins spécifiques des territoires ruraux et de montagne. C’est une grave lacune qu’il convient de rectifier afin d’assurer une répartition des moyens du service public de l’éducation nationale adaptée à ces particularités territoriales.

Certes, me direz-vous, le rapport annexé à la loi fait référence aux territoires ruraux et de montagne en disant qu’il faut les prendre en compte. Mais c’est là une simple déclaration d’intention. Car, vous le savez bien, madame la ministre, ce rapport n’a aucune valeur normative. Ce n’est qu’une formule de principe et même pas, comme dit le Conseil d’État, du droit « souple » ou du droit « mou ». Ce n’est qu’un voeu pieux.

La proposition de loi de notre collègue Marie-Christine Dalloz, portée par le groupe UMP, tend donc à pallier cette carence en inscrivant dans la loi la notion de territoires ruraux et de montagne. Ainsi, en intégrant ces notions à l’article L. 111-1 du code de l’éducation, vous dépasserez les simples déclarations d’intention.Vous répondrez aux exigences de la loi montagne de 1995 et de la charte pour les services publics en milieu rural du 23 juin 2006. Vous donnerez force de loi à la circulaire du 30 décembre 2011 qui reconnaît le service public de l’éducation nationale en montagne, mais qui est aujourd’hui appliquée de manière discrétionnaire par les académies.

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Vous permettrez aux établissements de disposer des moyens leur permettant d’assurer le service public de l’éducation nationale malgré une moindre densité de population. Vous donnerez à tous les enfants de France, comme vous aimez si souvent le répéter, une égalité de chance de réussite scolaire, qu’ils soient enfants de la ville, enfants des quartiers défavorisés, enfants porteurs de handicaps, enfants allophones, enfants de la campagne ou enfants de la montagne.

Car, voyez-vous, la France et l’École de la République ne s’arrêtent pas à la couronne parisienne ou aux grandes métropoles.

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Vous parlez d’une école plus juste pour les territoires. Mais de quels territoires parlez-vous exactement ? Vos priorités sont uniquement portées par le fait urbain.

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Ne pensez-vous pas qu’il faille aussi envisager les territoires selon leur situation géographique ? Cela permettrait de prendre en compte le fait rural et le fait montagnard. Cette inégalité d’accès à l’école entre les populations citadines et rurales n’est pas acceptable. Elle confirme le désintérêt que porte votre Gouvernement aux territoires ruraux et de montagne dans sa politique générale.

Protestations sur les bancs du groupe SRC.

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C’est vrai pour la loi de refondation de l’école ; c’est encore vrai pour la loi sur le redécoupage cantonal et électoral.

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Parce que vous ne raisonnez qu’en logique comptable, nos territoires sont confrontés aux fermetures de classes.

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Après la RGPP, c’est vous qui dites cela !

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Or l’école, cette école dont aimez tant parler, elle est au centre du village, au centre de la cité. C’est une condition majeure pour préserver la vie et l’attractivité de nos territoires.

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La présence d’une école détermine le choix d’une famille de s’installer ou non dans une commune. La présence d’une école participe au maintien et au développement d’une activité économique locale et de l’emploi. La présence d’une école est un rempart contre la désertification des territoires.

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On aurait voulu vous entendre tenir de tels propos voilà quelques années !

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La fermeture d’une école, d’une classe, c’est la mort annoncée d’un village. Or nous sommes très attachés à nos territoires ruraux et de montagne, à leur identité ; c’est cela qui constitue la richesse de notre pays, de notre histoire et de notre patrimoine.

Nous devons préserver un maillage fort du service public de l’éducation et les regroupements pédagogiques intercommunaux ne sont évidemment pas une solution. Ils entraînent d’autres difficultés, et non des moindres, en termes de transport, de sécurité, de coût, de santé et de qualité de vie pour les enfants.

En montagne, le ramassage scolaire…

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… dure, bien souvent, plus de quarante-cinq minutes pour des distances relativement courtes. Car il faut bien comprendre, madame le ministre, qu’un kilomètre en plaine ou à Paris n’est pas un kilomètre en montagne.

Sourires

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Le temps passé dans les transports, par conséquent, allonge la durée globale consacrée au temps scolaire. Il perturbe l’équilibre chrono-biologique des enfants ainsi que leur qualité de vie. De plus, un climat rude pendant près de six mois dans l’année scolaire, la neige, le verglas…

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…le brouillard, certes, mais pas seulement : la déclivité, les routes sinueuses, sont autant de facteurs qui rendent les transports scolaires en montagne plus risqués qu’ailleurs.

Votre réforme sur les rythmes scolaires…

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Vous y étiez favorables voilà quelques années !

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… justifiée par une prétendue égalité est au contraire une source profonde d’inégalité entre les enfants, entre les écoles, celle de Suresnes, par exemple, ou encore celle de Mouthe, dans le Haut-Jura, des Contamines ou de Vallorcine dans ma circonscription.

Il y a des inégalités profondes entre les communes urbaines et les communes rurales qui n’ont pas les moyens de mettre en place cette nouvelle organisation du temps scolaire. C’est une des nombreuses raisons pour lesquelles le groupe UMP vous demande de reporter cette réforme qui ne satisfait personne…

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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… qui ne suscite que des malentendus, des incompréhensions et des malaises chez les professeurs, les parents, les enfants, y compris à Paris.

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Ce n’est pas le sujet de ce matin ! C’est hors sujet !

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Dans le département de la Haute-Savoie, seules onze communes sur 294 ont mis en place à la rentrée 2013 la semaine de quatre jours et demi. Ainsi, à Paris, comme au Reposoir, dans ma circonscription, le constat est le même. Votre réforme n’est pas adaptée aux projets d’aménagement du temps scolaire dans nos territoires.

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Un exemple très concret, madame le ministre. La pratique des sports d’hiver pour les enfants des écoles des communes de montagne fait partie, pour user d’une formule que vous aimez bien, de leur « modèle éducatif ». Cela est tellement vrai que les sports de montagne offrent un emploi à la plupart des jeunes de nos stations – nous sommes sans doute tous d’accord sur ces bancs pour considérer que c’est là l’objectif fondamental. Du coup, dans ces communes, le mercredi matin est traditionnellement jour d’entraînement pour les sports d’hiver. Mais voilà : le décret relatif à l’organisation du temps scolaire ne permet pas d’accorder de dérogation visant à autoriser, sur la base d’un projet éducatif de territoire, la libération de dix mercredis matin au deuxième trimestre, récupérés ensuite sur une autre période.

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Entendez-nous ! Écoutez-nous ! C’est la même chose pour la réforme du calendrier scolaire : nous ne sommes pas entendus, nous ne sommes pas écoutés. Il faut instaurer un dialogue, même si cela est si souvent difficile avec vous, avec les membres du Gouvernement.

Au-delà des déclarations d’intention, nous voulons que figure, expressis verbis, à l’article L. 111-1 du code de l’éducation, une référence explicite à la spécificité des territoires ruraux et de montagne permettant ainsi une répartition des moyens du service public de l’éducation adaptée aux réalités du terrain.

Nous souhaitons également qu’un décret en Conseil d’État précise les règles d’organisation du service public de l’éducation en secteur rural et de montagne – règles applicables en matière de seuil d’ouverture, de fermeture ou de réouverture ou de concertation avec les acteurs locaux.

Ainsi, nous appelons nos collègues députés de la majorité issus des territoires ruraux et de montagne à rejoindre notre vote en faveur de cette proposition de loi.

La montagne, la campagne ne sont ni de droite, ni de gauche.

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Elles sont notre histoire et notre avenir. Il serait bon que sur cette question-là, qui concerne notre avenir commun, nous puissions nous rassembler.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, depuis que l’homme est homme et qu’il a conscience de ce qu’il est, l’éducation, la transmission d’un certain nombre de savoirs et de valeurs a toujours été au coeur de ses préoccupations. Depuis la société primitive jusqu’aux organisations plus modernes, cela a toujours été un élément fondamental.

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Cela dit, le texte qui nous est présenté aujourd’hui est particulièrement intéressant en ce qu’il propose de prendre en compte la spécificité de certains territoires, notamment les territoires de montagne, définis par la loi du 9 janvier 1985, lequel dispose que « la République française reconnaît la montagne comme un ensemble de territoires dont le développement équitable et durable constitue un objectif d’intérêt national ». Nous sommes bien au coeur de ces enjeux.

Les territoires ruraux et de montagne présentent incontestablement des spécificités. Celles-ci tiennent souvent à leur faible densité de population, au relief, au climat, mais aussi à l’organisation des transports, qui a naturellement des conséquences sur le transport scolaire. Une autre caractéristique des territoires ruraux et de montagne tient à l’existence, dans bon nombre écoles, de classes uniques à plusieurs niveaux. Or on ne peut pas mettre sur le même plan les écoles avec une classe unique ou deux classes de plusieurs niveaux et les écoles urbaines avec des classes regroupant des élèves de niveau homogène.

Ce texte présente des éléments très intéressants, qui devraient nous inspirer quand nous légiférons, comme l’étude d’impact préalable et la prise en compte d’expérimentations réussies, susceptibles d’être généralisées. Car ce qu’il nous est finalement proposé, c’est de généraliser un certain nombre d’expériences qui marchent : je pourrais citer, entre autres références, l’exemple du protocole signé dans le département du Tarn entre le pays du Sidobre et des Monts de Lacaune et l’État, qui reprend les éléments de la charte « Montagne » du 6 février 2008, relatifs à la situation des écoles rurales dans ce secteur de montagne du département du Tarn. Que dit cette charte ? Que les critères pour décider de l’ouverture ou de la fermeture de classes dans ce secteur de montagne seront alignés sur ceux qui existent dans les zones d’éducation prioritaire.

Ce protocole est essentiel, d’abord parce qu’il reconnaît la spécificité des territoires ruraux. Désormais, les fermetures de classe ne répondent plus à un schéma annuel, mais pluriannuel. Cela signifie que lorsque l’éducation nationale veut fermer une classe, elle doit en informer les mairies des communes concernées, non pas six mois, comme c’était souvent le cas, mais trois ans à l’avance, pour que les collectivités locales aient le temps de s’adapter. Il faut que l’évolution des effectifs tienne compte des spécificités de ces zones.

Deuxième apport important, ce protocole assoit des relations de confiance entre l’éducation nationale et les mairies ; dont on sait le rôle éminent dans nombre de domaines, comme l’immobilier, les aides maternelles ou la cantine. Il est donc tout à fait essentiel que les mairies aient avec l’éducation nationale des relations étroites et suivies, particulièrement dans ces territoires de montagne où les regroupements d’école présentent un caractère spécifique. Il n’est qu’à prendre l’exemple du regroupement pédagogique intercommunal de Massals-Montfranc-Le Pourencas, à cheval sur deux départements, le Tarn et l’Aveyron, et sur trois circonscriptions académiques : si ce RPI venait à disparaître, les élèves qui se situent aux marges de ce périmètres, à proximité d’autres écoles, n’auraient pas de difficultés ; en revanche, ceux qui résident au coeur de ce territoire verraient leur temps de transport jusqu’à l’école atteindre une heure et demie, matin et soir.

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Cette situation n’est pas acceptable.

Il importe que la loi s’inspire des expérimentations qui ont réussi sur le terrain, pour mieux prendre en compte la spécificité de ces territoires.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Je ne voudrais pas perturber le déroulement de la discussion générale, telle qu’elle est prévue par le règlement, mais avec votre permission, monsieur le président, je souhaiterais tout de même dire un mot avant la levée de séance.

Je suis soucieux de la sérénité des débats, non seulement en commission, mais aussi dans l’hémicycle. C’est pourquoi j’estime que certaines observations devraient être évitées, d’autant que leur répétition – car elles ont été répétées, d’où ma réaction – peut devenir blessante. Mme George Pau-Langevin représente le Gouvernement ; elle est, comme on dit, sur les bancs du Gouvernement. Elle est la ministre chargée de la réussite éducative ; or nous discutons précisément d’une proposition de loi ayant trait au code de l’éducation. Une nouvelle fois, elle est l’objet de remarques, qui plus est sans raison d’être : si aucun des ministres en charge de l’éducation n’était présent aujourd’hui, l’opposition pourrait à juste titre le regretter, mais ce n’est pas le cas. J’observe du reste que ce n’est pas la première fois, dans un débat sur l’éducation, que Mme George Pau-Langevin se voit obligée de subir ce genre d’attaques qui, à force d’être répétées, deviennent profondément blessantes.

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Je n’ai cité aucun nom et je ne vois pas pourquoi vous vous sentiriez concerné, monsieur Folliot, dans la mesure cela n’a rien à voir avec votre intervention. Je dis simplement que mon oreille a entendu une observation tout à l’heure, qui aurait pu être évitée. Nombre de nos collègues peuvent témoigner, comme moi, du fait que George Pau-Langevin est une ministre remarquable, au service de l’Éducation nationale, consciente de ce que représente la mission de service public de l’éducation. Elle parcourt tous les territoires, y compris les territoires ruraux et les territoires de montagne ; elle y consacre son énergie et sa conviction. Elle est une excellente ministre et nous sommes très fiers de l’avoir au banc du Gouvernement aujourd’hui.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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En application de l’article 58, alinéa 4 du règlement, Mme Sophie Dion a demandé la parole pour un fait personnel.

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C’est un aveu ! Elle n’a pas été citée, mais elle se sent attaquée !

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Allons, mes chers collègues ! Seule Mme Dion a la parole. Ce n’est pas parce que nous parlons des rythmes scolaires qu’il faut que tout le monde s’énerve !

Sourires.

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Monsieur le président, il n’y a, bien évidemment, aucune attaque personnelle, ni d’un côté, ni de l’autre. Je suis tout à fait d’accord avec le président de la commission pour louer votre travail, madame la ministre. Vous vous doutez bien que ce n’est pas moi qui vais vous critiquer, alors que nous sommes toutes les deux des femmes, et des femmes aussi vaillantes l’une que l’autre lorsqu’il s’agit d’exprimer notre point de vue.

Si je me suis permis une remarque, c’est tout simplement parce que j’ai écrit il y a plus de six mois, non pas à vous, madame la ministre, mais à M. Vincent Peillon, pour lui demander un rendez-vous. Son cabinet a été relancé une dizaine de fois, dont deux fois la semaine dernière – je vous en ai fait par en commission. Vous n’y êtes évidemment pour rien, mais cela fait six mois que j’attends, en tant que présidente du groupe d’études « Montagne », d’être reçue par M. Peillon pour parler avec lui du calendrier scolaire. J’aurais été contente de pouvoir en parler avec lui aujourd’hui. Mais je suis tout à fait ravie, madame la ministre, que nous puissions débattre avec vous. Je suis sûre que notre débat sera de grande qualité et je vous en remercie.

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Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la proposition de loi visant à introduire la notion de territoires ruraux et de montagne dans le code de l’éducation ;

Proposition de loi visant à accorder un prêt à taux zéro pour l’aménagement du domicile des personnes handicapées ;

Proposition de loi relative au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports maritimes.

La séance est levée.

La séance est levée à treize heures dix.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron