Séance en hémicycle du 29 novembre 2013 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • client
  • délit
  • délit de racolage
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La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues renforçant la lutte contre le système prostitutionnel (nos 1437, 1558).

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Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant aux amendements nos 12 , 17 et 61 à l’article 3.

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Je suis saisie de trois amendements, nos 12 , 17 et 61 , pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements, nos 12 et 17 , sont identiques.

La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour soutenir l’amendement no 12 .

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Madame la présidente, madame la ministre des droits des femmes, madame la rapporteure et monsieur le président de la commission spéciale, mes chers collègues, cet amendement de repli, par rapport à celui qui supprime le bénéfice du permis de séjour, de travail et de l’allocation temporaire d’attente, ATA, propose de laisser l’octroi d’une carte de séjour provisoire, ainsi que celui d’un permis de travail, mais supprime le bénéfice de l’ATA pour les personnes qui ne portent pas plainte ou ne témoignent pas contre leur proxénète.

Non seulement cette mesure mériterait d’être accompagnée d’une étude d’impact financier, mais l’accumulation des divers dispositifs conduirait inévitablement à rendre la France attractive pour les réseaux de traite.

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La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement no 17 .

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Il s’agit aussi de supprimer l’extension du bénéfice de l’ATA. Je regrette d’ailleurs les amalgames et les caricatures auxquelles M. Cherki s’est livré tout à l’heure. Pour bien montrer que nous sommes un certain nombre à penser que cette mesure n’est pas la bonne, je me contenterai de citer à mon tour, madame la ministre, une déclaration du ministre de l’intérieur lors de son audition par notre commission spéciale. Évoquant le bénéfice de l’ATA, il précisait alors : « Cette mesure m’apparaît prématurée : bien qu’impossible à calculer avec précision, son coût budgétaire n’est pas neutre ; de plus, les personnes concernées ayant droit au travail, il n’est pas nécessaire de leur octroyer une allocation supplémentaire. »

Je ne sais si les critiques de M. Cherki s’adressaient également au ministre de l’intérieur. En tout cas, les déclarations de ce dernier me confortent dans ma demande de suppression de l’extension du bénéfice de l’ATA.

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La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement, pour soutenir l’amendement no 61 .

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Si nous procédions à l’ouverture d’une allocation temporaire d’attente aux personnes prostituées telle que vous l’aviez prévue, monsieur le député, elle ne concernerait, en réalité, que des ressortissants étrangers bénéficiant d’une autorisation provisoire de séjour. Nous comprenons bien pourquoi vous avez, à l’origine, opté pour ce dispositif. Vous souhaitiez simplement faire écho aux dispositions permettant déjà l’ouverture de l’ATA à toute personne qui a déposé plainte contre une personne ayant commis à son encontre l’infraction de traite des êtres humains ou de proxénétisme.

Cependant, nous constatons qu’ouvrir cette ATA de la même façon aux personnes qui s’engageraient dans le parcours de sortie de prostitution créerait une rupture d’égalité à l’égard des femmes qui seraient, elles, de nationalité française ou résidentes stables sur notre territoire et qui ne bénéficieraient pas des minima sociaux, en particulier du RSA. Je pense, en disant cela, aux femmes sans enfant et âgées de moins de vingt-cinq ans. Par ailleurs, et vous l’avez souligné, l’octroi de l’ATA connaît aujourd’hui des dysfonctionnements comme l’ont révélé plusieurs rapports récents.

Le dispositif doit, vous le savez, être réformé en profondeur à la suite de la concertation sur l’asile. Le Gouvernement a décidé, pour ces raisons, de privilégier à ce stade la création, pour toutes les personnes qui s’engagent dans un parcours de sortie de prostitution, d’une aide financière spécifique. Elle sera financée par le fonds dont nous parlons depuis tout à l’heure prévu à l’article 4. Cet amendement est donc, je le pense, de nature à nous mettre tous d’accord.

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La parole est à Mme Maud Olivier, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements.

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Ces personnes doivent être accompagnées financièrement, sinon, il sera extrêmement difficile pour elles de s’en sortir. En effet, travailler ne sera peut-être pas possible dans un premier temps. Cette aide sera donc nécessaire. L’amendement no 61 n’a pas été examiné par la commission. J’émets donc, à titre personnel, un avis favorable. Je suis, en revanche, défavorable aux amendements nos 12 et 17 .

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La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

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Je me félicite de la sécurisation de ce procédé. Je soulignerai un dispositif que l’on n’a peut-être pas assez mentionné depuis que nous débattons de cet article 3 et qu’a voulu notre rapporteure, ce qui est une très bonne chose, à savoir la mise en place d’une commission départementale chargée de suivre les personnes à la sortie de la prostitution. J’insiste sur ce sujet parce que je voudrais que les associations aient conscience que ce sera un changement complet de méthode. Jusqu’à présent, elles se méfiaient plutôt de la police et de la justice parce que les personnes prostituées étant considérées comme coupables, il leur était difficile d’envisager de collaborer.

Les associations, les médecins, la justice et la police seront dorénavant appelés à coopérer au sein de la commission départementale placée sous la responsabilité du préfet pour assurer cette sortie de prostitution. Cette excellente idée de notre rapporteure doit être mise en valeur.

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Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser le montant et la durée de cette aide financière spécifique ? Allez-vous vous caler sur l’ATA ? Le dispositif sera-t-il différent notamment quant à sa durée ? Et anticipant, je le sais, sur l’article suivant, combien de contrats espérez-vous obtenir, et le calibrage financier est-il cohérent avec les perspectives ?

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Le montant exact de cette aide financière sera précisé par décret, mais il est évident que le montant de l’ATA nous servira de référence. La concertation aura lieu avec les associations pour évaluer cette somme.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Elle sera celle du parcours de sortie de prostitution.

L’amendement no 12 n’est pas adopté.

L’amendement no 17 n’est pas adopté.

L’amendement no 61 est adopté.

L’article 3, amendé, est adopté.

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Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits. La parole est à M. Pascal Cherki.

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Cet article extrêmement important est l’un des piliers de cette proposition de loi. Il tend, en effet, à donner des moyens nouveaux à l’accompagnement social pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées. Il s’agit d’inscrire grâce à de nouveaux moyens, au sens budgétaire du terme, cette nouvelle orientation envisagée par cette proposition de loi. Les ressources seront de plusieurs types.

Je citerai, tout d’abord, les crédits d’État dont le montant sera arrêté en projet de loi de finances. Vous pouvez compter sur les députés pour vous soutenir, madame la ministre, et faire en sorte que ce fonds soit dûment abondé. Les recettes proviendront également de la confiscation des biens meubles ou immeubles, divis ou indivis ayant servi directement ou indirectement à commettre l’infraction de traites des êtres humains et de proxénétisme. Nous souhaitons aussi qu’au fur et à mesure du démantèlement des réseaux, la justice puisse prononcer des condamnations et qu’il soit également possible de frapper les réseaux au portefeuille. Enfin, le nouveau fonds bénéficierait d’une partie du produit de l’amende de cinquième classe que nous allons créer.

Vous vous êtes engagée devant la représentation nationale, madame la ministre, à ce que ce fonds soit abondé à hauteur de 20 millions d’euros chaque année. On verra à l’expérience, mais il s’agit selon moi d’un fonds d’amorçage. En effet, l’objectif que nous visons ensemble avec cette proposition de loi est de sortir assez rapidement un quart des prostituées de leur situation et de leur permettre alors de bénéficier de ce fonds. Quand on sait que ces personnes sont environ entre 20 000 et 40 000 et qu’il faudra que l’aide financière soit conséquente pour qu’elles retrouvent rapidement un statut social, on ne peut donc que s’interroger sur le calibrage du fonds. C’est pourquoi je le considère, pour ma part, comme un fonds d’amorçage, certes bienvenu.

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Madame la ministre, cela ne fait que vingt et un ans que je siège à la commission des finances, mais il me semble, comme je l’ai fait observer en commission spéciale, que cet article ne peut être que d’initiative gouvernementale et qu’il doit donc figurer plutôt dans une loi de finances. Je suis favorable à cet article, mais je voterai donc contre ! Je n’ai pas un esprit de paradoxe pour le plaisir, mais je pense que nous devons, mes chers collègues, repousser cet article afin que le Gouvernement le présente dans une loi de finances rectificative. Dans le cas contraire, si soixante députés ou soixante sénateurs saisissent le Conseil constitutionnel, ce que je n’espère pas, cet article sera alors retoqué – pour des raisons de forme et non de fond.

Concernant par ailleurs le financement du fonds – vous avez évoqué la somme d’une vingtaine de millions –, nous avons déjà voté le projet de loi de finances pour 2014 en première lecture. Quand le Gouvernement déposera-t-il un amendement permettant de à la fois de créer un nouveau chapitre et de le doter de 20 millions par redéploiements ? Le fera-t-il lorsque le Sénat se saisira de cette proposition de loi ou lors de l’examen de celle-ci en deuxième lecture à l’Assemblée nationale ? Attention à ce que l’on appelle la « théorie de l’entonnoir » !

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

La tradition, en la matière, est d’ouvrir cette possibilité dans la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui, puis de saisir la toute prochaine loi de finances. Sera-ce le projet de loi de finances rectificative ou le projet de loi de finances pour 2015 ? Cela dépendra de l’entrée en vigueur de la loi.

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Vous voulez parler du projet de loi de finances pour 2014 !

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Cela dépendra de l’entrée en vigueur de la loi.

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L’amendement en question doit être discuté à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, sinon vous ne disposerez d’aucuns moyens, sauf à envisager des décrets d’avance, opération que vous mettrez des mois à obtenir de votre collègue du budget. Vous devez lui demander de prévoir la dotation de 20 millions dès le projet de loi de finances pour 2014, même si nous n’avons pas encore voté la proposition de loi. Sinon, cela signifie que rien ne sera fait en 2014.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Pour l’année 2014, on fonctionnera avec les crédits d’État !

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La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour soutenir l’amendement no 51 .

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Par cet amendement, nous proposons d’ajouter la réduction des risques sanitaires parmi les objectifs des actions financées par le fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées. Nous allons ainsi dans le sens de cette proposition de loi qui a pour objectif précis de protéger les personnes prostituées dans tous les domaines en accordant les moyens nécessaires. La réduction des risques sanitaires doit en faire partie au-delà de ce que j’évoquais précédemment, à savoir papiers, moyens de vivre et aide à la recherche d’un emploi.

Vous l’avez évoqué vous-même, madame la ministre, ce matin, le taux de mortalité des personnes prostituées est beaucoup plus élevé que celui du reste de la population. Nous savons que les violences et les viols qu’elles subissent quotidiennement portent atteinte à leur santé et que les risques, s’agissant de la santé sexuelle, sont décuplés – maladies sexuellement transmissibles, VIH, lésions vaginales ou autres… La liste est longue.

Nous souhaitons donc par cet amendement réaffirmer notre volonté indéfectible de mieux protéger les personnes prostituées en évoquant les risques sanitaires.

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La commission a accepté cet amendement car il est urgent d’agir davantage pour réduire les risques sanitaires. Ce que nous faisons est nettement insuffisant.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Tout d’abord, que les choses soient claires, monsieur de Courson : l’action est déjà ouverte dans le budget de l’État. Simplement, elle est dotée de 2,4 millions d’euros alors que nous souhaitons qu’il y en ait 20. Pour l’année qui vient, nous allons abonder le fonds et c’est pour 2015 que nous inscrirons dans la loi de finances initiale 20 millions au minimum.

Tout le système se tient. Le produit des contraventions et la saisie des biens des proxénètes viendront alimenter le fonds, qui est par ailleurs abondé par l’État. Il y a donc une profonde logique à adopter cette proposition de loi avant que les 20 millions d’euros ne soient totalement mobilisés.

Madame Hoffman-Rispal je suis très favorable à votre amendement. Vous avez raison de souligner l’importance d’un suivi sanitaire, et cela me permet de préciser le contenu exact du parcours de sortie de la prostitution.

Il y aura des actions spécifiques pour favoriser l’accès au droit des personnes prostituées – aide juridictionnelle, droit au séjour, accès au minimum vieillesse. Cet accès au droit commun est, au-delà des 20 millions mobilisés par le fonds, un vrai sujet : nous avons rencontré des personnes prostituées d’un certain âge qui ignoraient même qu’elles avaient droit au minimum vieillesse ou à un certain nombre d’allocations.

Il y aura par ailleurs une prise en charge des soins préventifs ou curatifs et des programmes de réduction des risques sanitaires –notamment les multi-addictions, qui, on le sait, sont fréquentes ; une mise en oeuvre d’outils individualisés d’aide à la recherche d’emploi, y compris une aide à la mobilité professionnelle et aux frais de garde d’enfants ou d’habillement ; le lancement d’actions de formation pour les personnes prostituées ; la mise en place également de programmes de formation à destination des forces de sécurité pour renforcer la lutte contre la traite, aspect sur lequel nous sommes tous convenus qu’il fallait se concentrer.

Votre amendement vient enrichir ce parcours et je m’en réjouis.

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Je vais paraître peut-être un peu techno, mais c’est pour que l’article 4 soit opérationnel.

En droit budgétaire, la loi organique interdit les amendements d’initiative parlementaire affectant les recettes à des dépenses. L’article 4 est donc totalement contraire à la loi organique et le Conseil constitutionnel l’annulera tout de suite s’il y a un quelconque recours. Ce qu’il faut donc, madame la ministre, c’est obtenir de votre collègue du budget un compte d’affectation spéciale en faveur d’un fonds pour la prévention de la prostitution, et ce dès la loi de finances initiale de 2014. Il n’est pas trop tard.

M. Cherki proposait que nous écrivions, avec le président et la rapporteure, au ministre des finances pour lui demander de déposer un amendement dans ce sens. Je sais que l’immense majorité de l’Assemblée est favorable à cet article, mais c’est au Gouvernement d’intervenir en la matière car nous ne pouvons pas, nous, déposer un tel amendement qui serait alors déclaré irrecevable.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

J’entends votre remarque, monsieur le député, mais le fonds en question, nous l’envisageons non pas comme un fonds d’affectation spéciale mais plutôt comme un fonds de concours, un peu sur le modèle du fonds d’expérimentation pour la jeunesse. Ce sera donc une action du budget de l’État, à laquelle seront rattachés notamment les produits des contraventions. Il est difficile pour le Gouvernement de déposer un amendement pour ouvrir un fonds dont nous ne connaissons pas précisément ce qu’il contiendra puisque la proposition de loi n’a pas encore été adoptée. Nous ouvrons une possibilité et nous y reviendrons en loi de finances.

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Du point de vue du droit, madame la ministre, vous avez raison de dire que nous ne savons pas ce que vont rapporter les saisies sur les biens des proxénètes et les amendes. Il faut attendre que la loi soit promulguée et entre en application pour qu’elle puisse produire ses effets.

On peut raisonnablement penser que la moitié au moins des 20 millions prévus initialement devront être des crédits d’État. Pour M. de Courson, vu la ligne budgétaire qui existe aujourd’hui, soit vous ferez des décrets d’avance en cours de procédure budgétaire, soit il faut abonder le fonds dès maintenant. Or le problème, c’est que nous ne pouvons pas le faire nous, sinon ce serait une charge nouvelle, à moins que le Gouvernement n’accepte de lever un gage. Nous proposons donc qu’à partir du moment où la loi sera votée en première lecture – ce qui devrait être le cas –, le Gouvernement dépose, soit dans le cadre de la deuxième lecture du projet de loi de finances, soit dans la loi de finances rectificative, un amendement abondant le fonds à due concurrence du montant qu’il devra selon lui verser à la fin. Ce peut être 8, 10, 12 ou 14 millions, c’est à vous de le déterminer, sachant, si j’ai bien compris, qu’à terme ce sera 20 millions en année pleine.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Pour être plus précise, monsieur Cherki, l’engagement, c’est qu’il y aura 20 millions d’euros venant de l’État. Le produit des contraventions viendra compléter ces 20 millions de ce fonds d’amorçage comme vous l’avez parfaitement décrit vous-même tout à l’heure.

L’action existe déjà dans le programme 137, qui est aujourd’hui doté de 2,5 millions, ce qui est très peu – nous sommes bien d’accord. Nous atteindrons les 20 millions par transfert de crédits, et il n’y a donc pas besoin de créer une action différente de celle qui existe déjà, qui sera abondée, en plus des 20 millions mobilisés par l’État, par les contraventions et les saisies des biens des proxénètes.

L’amendement no 51 est adopté.

L’article 4, amendé, est adopté.

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La parole est à Mme Marie-Louise Fort, inscrite sur l’article 6.

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L’article 6 modifie l’accès à un titre de séjour pour les personnes étrangères victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme. Comme je l’ai expliqué dans la discussion générale, ce sera un appel d’air pour une immigration violente et clandestine car les proxénètes n’auront aucun mal à convaincre des personnes en détresse de se prostituer pour avoir un titre de séjour.

Murmures sur les bancs du groupe SRC.

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Peut-être serait-il nécessaire de demander un rapport d’évaluation pour bien analyser les effets et l’évolution des réseaux. Nous avons besoin d’avoir une idée de ce qui se passe face à ce que l’on peut appeler parfois une grande improvisation.

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Je souhaiterais insister sur le fait que cet article fait primer le droit des victimes, qu’elles dénoncent ou non les réseaux de traite et de proxénétisme. Je vous ai donné un exemple tout à l’heure, monsieur Goujon. Nous savons pertinemment que les personnes victimes de la traite ne sont en général pas capables de dénoncer les réseaux auxquelles elles sont soumises.

Ces réseaux sont d’une violence inouïe, ils sèment la terreur, terrorisent les personnes prostituées, leur font subir des violences sans nom, ce qu’on appelle l’abattage. Souvent, ils terrorisent les familles restées au pays ou sur le sol français – Mme la ministre l’a évoqué ce matin. Nous pouvons comprendre qu’elles aient peur de les dénoncer. Elles sont souvent venues d’ailleurs, elles ont accumulé des dettes astronomiques pour payer leur passage à cause du racket des réseaux. Grâce à cet article, ces femmes seront des victimes et non pas des coupables. La proposition de loi permet une grande avancée philosophique. Nous abandonnons l’idée que ces femmes seraient aussi coupables ; non, ce sont des victimes.

Je voudrais remercier M. Geoffroy et Mme Bousquet pour le travail qu’ils réalisent depuis plusieurs années, complété bien sûr par celui de Mme Olivier et de Mme Coutelle. C’est grâce à ce travail, sérieux, que j’ai beaucoup évolué, moi qui avais encore quelques doutes. Quand au fait que le Gouvernement dépose un amendement en séance, dois-je rappeler que cela est souvent le cas, même quand le texte en question a été déposé depuis six mois, en raison de la complexité du fond ?

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La parole est à M. le président de la commission spéciale.

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Cet article est fondamental parce qu’il permet vraiment de donner corps à l’idée selon laquelle ce texte n’est pas seulement une loi de pénalisation du client mais aussi une loi visant à permettre aux personnes prostituées de sortir de la prostitution et d’avoir un espoir concret que ce qu’il leur est proposé pour en sortir n’est pas fallacieux.

Les préoccupations exprimées par Mme Fort et M. Goujon, je les partage – et, si l’on y réfléchit bien, il n’y a aucune raison qu’elles ne soient pas partagées par toute l’Assemblée. Je rappellerai deux éléments avant de faire part d’une information qui m’est parvenue lors de l’interruption de nos travaux.

Premier élément : nous nous sommes posé les mêmes questions, dans les mêmes termes, avec les mêmes interrogations, voire les mêmes inquiétudes avec le cabinet d’Éric Besson lorsque nous étions à l’ouvrage sur la loi du 9 juillet 2010. Nous avions encadré les choses, comme c’est le cas pour ce texte – les amendements nous permettront en tout cas d’en donner l’assurance –, pour qu’il n’y ait pas d’appel d’air. Et il n’y en a pas eu, ainsi que cela a pu être constaté.

Second élément : si les réseaux voulaient s’engouffrer dans la brèche en disant aux personnes qu’ils vont chercher que, si elles se prostituent et affirment vouloir en sortir, elles auront des papiers, cela ne fonctionnerait pas. Ce que nous n’avons pas assez souligné en effet, c’est que ces personnes, pour une grande partie d’entre elles, croient venir en Occident pour trouver du travail et non pour se prostituer. Cela ne veut pas dire que, si elles avaient su qu’on allait les prostituer, elles auraient refusé parce que, de toute façon, elles n’étaient pas capables de refuser quoi que ce soit. Mais il est plus facile pour les réseaux de dire à ces personnes qu’ils vont les soustraire de l’enfer – qu’ils ont eux-mêmes créé – en les emmenant dans les paradis de l’Ouest que de leur dire carrément qu’elles vont se prostituer et qu’on les aidera ensuite à avoir des papiers. Si elles souffrent, si elles savent qu’elles vont se prostituer, qu’est-ce que cela peut leur faire d’avoir des papiers si leur destin, c’est de rester prostituées ?

Je partage donc les interrogations qui se sont fait jour parce que je les partageais en 2010 à l’occasion de la loi relative aux violences faites aux femmes, mais je crois qu’elles ont maintenant leur réponse.

L’information que je souhaitais apporter, c’est qu’un dispositif de même nature a été adopté en Italie, et le résultat est là, plusieurs mois après : il n’y a pas eu d’appel d’air.

Il me semble que l’ensemble de ces trois éléments est de nature, sinon à rassurer totalement nos collègues, du moins à commencer à les rassurer. Je crois en tout cas que cet article est vraiment fondamental.

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Nous en venons aux amendements à l’article 6.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 32 .

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Je suis très heureux d’entendre les propos de M. Geoffroy. Cela change de la tonalité des propos tenus en commission, où nous avons pu entendre parler d’appel d’air par Mme la rapporteure,…

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…de même que par Mme Neuville. Pour l’avoir écoutée depuis, je me réjouis cependant qu’elle ait évolué sur la question, en l’occurrence d’un accès au droit sans contreparties.

Cet amendement propose de délivrer automatiquement une carte de séjour temporaire aux victimes ou aux personnes qui témoignent dans une affaire de traite. Selon le rapport statistique du ministère de l’intérieur publié en 2013, seules trente-six cartes de séjour temporaire ont été délivrées en 2012 à des personnes victimes de la traite suite à une plainte ou à un témoignage dans une procédure pénale, et, selon le comité interministériel de contrôle de l’immigration, une seule personne a bénéficié d’une carte de résident en 2011 – une seule personne alors que l’on nous dit que 90 % des prostituées sont victimes de la traite. Ces chiffres sont très faibles et en baisse depuis 2010 ; je rappelle que soixante-sept titres avaient été délivrés cette année-là.

Le pouvoir discrétionnaire du préfet, les associations nous l’ont dit, est un frein important à la délivrance des titres aux victimes. Le dépôt de plainte ou le témoignage n’offrent aucune garantie de régularisation, alors que les risques encourus sont majeurs. La garantie d’un titre de séjour est un élément fondamental pour les victimes. Il faut donc rendre ce dispositif bien plus protecteur pour elles. C’est ce que propose cet amendement.

Je rappelle que, dans un avis de décembre 2009, la Commission nationale consultative des droits de l’homme recommandait de délivrer de plein droit à tout étranger qui engage ou participe à une procédure pénale ou civile en tant que victime de traite ou d’exploitation une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale ». J’espère que Mme la rapporteure sera sensible aux recommandations de la CNCDH.

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Je suis sensible à beaucoup de recommandations, mais, que les choses soient claires, je n’ai jamais parlé d’appel d’air, monsieur Coronado.

Je comprends votre intention mais il y a une vraie difficulté : le simple dépôt d’une plainte ne signifie pas que celle-ci soit fondée. Le risque de détournement peut être extrêmement important. Il en va de même pour le témoignage. Il est donc important de conserver le pouvoir d’appréciation du préfet. Celui-ci aura à sa disposition, de la part notamment des services de police et de gendarmerie, les éléments indispensables pour apprécier si le demandeur est effectivement victime des infractions de traite ou de proxénétisme. Avis défavorable.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Le Gouvernement, monsieur le député Coronado, estime que l’attribution d’une carte de séjour temporaire ne peut jamais être un automatisme. On ne peut pas dessaisir le préfet de son pouvoir d’appréciation. Mme la rapporteure a absolument raison : il faut que le préfet puisse apprécier si l’accusation qui a été portée contre les auteurs de traite est crédible ou s’il s’agit, cela peut exister, d’une accusation imaginaire ou calomnieuse. Cette faculté d’appréciation est importante et ce n’est pas non plus le régime de l’arbitraire que vous avez décrit, car les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont claires. Selon l’article L. 316-1, lorsque l’étranger satisfait aux conditions définies par cet article et qu’il a rompu tout lien avec les auteurs présumés des infractions de traite, la carte de séjour temporaire d’une durée minimale de six mois lui est délivrée par le préfet.

Par ailleurs, le travail de la commission spéciale apporte, grâce à cette proposition de loi, des améliorations que je vous rappelle et qui devraient vous agréer. D’une part, la carte de séjour temporaire sera renouvelée de plein droit pendant toute la durée de la procédure pénale, si les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. D’autre part, une nouvelle procédure d’admission au séjour pour les victimes de la traite ou du proxénétisme est instituée pour les victimes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution, indépendamment de leur coopération avec les autorités judiciaires – ce qui devrait vous satisfaire.

Je suis sensible à votre argumentation quant au nombre de personnes qui, victimes de la traite, saisissent les juges ou la police. Comme je l’ai dit dans mon introduction, nous sommes en train, avec plusieurs ministères, de travailler à un plan national de lutte contre la traite des êtres humains dans lequel nous voulons prendre de nouvelles mesures qui compléteront utilement cette PPL. Il s’agit, d’une part, de faciliter la domiciliation des victimes de la traite lors du dépôt des demandes de titre et, d’autre part, de revenir sur le délai de réflexion de trente jours donné aux victimes pour choisir de bénéficier ou non de la possibilité d’admission au séjour sous réserve de porter plainte contre les auteurs. Ces mesures seront à mon avis fort utiles pour améliorer le système.

J’y ajoute celle que nous avons commencé à adopter dans le cadre du projet de loi sur l’égalité femmes-hommes qui, après le Sénat, reviendra prochainement devant vous : l’exonération des taxes sur la primo-délivrance ou le renouvellement des titres de séjour pour les femmes étrangères victimes de violence ou de traite.

Tout cela constitue, petit à petit, un ensemble pour beaucoup mieux accompagner les femmes victimes de la traite ou de l’exploitation sexuelle, et les encourager à porter plainte et à sortir de leur enfer. J’espère que cela vous conviendra. En tout état de cause, l’avis du Gouvernement sur votre amendement est défavorable.

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Je n’ai pas parlé de système arbitraire, j’ai utilisé le terme de « frein ». Ce terme a été utilisé par beaucoup de parlementaires socialistes dans leurs rapports sur les politiques migratoires sous la précédente législature. Ainsi, le rapport de notre collègue Patrick Mennucci parlait de frein notable par les préfets à l’acquisition de la nationalité, ce qui a été confirmé par les chiffres. Je ne dénonce pas un système arbitraire, je dis simplement que le pouvoir discrétionnaire du préfet peut être un frein.

Ce qui m’a conduit à déposer cet amendement, c’est que l’on dit que l’écrasante majorité des prostituées, 90 ou 95 %, sont victimes de traite, alors qu’il y a extrêmement peu de condamnations pour ce motif et de titres de séjour délivrés à celles et ceux qui ont eu le courage de dénoncer ces réseaux. Il me semble que c’est dû à l’incertitude que ressentent ces personnes.

Je ne crois pas du tout aux dénonciations mensongères évoquées, qui seraient motivées par le souhait d’avoir des papiers. Les risques encourus sont bien trop grands. Comme vous l’avez bien décrit, quand on victime de la traite, on est soumis à la contrainte, à la violence, au chantage sur sa famille. Je ne crois pas que des personnes prostituées qui vivent dans des situations de très grande violence s’amusent à jouer avec l’administration française à ce type de jeu qui pourrait très facilement se retourner contre elles. Je maintiens donc mon amendement. J’estime que l’analyse de la CNCDH est correcte, ainsi que sa préconisation.

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Pour avoir été pendant quinze ans militant d’une organisation antiraciste et m’être occupé, dans sa commission juridique, puis en tant qu’avocat, de droit des étrangers, je suis assez sensible à l’argument de M. Coronado.

J’entends ce que vous dites, madame la ministre, et je comprends la cohérence et la logique du propos gouvernemental, mais j’inverserai l’ordre des facteurs. Peut-être qu’il y aura quelques abus, mais l’article 316-1 dispose, relativement à la personne étrangère : « Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public » : c’est là déjà une condition d’examen substantielle. La notion d’ordre public est assez large pour permettre au préfet d’apprécier les choses.

Nous sommes en train de bâtir un système juridique à double niveau dans lequel une personne qui prend le risque de témoigner se voit délivrer une carte de séjour temporaire et, si son témoignage aboutit à une condamnation définitive, une carte de résident. Eu égard à la violence, que nous dénonçons tous, faite aux victimes de la prostitution, ne peut-on pas passer du « peut-être » à un « est délivré » ? Si, sur 300, 400 ou 500 titres de séjour délivrés, deux ou trois sont frauduleux, le préfet aura toujours la possibilité de retirer le titre puisque c’est un titre d’un an renouvelable chaque année.

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Mon cher collègue Cherki, si vous votez cet amendement, vous allez justifier les critiques, notamment de notre collègue Jean Goujon.

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Le pouvoir du préfet n’est pas un pouvoir absolu. Il sera encadré par une instruction ou une circulaire du ministre.

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Je souhaite revenir sur plusieurs points, car il semble qu’il y ait des amalgames entre les fameux droits et les fameux devoirs. Sortir de la prostitution n’est pas du tout un devoir avec ce que l’on est en train de construire, c’est un droit pour les personnes victimes de la traite et du proxénétisme. De même, bénéficier d’une autorisation de séjour est, avec cette proposition de loi qui apporte à cet égard une très nette amélioration, également un droit. Mais jamais, pour personne en France, une telle autorisation n’est de délivrance automatique !

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Pourquoi alors prévoir une exception dans le cas particulier ? Il nous faudrait changer la législation dans toutes les autres situations, ce qui compliquerait considérablement les choses !

Par ailleurs, je ne crois pas que ce soit notre rôle de législateur de remettre ainsi en cause les préfets. Ce ne sont pas des militants, ils ne défendent pas une idéologie ; ce sont des représentants de l’État, qui appliquent très strictement la loi. C’est leur rôle, et le nôtre est d’en parler avec le respect dû à l’État.

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Habitant la Seine-Saint-Denis et connaissant bien les conditions de délivrance des papiers à la préfecture, je ne crois pas que ce soit une remise en cause des préfets que de souligner le fait que, pour obtenir un rendez-vous afin de déposer un dossier, il faut parfois attendre un an et demi. Le problème est celui des moyens dont disposent les préfets pour examiner et suivre les dossiers.

Il peut y avoir des fraudes, mais il s’agit en l’occurrence d’autorisations très provisoires. Le préfet pouvant ne pas la renouveler au bout d’un an, il n’y a donc pas de danger que se mette en place un système pour profiter de ces possibilités. Ne faisons pas peur.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Dans le cadre du plan de lutte contre la traite que j’ai annoncé, nous avons d’ores et déjà prévu l’envoi d’une circulaire aux préfets pour préciser la nécessité d’appliquer ces dispositions. Je continue de penser qu’il vaut mieux préciser ce type de choses par circulaire plutôt que d’introduire un automatisme dans la loi.

L’amendement no 32 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 31 .

L’amendement no 31 est retiré.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 33 .

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Cet amendement porte sur la question de la délivrance des titres de séjour à l’issue de la procédure pénale. Actuellement, le deuxième alinéa de l’article L. 316-1 du CESEDA prévoit qu’en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné. Cette carte n’est pas délivrée de plein droit, malgré les risques qu’a pu prendre la personne.

La rédaction actuelle de l’article L. 316-1 du CESEDA ne tient pas non plus compte du fait que de nombreuses procédures sont classées sans suite ou annulées, pour des raisons très diverses. Cet amendement vise donc à sécuriser le parcours des personnes ayant déposé plainte ou témoigné, en permettant qu’une carte de résident puisse leur être délivrée dans ce cas, sans que cette délivrance soit automatique.

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J’avais également déposé un amendement allant dans ce sens, mais je l’ai retiré. Toutefois, mon amendement était plus équilibré : il subordonnait la délivrance d’une carte de résident à la régularité du séjour et à l’ordre public. Ces deux conditions sont toujours prévues dans un tel cadre. L’amendement de M. Coronado ne comporte pas ces réserves, qui sont pourtant tout à fait indispensables.

Par ailleurs, la délivrance d’une carte de résident valable dix ans quelle que soit l’issue de la procédure pénale ne me paraît pas justifiée. Si la procédure n’aboutit pas à une condamnation pénale des auteurs pour des raisons ne remettant pas en cause la réalité de faits rapportés par la victime, les préfets ont toujours la possibilité de délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l’article L. 313-11 du CESEDA, c’est-à-dire pour des motifs tenant à la vie familiale ou privée, ou sur celui de l’article L. 314-1 du même code, pour des raisons exceptionnelles ou humanitaires.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Pour les mêmes raisons, l’avis du Gouvernement est également défavorable.

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Il s’agit là d’une question de cohérence avec le vote émis par l’Assemblée nationale sur l’amendement no 32 . Nous avons refusé d’accorder de plein droit une carte de séjour temporaire d’un an à un plaignant étranger, sous prétexte qu’il fallait laisser au préfet la possibilité d’apprécier la réalité de la motivation de la plainte – en d’autres termes, de vérifier l’absence de fraude. Or, si la plainte aboutit à une condamnation définitive, cela signifie que le témoignage de la victime a été décisif dans le déclenchement de la procédure. Si nous ne voulons pas accorder un titre de séjour de plein droit au début de la procédure, nous devons le faire à la fin ! Je soutiens donc l’amendement de M. Coronado.

L’amendement no 33 n’est pas adopté.

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La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 8 .

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Cet amendement de suppression d’une partie de l’article 6 est en réalité un amendement d’appel, afin que le dispositif consistant à octroyer un permis de séjour temporaire et un permis de travail aux personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution soit mieux défini dans la loi.

On le sait, les étrangers qui entrent illégalement en France sont parfois à un niveau de détresse et de désespérance tel que certaines personnes pourraient non pas détourner le dispositif en prétendant abusivement qu’elles ont été prostituées, mais recourir sciemment à la prostitution afin d’obtenir, dans un second temps, un permis de séjour et de travail.

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Ce risque a-t-il vraiment été mesuré et pris en compte ?

Si l’on regarde, dans le même temps, l’article 7 de la proposition de loi, qui vise à octroyer l’allocation temporaire d’attente aux personnes qui s’engagent dans un parcours de sortie de la prostitution, et ce désormais sans condition de plainte ou de témoignage contre un proxénète, il est permis de penser que les réseaux pourraient vraiment détourner le dispositif.

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Ne faisons pas preuve d’angélisme sur cette question ! Il ne s’agit pas d’un raisonnement vicieux ou tordu,…

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…mais d’un raisonnement lucide et réaliste. Le présent amendement vise donc à éviter tout appel d’air migratoire ou risque de détournement de visa.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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Votre appel a été entendu, madame Duby-Muller, puisque la commission spéciale a réécrit l’article 3 et précisé le contenu et les modalités du parcours de sortie de la prostitution prévu par l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles. Par ailleurs, la condition de prise en charge par une association pour la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour a été remplacée par celle d’être « engagée dans un parcours de sortie de la prostitution ». La délivrance d’une autorisation provisoire de séjour sera ainsi conditionnée au suivi d’un parcours de sortie de la prostitution, dont le cadre a été significativement précisé. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Je souscris entièrement aux commentaires de Mme la rapporteure.

M. le président de la commission spéciale l’a déjà dit : de même qu’il est très rare de voir arriver sur le territoire national des femmes qui se mettent volontairement en situation de victimes de violences pour pouvoir bénéficier de dispositifs généreux, nous verrons très rarement des femmes se mettre volontairement en situation de prostitution pour bénéficier de ces systèmes.

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C’est vrai ! Il était insupportable d’entendre de telles insinuations dans la bouche d’une femme !

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Quand on connaît la violence que représente la prostitution, on ne peut pas imaginer qu’une femme puisse se prostituer dans le but d’obtenir des papiers !

L’amendement no 8 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement no 18 .

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Il est défendu. Je veux simplement redire que nous ne partageons absolument pas la vision totalement angélique et naïve qui nous est exposée à longueur d’amendements.

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D’un côté nous sommes des fachos, de l’autre nous sommes des naïfs !

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Nous voulons que notre pays puisse bénéficier d’un dispositif protecteur, ce qui n’empêche pas d’oeuvrer pour la réinsertion de ces personnes.

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Cessez de nous insulter, madame Guigou, vous qui de plus venez seulement d’arriver !

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Je vous en prie, mes chers collègues ! Seule Mme la rapporteure a la parole.

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Nous nous passerons des insultes de la majorité !

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Le débat était serein jusqu’à ce que Mme Guigou intervienne !

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Pour les mêmes raisons que précédemment, l’avis de la commission est défavorable.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Avis défavorable.

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Ce n’est pas M. Goujon, c’est M. « Goujat » !

L’amendement no 18 n’est pas adopté.

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Je suis saisie de deux amendements, nos 34 et 35 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour les soutenir.

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Dans son étude sur la traite et l’exploitation des êtres humains en France publiée en octobre 2010, la Commission nationale consultative des droits de l’homme recommande qu’un titre de séjour temporaire soit remis de plein droit et sans condition à tout victime de traite ou d’exploitation. Elle rappelle que « subordonner leur délivrance à la cessation d’une activité licite constitue une discrimination, en violation des textes internationaux auxquels la France est partie ». En conditionnant la délivrance d’un titre aux seules femmes ayant cessé l’activité de prostitution, une catégorie de victimes est fragilisée.

Par ailleurs, l’activité prostitutionnelle ne peut être assimilée à un délit ou à une faute. En outre, cette condition introduite par la loi serait difficile à contrôler ; elle ne prend pas non plus en compte la difficulté de certains parcours de sortie de prostitution, qui ne sont pas linéaires. Quelques mois ne suffisent pas pour sortir d’une activité, rémunératrice dans certains cas, exercée pendant plusieurs années. Ces parcours de sortie sont parfois très chaotiques. Il me paraît donc assez illusoire de considérer qu’il est possible de sortir de la prostitution du jour au lendemain, pour bénéficier à la fois d’un parcours de sortie et d’un titre de séjour. L’angélisme est plutôt de ce côté-là !

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Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

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Il ne s’agit pas d’angélisme, mais de poursuite d’un processus. Nous voulons encourager les personnes à sortir de la prostitution.

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Avec ce que vous proposez, monsieur Coronado, ces personnes ne seront nullement incitées à sortir de la prostitution : au contraire, elles pourraient continuer à se prostituer. Les effets de vos amendements seraient donc totalement inverses à ceux que nous recherchons. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Je n’ajouterai que quelques mots aux explications de la rapporteure. Quand on lit à la fois les amendements de Mme Fort et M. Goujon et ceux de M. Coronado, on voit bien que l’enjeu de ce texte consiste à trouver un équilibre fragile,…

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

…avec des garanties et une cohérence profonde. La philosophie de cette proposition de loi est de donner aux personnes les moyens de sortir de la prostitution, donc de les accompagner réellement en leur offrant une alternative, sans qu’elles continuent leur existence infernale en même temps ! Nous poursuivons un objectif précis : réduire le nombre de personnes prostituées. C’est pourquoi nous créons un système de garanties.

Je veux répondre à nouveau aux députés de l’opposition. Ce sont les associations qui connaissent les personnes et qui seront en mesure d’attester auprès de l’autorité administrative qu’elles sont engagées dans un parcours de sortie de la prostitution. L’accompagnement par les associations est donc extrêmement important : il évitera les dérives et empêchera les personnes n’ayant rien à voir avec le système prostitutionnel de bénéficier des avantages de ce parcours de sortie. Mais en même temps, un certain nombre de règles et de cadres sont nécessaires pour atteindre l’objectif que nous nous fixons, à savoir la réduction du nombre de personnes prostituées.

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Maintenez-vous vos deux amendements, monsieur Coronado ?

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Un jour, il sera peut-être nécessaire de débattre sérieusement du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Mais ce n’est pas l’objectif de la présente proposition de loi.

Concernant l’amendement no 34 de M. Coronado, je lis la première phrase de l’exposé sommaire : « Il n’y a pas lieu, concernant l’autorisation provisoire de séjour, d’instaurer un traitement différent à l’égard des victimes qui continuent l’activité de prostitution et celles qui l’ont cessé. » C’est justement toute la différence politique et idéologique que nous avons sur ce texte !

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Mme la rapporteure vient de le dire : nous voulons adopter un texte pour lutter contre la prostitution et pour aider les femmes à s’en sortir. Ce n’est pas en leur proposant des papiers même si elles continuent de se prostituer que nous allons les aider à s’en sortir ! Il faut être sérieux ! Cette proposition de loi a pour objectif d’aider ces femmes qui souffrent à sortir de la prostitution.

Monsieur Coronado, vous prônez la liberté sexuelle et considérez la prostitution comme une forme de liberté. Pour ma part, je ne le pense pas. Les articles relatifs au parcours de sortie de la prostitution, que nous venons d’examiner, envisagent la réalité de manière pragmatique. C’est en aidant ces femmes – voire ces hommes – à sortir de la prostitution que nous leur rendrons une liberté réelle.

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Je vous invite à retirer vos amendements, monsieur Coronado. J’ai été, comme vous, partisan d’une régularisation des sans-papiers sur des critères simples, comme en 1981. Je regrette d’ailleurs que nous ne l’ayons pas fait au cours de cette législature : je crains que nous rencontrions les mêmes difficultés que lors de la régularisation de 1997.

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Vous essayez d’emporter par tous les moyens quelque chose que nous n’avons pas obtenu. Je peux comprendre votre démarche, mais nous discutons aujourd’hui d’un texte ayant une cohérence globale, qui consiste à construire un schéma de sortie de la prostitution en accordant notamment des cartes de séjour.

Comme je vous l’ai déjà dit, il aurait été mieux venu que vous déposiez un amendement – mais vous le ferez peut-être en deuxième lecture – visant à réparer le déséquilibre qui caractérise l’article 6. Les personnes qui s’engagent dans un parcours de sortie de la prostitution ne peuvent bénéficier que d’une autorisation provisoire de séjour, tandis que celles qui témoignent peuvent se voir accorder une carte de séjour. À mon sens, il faudrait donner une carte de séjour temporaire à toutes les prostituées, soit qu’elles témoignent, soit qu’elles s’engagent avec des associations dans un parcours de sortie de la prostitution. En effet, cette différence de traitement ne se justifie pas au regard de la violence que subissent les femmes prostituées, et que nous voulons combattre grâce à la proposition de loi dont nous sommes en train de débattre et que nous allons, je l’espère, adopter.

Voilà pourquoi je vous invite, monsieur Coronado, à retirer vos amendements et à réfléchir à un amendement de ce type, que vous pourriez déposer en deuxième lecture.

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La parole est à M. le président de la commission spéciale.

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Monsieur Coronado, je comprends et respecte vos références renouvelées à un travail de la CNCDH.

Je ne prends pas de risque, je dis ce que je pense : je suis persuadé que la CNCDH s’est trompée sur ce point. Son avis transfère une violence vers un objet juridique non identifiable, au motif que notre législation entraînerait une discrimination. En l’espèce, le mouvement intellectuel de la CHCDH est boiteux – je le dis au risque d’engager un débat fort intéressant avec cette instance. Je le répète : la CNCDH s’est trompée en formulant un avis qui nous emmènerait dans le mur.

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Nous discutons longuement de ce sujet, mais c’est un des points importants de notre loi, et je veux souligner combien on va améliorer la situation existante.

Aujourd’hui, une personne prostituée de nationalité étrangère n’obtient des papiers que si son proxénète est condamné, ce qui suppose un parcours extrêmement long, difficile et tortueux. Nous proposons une amélioration tout de même considérable : tant que la procédure est en cours, la personne sera sécurisée.

Mme la ministre l’a dit, nous sommes sur le fil, entre ceux qui ne veulent régulariser personne et ceux qui voudraient régulariser tout le monde. Cet article se situe dans la logique absolue de la sortie de la prostitution que nous voulons. Les intéressées ne cessent de nous dire : « Mais avec votre texte, vous allez diminuer le nombre de nos clients. » Eh bien, ma réponse est oui : nous voulons moins de prostitution en France.

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Pour avoir l’honneur d’être le représentant de l’Assemblée nationale à la CNCDH, je suis bien placé pour rappeler que c’est une institution qu’il ne faut pas instrumentaliser dans nos débats.

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Elle est extrêmement plurielle et diverse, et la richesse des débats qui ont lieu en son sein n’est pas restituée ce soir à travers les quelques lignes citées dans un exposé sommaire et tirés d’un avis lui-même au demeurant fortement discuté.

Sourires.

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Avant de vous répondre, madame la présidente, je souhaite revenir sur les propos de Mme Coutelle : je partage totalement votre argumentation, chère collègue, mais il fallait alors voter l’amendement qui proposait de donner une carte de séjour une fois la condamnation actée. En ne l’ayant pas fait, vous vous êtes contredites.

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J’entends bien ce qu’a dit notre collègue Cherki. C’est en effet un débat qui n’est pas clos et qui sera repris sans doute au Sénat, puis à nouveau à l’Assemblée.

Je ne crois pas instrumentaliser la CNCDH en reprenant ses propres préconisations, et je n’ai jamais dit qu’il fallait régulariser tout le monde. Mais il faut comprendre qu’il s’agit d’un public très particulier que celui des personnes prostituées victimes de la traite : il ne s’agit pas de donner des papiers à qui veut bien en demander. Il s’agit de donner des papiers à des victimes qualifiées comme telles et de leur donner ainsi un espace d’autonomie car ne pas avoir de papiers, c’est aussi être encore et toujours entre les mains du proxénète ou de celui qui organise la traite. Tel était le sens de ces deux amendements, que je retire, madame la présidente.

Les amendements nos 34 et 35 sont retirés.

L’article 6 est adopté.

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Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 62 , 13 et 22 , tendant à supprimer l’article 7.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 62 .

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Il s’agit d’un simple amendement de coordination avec l’article 3. Ainsi que je l’ai expliqué, l’ouverture de l’allocation temporaire d’attente aux personnes qui réalisent un parcours de sortie de la prostitution se heurte au principe constitutionnel d’égalité. Nous avons choisi de privilégier la création d’une aide financière spécifique qui sera abondée par le fonds prévu à l’article 4.

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La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour soutenir l’amendement no 13 .

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Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

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L’avis est bien sûr favorable à ces amendements de suppression en raison de la modification apportée à l’article 3.

Les amendements identiques nos 62 , 13 et 22 sont adoptés et l’article 7 est supprimé.

Les articles 8 et 9 sont successivement adoptés.

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Je suis saisie d’un amendement, no 53 , portant article additionnel après l’article 9 et qui fait l’objet d’un sous-amendement, no 64 .

La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour soutenir l’amendement.

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Les personnes en situation de prostitution ne sont pas des délinquantes. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant. Cet amendement vise donc à aggraver les sanctions à l’encontre des auteurs de violences, d’agression sexuelle ou de viol à l’égard des personnes prostituées en faisant expressément figurer celles-ci dans la liste des personnes vulnérables.

Seule sur le terrain ou au cours de maraude avec des associations qui oeuvrent quotidiennement au service des prostituées – j’en profite pour saluer ces associations –, toutes les informations que j’obtiens sont concordantes : les violences qu’elles subissent sont importantes et bien souvent du fait de leurs clients. J’en veux pour preuve l’enquête réalisée par Médecins du monde auprès des prostituées chinoises à Paris, très nombreuses dans ma circonscription : 86 % d’entre elles ont déclaré avoir subi au moins une forme de violence depuis leur arrivée en France, dont 55 % la violence physique, 38 % au moins un viol et 23 % la séquestration. S’agissant des prostituées dites traditionnelles, une étude de l’institut de veille sanitaire, déjà citée par une collègue, nous apprend que 55 % des personnes interrogées déclarent avoir subi des violences physiques au cours des douze derniers mois et 48 % avoir été violées au cours de leur activité. Qu’en est-il des hommes et des transgenres ? 32 % des hommes et 39 % des transgenres prostitués, interrogés dans le cadre de la même étude, affirment avoir été violés au moins une fois.

De tels chiffres sont particulièrement éloquents. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter mon amendement afin d’affirmer haut et fort à tous ceux qui seraient tentés de violenter, de quelque manière que ce soit, des personnes en situation de prostitution, qu’il ne s’agit pas d’une circonstance atténuante mais, bien au contraire, d’une circonstance aggravante.

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La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement no 64 .

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Je tiens tout d’abord à remercier Mme Dagoma pour cet amendement qui met à jour, une fois de plus, la vulnérabilité particulière des personnes prostituées. Ces derniers jours, on a vu des faits divers dramatiques les concernant. L’intérêt du débat que nous avons aujourd’hui sera peut-être aussi de libérer la parole et de faire communiquer sur ces actes malheureusement quotidiens.

Je suis évidemment favorable à votre amendement tendant à aggraver les sanctions lorsque des agressions sexuelles, des viols, des actes de torture et barbarie sont commises sur ces personnes particulièrement vulnérables. Je propose seulement, madame la députée, de préciser par ce sous-amendement que cette disposition s’applique quand la victime exerce son activité de prostitution. Il s’agit de clarifier l’objet de votre amendement.

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Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement et sur l’amendement ?

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La commission est tout à fait favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

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Lors de la discussion générale, M. Tourret a évoqué le lien entre le viol et la prostitution. Pour ma part, je considère avant toutes choses que cet amendement a l’avantage d’aborder une question majeure : la fréquence des viols et des violences en général à l’encontre des personnes prostituées. Or, loin d’être considéré comme un facteur aggravant, la situation prostitutionnelle apparaît au contraire dans notre société comme un facteur de non-reconnaissance du viol.

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Ainsi, il y a quelques années, alors que j’exerçais à Paris, dans un grand hôpital, près des Grands Boulevards, je voyais plusieurs fois par semaine de jeunes prostituées qui y exerçaient leur activité venir me raconter leur nuit. Un beau jour, l’une d’entre elles, qui avait dix-huit ans, m’a raconté comment elle s’était fait violer pendant plusieurs heures, dans un parking souterrain, par deux hommes. Cela m’avait évidemment bouleversé et je l’avais immédiatement envoyé chez mon collègue gynécologue pour les constatations d’usage. Quelle ne fut pas ma stupéfaction quand le médecin en question m’a rappelé pour me dire que je déraisonnais : s’agissant d’une prostituée, il ne pouvait y avoir eu viol ! J’ai alors compris le fossé qui pouvait encore exister entre la réalité et certaines constructions mentales.

Cet amendement fait prendre conscience de cette injustice – et le mot est faible – à l’encontre des personnes prostituées. C’est pourquoi il est très important qu’il soit repris dans la proposition de loi.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.

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Mes chers collègues, êtes-vous sûrs qu’en votant cet amendement, on ne va pas exclure de la disposition les personnes prostituées ponctuelles et non occasionnelles ? N’y aura-t-il des magistrats qui vont interpréter ainsi l’amendement ? Alors que l’état actuel du droit permet au juge d’aggraver la sanction si la personne a été victime dans le cadre de son activité prostitutionnelle, mais si elle ne l’a pratiquée qu’une fois. Après le vote de l’amendement, le juge dira qu’une fois, ce n’est pas occasionnel.

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Je crains donc que la disposition proposée ne se retourne contre le but poursuivi. Occasionnel supposant un certain nombre de fois,…

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…Les juges risquent d’exclure de l’application du texte le purement ponctuel.

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Je rejoins un peu cette dernière préoccupation. J’exprimerai à cet égard un doute sur le sous-amendement puisque sa rédaction pourrait être en contradiction avec l’amendement défendu par notre collègue Seybah Dagoma. En effet, il est prévu de compléter l’alinéa 3 par les mots : « si les faits sont commis dans l’exercice de son activité ». Or lorsque c’est très ponctuel, ce n’est pas « son » activité mais « cette » activité. Un exercice unique n’est pas une activité.

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Monsieur Denaja, vous suggérez donc au Gouvernement de rectifier son sous-amendement ?

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Pour répondre à M. de Courson, je précise que le qualificatif « occasionnelle » est la formule consacrée dans les cas de vulnérabilité. On ne peut pas le remplacer par « ponctuelle » parce que, dans le code pénal, c’est le terme utilisé pour tout ce qui relève de la prostitution de mineurs. J’ajoute que même si c’est une seule fois, c’est de l’occasionnel.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Pour compléter ce que vient de dire Mme la rapporteure, j’indique que la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser qu’occasionnel pouvait signifier « une fois ».

Le terme couvre donc bel et bien tous les cas de figure.

J’admets que la sémantique proposée par M. Denaja est plus claire que la nôtre. La formulation « dans l’exercice de cette activité » me semble bienvenue et j’accepte de rectifier le sous-amendement.

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L’amendement est ainsi rectifié : remplacer le mot : « son », par le mot : « cette ».

Le sous-amendement no 64 , tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.

L’amendement no 53 , sous-amendé, est adopté.

Les articles 10, 11 et 12 sont successivement adoptés.

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La parole est à M. Guy Geoffroy, président de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement no 43 .

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J’ai proposé cet amendement afin qu’il y ait un lien dans la loi entre la disposition supprimant le délit de racolage et la directive européenne du 5 avril 2011, notamment son article 8. Je l’ai fait dans le droit-fil du rapport de la mission d’information dans lequel nous indiquions que s’il y avait un vrai problème concernant le délit de racolage sous toutes ses formes, il ne fallait pas se priver des moyens d’investigation qui sont liés à ce délit et qui permettent de recueillir un maximum d’éléments pour traquer les réseaux. Nous avions d’ailleurs prévu une clause de revoyure un an après la mise en oeuvre de la loi pénalisant et responsabilisant le client de la prostitution. Cela étant, nous savions à l’époque que la finalisation de la directive européenne était proche. C’est celle-ci qu’il nous faut aujourd’hui prendre en compte.

Bien sûr, on peut interpréter cette directive d’une manière plus ou moins contraignante. Mais son esprit de la directive est bel et bien respecté en l’occurrence. On ne peut d’un côté affirmer que, dans la plupart des cas, la prostitution est le fait de la traite des êtres humains, donc qu’il ne faut pas poursuivre pénalement des personnes qui sont des victimes et, d’un autre côté, maintenir un élément juridique qui, de fait, peut mettre en difficulté sur le plan pénal les personnes prostituées.

Je m’inscris là dans les propos du ministre de l’intérieur qui, tout en concluant à la nécessité de supprimer le délit de racolage, a déclaré devant la commission spéciale qu’il fallait que nous réfléchissions aux moyens de continuer sans faiblir les investigations dans le domaine du proxénétisme et de la traite des êtres humains.

Cet amendement est donc dans le droit-fil du travail que nous avons mené, et je l’assume totalement. Mais il serait bon que le Gouvernement confirme que la suppression de ce délit n’a pas vocation à faire un coup politique en soulignant que l’on revient par là sur ce qu’avait fait le ministre de l’intérieur en 2003. Il faut être lucide, pragmatique et efficace. Supprimons ce délit parce que l’esprit et la lettre de la directive nous le commandent, mais disons que l’on trouvera dans notre dispositif juridique actuel les moyens et la volonté politique de tout faire pour que les réseaux ne s’engouffrent pas dans la brèche que, malencontreusement, nous aurions pu ouvrir.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Favorable.

Je voudrais seulement que vous précisiez un point, monsieur Geoffroy : votre question était sans doute rhétorique lorsque vous demandiez si le Gouvernement était en train de faire un coup en abrogeant le délit de racolage passif ? Je tiens à vous redire à quel point nous sommes convaincus de la cohérence profonde de ce texte et que ce ne sont pas des coups que nous faisons aujourd’hui, mais une politique de long terme.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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J’apprécie les efforts sémantiques du président de la commission spéciale…

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...et j’entends également la ministre essayer de nous rassurer, mais cela ne peut pas marcher comme cela. Ce ne sont que des paroles. Paroles, paroles…

Certains d’entre nous s’interrogent sur cette directive et sur son rôle s’agissant de supprimer le délit de racolage.

D’abord, le texte présenté par le Gouvernement, qui visait précisément à transposer cette directive et que nous avons adopté en 2013, ne contenait pas cette abrogation.

Ensuite, le rapport sénatorial sur la proposition de loi de Mme Benbassa, dont l’objectif était précisément de supprimer le délit de racolage, ne contient aucune mention de la directive. L’argument de l’existence de celle-ci n’est pas utilisé pour justifier l’abrogation.

Enfin, un doute et même plus qu’un doute subsiste car, selon nous, cette directive, notamment son article 8, n’exige pas que soient abrogées les incriminations. Il est seulement demandé, dans le cas de poursuites pénales, que, pour des faits commis par une victime de la traite, celle-ci ne puisse ne pas être condamnée par le juge. D’ailleurs, le ministère de l’intérieur confirme que, dans 94 % des cas d’incrimination pour racolage, la relaxe est prononcée. On ne peut donc pas dire qu’il y ait une sanction massive. Et le rapport de la commission des libertés du Parlement européen sur cette directive confirme cette interprétation.

Pour conclure, c’est l’effectivité des poursuites et des sanctions par l’incrimination qui sont en cause. Nous considérons donc que votre décision de supprimer le délit de racolage est un choix politique, non une nécessité juridique. Tous les efforts faits pour interpréter dans ce sens cette directive ne valent pas pour nous. Nous considérons que nous ne pouvons pas perdre le peu de moyens d’investigation que nous avons encore aujourd’hui pour lutter contre les proxénètes.

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Je voudrais saluer le travail de ma collègue sénatrice, Esther Benbassa, qui est à l’origine de l’abrogation du délit de racolage, car j’ai été heurté par les propos de Mme la ministre quand elle a présenté l’initiative d’Esther Benbassa comme une forme de désintérêt pour le reste des questions liées à la prostitution.

Esther Benbassa a proposé seulement l’abrogation du délit de racolage, parce que c’était dans le cadre d’une proposition de loi. Il était donc difficile d’aller au-delà, surtout quand on ne bénéficie pas, comme c’est le cas aujourd’hui pour la rapporteure, du même soutien que, madame la ministre, vous manifestez à cette PPL. On n’avait pas l’impression, à l’époque, que l’on pouvait marcher main dans la main sur ces questions. Mme Esther Benbassa avait donc limité ses efforts à l’abrogation du racolage.

Cela étant, il est savoureux d’entendre aujourd’hui M. Geoffroy, président de la commission spéciale. J’avais oublié qu’il avait été favorable à la pénalisation.

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Il est l’un de ceux qui pensaient à l’époque que le délit de racolage aurait les mêmes effets aujourd’hui que la pénalisation des clients. En relisant votre rapport, monsieur Geoffroy, je me suis rappelé que vous y trouviez des vertus.

J’espère que l’Assemblée – bien que l’hémicycle soit quelque peu désert – votera l’abrogation de ce délit, non pas parce que l’Europe nous y oblige, mais simplement parce que, depuis dix ans, le constat est fait que la pénalisation du racolage conduit à une catastrophe sanitaire et à une très grande précarité pour les personnes prostituées.

Vous ne semblez pas d’accord, monsieur Geoffroy.

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Finalement, vous, vous êtes acculé par l’Europe à adopter cette position en faveur de l’abrogation. Mais j’espère que mes collègues ne se sentiront pas contraints par l’Europe de voter cette mesure, mais qu’ils la voteront simplement au regard des conditions sanitaires catastrophiques que subissent les personnes prostituées du fait de cette décision prise par l’ancienne majorité.

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M. Goujon dit que vouloir supprimer le délit de racolage est un choix politique, car de toute façon, il y avait beaucoup de relaxes.

Oui, c’est un choix politique ! C’est tout le choix de cette proposition de loi qui considère que les personnes prostituées sont des victimes et que, par conséquent, elles ne doivent pas être sanctionnées. Ce sont les proxénètes, les réseaux qui doivent l’être, ainsi que les clients qui doivent être responsabilisés et sanctionnés.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Je vais essayer de faire un effort de synthèse entre les différentes voix qui se sont exprimées.

Que les choses soient claires : la directive est une invitation supplémentaire à l’abrogation du délit de racolage passif, mais je confirme – Marie-George Buffet m’a enlevé les mots de la bouche – que c’est bien un choix politique que nous faisons,…

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

…un choix profondément cohérent. Nous voulons changer la perspective sur la prostitution, voir les victimes là où elles sont et les responsables là où ils sont. Nous assumons totalement l’abrogation du délit de racolage passif.

D’ailleurs, monsieur Coronado, puisque vous m’avez interpellée sur ce sujet, vous aurez noté que, lorsque votre collègue a déposé cette proposition de loi au Sénat, je l’ai soutenue sans aucune ambiguïté, car j’estimais depuis fort longtemps que ce délit devait être abrogé.

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La parole est à M. le président de la commission spéciale.

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Monsieur Coronado, je ne suis acculé à rien. Je m’efforce seulement d’être conséquent et cohérent. Dire que l’on peut être acculé par l’Europe, c’est faire l’économie du fonctionnement de la machine européenne par rapport aux États membres. Je le dis en toute transparence et je l’assume, je me suis exprimé auprès des collègues de mon groupe sur ce sujet en soulignant que l’on ne pouvait pas avoir participé, sous la précédente législature, aux discussions qui ont conduit à la directive de 2011 et vouloir aujourd’hui s’en défaire.

Le Gouvernement que je soutenais à l’époque a fait le choix d’accompagner le cheminement vers cette directive, notamment son article 8. Je ne suis donc pas acculé par ce texte : je suis au contraire en totale cohérence.

Ce n’est pas une surprise de savoir que si nous aboutissons au même résultat, nous ne partons pas, avec le Gouvernement, du même point de départ. Mais nous avons décidé d’être efficaces et d’être utiles aux personnes prostituées. Si elles comprennent de plus que si nous n’avions pas totalement les mêmes opinions, nous sommes cependant à leur service pour les sortir de la prostitution, je pense que ce débat n’aura pas été inutile.

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Mes chers collègues, pourquoi passons-nous notre temps à nous tourner vers le passé ? Tournons-nous vers l’avenir ! Qu’on soit pour ou qu’on soit contre, de toute façon, la transposition de la directive a déjà été votée ici, en première lecture, au mois de juillet. Le président de la commission spéciale ne fait que rappeler cela dans son amendement.

Que vous soyez pour ou contre la disposition, cela n’a aucune importance. De toute façon, il faut l’abroger !

L’amendement no 43 est adopté.

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La parole est à M. Philippe Goujon, inscrit sur l’article, mais peut-être puis-je considérer, monsieur Goujon, que vous vous êtes déjà exprimé à l’occasion de l’amendement no 43  ?

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Non, madame la présidente, je me suis exprimé sur les déclarations de M. Geoffroy et sur la directive. Nous allons maintenant avoir un débat sur le racolage.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous pouvons, nous aussi, faire un choix politique, à l’instar de Mme Buffet, mais ce sera évidemment le choix inverse.

Le délit de racolage, qui permet d’ailleurs le placement en garde à vue, fait vraiment partie selon nous des outils extrêmement utiles, pour ne pas dire indispensables aux services de police afin d’enquêter sur les proxénètes et les réseaux, madame Buffet. C’est cela qui compte ! Certes, les prostituées sont des victimes, nous le disons tous. Mais il importe aussi de disposer des moyens juridiques d’enquêter et de remonter les filières jusqu’à ceux qui tirent les ficelles. Notre objectif commun, c’est quand même d’extraire de la misère ces femmes réduites en esclavage.

Ainsi, à Paris, la première phase de la mise en oeuvre du délit de racolage passif a abouti à une hausse des condamnations pour racolage passif en 2004 et 2005, à hauteur d’un millier par an. Cela avait aussi permis d’améliorer l’ordre public dans un certain nombre de secteurs parisiens que connaissent bien quelques élues de notre ville ici présentes, dont Mme la présidente. Le nombre de prostituées sur la voie publique y a chuté considérablement.

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Aujourd’hui, c’est l’inverse. La moitié des interpellations pour racolage sont classées sans suite et font rarement l’objet de poursuites devant le tribunal correctionnel. Il s’agit le plus souvent d’un simple rappel à la loi non dissuasif. Le problème, c’est qu’il en résulte un fort sentiment d’impunité parmi ceux qui exploitent la misère humaine, non pas les prostituées mais les souteneurs, les proxénètes et les réseaux. La brigade de répression du proxénétisme, qui d’ailleurs n’a pas été entendue dans le cadre de la commission, qui a travaillé très vite, considère qu’un tiers des procédures de répression du proxénétisme ont pour point de départ des informations recueillies pendant la garde à vue pour racolage.

Il s’agit donc d’un outil que la police souhaite conserver, comme nous l’a d’ailleurs dit le chef de l’OCRIEST. Il permet aux prostituées d’entrer en contact avec la police et ce, sans être soupçonnées par leurs proxénètes d’avoir volontairement engagé une telle démarche, partant sans risque de représailles. Tel est l’un des intérêts réels du délit de racolage. D’ailleurs, M. le ministre de l’intérieur lui-même a fait part de son embarras à la perspective de sa suppression car il permet aux services de police de proposer, en cours de garde à vue, de coopérer à l’arrestation des exploiteurs.

Il a même indiqué qu’en pratique les services de police recourent à ce délit avec discernement et sont souvent sollicités par les prostituées indépendantes qui leur signalent les nouvelles arrivées fraîchement livrées par les réseaux. Il y a donc une entraide tout à fait utile. En outre, le placement en garde à vue ouvre des droits, dont celui d’être examinée par un médecin. Il s’agit souvent du premier contact avec un professionnel de santé depuis l’arrivée de la prostituée en France. Celle-ci peut être informée de ses droits et orientée vers une association ou une structure de soins. Voilà pourquoi il faut maintenir le dispositif, en complément bien entendu des mesures de protection des victimes de la prostitution.

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Je dirai quelques mots supplémentaires sur un article qui est, selon moi, aussi important qu’emblématique du changement de regard sur la prostitution que nous entendons promouvoir. On a entendu dire, encore à l’instant, que le délit de racolage institué en 2003 avait pour objectif de protéger les prostituées.

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Il s’agit selon moi d’une théorie complètement aberrante. Comment peut-on imaginer protéger par la création d’un délit ? En réalité, le délit de racolage émanait d’une logique purement sécuritaire. Il a eu pour conséquence non pas la protection des personnes prostituées mais leur inscription dans le camp des coupables et des délinquants, ce qui les a poussées vers la clandestinité et les a parfois cachées aux yeux des riverains de certains quartiers. Je suis moi aussi élue de Paris, je sais aussi de quoi je parle. Il a entraîné des placements en garde à vue, des jugements et des condamnations, car il y en a bien eu. Sacrée protection pour ces personnes !

Pour nous, l’abrogation du délit de racolage est une nécessité politique afin d’inverser la charge de la preuve, cesser enfin de considérer les personnes prostituées comme des coupables et donner à celles qui le souhaitent la protection que l’on doit aux victimes. Vous avez évoqué tout à l’heure, madame la ministre, le rappel par M. le ministre de l’intérieur du faible impact du délit de racolage sur le démantèlement des réseaux. De ce fait, avancer que c’est un moyen de recueillir des témoignages sur ces réseaux pour maintenir ce délit est un argument sans valeur.

Nous changeons donc de logique et construisons autour de l’abrogation du délit de racolage une autre politique et d’autres outils, en particulier ceux qui frapperont désormais les clients et dont nous reparlerons tout à l’heure. Ils se complètent dans la proposition de loi en une démarche globale visant à accompagner et protéger les personnes prostituées au lieu de les condamner et à lutter efficacement contre les réseaux et les proxénètes.

Enfin, je dis ce soir, car je n’ai pas eu l’occasion de le faire au cours de la discussion générale, ma fierté de défendre un texte qui n’a rien à voir avec des questions de morale ou de pudibonderie, comme on nous le rétorque trop souvent, mais réaffirme des principes selon lesquels on ne peut, dans notre société, acheter des corps d’homme ou de femme comme on remplit son frigo quand on fait ses courses. Le texte met en place une démarche logique, simple et très concrète visant à affaiblir la demande pour démanteler les trafics de ceux qui se font de l’argent par la traite humaine.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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Je ne vais pas relancer le débat, Mme Carrey-Conte et tous les collègues qui sont intervenus avant moi sur le choix politique consistant à supprimer le délit de racolage l’ont très bien balisé. Un élément de votre argumentation m’a laissé perplexe, mon cher collègue Goujon, car il est contradictoire. Selon les services de police spécialisés, dites-vous, un tiers des affaires de proxénétisme auraient été résolues grâce aux gardes à vue menées dans le cadre du délit de racolage public. C’est selon vous sans risque pour les prostituées car leur proxénète ne peut leur reprocher, grâce à ce délit, d’être à l’origine des poursuites qui les visent.

Mais une fois que vous interpellez une prostituée et que vous la mettez en garde à vue, soit elle parle, soit elle ne parle pas. Si elle ne parle pas, comment remonter à la source ?

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Ce n’est pas moi qui le dis, c’est M. le ministre de l’intérieur !

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Laissez-moi terminer ! Si elle parle, le méchant proxénète est visé et dire qu’il n’en voudrait pas à la prostituée au motif qu’elle a été interpellée dans le cadre du délit de racolage public me semble être assez léger.

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Dites-le à M. Valls, c’est lui qui dit cela !

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En ce qui me concerne, j’ai bien entendu les arguments de ceux qui voudraient conserver le délit de racolage. Si je comprends bien, il s’agit de le conserver afin de pourchasser les proxénètes, faute de quoi, comme vient de le dire mon collègue, les personnes prostituées n’iront jamais dénoncer leurs proxénètes à la police.

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Mais comparons avec d’autres cas. Connaissez-vous d’autres cas de criminalisation des victimes, en tous cas de gens qui n’ont rien fait, permettant de mener une enquête ou d’attraper et condamner l’auteur des violences ? Imaginez par exemple que l’on crée un délit visant les femmes victimes de violences conjugales afin de pouvoir les emmener au commissariat pour qu’elles y dénoncent l’auteur des violences, en l’occurrence leur mari ou leur compagnon !

On voit bien que cela n’a pas de sens et que le délit a été créé initialement pour le maintien de la tranquillité publique. Après tout ce que nous avons dit aujourd’hui sur l’objectif de la proposition de loi en faveur des personnes prostituées, sur les violences décrites maintes et maintes fois, sur le fait que l’immense majorité des personnes concernées sont bien victimes de violences graves, le message à envoyer me semble clair. Il n’y a plus aucune raison de les considérer comme des délinquantes.

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D’ailleurs, toutes les études le prouvent : c’est dans les pays où les personnes prostituées sont considérées comme des délinquants ou des délinquantes, comme c’est le cas dans certains États des États-Unis pratiquant la prohibition de la prostitution et dans les pays de l’Est, en particulier en Russie où les prostituées se retrouvent souvent en prison, que l’on constate des problèmes sanitaires et que les personnes prostituées sont malheureusement le plus souvent séropositives. Nous devons donc être très vigilants sur ce point. L’article d’abrogation du délit de racolage est vraiment l’une des pierres angulaires de la proposition de loi.

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Nous en venons à l’examen des amendements à l’article 13. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 6 et 19 .

La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour soutenir l’amendement no 6 .

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Cet amendement de suppression est un amendement d’appel qui vise à alerter le législateur sur les conséquences néfastes de la suppression du délit de racolage. On peut regretter à bon droit la disparition d’un outil pénal permettant aux services de police de collecter des renseignements utiles à la lutte contre les réseaux et de créer l’opportunité d’obtenir des témoignages de prostituées sans risque de représailles des proxénètes. On peut regretter que rien dans la proposition de loi qui nous est soumise ne vienne contrebalancer une telle perte de moyens d’investigation. Là réside notre critique primordiale ce soir.

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Le moyen d’investigation, c’est l’OCRIEST !

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La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement no 19 .

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Je n’ajouterai quasiment rien à ma précédente intervention, d’ailleurs largement inspirée des déclarations de M. le ministre de l’intérieur et des différents services de police que nous avons auditionnés. Je me pose néanmoins une question. L’applicabilité immédiate dès l’entrée en vigueur de la loi de la suppression du délit de racolage entraînera l’abandon de toutes les poursuites judiciaires basées sur ce fondement actuellement engagées contre les réseaux criminels en vertu du principe de la loi pénale la plus douce.

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Ils ne sont pas poursuivis pour racolage mais pour proxénétisme !

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J’aimerais donc savoir, madame le ministre, comment vous traiterez le sujet.

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Beaucoup de choses ont été dites, je serai donc brève. À l’évidence, le délit de racolage fragilisait énormément les personnes prostituées : victimes du proxénétisme et de la traite, mais considérées comme des délinquantes. Elles subissaient une double peine bien lourde à porter qui a conduit certaines à la clandestinité dans des lieux plus reculés. Tel ne sera pas le cas, je le dis tout de suite, avec la pénalisation ou en tout cas la responsabilisation du client, contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là.

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Quoi qu’il en soit, le recours au délit de racolage se faisait de moins en moins fréquent. Les personnes ne dénonçaient que très peu leurs proxénètes car elles savaient ce qu’elles risquaient.

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Il existe des moyens de pression très forts sur elles, raison pour laquelle elles ne dénonçaient pas. Certes, la police pouvait remonter la filière par le biais des téléphones ; mais je vous rassure, monsieur Goujon, d’autres dispositifs sont prévus. M. Valls, que vous citez beaucoup, s’est dit favorable à la pénalisation du client car il faut bien remplacer le délit de racolage que l’on supprime.

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Nous sommes d’accord, mais ce n’est pas suffisant !

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Incriminer dorénavant les clients de la prostitution rend caduque l’incrimination du racolage. En fait, il existera une nouvelle peine pour lutter contre les réseaux. J’ajouterai que les moyens de la police actuellement consacrés au racolage, restreints mais réels, pourront justement être consacrés à l’application de l’article 16 relatif aux clients.

Bien évidemment, il faudra faire évoluer les mentalités et les méthodes de travail. Mais nous n’avons rien inventé. Nous sommes allés voir en Suède, M. Geoffroy en particulier l’a fait il y a deux ans. Le rapport qui s’en est suivi montre que ce système fonctionne très bien. La police suédoise fait son travail et je suis sûre que la police française est tout aussi intelligente et apte à utiliser les mêmes moyens de lutte contre les réseaux et le proxénétisme. Recourir au téléphone et aux sites internet, c’est efficace. Nos policiers sauront tout à fait procéder de même.

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La pénalisation relève de la contravention et non du délit, par conséquent aucune garde à vue n’est possible !

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Je tenterai, mesdames et messieurs les députés, de calmer les esprits. Quelles que soient les raisons qui ont présidé à l’adoption en 2003 du délit de racolage passif, je reconnais avoir eu moi aussi affaire à des professionnels de police qui nous ont dit son utilité pour connaître les personnes prostituées. J’ai entendu l’un d’entre vous ajouter que c’est souvent la première occasion pour les personnes prostituées victimes de la traite d’avoir affaire à un médecin et d’avoir accès aux premiers soins. J’entends absolument cet argument. Mais il faut bien comprendre que la proposition de loi amène un changement complet de perspective.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Je reprendrai l’image très forte mobilisée par Ségolène Neuville tout à l’heure et à laquelle j’étais moi-même en train de penser. Imaginons qu’on dise d’une femme victime de violences conjugales que la meilleure façon de la protéger, c’est de la criminaliser afin de l’emmener au poste de police et lui faire rencontrer un médecin. Non, je suis désolée ! Il faut juste changer sa façon de penser ! Faire rencontrer à ces victimes, quelles qu’elles soient, des personnels de santé et leur trouver un hébergement, d’accord, mais sans les inscrire dans un dispositif de criminalisation et en les considérant pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des victimes.

Tel est l’objet de l’abrogation du délit de racolage passif et de la création du parcours de sortie de la prostitution. En effet, quels sont les objectifs du parcours de sortie de la prostitution ? Connaître les personnes prostituées et les personnes victimes de la traite, leur offrir un accompagnement et un premier contact avec des professionnels de santé dans un cadre protecteur et non un cadre insécurisant. J’y insiste, quelles que soient les motivations initiales de l’instauration du délit de racolage, celui-ci a eu pour effet d’éloigner les personnes prostituées de l’institution, dont elles se sont méfiées.

Elles voyaient les policiers comme des ennemis qui venaient les arrêter. Les associations d’accompagnement des personnes prostituées nous disent qu’elles avaient du mal à nouer un lien de confiance avec ces personnes, qui craignaient d’être dénoncées ou identifiées par la police. Aujourd’hui, par cette proposition de loi, nous introduisons une modification fondamentale : les personnes prostituées n’auront plus de raisons d’avoir peur des institutions ni de la police, qui est là pour les protéger. Aussi je maintiens qu’il est absolument nécessaire d’abroger ce délit de racolage passif. Je répète ce que l’un d’entre vous vient de dire : a contrario, cela va permettre à la police de se concentrer sur le reste, sur la lutte contre le proxénétisme. D’ailleurs, le ministre de l’intérieur le précisait au cours de son audition : l’OCRTEH, l’office central pour la répression de la traite des êtres humains, qui est en charge de cette question et qui compte seize enquêteurs, aura besoin d’accueillir au moins dix policiers supplémentaires. La police judiciaire de Marseille, qui abrite également une brigade de répression du proxénétisme réunissant douze policiers, devra en comprendre dix-huit en 2014. L’idée est donc de développer les moyens pour s’attaquer aux vrais responsables, ce à quoi nous ajoutons la responsabilisation du client. Nous sommes sur la bonne voie en abrogeant ce délit de racolage passif.

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Je veux préciser à M. Goujon les propos du ministre de l’intérieur, tels que reproduits à la page 314 du rapport : « Pourtant, la relation entre le nombre de racolages publics constatés et le démantèlement des réseaux de proxénétisme reste aujourd’hui incertaine. » C’est lui-même qui l’affirme : il ne va donc pas demander le maintien de la pénalisation du racolage. Au regard de ces constats, la suppression de ce délit apparaît logique, la recherche des réseaux de proxénétisme ne pouvant expliquer à elle seule sa survivance. Par ailleurs, les personnes prostituées pourront être entendues comme témoins assistés. Mme la ministre l’a très bien dit : nous introduisons un changement complet. Si nous voulons que les associations travaillent avec les personnes prostituées pour les aider à sortir de la prostitution, elles ne doivent plus être considérées comme des délinquantes. Telles sont les raisons pour lesquelles nous mettons fin au délit de racolage.

Les amendements identiques nos 6 et 19 ne sont pas adoptés.

L’article 13 est adopté.

Debut de section - Permalien
De nombreux députés SRC

Très bien !

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La parole est à Mme Maud Olivier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 39 .

L’amendement no 39 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

L’article 14, amendé, est adopté.

Article 14

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 28 , qui a pour objet de supprimer cet article.

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Cet amendement avait reçu un avis favorable de la commission. Il a pour objet de transférer les dispositions figurant actuellement à l’article 14 bis vers l’article 18, qui prévoit d’ores et déjà la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement. Ces dispositions permettront de s’assurer que l’on traite bien de la question grave de la prostitution des mineurs.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Je m’en remets à la sagesse de votre assemblée.

L’amendement no 28 est adopté et l’article 14 bis est supprimé.

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Je suis saisie de deux amendements, nos 26 et 27 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour les soutenir.

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Avant de présenter ces amendements nos 26 et 27 – ce dernier étant un amendement de repli – je souhaite évoquer trois points importants. Tout d’abord, au cours de nos débats au sein de la commission spéciale, le président avait pris l’engagement de s’adresser publiquement à la ministre pour demander que la question de l’état-civil et du parcours médical des personnes transgenres fasse l’objet d’un texte spécifique. En effet, nous avons évoqué la simplification du droit et avons jugé, indépendamment des amendements que je présente, qu’il n’était pas souhaitable de renvoyer cette question importante à un projet de loi au contenu général. Je ne doute pas que notre président, Guy Geoffroy, interviendra pour faire part de la demande unanime de la commission.

Par ailleurs, je souhaiterais que, sur cette question, nous évitions le débat sur le véhicule législatif pertinent, que nous avons déjà eu en commission. Pour ma part, j’ai recueilli un certain nombre d’avis, puisque j’ai réuni des associations traitant de ce sujet, notamment des représentants des personnes trans, et nous avons pris collectivement la décision de déposer des amendements. Un groupe de travail réfléchit d’ailleurs, actuellement, à ces questions. Cela me mène à mon troisième point : je veux m’adresser non seulement au rapporteur du projet de loi sur l’égalité hommes-femmes, qui sera bientôt examiné à l’Assemblée, mais à vous, madame la ministre. Nous travaillons avec le groupe socialiste pour que cette question soit traitée dans ce texte à venir. J’aurais souhaité connaître votre avis sur l’intégration dans votre projet de loi de cette avancée, qui me paraît importante. De votre réponse dépend en partie le maintien ou le retrait de mes deux amendements.

Ils traitent du changement d’état-civil et du parcours médical. Le premier s’inspire du droit argentin et institue une procédure déclarative. Le second, qui est un amendement de repli, reprend, comme le savent celles et ceux qui ont travaillé sur ces questions, les dispositions de la proposition de loi de notre collègue, devenue ministre, Michèle Delaunay, relative au changement d’état-civil et au parcours médicalisé.

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Ces amendements ont été repoussés par la commission, qui a effectivement tenu un débat sur le choix du véhicule législatif. Aussi j’invite à M. Coronado à les retirer.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Monsieur le député Coronado, soyez assuré que ce sujet me tient à coeur. C’est un sujet grave, et vous savez que je me suis engagée depuis plus d’un an, au nom du Gouvernement, dans un plan de lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre. C’est une question sur laquelle nous travaillons, et je sais pertinemment quelles difficultés rencontrent ces personnes pour s’engager dans un parcours de transition qui, très souvent, c’est indéniable, les jette dans la précarité, la clandestinité et expose nombre d’entre elles au risque prostitutionnel. En même temps, cela ne doit aucunement conduire le législateur à inscrire les conditions de la reconnaissance de l’état-civil dans une loi portant sur la prostitution. Cela conduirait, à mes yeux, à un amalgame incompréhensible.

Venons-en à ce que nous pouvons faire et à ce que nous voulons faire. J’ai demandé à la commission nationale consultative des droits de l’homme de me rendre un avis sur cette question, ce qu’elle a fait en juin dernier. Cet avis a ouvert de nombreuses pistes. Nous avons en effet envisagé plusieurs véhicules législatifs pour porter ces dispositions. Dans un premier temps, nous avions évoqué l’idée d’un projet de loi de simplification du droit, mais ce dernier habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances. Or, je crois que le sujet que vous évoquez, à savoir le parcours de transition pour les personnes trans et leur changement d’état-civil, mérite mieux qu’une ordonnance et doit être traité dans sa globalité. Voilà pourquoi j’estime que le meilleur vecteur législatif est la proposition de loi qui est en train d’être élaborée, au Sénat, sous l’impulsion de Maryvonne Blondin et de Michelle Meunier. Monsieur Coronado, je sais que des membres de votre groupe y participent également. À l’Assemblée, Erwann Binet et Pascale Crozon sont également très impliqués. Je veux vous dire que le Gouvernement soutiendra l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Parlement, à une échéance, non de plusieurs années ni de plusieurs mois, mais de quelques semaines. Nous avançons sur ce sujet, c’est pourquoi je vous demande de retirer vos amendements, qui ne sont pas adaptés au texte dont nous discutons aujourd’hui.

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La parole est à M. le président de la commission spéciale.

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Je veux tout à la fois remercier et rassurer M. Coronado. Je veux le remercier de la sollicitude qu’il entretient à mon égard et du fait qu’il ait été prêt à me suppléer, en cas de défaillance de ma part – ce qui n’avait aucune raison de se produire –, tout le rassurant : je ne souffre ni de sénilité précoce, ni d’amnésie, même à cette heure avancée.

Lors des travaux de la commission, j’avais été très attentif à nos échanges, d’une très grande richesse, sur ce sujet. Si nous avons parlé de la pertinence d’un véhicule législatif, ce n’était pas pour remettre cette question à plus tard – c’est-à-dire à jamais : nous avons simplement estimé, au fur et à mesure des échanges, que ce sujet était trop important pour figurer, tel un élément qui ne serait pas à sa place, dans un texte lambda. Cela vaut pour le texte soumis à notre examen : comme l’a exprimé très justement Mme la ministre, il serait déplacé de renforcer dans cette proposition de loi, et dans la loi en général, l’idée, qui peut paraître communément admise, d’une homothétie entre la prostitution et les personnes transsexuelles. Le respect que nous devons aux personnes transsexuelles exige que nous ne fassions pas allusion à cette problématique dans un texte sur la prostitution. De la même manière, nous sommes tombés d’accord sur le fait qu’une loi de simplification du droit, qui donne lieu à l’adoption d’ordonnances – qui, sans être illégitimes, revêtent une nature particulière, témoignent d’une stratégie, d’une ambition différentes – ne conviendrait pas davantage. Nous étions donc convenus que je communique ce soir au Gouvernement, au nom de la commission, le message selon lequel la question des personnes transsexuelles mérite un texte spécifique. J’entends que le Gouvernement partage totalement ce point de vue et je sais qu’ici même, comme au Sénat, des travaux sont engagés en ce sens.

M. Coronado ne fait courir aucun risque à la cause très juste qu’il a défendue par ses amendements, en les retirant : au contraire, il a donné la possibilité à l’Assemblée, tous groupes confondus, d’être totalement en phase sur ce sujet, et a permis au Gouvernement de nous confirmer sa volonté de ne pas attendre pour inscrire à l’ordre du jour tout texte émanant des parlementaires permettant de régler ces questions.

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J’avais dit que la réponse de Mme la ministre déciderait du sort de mes amendements. Je ne suis moi non plus ni sénile, ni endormi, malgré l’heure avancée, et j’ai bien entendu que le Gouvernement soutiendra l’inscription de toute initiative parlementaire allant en ce sens, ce dont je me félicite. Je retire donc mes amendements.

Par ailleurs, nous avons eu en commission un débat sur la reconnaissance de la dignité des personnes transgenres. Je crois qu’elle ne tient pas au choix du véhicule législatif, mais aux droits qu’on leur accorde, à notre capacité à satisfaire des revendications qui remontent à plusieurs décennies. Voilà ce que l’on doit aux personnes transgenres.

Les amendements nos 26 et 27 sont retirés.

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La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 58 .

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Cet amendement est très important, car il affirme la nécessité d’une approche globale pour améliorer la santé des personnes prostituées. Vous le savez, plusieurs d’entre vous y ont fait référence lors de la discussion générale, les enjeux sanitaires de la prostitution sont pour le moins importants. L’inspection générale des affaires sociales a dressé un constat assez sombre, au mois de décembre dernier, duquel il ressort tout à la fois que la santé des personnes prostituées est soumise à de nombreux risques et, surtout, qu’elle passe, chez ces personnes, après d’autres préoccupations, telles que l’argent, les papiers ou le logement ; elles ont souvent tendance à retarder les soins, ce qui peut s’avérer dramatique, en particulier pour celles d’entre elles atteintes d’affections comme la tuberculose ou le VIH. Il y a par ailleurs de très graves insuffisances en matière de suivi gynécologique, alors même que cette question est cruciale pour les femmes prostituées.

Ces insuffisances tiennent pour partie aux conditions de vie des prostituées, comme l’a relevé l’IGAS, mais aussi au fait que nous-mêmes avons de vraies insuffisances en matière de coordination du soutien public à toutes ces initiatives associatives locales qui accompagnent, qui soignent et qui hébergent des personnes prostituées. Nous manquons d’une approche globale d’accompagnement, qui mêlerait à la fois des actions pour aller au-devant des prostituées, des mesures de prévention sanitaire – VIH, toxicomanie –, des solutions d’hébergement et des actions d’insertion sociale.

Nous avons donc décidé de créer au sein de la proposition de loi, si vous en êtes d’accord, un chapitre entier consacré aux questions de santé. Nous en posons les fondements en insérant dans le code de la santé publique le principe selon lequel la politique de réduction des risques sexuels en direction des personnes prostituées relève désormais de l’État. Cette politique consiste à prévenir les infections sexuellement transmissibles, ainsi que les dommages sanitaires, sociaux et psychologiques liés à l’activité prostitutionnelle.

Nous allons concrètement établir un cadre national de référence avec les acteurs pour faire la liste des actions de réduction des risques qui seront financées. Ce document sera approuvé par décret et associera tous les acteurs, en particulier les associations qui interviennent au quotidien auprès des personnes prostituées pour améliorer leur santé.

J’en profite, à ce sujet, pour rappeler à tous que dans quelques jours aura lieu la Journée mondiale de lutte contre le sida. Je tiens à saluer le travail exceptionnel, inestimable, que font un certain nombre d’associations pour protéger, pour prévenir, pour accompagner et pour soigner les personnes victimes du VIH. Je pense en particulier à l’association AIDES ; je ne sais pas si ses membres sont présents dans les tribunes, mais je les salue !

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L’avis de la commission est évidemment favorable car il nous a semblé tout à fait judicieux de rappeler que la politique de réduction des risques sanitaires consiste à prévenir les infections sexuellement transmissibles et les dommages sanitaires, sociaux et psychologiques liés à l’activité prostitutionnelle, dommages hélas trop nombreux.

Je souscris également entièrement à la nécessité de privilégier des démarches allant vers ces personnes, démarches dont nous savons qu’elles sont souvent les seules à avoir une traduction concrète.

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Je voudrais une fois de plus dire que j’ai été sensible à votre exposé, madame le ministre.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe SRC

Madame « la » ministre !

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Chacun dit ce qu’il veut ! Comme d’habitude, vous m’avez coupé la parole !

Madame la rapporteure, je voudrais tout de même préciser que la commission, une fois de plus, n’a pas été saisie de cet amendement ! On peut parler d’impréparation s’agissant d’un amendement qui constitue un gros morceau !

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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J’aurais souhaité avoir l’occasion d’en débattre, ou du moins d’en étudier la problématique. Nous aurions eu le temps de le faire puisque, lors de son audition, la ministre de la santé, Mme Marisol Touraine, avait mis en évidence – je ne la citerai pas car je ne connais pas ses propos par coeur – un certain nombre de problématiques en matière de santé.

Ce sujet aurait vraiment mérité que vous veniez nous l’expliquer en commission spéciale ; sinon, ce n’était pas la peine de faire une commission spéciale !

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Absolument ! C’est vraiment de l’impréparation totale !

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Si je vous comprends bien, il faudrait ne rien changer à un texte dès lors que l’on se trouve dans l’hémicycle ; je me demande alors à quoi servent les discussions dans l’hémicycle ! Tout cela concourt à l’amélioration de la loi au fur et à mesure que nous avançons dans notre travail !

De quoi parlons-nous ? Nombreux sont ceux parmi nous qui l’ont dit : la situation des personnes prostituées est actuellement désastreuse, en particulier sur le plan sanitaire. La meilleure façon de réduire les risques reste la sortie de la prostitution ; c’est d’ailleurs l’un des objectifs de cette proposition de loi. Néanmoins, certaines personnes ne sortiront pas de la prostitution, parce que cela ne constitue pas une obligation que nous inscrivons dans la loi. Nous souhaitons simplement qu’existe un droit de sortie de la prostitution, afin de faciliter cette sortie. On sait en effet que cela ne se fait pas d’un coup. Il faudra donc continuer à améliorer la prise en charge que l’on peut offrir à toutes ces personnes prostituées qui, actuellement, sont dans une situation sanitaire désastreuse.

C’est dans ce sens, et en concertation avec l’ensemble des acteurs, que le Gouvernement dépose cet amendement aujourd’hui. De notre côté, nous trouvons qu’il apporte une amélioration au texte : il a le mérite de le clarifier puisque certains ont pu penser que nous souhaitions simplement organiser la sortie de la prostitution sans nous occuper du reste. Or ce n’est pas du tout l’esprit de cette proposition de loi puisque nous souhaitons que les personnes prostituées ne soient plus traitées comme des délinquantes et, surtout, que l’ensemble de la société prenne ses responsabilités et leur vienne en aide dans la situation désastreuse qui leur est faite actuellement.

L’amendement no 58 est adopté.

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La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Chers collègues, j’en profite pour vous rappeler que l’heure avance.

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Je voudrais juste dire quelques mots : je pense vraiment que cet article est primordial dans la mesure où toutes les études que nous avons pu lire montrent à quel point nous avons besoin d’expliquer à nos enfants et à nos petits-enfants ce que sont aujourd’hui le besoin de respect de l’autre, le respect de son intégrité et la connaissance de l’autre.

Mme la ministre l’a rappelé ce matin : le mot de « pute » est très souvent employé par les enfants dans les collèges et les lycées. Je crois vraiment qu’un article seul dans ce texte législatif ne suffit pas : il doit être suivi d’effet sur le terrain. L’éducation à une sexualité épanouie – des associations en sont tout à fait capables –, qui ne passe pas par la marchandisation du corps, cela ne se fera pas en deux jours : elle demande des explications, un apprentissage. C’est nécessaire si l’on veut réussir.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 30 rectifié .

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Nous avons ce débat depuis le premier texte présenté, qui avait été voté à l’unanimité, sur le harcèlement sexuel.

Cet amendement propose que les enseignements dispensés à tous les stades de la scolarité intègrent une éducation à l’égalité de genre, c’est-à-dire une éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la déconstruction des stéréotypes.

On ne peut pas simplement se contenter d’une pénalisation ou de mesures d’accompagnement. Ainsi que cela a été dit lors des débats et des auditions par la commission spéciale, il faut déconstruire un imaginaire sexiste, inégalitaire, où les femmes apparaissent toujours inférieures. C’est ce que propose cet amendement en introduisant la notion de genre.

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La commission spéciale a déjà amélioré le texte en intégrant les notions de respect du corps, d’estime de soi, etc. Beaucoup de choses ont donc déjà été écrites ; la marchandisation du corps en est aussi un élément important. Je comprends votre proposition, que je trouve intéressante, mais je pense qu’il serait préférable de l’aborder dans le cadre des débats du projet de loi relatif à l’égalité femme-homme, prévu pour le mois de janvier 2014. Pour cette raison, la commission a repoussé cet amendement.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Que rajouter à cela ? Vous savez, monsieur le député Coronado, que je n’hésite jamais à utiliser le terme de « genre » dans les réflexions sur les enjeux de mon ministère de manière générale. Ce mot fait parfois l’objet d’interprétations surprenantes, en particulier de la part de ceux qui voudraient y voir une théorie, alors que nous savons qu’il s’agit avant tout d’une approche scientifique. Ce mot est d’ailleurs plus présent dans le vocabulaire scientifique que dans le vocabulaire juridique à proprement parler ; et il n’est pas très présent dans les lois françaises, faute de définition suffisamment précise. Pour cette raison, nous préférons utiliser des mots qui ne sont pas susceptibles d’interprétations contradictoires. Cela ne nous interdit pas d’en rediscuter dans un autre cadre ; mais ici, il me semble que les choses sont plus claires ainsi. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

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Je dirai très rapidement que ces termes ne sont pas si flous : la France est signataire d’un certain nombre de conventions internationales qui utilisent ce terme assez régulièrement, et les Principes de Jogjakarta le consacrent également. La réticence parfois exprimée par le Gouvernement est due à une sorte de position fantasmée d’une partie de cet hémicycle concernant cette expression. Je le regrette car, nous l’avons vu pendant les débats sur la loi sur le mariage pour tous, le gender était ce qui allait arriver de pire à la société française.

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On ne sait pas très bien de quoi il s’agissait mais, quoi qu’il en soit, il ne s’est rien passé, même après l’adoption de la loi. Je maintiens donc cet amendement car c’est une question de principe : nous devrons, tôt ou tard, consacrer la notion de genre dans nos textes législatifs. Cela me paraît d’autant plus important que nous l’avons déjà fait au niveau international dans plusieurs conventions.

L’amendement no 30 rectifié n’est pas adopté.

L’article 15 est adopté.

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La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 49 .

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Selon le rapport d’information sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel, des mesures de sensibilisation et d’éducation sont indispensables pour prévenir à la fois le recours à la prostitution, notamment de la part des garçons, mais aussi les pratiques prostitutionnelles, occasionnelles ou régulières. Or, sur ce point, la proposition de loi se borne à insérer dans le code de l’éducation relatif à l’éducation, à la santé et à la sexualité, la lutte contre la marchandisation des corps parmi les sujets devant faire l’objet d’une information durant la scolarité.

Une enquête lancée par le Mouvement du Nid révèle que 40 % des jeunes ayant répondu considèrent qu’un acte sexuel en échange d’un objet ou d’un service n’est pas de la prostitution, quand 15 à 23 % d’entre eux pensent, hélas, que la prostitution masculine ou des mineurs n’existe pas en France. Il est donc nécessaire de mieux informer les jeunes sur les réalités de la prostitution et sur les conduites pouvant y mener, en insérant ces sujets parmi ceux qui doivent faire l’objet d’une information durant la scolarité.

Cet amendement consiste donc simplement à ajouter les mots « ainsi qu’aux réalités de la prostitution » à la première phrase de l’article L. 312-17-1 du code l’éducation.

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Je donne un avis favorable à votre proposition. L’information relative à la marchandisation du corps permettait de satisfaire votre amendement mais le fait d’expliquer en outre les difficultés rencontrées par les personnes prostituées peut en effet être encore plus pédagogique.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Je persiste à penser que la façon dont la commission spéciale a rédigé le texte, avec l’information sur la lutte contre la marchandisation des corps qui fera donc partie intégrante de l’information dispensée dans les établissements scolaires, répondait à votre requête. Je partage absolument votre avis sur la nécessité de faire connaître les réalités de la prostitution, tant d’un point de vue pédagogique que pour prévenir l’entrée dans la prostitution ; mais il me semble que parler de la marchandisation des corps suffit à répondre à cette exigence.

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Donc vous vous en remettez à la sagesse de l’Assemblée ?

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Avis plutôt défavorable, à vrai dire !

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Non ! Je suis l’avis de Mme la rapporteure ! Je pense comme elle que cela va mieux en le disant.

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Cet amendement a donc reçu un avis favorable de la rapporteure, mais pas de la commission, et un avis défavorable du Gouvernement.

L’amendement no 49 est adopté.

L’article 15 bis est adopté.

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Nous voici arrivés à l’article qui alimente les gazettes depuis quelque temps : on paye, et donc on est responsabilisé quand on est client. Je voudrais développer ce que j’ai dit lors de la discussion générale et relayer quelques doutes.

D’abord, force est de constater que les différents acteurs de la chaîne judiciaire sont sceptiques.

Les forces de police et de gendarmerie se demandent comment faire appliquer concrètement ce texte. Retiendra-t-on comme critère le flagrant délit ?

La magistrature, quant à elle, considère qu’il existe déjà un corpus de lois, lesquelles ne sont d’ailleurs pas toujours appliquées. De nombreux textes protègent en particulier les mineurs contre les atteintes sexuelles.

L’association Médecins du monde précise de son côté que la pénalisation risque de pousser les prostituées à exercer dans la clandestinité, avec les risques sanitaires que cela comporte. Le Syndicat du travail sexuel réclame quant à lui des droits, pas la pénalisation.

Enfin, j’évoquerai la Suède, que l’on prend souvent pour un paradis où la prostitution est éradiquée ou presque. On a beau citer ce pays en exemple, il semble que la prostitution y existe toujours, malgré la loi, et qu’elle ait simplement quitté la rue pour se retrouver sur internet. À ce sujet, j’ai voulu savoir, avec l’une de mes collègues, ce qu’il en était. Je vous engage à en faire autant, car l’expérience est édifiante : il y en a des pages entières !

Je vous renvoie également, sur ce sujet, à l’audition du capitaine de gendarmerie en charge des recherches sur internet ; il nous a fort bien expliqué que, s’il est possible de localiser l’implantation du site internet, la poursuite du client pose de gros problèmes. Selon un excellent hebdomadaire, la plupart des sites internet destinés à la Suède sont gérés de l’étranger. Les proxénètes, installés en Estonie ou en Serbie,…

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…envoient les filles en Suède pour un mois, puis en Norvège ou au Danemark.

Pour conclure, je voudrais vous poser une question.

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Quand bien même le client serait pénalisé, comment pourrait-il avoir des informations sur les proxénètes ?

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Avec Guy Geoffroy et notre ancienne collègue Danielle Bousquet, nous avions proposé, dans notre rapport de 2011 – qui avait d’ailleurs fait l’unanimité –, la pénalisation du client, mais à travers la création d’un délit. Si je m’oppose au présent article, c’est parce que je suis favorable à ce que la pénalisation du client se traduise par un délit et non par une contravention. Vous observerez d’ailleurs que je fais preuve d’une certaine cohérence : selon moi, le racolage public comme la fréquentation par le client doivent être considérés comme des délits.

En privilégiant l’établissement d’une contravention de cinquième classe, on envoie aux clients et aux réseaux un message d’impunité, et cela d’autant plus que le délit de racolage public est supprimé : les moyens de lutter contre le proxénétisme et les réseaux – puisque, je le répète une fois de plus, il ne s’agit pas de s’attaquer aux prostituées – sont quasiment nuls. Au final, l’achat d’actes sexuels sera moins sévèrement puni que l’occupation de halls d’immeubles ou la vente à la sauvette qui sont aujourd’hui des délits. Je crains que l’ensemble du dispositif soit inefficace.

Citons une nouvelle fois – il est souvent évoqué ce soir – le ministre de l’intérieur, qui disait lors de son audition que la pénalisation de l’achat de services sexuels, censée se substituer à celle du racolage, doit être suffisamment dissuasive pour donner aux forces de l’ordre les moyens de prévenir les troubles sur la voie publique. Cela veut bien dire que ce n’est pas ce que prévoit le dispositif. Une contravention de cinquième classe ne permettra évidemment pas aux services enquêteurs de placer les clients en garde à vue – encore une fois, je ne vise pas les prostituées – pour procéder au recueil d’informations utiles au démantèlement des réseaux criminels. De surcroît, il serait impossible, avec une contravention de cinquième classe, de prévoir une application extraterritoriale et, dès lors, d’apporter une réponse aux difficultés des territoires transfrontaliers tels que la zone de la Jonquera que nous avons, les uns et les autres, citée tout à l’heure.

Enfin, il y va de la solennité du jugement : la contravention relève du simple tribunal de police, le délit du tribunal correctionnel. Le message donné au client n’est donc pas le même.

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Avec cet article, nous en arrivons à l’autre côté de la médaille. Ayant supprimé le délit de racolage, car nous considérons les prostituées comme des victimes, nous voulons responsabiliser les clients – le mot est important. Nous considérons, et nos débats ont permis de progresser sur ce point, que, dans la majeure partie des cas, la prostitution relève de la traite d’êtres humains et que, le reste du temps, il s’agit d’une fausse liberté, car l’achat d’un acte sexuel se fait sous une contrainte d’ordre économique.

Le choix qui est fait – un choix important et ce n’est pas le seul dans cette proposition de loi – consiste à agir sur la demande : il s’agit de la tarir et de dire au client de manière forte qu’il contribue au système.

On a beaucoup parlé du bilan de la mesure en Suède, qui constitue l’exemple en la matière. Il convient de l’étudier avec sérieux. La prostitution sur la voie publique a diminué, alors que partout ailleurs elle a augmenté – c’est particulièrement vrai de la prostitution d’origine étrangère. De même, la proportion des hommes ayant acheté des services sexuels semble avoir diminué, même si cela reste à vérifier, de 13,6 % en 1996 à 7,8 % en 2008, c’est-à-dire huit ans après l’entrée en vigueur de la loi pénalisant le client.

Des questions importantes ont été posées. Cela dit, ne dénaturons pas les propos du ministre de l’intérieur. Quand on le relit attentivement, on comprend qu’il a souhaité que le délit de racolage soit remplacé par une contravention infligée au client et que, en cas de récidive – c’est l’objet de l’un des amendements que nous allons adopter – l’infraction soit considérée comme un délit. Mme Coutelle l’a dit tout à l’heure : le dispositif permettra également d’entendre les prostituées comme témoins, ce qui permet de remonter les réseaux de prostitution de la même manière qu’on le faisait jusqu’ici. À l’heure actuelle, d’ailleurs – M. Cherki l’a très bien expliqué –, dans le cadre d’un délit de racolage, les prostituées ont tout à fait la possibilité de ne pas dénoncer leur proxénète, ce qui est souvent le cas. Pour toutes ces raisons nous soutenons cet article.

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Le présent article crée une pénalisation du client en prévoyant une contravention de cinquième classe sanctionnant le recours à la prostitution d’une personne majeure. Par son principe, cet article consacrerait, s’il était adopté, une position abolitionniste de la France. Vous partez du postulat selon lequel, en verbalisant les clients, donc en agissant sur la demande, vous tarirez l’offre. Or cette argumentation est idéologique et infondée. À cet égard, je n’ai pas aimé le discours moralisateur qui a parfois sous-tendu ce débat.

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Cette importante question aurait nécessité que l’on consacre plus de temps aux auditions qui ont eu lieu en commission. Sur la forme, je regrette donc votre méthode.

Sur le fond, cette disposition aura un effet plumeau, puisqu’elle va déplacer la prostitution vers les réseaux sociaux, comme l’a évoqué ma collègue Mme Fort, et les pays limitrophes. Vous ne résoudrez pas non plus le problème de la prostitution des étudiantes.

La pénalisation va également favoriser la clandestinité qui rendra de facto la pratique de la prostitution plus dangereuse en termes de santé et de sécurité, en raison de l’éloignement des structures de soins pour le dépistage et la prévention, sans oublier une plus grande exposition aux violences et à l’exploitation.

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Qu’en est-il aujourd’hui avec le racolage ?

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Ce constat est d’ailleurs fait par de nombreuses ONG telles que Médecins du monde et ONUSIDA.

Enfin, je m’interroge sur l’application concrète de cette mesure. Quels seront les moyens des forces de l’ordre pour constater l’infraction ? Comment la relation tarifée sera-t-elle prouvée ? En France, la mise sur écoute ne peut avoir lieu que dans des conditions extrêmement restrictives. La pénalisation du client aura donc inévitablement pour corollaire le développement de la délation.

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Je ne pense donc pas que cet article ait les effets escomptés. Au contraire, il sera contreproductif, dans la mesure où il précarisera davantage les prostituées.

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Ce n’est pas déjà le cas à l’heure actuelle ?

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Il est dommage que la presse ait surtout parlé de cet aspect de la proposition de loi, alors que ce n’est qu’un volet parmi d’autres – on peut citer la prévention et le renforcement de la lutte contre les réseaux de prostitution.

Selon moi, c’est une bonne chose de créer une sanction. Pourquoi ? Tout simplement parce que le fait d’avoir des relations sexuelles avec une femme ou un homme qui appartiennent, dans 90 % des cas, à un réseau, c’est être complice d’un viol. J’ai soulevé ce problème au sein de la commission spéciale. Selon moi, nous aurions dû tout simplement en faire un crime.

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C’est d’ailleurs ce qu’a dit notre collègue porte-parole des radicaux de gauche, même s’il avait peut-être d’autres raisons.

Nous avons eu un très long débat sur cette affaire. Je suis pour ma part persuadé qu’une contravention de cinquième classe est totalement contreproductive car, dans l’échelle des peines, elle est assimilable à des faits dépourvus de gravité. C’est la raison pour laquelle j’avais déposé un amendement visant à assimiler la pratique au viol, ce qui revient à en faire un crime. Cela a jeté un froid en commission…C’est là le drame dans des sociétés qui ont pris la mauvaise habitude de ne plus regarder la réalité en face !

Nous avons longuement débattu ; Mme la rapporteure et M. le président ont reconnu que la sanction inscrite dans le texte était trop faible, mais ils ont fait valoir que, partant de zéro, il ne fallait pas monter trop rapidement en gamme, comme on dit. Après une longue discussion, il a été décidé de maintenir une contravention pour la première infraction, mais de considérer la récidive comme un délit, lequel est passible d’une simple amende, sans peine d’emprisonnement. En ce qui me concerne, j’aurais préféré qu’une peine d’emprisonnement puisse être prononcée en cas de récidive ou de multirécidive, de façon à responsabiliser les personnes. Les juges utiliseraient d’ailleurs le quantum – qui correspond toujours au maximum – avec beaucoup de doigté, et cela d’autant plus que l’on part de rien. Voilà pourquoi je considère que l’amendement qui sera défendu tout à l’heure par le président de la commission spéciale est un compromis provisoire – appelons-le ainsi – qui a au moins le mérite d’aller dans la bonne direction.

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Nous en arrivons à cet article dont on a beaucoup parlé – il a même excité les foules –, à telle enseigne d’ailleurs que l’on a oublié les autres avancées contenues dans le texte.

Nous inversons enfin les responsabilités. Nous estimons en effet que les personnes prostituées sont pour la plupart des victimes. Nous dépénalisons donc cette pratique dans les autres articles. Nous avons bien pris conscience du fait que les vrais responsables sont les proxénètes – bien sûr –, mais aussi les clients que nous choisissons dès lors de sanctionner.

Nous ne pouvons plus continuer à accepter que, sous prétexte qu’il a payé pour un corps, le client puisse en disposer à sa guise. Ce n’est pas là notre conception de la liberté. Comme l’un de nos collègues qui en a fait état tout à l’heure, j’ai entendu et lu un certain nombre de choses.

Les hommes auraient des pulsions irrépressibles ; le nombre des viols risque d’augmenter ; pensez à ces pauvres hommes qui ont besoin d’affection et de tendresse ! Allez donc voir à quoi ressemblent les preuves de cette tendresse sur différents sites internet. Je dois dire que j’ai été choquée, ce qui m’arrive rarement. J’ai lu des choses absolument inadmissibles que je vous épargnerai, mais je tiens un certain nombre de pages à votre disposition.

Nous l’avons dit et répété : ce sont les proxénètes et les clients qui mettent en péril la santé des personnes prostituées. Ce sont eux qui les violentent. Ce sont les clients qui, au motif qu’ils paient, prétendent pouvoir acheter un corps.

Aujourd’hui, nous assistons à une sorte de vendetta contre ces folles de féministes accusées de porter atteinte à la virilité des mâles – voilà ce que l’on entend. De même, certains clients revendiquent le « droit à leur pute ». N’ayez crainte, mes chers collègues, nous en avons vu d’autres, bien pires que cela. Nous continuerons pourtant et nous avancerons.

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Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 7 et 36 , tendant à supprimer l’article 16.

Madame Fort, puis-je considérer que l’amendement no 7 est défendu.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 36 .

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Le rapport et les propositions qu’il contient ont pour point de départ l’idée selon laquelle la prostitution est forcément liée à la traite des êtres humains. Or, historiquement, ce n’est pas vrai ; cela ne l’est pas non plus aujourd’hui pour la totalité des personnes prostituées. En réalité, la proposition consistant à pénaliser les clients peut s’entendre comme un constat d’échec de la lutte contre les réseaux, alors que la véritable réponse réside dans leur éradication. La violence dont ils se rendent coupables est insupportable.

Je me suis permis, à cet égard, de citer Alain Vidalies, qui a été rapporteur en 2001 de la mission d’information sur l’esclavage moderne. Or il n’a jamais accepté que l’on réduise la prostitution à la traite des êtres humains ou à l’esclavage. Il faisait une différence entre ces phénomènes, ce qui lui permettait d’être extrêmement réservé à l’égard de la pénalisation.

Ce qui fonde la proposition que nous examinons aujourd’hui, c’est l’objectif de tarir la demande et, ce faisant, de s’attaquer aux réseaux. Or il me semble que l’on fait fausse route.

Cette pénalisation n’est en rien une garantie pour les victimes de la traite et l’amalgame entre traite et prostitution risque de détourner les moyens mis en place pour lutter contre la traite.

Je rappelle qu’en Suède, alors que 450 hommes étaient condamnés à une amende pour achat de sexe en 2011, seules 2 personnes étaient condamnées pour traite à des fins sexuelles, et 11 pour proxénétisme lié à la traite.

Je voudrais mettre en relation ces chiffres avec les conclusions du rapport 2012 du groupe VIH-sida du PNUD, qui s’inquiétait de la situation en Suède : « Selon la police, le commerce sexuel dans la rue a diminué de moitié en Suède, mais globalement, il reste au niveau qu’il avait avant la promulgation de la loi, mais est devenu, en grande partie, clandestin. Il s’est déplacé dans les hôtels et les restaurants, ainsi que sur Internet et au Danemark. Selon les services suédois de police judiciaire, il est devenu plus violent. Ces services s’inquiètent particulièrement de l’arrivée dans la profession de femmes étrangères, souvent entièrement contrôlées par des proxénètes. »

Je crois sincèrement, chers collègues, que vous faites fausse route. Nous verrons dans quelques années les effets de la pénalisation sur la prostitution, sur les réseaux de proxénètes et sur la traite. Nous ferons le bilan, de manière très éclairée et apaisée.

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La commission a rejeté ces amendements. Il s’agit de faire comprendre au client qu’il est responsable de ses actes : le fait de profiter de la précarité économique d’une personne est inacceptable dans notre société. Je n’arrive pas à comprendre le lien qui est fait entre pénalisation et précarisation ou clandestinité. C’est dans les conditions actuelles que les personnes prostituées sont victimes de violences, précisément parce qu’elles se cachent et que le client a tous les droits !

La prostitution, je vous le rappelle, n’est pas interdite en France et ne le sera pas avec cette loi. Les personnes qui se prostituent ne seront plus considérées comme des délinquantes, puisque nous venons de voter l’abrogation du délit de racolage. Elles seront libres, libres de négocier avec leur client si elles veulent continuer la prostitution et faire en sorte que leur sécurité soit garantie.

À elles de mesurer les risques de se rendre au fin fond d’une forêt ou d’accepter un rapport sans préservatif. Elles pourront tout à fait le négocier. En inversant la charge pénale, on les sécurise davantage.

Il faut absolument s’ôter de la tête l’idée d’un renforcement de la clandestinité. Rien ne le prouve. On a beau critiquer la Suède, il n’y a pas davantage de clandestinité dans ce pays. Notre force, avec ce texte, est de proposer un parcours de sortie, un accompagnement sécurisé. La commission départementale sera composée des services de gendarmerie et de police. Avec la mise en place d’un parcours sanitaire, nous faisons en sorte que les personnes prostituées soient davantage protégées.

Ce que j’entends, c’est que l’on ne propose rien à la place, si ce n’est de laisser la situation telle qu’elle est, avec une prostitution dont, pourtant, nous sommes tous d’accord pour dire que nous ne pouvons plus la tolérer. Encore une fois, et il faut être très ferme là-dessus : le client ne peut pas considérer qu’il a tous les droits et qu’il peut faire ce qu’il veut.

L’amende est certes légère – c’est un reproche que nous fait M. de Courson –, mais comme l’a dit Christiane Taubira lors de son audition devant la commission spéciale, il faut faire progresser les esprits, faire de la pédagogie, faire prendre conscience qu’il s’agit désormais de quelque chose d’interdit.

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Ce n’est pas la peine de taper trop fort au début. Effectivement, nous ferons le bilan et si ce n’est pas suffisant, nous taperons plus fort la prochaine fois.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. le président de la commission spéciale.

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Minuit n’est pas l’heure du crime, mais l’heure de la vérité ! J’ai entendu M. Coronado…

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Oui, je vous écoute ! Je vous ai entendu commettre une maladresse de langage, en évoquant l’amalgame entre la prostitution et la traite des êtres humains. Je suis désolé d’être totalement en désaccord avec vous.

À l’intersection de deux ensembles, l’un formé de toutes les personnes prostituées et l’autre comprenant toutes les victimes de la traite des êtres humains, se trouve un sous-ensemble, qui représente 90 % du premier : il est constitué de toutes les personnes prostituées victimes de la traite des êtres humains. Ce n’est pas faire un amalgame que de le dire, c’est constater une réalité, l’horreur de ce siècle !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Ne pas affirmer cette vérité, c’est risquer de laisser courir l’idée qu’il existe une prostitution qui mériterait d’être encouragée ! Ce n’est ni le souhait des auteurs de la proposition de loi, ni la volonté de ceux qui ont travaillé, avec Danielle Bousquet et moi, au sein de la mission d’information, ni l’ambition abolitionniste de la France, affirmée en 1960, réaffirmée en décembre 2011 et concrétisée aujourd’hui par le travail que nous effectuons ensemble ! Il n’est pas inutile de rappeler ces faits, même si c’est de manière un peu vive.

Je voudrais faire le point sur ce que la commission a envisagé, à l’issue d’un débat extrêmement riche, ouvert et dynamique, ainsi que Charles de Courson a bien voulu le rappeler.

Nous sommes, du moins je l’espère, tous d’accord sur une chose : on ne peut pas ne pas faire faire prendre conscience aux clients de la prostitution de ce à quoi ils contribuent. Si l’on est d’accord sur l’idée qu’il est important que les acheteurs de sexe puissent se sentir responsables d’une partie des conséquences et des origines de la prostitution, comment alors concrétise-t-on cette responsabilisation dans la loi ?

Plusieurs interprétations sont possibles : la responsabilisation, c’est l’éducation et lorsque l’on est dans l’éducation, on parle de gradation. Cela signifie qu’il existe un point de départ et un point d’arrivée ; il convient d’éviter ce qui n’est pas crédible et de ne pas franchir ce que l’on considère comme des limites indépassables, pour le moment.

Certains ont considéré que, le délit de racolage supprimé, il fallait créer, par parallélisme des formes, un délit d’achat d’acte sexuel. C’est une position cohérente, et je dois dire que j’étais favorable à l’instauration d’un délit.

Une autre position, intéressante et séduisante, consiste à opérer d’une autre manière, sans chercher un coupable pour le plaisir d’en avoir un ou « parce qu’il faut les punir, ces bonshommes ! ».

Pour ma part, j’ai beaucoup réfléchi à cette contravention de cinquième classe, qui me semblait fluette.

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Il se trouve que la contravention de cinquième classe n’est pas d’application automatique. Elle permet de déclencher le premier étage de la fusée de la responsabilisation du client, le passage devant le parquet.

Il doit être possible, pour un parquet bien organisé, sur des consignes précises de la chancellerie, avec des directives générales connues de tous, de procéder, selon la personne concernée, et dans le principe d’individualisation de la réponse pénale, à un rappel à la loi, qui pourrait éventuellement accompagner le stage de sensibilisation. La personne pourrait ensuite être condamnée à une contravention.

Au cas où celle-ci ne suffirait pas, il conviendrait alors de passer à l’échelle supérieure, le délit. Pourquoi ? Le délit a un sens, il signifie que l’on a franchi une barrière, dépassé les limites. La sanction pénale aura le niveau attendu.

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Je ne parle qu’une fois au lieu de trois, madame la présidente. J’aurais souhaité intervenir aussi dans la discussion sur l’article et en défense de l’amendement que j’ai déposé.

Le délit permettra de répondre, trop partiellement je le sais, à la question de l’extraterritorialité. Il permet en effet de poursuivre le tourisme prostitutionnel hors de notre territoire, au sein d’une Union européenne dont les frontières, en termes de législation, demeurent.

Il nous faut emprunter le chemin de la responsabilisation du client. On ne peut le refuser. Nous devons tester la possibilité d’une éducation graduée des acheteurs de sexe vers leur véritable responsabilisation. Je ne partage pas l’inquiétude de Marie-Louise Fort, car le constat est clair : en Suède, comme en Norvège et comme demain en France – ainsi que nous le renvoient déjà les indicateurs de la prostitution – l’effet de la responsabilisation, sous forme, éventuellement, d’une pénalisation, est dissuasif.

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Éduquons, responsabilisons, dissuadons, progressons dans la réponse pénale. C’est ce que je propose à l’amendement no 42 , qui synthétise les réflexions de notre commission. Il est identique à ceux déposé par Marie-George Buffet et Colette Capdevielle, et presque semblable à celui de Charles de Courson – lequel est prêt à s’y rallier.

Voilà ce que je voulais dire, madame la présidente, en réponse aux amendements de suppression pure et simple de l’article 16, et en écho à notre volonté de construire quelque chose d’intelligent, d’intelligible et d’utile.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Je serai brève. Je rajouterai deux commentaires à cette intervention, dont je partage chacun des éléments.

Je ne comprends pas comment l’on peut avoir passé douze heures dans cet hémicycle à écouter l’évocation très crue de la réalité actuelle de la prostitution, constituée de traite à 90 %, à entendre cette somme de violences, de misères, de déchirures d’existences et continuer à trouver outrancière la pénalisation du client !

En quoi cette responsabilisation serait-elle outrancière, compte tenu de toutes ces violences et de toutes ces souffrances ? Si nous, nous connaissons cette réalité, le client aussi ! Certes, il préfère souvent se voiler la face, fermer les yeux et dire, comme je l’ai entendu dans un reportage consacré à nos débats : « lorsque j’achète un steak, je ne me soucie pas de sa provenance » ! Sont-ce là des propos que l’on peut tenir en toute impunité ?

Ce comportement, qui consiste à se désintéresser totalement du sort des personnes auxquelles on a recours pour satisfaire ses propres besoins est-il acceptable et tolérable plus longtemps, dans un pays qui fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité ? Je souscris absolument à la nécessité de responsabiliser le client.

J’ai entendu certains approuver la proposition de loi, hormis la disposition consistant à pénaliser le client. Imaginons que nous adoptions l’ensemble du texte, sans l’article 16. Cela reviendra à créer un appel d’air, comme le craignaient certains, à déclencher une extension inconsidérée de la prostitution. On se sera ainsi privé des moyens de contrôler les personnes prostituées, incitant les proxénètes, les réseaux et la traite à se développer toujours davantage et à considérer notre pays comme terre d’accueil de la prostitution. Il ne nous restera plus aucun moyen de lutter contre le développement de la prostitution.

Même s’il ne faut pas résumer la proposition de loi à cette disposition, je la considère comme majeure. Elle garantit l’équilibre du texte et son ambition, qui est de lutter contre la prostitution.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Je vais être franc, monsieur le président de la commission spéciale, madame la ministre, le sort des clients, ce n’est pas mon problème. Je me préoccupe en revanche de celui des prostituées, ce qui me conduit aujourd’hui à m’opposer à la pénalisation des clients. Contrairement à vous dont j’admire l’aplomb et la certitude, moi, j’ai des doutes et j’en ai eu tout au long des travaux de la commission spéciale, ce qui explique que je sois resté jusqu’au bout des débats et proposé d’amender le texte pour essayer d’en améliorer l’économie.

Si j’étais aussi persuadé que vous d’avoir raison, je me dirais que la pénalisation est la mesure la plus détestable qui soit, je ne participerais pas aux débats, je voterais contre et je m’en irais. Ce n’est pas mon attitude. J’ai écouté celles et ceux que vous ne cessez de féliciter sans jamais les écouter. J’ai écouté ceux qui, au jour le jour, accompagnent les personnes prostituées et se préoccupent de leur sort. Vous ne pouvez pas affirmer décemment, madame la ministre, que AIDES, Médecins du monde, le Bus des femmes, le Lotus blanc, toutes ces organisations qui ont décidé de se consacrer à la sortie de la prostitution ou à l’accompagnement sanitaire participent du système prostitutionnel ou n’ont aucun intérêt pour les personnes prostituées. Vous n’avez pas le droit de considérer que, dès lors que l’on s’oppose à la mesure que vous présentez comme centrale de cette proposition de loi, l’on est de fait un partisan de la prostitution.

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C’est faire preuve de mauvaise foi et c’est injurieux pour le débat démocratique que vous ne contribuez pas à faire progresser, surtout quand on pense à ONUSIDA, au PNUD, aux organisations internationales, à celles et ceux qui ont dressé un bilan contrasté de l’exemple suédois. Si Marisol Touraine n’a pas dit qu’elle était opposée au modèle suédois, elle n’a pas fait preuve, lors de son audition devant la commission, de la même assurance que vous, madame la ministre, quant au succès de ce modèle. Je me souviens qu’elle avait des chiffres contradictoires dont certains témoignaient d’une dégradation de l’état sanitaire des personnes prostituées, ce qui l’a amenée à s’interroger. C’est ce qu’elle a dit en commission. J’ai encore mes notes en mémoire. Je l’ai d’ailleurs félicitée de porter un regard aussi critique, aussi nuancé, ce qui n’avait pas caractérisé les débats en commission spéciale.

Oui, il est possible de vouloir lutter contre les réseaux et la traite tout en s’opposant à la pénalisation des clients. Il n’y a là rien de contradictoire car cette décision se fonde sur des convictions, sur l’écoute de celles et de ceux qui travaillent quotidiennement aux côtés des prostituées.

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Il n’y a pas les bons d’un côté et les mauvais de l’autre, ceux qui écoutent et ceux qui n’écoutent pas. Nous avons tous travaillé avec les associations et nous n’avons aucune leçon à recevoir. Je veux bien que le client ne fasse pas partie de la soirée mais ce serait alors bien étonnant et je me demande ce que nous ferions ici. S’il n’y avait pas de client, il n’y aurait pas de commerce, il n’y aurait pas de traite.

Certains ont dû recevoir un livre, « Pas client », de Patrick Jean, qui a eu la curiosité de lire sur internet des propos de clients, lesquels sont tout de même pour quelque chose dans la situation actuelle. Il en a dressé un florilège dont je ne me permettrais pas de vous en lire le dixième, mais un seul extrait : « Pas de sourire, froide, j’ai mis le paquet. En voyant qu’elle souffrait, j’avais décidé de venir à bout en vingt minutes. » « Voilà le client. Elle cachait son visage avec ses mains, vous pouvez croire ça ? » « Elle commence à crier, je lui ai fait mal alors que je n’avais même pas passé la troisième vitesse. » « C’est une des plus sales putes que j’ai baisées, elle aime être frappée au visage et traitée violemment. » Tous cela se trouve sur un des sites dédiés aux commentaires des clients sur les prostituées.

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Je termine : « Il suffit de laisser parler vos envies » – c’est un homme qui parle à un homme –, « sans vous restreindre, prenez le contrôle du rapport sexuel et pensez que votre masculinité passe par des coups de boutoir infligés ». Et après, l’on nous dira que le client n’a rien à faire ici et que l’on n’a pas à le responsabiliser !

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Je voudrais dépassionner le débat. Ce qui m’ennuie, c’est de ne pas comprendre quelles sont les propositions de ceux qui refusent de pénaliser le client pour sortir de la situation. Nous avons répété à de nombreuses reprises que la situation actuelle était loin d’être satisfaisante, qu’elle était même désastreuse. Même l’abrogation du délit de racolage ne résoudra pas le problème des violences faites aux personnes prostituées et les chiffres sont effroyables.

Dès lors, nous n’avons pas trente-six solutions. Soit nous mettons en place la prohibition comme l’ont fait d’autres pays mais nous savons que ce système n’est pas bon car la situation des personnes prostituées est encore plus désastreuse dans ces pays ; soit nous nous dirigeons vers le réglementarisme et la reconnaissance d’une soi-disant profession de prostitution, à l’instar de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Espagne dans une certaine mesure, où des maisons closes ont été rouvertes mais qui ont dans le même temps ouvert grand leurs portes aux réseaux criminels et où des centaines de milliers de personnes prostituées sont exploitées, sans parler de la situation sanitaire qui est, dans ces maisons closes, largement aussi effroyable qu’ailleurs, contredisant le vieil adage selon lequel tout serait plus propre et plus surveillé en maison close – c’est totalement faux comme j’ai pu m’en rendre compte moi-même à La Jonquera. Il n’y a pas trente-six possibilités et le modèle suédois semble le meilleur. Bien entendu, nous pouvons tous nourrir des doutes et nous demander si la prostitution ne s’est pas aggravée via Internet, si les personnes prostituées ne sont pas davantage victimes de violences, mais ce n’est pas, en tout cas, ce que nous disent les Suédois que nous avons auditionnés.

Et c’est bien parce qu’il est possible de douter que nous avons essayé d’améliorer la loi en créant un référentiel de réduction des risques et en prévoyant que des rapports seraient régulièrement remis sur les effets de cette loi. Il n’est pas interdit de faire mieux et d’aller plus loin que la législation suédoise, d’autant plus que nos deux pays sont très différents, ne serait-ce qu’à propos du VIH : En Suède, il n’y a plus de nouveau cas de contamination et la prévalence diminue. C’est loin d’être le cas en France où la situation épidémiologique est bien différente.

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Nous instaurons donc en France un référentiel pour renforcer la surveillance et la loi est un peu différente mais le principe est le même.

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Je ne défendrai pas mon amendement pour ne pas rallonger les débats mais je voudrais réagir après les propos de Mme Coutelle. Elle vient de nous montrer le degré d’irresponsabilité ou de cynisme des clients. Cependant, les sondages sortis ces derniers jours témoignent d’une grande banalisation de la prostitution dans l’opinion publique. On parle du plus vieux métier du monde et les chiffres sur le refus de la pénalisation du client sont très inquiétants, toutes sensibilités politiques confondues. Et pourtant, nous n’avons cessé de le marteler toute la journée, la prostitution représente une énorme violence faite aux femmes et aussi, à des hommes. L’on ne peut pas accepter cette banalisation. Il faut poser l’interdit, faire comprendre à l’opinion publique qu’il est interdit d’acheter un acte sexuel. Il faut le dire mais, pour poser un interdit, il faut aussi sanctionner, sinon cela ne sert à rien.

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Il faut donc poser l’interdit, faire oeuvre de pédagogie – nous avons ainsi déposé un amendement sur la récidive pour passer au niveau du délit – et affirmer clairement que le client est un délinquant. Sans cela, la loi n’aurait pas de sens.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Les amendements identiques nos 7 et 36 ne sont pas adoptés.

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Je suis saisie de deux amendements, nos 20 rectifié et 45 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement no 20 rectifié .

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La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 45 .

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Je le retire puisque nous nous sommes mis d’accord pour une solution plus modérée, celle de ne passer au délit qu’en cas de récidive.

L’amendement no 45 est retiré.

L’amendement no 20 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 38 , 42 et 55 .

La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 38 .

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M. Geoffroy a ouvert la voie dans laquelle je m’empresse de m’engouffrer. Cet amendement vise à ce que la récidive d’achat d’acte sexuel soit qualifiée de délit et punie d’une peine d’amende. Il s’agit là d’une mesure cohérente, de bon sens, qui respecte l’esprit de la loi et tend à accroître la valeur pédagogique et dissuasive de la pénalisation. Tout d’abord, une contravention avec la présentation devant le tribunal de police, une amende et éventuellement un stage. Ensuite, en cas de récidive, délit, comparution devant le tribunal correctionnel, peine d’amende ou autre, à l’exception d’une peine d’emprisonnement.

Cet amendement consacre, comme Mme Buffet vient de le dire, l’interdiction d’achat sexuel. Il renforce le premier avertissement, la contravention, rappelant que le juge, en vertu de son pouvoir souverain, peut prononcer une peine d’amende avec sursis. Grâce à la progressivité de la peine, il contribue à faire prendre conscience de la gravité de l’acte. Il participe par ailleurs au respect de la cohérence de nos textes, en particulier du code pénal, en termes d’échelle de peine. Il permet également, par cette sanction, d’ouvrir la possibilité de l’extraterritorialité, ce qui n’est pas rien pour les zones frontalières. Je sais de quoi je parle car à l’ouest des Pyrénées, que je représente, comme à l’est que représente Mme Neuville est à l’est, le samedi soir certains de nos compatriotes passent la frontière, sûrs de leur impunité.

Il permettra encore de mettre notre législation en conformité avec celle des autres pays européens qui ont pénalisé le client en se posant moins de questions que nous puisqu’ils ont directement qualifié son acte de délit. Enfin, cette qualification est conforme à notre code pénal puisque ce texte est inscrit dans la partie consacrée aux délits et crimes contre les personnes.

Je veux aussi rassurer les éventuels inquiets s’il y en a encore, ce dont je doute à cette heure tardive : ce texte, pas plus que mon amendement, ne propose de peine de prison. Seule une peine d’amende pourra être prononcée dont le quantum sera apprécié par le tribunal de police ou le tribunal correctionnel, sachant que quasiment jamais les juridictions ne prononcent le maximum de la peine prévue par les textes. J’ai lu à ce sujet beaucoup d’erreurs dans les journaux. Je le répète, la peine de 3 750 euros d’amende visée par cet amendement ne sera jamais prononcée, la peine d’amende pouvant de surcroît être également prononcée assortie d’un sursis.

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M. Guy Geoffroy a défendu l’amendement no 42 .

Mme Marie-George Buffet a également défendu l’amendement no 55 .

Quel est l’avis de la commission ?

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Avis favorable. Nous sommes d’accord pour prévoir cette progression graduée dans l’échelle des peines. En adoptant cet amendement, nous aurons fait un grand pas vers un changement de regard de notre société.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Sur ce sujet, il me semblait que l’équilibre d’abord trouvé par la commission spéciale était le bon, mais si le président Geoffroy considère, au vu des travaux que vous avez conduits, qu’il faut envisager de faire passer la récidive au niveau délictuel sans peine de prison, alors je respecte ce sens du rassemblement et m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

Les amendements identiques nos 38 , 42 et 55 sont adoptés.

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Je suis saisie d’un amendement no 41 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 67 .

La parole est à Mme Maud Olivier, rapporteure, pour soutenir l’amendement.

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Cet amendement vise à substituer, dans la définition de la vulnérabilité, la notion de handicap à celle de déficience. En effet, la notion de handicap est à la fois plus large et mieux définie, notamment par l’article 114 de la loi no 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Avec cet amendement, nous entendons actualiser la référence qui est faite au handicap dans la définition de la vulnérabilité, circonstance aggravante de très nombreuses infractions contenues dans le code pénal. C’est notamment le cas de la traite des êtres humains, du meurtre, des tortures et actes de barbarie, du harcèlement sexuel, du proxénétisme, de l’exploitation de la mendicité ou encore de l’abus de confiance.

Si cet amendement est adopté, il faudra en tirer les conséquences au cours de la navette parlementaire et procéder à cette même substitution aux différents articles qui font de la vulnérabilité une circonstance aggravante des infractions. Ce travail de coordination évitera au stade de l’application de la loi tout risque d’interprétation a contrario par les juridictions.

La notion de handicap est d’ores et déjà présente dans notre code pénal, mais elle y est apparue plus récemment que celle de déficience est n’est utilisée que pour définir les infractions liées aux discriminations. Cet amendement permet de poursuivre l’actualisation de notre législation pénale en substituant à une notion désuète une notion plus clairement définie par le législateur.

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La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour soutenir le sous-amendement no 67 .

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Avis favorable au sous-amendement et à l’amendement.

Le sous-amendement no 67 est adopté.

L’amendement no 41 , ainsi sous-amendé, est adopté.

L’article 16, amendé, est adopté.

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La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre, inscrite sur l’article.

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Depuis plusieurs heures, nous examinons ce texte par lequel, répétons-le, nous ne cherchons pas à déclarer notre haine envers la sexualité masculine, pas plus que, lors des premières propositions de loi qui ont été déposées contre les violences commises au sein des couples, nous ne représentions un féminisme victimaire.

Nous pensons simplement que ce qui permet à la prostitution de subsister dans nos sociétés tient à la méconnaissance profonde de la réalité de ce phénomène. Au cours du débat est revenue l’idée que les prostituées sont majoritairement volontaires, qu’elles apprécient leur activité et la considèrent comme un travail comme un autre, plutôt rémunérateur. En somme, certains discours veulent faire croire que la prostitution serait une activité qu’il conviendrait simplement d’encadrer.

Une forme particulièrement pernicieuse de ce discours fait des prostituées des sortes d’assistantes sociales offrant un temps d’écoute à ceux qui en seraient privés. Certains nous font croire qu’on irait voir indifféremment une personne prostituée, homme ou femme, ou une assistante sociale, puisque cela reviendrait peu ou prou au même.

C’est là un déni de réalité et nous devons combattre cette représentation incroyablement idéalisée. Le stage de sensibilisation permettra aux clients de prendre conscience des conséquences de leurs actions. En effet, l’achat de services sexuels n’est pas qu’une simple transaction, mais le moteur et le rouage essentiel d’un esclavage de masse. En agissant ainsi, les clients se font les complices d’un système violent et dangereux pour la santé physique et psychologique de celles et ceux qui en sont les victimes.

Grâce à cet article, les clients seront enfin informés des souffrances qu’endurent ces femmes et ces hommes, qui sont en proie au désespoir et à un sentiment d’abandon, mais également à la honte. Aussi, je ne peux que me réjouir de cette possibilité de sensibilisation qui, je l’espère, sera largement mise en oeuvre et proposée par les tribunaux de police en complément ou à la place des amendes. Il s’agit aussi d’un message d’espoir à l’attention de celles et ceux qui se dénomment « les sans-voix ». C’est pourquoi, chers collègues, je vous appelle à adopter cet article.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 37 .

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Cet amendement est lié à l’amendement no 36 , qui n’a pas été adopté ; dès lors, je le retire.

L’amendement no 37 est retiré.

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Je suis saisie de deux amendements, nos 21 rectifié et 59 . La parole est à M. Philippe Goujon, pour les soutenir.

Les amendements nos 21 rectifié et 59 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L’article 17 est adopté.

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La parole est à M. Pascal Cherki, inscrit sur l’article.

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Cet article prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l’application de la loi deux ans après son adoption. C’est une bonne mesure, car cette loi produira ses effets dans le temps. Cette première évaluation permettra éventuellement d’amplifier certaines des actions prévues dans le texte.

Néanmoins, j’appelle l’attention du Gouvernement sur un point. Le dispositif est fondé sur un triptyque : protection des prostituées, contre lesquelles toute action pénale est désormais supprimée ; sensibilisation du client par des mesures pénales à son encontre mais aussi par des stages de sensibilisation et des actions pédagogiques dans les établissements scolaires ; enfin, lutte contre les réseaux.

On a beaucoup dit, à juste titre, qu’il fallait tarir la source économique des réseaux, et commencer à le faire concrètement avec la contravention et le délit en cas de récidive, pour décourager le client. La lutte contre les réseaux, en revanche, relève des compétences de la police. Or, les réseaux existent et sont puissants. Les travaux de la commission ont bien montré que c’est dans ce sens que la prostitution a profondément évolué, et que les réseaux d’aujourd’hui sont forts et structurés.

À cet égard, j’estime qu’il existe une inadéquation entre les moyens dont dispose la police et les objectifs que nous nous fixons. Permettez-moi de citer une statistique du ministère de l’intérieur : l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, l’OCRTEH, est constitué de seize enquêteurs. En 2009, il dénonçait 611 établissements à risques de prostitution en France, dont 480 hors de Paris. Certes, des moyens supplémentaires sont prévus.

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Le ministre l’a dit : il affectera des enquêteurs supplémentaires à l’Office, mais il a également dit avec beaucoup d’honnêteté devant la commission qu’il faut tout à la fois donner des moyens aux différentes structures chargées de lutter contre le crime organisé, mais aussi veiller à ce que les nouveaux moyens soient affectés à la voie publique.

Lorsque l’on se fixe un objectif d’une telle ampleur, qui suppose un renversement de perspective dans la lutte contre la prostitution, il faut, pour que la loi soit efficiente, mobiliser l’ensemble des moyens de l’État. Or, je le dis ici : je doute que le nombre de policiers dans les brigades spécialisées, à quoi s’ajoute la brigade de répression du proxénétisme de Paris, nous permette d’atteindre aussi vite que nous le souhaitons notre objectif de démantèlement des réseaux. Si cet objectif est une priorité de notre politique pénale, alors il faut y consacrer des moyens de police, et notamment augmenter les moyens consacrés aux services spécialisés pour lutter contre les réseaux.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 29 .

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Cet amendement de cohérence avec l’amendement no 28 que j’ai présenté à l’article 14 bis permet de déplacer les dispositions de cet article au présent article, afin notamment d’intégrer au rapport prévu la situation des mineurs victimes de prostitution.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Même avis que précédemment : s’agissant d’un rapport demandé par le Parlement au Gouvernement, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, mais la logique voudrait que cet amendement subisse le même sort que celui qui lui est lié.

L’amendement no 29 est adopté.

L’article 18, amendé, est adopté.

L’article 20 est adopté.

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La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 63 .

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Cet amendement vise à lever le gage.

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Il faut bien entendu adopter cet amendement gouvernemental mais, pour être opérationnel, ce texte suppose encore bien des améliorations, notamment au plan budgétaire. Méfiez-vous, madame la ministre, et rapprochez-vous rapidement de votre collègue chargé du budget pour régler ce problème, car en matière budgétaire, la roue tourne !

L’amendement no 63 est adopté et l’article 21 est supprimé.

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La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour soutenir l’amendement no 14 .

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L’objectif affiché par le titre initial de la proposition de loi est le bon : pour être efficace, il s’agit d’impliquer tous les éléments de la chaîne prostitutionnelle.

Cependant, en supprimant le racolage public sans proposer d’outil supplémentaire de lutte contre les réseaux, en remettant à plus tard l’ajout de mesures relatives à la cybercriminalité spécifiques à la prostitution, en prévoyant une pénalisation du client aux contours incertains, la proposition de loi, en l’état, manque sa cible.

Ce nouveau titre tient néanmoins à saluer les avancées que porte la proposition de loi, autant en matière d’accompagnement social des personnes qui souhaitent sortir de la prostitution qu’en matière de sensibilisation aux dommages de la prostitution.

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Je comprends que Mme Fort veuille souligner l’effort majeur consacré à la partie du texte qui concerne le parcours de sortie de la prostitution et la sensibilisation aux dommages. Néanmoins, le titre actuel de la proposition de loi est plus général et je suis réticente à ce que l’on concentre le titre sur les seuls deux points que vous avez évoqués, même s’ils sont tout à fait importants. Conservons donc ce caractère global au titre afin de bien prendre en compte les quatre piliers du texte. Avis défavorable.

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Nous nous concentrons sur ces deux points parce que le reste est loupé !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

S’agissant d’une proposition de loi, il me semble qu’il revient à la commission spéciale de déterminer le titre qu’elle souhaite lui donner. Cela étant, je crois que la « lutte contre le système prostitutionnel » est le titre qui définit le mieux le contenu de cette proposition de loi. Avis défavorable.

L’amendement no 14 n’est pas adopté.

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Nous avons achevé la discussion des articles de la proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi auront lieu le mercredi 4 décembre, après les questions au Gouvernement.

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Prochaine séance, lundi 2 décembre, à dix-sept heures :

Débat sur la directive relative au détachement des travailleurs.

La séance est levée.

La séance est levée, le samedi 30 novembre 2013, à zéro heure quarante-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron