Séance en hémicycle du 13 mai 2014 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

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J’informe l’Assemblée que M. Jean-Marie Le Guen, Mme Annick Girardin, M. Christian Eckert, Mme Axelle Lemaire, Mme Ségolène Neuville et M. Thierry Braillard, nommés membres du Gouvernement par décret du 9 avril 2014, ont été remplacés, respectivement, par Mme Anne-Christine Lang, Mme Catherine Pen, M. Jean-Marc Fournel, M. Christophe Premat, M. Robert Olive et Mme Gilda Hobert.

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J’ai pris acte au Journal officiel daté de ce jour de la démission de Mme Catherine Pen, députée de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent

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le sergent-chef Marcel Kalafut a trouvé la mort la semaine dernière au Mali. C’est le huitième soldat français tué depuis le début de l’opération Serval. En votre nom à toutes et à tous, j’adresse à sa famille, à ses proches et à ses camarades les condoléances de l’Assemblée nationale.

Je renouvelle également la reconnaissance de la représentation nationale à l’ensemble de nos soldats actuellement mobilisés dans des opérations extérieures.

Je vous invite à observer une minute de silence.

Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.

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L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Au nom du groupe UMP, monsieur le président, je m’associe à l’hommage de la nation que vous avez prononcé à l’égard de ce soldat et, à travers lui, de l’ensemble de nos troupes engagées dans le monde. C’est précisément une question sur les droits fondamentaux et les droits de l’Homme que je souhaiterais poser au ministre des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, le calvaire des jeunes collégiennes du Nigéria doit éclairer la conscience du monde sur les exactions et les violations systématiques que subissent les femmes et les jeunes filles dans les zones de conflit. Cette situation doit aussi éclairer la conscience du monde sur la montée du fanatisme, du terrorisme et de l’extrémisme dans cette partie du monde et sur la réaction que nous devons avoir. Que vaut en effet l’indignation sans l’action ?

Le monde s’indigne, et la solidarité internationale s’est exprimée ici, sur nos bancs, à Paris comme aux Nations unies et dans de nombreux États dans le monde mais, encore une fois, que vaut l’indignation sans l’action ?

Le ministre peut-il nous apporter des précisions sur la configuration et les objectifs de la mission d’experts qui s’est rendue au Nigéria à la demande du gouvernement français ? Quels points d’appui avons-nous auprès du gouvernement nigérian pour éviter toute récidive, libérer ces jeunes filles et poursuivre les auteurs de ces actes ?

Je voudrais également connaître les intentions du Président de la République sur la conférence de sécurité collective qui est annoncée dans cette région et sur la place qui sera faite aux droits des femmes à l’occasion de cette importante réunion.

Enfin, la France est-elle capable de reprendre l’initiative à travers le Conseil de sécurité ou d’autres instances ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports

Madame la députée, ce que nous montrent ces enlèvements abjects de jeunes filles au Nigéria, c’est que, dans de nombreuses zones du monde, les femmes et les filles continuent d’être systématiquement prises pour cibles, niées dans leurs droits les plus fondamentaux, et en particulier celui à l’éducation, victimes de la traite, de l’exploitation, de l’esclavage à grande échelle.

J’entends trop souvent parler de « mariage forcé » pour décrire ce rapt barbare ; mais, quand on enlève des enfants pour les forcer à se marier avec des adultes, on les réduit à l’esclavage sexuel et on provoque des viols en série sur des mineures. Ces actes sont constitutifs de crimes contre l’humanité ; je crois qu’il nous faut employer les mots qui correspondent à la réalité.

La France, vous le savez, a apporté tout son soutien au Nigéria, en particulier dans le domaine du renseignement, et vous connaissez l’efficacité de nos services en la matière. Elle a envoyé dès la semaine dernière une équipe spécialisée pour assister les autorités nigérianes dans leurs efforts pour libérer ces jeunes filles.

Au-delà du Nigéria, au-delà de la France, c’est la communauté internationale tout entière qui a un devoir de protection envers ces jeunes filles et qui est interpellée. Vendredi dernier, le Conseil de sécurité s’est exprimé sans réserves pour condamner ces actes. Lundi, les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne ont clairement exprimé leur engagement à renforcer la lutte contre Boko Haram et à soutenir les sanctions. Nous sommes en train de mettre en place une coordination avec tous les pays de la région pour agir avec la plus grande efficacité, et c’est l’enjeu de la réunion que le Président de la République a souhaité organiser, à la demande du président du Nigeria, ce samedi 17 mai à l’Élysée, avec les chefs d’État des pays frontaliers du Nigeria et des représentants des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Union européenne. Cette réunion permettra de bâtir des stratégies régionales pour lutter contre le terrorisme de Boko Haram et renforcer nos échanges de renseignement et de sécurisation de cet espace. Ces crimes ne demeureront pas impunis.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

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Monsieur le Premier ministre, l’objectif de notre majorité est clair : nous voulons construire une société plus égalitaire et plus juste.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

C’est raté !

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Les Français doutent de la capacité de notre société à offrir un avenir meilleur aux prochaines générations. Cette angoisse sourde, notre majorité l’entend et veut la placer au coeur de la nouvelle étape du quinquennat.

Les mesures fiscales de l’UMP en 2011 et 2012,

Exclamations sur les bancs du groupe UMP

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et notamment le gel du barème de l’impôt sur le revenu, ont eu des effets ravageurs dans les classes modestes et les classes moyennes

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Elles ont fait entrer dans l’impôt des ménages qui n’y étaient pas soumis jusqu’à présent. Aussi, les réflexions du Gouvernement sur la loi de finances rectificative, qui prolongent les initiatives de la loi de finances de 2014 pour dégeler les barèmes, sont particulièrement scrutées.

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Vous avez énoncé un objectif auquel nous souscrivons : permettre à 650 000 Français, souvent des travailleurs au SMIC ou légèrement au-dessus, de sortir de l’impôt. C’est une orientation nécessaire et utile, qui allie justice sociale et progrès économique.

Notre majorité croit que, dans la période difficile que traverse notre pays, nos énergies doivent effectivement se concentrer sur la sortie de crise, mais que ces efforts doivent être justement répartis, en préservant les plus modestes et ceux qui éprouvent des difficultés à boucler les fins de mois.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous préciser la méthode qui présidera à l’élaboration des arbitrages pour la loi de finances rectificative et qui nous permettra de mieux concilier justice et efforts ?

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Vous posez évidemment une bonne question, madame la députée, qui est le reflet de ce que nous pouvons entendre lorsque nous discutons avec ceux qui vivent modestement et qui, par exemple, alors qu’ils n’ont pas gagné plus l’année dernière que l’année précédente, se rendent compte en faisant leurs calculs que, si rien n’est fait, ils vont avoir à payer des impôts.

Payer des impôts lorsqu’on a des revenus qui augmentent, chacun comprend que c’est normal mais, lorsque les revenus n’augmentent pas (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), il y a là quelque chose d’injuste, et vous avez parfaitement raison de vouloir lutter contre cette injustice.

Une telle injustice est le résultat notamment de mesures parfois très anciennes comme le gel du barème. Lorsqu’il est bloqué, des gens se mettent soudainement à devoir payer des impôts alors qu’ils gagnent la même somme. C’est l’ancienne majorité qui avait voté ce gel du barème. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Cela fait deux ans que vous êtes là !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Il convient donc maintenant de prendre la bonne mesure. Ce à quoi nous travaillons, le Gouvernement, le Parlement dans son ensemble, la commission des finances, les groupes de la majorité, c’est à une mesure qui soit simple, visible, juste et qui permette par exemple de ne pas avoir à payer d’impôts lorsque l’on gagne moins de 15 000 euros par an. Nous vous ferons cette proposition en travaillant avec vous, pour que, dès l’automne prochain, dès le vote de la loi de finances rectificative, cette nouvelle disposition soit adoptée afin de montrer aux Français que l’on peut vouloir être efficace et compétitif tout en préservant la justice.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, l’emploi est au coeur de toutes les préoccupations. L’action du Gouvernement, qui agit sans cesse sur la réduction du présumé coût du travail, avec le crédit d’impôt compétitivité emploi ou le pacte de stabilité qui offre 40 milliards d’euros aux employeurs, ne nous satisfait pas – pas plus qu’elle ne donne de résultats depuis trente ans.

C’est dans les hommes qu’il faut investir. Henry Ford, qui pourtant ne siégerait pas ici à mes côtés, déclarait : « Enlevez-moi les banques, les machines, les usines et laissez-moi les hommes : je redémarre demain. »

Le pari de l’emploi ne peut être durablement gagné si nos moyens de production industrielle disparaissent les uns après les autres : Alstom, PSA Aulnay, mais aussi, dans les Bouches-du-Rhône, Fralib, les Moulins Maurel, la raffinerie de Berre que Lyondell refuse de vendre alors qu’il y a un repreneur,…

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…Ascométal, qui, coulé par un fonds de pension, se retrouve en liquidation judiciaire.

Des outils ont été créés ces deux dernières années, avec le fonds de retournement et la Banque publique d’investissement, et nous nous en réjouissons, même si nous considérons qu’ils sont sous-dotés au regard des enjeux. D’autres leviers de l’intervention de l’État, tels que le droit de préemption ou encore la nationalisation, même temporaire, sont souvent cités mais, convenez-en, jamais utilisés.

Le rapport de la commission d’enquête sur la sidérurgie recommandait l’entrée dans le capital à hauteur de la minorité de blocage, ou la nationalisation. Ces préconisations, adoptées à l’unanimité par la commission d’enquête, sont restées lettre morte. Un autre rapport de commission d’enquête, sur la privatisation de la SNCM, s’intitule « Histoire d’un gâchis ». Sur ce dossier, comme sur les autres, l’État ne doit pas tourner le dos à ses responsabilités en matière d’emploi, alors que l’avenir de cette société se joue en ce moment même.

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement compte-t-il utiliser ces outils majeurs pour la sauvegarde de notre industrie ?

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

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La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Monsieur le député, j’ai envie de souscrire à une partie de votre propos en citant cette phrase du grand économiste Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie

« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

« Il faut absolument éviter de laisser détruire l’industrie, car la reconstruire coûte très cher. »

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Cette phrase résume exactement notre politique industrielle. Dans les dossiers de Mory Ducros, Kem-One, FagorBrandt, Ascométal, nous avons créé un fonds de résistance économique qui permet de nous substituer au système financier défaillant. Avec, d’ailleurs, l’autorisation du législateur, nous avons déjà, sur ces quatre dossiers, sauvé environ 10 000 emplois. Ce sont des outils industriels performants qui ont été abîmés par la crise et qui sont en voie d’être retournés, retrouvant la santé que nous leur demandons. Les territoires s’en réjouissent et nous soutiennent.

Dans le dossier PSA, que vous avez cité, on a beaucoup parlé de l’entrée dans le capital, à hauteur de 14 %, de Dongfeng, entreprise publique chinoise, mais a-t-on parlé de l’entrée de l’État, pour 800 millions d’euros, à hauteur de 14 % du capital, à parité avec les Chinois, de manière à créer un équilibre entre la famille Peugeot, l’État et ces derniers, ce qui permet d’ailleurs à M. Gallois d’être président du conseil de surveillance. L’État s’est-il interdit d’agir ? Jamais !

Nous disposons de soixante-et-onze participations de l’État, pour 110 milliards d’euros. Nous en vendons certaines, de façon homéopathique, pour nous préparer à entrer dans le capital d’autres sociétés. Nous venons, sous mon impulsion, de créer une compagnie nationale des mines, afin de redécouvrir cette activité dans le monde, et nous nous apprêtons à investir dans le secteur de la santé, stratégique pour notre pays. Ce sont là des compagnies publiques ; on n’en avait pas créé en France depuis vingt ans.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

L’État est présent, l’État agit, l’État avance !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme Gilda Hobert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, le XXIe siècle est annoncé comme le siècle du vieillissement. La France va devoir faire face à une augmentation sans précédent du nombre de ses personnes âgées. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les personnes de soixante-quinze ans et plus, nombreux de plus de cinq millions aujourd’hui, seront plus du double en 2060, et le nombre des personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans aura triplé en 2050. Je sais, madame la ministre, que le Gouvernement a ce sujet à coeur, et le rapport de M. Aquino, M. Broussy et Mme Pinville, qui prône anticipation, adaptation et accompagnement, répond à cette volonté de prendre en considération l’effet papy-boom.

Je voudrais souligner l’engagement de nombreux organismes et associations pour le maintien à domicile des personnes âgées le plus longtemps possible, et leur accompagnement dans la perte d’autonomie.

Il s’agit aussi de se préoccuper de l’isolement de nos seniors, souvent touchés par la solitude et l’éloignement. Les établissements d’hébergement pour personnes âgées jouent dans ce sens un rôle précieux de socialisation. Ils représentent une alternative à l’établissement médicalisé, garantissant un accueil structurant et rassurant pour des personnes autonomes ou en situation de dépendance légère ; chacun y est « chez soi », entouré de ses voisins et du personnel encadrant.

Or, trop souvent la question des moyens pour y accéder se pose, en particulier pour les plus faibles revenus et les classes moyennes. Les aides, parmi lesquelles l’allocation personnalisée d’autonomie, attribuées par les conseils généraux, sont alors déterminantes.

À l’heure où le maintien à domicile est encouragé, ne pouvons-nous craindre que l’importance de ces établissements soit minorée, alors que la refonte de la carte territoriale se profile et que les départements sont sur la sellette ?

Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Madame la députée, oui, le Gouvernement entend relever avec volontarisme le défi du vieillissement de la population, contrairement à la majorité précédente, qui a parlé, fait des promesses mais n’est jamais passé aux actes.

Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Avec Michèle Delaunay, nous avons préparé un texte de loi, auquel nous continuons de travailler avec Laurence Rossignol et que nous vous présenterons prochainement.

Nous avons la volonté de favoriser le maintien à domicile.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Aujourd’hui, 700 000 personnes peuvent rester à domicile. La loi d’accompagnement et de prévention à laquelle nous travaillons permettra une meilleure prise en charge, en termes de pouvoir d’achat. Très concrètement, ces 700 000 personnes, lorsqu’elles seront chez elles, pourront bénéficier d’une heure d’aide de plus par jour quand elles sont en GIR 1, une heure d’aide de plus par semaine quand elles sont en GIR 4. C’est une avancée très concrète.

Nous avons également la volonté de reconnaître le libre choix de la personne : rester chez soi ou aller dans ce que l’on appelait un foyer logement, comme vous l’avez évoqué. Le Gouvernement s’engagera pour la reconnaissance de ces établissements. Il s’engagera financièrement, avec 40 millions d’euros qui viendront financer des animateurs dans ces établissements, ainsi que 40 millions d’investissements supplémentaires par rapport à ce que réalisent déjà les collectivités locales.

Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement s’engagera avec force, et je suis certaine que nous serons nombreux à nous rassembler pour une meilleure prise en charge des personnes âgées à domicile.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le Premier ministre, dimanche soir, vous avez annoncé, lors de votre interview télévisée, que vous vouliez éviter à 650 000 nouveaux foyers fiscaux de devenir en 2014 imposables à l’impôt sur le revenu. Le groupe UDI voulait vous féliciter pour cette prise de conscience.

« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.

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Je rappelle les chiffres : en 2012, 940 000 nouveaux foyers fiscaux assujettis ; en 2013, 790 000 ;…

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…cette année, en application de la loi de finances pour 2014, votée par votre majorité, environ un million de nouveaux foyers devraient devenir imposables avec tous les effets indirects induits sur d’autres avantages fiscaux et sociaux – majoration du taux de CSG, suppression de l’exonération de la redevance télévisuelle ou encore majoration de la taxe d’habitation et du foncier bâti. Parmi les mesures qui expliquent cette forte hausse du nombre d’assujettis figure la suppression de l’exonération dont bénéficiaient jusqu’alors les majorations pour enfants, mesure qui doit rapporter cette année 1,2 milliard d’euros au budget de l’État. Le groupe UDI l’a combattue, car elle est fondamentalement antisociale. Ces majorations ne sont en effet qu’une juste compensation des retraites plus basses et du niveau de vie plus bas des femmes et des hommes qui ont eu trois enfants et plus.

Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.

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D’après le rapport du rapporteur général du budget de l’époque, devenu entre-temps secrétaire d’État au budget, cette mesure va toucher 3,8 millions de foyers fiscaux, dont plus de la moitié appartiennent aux couches moyennes de nos concitoyens, notamment des centaines de milliers de veuves, de veufs et de couples retraités.

Monsieur le Premier ministre, ma question est toute simple : votre gouvernement envisage-t-il de revenir totalement ou partiellement sur cette mesure injuste pour maintenir ces exonérations, au moins pour les classes moyennes ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le député, je reçois avec plaisir vos félicitations… Essayons d’aller au fond du débat. Le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays est devenu insupportable.

Exclamations et applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP. Plusieurs députés du groupe UMP se lèvent pour applaudir.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

La hausse de la fiscalité de ces dernières années est elle-même devenue insupportable. Essayons de rester le plus proche de la réalité. Entre 2010 et 2012, la fiscalité sur les entreprises et sur les ménages a augmenté de plus de 30 milliards d’euros. Entre 2012 et 2014, elle a également augmenté de 30 milliards d’euros. Ce sont ces 60 milliards d’euros qui pèsent aujourd’hui sur les entreprises et plus particulièrement désormais sur les ménages. Si nous considérons que nous vivons depuis des années au-dessus de nos moyens et que la fiscalité au cours de ces dernières années a trop augmenté, il faut un coup d’arrêt.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

La cohérence de ce coup d’arrêt, je l’ai défendue à l’occasion du discours de politique générale et, il y a encore quelques jours, au moment où je présentais le programme de stabilité. Il faut réduire la dépense publique de 50 milliards d’euros, ce que personne n’a fait,…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…et nous engager, au nom même de la justice – le ministre des finances le rappelait il y a un instant – et du pouvoir d’achat, à diminuer ces prélèvements obligatoires.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Nous devons le faire par une mesure simple qui fasse sortir au minimum 650 000 foyers de l’impôt sur le revenu à l’automne prochain. Nous en discuterons dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Nous devons également préparer – c’est la tâche de Michel Sapin et de Christian Eckert – la loi de finances initiale pour 2015. Il faut préserver nos services publics, et c’est le choix que nous avons fait pour l’école, la police, la justice, mais aussi pour Pôle emploi et l’université ; il faut faire en sorte que la cohésion territoriale de notre pays soit préservée dans les territoires urbains et ruraux ; il faut prendre des mesures de justice. Dans le même temps, l’objectif de baisse de la dépense publique et des prélèvements obligatoires sera en permanence au coeur des mesures que nous proposerons et du débat que nous aurons au Parlement, mesure par mesure, au-delà des axes que vous avez rappelés, aussi bien avec la majorité qu’avec les groupes d’opposition. De fait, sur ce sujet, au vu des responsabilités des uns et des autres, nous devons aux Français un débat de qualité…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…et des mesures qui leur permettent de reprendre confiance dans l’action et la parole publiques. Tel est l’engagement de mon gouvernement.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.

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La parole est à M. Xavier Bertrand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le Premier ministre, dimanche matin, j’ai accusé le Président de la République et votre gouvernement de préparer un nouveau plan de réduction des dépenses militaires, alors que l’encre de la loi de programmation militaire n’est même pas sèche.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Chacun attendait le soir même que vous démentiez clairement mes affirmations, mais il n’en a rien été !

Mêmes mouvements.

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D’ailleurs, le ministère de l’économie a bien confirmé – on peut le lire aujourd’hui dans Les Échos – qu’un tel plan est à l’étude. Ce plan proposerait des coupes budgétaires de 1,5 à 2 milliards d’euros par an, dans un délai compris entre trois et cinq ans. Je vous demande, monsieur le Premier ministre, d’être plus clair que vous ne l’avez été dimanche soir. Envisagez-vous, oui ou non, de revenir sur le niveau de la loi de programmation militaire ? Cela pose la question de la parole du Président de la République.

Mêmes mouvements.

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Celui-ci disait le 29 mars 2013 que les dépenses seraient les mêmes pendant toute la période de la loi de programmation, y compris en 2019. Le 14 juillet dernier, il disait également qu’il fallait sanctuariser le budget de la défense, et il le confirmait le 8 janvier. Qui a raison, monsieur le Premier ministre ? Est-ce le président de l’Assemblée nationale, qui dit qu’il faut demander un effort à la défense, ou est-ce votre ministre de la défense nationale, qui s’est engagé à cette tribune même en disant que le budget se maintiendrait à son niveau actuel pendant trois ans, avant d’augmenter ?

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Est-ce que votre ministre de la défense nationale sera le ministre du reniement, qui acceptera de telles coupes budgétaires, ou donnerez-vous raison à celles et à ceux qui vous disent que notre budget de la défense et notre sécurité ne peuvent pas être sacrifiés, parce qu’un Président de la République s’est fourvoyé dans sa politique économique ?

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Notre sécurité ne peut pas être menacée, parce que le Président de la République n’a pas le courage d’engager les réformes de fond et parce qu’il a préféré engager des dépenses supplémentaires en début de mandat. Nous devons maintenir notre effort de défense nationale ! Nous le devons à nos concitoyens et à nos soldats !

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur le ministre Xavier Bertrand, je veux d’abord excuser M. Le Drian qui participe en ce moment même à un hommage solennel rendu au soldat mort au Mali. Il est évidemment légitime de se préoccuper de l’avenir des crédits de la défense et de la sécurité de la France, mais il faut le faire avec mesure et avec le plus grand sérieux possible.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Car on ne parle pas de n’importe quels crédits : en parlant des crédits de la défense, on peut très rapidement faire peur…

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Répondez !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

… ceux qui penseraient que parce que tel ou tel élément viendrait à diminuer, comme vous avez pu le faire par le passé, ce serait la sécurité de la France qui diminuerait. Non, monsieur Xavier Bertrand, la sécurité de la France ne sera pas mise en danger ! Une loi de programmation a été votée. C’est dans le cadre de cette loi de programmation que toute réflexion sur l’avenir des crédits de la défense nationale doit s’inscrire. Non, monsieur Bertrand, les chiffres que vous nous donnez et que vous nous avez déjà donnés auparavant n’ont rien à voir avec la réalité ! Vous parlez d’une diminution de 2 milliards d’euros par an pendant trois voire cinq ans, soit six milliards d’euros de moins pour les crédits de la défense sur un budget actuel de 30 milliards d’euros.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Une diminution de 20 % ! Il n’en est pas question, monsieur Bertrand ! La France doit faire un effort pour maîtriser ses dépenses publiques et tous les ministères feront un effort ; mais le ministère de la défense est un ministère qui doit être à la hauteur des enjeux de la sécurité de la France.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

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La parole est à M. Jean Grellier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s’adresse à Mme Valérie Fourneyron, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, que nous saluons chaleureusement à l’occasion de son retour devant notre assemblée.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR et du groupe écologiste .

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Dans moins d’une heure, nous allons entamer le débat sur le texte de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, véritable loi-cadre, et même texte fondateur, reconnu comme tel par un grand nombre d’acteurs de ce secteur économique.

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Il va permettre de définir les éléments qui fédèrent les entreprises et les institutions qui s’inscrivent dans les différents statuts de la coopération, du mutualisme, des associations et des fondations. Il ouvrira aussi la possibilité à des entreprises commerciales classiques de se reconnaître dans les valeurs véhiculées par le secteur de l’économie sociale et solidaire, valeurs qui relèvent des principes de la gouvernance démocratique, avec une affectation des résultats privilégiant la pérennité et le développement du modèle économique et social concerné.

Lors de la présentation du pacte de stabilité à notre assemblée, le 29 avril dernier, M. le Premier ministre a rappelé l’importance du secteur de l’économie sociale et solidaire dans le redressement productif de notre pays et surtout dans la création d’emplois sur l’ensemble de nos territoires. Compte tenu de la période de transition économique et sociale, assimilée souvent à une crise, nous pensons que les statuts de l’économie sociale et solidaire – la coopération, le mutualisme, les associations –, si l’on se réfère à leurs fondamentaux, n’ont jamais été aussi modernes et adaptés pour répondre efficacement aux enjeux et aux défis à relever.

Je vous demande de nous rappeler, madame la secrétaire d’État, quelle est l’ambition du Gouvernement pour le développement du secteur de l’économie sociale et solidaire afin de promouvoir une nouvelle manière d’entreprendre, davantage humaine, collective et solidaire, dans une économie plus concertée et mieux équilibrée.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme la Secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Monsieur Jean Grellier, permettez-moi, avant de répondre à votre question et que nous nous retrouvions dans l’hémicycle pour débattre du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, de remercier l’ensemble des membres de cette assemblée pour leurs messages de soutien, le Président de la République et le Premier ministre pour la confiance qu’ils m’ont réaffirmée dans cette période difficile, ainsi que les membres du Gouvernement qui ont parfois, au pied levé, dû endosser mes responsabilités. J’en viens au projet de loi.

Oui, monsieur le député, vous avez raison : il s’agit d’une grande loi économique car, pour la première fois dans notre pays, il y aura la reconnaissance d’une économie pratiquée autrement, la reconnaissance, outre des principes d’une gouvernance démocratique, qu’il peut y avoir un but poursuivi autre que le partage des bénéfices. Par-delà une lucrativité limitée, il y a des valeurs que tous les élus connaissent sur leurs territoires. Aujourd’hui, 70 % des structures qui accueillent nos personnes âgées dépendantes sont des structures associatives. De même, neuf personnes sur dix en situation de handicap sont hébergées dans ce type de structures. Les associations, les coopératives et les mutuelles sont une autre façon d’entreprendre, que nous allons pouvoir reconnaître officiellement grâce à cette loi.

Mais, au-delà, il s’agit de sécuriser sur le plan juridique l’ensemble des acteurs concernés afin de leur permettre de se développer et de cibler de nouveaux outils financiers, fléchant ainsi l’épargne longue. L’ensemble de nos concitoyens y est très attentif et de plus en plus mobilisé parce que aller plus loin sur l’ESS, c’est aller plus loin pour l’emploi dans notre pays. Je rappelle qu’aujourd’hui, 10 % du PIB est consacré à l’économie sociale et solidaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe RRDP.

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La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

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Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes engagé résolument, avec le Président de la République, sur une réforme territoriale ambitieuse donnant aux régions des moyens d’action s’approchant des standards européens. L’Europe des régions, c’est dès maintenant qu’elle se construit.

Fidèles à nos principes de décentralisation différenciée, nous ne pouvons toutefois accepter que cette réforme territoriale soit sous-tendue par une logique purement comptable de réduction des dépenses et de division par deux du nombre de régions. Les périmètres des régions ne sauraient être définis dans un bureau parisien, par des technocrates, sur des critères INSEE. Ce qui fait sens ce n’est pas tant le poids démographique et la taille géographique d’un territoire que le sentiment d’appartenance de la population qui y vit ; en témoignent les États ou régions autonomes de l’Union européenne dont la superficie ou le nombre d’habitants sont bien plus faibles que ceux d’une Bretagne à cinq départements. Plus personne d’ailleurs n’imagine aujourd’hui créer une région PACA-Corse, et ce serait une grave erreur que de vouloir la dissolution de la Bretagne, de l’Alsace ou de la Picardie

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP

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dans des supra-régions informes.

Sur le fond, monsieur le Premier ministre, nous vous rejoignons sur un bon nombre de points contenus dans l’actuel projet de loi que nous, écologistes et régionalistes, avons toujours défendus constance. Il en est ainsi de la prescriptivité des schémas régionaux pour l’économie et l’aménagement du territoire, et des pouvoirs réglementaires afférents. De même, nous nous réjouissons qu’une réflexion poussée soit désormais enclenchée sur le rôle des conseils départementaux et leur possible fusion dans des collectivités uniques. La réforme territoriale doit être d’une meilleure efficience pour l’action publique en allégeant l’indigeste mille-feuille administratif, favoriser une plus grande démocratie et préserver la vitalité des territoires ruraux.

Compte tenu des réorganisations territoriales à venir, le report des élections régionales et cantonales nous paraît relever du simple bon sens.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.

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En effet, quel intérêt d’élire des conseillers régionaux et départementaux alors qu’ils ne sauront pas quels seront leur périmètre et leurs compétences ?

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Magouille !

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Monsieur le Premier ministre, quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur votre ambition en la matière et sur le calendrier de la discussion de la réforme territoriale ?

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l’état et de la fonction publique

Monsieur Paul Molac, vous avez en fait posé trois questions. La première concerne les périmètres des régions.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l’état et de la fonction publique

Le Premier ministre a été extrêmement clair, comme le Président de la République le 14 janvier.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l’état et de la fonction publique

Je l’ai moi-même été, avec beaucoup d’enthousiasme, lors de la discussion, au Sénat, d’une proposition de loi de Jean-Pierre Raffarin et d’Yves Krattinger. Il y a sans doute trop de régions en France, mais il n’est pas question de faire un découpage en chambre, vous avez raison sur ce point. Le Gouvernement en appelle donc à des discussions nombreuses dans les différents territoires. Je vais, avec André Vallini, procéder rapidement à des déplacements pour y participer.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l’état et de la fonction publique

Mais, vous en avez convenu depuis longtemps, quelques régions de moins – même si je le pouvais, je ne dirais pas aujourd’hui combien –, c’est sans doute la bonne solution.

La deuxième porte sur les compétences. Nous sommes déterminés à ce que les régions aient un pouvoir fort, en particulier en termes de développement économique mais aussi d’aménagement du territoire. Vous l’avez toujours demandé, et je me souviens que vous étiez présent lors du premier débat. Vous avez satisfaction sur ce point : les schémas seront prescriptifs.

Enfin, vous avez évoqué les départements. Il faudrait aussi prendre en compte les intercommunalités, sans doute encore trop petites, ainsi que les quelque 13 000 syndicats intercommunaux qui coûtent beaucoup en termes de fonctionnement.

Le débat sur l’ensemble de la réforme territoriale va d’abord s’ouvrir, à la demande du Premier ministre, sur les compétences, puis sur le nombre de régions, les départements et les modes de scrutin. Je crois que c’est la bonne méthode. Chaque groupe parlementaire est reçu cette semaine par le Président de la République, première amorce d’un débat d’idées qui, je l’espère, sera de qualité.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Yves Albarello, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le Premier ministre, enfin vous nous écoutez et vous reprenez ce que nous vous disons depuis des mois : trop d’impôts, tue l’impôt.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.

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Malheureusement, là s’arrête votre discernement car vous ne suivez aucune de nos propositions.

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Depuis votre arrivée à Matignon, vous êtes devenu le champion des effets d’annonce : « nous allons faire des économies », « l’État va se serrer la ceinture » et, depuis dimanche, « les impôts vont baisser ».

Le gouvernement socialiste, l’an dernier, avait réussi l’exploit de faire payer l’impôt sur le revenu à 840 000 des ménages les plus modestes. Selon les prévisions, ils seraient plus d’un million en 2014. Alors, vous voulez revenir en arrière et vous proposez que 650 000 ménages ne payent pas d’impôt sur le revenu dès cette année.

En fait, vous allez creuser un peu plus les inégalités entre les Français. Cette baisse d’impôts sera financée sur le dos des classes moyennes qui, une fois de plus, en feront les frais.

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À qui ferez-vous croire que les impôts baisseront, alors que vous allez prélever 12 milliards d’euros d’impôts supplémentaires cette année ?

Après avoir supprimé l’exonération des majorations de pensions de retraite pour les familles ayant élevé trois enfants ou plus, abaissé le plafond du quotient familial, fiscalisé les heures supplémentaires, augmenté les taux de TVA intermédiaire et normal, augmenté les cotisations vieillesse de base et complémentaires, vous osez parler de baisse d’impôts !

En 2015, baisse ou hausse ? Le ras-le-bol fiscal de la classe moyenne ne va pas disparaître suite à vos annonces, car les Français qui se trouvent dans cette tranche sont exaspérés par vos mesures et par votre politique qui ne va pas dans le bon sens.

Les Français ne vous croient plus. Ils savent que votre politique, c’est payer, toujours payer et encore payer. Le pouvoir d’achat de nos concitoyens est en baisse et vous en êtes le seul responsable.

Ma question est simple : quand allez-vous prendre les bonnes mesures pour que les finances de notre pays se redressent et comment allez-vous permettre à nos concitoyens de payer moins d’impôts ?

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Et du chômage !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur le député, nous ne souhaitons pas que le million de contribuables supplémentaires dont vous parlez disparaisse entièrement. Dans une société et une économie normales, de votre temps comme du nôtre, il y a naturellement environ 400 000 foyers de plus à payer l’impôt chaque année : des jeunes entrent dans la vie active, des chômeurs retrouvent du travail et redeviennent imposables.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Il est donc parfaitement légitime que 400 000 foyers supplémentaires paient l’impôt.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

En revanche, si nous ne faisons rien, environ 650 000 à 700 000 foyers auront à payer un impôt cette année alors qu’ils n’en payaient pas l’année dernière, d’où la proposition faite par le Premier ministre. En 2014, il ne s’agit pas de baisser les impôts comme nous prévoyons de le faire en 2015, 2016 et 2017 pour les ménages, et en particulier pour les plus modestes d’entre eux.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Pour 2014, je souhaite que nous adoptions, avec la majorité et l’ensemble du Parlement, une mesure qui évitera de faire payer des impôts cette année à ceux qui n’en payaient pas l’an dernier. Si l’on veut en chercher la cause, on la trouvera autant de votre côté que du nôtre et vous le savez, car vous avez l’honnêteté de regarder aussi ce que vous avez fait dans ce domaine.

Voilà notre trace, notre cap : éviter des injustices, redonner de la compétitivité à notre économie, diminuer les déficits, financer l’ensemble de ces mesures par des baisses de dépenses publiques pour éviter d’avoir à recourir à l’impôt à l’avenir.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le Président, mes chers collègues, ma question s’adresse au Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, au Nigéria, encore une fois, les chrétiens sont victimes d’attaques terroristes d’une violence inouïe : 233 jeunes filles y ont été capturées pour être vendues comme esclaves pour quelques dollars, mariées contre leur gré et converties de force à l’islam.

Boko Haram, dont le nom signifie en langue haoussa « l’éducation occidentale est un péché », n’a de cesse de massacrer des chrétiens et veut instaurer la charia pour mener son combat jusqu’à ce que le pays soit « recouvert du sang des infidèles ».

Il a fallu, hélas, cet épisode pour réveiller la communauté internationale face à l’ampleur d’un problème qui dure depuis trop longtemps, dans l’indifférence, et qui s’étend bien au-delà des frontières du Nigéria. Il s’agit de la véritable guerre menée par l’islam fondamentaliste contre les chrétiens, les juifs, les musulmans, les athées et tous ceux qui ne pensent pas comme eux.

Boko Haram cherche à instaurer la charia par la force, comme le font aussi des groupes tels que les Frères musulmans en Égypte, le Hamas, qui vient hélas de s’allier avec l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza, ou encore les mollahs d’Iran qui amadouent avec succès la communauté internationale alors qu’ils poursuivent sans relâche leur programme nucléaire militaire.

La charia, le djihad où sont engagés plus de 800 de nos compatriotes, sont soutenus par des États qui les prônent, les soutiennent ou les appliquent plus ou moins rigoureusement.

Monsieur le Premier ministre, la lutte contre l’islam radical ne peut pas être à géométrie variable. Il n’y a pas de bons ou de mauvais extrémistes. On ne peut lutter contre les fondamentalistes au Nigéria et en fréquenter d’autres à Gaza ou à Téhéran.

Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.

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Pouvez-vous nous donner l’assurance de votre lutte indivisible et sans concession contre cet obscurantisme qui remet en cause ce à quoi nous sommes le plus attachés : les valeurs fondamentales de la France et les droits de l’homme ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, vous posez une question extrêmement grave : celle des conséquences du développement de forme de violences et de radicalisme qui emportent à l’échelle de la planète beaucoup d’êtres humains dans le drame.

Comme Mme Vallaud-Belkacem l’a rappelé dans son intervention, la situation au Nigéria mobilise toute la communauté internationale et notamment la France qui a envoyé des équipes spécialisées pour aider les autorités nigérianes à retrouver ces enfants.

Des actions diplomatiques ont été engagées qui conduiront des chefs d’État et de gouvernement à se retrouver autour du Président de la République samedi prochain, car nous pensons que la lutte contre le djihadisme, la barbarie et ces actes épouvantables appellent le renforcement de la coopération internationale.

Par ailleurs, nous sommes résolus à agir de façon puissante contre l’engagement de nos ressortissants dans des actes de djihadisme, notamment en Syrie.

Une opération a été réalisée avec succès ce matin à Strasbourg par le Raid et la direction générale de la sécurité intérieure sous l’autorité de la justice. Elle témoigne, si besoin en était, de notre détermination, de notre résolution et de l’efficacité des actions que nous avons engagées au titre du plan préparé par le Premier ministre lorsqu’il était ministre de l’intérieur et que j’ai présenté en conseil des ministres le 23 avril dernier.

Nous devons empêcher le départ de nos ressortissants et développer la coopération entre les pays de l’Union européenne – c’était l’objet de la réunion qui s’est tenue à Bruxelles la semaine dernière.

Nous devons nous doter des moyens juridiques nous permettant de lutter contre toutes ces formes de djihadisme et de démanteler les filières qui agissent pour emporter nos ressortissants sur un chemin funeste.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le Premier ministre, le gouvernement Ayrault, auquel vous apparteniez, s’était caractérisé par ce qu’on pourrait appeler des « couacs à répétition » entre ministres. Vous aviez d’ailleurs participé, personnellement, à ce concert en polémiquant à plusieurs reprises avec la garde des sceaux.

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Aujourd’hui, les mauvaises habitudes ne semblent pas perdues, puisque votre ministre de l’emploi, M. Rebsamen, déclare, je le cite : « L’inversion de la courbe du chômage est une expression que je n’ai pas reprise », alors qu’au même moment M. Sapin, l’ancien ministre de l’emploi, dans un livre défendant son bilan, estime, je le cite également, que « l’objectif est atteint dans la réalité », même si, tenez-vous bien, « il est manqué dans la chronologie mensuelle des chiffres du chômage » !

Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.

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Nous qui sommes confrontés au quotidien, dans nos départements, aux problèmes de nos compatriotes, savons que la situation de l’emploi ne s’est pas améliorée et qu’elle a même continué, malheureusement, de se dégrader depuis 2012. Le chômage des non-diplômés a connu une hausse de seize points. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est une très récente étude du CEREQ, le Centre d’études et de recherches sur les qualifications. Le nombre d’entrées en contrat d’apprentissage a baissé de 8 % en 2013. Du jamais vu depuis plus de huit ans !

Face à ce constat, ne croyez-vous pas qu’il est temps de rétablir la prime à l’embauche pour les sociétés de plus de dix salariés ? Ne croyez-vous pas qu’il est temps de rétablir dans son intégralité le crédit d’impôt apprentissage ? Ne croyez-vous pas qu’il est temps de rétablir une fiscalité anti-délocalisation ? Vous vous en étiez fait le chantre, monsieur le Premier ministre, lors de la primaire socialiste. Ne croyez-vous pas qu’il est temps d’abolir la hausse de TVA dans les secteurs pourvoyeurs d’emplois comme le bâtiment ? Ne croyez-vous pas, enfin, qu’il est temps de rétablir l’exonération des heures supplémentaires ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Et du chômage !

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Monsieur le député, votre question est multiple,

Exclamations sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

mais, avant toute chose, je voudrais vous dire non seulement l’amitié mais aussi les liens qui nous unissent, Michel Sapin et moi-même, dans le travail.

Nouvelles exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Je voudrais également vous dire et vous expliquer assez simplement pourquoi je n’ai pas repris l’expression de Michel Sapin sur l’inversion de la courbe du chômage.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe UMP

Parce qu’elle est trop compliquée !

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Je ne l’ai pas reprise parce que, grâce au travail qui a été fait, grâce à la mobilisation des moyens en faveur de l’emploi, nous sommes arrivés à une stagnation, et donc la courbe a effectivement été inversée. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), en plein accord avec le ministre des finances…

Exclamations prolongées sur les mêmes bancs

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Nous parlons de choses sérieuses !

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Chacun a compris, chers collègues, que vous n’étiez pas d’accord. Retrouvons notre calme !

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social

Nous parlons du problème du chômage dans notre pays, et l’image que vous donnez n’est pas vraiment à la hauteur de l’enjeu, je me permets de vous l’indiquer.

Je voudrais également ajouter que la courbe du chômage des jeunes, problème très important pour notre société, a également été inversée, puisque, du mois de mars 2013 au mois de mars 2014, le nombre des jeunes de moins de vingt-cinq ans au chômage a diminué de 2,6 %. Cela est dû à la mobilisation des moyens et, plutôt que de vous adonner au sarcasme, vous devriez nous encourager à continuer sur cette voie.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Philippe Bies, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre de l’intérieur, notre pays, comme d’autres en Europe, est confronté au basculement de plusieurs centaines de personnes dans un engagement radical violent, le plus souvent en lien avec des filières terroristes djihadistes en Syrie. C’est une menace pour notre pays et pour une partie de sa jeunesse.

Vous avez engagé récemment, vous venez de le rappeler, un plan pour lutter contre ce fléau. Il vise notamment à prévenir de nouveaux départs en démantelant les filières qui, aujourd’hui, organisent méthodiquement un embrigadement dont l’issue peut être la mort. Les premiers résultats de ce plan ne se sont pas fait attendre. Je pense à l’arrestation en Turquie d’un Algérien, résident régulier dans notre pays, soupçonné d’être un recruteur. Il a d’ailleurs été expulsé.

Ce matin, dans le quartier de la Meinau à Strasbourg, six personnes soupçonnées de s’être rendues récemment en Syrie ont été interpellées et placées en garde à vue. Les forces de l’ordre, la direction générale de la sécurité intérieure, appuyée par le RAID, font, au quotidien, un travail difficile, dans la discrétion ; je souhaite ici leur rendre hommage. Elles ont fait la démonstration de leur détermination totale et de celle du Gouvernement à lutter contre le terrorisme et l’embrigadement des jeunes dans la radicalisation violente.

Je ne souhaite pas, néanmoins, que l’emballement médiatique, sans doute justifié, que cette opération a suscité amène à stigmatiser un quartier en particulier, toute une ville, ou une partie de la population. Deux jeunes Strasbourgeois ont déjà trouvé la mort en Syrie. C’est une douleur insupportable pour leurs familles. Ces décès avaient entraîné une forte mobilisation des associations et habitants du quartier contre l’endoctrinement djihadiste. Ces jeunes, ces familles sont dans la République et doivent y rester. Aucune famille, aucune population ne doit être montrée du doigt.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des précisions sur l’opération de ce matin et, plus généralement, sur le rôle de la DGSI dans la mise en oeuvre concrète du dispositif de lutte contre les filières djihadistes ?

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le ministre, merci pour votre question. Comme vous l’avez fait en la posant, je veux rendre hommage à l’ensemble de ceux qui se sont mobilisés, des autorités judiciaires aux policiers du RAID, sans oublier les fonctionnaires et collaborateurs de la direction générale de la sécurité intérieure, qui, par leurs enquêtes, par leurs interventions, ont permis neutraliser ce matin six personnes à Strasbourg, qui avaient été engagées sur le théâtre d’opérations de la Syrie ou qui avaient pu être complices d’un tel engagement. Ce travail, vous l’avez souligné dans votre question, traduit l’importance des missions de la direction générale de la sécurité intérieure. En même temps, il montre l’intérêt de la réforme à laquelle mon prédécesseur Manuel Valls a procédé,…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

…afin que ladite direction puisse conforter ses missions de renseignement, d’anticipation et d’observation. Elles sont la condition du bon déroulement des enquêtes et de l’élucidation d’un certain nombre de faits en vue de neutraliser ceux qui s’engagent sur le théâtre des opérations.

Le plan que nous avons mis en place commence à produire des résultats, mais il s’agit là d’un travail au long cours, d’un travail de longue haleine. Il doit se poursuivre dans trois directions. D’abord, nous devons empêcher le départ de nos ressortissants, car cette route vers la Syrie est, pour ceux qui s’engagent dans des opérations djihadistes, une route vers la mort. Ensuite, nous devons démanteler les filières. Un ensemble de dispositions législatives sera présenté au Parlement pour y parvenir. Enfin, nous devons, vous l’avez souligné, accompagner les familles qui voient certains des leurs basculer dans ces opérations à caractère terroriste, de manière à apporter des réponses qui évitent des drames, qui fassent en sorte que tous les moyens de l’État soient mobilisés. Il faut éviter que ce basculement ait lieu, car c’est un basculement vers la mort.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Gilbert Collard, au titre des députés non inscrits.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe SRC

Madame la ministre !

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Madame le ministre, disais-je, le théâtre Napoléon III du château impérial va être rebaptisé – vous le savez, nous irons sur les fonts baptismaux – théâtre Cheikh Khalifa ben Zayed al-Nahyane.

Exclamations sur divers bancs.

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Je prends acte de ce fait et ne veux pas en discuter, mais je voudrais vous demander si ce théâtre – où j’espère que l’on ne verra pas de karaoké d’estrade (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – sera libre de la programmation de ses spectacles.

Nous savons que ce mécène saoudien dirige un pays où l’homosexualité est réprimée, où l’État d’Israël est condamné, où l’antisémitisme est récurrent. Pourrons-nous, dans ce théâtre, voir des pièces de Jean Genet ou de Pierre Guyotat, et des auteurs d’origine juive pourront-ils y être présentés ? Il est bien d’aller demander de l’argent à des mécènes, mais il est bien aussi de savoir si, en contrepartie, nous aurons la liberté de produire les spectacles que nous voulons.

Enfin, puisque nous allons bientôt voter pour l’Europe, ne serait-il pas possible de se tourner vers l’Europe quand notre culture est financièrement menacée plutôt que vers des émirats ?

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La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le député, vous devriez réviser votre géographie. Abou Dabi n’est pas en Arabie Saoudite. Abou Dabi fait partie des Émirats Arabes Unis.

Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDPsur plusieurs bancs du groupe UDI.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

La France a un accord intergouvernemental avec Abou Dabi depuis 2007. Cet accord culturel nous permet en ce moment de construire un magnifique bâtiment dessiné par Jean Nouvel, le Louvre Abou Dabi, où sera exposée une collection réalisée conjointement par les Émiratis et les meilleurs spécialistes de nos musées français. Je vous invite à vous rendre à cette exposition, puisqu’elle est exposée en ce moment même au Louvre. Elle s’appelle : « Naissance d’un musée ».

Ce dialogue entre les civilisations, incarné par les oeuvres d’art présentées dans cette exposition, vous serait fort utile, monsieur le député.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Le message de l’art et de la culture est un message d’ouverture, un message de tolérance, un message de partage. C’est ce message que la France exporte avec fierté à Abou Dabi, comme elle le fait partout dans le monde.

Quant au théâtre impérial du château de Fontainebleau, sachez que ce théâtre était fermé depuis la fin du Second Empire, époque où il avait été créé. Jamais les écoliers et les lycéens français n’auraient pu bénéficier de ce magnifique joyau d’architecture théâtrale totalement préservé dans son écrin, qui était malheureusement dans un état de délabrement tel qu’il n’était plus visitable. Grâce au mécénat de 10 millions d’euros d’Abou Dabi, nous avons pu restaurer ce magnifique théâtre, évidemment avec le soutien de l’État, et je vous invite à aller le visiter plutôt que de vous lancer dans des polémiques stériles.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDPsur plusieurs bancs des groupes UMP, UDI et GDR.

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La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, j’aurais souhaité plus de sérieux de votre part dans la réponse donnée à la question posée par mon collègue, car le sujet de l’emploi est beaucoup trop grave pour que vous y répondiez avec autant de légèreté.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s’adresse au ministre de l’éducation nationale, et je souhaite y associer mon collègue Paul Salen. Le Conseil supérieur de l’éducation a rejeté lundi 5 mai le projet de décret complémentaire sur les rythmes scolaires introduisant des assouplissements pour les communes qui peinent à mettre en place la semaine de quatre jours et demi dès septembre. Malgré cela, ledit décret a été publié jeudi dernier, quelques jours après la démission de Jean-Paul Delahaye, numéro deux du ministère de l’éducation nationale et auteur de la réforme Peillon.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Votre entêtement est incompréhensible pour de nombreux maires, la majorité des parents et des enseignants, sans parler des pédopsychiatres encore très divisés sur cette question, car l’enfant est le grand oublié de cette réforme.

Dans le département de la Loire, dont je suis élu, 253 communes doivent encore mettre en place la réforme des rythmes scolaires.

Le décret complémentaire doit permettre de rassembler les activités périscolaires en une seule demi-journée ou d’allonger l’année scolaire en diminuant les vacances. Avec ces aménagements et expérimentations, votre ministre de l’éducation nationale espérait faire taire la grogne des élus, des enseignants et des parents. Il n’en est rien car, en plus d’être fatigante pour les enfants, cette réforme a un coût exorbitant, disproportionné par rapport aux bénéfices attendus.

Faute de moyens suffisants et à cause du désengagement annoncé dans votre pacte de stabilité, les activités périscolaires seront remplacées par de la garderie, accentuant ainsi les inégalités entre les enfants. Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin écouter les Français et laisser le choix aux maires ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, je pense que vous vous réjouirez comme moi de savoir que cette année, à la rentrée 2014, il y aura 33 postes supplémentaires dans le premier degré dans votre département. C’est grâce à la gauche que cela a été possible.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Pour répondre très concrètement à votre question, l’organisation du temps scolaire, c’est l’État. L’école gratuite et obligatoire, c’est l’État. Et pour la première fois, dans le cadre du décret du 24 janvier 2013 qui prévoyait une nouvelle organisation du temps scolaire, l’État a invité à la table les élus, la communauté des parents d’élèves et les enseignants.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Une discussion s’est organisée et a permis, contrairement aux chiffres que vous donnez pour votre propre département, qu’à cette étape, aujourd’hui, près de 94 % des communes aient rendu une organisation du temps scolaire ou validé auprès des rectorats.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Non !

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Elles l’ont fait parce qu’elles se préoccupent de l’intérêt de l’enfant. Or depuis plusieurs années, le niveau de nos élèves recule. Pourquoi recule-t-il ? Tout d’abord parce qu’il n’y avait plus de formation des professeurs, grâce à vous. Il recule également parce qu’il y avait moins de professeurs devant les élèves, grâce à vous. Il a aussi reculé parce que la journée scolaire est trop longue en France : sur ce point, M. Chatel était d’accord, l’Association des maires de France est d’accord, l’Association des maires ruraux de France est d’accord, la PEP est d’accord, la FCPE est d’accord et les organisations enseignantes sont d’accord.

C’est la raison pour laquelle à partir de ce consensus, nous avons décidé de réformer les rythmes éducatifs. Nous avons apporté des modifications par un décret que j’ai proposé et qui répond à plusieurs suggestions, notamment de la part de M. Juppé, maire de Bordeaux – je me réjouis que son conseil municipal ait décidé de s’inscrire dans cette réforme – ainsi que d’autres suggestions de la part de bon nombre d’élus locaux.

C’est pourquoi nous sommes toujours prêts à discuter, mais nous ne négocierons pas l’intérêt de l’enfant.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

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La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s’adresse à Mme Valérie Fourneyron, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Madame la secrétaire d’État, s’il est un sujet qui peut nous rassembler, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, c’est bien celui des très petites entreprises. Celles-ci sont non délocalisables et durables.

Les entrepreneurs individuels, artisans, commerçants, professions libérales, représentent plus de 2,5 millions de personnes dans notre pays. Les micro-entreprises pèsent économiquement autant que les petites et moyennes entreprises et les entreprises intermédiaires. Elles jouent donc un rôle de premier plan en matière d’emploi, de création de richesse, et de redressement économique.

Le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises vise à la simplification, à l’accélération et au rétablissement de la confiance. Grâce au travail effectué par les parlementaires en liaison avec le Gouvernement, ce texte est équilibré et met fin à la trop longue confrontation entre artisans et auto-entrepreneurs.

Le temps est donc, non plus aux oppositions, mais à la simplification pour tous : fusion des régimes micro-social et micro-fiscal au 1er janvier 2015 – c’est-à-dire élargissement de la simplicité –, baisse des cotisations minimales, vérification des qualifications et des assurances pour la protection du consommateur, statut juridique unique. Il s’agit bien de passer du parcours du combattant au parcours de croissance.

Des amendements ont été adoptés, notamment au Sénat. L’un d’entre eux tend à instituer une présomption de lien salarial déguisé entre l’auto-entrepreneur et son donneur d’ordre ; ce serait une source de complexité et d’insécurité juridique pour tous les travailleurs indépendants, alors que l’URSSAF procède chaque année à quelque 1 500 contrôles, à la suite desquels 2 à 3 % seulement des situations sont reconnues comme abusives. Un autre amendement prévoit l’extension des stages préparatoires à l’installation.

Je souhaite, madame la secrétaire d’État, connaître votre position sur ces deux sujets dans le cadre des discussions en cours.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Monsieur le député, votre question s’inscrit dans le cadre du projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui doit désormais être discuté au sein de la commission mixte paritaire du 21 mai prochain. Elle me fournit l’occasion de rappeler l’ambition de ce texte, extrêmement puissante car nous savons tous que ces entreprises de proximité sont au coeur de la vitalité de nos territoires, contribuent au lien économique et social et définissent l’identité de nos villes et villages.

Cette ambition a largement été partagée par les parlementaires et les organisations professionnelles, à l’occasion du projet de loi défendu par Sylvia Pinel devant l’Assemblée nationale et le Sénat.

Ses objectifs sont très clairs : conforter le commerce de proximité, moderniser l’urbanisme commercial, clarifier le statut des artisans et, vous l’avez dit, simplifier et harmoniser les modes d’exercice de l’activité individuelle pour parvenir au 1er janvier 2015 à un modèle de micro-entreprise unique, résultant de la fusion du régime de l’auto-entrepreneur, du régime micro-social et du régime micro-fiscal.

La loi va être discutée en commission mixte paritaire, après quoi il appartiendra aux parlementaires de se prononcer sur l’ensemble du texte. S’agissant des deux dispositions que vous avez évoquées, je partage votre avis : je suis favorable à ce que l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale soit préservé, même si des précisions peuvent toujours être apportées. Comme vous, je considère aujourd’hui que notre défi est la croissance des très petites entreprises, car elles représentent l’avenir de l’emploi et de notre pays.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Jean-Luc Reitzer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, le mois dernier, six infirmières du département du Haut-Rhin ont été convoquées par la gendarmerie sur décision de justice. Quel crime ont-elles bien pu commettre ? Tous simplement ne pas avoir adhéré à l’Ordre national des infirmiers !

Il leur a été signifié de rejoindre cet ordre sous soixante jours, au risque de se voir condamnées à une peine d’un an de prison et à une amende de 15 000 € pour exercice illégal de la profession d’infirmière !

Certaines d’entre elles ont été traitées comme de véritables criminelles, subissant prises de photos et d’empreintes digitales. Des faits similaires se sont d’ailleurs reproduits la semaine dernière et ont conduit à une convocation pour ce dimanche 18 mai, à quinze heures, à la gendarmerie ! Je vous laisse imaginer, madame la ministre, l’état psychologique de ces infirmières, dont chacun reconnaît ici la difficulté du travail et le dévouement exemplaire !

Ma question, vous l’aurez compris, porte autant sur la forme que sur le fond de cette affaire. Vous avez, à plusieurs reprises, affirmé que l’adhésion à l’ordre des infirmiers devait être facultative. Pourriez-vous aujourd’hui clarifier votre position à cet égard ? Chacun conviendra en effet que ce que viennent de vivre ces infirmières est particulièrement choquant.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Monsieur le député, je voudrais, au lendemain de la journée mondiale des infirmiers, rendre ici hommage au travail quotidien des quelque 550 000 infirmières et infirmiers qui, dans notre pays, travaillent auprès des patients de façon remarquable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

S’agissant de l’adhésion ou non à l’Ordre national, la situation vécue aujourd’hui par les infirmiers n’est évidemment pas satisfaisante. Je me réjouis d’entendre vos propos, monsieur le député, car s’il y a aujourd’hui un ordre, c’est parce que votre majorité a souhaité l’instaurer en 2006, alors même que l’écrasante majorité des infirmiers ont marqué depuis le départ leur opposition à sa création.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Je le dis très sincèrement et très fermement : l’Ordre national des infirmiers est contesté, il est sans légitimité, et son avenir est donc menacé.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Je salue le travail des parlementaires du groupe socialiste, républicain et citoyen qui, rassemblés dans un groupe de travail animé par Annie Le Houerou, oeuvrent à l’évolution de la loi et proposeront très rapidement des dispositions.

Cet ordre est contesté car la très grande majorité – 85 % – des infirmiers travaillent en établissement. La mise en place d’un ordre avec adhésion obligatoire ne correspond donc pas à la situation vécue par les infirmiers, qui est donc amenée à évoluer.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Ordre national des infirmiers

La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.

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L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté, par le Sénat, relatif à l’économie sociale et solidaire (nos 1536, 1891, 1863, 1835, 1864, 1830, 1862, 1881).

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter au nom du gouvernement de Manuel Valls est né d’une ambition inédite.

Il est l’élan fondateur qui permettra de reconnaître enfin l’enjeu que constitue l’économie sociale et solidaire pour notre économie et de lui donner, ainsi qu’à tous les acteurs qui s’y engagent au quotidien, la place qu’ils méritent et les moyens de se développer et de changer d’échelle. Platon expliquait que « la cité se forme parce que chacun d’entre nous se trouve dans la situation de ne pas se suffire à lui-même, mais au contraire de manquer de beaucoup de choses ». Cette conviction, les acteurs de l’économie sociale l’ont eue bien avant la création des services marchands ou des services publics. Leur idée de départ est fondée sur un calcul démocratique simple : « Une personne égale une voix ».

Ces inspirateurs de l’économie sociale, ces chevaliers de la solidarité, ce sont nos aïeux. C’est Charles Gide, l’un des créateurs du mouvement coopératif, qui définit en 1885 la coopération comme étant « le résultat d’efforts coordonnés et inlassables vers un idéal qu’il faut montrer au peuple » ou encore Paul Bennetot, président fondateur de la Matmut en 1962 qui laisse dans le mouvement mutualiste l’image d’un bâtisseur. Nous les méconnaissons. Pourtant, ce sont eux qui ont porté ces combats, l’âme chevillée au corps, comme une pierre de Sisyphe inlassablement poussée jusqu’au sommet de la montagne.

C’est donc au sein d’une longue histoire que la tradition française de l’esprit collectif a été imaginée et bâtie. Cet esprit collectif, c’est l’esprit d’entreprendre. C’est l’esprit de l’audace qui ose concevoir autrement l’économie. C’est l’esprit de l’imagination qui invente de nouvelles manières de s’associer et de jouer un rôle pour et dans la société.

1850 : première loi sur les sociétés de secours mutuels ; 1901, loi sur les associations ; 1945 : code de la mutualité ; 1947 : loi sur les coopératives ; 1978 : loi sur les sociétés coopératives ouvrières de production ; 1981 : création, sous la présidence de François Mitterrand, d’une délégation interministérielle à l’économie sociale ;1984, présence d’un secrétariat d’État dédié auprès du Premier ministre, Laurent Fabius ; 1987 : loi sur les fondations.

Et 2014 ? C’est une année historique pour un gouvernement bâtisseur, qui consolide l’édifice de l’économie sociale et solidaire en lui donnant un cadre : ce projet de loi, et en lui offrant un ministère : Bercy. Ce texte restera comme l’une des grandes lois économiques de ce quinquennat. C’est, en effet, la première fois que l’économie sociale et solidaire – l’ESS – obtient une reconnaissance publique et institutionnelle. Elle a logiquement trouvé sa place au sein du ministère de l’économie. Ce texte est une réponse aux attentes des acteurs du secteur et offre l’opportunité de créer en France une véritable politique publique en faveur de l’économie sociale et solidaire.

Mutuelles, associations, fondations, coopératives, sociétés commerciales d’utilité sociale : chaque Français que vous représentez, mesdames et messieurs les députés, en connaît au moins une et a pu mesurer tous les bienfaits sociaux qu’elle apporte. Cette loi n’est donc pas une loi qui divise, mais qui transcende. Elle n’est pas une loi qui oppose, mais qui rassemble avec pour ambition l’être humain. C’est à ce titre que je souligne, par-delà les étiquettes, les partis et le particulier, la qualité du rapport dirigé par votre collègue Francis Vercamer en 2010. Par-delà l’individuel, sachons nous réunir et aller vers ce qui a soif d’universel, c’est-à-dire la coopération et la solidarité. Prouvons que nous faisons confiance à l’ESS, à l’entrepreneuriat social et à ses acteurs et que nous voyons en eux un trésor national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Entre secteur privé et secteur public, l’ESS fait oeuvre de créativité pour bâtir un nouveau compromis social entre capital, travail humain et solidarité. Il s’agit en réalité d’un changement de paradigme par lequel l’ESS définit une autre manière de penser les échanges et crée le modèle économique durable de demain. Quel est le sens du projet de loi ? Opposer les entreprises entre elles ? Non ! Adopter une vision binaire des entreprises me semble absurde. Nous ne voulons pas opposer les modèles, nous voulons en reconnaître un, celui d’une économie humaine et humaniste. En donnant la primauté aux êtres humains plutôt qu’au capital et au profit, en se détachant de l’emprise des actionnaires, en refusant le dogmatisme d’un système économique qui a montré ses limites et en ayant pour blason la solidarité collective, l’ESS n’est pas une économie de réparation. Elle constitue un secteur conquérant et résilient prouvant tous les jours que l’économie est fondamentalement et originellement une science humaine.

Depuis le début du quinquennat, l’emploi constitue notre but, notre exigence et notre obsession. L’ESS est précisément l’un des secteurs les plus prometteurs en la matière en raison de son potentiel de création d’emplois non-délocalisables, à propos desquels vous savez, mesdames et messieurs les députés, combien le Gouvernement est vigilant, et en raison de son ancrage dans les territoires et de sa capacité d’innovation. Il s’agit d’un levier essentiel pour remporter la bataille pour l’emploi et soutenir le redressement économique de la France, combat qu’Arnaud Montebourg et Michel Sapin mènent avec pugnacité au sein du ministère de l’économie et des finances. L’économie sociale et solidaire représente 2,4 millions de salariés, soit un emploi privé sur huit, et 10 % du PIB de la France. Concrètement, elle représente 70 % des structures d’accueil pour personnes âgées dépendantes, neuf structures consacrées aux personnes en situation de handicap sur dix, une fois et demie les emplois de la construction et quatre fois et demie ceux de l’agro-alimentaire.

Le secteur connaît même de meilleures performances que d’autres car il est en phase avec les besoins de la société. Au cours des difficiles années 2000, alors que l’emploi dans le secteur privé marchand classique n’augmentait que de 7 % en dix ans, l’emploi dans les entreprises de l’ESS augmentait de 23 %, soit plus du triple ! Il s’agit d’une économie résistante, qui résiste d’autant mieux qu’elle est libérée de l’emprise des capitaux et de l’impatience des impatients. L’économie sociale et solidaire connaît une croissance si formidable car elle est résolument tournée vers l’avenir et située au coeur des enjeux des emplois de demain, ceux de l’intergénérationnel, de la transition énergétique et ceux qui retissent le lien social au coeur du mouvement associatif. L’ESS comptera 600 000 salariés à la retraite en 2020, il s’agit donc d’un secteur qui recrute et continuera de recruter. Il s’agit bien d’un secteur créateur d’emplois.

Par nature, l’ESS est une économie ancrée dans les territoires. C’est une économie de la proximité et de la cohésion qui répond à des besoins sociaux et crée des emplois. Je rappelle que 75 % des coopératives se situent dans les régions et que les élus locaux s’y investissent avec détermination et témérité. Je pense aussi en particulier à l’emploi des jeunes, dont le Président de la République a fait sa priorité. La jeunesse française, nos enfants, mesdames et messieurs les députés, trouveront dans le secteur une formidable occasion d’entreprendre et de découvrir une autre manière d’appréhender les échanges ou d’inventer de nouveaux métiers. Je pense aux associations sportives et culturelles dans nos territoires ruraux et nos quartiers populaires. La moyenne nationale des jeunes de moins de trente ans créant des entreprises est de 33 %, mais elle est de 55 % dans les quartiers populaires.

Vous savez, lorsqu’on est jeune, on a des idéaux qui emplissent d’optimisme, font rêver et confèrent l’enthousiasme de changer le monde. L’ESS prouve à la jeunesse qu’il existe autre chose que le profit et le capital et qu’au-delà du travail il existe un sens, un « faire autrement » et un esprit collectif susceptible, à sa manière, de changer le monde. Il s’agit d’une économie qui bénéficie à tous.

Une telle prise de conscience et une telle volonté d’agir pour un secteur créateur d’emplois et d’innovations, François Hollande en a fait l’un des blasons de sa campagne présidentielle. Au mois de mars 2012, lors d’un discours devant le conseil des entreprises et groupements d’employeurs de l’économie sociale, le CEGES, il prit dix engagements en faveur de l’ESS. Dès l’automne 2012, le ministre de l’économie sociale et solidaire, Benoît Hamon, entama donc un vaste chantier pour préparer un projet de loi.

Aujourd’hui, ce projet de loi comporte les dix engagements pris. Tout au long des étapes législatives, mon collègue Benoît Hamon, à qui je rends un hommage appuyé, a eu à coeur de travailler dans un esprit de co-construction avec l’ensemble des réseaux et des acteurs. Nous avons sollicité les fédérations professionnelles et les instances consultatives, en particulier le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, et les institutions représentatives du secteur, en particulier le CEGES. Les organisations syndicales ont aussi apporté leur contribution au sujet de la vigueur des principes dans la réalité sociale des entreprises. Par ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental a fait l’objet d’une saisine du Gouvernement et son avis est repris de façon assez exhaustive en matière de modernisation du droit coopératif et de territorialisation des politiques de développement de l’économie sociale et solidaire.

« Innovation sociale », « utilité sociale » et « économie sociale et solidaire » ne sont pas des coquilles vides, de la rhétorique d’apparat ni des concepts inventés pour alourdir les dictionnaires et les têtes, mais des mots que nous avons définis tous ensemble pour leur donner un contenu tangible et reconnaître la légitimité de la réalité qu’ils désignent. Telle est bien la méthode du Gouvernement : la réflexion commune et la concertation entre les parties prenantes pour mieux imaginer et créer l’environnement favorable au développement de l’ESS dans le monde de demain. L’avenir de l’ESS, qui concilie la performance économique et l’utilité sociale, est celui d’une économie profondément, indéniablement, irrésistiblement réelle. Au mois d’avril dernier, six commissions de votre assemblée saisies pour avis ont adopté le projet de loi. C’est inhabituel, c’est même le record de la législature !

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Je remercie le président de la commission des affaires économiques, François Brottes, pour sa rigueur et pour la qualité et la pertinence de la coordination de l’ensemble. Il est un président juste et efficace.

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Je remercie également la commission des affaires culturelles, celle des affaires étrangères, celle des affaires sociales, celle du développement durable, celle des finances et celle des lois pour leurs analyses et pour les travaux de grande qualité qui y ont été menés. Je tiens aussi à remercier particulièrement M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, Yves Blein, qui s’est avéré être un architecte précieux de l’enrichissement d’un projet de loi inscrit au coeur de son engagement de longue date pour la force et la place de la vie associative dans notre pays et dans le lien social. Les débats en commission ont prouvé à quel point il est urgent de réfléchir aux enjeux de l’ESS et proposer une loi accompagnant adéquatement son essor pour lui insuffler une dynamique plus vive encore. Je remercie enfin ma collègue Axelle Lemaire, qui a présenté en mon nom le projet de loi en commission. Le texte que je vous propose aujourd’hui est celui d’une loi ouverte respectant la diversité intrinsèque du secteur, mais aussi d’une loi d’affirmation marquant bien ses frontières.

J’en viens, mesdames et messieurs les députés, au contenu du texte qui repose sur trois piliers : la reconnaissance, la structuration et le développement de l’ESS.

Le projet de loi est tout d’abord une définition, celle de l’économie sociale et solidaire et de son périmètre, qui constituera une référence pour les autres législations et un moyen d’inscrire dans la durée les politiques publiques en faveur de ces entreprises. Il s’agit, comme le précise l’article 1er, d’un mode d’entreprendre intégrant dans les statuts de l’entreprise concernée les principes suivants : un but distinct du seul partage des bénéfices, une gouvernance démocratique ou participative définie par des statuts et incluant les parties prenantes et une gestion mettant en oeuvre les modalités d’une lucrativité limitée ou encadrée. Une telle définition inclut non seulement les acteurs historiques de l’ESS tels que les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations, mais aussi les sociétés commerciales qui auront fait le choix volontaire de s’appliquer à elles-mêmes les principes de l’ESS que je viens d’énoncer. Cette définition légale reconnaît que l’ESS constitue une autre manière d’entreprendre.

Notre objectif est d’accompagner l’essor de l’entrepreneuriat social en France tout en promouvant les valeurs de l’économie sociale et solidaire. Il s’agit bien d’insuffler les valeurs de l’ESS à l’économie classique. Si le projet de loi est adopté, la loi française sera d’ailleurs l’une des plus avancées et des plus actives en Europe.

Le projet de loi vise ensuite à mieux structurer le secteur afin d’organiser son développement. À l’échelle nationale, je souhaite qu’il refonde le conseil supérieur de l’ESS au profit d’un dialogue entre les différents acteurs et l’État. À l’échelle locale, les chambres régionales de l’ESS joueront un rôle important pour répondre aux mutations et aux besoins des territoires. Il faut renforcer l’ancrage territorial de l’ESS et l’articuler aux politiques publiques locales. La loi reconnaîtra les pôles territoriaux de coopération économique – les PTCE – comme pôles de compétitivité de l’économie sociale et solidaire. Les PTCE institutionnalisent les synergies unissant entreprises de l’ESS, entreprises classiques, collectivités territoriales, laboratoires de recherche et structures de formation au sein d’une filière et d’un territoire. Il existera bien des pôles de compétitivité dont la spécialité et la spécificité sera l’économie sociale et solidaire. Ils permettront de mutualiser les moyens, favoriser l’innovation sociale et agir pour le développement durable des territoires et de l’environnement.

Enfin, le projet de loi a pour ambition d’offrir à l’ESS un cadre dans lequel orienter davantage de financements vers les entreprises de l’ESS. En effet, si nous nous contentions de reconnaître l’ESS sans la doter d’outils financiers adaptés, nous ne parcourrions que la moitié du chemin. La loi entend conforter les modèles existants et engager résolument un changement d’échelle. La promesse d’y consacrer 500 millions d’euros sera tenue. Telle est en effet la capacité d’engagement totale et Bpifrance sera pleinement mobilisée pour l’atteindre. Elle gérera un fonds de financement de l’innovation sociale, cofinancé par l’État et les régions au plus près des territoires et abondé à hauteur de 40 millions d’euros à partir de 2014. Le fonds distribuera des avances remboursables à concurrence de 500 000 euros. Un fonds de soutien financera en fonds propres les entreprises de l’ESS avec une capacité-cible d’une centaine de millions d’euros. Il investira notamment dans un fonds d’investissement dédié aux coopératives. Quant à la capacité d’engagement totale du nouveau dispositif de garantie de prêts bancaires de Bpifrance dédié aux entreprises de l’ESS, elle s’élèvera à cinquante millions d’euros.

Il faudra aussi davantage orienter l’épargne longue vers l’ESS. En effet, les encours de l’épargne solidaire dans notre pays ont explosé, passant de 600 000 euros en 2006 à 2,6 millions d’euros l’an dernier. Il faut à présent favoriser la création de nouveaux supports d’investissements pour aller encore plus loin.

Quel est l’autre axe de développement de l’ESS proposé par le projet de loi ? C’est l’orientation des achats publics vers les acteurs de l’ESS par la généralisation des schémas de promotion des achats socialement responsables. Il faut que tous les acteurs publics se saisissent des clauses sociales afin de faciliter l’accès aux marchés publics des entreprises de l’insertion par l’activité économique. Comme vous le savez, mesdames et messieurs les députés, dans le cadre de mes précédentes responsabilités locales et gouvernementales, j’ai beaucoup travaillé pour et avec les associations, qui constituent l’employeur principal de l’ESS. Je sais combien le texte est important à leurs yeux. Au cours des dernières années, elles ont vu croître la commande publique au détriment des subventions et des conventions pluriannuelles.

Car le problème majeur auquel elles font face aujourd’hui, c’est le manque de financements, que ce soit en prêts, en fonds propres, en garanties bancaires, sous la forme de subventions ou de soutiens indirects. C’est pourquoi, en tant que ministre de la vie associative, j’ai signé avec Jean-Marc Ayrault une nouvelle charte des engagements réciproques en février dernier, une charte réunissant, pour la première fois, aux côtés de l’État et du mouvement associatif, toutes les associations d’élus de France. Cette charte, nous l’avons signée en Meurthe-et-Moselle, auprès du président du conseil général, Michel Dinet, ardent défenseur dans son engagement public de l’humain, des solidarités, de la vie associative, et dont je veux saluer la mémoire.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Ce projet de loi conforte la charte et donne enfin une définition législative de la subvention, assurant sa sécurisation. Il rend plus attractif le titre associatif et ouvre l’accès à la grande capacité. Ma collègue Najat Vallaud-Belkacem, aujourd’hui chargée de la vie associative, viendra porter le titre V du projet de loi, qui lui est totalement consacré, grâce au travail réalisé par Yves Blein, l’ensemble des rapporteurs et la commission des affaires culturelles.

Et l’Europe dans tout cela ? Elle est aussi un levier pour donner corps à l’architecture de notre économie sociale et solidaire. Ce projet de loi s’inscrit dans le cadre de l’initiative de la Commission européenne pour promouvoir ce secteur comme acteur à part entière d’une « économie sociale de marché hautement compétitive ». À cet égard, le projet de loi organise le fléchage de financements européens vers l’ESS en France : des fonds d’investissement solidaires de droit français bénéficiant du nouveau label européen de fonds d’entrepreneuriat social pourront ainsi collecter de l’épargne longue auprès d’investisseurs institutionnels. Ce sera là une excellente opportunité pour attirer en France de nouvelles ressources, en vue de développer le financement de l’ESS.

Le gouvernement français poursuit, par ce projet de loi, le travail qu’il a mené au niveau européen, notamment lors de la conférence de Strasbourg, en janvier dernier. Comme vous le savez, le commissaire européen Antonio Tajani y a annoncé la prochaine publication des résultats de l’étude d’impact sur le statut de la mutuelle européenne. C’est une très bonne nouvelle car cela pourra être, pour chacun, pour tous les Européens, une véritable opportunité de vivre concrètement l’économie sociale en Europe.

J’aimerais à présent aborder la belle idée de l’entrepreneuriat collectif, que ce projet de loi promeut énergiquement. Le pouvoir d’agir, c’est le pouvoir d’être l’architecte de son destin. Lorsque nous pensons aux entreprises, nous avons trop souvent en tête l’entrepreneur individuel. Mais la création d’une activité grâce à une coopérative d’activité et d’emploi qui facilite la mise en commun de moyens avec d’autres entrepreneurs ou la reprise d’une entreprise en SCOP par les salariés, ce sont des solutions qui sauvent l’emploi, qui créent des emplois, et qui sont issues de l’engagement collectif.

Chacun d’entre vous connaît une petite entreprise – une imprimerie ou une scierie – qui, en fermant, détruit dix, vingt, trente emplois. À l’échelle des statistiques macro-économiques, c’est peu, mais à l’échelle d’un petit territoire, c’est souvent un séisme. La froideur des chiffres cache parfois de grandes tragédies humaines. Le Gouvernement est déterminé à agir pour préserver ces entreprises qui comptent tant dans et pour la cohésion territoriale du pays. C’est pourquoi il souhaite, avec le droit préalable d’information des salariés, leur permettre de proposer le cas échéant une offre de reprise, en leur donnant le temps de formuler une telle offre, moyennant des contreparties évidentes en matière de confidentialité. Je sais, mesdames et messieurs les députés, que la non-divulgation est un point qui compte beaucoup pour nombre d’entre vous et je tiens à vous rassurer sur ce sujet.

Ce droit d’information préalable est d’autant plus important qu’avec le poids de la mondialisation, les salariés français ont le sentiment que la gouvernance économique est éloignée d’eux, que les décisions relèvent de moins en moins des États et de plus en plus de sphères abstraites et lointaines. Il faut créer plus de liens entre le salarié et son entreprise. Avec le droit d’information préalable, le droit de propriété n’est pas remis en question : la liberté du cédant est intacte. Le droit d’information préalable est l’un des trois piliers du « trident » que nous avons conçu pour soutenir le « choc coopératif », les deux autres étant le nouveau statut de SCOP d’amorçage et le fonds SCOP mis en place par Bpifrance.

Ce projet de loi tout entier réhabilite l’entrepreneuriat collectif : il n’y a donc pas de raisons valables de s’y opposer dans les circonstances que j’ai décrites. Notre ambition est de placer les salariés dans la situation d’être des repreneurs potentiels, forts de leur compétence et de leur connaissance de l’outil de production. Ni plus, ni moins.

Comme vous, je suis aussi une élue locale et j’ai vu avec plaisir l’entreprise de métallerie SETCO à Malaunay devenir une coopérative reprise par ses salariés. Ce projet, accompagné par l’Union régionale des SCOP, est l’histoire d’un dirigeant d’entreprise qui aide ses salariés à reprendre leur entreprise, en négociant avec la banque les prêts dont ils ont besoin. C’est aussi cela, l’ESS.

Enfin, ce projet de loi aborde un nombre conséquent de sujets de modernisation et d’adaptation relatifs aux différents statuts des mutuelles, des associations, des fondations, des coopératives.

Accompagner l’essor de l’économie sociale et solidaire, c’est non seulement une exigence, mais c’est aussi notre devoir. C’est l’intérêt général, c’est aussi notre intérêt national. Qui peut encore croire que concilier performance économique et utilité sociale est un paradoxe ? Comme l’écrivait Marcel Proust, « les paradoxes d’aujourd’hui sont les préjugés de demain ». Demain, performance économique et utilité sociale pourront être reconnues comme synonymes ! Cette synonymie, c’est aussi l’idée forte que ce projet de loi défend.

Mesdames et messieurs les députés, la fatalité n’est qu’un vieux mythe à court d’imagination. C’est parce que j’ai cette conviction solidement ancrée que, médecin à Rouen, j’ai voulu m’engager auprès de mes concitoyens, pour ma ville et aujourd’hui pour mon pays. C’est parce que nous voulons changer l’ordre apparemment implacable des choses que ce projet de loi vous est présenté. C’est pourquoi je suis fière aujourd’hui de vous convier à ce rendez-vous historique de la reconnaissance de l’économie sociale et solidaire par la loi, pour lui donner les moyens de changer d’échelle et d’atteindre son plein potentiel.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.

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La parole est à M. Yves Blein, rapporteur de la commission des affaires économiques.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a à peine plus d’un siècle s’érigeait, à quelques centaines de mètres du Palais-Bourbon, un autre palais, celui de l’économie sociale. Il s’agissait alors de montrer au monde entier, à l’occasion de l’exposition universelle accueillie en 1900 par notre capitale, les richesses, l’inventivité, les oeuvres de haute qualité dont nombre de sociétés ouvrières étaient capables. L’économie sociale trouve ses racines en partie dans l’histoire ouvrière de notre pays, avec le mouvement coopératif bien sûr, avec la création des sociétés de secours et d’entraide mutuels. Elle se forme aussi par les initiatives du monde paysan pour imaginer des moyens communs de subsistance puis de développement de l’agriculture, ou par celles des marins pour se doter d’outils communs de pêche. On peut évoquer ici les premiers développements de la distribution et tant d’autres, dont l’économie sociale, capable de traduire l’expression d’un besoin en entreprise de production d’un bien ou d’un service, se rendit le précurseur et l’auteur.

Car ce qui caractérise sans doute le mieux l’économie sociale, au-delà des spécificités statutaires qui la définissent, c’est d’abord cette capacité, à partir de l’initiative de quelques-uns inspirée par le ressenti d’un besoin commun – besoin de travail, d’outils, de solidarité, de culture et d’éducation –, de former une réponse adaptée et désintéressée. Cette quasi philosophie trouvera une résonance nouvelle avec la loi de 1901, dont son auteur n’imaginait sans doute pas qu’elle donnerait naissance, au fil des ans, à un pan entier de l’économie française, employant aujourd’hui plus de 1,7 million de personnes.

Les associations précèdent souvent, accompagnent toujours, les grandes questions, les grands besoins, les grandes idées suscités par les évolutions de notre société. Face au formidable enjeu de l’école républicaine pour tous, engagé par les lois de Jules Ferry, la société se mobilisera et développera l’éducation populaire, avec bien sûr la Ligue de l’enseignement et tous ceux qui, autour du sport, de la culture, du temps libre des enfants et des jeunes, se mobiliseront pour prolonger l’effort d’instruction de la nation.

Avec les congés payés et l’exceptionnel investissement du député Léo Lagrange pour le développement du tourisme populaire, de la culture et du sport pour tous, ce sera l’avènement du tourisme social, la construction du monde associatif sportif, culturel, socio-éducatif. Dans le même temps, au lendemain de la guerre, la petite « République des jeunes » imaginée par le préfet Olivier Philip deviendra fédération et confédération des Maisons des jeunes et de la culture, participant à la formation civique de tant de nos jeunes concitoyens. Faut-il aussi rappeler ceux qui, face à la détresse sociale, aux handicaps, à la maladie, surent se réunir et créer de vastes mouvements associatifs réunis aujourd’hui dans l’UNIOPSS, la FNARS et tant d’autres regroupements ?

Ces citoyens regroupés, désintéressés, prennent ensemble des initiatives qui dénoncent et imaginent enfin d’autres réponses, moins conventionnelles que celles fabriquées par nos modèles établis. Ce n’est pas le fruit du hasard si l’économie sociale s’est naturellement investie dans le champ de l’insertion des demandeurs d’emploi, si elle s’intéresse aujourd’hui à l’économie verte, au commerce équitable, à l’économie circulaire, aux monnaies locales, à la finance solidaire. Elle porte en elle le souci constant du bien collectif et se mobilise quand le bien commun est trop accaparé par quelques-uns.

Ce texte de loi est donc, d’une certaine façon, fondateur, dans le sens où il reconnaît, dans son ensemble et dans ses particularités partagées, l’économie sociale et solidaire. Il invite cette dernière à changer d’échelle en inscrivant dans la loi ce qui constitue ses fondements. Il s’agit d’abord de l’aspiration à la démocratie, par une gouvernance qui associe statutairement les adhérents, les salariés, les sociétaires, les bénévoles. Il s’agit ensuite de la tempérance et de la mesure : l’économie sociale est une économie du temps long, qui privilégie l’investissement collectif et échappe aux coups de bourse et aux profits surdimensionnés. Il s’agit, enfin, du bénéfice pour tous comme finalité, car l’économie sociale place l’homme et la réponse à ses besoins au coeur de son projet. Elle installe l’intérêt général au rang des finalités premières de l’activité économique.

Pour tout cela, l’économie sociale offre au pays un projet vertueux, que d’aucuns ont envie de rejoindre. Aussi Benoît Hamon – son auteur, que je salue – a-t-il voulu que cette loi soit inclusive, c’est-à-dire qu’elle permette aux acteurs du monde capitaliste qui ont envie d’adhérer à ses valeurs et d’adopter ses comportements, de rejoindre l’économie sociale. C’est en effet par l’extension de son domaine d’influence, par la propagation du modèle vertueux qu’elle incarne, qu’elle pourra aussi demain, grâce à cette loi, se développer.

La loi dont nous allons débattre, mes chers collègues, va aussi donner à l’économie sociale ses outils de représentation et de dialogue. Conseil supérieur de l’économie sociale, chambres régionales – utilement coordonnées par leur comité national –, chambre française de l’économie sociale seront demain plus encore – ils le sont déjà aujourd’hui – des interlocuteurs actifs des collectivités territoriales, de l’État, de l’Europe, mais aussi de bien d’autres nations inspirées par un modèle de développement participatif par nature, peu consommateur de capitaux et qui peut donner à bien des peuples de riches idées pour prendre en main leurs destins.

Six commissions se sont saisies pour avis de ce projet de loi ; cela veut simplement dire à quel point son ambition traverse un grand nombre des centres d’intérêt de la représentation nationale. Après que le Sénat l’a déjà largement enrichi, l’ensemble des auditions a permis d’éclairer des sujets aussi variés et sectoriels que l’extension de la révision coopérative, la création de SCOP d’amorçage et, dans l’ensemble, la modernisation de la loi de 1947, enrichie en relation constante avec Coop FR, dont je salue le travail de promotion et de défense du modèle coopératif.

La loi s’intéresse, bien sûr, à l’évolution du modèle mutualiste, dans ses composantes assurantielles et de santé, exemplaires toutes deux dans la conception qu’elles proposent de l’exercice d’une solidarité authentique, moderne, militante, dit-on, largement concurrentielle au regard des autres modes d’entreprises auquel ce monde est confronté. La loi s’intéresse enfin au monde associatif, dans les préoccupations transverses dont il est porteur, au-delà des agréments sectoriels qui reconnaissent et facilitent ses activités.

Les questions de l’engagement volontaire, de la formation des bénévoles et de la participation des plus jeunes à la vie sociale sont évidemment autant de sujets qui mobilisent les 800 000 associations actives en France, les millions de bénévoles qui les animent et les dizaines de milliers de salariés qui ont choisi d’y consacrer leur vie professionnelle.

Chaque famille de l’économie sociale et solidaire est ainsi concernée par ce texte. Toutes leurs composantes ne se reconnaissent pas forcément dans la terminologie d’« économie sociale » ; elles en relèvent pourtant par nature, et j’ai la conviction que ce texte, qui éclaire ce concept, permettra qu’il soit mieux connu et plus précis pour l’opinion et les décideurs, qui peinaient jusqu’à présent à différencier économie capitaliste et économie sociale.

Le dialogue avec les institutions et une meilleure connaissance par les partenaires habituels des entreprises – banques, administrations, justice – seront facilités par ce texte, qui leur permettra de mieux se repérer dans le monde complexe et varié de l’économie sociale ; je voudrais dire ici, bien qu’ils ne figurent pas dans le texte – ce n’est pas leur place – à quel point les outils de financements mis en place par Bpifrance sont attendus par les acteurs de l’économie sociale. Fonds de fonds, quasi-fonds propres, concours de trésorerie, fonds de soutien à l’innovation sociale : autant d’outils, essentiels et attendus, qui, à la faveur de l’adoption de ce texte, vont pouvoir prendre toute leur dimension et leur mesure.

Un mot, enfin, sur la création du nouveau droit à l’information accordé aux salariés. Chaque année, 50 000 emplois disparaissent car personne ne se porte candidat pour poursuivre l’activité de l’entreprise – le plus souvent une TPE ou une PME. Ce nouveau droit a pour objet de combattre cette situation, en développant chez les salariés l’envie et la culture de l’entrepreneuriat. Il invitera les salariés, sans entraver la liberté du propriétaire de l’entreprise, à étudier, s’ils le souhaitent, la poursuite de leur activité professionnelle plutôt que de se résigner à son extinction.

Voilà, mes chers collègues, une analyse rapide du contexte, de l’histoire et de la vision politique qui ont conduit à l’élaboration et à l’examen, aujourd’hui, de ce texte. Je souhaite que nos échanges soient riches et consolident une loi attendue par des milliers d’entreprises, des dizaines de milliers de salariés, des centaines de milliers de sociétaires et de bénévoles.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

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La parole est à M. Pierre Léautey, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le champ de l’éducation, de la jeunesse, du sport et de la culture est largement investi par les nombreuses associations et fondations que compte aujourd’hui la France.

Un important volet de ce projet de loi très attendu est consacré aux associations, afin de favoriser leur développement et de faciliter leur gestion.

La crise économique et les contraintes pesant sur les financements publics ont pu avoir un impact dommageable sur certaines associations et fondations. C’est pour apporter des réponses à ces situations problématiques que le Gouvernement a élaboré le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.

C’est également dans cette optique constructive que la commission des affaires culturelles et de l’éducation a souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi.

Elle a ainsi adopté, le 9 avril dernier, plusieurs amendements, qui avaient notamment pour vocation d’enrichir le volet associatif de ce texte. La commission des affaires économiques en a repris à son compte un certain nombre, ce en quoi je la remercie. Deux nouveaux articles figurent ainsi dans le texte qui vous est soumis : l’un encadre les opérations de fusions intervenant entre associations et fondations ; l’autre permet la création de fonds de garantie des apports en fonds associatifs.

Toutefois, je vous présenterai ici, au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, plusieurs amendements susceptibles de compléter le projet de loi et de répondre aux préoccupations des associations.

Tout d’abord, si le texte comporte de nombreuses dispositions visant à favoriser le financement associatif, aucune ne concerne le mécénat des entreprises, alors même que ces dernières entretiennent parfois des relations étroites avec les associations qui oeuvrent sur le même territoire. Je vous proposerai donc un amendement tendant à favoriser le mécénat des petites et moyennes entreprises, qui est aujourd’hui limité par le mode de calcul de la déduction fiscale attachée à leurs dons.

Ensuite, en ce qui concerne la formation des dirigeants associatifs, j’avais proposé qu’un fonds spécifique soit créé à cette fin et financé par les associations elles-mêmes. La commission des affaires économiques a adopté un amendement poursuivant le même objet, à ceci près qu’il ne vise que les dirigeants d’associations employeuses ; or, celles-ci ne représentent qu’une faible part des associations existant aujourd’hui en France. C’est pourquoi la commission des affaires culturelles maintiendra sa proposition.

Par ailleurs, dans le but d’assurer la protection des adhérents, et à la demande des associations, nous proposerons que celles d’entre elles qui reçoivent un montant de subventions ou de dons rendant obligatoire la publication des comptes soient incitées à respecter cette obligation, afin d’assurer au monde associatif la plus grande transparence possible.

Enfin, nous aurons à débattre de la question de la prémajorité associative, question toujours d’actualité depuis 1901, et à laquelle le législateur n’a apporté qu’un semblant de réponse en 2011. Le droit existant n’est, à mon sens, pas satisfaisant en ce qu’il verrouille de façon excessive une liberté pourtant fondamentale. En effet, il restreint aujourd’hui le droit d’association – c’est-à-dire, au-delà de la simple adhésion, le droit de fonder et de gérer une association – des mineurs de 16 à 18 ans, qui doivent de surcroît disposer, au préalable, d’une autorisation parentale écrite. Or, que constate-t-on dans les faits ? Peu de jeunes peuvent accéder à des responsabilités associatives depuis l’entrée en vigueur de cette loi. C’est d’autant plus regrettable que les associations constituent de véritables écoles de citoyenneté : au lieu de les dissuader, nous devons donc encourager les jeunes à exercer des responsabilités dans des structures aussi essentielles au vivre ensemble.

Au-delà des associations, qui l’intéressent directement, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a décidé de se saisir pour avis des dispositions relatives aux fondations, tant leurs actions sont notables dans les domaines éducatif et culturel.

Grâce au travail réalisé par notre commission, le texte qui vous est aujourd’hui soumis comporte deux mesures qui simplifieront de façon conséquente la vie des fondations et des fonds de dotation : les fondations pourraient, par ce texte, fusionner de façon simplifiée, entre elles ou avec des associations, et les fonds de dotation pourraient se transformer en fondations reconnues d’utilité publique sans changer de personnalité morale.

La commission des affaires culturelles et de l’éducation a également souhaité modifier l’article 46 du projet de loi, qui porte sur les fondations d’entreprise et étend de façon importante le champ de leurs donateurs potentiels. Il nous paraît logique et légitime, compte tenu de l’extension envisagée, que ces fondations soient soumises aux mêmes obligations que celles faisant appel à la générosité publique. Là encore, la recherche de la plus grande transparence possible, absolument vitale pour l’ensemble du secteur associatif et des fondations, a guidé la rédaction de l’amendement que je vous soumettrai au cours de la discussion.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Jean-René Marsac, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, c’est effectivement la première fois qu’un projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire est présenté par un gouvernement, qui reconnaît ainsi toute la place de cette économie dans la vitalité de notre société.

En ce qui la concerne, la commission des affaires étrangères a estimé que la dimension internationale et européenne de ce texte méritait d’être renforcée car, non seulement les ONG sont une composante très importante de l’économie sociale et solidaire, mais les mutuelles et les coopératives sont aussi des outils très efficaces pour permettre un développement mondial équitable et promouvoir la solidarité internationale.

Par ailleurs, l’économie sociale et solidaire est de plus en plus partie prenante de la construction du droit européen et doit donc s’organiser et se structurer encore plus fortement à cette échelle.

À l’occasion de l’examen du texte sur le développement et la solidarité internationale, notre commission avait souhaité que l’économie sociale et solidaire se développe sur le plan international. En effet, au-delà des aides au développement, il existe une forte demande des pays pauvres et des pays en développement en faveur de la construction de nouveaux partenariats économiques. Dans ce cadre, la dynamique coopérative et entrepreneuriale de l’économie sociale et solidaire constitue un outil très pertinent. Je suis convaincu de l’utilité majeure qu’il peut y avoir à associer, dans la même entreprise d’économie sociale et solidaire, des acteurs d’horizons différents : ceux du sud et ceux du nord.

À cet égard, je veux souligner l’intérêt de la formule des sociétés coopératives d’intérêt collectif – les SCIC –, qui permet d’associer des acteurs de nature très diverse, notamment des collectivités territoriales. De fait, 4 800 collectivités territoriales françaises mènent des actions de développement à l’étranger par le biais de 12 500 projets dans 141 pays. C’est pourquoi je propose d’ouvrir le champ des sociétés coopératives d’intérêt collectif au service des actions de développement et de solidarité internationale.

Pour sa part, le Sénat, qui a déjà voté ce texte, a introduit l’article 50 bis sur le commerce équitable. Celui-ci connaît un développement rapide : son chiffre d’affaires en France est évalué à plus de 400 millions d’euros, en croissance de plus de 10 % en 2012. À titre d’exemple, le tourisme peut constituer une forme de commerce équitable qui mérite d’être développé et encouragé. Un plan d’action national en faveur du commerce équitable a d’ailleurs été présenté en avril 2013.

Nous proposerons, avec le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, une définition du commerce équitable permettant de compléter le texte.

L’économie sociale et solidaire est inégalement présente dans les États membres de l’Union européenne, mais elle compte de manière significative dans un grand nombre d’entre eux. Un rapport du Comité économique et social européen met en lumière la diversité des formes que prend l’économie sociale et solidaire en Europe, ainsi que le degré très variable de reconnaissance dont elle bénéficie.

Il se pose souvent un problème de définition : plusieurs grandes approches coexistent, source de clivages, selon que l’on prend en compte principalement, voire exclusivement, les finalités sociales, ou bien l’absence de but lucratif, ou encore le mode de gouvernance démocratique des structures.

La Commission européenne a choisi de s’intéresser prioritairement à « l’entreprise sociale » en présentant en 2011 une initiative pour l’entrepreneuriat social. Dans sa définition de l’entreprise sociale, la Commission se concentre essentiellement sur la finalité sociale de l’entreprise. Une telle définition de l’économie sociale et solidaire présente à nos yeux le danger d’en occulter certains critères essentiels, en particulier la gouvernance démocratique, la répartition des bénéfices et l’indépendance des initiatives. Il convient donc que nous soyons très vigilants.

Par ailleurs, le terme d’innovation sociale est de plus en plus utilisé à l’échelle française mais également européenne, sans que son contenu soit précisé. Aussi nous apparaît-il très important que le projet de loi en discussion contribue à clarifier cette notion et à lui donner une impulsion nouvelle. Alors que les mutations technologiques et économiques heurtent fortement nos concitoyens et nombre de nos territoires, l’innovation sociale apporte une contribution déterminante.

Enfin, le droit européen de la concurrence impacte les relations financières entre les collectivités publiques et les acteurs de l’ESS ; ceux-ci attendent de l’Europe l’élaboration de statuts européens leur permettant de développer leur présence dans l’ensemble des pays de l’Union.

Aussi est-il essentiel d’affirmer, comme nous le faisons, la dimension européenne de la composition du conseil supérieur de l’ESS, afin qu’il puisse jouer un rôle d’articulation entre les dimensions nationale et européenne.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale souhaite que le Gouvernement et tous les acteurs représentatifs jouent pleinement – et de manière accrue – leur rôle dans le cadre des instances européennes et internationales pour valoriser l’économie sociale et solidaire, telle que nous la mettons en oeuvre en France.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, c’est avec une émotion certaine que je prends la parole cet après-midi, alors qu’un débat de plusieurs jours va se tenir à l’Assemblée nationale sur l’économie sociale et solidaire.

Je fais en effet partie, avec d’autres députés, de celles et ceux qui attendaient ce projet de loi et travaillaient sur ce sujet depuis plusieurs années.

De fait, ce texte est, à mon sens, porteur d’un enjeu majeur : celui de réinventer une politique publique de l’ESS dans notre pays. Je dis « réinventer » car je n’oublie pas qu’en 1981 – je n’en ai certes pas le souvenir précis, mais on me l’a raconté – une délégation de mission à l’ESS voyait le jour dans le gouvernement de Pierre Mauroy, actant la spécificité des entreprises que l’on a qualifiées de sociétés de personnes pour les distinguer des sociétés de capitaux.

Mais cette reconnaissance s’est progressivement effacée : force est de constater que, depuis plus de dix ans, il n’existe plus en France de politique publique organisant le soutien et l’appui au développement de ce secteur.

Ce texte est donc aujourd’hui une forme de consécration pour tous les acteurs, militants et soutiens de cette économie. Je salue, à cet égard, Mme la secrétaire d’État Valérie Fourneyron, que nous sommes ravis de voir au banc du Gouvernement. J’ai également une pensée pour Benoît Hamon, au regard de l’immensité du travail accompli.

Avant d’en venir aux travaux de la commission des affaires sociales, je ferai quelques réflexions préalables.

Pourquoi devons-nous nous féliciter de l’arrivée de ce projet de loi ? À mon sens, il est important de rappeler que l’économie sociale et solidaire n’est pas une juxtaposition d’entreprises fonctionnant à partir de principes de gestion communs. Elle est aussi, du fait de son histoire, de son apport à la société, de son organisation militante, un mouvement d’idées porteur d’un projet politique : la primauté de la personne sur le capital ; la promotion d’un entreprenariat collectif au service d’un projet, et non pas de la recherche du profit ; la démocratisation de la sphère économique.

Ce projet, on ne le niera pas, n’a pas toujours été idéalement incarné partout – on sait les dérives qu’ont pu connaître des structures se revendiquant de cette économie – mais je crois qu’il est important néanmoins de rappeler en permanence les idées qui le sous-tendent. Il est en effet au coeur de cet autre modèle de développement que nous appelons de nos voeux : un modèle qui, à l’inverse du système économique capitaliste libéral dominant dont on connaît les dérives, envisage autrement la finalité de l’économie et a en permanence le souci du durable, dans sa gestion comme dans son rapport au territoire.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui doit donc faire franchir à l’ESS une nouvelle étape, lui permettre de ne pas demeurer marginale, de ne pas être cantonnée au rôle de supplément d’âme du modèle dominant.

La commission des affaires sociales a été saisie de quinze articles. Elle a donné un avis favorable au présent projet de loi, après avoir adopté plusieurs amendements qui visaient à améliorer certaines de ses dispositions et qui ont été ensuite adoptés en commission des affaires économiques. Je ne reviendrai donc pas en détail sur chacun d’entre eux.

À l’article 1er, la commission a permis de renforcer les principes de gestion applicables aux entreprises de l’ESS, et de prévoir plus explicitement un contrôle de la conformité des statuts des sociétés commerciales lors de leur dépôt au greffe du tribunal de commerce.

À l’article 2, qui définit l’utilité sociale, la commission a proposé de mettre en avant la lutte contre les inégalités, de faire figurer parmi celles-ci les inégalités culturelles, et enfin d’introduire la notion d’éducation à la citoyenneté, en mentionnant notamment l’éducation populaire.

À l’article 7, qui rénove l’agrément solidaire, la commission a complété la liste des bénéficiaires de plein droit de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » ou ESUS par la mention des organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires ou OACAS, dont font partie notamment les communautés Emmaüs.

La commission a enfin précisé la rédaction de l’article 33 sur les coopératives d’activité et d’emploi et enrichi l’article 49 en élargissant les missions des éco-organismes à la prévention des déchets.

Je voudrais enfin évoquer plusieurs défis auxquels nous devrons répondre, car l’adoption d’un nouveau cadre législatif est non pas un aboutissement mais un levier pour la suite.

Certains d’entre eux sont posés à la puissance publique, à nous, législateurs, au Gouvernement : il va falloir faire vivre cette loi. Il faudra évidemment pour cela mobiliser des moyens humains, financiers et administratifs. Il faudra aussi de la cohérence : on ne peut pas revivre l’épisode du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Les stratégies d’aides aux entreprises, indépendamment des débats qu’elles suscitent, ne peuvent faire abstraction de la spécificité des entreprises de l’ESS. Quel paradoxe que de laisser de côté celles qui se fixent pour règle le réinvestissement de leurs bénéfices dans le projet collectif plutôt que dans la distribution des dividendes !

Des défis s’adressent aussi aux acteurs de l’économie sociale et solidaire. Le fait qu’ils soient reconnus par la loi ne doit pas nuire à leur capacité à faire vivre l’autonomie de l’ESS, qui en est un élément constitutif. Les actes doivent être en accord avec les principes et le projet émancipateur de l’ESS doit être porté, voire approfondi, si l’on souhaite que ce mouvement continue demain à innover, à se renforcer, à susciter des questionnements nouveaux sur le fonctionnement du champ de l’économie, le rapport au pouvoir, le développement des territoires.

Je conclurai par une citation de Paul Eluard qui m’a immédiatement fait penser à l’ESS le jour où je l’ai découverte : « Il y a un autre monde, mais il est dans celui-ci ». Tel est l’enjeu que nous nous fixons : faire vivre et prospérer cet autre monde qu’est l’ESS pour qu’elle contribue pleinement à transformer notre quotidien, à dessiner de belles perspectives pour notre avenir collectif.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Philippe Noguès, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui marque une étape importante dans le développement de l’économie sociale et solidaire. Le nombre de commissions saisies pour avis témoigne de la mobilisation des parlementaires autour de cet objectif. Un tel engouement a cependant nécessité un travail de coordination important et chronophage, mais salutaire et constructif ; je veux saluer à cet égard l’implication de notre rapporteur, M. Yves Blein.

En tant que rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’insisterai sur le lien entre ESS et développement économique durable. « Produire autrement », « entreprendre utile », « consommer différemment » sont autant de préoccupations qui entrent directement en résonance avec le périmètre de notre commission. Je suis convaincu que l’ESS peut et doit permettre à notre économie de concilier davantage démocratie sociale, développement durable et compétitivité.

Parce qu’il inclut dans la définition de l’utilité sociale figurant à l’article 2 le développement durable, le texte reconnaît le rôle joué par les « entrepreneurs sociaux de la transition écologique », qu’il s’agisse des producteurs d’énergies renouvelables ou des agriculteurs biologiques ancrés dans les territoires ou des acteurs de l’économie circulaire. Je me félicite vivement de cette inclusion.

Le texte comprend également des dispositions relatives au secteur spécifique des déchets, un secteur crucial pour les politiques environnementales des collectivités territoriales. En complétant les cahiers des charges des éco-organismes pour favoriser le recours aux entreprises solidaires d’utilité sociale, le projet de loi s’inscrit dans la parfaite continuité des conférences environnementales de 2012 et de 2013 et de leur promotion d’une économie circulaire.

La commission du développement durable s’est longuement interrogée sur les conditions de mise en oeuvre par les acteurs de l’ESS des dispositions de la loi « Grenelle II » en matière de responsabilité sociale et environnementale. Du fait des valeurs qu’elle porte et des modes d’entreprendre qui lui sont propres, l’ESS est par nature sensible à cette notion de responsabilité sociale et environnementale.

L’intégralité des sociétés cotées, ainsi que les sociétés non cotées réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros ou employant plus de 500 salariés doivent, depuis la loi « Grenelle II », publier un rapport dit « extra-financier ». Bien que ne relevant pas du code de commerce, les coopératives au sens de la loi de 1947, les coopératives agricoles, les sociétés d’assurance mutuelles et les mutuelles entrent dans le champ du dispositif, tout comme les établissements de crédit. Le présent projet de loi permet, grâce à plusieurs amendements déposés au Sénat et à l’Assemblée nationale, d’aligner sur le droit commun les conditions applicables aux acteurs de l’ESS. Ce projet de loi met ainsi fin à une inégalité de traitement qui conduisait les acteurs de l’ESS à être soumis à des critères de seuil plus durs que ceux qui s’appliquaient aux entreprises relevant du code du commerce.

Cette même égalité de traitement suppose cependant d’aligner par ailleurs les conditions de vérification des rapports extra-financiers des acteurs de l’ESS sur celles des entreprises classiques, c’est-à-dire de les faire contrôler par un organisme tiers indépendant ; dans la plupart des cas, le commissaire aux comptes accrédité par le COFRAC, comité français d’accréditation. On peut souligner l’intérêt de ce dispositif : c’est un gage de crédibilité, de transparence, et c’est une condition du développement d’un secteur financier socialement responsable. Ne serait-il pas en effet paradoxal que le niveau d’exigence applicable aux entreprises classiques soit supérieur à celui des acteurs historiques de l’ESS, qui sont porteurs de valeurs qui, je crois, les obligent à l’exemplarité et les rendent bien souvent plus socialement responsables que les autres ?

L’effort d’harmonisation a été effectué en grande partie lors de l’examen du texte en commission des affaires économiques. Toutefois, les mutuelles restent pour l’heure exclues du dispositif de vérification des données par un tiers indépendant. Je souhaite donc, au nom de la commission du développement durable, que nous débattions à nouveau ensemble de cette question. Je défendrai par conséquent un amendement visant à inclure les mutuelles dans le dispositif.

J’ai également noté que l’article 50 de ce texte vise, et j’en suis ravi, à mieux encadrer les allégations relatives aux propriétés sociales et équitables d’un produit, et donc à améliorer l’information et la protection des consommateurs. Toujours dans le but de promouvoir la responsabilité sociale et environnementale, et considérant que le consommateur est en droit d’attendre que les produits qu’il achète soient fabriqués dans des conditions éthiques et humainement acceptables, je vous proposerai un amendement allant dans ce sens.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est également penchée sur la question du développement territorial de l’ESS. Je n’ai malheureusement pas le temps de développer en détail les avancées du texte en la matière, mais nous y reviendrons dans l’examen des articles. Je citerai simplement la reconnaissance des pôles territoriaux de coopération économique, le rehaussement du plafond d’investissement des collectivités territoriales dans les sociétés coopératives d’investissement collectif, et le rôle accru confié aux régions. Certains points restent en suspens, mais nous aurons l’occasion de poursuivre le travail dans le cadre de la réforme territoriale.

Enfin, la commission du développement durable se félicite que la définition juridique de la notion de commerce équitable soit actualisée : la dimension nord-nord vient ainsi s’ajouter à la dimension nord-sud, qui était seule prise en compte jusqu’à présent. Je salue à ce titre mon collègue Jean-René Marsac, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et me félicite que nos deux commissions aient pu travailler en étroite collaboration sur cette question dans un esprit de concertation avec les acteurs concernés. Nous vous proposerons conjointement de préciser à nouveau la rédaction de l’article 50 bis.

Pour conclure, je tiens à saluer la qualité du travail qui a été effectué pour l’élaboration puis l’examen de ce projet de loi. Je veux notamment témoigner de l’ampleur et de la qualité de la concertation qui a présidé à nos travaux autour de ce texte. C’est grâce à cet effort de concertation intense qu’il a reçu un accueil favorable de la plupart des acteurs du secteur. Je vous appellerai donc naturellement, au terme de nos débats, à l’adopter.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Régis Juanico, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

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Je tiens avant toute chose à vous remercier, madame la secrétaire d’État, et à remercier également votre prédécesseur, Benoît Hamon, qui a présenté le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire en première lecture au Sénat et qui a organisé avec vous, il faut le souligner, un travail de concertation exemplaire en amont de ce texte, tant avec l’ensemble des acteurs du secteur qu’avec les parlementaires. Permettez-moi également de mentionner tout le plaisir que j’ai eu de travailler avec les six autres rapporteurs de ce projet de loi dans un climat de respect et de confiance réciproques pour enrichir ce texte fondateur.

Les principes de l’économie sociale et solidaire de lucrativité limitée et de mise en réserve d’une partie des bénéfices centrent les ressources de l’entreprise sur son projet de long terme plutôt que sur la rémunération des actionnaires. La participation de tous à la gouvernance démocratique aide également l’entreprise à mieux définir ses objectifs et à éviter la prise de pouvoir par un petit nombre d’intérêts. Ce modèle économique se caractérise par une plus grande tempérance, une moindre impatience quant à la rentabilité à court terme et une moindre perméabilité aux convulsions des marchés financiers. Après la loi bancaire, ce texte tire les leçons de la crise de 2008 en proposant un autre modèle de développement économique et social.

Dans mon rapport pour avis, je me suis attaché à montrer que l’économie sociale et solidaire constitue un secteur clé de l’économie française : elle représente 10 % du PIB, plus de 220 000 structures employant 2,4 millions de salariés, soit un emploi privé sur huit. Ces emplois, bien souvent, sont non délocalisables et ancrés dans la vie de nos territoires. L’ESS représente par exemple plus de 35 000 emplois dans le département de la Loire, dont je suis l’élu.

De surcroît, l’économie sociale et solidaire est très dynamique en termes de création d’emplois : au cours des dix dernières années – vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État –, les entreprises du secteur ont créé 440 000 nouveaux emplois, ce qui correspond à une hausse de 23 %, contre 7 % en moyenne dans l’économie traditionnelle. Près de 50 % des emplois d’avenir qui ont été créés depuis fin 2012 dépendent du secteur de l’ESS.

L’économie sociale et solidaire constitue aussi un gisement d’emplois pour l’avenir : selon l’étude d’impact, entre 100 000 et 200 000 emplois supplémentaires seront créés dans un délai de trois à cinq ans. D’ici à 2020, près de 600 000 postes devront être renouvelés en raison des départs à la retraite, dans des secteurs aussi porteurs que les services à la personne, la petite enfance, la transition énergétique ou l’économie circulaire.

En tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, je veux également souligner que, grâce à ce texte de loi, le financement du secteur de l’ESS sera mieux assuré à travers l’agrément d’« entreprise solidaire d’utilité sociale », qui remplacera celui d’« entreprise solidaire ». Fonds propres, garanties, avances remboursables, crowdfunding pour les TPE, prêts participatifs, mais aussi épargne solidaire, premier levier de financement des entreprises solidaires avec 880 millions d’euros mobilisés chaque année : tous ces dispositifs seront plus accessibles et mieux fléchés pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Les acteurs du secteur pourront s’appuyer sur trois grands leviers d’investissement : 500 millions d’euros dédiés via la Banque publique d’investissement – même si, madame la secrétaire d’État, Benoît Hamon avait précisé que cette somme était « une borne, pas un plafond » eu égard au poids total de l’ESS dans l’économie – ; 100 millions d’euros dans le cadre du programme d’investissements d’avenir 2, le PIA 2, sous la forme d’appels à projet ; 40 millions d’euros, enfin, avec le fonds d’innovation sociale abondé pour moitié par l’État et pour moitié par les régions.

À ces financements spécifiques s’ajoute une mesure fiscale de soutien à la vie associative, entrée en vigueur le 1er janvier 2014 et créée à notre initiative, qui porte sur l’abattement de la taxe sur les salaires des associations employeuses ; elle passera de 6 000 à 20 000 euros, pour un montant de plus de 300 millions d’euros. Au total, 70 % de ces associations ne paieront plus de taxe sur les salaires.

J’en profite, madame la secrétaire d’État, pour vous faire passer le message suivant : mon collègue Yves Blein et moi-même aurions souhaité aller plus loin pour le secteur de l’ESS, fortement créateur d’emplois, dans le cadre du pacte de responsabilité, comme le proposait notre rapport sur la fiscalité du secteur privé non lucratif, remis au Premier ministre en décembre dernier.

Pour donner suite à certaines préconisations de ce rapport, je déposerai d’ailleurs, dans le cadre du prochain collectif budgétaire, plusieurs amendements dont le caractère fiscal – il s’agit, par exemple, du relèvement des seuils de lucrativité pour les organismes à but non lucratif – rendait leur examen impossible dans le cadre du présent texte, conformément au principe de spécialité budgétaire des lois de finances.

Alors que l’engagement associatif a été décrété grande cause nationale en 2014, il est également bon de rappeler que 80 % des emplois de l’ESS proviennent des associations. Je me réjouis des nombreuses avancées pour la vie associative contenues dans le texte que nous avons voté, dans le cadre du nouveau titre V, à l’initiative des rapporteurs, lors de l’examen en commission des affaires économiques.

La définition de la subvention, pour la première fois inscrite dans la loi, permettra de sécuriser davantage, sur le plan juridique, les 550 000 associations qui bénéficient chaque année d’une subvention publique, mais aussi les collectivités tentées de recourir à la commande publique.

Le dispositif local d’accompagnement, service d’accompagnement professionnel destiné à la consolidation technique et financière des employeurs associatifs, aura désormais une reconnaissance législative, tout comme le Haut conseil à la vie associative.

En ce qui concerne la valorisation de l’engagement associatif et du bénévolat, nous avons voté en commission la création d’un volontariat associatif pour les plus de vingt-cinq ans, d’un fonds de formation pour les dirigeants bénévoles, de fonds territoriaux de développement associatif et d’un fonds de garantie des apports en fonds associatifs.

Nous avons également demandé au Gouvernement un rapport sur l’évaluation des dispositifs de congés d’engagement bénévole, de manière à pouvoir avancer concrètement sur cette question d’ici à la seconde lecture.

Si l’on ajoute toutes les mesures de simplification pour les associations déjà prévues dans le texte initial, notamment en ce qui concerne les conditions de fusion et de scission, la gestion des donations et legs ou l’acquisition et la gestion d’immeubles, l’Assemblée nationale aura réalisé un travail considérable permettant d’enrichir le volet consacré par ce projet de loi à l’accompagnement et au renforcement de la vie associative. Mes chers collègues, ce travail n’est pas terminé : nous pourrons encore l’enrichir dans les prochaines heures.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Christophe Cavard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois s’est saisie pour avis de trente et un articles du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, adopté par le Sénat le 7 novembre dernier. Ces articles abordent les grands principes de l’économie sociale et solidaire, la transmission des entreprises à leurs salariés et le droit des coopératives et des associations.

Il était temps, mes chers collègues, que le Parlement légifère pour permettre un changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire – c’est un député du département natal de Charles Gide qui vous le rappelle.

Ses nombreux acteurs, dans les associations et les coopératives notamment, sur les territoires de notre pays, mais également de l’Europe entière, voire d’autres continents – je pense bien sûr à l’Amérique du Sud –, ont une bonne longueur d’avance sur les politiques institutionnelles en la matière. C’est d’ailleurs là leur première caractéristique : ils sont à la pointe de l’innovation sociale, au service du développement de l’économie coopérative, de l’économie associative, de l’économie démocratique. Ils innovent, tant sur la forme de l’entreprise que sur le fond, à savoir les activités qu’ils développent en réponse à des besoins sociaux ou environnementaux avérés.

Alors que l’économie dominante se préoccupe de faire des profits, souvent au mépris des conséquences sociales et écologiques de son activité, la crise nous invite à nous interroger plus encore sur les finalités de l’économie.

Les entreprises de l’ESS placent l’humain et le projet collectif au coeur de leur objet ; elles couvrent des champs d’intérêt général et des secteurs très diversifiés ; elles développent des activités ou des services dans les domaines de l’environnement, de l’habitat, du service aux personnes et aux entreprises, du développement local, du patrimoine, des énergies renouvelables, ou encore de la santé ; elles proposent de nombreuses opportunités d’emploi et des carrières diversifiées : un emploi sur cinq est aujourd’hui créé dans le secteur de l’ESS.

Dans le contexte actuel, nous devons conforter le dynamisme et l’inventivité des acteurs de l’ESS, qui présentent le double avantage d’ancrer de nouveau l’économie dans le réel tout en contribuant à soutenir nos concitoyens les plus fragiles.

Je veux pour preuve de ce dynamisme la mobilisation des acteurs du secteur dans la préparation des travaux parlementaires et leur contribution à nos réflexions, comme j’ai pu le mesurer avec mes collègues rapporteurs pour avis. La densité de ces échanges est la démonstration d’une véritable culture participative et l’illustration d’un dialogue social effectif. De fait, l’ESS se caractérise également par sa capacité à mobiliser les citoyens. Nous devons soutenir cette démarche dans une période où le repli sur soi fragilise nos démocraties.

Il était donc temps que l’ESS trouve un meilleur portage politique. En effet, il s’agit d’une économie non de la réparation, mais bien de la transformation. Ce portage politique a été, au cours de l’année écoulée, à la hauteur de l’enjeu. Je veux, à mon tour, saluer le travail de préparation de ce texte conduit par Benoît Hamon, désormais ancien ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire. Nous accueillons aujourd’hui avec confiance Mme Valérie Fourneyron, nouvellement chargée par le Gouvernement de suivre le débat parlementaire, puis de veiller à la bonne mise en oeuvre de cette loi qui, plus que d’autres, croisera les réformes à venir en matière de décentralisation et de fiscalité locale.

La commission des lois a adopté quatorze amendements. Dans la mesure où, me semble-t-il, les débats ont parfois été inaboutis sur certains d’entre eux en commission des affaires économiques, j’en ai de nouveau déposé douze.

À l’article 1er, la commission des lois a prévu la possibilité d’une meilleure association des salariés aux réalisations et à la gouvernance des entreprises de l’ESS. Au même article, elle a proposé que les sociétés commerciales qui souhaitent se prévaloir du secteur soient tenues de produire tous les cinq ans les éléments établissant qu’elles en respectent toujours les conditions.

À l’article 2, elle a souhaité faire de la contribution au développement durable, dans toutes ses dimensions, une condition en soi de l’utilité sociale.

Après l’article 6, elle a adopté trois amendements. Le premier vise à augmenter l’abattement sur la taxe sur les salaires acquittée par des entreprises qui relèvent de l’ESS. Le deuxième tend à inscrire les formations à l’entrepreneuriat dans le champ de l’ESS, parmi les formations éligibles au compte personnel de formation. Le troisième prévoit de garantir la représentation de l’ESS dans les instances de dialogue social au niveau national et interprofessionnel.

À l’article 9, elle a proposé trois amendements, dont l’un vise à inclure l’État dans la liste des pouvoirs adjudicateurs tenus d’adopter un schéma de promotion des achats publics socialement responsables.

L’article 10 ayant disparu, le débat sur la question de l’appel à initiatives, notamment, reviendra sûrement à propos de l’article 40.

À l’article 13, la commission des lois a proposé d’encourager les salariés d’une coopérative à en acquérir des parts sociales. L’amendement vise à préciser qu’ils pourront détenir jusqu’à 20 % des droits de vote. Je suis sûr, madame la secrétaire d’État, que nous reviendrons sur cette question dans le cours du débat.

Pour conclure, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi, tel que modifié par les amendements qu’elle a adoptés. Je remercie ses membres et particulièrement son président, Jean-Jacques Urvoas, pour la qualité du travail effectué, ainsi que les administrateurs qui m’ont accompagné dans cette première expérience en qualité de rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.

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La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, cher Yves Blein, monsieur Pierre Léautey, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, monsieur Jean-René Marsac, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, madame Fanélie Carrey-Conte, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, monsieur Philippe Noguès, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, monsieur Régis Juanico, rapporteur pour avis de la commission des finances, monsieur Christophe Cavard, rapporteur pour avis de la commission des lois, chers collègues…

Sourires.

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C’est à une entrée en matière un peu inhabituelle que je viens de me livrer, car la liste est particulièrement longue ; c’est la rançon de la gloire, madame la secrétaire d’État ! C’est aussi la traduction de la transversalité incontestable du sujet que nous traitons. Six commissions saisies pour avis : cela traduit aussi l’envergure toute particulière de ce texte. La qualité des débats en commission s’en est d’ailleurs ressentie : l’implication de rapporteurs pour avis est toujours très enrichissante et éclairante.

Permettez-moi d’ailleurs, à ce stade, de faire un petit point de procédure parlementaire, car je trouve que les saisines pour avis n’ont pas la reconnaissance qu’elles méritent de la part de ceux qui connaissent mal notre règlement.

Une saisine pour avis est quelque chose d’important. Comme vous le savez, à chaque fois qu’un projet ou une proposition de loi sont déposés sur le bureau de notre assemblée, le président les renvoie à une commission qui sera chargée de les examiner au fond. Le renvoi d’un texte à une commission plutôt qu’une autre est fonction du règlement de l’Assemblée nationale, lequel délimite, dans son article 36, le champ de compétence de chacune des huit commissions permanentes. Mais, comme vous le savez, les commissions ne vivent pas en vase clos – heureusement – et les textes qui leur sont soumis concernent des domaines dont les frontières sont parfois poreuses, ce qui justifie que les autres commissions puissent intervenir et donner leur avis très formellement sur un point ou sur un autre, parfois même se voir sous-traiter un chapitre entier par la commission saisie au fond. Voilà ce qui s’appelle la saisine pour avis ; c’est une véritable richesse de notre droit parlementaire. Elle permet aux spécialistes d’un sujet d’apporter une expertise sur un ou plusieurs points d’un texte dont le reste ne les concerne pas ou seulement de façon marginale.

Elle permet surtout d’impliquer un maximum de députés et de s’inscrire harmonieusement dans le calendrier de nos travaux, puisque, par son intermédiaire, l’ensemble des députés des commissions saisies pour avis ont l’occasion d’étudier de près le texte avant son arrivée en séance. Je pense, par exemple, aux amendements présentés par la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, qui a mis le doigt sur plusieurs difficultés que sa commission a l’habitude traiter et qu’elle a donc brillamment résolues. Certains aspects techniques ne sont pas maîtrisés par tous : voilà pourquoi le travail collectif est indispensable.

Les rapporteurs pour avis nous ont ainsi rendu compte des différents débats qui ont eu lieu dans chacune de ces commissions. La voix de chacun a été respectée. Ils ont été – et sont toujours – les véritables porte-parole des autres commissaires.

Dans le texte que nous allons examiner aujourd’hui, les rapporteurs pour avis ont défendu soixante et un amendements, dont la moitié ont été adoptés. J’ai bien compris que d’autres avaient été déposés et que ce n’était pas forcément terminé…

Les préoccupations des différentes commissions font des députés qui en sont membres de véritables spécialistes des questions qu’ils traitent à longueur de temps. Il est donc légitime qu’ils soient saisis au fond. Mais il est tout aussi légitime que les commissions qui estiment que certaines dispositions du texte les concernent s’impliquent activement dans son examen. Chacun traite le sujet dans la logique qui est la sienne, dans son univers de référence ; c’est le meilleur service que l’on puisse rendre au travail collectif et transversal qui est le nôtre ; c’est ce qui fait la richesse de cet examen par différentes commissions qui a, de plus, le mérite de ne court-circuiter personne trop en amont du travail parlementaire.

Au total, chers collègues, nous avons adopté 263 amendements en commission, dont certains de l’opposition – je vois d’ailleurs que M. Abad tient à le souligner –,…

Sourires

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Ils sont rédactionnels, monsieur le président de la commission !

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…ce qui est un score plus qu’honorable.

Non, monsieur Abad : M. Herth, par exemple, a connu un vrai succès. L’opposition constructive est toujours saluée.

Le texte a donc été amélioré – et ce n’est pas fini. L’engouement des députés est réel : partout, sur notre territoire, ils ont organisé des réunions publiques et des auditions, afin d’enrichir votre texte, madame la secrétaire d’État, lequel arrive devant nous dans un état de maturité appréciable.

Il s’agit là d’un texte important. Il permet d’organiser, d’encourager et de sécuriser tout un pan de notre économie qui emploie près de 2,5 millions de salariés, dans des secteurs où, parfois, seules ces entreprises veulent aller, permettant ainsi de combler une carence de ce que l’on appelle l’initiative privée. L’économie solidaire propose de vrais métiers, de vrais services, de vrais engagements humains. À cet égard, je veux, à ce stade de mon intervention, dire combien je dois personnellement au secteur de l’éducation populaire, sans lequel je n’aurais certainement pas pu faire le chemin qui a été le mien. Vous en êtes vous aussi, monsieur le rapporteur, un exemple.

C’est un vrai joyau, madame la secrétaire d’État, sur lequel nous devons veiller afin qu’il ne soit pas dévoyé. L’économie sociale et solidaire, si nous voulons qu’elle perdure, ne doit pas rester une économie à part. Ses spécificités ne continueront à se justifier qu’à condition que les entreprises qui la composent soient vertueuses. Elle reste l’un des piliers du pacte républicain.

Madame la secrétaire d’État, vous voilà donc en charge de la protection de ce joyau. Mais, pour veiller sur lui, vous pouvez compter sur les députés de cette assemblée – sur tous ces bancs – et sur un en particulier : le rapporteur de ce texte, Yves Blein, qui travaille sur la question depuis des mois et des mois et s’est attaché à convaincre tout le monde, en faisant quasiment du porte-à-porte, non seulement de l’intérêt, mais surtout de la portée de ce texte. Yves Blein, disais-je, est donc un véritable expert de la question.

Enfin, madame la secrétaire d’État, je profite de cette occasion pour vous souhaiter la bienvenue parmi nous dans vos nouvelles fonctions et vous dire le plaisir que nous avons à vous retrouver dans cet hémicycle. Vous allez devoir travailler avec nous pendant trois jours et trois nuits – peut-être même quatre ou cinq (Sourires) –, puisque, comme vous l’aurez compris, nous sommes très motivés, y compris pour présenter de nouveaux amendements.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur certains bancs du groupe écologiste.

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J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous examinons le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, qui a fait l’objet d’un premier vote au Sénat le 7 novembre 2013.

À l’Assemblée nationale, le groupe UMP n’a pas déposé de motion de rejet. En effet, nous ne souhaitons pas nous opposer a priori à un texte visant à promouvoir et développer une économie qui représente 10 % du PIB, 200 000 organismes et entreprises et 2,35 millions de salariés.

Nous ne souhaitons pas non plus laisser croire que les députés de l’UMP s’opposent systématiquement, pour le plaisir de s’opposer.

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Ainsi je rappelle que ces deux dernières années, l’UMP n’a pas voté contre la loi relative à la sécurisation de l’emploi ni contre la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes ; nous n’avons pas davantage rejeté la proposition de loi visant à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale.

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Pour chacun de ces textes, il n’y avait pas d’opposition de principe mais la volonté sincère, à travers nos arguments et nos amendements, d’en éviter les écueils, de les rendre utiles et efficaces pour ceux à qui ils s’appliqueraient. L’adoption de nos amendements, chers collègues de la majorité, aurait sans doute permis de faire évoluer la position de notre groupe de l’abstention au vote pour. Malheureusement, cela ne s’est pas produit.

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Lorsque j’entends le nouveau Premier ministre nous exhorter à « travailler ensemble » et affirmer vouloir « écouter davantage l’opposition », j’attends que cela se traduise dans les faits. Force est de constater que cela ne vient pas !

Une preuve de cette volonté serait, par exemple, de renoncer à ces pratiques d’un autre âge qui consistent à abroger des textes adoptés par vos prédécesseurs ou à repousser systématiquement les amendements de l’opposition, sous prétexte qu’ils viennent de nos bancs. Vous me direz que c’était ainsi avant – d’ailleurs, vous l’avez déjà dit – ; eh bien, si vous ne voulez pas être taxés de conservatisme, mettez fin dès à présent à cette coutume parlementaire qui consterne les Français !

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Je pourrais être cruelle et vous rappeler certains des textes que vous avez abrogés dès votre arrivée aux affaires, pour marquer le changement ! Je pense à la défiscalisation des heures supplémentaires, qui donnait du pouvoir d’achat complémentaire aux salariés – abrogée !–, à la réforme territoriale, qui mettait fin au mille-feuilles politico-administratif – abrogée –, aux mesures de baisse du coût du travail et à la TVA anti-délocalisation : abrogées !

Protestations sur les bancs du groupe SRC.

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Aujourd’hui, vous vous en mordez les doigts, car vous reconnaissez intérieurement que tout cela allait dans la bonne direction.

Je pourrais aussi vous rappeler les vifs débats que nous avons eus sur des mesures emblématiques, à vos yeux, dont la mise en oeuvre concrète s’avère un casse-tête, parfois insoluble, souvent coûteux.

Il en va ainsi de l’impossibilité de signer des contrats de travail d’une durée hebdomadaire inférieure à 24 heures : nombre de secteurs d’activité n’y parviennent pas, notamment celui des services à la personne – nous l’évoquerons lors de ce débat. C’est aussi le cas de la création du compte pénibilité, pour lequel les décrets d’application sont bien difficiles à rédiger, et pour cause ! Je pense enfin, dans un tout autre registre, à la réforme des rythmes scolaires : dès la sortie du décret de l’ex-ministre de l’éducation, nous avions pointé les difficultés majeures qui ne manqueraient pas d’apparaître au grand jour ! Là encore, et sans prétention de notre part, la majorité aurait été bien inspirée de nous écouter davantage.

Sur ce projet de loi, qui tend à promouvoir l’économie sociale et solidaire, nous n’avons pas d’opposition de principe. En revanche, nous estimons particulièrement opportun de déposer une motion de renvoi en commission, et ce, pour plusieurs raisons.

La première, c’est que le texte initial, qui comportait 53 articles, a été examiné au fond par la commission des affaires économiques, monsieur le président Brottes, mais aussi par six autres commissions, saisies pour avis : la commission du développement durable – logique –, la commission des finances – indispensable –, la commission des affaires étrangères – normal –, la commission des affaires culturelles – compréhensible –, la commission des affaires sociales – incontournable – et la commission des lois, cela va de soi. Cet état de fait, à lui seul, aurait justifié qu’une commission ad hoc soit créée, composée de députés de la majorité et de l’opposition, désignés par leurs pairs dans chacune des commissions concernées.

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Le second motif de cette demande de renvoi en commission est que le texte issu des travaux du Sénat a connu bien des modifications à l’Assemblée nationale : avec les articles additionnels, il est passé de 53 à 77 articles. Les décrets annoncés ont suivi cette inflation, puisque leur nombre est passé de 28 dans la version initiale à 36 dans celle que nous examinons aujourd’hui. Mes collègues de la commission des affaires sociales savent mon scepticisme à l’égard de ces décrets qui fleurissent dans nos lois : ceux qui ne sortent jamais ou dévoient l’esprit de la loi sont légions. Plus j’avance dans ma mission de législateur, plus je me rallie à ceux qui estiment qu’une loi ne devrait être promulguée qu’avec les décrets d’application qui l’accompagnent.

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La troisième raison qui justifie cette motion est que, malgré les discussions en commission, plus de 400 amendements ont été déposés pour être examinés en séance, dont une vingtaine émanant du Gouvernement et près de 170 des députés du groupe SRC ! Il est vrai que depuis le 29 mai, et la présentation du pacte de stabilité par le Premier ministre, nombre d’élus de la majorité ont souhaité retrouver leur liberté de parole…

Pour leur part, les députés du groupe UMP se sont concentrés particulièrement sur les articles qui posent problème – mes collègues auront l’occasion de s’en expliquer. Nos amendements – une centaine – sont le reflet des remarques pertinentes d’interlocuteurs de terrain, que nous avons tenu à écouter tout au long de l’élaboration de ce texte.

Ces amendements procèdent d’une double volonté : ne pas créer de désillusion chez les acteurs de l’économie sociale et solidaire, qui ont été force de proposition et aspirent à une loi qui conforte leurs activités – le comble, serait, que malgré les meilleures intentions du monde, ce texte leur mette des bâtons dans les roues – et éviter les écueils, d’ores et déjà prévisibles si certains articles sont votés en l’état. En somme, nous souhaitons adopter un texte utile, lorsque vous nous dites qu’il est fondateur.

Je viens de vous exposer les raisons qui militent pour un renvoi en commission. Je ne reviendrai pas sur les aspects du texte que nous approuvons. Simplement, je souhaiterais insister sur les articles qui posent problème et feront l’objet d’une discussion. De l’issue de nos débats et de la prise en compte – ou pas – de nos remarques dépendra bien évidemment la position du groupe UMP, qui n’est pas, à ce jour, définitive.

Ce projet de loi concerne un champ économique pour le moins vaste et hétérogène, composé de coopératives, de mutuelles, d’associations, de fondations mais aussi d’entreprises. Plusieurs articles nous inquiètent, soit parce qu’ils vont à l’encontre de la volonté affichée de favoriser l’activité économique dans notre pays, soit parce qu’ils sont contraires au choc de simplification prôné par le Gouvernement, soit parce qu’ils n’ont pas à figurer dans ce texte.

Dans la rubrique « je m’en défends mais je prends le risque de pénaliser des entreprises », nous inscrivons votre volonté d’exclure des entreprises de la définition que vous donnez à l’économie sociale et solidaire, en dépit des réalités. L’article 7 définit en effet l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », qui remplacera l’agrément actuel « entreprise solidaire », et détermine les critères pour en bénéficier. Cet agrément – ce label – est loin d’être neutre pour les entreprises, puisqu’il permet de bénéficier de financements intéressants et de certains allégements fiscaux.

Nos collègues Laure de La Raudière et Damien Abad ont tenté de vous faire admettre en commission que de petites sociétés commerciales de services à la personne qui salarient des personnes en insertion et interviennent chez des particuliers devraient pouvoir, de par leur utilité sociale, relever de l’économie sociale et solidaire.

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S’appuyant sur un exemple pour le moins réducteur, le Gouvernement, par la voix de la secrétaire d’État au numérique, a expliqué qu’il n’était pas question qu’une entreprise dont les salariés interviennent chez certains particuliers relève du champ de l’économie sociale et solidaire : « Il est vrai que certaines entreprises de services à la personne font partie de l’économie sociale et solidaire, mais pas toutes ; on ne saurait accorder de droit l’agrément à toutes les entreprises du secteur. L’activité du jardinier employé dans une résidence secondaire ou celle de l’étudiant effectuant du soutien scolaire au sein d’une famille disposant d’importantes ressources financières peut-elle être classée dans l’économie sociale et solidaire ? » Ce sont pourtant les mêmes entreprises et les mêmes salariés – souvent modestes – qui interviennent chez les particuliers, quels qu’ils soient !

Pardonnez-moi de rappeler que, ces derniers mois, le Gouvernement a porté plusieurs coups au secteur des services à la personne. J’ai évoqué l’obligation de ne signer que des contrats de travail d’une durée hebdomadaire supérieure à 24 heures. J’aurais pu citer l’abandon de la déclaration au réel pour les particuliers employeurs qui emploient des salariés à leur domicile et la réduction de leurs avantages fiscaux, avec pour résultats en 2013 une baisse historique de 3,2 % du nombre de particuliers employeurs et de 6,7 % du nombre d’heure déclarées. Quelque 80 000 emplois ont été supprimés et le travail dissimulé explose ! S’il s’agit d’un texte de loi économique, vous devez tenir compte de ces arguments.

En excluant des entreprises de services à la personne de l’ESS, par principe, voire par idéologie, vous risquez de pénaliser davantage encore ce secteur aux perspectives pourtant prometteuses en termes d’emplois, tant les besoins sont avérés. Voici un premier sujet qu’il nous faut absolument retravailler en commission. À défaut, l’hémorragie risque de se poursuivre.

Dans la rubrique « je m’en défends mais je tourne le dos au choc de simplification », nous inscrivons des articles du chapitre II, censé organiser l’ESS pour mieux la promouvoir. Non contents de consacrer de très nombreuses structures existantes, vous en créez de nouvelles ! Par ordre d’arrivée dans le texte, je citerai le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, la chambre française de l’économie sociale et solidaire, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les pôles territoriaux de coopération économique, le conseil supérieur de la coopération et le Haut conseil à la vie associative.

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Le risque est avéré de superposer des structures, de complexifier des procédures, de doublonner les missions, voire de diluer les responsabilités. Le schéma d’organisation que vous nous proposez ressemble à s’y méprendre à une usine à gaz, qui, au final, risque de desservir les organismes et les entreprises de l’ESS qu’elle est censée promouvoir !

À l’évidence, les coûts de fonctionnement de toutes ces structures existantes ou créées par la loi seront loin d’être neutres, leur composition et leurs missions feront l’objet d’âpres discussions – c’est déjà le cas – et la représentativité de leurs membres sera source de conflits. Au moment où vous exigez des collectivités locales qu’elles rationalisent leurs actions et mutualisent leurs services, l’organisation que vous mettez en place au profit de l’ESS tiendrait à merveille dans une boîte de Pandore…

Sourires sur les bancs du groupe UMP.

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Pour vous garder d’ouvrir cette boîte et de déclencher la catastrophe que l’on peut imaginer, nous vous invitons, chers collègues de la majorité, à retravailler le sujet en commission. Pourquoi n’avoir pas consacré deux niveaux d’intervention ? Un niveau opérationnel, celui des régions, le bon échelon pour promouvoir l’ESS, et un niveau de représentation, national, force de proposition et interlocuteur des pouvoirs publics. Trop simple, sans doute… Mais assurément, le schéma doit être redessiné.

Dans la rubrique « le Conseil constitutionnel censure la loi dite Florange, mais je reviens à la charge », nous avons retenu les articles 11 et 12, relatifs au droit d’information des salariés sur les projets de cession d’entreprise. Première remarque : nous ne voyons pas pourquoi – même si nous nous doutons de la réponse – ces articles figurent dans un texte de loi sur l’économie sociale et solidaire. Mais puisque c’est le cas, parlons-en !

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Deuxième remarque, pour devancer toute caricature : l’UMP n’est absolument pas opposée à l’idée de faciliter la transmission des entreprises françaises à leurs salariés, bien au contraire lorsque c’est la meilleure solution pour les entreprises et pour les salariés. Je pense en cet instant à une entreprise dans ma circonscription – elle se reconnaîtra. Je rappelle également, s’il en est besoin, que notre famille politique est, depuis longtemps, très favorable à l’intéressement, à la participation mais aussi à l’actionnariat salarié, insuffisamment développé dans notre pays. Nous soutenons aussi fortement l’information des salariés et le dialogue social, dans chaque entreprise.

Cela étant dit, je reviens aux articles 11 et 12. À votre initiative, monsieur le président Brottes, ils ont été complétés en commission des affaires économiques par deux articles : l’article 12 bis, qui dispose que le respect des obligations issues de la loi du 29 mars 2014 visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel – dite loi Florange – conditionne l’homologation du PSE par l’autorité administrative ; l’article 12 ter, qui instaure la possibilité pour l’autorité administrative de demander le remboursement des aides publiques.

Tout au long de l’examen de la loi Florange, nous vous avions alertés sur les risques d’inconstitutionnalité du texte ; mais il fallait à tout prix respecter l’engagement n° 35 du candidat Hollande et envoyer des signaux à votre électorat avant les élections municipales... La loi Florange concernait les entreprises de plus de 1 000 salariés. Or, votre projet de loi ne concerne que les moins de 250 salariés. Quid des autres ?

La transmission d’entreprises est un vrai problème. Pas moins de 3 % des PME, soit environ 6 200 sociétés de 10 à 250 salariés disparaissent chaque année dans notre pays, entraînant fatalement la suppression de dizaines de milliers d’emplois. Or, toutes ne sont pas en mauvaise santé ! D’après l’observatoire de la BPCE, l’organe central commun aux Banques populaires et aux Caisses d’épargne, elles ne seraient pas 2 400 comme on a pu le lire ici ou là, mais seulement 800 à disparaître prématurément faute de transmission réussie.

Les principales raisons sont identifiées : décalage entre le prix de vente et la réalité du marché, transmission familiale qui tourne à l’échec quand l’héritier ne se montre pas à la hauteur, ou tout simplement refus de certains dirigeants de passer la main lorsqu’arrive l’âge du départ à la retraite. Mais n’oublions pas pour autant le rôle joué par la fiscalité, ses excès ou ses flous ! Il serait assurément plus urgent d’imaginer une fiscalité qui favorise vraiment la transmission des entreprises dans notre pays qu’à faire une fixation de l’information des salariés en cas de cession, surtout telle que vous l’imaginez !

En l’occurrence, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Le moment de la transmission est un moment délicat dans la vie d’une entreprise, où la confidentialité, comme Mme la ministre l’a rappelé, est de mise. Il vaut mieux éviter de laisser des informations relatives à la situation financière de l’entreprise ou son carnet de commandes atterrir entre les mains de la concurrence.

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En rompant avec ce principe élémentaire, vous prenez le risque d’aller à l’encontre des intérêts de l’entreprise, et donc des salariés. Il est cependant parfaitement légitime que les salariés ne découvrent pas du jour au lendemain que leur entreprise ferme, faute de repreneur. C’est humainement très difficile à vivre. Nous avons tous des exemples en tête dans nos circonscriptions. Les salariés doivent être en mesure de s’organiser en amont, soit pour reprendre l’entreprise eux-mêmes, dans les meilleures conditions possibles, soit pour exercer leurs compétences dans d’autres entreprises si la leur finit par fermer.

C’est pourquoi nous avons déposé un amendement afin que le droit à l’information, au principe duquel nous souscrivons, ne s’exerce qu’en l’absence de repreneur, c’est-à-dire en cas de cessation d’activité de l’entreprise. Nous souhaitons adopter une approche pragmatique et vous invitons, là encore, à en rediscuter en commission.

Enfin, dans la rubrique « Avec ce projet de loi, je passe à côté de l’essentiel ou presque », nous voudrions insister sur une inquiétude forte du monde associatif. Quel financement, demain, pour les associations ?

Elles ont parfaitement compris le message des 11 milliards d’économies que le Gouvernement demande aux collectivités de réaliser. Elles en mesurent les conséquences immédiates sur leurs activités et s’interrogent quant à leur survie, quand elles n’ont pas déjà disparu. Aux côtés des bénévoles, qui donnent de leur temps et parfois de leur argent, les collectivités sont fortement sollicitées et subventionnent largement les associations de toute nature. Comment se traduira le soutien, ou pas, à l’économie sociale et solidaire dans le budget rectificatif annoncé par le Premier ministre ?

L’enveloppe de 100 millions consacrée au financement de l’économie sociale et solidaire du programme des investissements d’avenir a-t-elle été toute consommée ? Sera-t-elle reconduite ? La formule des appels à projets sera-t-elle définitivement consacrée ?

L’appel à projet pour 2014 restreint le champ aux domaines des circuits courts, de l’économie circulaire et de l’insertion des personnes éloignées de l’emploi. C’est très bien mais quid des autres ? J’en profite pour signaler aux porteurs de projets qui nous écoutent que les dossiers doivent être déposés avant le 16 mai.

Vous l’avez rappelé, la BPI doit jouer son rôle, mais à quelles conditions ? Les 500 millions prévus sont une borne et non un plafond, comme cela vient d’être rappelé, avec des produits adaptés pour satisfaire les besoins de l’ESS : prêt participatif, fonds de garantie dédié, site de crowdfunding, avances remboursables fléchées sur l’innovation sociale. Mais qui pourra véritablement en bénéficier ? La question se pose dans les mêmes termes pour les 40 millions du fonds d’innovation sociale en région. Qui émargera ?

Par ces quelques interrogations, très largement partagées dans les milieux concernés, je veux juste vous faire comprendre, une nouvelle fois, qu’il serait sage de retravailler collectivement le texte si l’on ne veut pas faire naître de désillusion chez les acteurs de l’ESS, confrontés à ces réalités très concrètes. Rappelons de surcroît à la représentation nationale que l’engagement associatif a été reconnu grande cause nationale 2014 ! Les attentes sont par conséquent très fortes.

Vous aurez compris l’état d’esprit qui anime l’UMP à travers cette demande de renvoi en commission. Un esprit tout simplement constructif, puisque nous aspirons à ce qu’un texte utile soit adopté. Votre priorité affichée est l’emploi : c’est aussi la nôtre. Par les quelques exemples que j’ai sélectionnés, j’ai voulu vous alerter sur les risques que comportent certains articles de votre projet. Pour les lever, je vous propose deux solutions : voter notre motion de renvoi en commission, ce qui serait inédit mais pour une fois en phase avec tous ces beaux discours qui appellent à l’union nationale quand l’essentiel est en jeu ; ou bien, si vraiment cette idée vous est insupportable et que la motion est rejetée, soutenir les amendements que mes collègues ne manqueront pas de défendre avec la passion qu’on leur connaît. En fonction, nous nous déterminerons.

Je vous remercie.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

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Madame la députée, je vous ai écoutée avec attention, d’autant plus que votre ton ne recelait aucune perfidie, comme chacun l’aura remarqué. Il n’y a donc aucune raison pour que je vous réponde sur un ton qui ne serait pas aussi constructif que le vôtre.

J’ai bien noté que, dans un premier temps, vous aviez exprimé la nostalgie de textes que vous n’avez pas eu, d’ailleurs, l’occasion de voter puisqu’ils l’ont été sous la précédente législature, mais que vos collègues ont votés et qui, depuis, ont disparu. C’est le jeu des alternances.

Vous avez ensuite dressé l’inventaire des textes avec lesquels vous n’étiez pas d’accord. C’est votre droit même si ce n’était pas vraiment le sujet. Enfin, vous êtes entrée dans la rubrique, pour reprendre votre expression, « Tiens, mais que pourrions-nous dire pour ne pas dire qu’on est pour » ?

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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C’est à peu près ainsi que s’est déroulée cette intervention, n’est-ce pas ? Je reprends sciemment l’expression de votre collègue pour vous montrer que, moi aussi, je m’exprime sans aucune perfidie, bien entendu.

Vous avez alors, Mme Le Callennec, tenu un discours sur la méthode et un discours sur le fond. Pour ce qui est du fond, je vous remercie de vos remarques constructives et de vos propositions. Je le dis sans aucune perfidie.

S’agissant de la méthode, chacun aura compris que beaucoup de messages subliminaux seront passés au cours de cette séance. Vous avez notamment regretté qu’une commission spéciale ne se soit pas saisie de ce texte. Rappelons cependant qu’une commission spéciale compte soixante-dix députés, pas un de plus, et qu’aucun autre ne peut travailler sur le texte en commission, ne peut l’amender. Lorsque des commissions se saisissent au contraire d’un texte pour avis, comme c’est le cas aujourd’hui, ce sont cinq cents collègues qui peuvent participer aux travaux s’ils le souhaitent !

Je vous enverrai d’ailleurs, à titre personnel, la liste des députés présents au sein des commissions d’enquête ou des commissions spéciales. Vous verrez que la fréquentation de ces espaces spécialisés n’a pas grand-chose à voir avec la dynamique que crée une démarche de concertation entre une commission saisie au fond et des commissions saisies pour avis. Cela fait longtemps que nous le constatons dans cette maison, mais je peux comprendre que vous préfériez vous bercer d’illusions quant à l’efficacité d’une autre méthode. En tout cas, vous avez souhaité critiquer la méthode. C’est votre droit. Dont acte.

Pour autant, il est de mon devoir de vous rappeler que le rapporteur saisi au fond a procédé à soixante-sept auditions pour une durée totale de cinquante heures depuis mi-février – a plupart de ces auditions ont été diligentées conjointement avec les rapporteurs pour avis qui ont eux-mêmes mené des auditions de leur côté –, que la commission des affaires économiques s’est réunie à six reprises, ce qui a représenté dix-huit heures de discussion, que les six réunions des commissions saisies pour avis ont représenté quelque quinze heures de discussion. Si vous n’avez pas participé autant que cela à toutes ces réunions, je comprends votre frustration, mais vous aviez la possibilité, les uns et les autres, de participer à ces travaux qui ont permis d’examiner 650 amendements en commission des affaires économiques et d’en adopter 263, ce qui témoigne d’un travail fructueux. Nous avons de surcroît modifié d’une façon substantielle le texte du Sénat.

Tous ceux qui ont voulu travailler ce texte ont donc largement eu le temps de le faire en commission. Les rapporteurs n’ont d’ailleurs pas manqué d’inviter leurs collègues députés à participer aux auditions s’ils le souhaitaient.

Je le sais bien, la défense d’une motion de renvoi en commission est un exercice convenu. Il est d’usage de le faire. En l’espèce cependant, les députés disposaient de tout le temps nécessaire pour coopérer. Je ne comprends pas vraiment que vous ayez pu critiquer la méthode employée, même si je saisis la tactique par laquelle vous nous faites comprendre que vous n’êtes pas tout à fait pour même si vous n’êtes pas totalement contre.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Rassurez-vous, monsieur Tian, lorsque j’emploie la première personne du pluriel, je m’adresse collectivement au groupe UMP.

J’ai bien noté que le groupe UMP s’était abstenu lors du vote en commission. Nous avons donc bon espoir d’achever de vous convaincre sur les points qui vous interrogent encore. Je ne doute pas que le Gouvernement et le rapporteur y parviennent.

Je vous propose donc, mes chers collègues, de ne pas voter cette motion de renvoi en commission, car le travail y a été fructueux grâce aux parlementaires qui se sont associés de bonne foi à cette réflexion.

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Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

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Rappelons tout d’abord que Guy Hascoët, secrétaire d’État écologiste, dans le gouvernement Jospin, au tout début des années 2000, avait préparé un projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire que la droite a par conséquent trouvé tout prêt en arrivant aux affaires. Eh bien, il ne s’est rien passé pendant dix ans en faveur de l’économie sociale et solidaire ! Vous devez le reconnaître.

Venons-en à vos objections, madame la députée, qui sont surprenantes ! Vous vous interrogez ainsi sur la raison d’être, dans ce projet de loi, des articles du titre II visant à faciliter la reprise d’une entreprise par ses salariés. Il s’agit tout simplement de faire preuve de pragmatisme. L’expérience montre en effet que ces reprises se font déjà – avec des difficultés, reconnaissons-le – la plupart du temps en coopérative ou sous d’autres formes de l’économie sociale et solidaire. Nous souhaitons faciliter et amplifier ce phénomène de reprise.

Je souhaiterais à mon tour, après le président Brottes, souligner l’ampleur du travail réalisé par les six commissions pour avis qui ont chacune apporté leur éclairage. La commission des affaires économiques, saisie au fond, a débattu durant dix-huit heures, au cours desquelles 263 amendements ont été adoptés, dont certains du groupe UMP, même si les députés UMP n’ont pas été très assidus.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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C’est la vérité, surtout vers la fin où ils n’étaient plus là du tout, si mes souvenirs sont bons. Hé oui…

Nous voterons par conséquent contre cette demande de renvoi en commission car il s’agit là d’une bonne loi.

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La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Notre groupe ne votera pas cette motion de renvoi en commission, pour deux raisons. Tout d’abord, ce texte de loi a fait l’objet d’une très large concertation avec l’ensemble des familles de l’économie sociale et solidaire. Par ailleurs, et M. Brottes l’a rappelé, le travail en commission a eu lieu. Six commissions ont été consultées et nous avons tous eu l’occasion de faire valoir nos arguments.

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La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Comme chacun d’entre vous, j’ai apprécié l’exposé de Mme Le Callennec qui, selon moi, a évité de donner à sa motion de renvoi en commission le caractère artificiel qui, pourtant, est souvent propre à cet exercice dont, pour nous y être tous déjà livrés, nous savons la difficulté. Certes, elle a bâti son argumentation sur son approche libérale…

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… mais il serait fort étonnant qu’elle saisisse l’occasion d’une telle intervention pour se transformer subitement en porte-parole du bolchevisme !

Rires.

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Chacun pourra naturellement estimer que le texte issu des travaux de la commission est imparfait,…

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… soit que tel ou tel amendement n’ait pas été retenu, soit que le débat n’ait pas été assez approfondi malgré les heures de discussion. Cela étant, nous pouvons tous nous féliciter du travail préparatoire qui a été accompli. La désignation de sept rapporteurs témoigne de l’intérêt suscité par ce texte.

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Elle témoigne surtout du fait que l’on veut récompenser beaucoup de gens !

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Les nombreuses auditions en commission et le travail préparatoire qu’a effectué le ministère nous permettent, je le crois, de passer dès aujourd’hui à la discussion du texte sans le renvoyer en commission.

Toutefois, il arrive que certains amendements adoptés en commission sans avoir été suffisamment anticipés doivent être discutés de nouveau ; mais précisément, nous aurons cette discussion. Je pense à un exemple précis : M. le rapporteur au fond a fait adopter un amendement portant création de la Chambre française de l’économie sociale et solidaire, lequel occulte le rôle joué par le Conseil national de l’économie sociale et solidaire.

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En l’espèce, il faudra donc débattre à nouveau de cet amendement qui, bien qu’insuffisamment préparé, a été adopté en commission. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir et d’affiner davantage le texte au fil du débat d’amendements – c’est la raison même de notre présence ici.

En tout état de cause, il faut veiller à ce que des amendements déposés in extremis en commission n’anéantissent pas tout le travail préalable de concertation et d’auditions dont résulte un projet de loi, car on n’en mesure pas toujours les effets : telle est la leçon que nous devons tirer. Il est en effet certains amendements qui sont présentés comme le fruit d’une concertation avec plusieurs acteurs alors qu’à l’évidence, la concertation fut limitée et la solution retenue loin d’être consensuelle.

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La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Benoît Hamon l’affirmait parfaitement : l’ADN de l’économie sociale et solidaire est bel et bien son ancrage dans les territoires. Elle représente une nouvelle dynamique humaniste et performante très attendue dans chacune de nos circonscriptions.

Elle est très attendue parce qu’il y a urgence. C’est pour cette raison que la commission des affaires économiques, comme l’a rappelé son président, a tenu de très nombreux débats, riches et approfondis, et associé six autres commissions aux travaux – ce qui, sur la forme, est remarquable et démontre s’il en était encore besoin, madame Le Callennec, l’exigence démocratique qui est au coeur de ce projet de loi.

Sur le fond, l’ESS est très attendue parce que c’est un secteur dynamique qui regroupe 200 000 acteurs et qui crée des emplois à un rythme trois fois supérieur à celui de l’économie traditionnelle. Nous avons là un défi à relever : nous allons ouvrir à d’autres acteurs – les entreprises commerciales – le champ de l’économie sociale et solidaire, et nous allons concilier, je dirai même « capillariser » toute une partie de l’économie. Chacun sait en effet que notre économie a besoin d’une nouvelle dynamique créatrice d’emplois. Or, d’ici 2020, l’ESS devrait créer 600 000 emplois nouveaux et non délocalisables.

Notre objectif est donc clair : redéployer la performance économique autour du principe gagnant-gagnant. Notre promesse est simple : placer l’humain au coeur des préoccupations. L’ESS, chers collègues, est donc un projet économique, moral, social et politique, mais c’est surtout un espoir pour notre pays. Pour lui donner corps, nous devons examiner ce texte en séance, de manière exigeante et sans délai ; c’est pourquoi nous voterons contre cette motion de renvoi en commission.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Il va de soi que nous approuvons les arguments exposés par Mme Le Callennec lors de la défense de sa motion de renvoi en commission. Chacun convient qu’il est nécessaire de reconnaître et renforcer les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Hélas, cet objectif qui devrait être central devient presque annexe. Le projet de loi commence en effet par porter création de diverses commissions et autres instances…

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…qui aboutissent à une complexification là où le Gouvernement préconise la simplification. Ces alourdissements sont très peu appropriés dans le domaine de l’économie sociale et solidaire qui, au contraire, a besoin d’une plus grande souplesse.

De même, nous avons beaucoup à dire sur les articles 11 et 12 relatifs à la cession d’entreprises : ils sont inappropriés, pour ne pas dire dangereux, et n’ont manifestement pas leur place dans un tel projet de loi, compte tenu de son thème central. Leur maintien est un point noir ; il est même rédhibitoire.

Tout cet éparpillement initial a été aggravé par l’examen du projet de loi au Sénat et peut-être aussi – le débat est ouvert, monsieur Brottes s’est déjà exprimé sur ce point – par la multiplication des commissions saisies pour avis. Voilà pourquoi des corrections doivent être apportées au texte, qu’il faut recentrer sur l’objectif de départ.

Sans les gros défauts que nous allons continuer d’évoquer, ce projet de loi aurait probablement pu faire l’unanimité. À ce stade, c’est loin d’être le cas. C’est pourquoi le groupe UMP votera naturellement en faveur de cette motion de renvoi en commission.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Après le rejet de cette motion de renvoi en commission, je tiens à saluer l’importance des acteurs de l’économie sociale et solidaire qui sont venus nous rejoindre aujourd’hui dans les tribunes, car ce sont eux qui, depuis de longs mois, depuis de longues années, attendent que nous nous retrouvions pour enfin apporter une reconnaissance législative à la place qu’occupe l’économie sociale et solidaire dans notre pays. Vous connaissez, et je l’ai rappelée tout à l’heure, la force de ce secteur sur l’ensemble de nos territoires. Vous savez combien il était essentiel qu’un travail de qualité soit accompli en amont, qualité qu’ont rappelée le président de la commission des affaires économiques et l’ensemble des rapporteurs pour avis. Il était important d’auditionner tous ces acteurs qui sont à la fois « statutaires » ou « historiques » et qui, dans le même temps, se sont avec les députés saisis d’un texte dont le point d’entrée est cette autre façon d’entreprendre. C’est elle qui doit permettre à l’économie sociale et solidaire de franchir une nouvelle étape.

C’est pourquoi il me semblait important qu’un travail aussi considérable puisse être effectué dans les six commissions saisies pour avis, puis qu’un travail de coordination puisse être accompli pendant de longues heures par la présidence de la commission des affaires économiques et par le rapporteur saisi au fond. Il est important que la commission ait pu adopter ces 263 amendements, mais aussi que nous puissions faire vivre dès ce soir un débat de qualité au fil duquel chacun pourra apporter sa contribution au texte. J’ai bien compris que Mme Le Callennec, dont une partie de la motion de renvoi n’était pas directement liée au texte, y ouvrait néanmoins quelques portes. Je nous invite donc à conduire un débat de qualité lors des prochaines séances, et je suis prête à ce qu’il soit à la hauteur des attentes des acteurs de l’économie sociale et solidaire…

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Pour cela, il faut adopter nos amendements !

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

…mais aussi des enjeux économiques et financiers que ce secteur représente pour notre pays !

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Tuaiva.

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Ce projet de loi très attendu arrive enfin dans notre hémicycle après avoir parcouru un long chemin parfois complexe, mais absolument nécessaire pour traiter d’un sujet aussi important et actuel que celui de l’économie sociale et solidaire.

Avant d’aborder le projet de loi sur le fond, le groupe UDI tient à rappeler que ce texte n’aurait sans doute pas vu le jour sans le travail préalable effectué par notre collègue Francis Vercamer, puisque le rapport intitulé « L’économie sociale et solidaire, entreprendre autrement pour la croissance et l’emploi », qu’il a remis en avril 2010 à M. François Fillon, alors Premier ministre, contenait des préconisations qui ont largement été suivies par le Gouvernement dans le présent projet de loi. Je profite donc de la discussion de ce texte pour saluer cet excellent travail de notre collègue, qui a permis de mettre en lumière et de promouvoir une nouvelle façon d’entreprendre pour la croissance et pour l’emploi, une façon alternative fondée sur le principe de l’utilité sociale. Nous constatons d’ailleurs avec satisfaction que l’intérêt porté par notre Assemblée à ce secteur majeur de notre économie est largement partagé sur tous les bancs…

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…et dans l’ensemble de nos commissions, puisque sept des huit commissions permanentes de notre assemblée se sont saisies du texte, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.

À l’heure où la France peine à sortir d’une crise qui a ralenti tous les moteurs de notre économie, le développement du secteur de l’économie sociale et solidaire apparaît aujourd’hui comme un outil qui permet de redonner un sens à notre économie.

L’ESS souffre cependant d’un problème majeur auquel s’était déjà heurté mon collègue Francis Vercamer dans son rapport d’avril 2010 : sa grande diversité. Elle peut évidemment être considérée comme une richesse, mais peut aussi très vite se révéler un obstacle, notamment pour les pouvoirs publics qui doivent tenir compte des caractéristiques propres à chacun des différents acteurs de l’ESS.

Le manque de cohérence, mais aussi de transversalité, a en grande partie empêché le développement efficace de ce secteur. Pour y répondre, Francis Vercamer avait recommandé l’écriture d’un projet de loi semblable à celui-ci, mais aussi la création à Bercy d’un service spécifique chargé des enjeux de l’ESS.

Pour le groupe UDI, ce projet de loi va donc dans le bon sens puisqu’il propose de clarifier les objectifs de l’ESS, mais aussi d’encadrer plus précisément ses missions ainsi que ses compétences. Ce texte a d’ailleurs été élaboré grâce à une large concertation de l’ensemble des acteurs qui ont travaillé au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, pour bâtir ce qui était alors l’ambition d’une loi-cadre de reconnaissance et de développement de l’ESS.

Conformément aux préconisations de Francis Vercamer, ce projet de loi donne enfin une définition précise de l’ESS. Il tient compte des évolutions de ce secteur, notamment de la place des entreprises sociales. Il ouvre un vrai champ de prérogatives à l’innovation sociale.

Vous l’aurez compris, le groupe UDI aborde l’examen de ce projet de loi dans un esprit constructif et avec la volonté de le faire évoluer sur les quelques points qui nous posent encore aujourd’hui problème.

En effet, l’un des angles d’approche du rapport rédigé en 2010 consistait à ne pas opposer l’économie sociale et solidaire d’un côté à l’économie « classique » de l’autre : si nous souhaitons que l’ESS diffuse plus largement ses principes et ses pratiques dans notre société, il faut éviter toute occasion d’affrontement entre ces deux mondes économiques intrinsèquement liés. Nous devons au contraire privilégier une coexistence saine et un enrichissement mutuel au sein de notre système économique.

Malheureusement, le Gouvernement a fait le choix de dépasser le champ de la loi-cadre envisagée initialement, et prend ainsi le risque d’en faire un texte fourni, pour ne pas dire « fourre-tout ». Je pense notamment aux dispositions sur l’information des salariés dans le cadre d’une reprise d’entreprise, qui n’ont pas leur place dans un tel projet de loi. Ce sujet aurait dû donner lieu à un débat plus approfondi et plus spécifique, car il ne concerne pas uniquement le champ de l’ESS.

Je regrette que, sur un texte qui devrait être consensuel, vous tentiez de faire passer des mesures qui ne le sont pas.

C’est d’autant plus surprenant que la question de l’information des salariés lors d’une cession d’entreprise a déjà été abordée dans deux textes adoptés ici même il y a tout juste un an, qu’il s’agisse de la loi pour la sécurisation de l’emploi ou de la loi dite « Florange ».

Je ne minore pas l’importance de ce problème, à savoir la disparition, faute de repreneurs, d’entreprises saines qui ont un potentiel d’activité et de développement, et pour lesquelles la reprise par les salariés est une voie possible de pérennité. Pour autant, je maintiens que les mesures prévues aux articles 11 et 12 ont tendance à brouiller le message général de ce texte, ce que nous déplorons.

Le rapport de Francis Vercamer avait évoqué la création d’une SCOP pour la reprise d’entreprise, là où ce projet de loi prévoit une information et un droit des salariés qui risque de fragiliser le processus de cession.

En effet, informer préalablement les salariés d’une cession risque de créer l’effet inverse de celui désiré…

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…c’est-à-dire d’effrayer à la fois à l’intérieur de l’entreprise, mais aussi à l’extérieur. La reprise d’une entreprise est souvent un processus long et semé d’embûches. Le dirigeant devrait pouvoir conserver l’initiative de divulguer, au moment voulu, cette information, au lieu de subir un délai imposé par une puissance publique. Enfin, l’obligation de discrétion des salariés ne saurait être une garantie suffisante lorsque nous parlons de sociétés allant jusqu’à 250 salariés !

Nous vous présenterons des amendements visant à supprimer ces articles pour redonner de la cohérence à votre projet de loi ou, à défaut, nous vous proposerons d’améliorer votre dispositif en prévoyant une obligation d’information des salariés plus souple, adaptée aux circonstances de la cession et qui prévaudra notamment quand le propriétaire du fonds ne trouvera pas de repreneur.

Nous souhaitons également que le projet de loi réponde au besoin de stabilité financière que manifestent régulièrement les associations. Les petites associations, comme les associations plus structurées qui gèrent des établissements sociaux ou médico-sociaux ont besoin d’une stabilité, d’une visibilité de leurs ressources pour se projeter dans l’avenir, ce que ne permet pas nécessairement le principe d’annualité budgétaire. Malheureusement, le texte ne répond pas suffisamment à cette préoccupation.

On a pu évoquer par le passé des mécanismes de contractualisation des financements pour éviter l’écueil de l’instabilité du contexte financier. Dans ce projet de loi, nous ne voyons pas suffisamment de mesures tendant à répondre à cette préoccupation essentielle des associations.

Enfin, nous nous félicitons que le texte définisse clairement le périmètre de l’ESS. Il s’agissait d’un préalable indispensable pour déterminer avec précision la diversité des acteurs potentiellement concernés par les dispositions.

Mais il s’agit aussi, avec l’article 1er, d’inclure tous les acteurs de l’ESS, quels que soient leurs statuts, des acteurs traditionnels – coopératives, associations, fondations, mutuelles – aux acteurs plus récents, avec les entreprises sociales.

Malheureusement, nous constatons ici toute la difficulté d’établir une définition exhaustive du périmètre de l’ESS, dès lors qu’en sont exclus des acteurs qui s’en réclament, en particulier les entreprises de services à la personne. Pour y remédier, nous vous proposerons un amendement, afin que ces entreprises puissent relever de l’ESS dès lors que leur activité est reconnue d’utilité sociale.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, le groupe UDI ne saurait voter contre un projet de loi largement issu des préconisations de notre collègue Francis Vercamer, et qui apporte une véritable reconnaissance législative à un secteur économique qui représente aujourd’hui 10 % de notre PIB et près de 10 % de nos emplois. Nous réservons néanmoins notre vote final, en fonction des éclaircissements que vous nous apporterez sur les différents points qui nous posent problème, tout au long de nos travaux.

Enfin, nous tenons à rappeler que ce texte ne saurait constituer une fin en soi pour le secteur de l’ESS : dès aujourd’hui, nous appelons le Gouvernement à l’accompagner de toute la pédagogie nécessaire pour mieux faire connaître l’ESS et à l’ancrer davantage dans nos territoires, à travers une véritable campagne de sensibilisation.

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La parole est à Mme Michèle Bonneton pour le groupe écologiste.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État – dont je salue le retour –, chers collègues, l’économie sociale et solidaire, c’est 10 % de notre économie et environ 2,2 millions d’emplois. Cependant, c’est la première fois que l’ESS est inscrite dans un projet de loi débattu au Parlement. La méthode retenue pour l’élaborer permet de dire que la très grande majorité des acteurs reconnaît la qualité du texte.

Les écologistes s’investissent depuis longtemps dans l’ESS – les associations, les SCOP, etc. –, dans leur organisation, par exemple au niveau des conseils régionaux. Je rappelle que Guy Hascoët, secrétaire d’État et écologiste, avait préparé un projet de loi sur l’ESS au début des années 2000.

Les écologistes sont convaincus que l’ESS est un moyen de mettre en oeuvre une société plus juste, plus solidaire et démocratique, plus innovante et plus stable à la fois. C’est aussi un secteur extrêmement dynamique, notamment en termes d’emploi. C’est un acteur du développement économique à part entière.

Dans les articles 1er et 2, le choix fait d’une définition inclusive vise à intégrer dans l’ESS un champ large d’activités et de modes de fonctionnement. Ce qui n’empêche pas de rester exigeant sur le fond en fixant des limites précises. Ainsi, relèvent de l’ESS les acteurs historiques – associations, coopératives, mutuelles, fondations –, mais aussi les entreprises sociales qui auront choisi d’en appliquer les principes fondateurs.

L’ESS est en plein développement : c’est une économie ancrée dans les territoires, dans l’économie réelle, et qui fait appel à l’initiative citoyenne. Elle propose souvent des emplois non délocalisables, dont l’objectif premier n’est pas le profit, mais celui de répondre aux besoins fondamentaux des citoyens, avec une gouvernance démocratique et une gestion spécifique qui privilégie l’investissement et la préservation de l’avenir.

L’innovation est aussi un point fort de l’économie sociale et solidaire. Je pense, par exemple, à l’épargne et aux monnaies locales solidaires, auxquelles nous tenons tout particulièrement, et dont les réseaux accompagnent et soutiennent des porteurs de projets d’entreprises de l’ESS. Nous souhaitons que la loi reconnaisse ces monnaies locales complémentaires, dans la continuité de la mission gouvernementale confiée à Jean-Philippe Magnen.

La loi va aider à la reprise par les salariés d’une entreprise. C’est, là aussi, un facteur d’innovation à la fois sociale et économique.

Certains amendements adoptés en commission ont permis de lever des ambiguïtés, je pense à la possibilité pour les collectivités locales de mettre en place des PTCE – des pôles territoriaux de coopération économique –, qui répondent concrètement aux nécessités de développement économique et aux enjeux d’avenir. Dans un esprit constructif, les écologistes ont déposé une quarantaine d’amendements.

Les articles 1er et 2 définissent le périmètre de l’économie sociale et solidaire, ainsi que celui de l’utilité sociale. La référence au développement durable est importante, mais pas suffisamment volontariste, dans la mesure où c’est une notion juridiquement floue. Pour la préciser, nous souhaiterions la compléter par celle de « bien commun », et que cela suffise pour que l’entreprise soit reconnue d’utilité sociale.

Nous saluons le renforcement des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les CRESS, à l’article 4, mais il n’est pas fait mention d’autres structures locales de l’ESS, notamment des agences régionales de l’ESS, qui fonctionnent bien là où elles existent. Nous regrettons que ces dernières ne figurent pas dans la loi.

Concernant les marchés publics, nous approuvons le contenu de l’article 9 sur la promotion des achats publics socialement responsables. Il serait indispensable de mentionner que ces achats doivent également être environnementalement responsables.

Quant au financement, madame la secrétaire d’État, vous venez de confirmer et de préciser l’engagement de Bpifrance. Je vous en remercie.

Nous avons déposé d’autres amendements portant sur la nécessité de favoriser l’investissement citoyen dans les énergies nouvelles et renouvelables, la reconnaissance des projets alimentaires territoriaux comme pôles territoriaux de coopération économique, la création de coopératives d’utilisation du matériel – les CUM – sur le modèle des CUMA, la prise en compte d’indicateurs alternatifs dans le suivi statistique de l’ESS, la réduction de l’impact environnemental dans les process de production comme facteur d’innovation sociale, la réintroduction de stratégies régionales de l’ESS dans les missions des régions, ainsi que la possibilité d’appels à initiatives pour coconstruire les projets, le droit préférentiel de reprise par les salariés à offre égale de leur entreprise, l’élargissement de la définition du commerce équitable.

Pour conclure, il est temps qu’à côté des secteurs publics et privés classiques, la loi reconnaisse le secteur de l’économie sociale et solidaire. Compte tenu de ce qu’elle apporte à la nation, des valeurs de solidarité et de démocratie qu’elle porte, l’ESS doit être soutenue par les pouvoirs publics.

L’ordre du jour, c’est l’essaimage des réalisations, des savoir-faire, de l’innovation. La loi doit rendre possible le développement de très nombreux projets de l’ESS.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire qui nous réunit aujourd’hui a pour objectif de donner une plus grande reconnaissance et une meilleure gouvernance à un secteur d’activité particulier. Ce sujet est cher aux radicaux de gauche, et je veux saluer ici le travail inlassable de Thierry Jeantet pour lui donner toute la place qu’il mérite..

Le champ de l’économie sociale et solidaire est un secteur, certes, hétérogène, mais un secteur plus respectueux des valeurs humanistes de solidarité, de démocratie, et de justice sociale, mais qui ne concède rien en fait d’efficacité, d’innovation et de professionnalisme.

Nous le savons, notre pays, comme beaucoup d’autres pays européens, fait face à une crise financière, une crise économique et sociale, mais aussi à une crise morale.

Cette crise trouve ses origines à la fois dans les mauvaises habitudes budgétaires que nous avons prises depuis trente ans, toutes tendances politiques confondues, mais aussi dans des événements récents, liés aux excès d’une économie financiarisée déconnectée des modes de production traditionnels. Cette crise donne à l’économie sociale et solidaire une résonance particulière parce que l’ESS, c’est d’abord un modèle différent du modèle capitaliste classique.

Depuis trente ans, nous accumulons les déficits. Il est aujourd’hui de notre responsabilité de les réduire en engageant un effort important de réduction de la dépense publique. Cet effort est nécessaire car la dette finit par peser tellement sur le fonctionnement même de notre économie qu’elle l’asphyxie.

Nous sommes sur un chemin de crête : il faut, d’un côté, réduire les dépenses publiques et, de l’autre, investir, plus qu’on ne l’a fait dans le passé, dans les secteurs économiques qui sont, comme l’économie sociale et solidaire, porteurs d’espoir et d’emplois.

L’ESS, c’est aujourd’hui en France 8 % du PIB, 223 000 établissements employeurs, 2,4 millions de salariés, dont 17 % de cadres, et des besoins en recrutement estimés à 600 000 emplois d’ici à 2020.

Non seulement les résultats économiques de l’ESS sont globalement bons, mais ils démontrent une capacité de résistance et de résilience face à la crise, avec la création de nouvelles activités localisées sur notre territoire, dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’insertion, de la prévoyance ou de l’agriculture.

Ces réponses apportées aux besoins fondamentaux de notre société confirment que l’économie sociale et solidaire est une force motrice pour accompagner l’évolution des sociétés contemporaines touchées par l’individualisme. L’ESS contribue largement au maintien du lien social, si nécessaire aujourd’hui.

Il ne s’agit pas d’opposer un modèle économique à un autre, ni d’opposer une économie saine à une économie « malsaine ». Nous ne sommes pas naïfs, l’économie sociale et solidaire n’est pas préservée de toutes les intempérances.

Néanmoins, l’ESS a longtemps été considérée de façon trop marginale par les pouvoirs publics. Nous avons souvent oublié son rôle et son originalité, alors qu’elle est en mesure de faire cohabiter de façon harmonieuse performance économique, utilité sociale et développement durable. Le projet de loi se propose de donner les moyens à l’ESS de se renforcer.

Au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je tiens d’abord à saluer la méthode retenue par le Gouvernement pour l’élaboration du projet de loi. Les acteurs socio-professionnels de la grande famille de l’ESS sont unanimes, ils nous l’ont dit en audition, ce texte est le résultat d’une large concertation, il propose de faire de l’ESS un modèle robuste et ambitieux.

Concernant la reconnaissance publique du secteur, le projet de loi propose dans son article 1er, article fondateur, de caractériser les acteurs par des déterminants d’une définition politique. Ce sont les caractéristiques économiques des entreprises et des organismes concernés qui serviront à définir l’identité et l’utilité sociale. En effet, compte tenu de l’hétérogénéité des acteurs, les débats sur la définition de l’ESS sont nécessairement complexes.

Ainsi, dans le texte, l’ESS se définit d’abord par l’intégration dans les statuts de principes communs forts : un but différent du seul partage des bénéfices, une gouvernance démocratique ou participative définie par statut et incluant les parties prenantes, et enfin, une gestion avec des modalités de lucrativité limitée ou encadrée. L’inscription de ces grands principes humanistes dans la loi correspond à une définition volontairement inclusive.

Afin de renforcer l’unité et la visibilité de l’ESS auprès du grand public, le groupe RRDP avait proposé en commission un amendement visant à inscrire dans la loi une déclaration de principe commune aux entreprises de l’ESS. Le Gouvernement et les rapporteurs se sont montrés intéressés par cette initiative déjà évoquée lors des débats au Sénat. Vous nous avez proposé de réfléchir à un amendement instituant une charte pour l’examen en séance publique, sachez que nous le soutiendrons sans réserve.

Cette charte apportera des réponses à des critiques légitimes que nous avons pu entendre sur la spécificité de l’ESS par rapport au privé lucratif, je pense notamment au secteur médico-social, où l’ESS représente les deux tiers de l’activité. Les acteurs, comme nos concitoyens, s’interrogent à juste titre sur les exigences importantes en matière de non lucrativité, de redistribution, d’exemplarité sociale et de gouvernance démocratique. Cette charte serait une grande opportunité pour le secteur et il serait dommage de laisser passer cette occasion.

Le texte propose ensuite une nouvelle structuration de l’ESS pour institutionnaliser son dialogue avec l’État, les collectivités territoriales et la société civile. En reconnaissant l’utilité publique des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les CRESS, le texte confie aux représentants de l’État dans les territoires la mission de contractualiser avec elles.

Dans l’ensemble, les CRESS disposent déjà d’une expertise fine des entreprises de l’ESS sur leurs territoires. Le texte leur permet d’assurer la promotion de l’ESS, d’aider à la formation des dirigeants et des salariés, tout en continuant la collecte des données. Elles voient aussi leur légitimité renforcée avec la possibilité, inscrite lors de l’examen au Sénat, d’ester en justice pour faire respecter par les entreprises commerciales les conditions prévues à l’article 1er. Avec un ancrage territorial amélioré et coordonné avec les pouvoirs publics, l’ESS pourra poursuivre son développement en répondant aux besoins locaux de nos concitoyens.

Au sujet de la commande publique, les préfets pourront désormais utiliser des clauses sociales avec les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, les PLIE, et les maisons de l’emploi. Nous vous proposerons des amendements pour préciser que l’élaboration des schémas de promotion des achats socialement responsables pourra se faire sur une base pluriannuelle, l’évaluation des objectifs devant, elle, être effectuée chaque année.

En ce qui concerne les mesures médiatisées sur l’idée de faciliter la reprise d’entreprises par les salariés, nous devons d’abord revenir à la raison et éviter les débats inutilement polémiques. Au cours de l’histoire de nos deux derniers siècles, le législateur français a inscrit dans la loi des progrès sociaux incontestables en faveur des salariés de notre pays. Nous avons le devoir de continuer cette oeuvre sans que nos bonnes intentions se révèlent des facteurs limitants pour la performance économique et l’emploi.

Nous connaissons les chiffres. Chaque année, au moins 50 000 emplois disparaissent dans des entreprises en bonne santé économique. Tous les députés de terrain que nous sommes dans cet hémicycle connaissent de près ou de loin cette réalité choquante à laquelle nous ne pouvons nous résigner. En leur donnant le temps et les informations nécessaires, le projet de loi permet aux salariés de proposer une offre de reprise. Ils ont le savoir-faire, la compétence, la connaissance de l’outil de production. Dans ces situations spécifiques, il est tout à fait naturel de les encourager à reprendre leur entreprise.

La création du nouveau statut de société coopérative de production d’amorçage va donner les moyens de limiter la prise de risque initiale des salariés. Pour compléter ce dispositif, en lien avec Bpifrance et la Confédération générale des SCOP, le projet de loi propose la mise en place d’un fonds d’aide à la transmission d’entreprise. Avec la formation et l’accompagnement par les CRESS, les CCI, les unions régionales des SCOP, l’ensemble de ces dispositions peut apporter des réponses concrètes à la perte de savoir-faire sur nos territoires.

Concernant la gouvernance au niveau national, l’examen en commission a abouti de façon probablement un peu rapide à la disparition de la référence au conseil national des CRESS et à la création d’une chambre française de l’ESS. Nous vous proposerons par amendement une solution de compromis, en gardant la chambre française mais en clarifiant les missions et les représentations de chacun. Il nous a semblé important de préciser que les CRESS seront représentées par le conseil national des CRESS au sein de la nouvelle chambre française. Cela fera aussi l’objet d’un amendement. La référence au conseil national doit être inscrite dans la loi avec ses missions d’animation, de soutien, de coordination et de consolidation au niveau national des données collectées par les CRESS.

Pour les députés radicaux et apparentés, ce projet de loi constitue une occasion importante de regrouper formellement toutes les entreprises de l’ESS. L’adoption de notre amendement à ce sujet permettrait de développer encore davantage l’économie sociale et solidaire en proposant une forme plus universelle de groupe d’entreprises de l’ESS.

Pour conclure, je tiens à dire au nom des députés RRDP que le développement de l’ESS n’est pas une façon de se donner bonne conscience comme on a pu l’entendre parfois. Il s’agit simplement d’agir de façon responsable en réaffirmant ici cette idée simple souvent oubliée dans notre économie financiarisée : ce n’est pas l’homme qui est au service de l’économie, c’est bien l’économie qui est au service de l’homme. Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, sachez d’ores et déjà que vous pourrez compter sur le soutien des députés du groupe RRDP.

Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, les députés du Front de gauche se satisfont d’examiner ce projet de loi. À l’inverse des idéologues du marché qui font de l’entreprise capitaliste privée le modèle unique, nous souhaitons en effet encourager la diversité des formes de propriété. C’est l’un des outils dont nous devons nous saisir fortement à l’heure où la politique néolibérale échoue sur tous les fronts.

Pour répondre aux failles structurelles du capitalisme, créer de l’emploi, répondre aux besoins du quotidien, nous promouvons évidemment l’extension des services et établissements publics, mais il est également nécessaire d’encourager des formes décentralisées de propriété sociale et de systématiser le recours aux modes d’organisation propres à l’économie sociale et solidaire.

Le présent texte poursuit l’objectif de développer, d’ouvrir et de sécuriser juridiquement tous les organismes considérés aujourd’hui comme appartenant à ce secteur dynamique et en croissance régulière, coopératives, mutuelles, fondations, associations.

Cependant, s’agissant de l’économie générale du texte, soyons attentifs à ce qu’il n’ouvre pas à un dévoiement ou à une dilution des financements de l’économie sociale et solidaire en raison de la nouvelle définition du secteur avec des entreprises, SA ou SARL, qui pourront être qualifiées d’entreprises de l’ESS.

Si l’ESS doit attirer le plus possible de bonnes volontés et ne doit en aucun cas se scléroser, elle ne doit pas pour autant céder sur ses principes essentiels. Travailler autrement, remettre l’économie au service de l’homme, favoriser le partage égal des fruits du travail, combattre le court-termisme, l’appât du gain, tels sont ses mots d’ordre. Ils doivent non seulement le rester, mais encore devenir de plus en plus concrets. Ce sont ces pratiques vertueuses qui doivent polliniser l’économie traditionnelle, et non l’inverse !

Aussi, nous voulons des conditions strictes pour les entreprises qui voudront faire partie de l’ESS et bénéficier de ses financements, via la Banque publique d’investissement notamment. C’est du reste la position de la FNARS, du Coorace et d’Emmaüs France, attachés à un encadrement des salaires plus serré ou à une limitation plus forte de l’affectation des résultats de l’entreprise aux associés.

Travailler autrement, c’est la devise des chambres régionales de l’économie solidaire. Soyons vigilants pour que ce principe ne soit pas un vain mot car, comme le décrit un récent article du Monde diplomatique sur les conditions de travail et d’emploi dans l’ESS, « quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle, le salaire d’un travailleur du secteur est inférieur à ceux du privé. C’est particulièrement vrai dans le milieu associatif, principal employeur de l’ESS avec 78 % de ses salariés, soit 1 800 000 personnes : le salaire y est inférieur de 17 % à celui observé dans le secteur marchand. Les contrats précaires et les temps partiels subis y sont également deux fois plus importants. » Ainsi, les usages constatés ici ou là dans la pratique ne sont pas toujours à la hauteur des principes affichés. Les contrats précaires et la faiblesse des rémunérations brouillent la frontière entre salariat et bénévolat, instaurent un flou entre travailleur aidant et usager aidé.

Comme le rappellent les auteurs de l’article, « le consentement au travail pas ou peu rémunéré au nom d’un engagement militant s’explique par la conviction de faire vivre "une autre économie ". Or cette croyance se révèle de moins en moins fondée. De nombreuses enquêtes font ainsi apparaître l’importation des pratiques du management privé au sein de l’ESS. » D’où l’importance de bien définir les normes sociales qui décident de l’appartenance au secteur.

J’en viens maintenant au vif regret qui est le nôtre de ne pas trouver dans ce texte un véritable droit de rachat prioritaire, à offres égales, pour les salariés, qui leur permettrait de reprendre leur entreprise sous forme de coopérative. C’était pourtant un engagement public de François Hollande.

Ce droit de préférence de rachat à égalité d’offre au bénéfice des salariés est transformé en un simple droit d’information préalable. En réalité, l’article 11 ne nous offre qu’une simple et incomplète transposition de la directive européenne du 12 mars 2001, article 7, alinéa 6. Autant dire que nous sommes loin du compte au regard de l’urgence de la situation pour des dizaines d’entreprises en voie de fermeture, et de l’espoir qui existe chez les salariés de reprendre et de réinventer leur outil de production sous forme de coopérative. Fralib, Mory-Ducros, Kem One, La Redoute, Gad, faut-il dresser la liste de ces entreprises qui ferment et qui licencient, laissant sur le carreau des milliers de salariés ? Nombreux sont ceux qui, parmi eux, débordent de motivation et d’inventivité pour poursuivre l’aventure, sauver les emplois, innover, partager.

Ici encore, les députés du Front de gauche entendent batailler contre le renoncement. Nous avons déposé un amendement à l’article 11 pour donner un droit de rachat prioritaire aux salariés. En revanche, nous disons, parmi d’autres exemples, notre satisfaction concernant l’article 15 et le dispositif proposé d’une SCOP d’amorçage, que nous souhaitons cependant améliorer par amendement.

Vous le voyez, chers collègues, les députés du Front de gauche entendent muscler cet important projet de loi et empêcher autant que possible les dérives. Travaillons ensemble dans cette direction !

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et RRDP.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, qui a déjà été examiné en première lecture au Sénat, marque l’attachement du Gouvernement et de notre majorité parlementaire à un secteur qui participe de manière significative au développement économique et social de nos territoires à travers des activités très souvent non délocalisables, qui enrichissent le lien social à travers différentes formes de solidarité.

Alors que plusieurs pays européens s’étaient dotés d’une loi-cadre pour ce secteur de l’économie sociale et solidaire, la France, pourtant en avance sur des législations portant les statuts des associations, de la coopération, du mutualisme, voire des fondations, ne s’était pas dotée jusqu’à présent d’un texte regroupant les différentes familles de l’économie sociale et solidaire et ouvrant même ce secteur à d’autres entreprises s’inscrivant dans les mêmes valeurs.

C’est en quelque sorte un texte fondateur, et reconnu comme tel lors des auditions par un grand nombre d’acteurs de l’ESS. L’Assemblée nationale y porte d’ailleurs un intérêt quasi exceptionnel. En effet, si la commission des affaires économiques a été saisie au fond, six autres commissions se sont saisies pour avis, participant ainsi à un travail gouvernemental et parlementaire particulièrement riche et reconnu là aussi par les différents acteurs concernés, sensibles au fait d’être ainsi associés aux débats, qui ont permis et permettent encore d’enrichir ce texte.

Cette loi permettra en effet de définir le cadre dans lequel s’inscrivent les entreprises et les acteurs de l’ESS. Elle permettra d’en préciser les valeurs, sur la gouvernance, mais aussi les objectifs poursuivis, l’affectation des résultats, qui doit privilégier la pérennité du modèle économique et social et non le rendement à court terme au profit des seuls actionnaires.

Au-delà des statuts traditionnels de l’ESS, associatifs, coopératifs, mutualistes, dans leurs différentes variantes internes, ce texte permet, par son caractère inclusif, d’intégrer des entreprises commerciales de statut classique à ce secteur de l’ESS pour autant qu’elles en respectent justement le cadre défini dans les articles 1er et 2 ainsi que dans l’article 7, qui précisent ce qui fait le fondement même de cette forme d’économie. Elle doit s’inscrire dans une maîtrise de la notion de marché et de sa capacité dynamique, en gommant ses excès, y compris dans l’utilisation des capitaux pour en assurer le développement.

Cependant, madame la ministre, cette ouverture du secteur de l’ESS, par le biais de cette volonté d’inclusion, devra faire l’objet non seulement d’une promotion incitative, mais aussi d’une évaluation permettant de bien mesurer ce qu’une telle évolution apporte à l’ensemble du secteur.

Cette loi permet également de définir l’organisation du secteur de l’économie sociale et solidaire, notamment à travers la consécration du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, qui conforte les relations entre la puissance publique, en l’occurrence l’État, et les différentes familles de l’ESS, ainsi que la reconnaissance officielle des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, qui structurent territorialement le secteur de l’ESS tout en y intégrant les initiatives de coopération territoriale rendues possibles.

Je tiens à souligner l’initiative du rapporteur Yves Blein, qui a intégré dans le texte la création de la Chambre nationale de l’économie sociale et solidaire, structure de représentation nationale des acteurs du secteur et interlocuteur reconnu des pouvoirs publics.

Dans les différents articles, des évolutions positives ont été apportées, qui seront sans doute reprises par mes collègues tout au long de cette discussion générale, puis dans celle des articles et amendements.

Parmi ces évolutions significatives, je citerai, entre autres : le principe de la révision coopérative, qui permet de faire régulièrement le point de la gouvernance et du fonctionnement des modèles coopératifs, quelle que soit la spécificité de leurs statuts ; l’information des salariés lors de la transmission ou de la cession de leur entreprise, afin de leur permettre, s’ils le souhaitent, de participer à l’offre de reprise et de limiter les « pertes en ligne » telles que nous les connaissons dans nos territoires ; le nouveau statut de la SCOP d’amorçage, ainsi que la reconnaissance de la coopérative d’activités et d’emploi et l’évolution du statut des sociétés coopératives d’intérêt collectif, qui faciliteront l’accompagnement des initiatives collectives et solidaires.

Le travail et les initiatives des différents rapporteurs ont permis de rendre plus cohérente la dynamique du statut associatif dans sa diversité, tout en reconnaissant le véritable poids économique et social des associations en termes de création de richesses et d’emplois. L’évolution du mutualisme, la dimension de la coopération internationale et celle du commerce équitable font partie des évolutions encore possibles, y compris au cours du débat que nous aurons dans cet hémicycle.

Cette loi-cadre revisite les différents statuts de l’économie sociale et solidaire et ouvre cette dernière grâce à la notion d’inclusion qui permet en quelque sorte de « polliniser », comme cela a été dit, les autres modèles de gestion et de gouvernance économiques. Ces statuts de la coopération, du mutualisme, de l’association et même des fondations n’ont jamais été aussi modernes qu’en cette période de transition économique et sociale qui nous invite à nous interroger sur les modèles à promouvoir et à développer. Ils permettent, comme l’ont d’ailleurs voulu, à l’époque, leurs fondateurs et promoteurs, d’intégrer les valeurs humaines et la place de l’homme dans la dimension économique et sociale, dans une économie concertée respectant l’ensemble de ses composantes. Puisse ce projet de loi permettre de tracer un nouveau chemin d’espoir en matière de développement économique et de création d’emplois ! C’est dans ce but que le groupe SRC apportera tout son soutien à l’adoption de ce projet de loi.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, l’économie sociale et solidaire ouvre de nombreuses perspectives pour notre économie et la vitalité de nos territoires. C’est un secteur qui emploie déjà, on l’a dit, plus de deux millions de personnes en France, soit près de 10 % des salariés, principalement dans les domaines de l’action sociale, de la finance, de l’assurance, de l’enseignement et de la santé. En dix ans, il a créé 440 000 emplois nouveaux, et ses besoins sont estimés à 600 000 emplois à l’horizon 2020.

Le groupe UMP est naturellement attaché aux principes de l’économie sociale et solidaire, mais force est de constater que ce projet de loi n’est pas révolutionnaire ; c’est sans doute pour cela qu’il ne fait pas vraiment les grands titres de l’actualité.

En outre, à vous écouter, on a l’impression que l’économie sociale et solidaire serait l’apanage de la gauche. En commission des affaires économiques, le rapporteur a même cité Fourier et Proudhon ! Or l’économie sociale a été forgée, non seulement par ces courants socialistes du XlXe siècle, mais aussi par le christianisme social. Beaucoup d’initiatives sont nées du bas clergé et des communautés chrétiennes pour lutter contre l’isolement de l’individu. Même certains penseurs du libéralisme ont contribué à l’émergence de l’économie sociale : c’est le cas, par exemple, de John Stuart Mill, qui croyait aux vertus du marché, tout en considérant que l’on pouvait résoudre la question sociale grâce à l’auto-organisation des travailleurs et des consommateurs au sein de coopératives.

Au XXe siècle, on peut noter que le général de Gaulle lui-même, constatant les méfaits de la « mécanisation générale » et refusant l’uniformisation de la société, oeuvra pour l’association des travailleurs à leurs entreprises en proposant la participation aux bénéfices. Ainsi, dès 1948, il affirmait : « La rénovation économique de la France, c’est dans l’association que nous devons la trouver. »

Cette volonté de mettre en place l’économie sociale et solidaire n’est donc pas l’apanage de la gauche. Elle n’est pas non plus simplement française, elle est aussi européenne, et l’on doit s’inspirer pour ce projet de loi de la vision de l’Union européenne. Même si les traités ne donnent pas de compétence, à proprement parler, à l’Union européenne en matière sociale, celle-ci a décidé de renforcer la solidarité et la cohésion sociale, sous la houlette du commissaire Michel Barnier qui s’est engagé, dès 2009, en plein coeur de la crise, à promouvoir une croissance plus durable et plus inclusive, notamment à travers le modèle de l’entrepreneuriat social. L’objectif était d’offrir à ce secteur un cadre européen plus robuste et une meilleure visibilité vis-à-vis du grand public, des collectivités et des financeurs.

Il s’agit, non pas d’opposer des modèles de croissance entre eux, comme on a pu l’entendre, mais de compléter le modèle actuel, qui se fonde sur l’initiative individuelle et l’innovation, par un modèle fondé sur l’éthique, l’humain, la cohésion sociale, au plus près des territoires. L’Union européenne s’est engagée ; il nous faut, en France, enfoncer le clou. Or force est de constater que le compte n’y est pas car, comme l’a rappelé mon excellente collègue Isabelle Le Callennec, même si ce projet de loi apporte ici ou là plusieurs solutions adaptées, il ne répond que partiellement à la triple ambition de clarification, d’assouplissement et d’institutionnalisation du secteur.

Nos critiques portent tout d’abord sur la détermination du champ de l’économie sociale et solidaire, prévue à l’article 1er, et sur les conditions d’obtention de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », prévues à l’article 7. En effet, nous estimons que le dispositif est trop restrictif, dans la mesure où il écarte la plupart des sociétés commerciales. Votre définition de l’économie sociale et solidaire est beaucoup plus stricte que celle souhaitée par de nombreux acteurs. Si l’on reprend la définition de l’entrepreneuriat social proposée fin 2011 par la Commission européenne, l’essentiel des entreprises du secteur de l’aide à la personne ou celles liées à l’environnement n’en sont pas d’emblée exclues, contrairement à la philosophie de ce projet de loi. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement permettant aux entreprises de services à la personne de bénéficier de la qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire, et des droits qui s’y rattachent.

Nos critiques portent également sur l’information anticipée des salariés. Outre la question de savoir s’il ne s’agit pas d’un cavalier, le sujet a déjà été abordé lors de l’examen de la proposition de loi dite « Florange ». Nous craignons que ces dispositions, fort sympathiques au premier abord, et pleines de bonnes intentions, ne se révèlent finalement contre-productives, en raison notamment du risque de non-respect de la confidentialité des négociations, qui pourrait bloquer, voire compromettre la transmission de l’entreprise.

Nous avons des réserves, enfin, quant à la consécration législative du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire ou encore sur un certain nombre de procédures administratives qui alourdissent le processus et augmentent les dépenses publiques. Nous sommes malheureusement loin du choc de simplification ! On a toujours tendance à mettre le secteur de l’économie sociale et solidaire en asphyxie administrative, alors qu’il aurait besoin de plus de souplesse.

C’est donc dans un esprit constructif que nous abordons l’examen de ce texte, et nous espérons que le Gouvernement et la majorité écouteront nos orientations et reprendront nos amendements – et, monsieur le président de la commission, peut-être pas que des amendements techniques –, car l’entrepreneuriat social est l’un des leviers essentiels pour retrouver une croissance plus durable et plus inclusive.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’associer à notre débat M. le ministre Benoît Hamon, qui a oeuvré à ce projet de loi jusqu’à sa récente nomination à d’autres fonctions. On ne doit pas oublier tout le travail qu’il a conduit en amont de ce débat.

Il est un point qui nous paraît fondamental et qui mérite d’être développé : c’est la prise en compte de la dimension écologique et environnementale dans les activités de l’économie sociale et solidaire. Je parlerai de lien consubstantiel. De nombreux acteurs de l’économie sociale et solidaire s’appuient sur les activités de réparation et de recyclage en vue de réinsérer des publics en difficulté dans la vie professionnelle. Ce modèle économique visant à « créer de la richesse en mettant de l’humain au coeur de l’activité » préserve également la matière, assure une seconde vie aux biens, est précurseur d’une économie circulaire.

On pense aussi à l’ensemble des coopératives, Biocoop parmi d’autres, qui permettent le développement de l’agriculture biologique et du commerce équitable dans un esprit d’équité et de coopération, activité éminemment territoriale, facteur d’échange de mieux-être et de création de lien social. D’autres, comme Enercoop, permettent de fournir de l’électricité provenant à 100 % de producteurs coopératifs d’énergie renouvelable. Au-delà de ces exemples, c’est une multitude de coopératives, de taille et de culture différentes, qui agissent au quotidien en améliorant notre environnement et notre cadre de vie.

On le voit, la notion d’économie sociale et solidaire et celle d’environnement sont étroitement imbriquées, et je suis certain que, dans un futur proche – ce projet de loi en est la première pierre –, on pourra parler d’économie sociale, solidaire et, de surcroît, environnementale. Au-delà des mots, ce sont des modèles qui se mettent progressivement en place.

Nous l’avons dit, le groupe écologiste se félicite de ce projet de loi mais regrette que le Gouvernement ne soit pas saisi de l’ESS pour faire avancer davantage la transition nécessaire vers une société sobre en matière première et peu génératrice d’émission de CO2, en somme vers un modèle d’économie circulaire. Le groupe écologiste proposera naturellement des amendements en ce sens.

Nous proposerons tout d’abord que l’innovation sociale tienne compte des enjeux environnementaux. Nous proposerons que le secteur de l’économie sociale et solidaire soit évalué aussi par des indicateurs alternatifs de richesse, dont l’objectif principal est d’améliorer le cadre de vie social et environnemental de nos concitoyens ; c’est cohérent avec la proposition de loi de ma collègue Éva Sas, déposée en janvier dernier, sur les indicateurs de richesse.

Nous proposerons la reconnaissance législatives des monnaies locales complémentaires, car ces initiatives s’appuient sur des dynamiques écologiques et citoyennes locales. Je fais référence à la mission d’étude exploratoire confiée à Jean-Philippe Magnen, dont ma collègue Michèle Bonneton a rappelé les tenants et aboutissants.

En outre, la reconnaissance des projets alimentaires territoriaux comme pôles territoriaux de coopération économique, proposée par le groupe écologiste, permettra de remettre au coeur des territoires l’enjeu alimentaire de demain.

De plus, la commande publique et les éco-organismes doivent être mieux sollicités, afin de renforcer et de développer les nombreux partenariats de proximité qui existent avec les acteurs de l’ESS, notamment concernant le secteur du réemploi et de la réutilisation. Nous défendrons des amendements en ce sens.

Enfin, la dernière conférence environnementale a reconnu la nécessité d’améliorer la gouvernance des filières dites REP – « responsabilité élargie du producteur » – en matière de gestion et de prévention des déchets comme axe structurant de l’économie circulaire. Ce mode de gestion a fait la preuve de son efficacité. Cependant, la gouvernance et le pilotage de ces filières peuvent être améliorés, comme l’a démontré le rapport de nos collègues Jean-Jacques Cottel et Guillaume Chevrollier, tous les deux très actifs sur ce sujet.

Nous proposerons donc un ensemble de mesures permettant l’amélioration de la gouvernance des filières, dont un élément central est la mise en place d’une instance de concertation aux pouvoirs explicités et renforcés. Ces pouvoirs devront être précisés par un décret pris en concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Les éco-organismes démontrent tous les jours qu’ils ont à coeur de faire émerger un modèle d’économie circulaire ; la transition écologique ne pourra se faire sans eux. Je ne doute pas que nous nous rejoignons en majorité sur ce point, et je tiens à saluer ici les initiatives du Gouvernement, qui respecte les engagements pris lors de la dernière conférence environnementale.

J’arrête là l’énumération de nos différents amendements car, vous l’aurez compris, nous soutenons ce projet de loi, tout en étant certains que le renforcement du lien entre l’ESS et l’écologie va dans le sens de son accomplissement.

Face aux grands défis que nous avons devant nous, sur le lien social, le chômage de masse, la transition écologique, il est primordial de ne pas opposer les réponses possibles, celles des grandes entreprises, des PME, des TPE, des artisans, du service public, de l’économie sociale et solidaire. Une cohérence est indispensable entre ces acteurs, qui doivent tous être mobilisés. C’est ce que nous devons avoir à l’esprit en abordant le sujet de l’économie sociale et solidaire, totalement complémentaire des autres initiatives contre un chômage de masse qui exige des réponses rapides et fortes à tous les niveaux.

Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.

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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, repérée dès les premières formes d’action collective, consolidée au XIXe siècle, l’économie sociale et solidaire n’est pas une idée neuve ; mais c’est une réalité qui se renouvelle sans cesse. Elle traverse les époques et forge des réponses appropriées aux besoins qui apparaissent. Elle intervient dans les secteurs les plus variés, regroupe des milliers d’initiatives et concerne de plus en plus de personnes. Cependant, elle est toujours considérée comme périphérique. Les conditions de son émergence, le fait qu’elle s’intéresse à des publics vulnérables qu’elle n’abandonne pas et à des territoires en difficulté qu’elle ne délaisse pas, ne font généralement pas d’elle un bon sujet pour la communication, et expliquent cette longue marginalisation : c’est dire à quel point ce projet de loi est le bienvenu. Depuis longtemps, ce texte était attendu, car il conditionne, pour une bonne part, la pleine reconnaissance de ce secteur aux côtés du service public et des entreprises privées.

Il est évident que les principes qui inspirent ce tiers secteur ont été réévalués à la faveur de la crise. À la recherche maximale du profit, à la financiarisation de l’économie, à la délocalisation des activités, il oppose une gestion fondée sur l’égalité démocratique, éloignée de toute spéculation et de toute recherche de rentabilité délirante. Pour cette économie, le temps et le territoire demeurent des données fondamentales. Les bénéfices servent raisonnablement à la pérennité de l’entreprise et, pour l’essentiel, les délocalisations ne sont pas à l’ordre du jour. Sans vouloir forcer une comparaison qui trouverait vite ses limites, il faut noter que l’économie sociale et solidaire continue à créer des entreprises et des emplois au moment où leur destruction atteint, dans le secteur privé, des niveaux insupportables. Cette évolution divergente montre, à son tour, que le CAC 40 n’est pas l’horizon indépassable de notre temps.

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Ce mode d’entreprendre, de produire et de consommer ne peut plus être relégué au second plan. L’économie sociale et solidaire n’est pas la bonne conscience des périodes de croissance ; elle n’est pas l’amortisseur des temps de crises : c’est un secteur en soi, à l’origine d’innovations multiples qui irriguent l’ensemble de la société. Définir le périmètre de l’économie sociale et solidaire est le premier objectif de ce texte. C’est devenu d’autant plus nécessaire qu’aux côtés des « historiques » que sont les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations, de nouveaux acteurs, à l’image des sociétés commerciales, font leur apparition. Définir sans figer, en conciliant la diversité des formes juridiques avec les principes constitutifs de l’économie sociale et solidaire, devrait permettre aux pouvoirs publics et aux citoyens de mieux connaître ce secteur : tels sont les enjeux qui ont guidé la rédaction de l’article 1er, véritable pivot de ce texte avec l’article 2. Cette définition permet d’envisager la structuration et le développement de l’économie sociale et solidaire qui, sans doute plus qu’ailleurs, revêt dans les outre-mer une urgence certaine. Je donnerai deux illustrations parmi d’autres.

D’abord, les coopératives. Elles forment un volet important de ce texte. Elles sont particulièrement adaptées aux caractéristiques des petites économies insulaires. À travers les groupements d’achat et de commercialisation, mais aussi grâce à la mise en commun des moyens, elles permettent de compenser l’accumulation des surcoûts et d’accéder à des marchés sur lesquels pèsent souvent des risques de monopole. Hier, précisément, une convention a été signée entre la chambre des métiers et la chambre régionale de l’économie sociale de La Réunion pour favoriser la constitution de coopératives d’artisans. Comme dans le secteur agricole, les perspectives sont réelles et les expériences en cours concluantes. Sans doute faudrait-il envisager des mesures d’accompagnement plus incitatives que celles prévues à l’article 29 : j’ai déposé un amendement en ce sens.

Le deuxième point concerne les emplois aidés. Leur importance est telle dans la société réunionnaise qu’il est inconcevable de ne pas les évoquer dans un texte sur l’économie sociale et solidaire. Ils font désormais structurellement partie du marché du travail. Les collectivités locales sont de très loin le premier employeur tandis que l’on dénombre 4 000 emplois aidés dans le secteur associatif. Une structuration est désormais indispensable, si l’on souhaite mobiliser toutes les potentialités offertes par l’économie sociale et solidaire et proposer des solutions d’emploi durables aux personnes concernées, et si l’on souhaite aussi mettre un terme au grief récurrent de clientélisme qui entoure la gestion de ces contrats. Je réitère donc ici ma proposition de créer un « Pôle Emploi solidaire ». Non seulement il permettrait une gestion plus transparente des contrats aidés, mais il aurait aussi l’avantage de proposer un meilleur suivi des bénéficiaires et favoriserait la mise en place de véritables projets de retour à l’emploi. Il y a un an, le ministre du travail nous donnait son accord pour ce dispositif spécifique. L’adoption de ce texte est une étape décisive dans la mise en oeuvre du « Pôle Emploi solidaire ».

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et écologiste.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, « en économie sociale et solidaire, entreprendre est une forme d’action politique. Il s’agit de transformer le monde », écrivent Éric Dacheux et Daniel Goujon dans leur ouvrage Principes d’économie solidaire. Transformer le monde, transformer la société, cela ne surprendra donc personne que ce soit la gauche qui ait fait avancer l’économie sociale et solidaire en France.

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Ainsi, dès l’arrivée en 2012 de la gauche au pouvoir, le Président de la République a adressé un message fort, en donnant au secteur une reconnaissance publique en confiant à Benoît Hamon le ministère dédié à l’économie sociale et solidaire. Madame la ministre, je souhaite saluer à travers vous le travail du Gouvernement qui nous présente un projet de loi élaboré dans une démarche d’écoute de l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire et qui répond à de nombreuses attentes. C’est bien la gauche qui fait avancer l’économie sociale et solidaire ! À l’inverse, la droite a, entre 2002 et 2012, non seulement effacé de ses tablettes l’économie sociale et solidaire, mais l’a ignorée et lui a supprimé des financements.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Comme c’est caricatural ! Le discours du militant de base !

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Malgré ce vide, les acteurs de ce secteur ont redoublé de projets d’activités et d’entreprises à finalités sociales et sociétales, se sont professionnalisés et mis en réseau. L’économie sociale et solidaire est ainsi devenue un levier de développement économique, social et écologique à l’échelle d’un territoire. Cela n’aurait pu se faire sans les pouvoirs publics locaux qui ont contribué à structurer des approches territorialisées de soutien aux initiatives de l’économie sociale et solidaire. Je veux redire combien les régions, notamment, ont contribué à la dynamisation et à la structuration de ce secteur.

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Je veux saluer personnellement l’engagement de responsables politiques, qu’il s’agisse, à la tête de la région Haute-Normandie, d’Alain Le Vern hier ou de Nicolas Mayer-Rossignol aujourd’hui, ou encore de mon collègue Claude Taleb, vice-président de la région Haute-Normandie.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la crise que traverse notre pays depuis l’automne 2008 a accéléré la reconnaissance et le développement du secteur de l’économie sociale et solidaire. Longtemps considéré comme marginal, ce secteur anime aujourd’hui un renouveau de l’économie, fondé sur des principes de solidarité. L’économie sociale et solidaire ouvre de nombreuses perspectives pour notre économie et la vitalité de nos territoires et constitue une formidable source de création d’emplois et d’entreprises. Je souhaiterais m’attarder dans un premier sur les chiffres, signes de son importance.

En France, l’économie sociale et solidaire représente 10 % du PIB et emploie aujourd’hui 2,35 millions de salariés. Elle est solidement implantée dans certaines régions comme la Franche-Comté, le Nord-Pas-de-Calais ou la Bretagne.

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Lors des dix dernières années, l’économie sociale et solidaire a créé 440 000 emplois, ce qui représente une croissance de 23 % contre 7 % en moyenne pour le reste de l’économie française. Elle constitue un secteur clef de l’économie française. En Europe, elle représente près de 7 % de la population salariée, soit 11 millions d’emplois ; en France, près de 200 000 structures, soit un emploi privé sur huit – des emplois bien souvent non délocalisables et ancrés dans la vie des territoires. Les besoins de recrutement du secteur sont évalués à 600 000 emplois d’ici à 2020.

Je suis attachée aux principes de l’économie sociale et solidaire et je voudrais insister sur le fait que ceux-ci ne sont pas l’apanage de la gauche.

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Ce que j’entends me désespère ! Dans notre vie quotidienne, nous croisons toutes et tous ces initiatives, que ce soit par exemple via les services à la personne ou dans le cas du tri des ordures ménagères. Mais l’économie sociale et solidaire est si fragmentée que peu de nos concitoyens savent que cela fait partie d’un tout – raison pour laquelle ce secteur reste méconnu du grand public. L’ambition de ce texte est de développer l’économie sociale et solidaire en clarifiant ses principes d’organisation et ses critères de reconnaissance. Il vise à donner la possibilité à ce secteur de créer plusieurs dizaines de milliers d’emplois, tout en précisant ses champs d’intervention. Ce projet de loi est le troisième texte économique que présente le Gouvernement depuis septembre 2013.

Comme celui relatif à la consommation ou la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, le présent texte aborde une telle pluralité de sujets que le spectre couvert peut laisser perplexe. Il ne va pas révolutionner l’activité économique, même s’il apporte plusieurs réponses adaptées.

L’article 1er définit les cadres et les buts de l’économie sociale et solidaire : il s’agit d’une économie qui concilie performance économique et utilité sociale dans des secteurs tels que les services à la personne, la petite enfance, la transition énergétique ou le recyclage. Dans nos territoires reculés, où le tissu associatif occupe une place importante et où la solidarité vient pallier des difficultés économiques et sociales plus marquées qu’ailleurs dans l’Hexagone, l’essor de ce type d’économie représente une solution de développement viable. Mais le dispositif proposé dans cet article est restrictif et écarte la plupart des sociétés commerciales. Votre définition de l’économie sociale et solidaire, madame la secrétaire d’État, est beaucoup plus stricte que celle souhaitée par de nombreux acteurs.

Concernant l’information anticipée des salariés, abordée déjà lors de l’examen, par la commission des affaires économiques, de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange », je crains que ces dispositions, pleines de bonnes intentions, ne se révèlent contre-productives.

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Si la triple ambition de ce texte est la clarification, l’assouplissement et l’institutionnalisation, il ajoute néanmoins de nouvelles contraintes administratives et alourdit les dépenses publiques – encore et toujours.

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Le projet de loi entend institutionnaliser l’économie sociale et solidaire par le développement et la création d’instances locales et régionales. Mais, d’une part, cela risque d’augmenter la charge administrative des collectivités, et, d’autre part, cela va à l’encontre du choc de simplification tant prôné par le Gouvernement, tant vendu par les médias et tant valorisé par votre majorité,…

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…mais que nous ne voyons toujours pas venir.

Ce texte présente une utilité non négligeable pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire, mais il n’est pas, en l’état et à lui seul, une réponse adaptée à la crise que connaît actuellement notre pays et à la lutte contre un chômage persistant.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, chers collègues, l’économie sociale et solidaire a tout mon respect. Alors que le monde de l’entreprise est aujourd’hui pris en tenaille entre une logique de financiarisation mortifère et un traitement social du chômage dispendieux, ce secteur alternatif propose une voie originale dans notre paysage économique. Ce texte correspond, hélas sous une étiquette technocratique, à un réflexe profond du pays qui tourne autour de trois axes : le primat de l’humain sur la valeur économique, la solidarité concrète, le faisceau des talents et de la créativité sis en chaque homme. Malheureusement, nous nous trouvons, là encore, sous les envolées juridiques écrasantes du pays légal quand ce texte n’aurait dû faire que faciliter les créations positives de l’énergie française. Je veux tout de même vous citer quelques exemples accablants des méfaits d’un tel procédé.

Dès l’article 2, on refuse de donner une définition précise de l’utilité sociale des entreprises. Nous nous retrouverons donc avec des entreprises partisanes, voire communautaristes, pouvant se prévaloir de leur participation à l’économie sociale et solidaire.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Dans l’article 3, il est créé une nouvelle monstruosité jacobine : le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire.

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Gageons que la publication de son rapport tous les trois ans pourra conduire à une profusion de recommandations, d’orientations, de directions et autres élucubrations en tout genre dont la cité ne tirera pour sûr aucun bénéfice, même si ce travail coûtera très cher !

Heureusement, pour les déçus absents du Conseil supérieur de l’ESS, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire permettront l’écriture de nouveaux beaux rapports ; des esprits brillants y perdront leur temps et des profiteurs paresseux y gagneront sans doute leurs lettres de noblesse étatistes.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Encore une création dont on n’a pas besoin et qui pollue la société. En plus, chacun d’entre eux aura l’occasion de trouver une parade lors des prometteuses conférences régionale de l’économie sociale et solidaire instaurées par l’article 5 B. Ils pourront sans doute y retrouver leurs camarades du nouveau Conseil supérieur de la coopération institué à l’alinéa 23 de l’article 13, nouvelle kermesse aux antipodes des valeurs concrètes de l’économie sociale et solidaire.

S’il manque quelques comparses, l’article 40 AC sera pour eux un lot de consolation puisqu’il crée un nouveau lieu de culte jacobin : le Haut Conseil à la vie associative.

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Ces conférences et autres réunions pourront peut-être éclairer le peuple au sujet du mystérieux dispositif local d’accompagnement proposé à l’article 40 AB, qui mettra sans doute encore davantage d’opacité dans les subventions aux associations.

Mais les élans technocratiques ne pouvaient qu’être complétés par des dispositions plus dangereuses encore. Je pense ainsi à la possibilité offerte aux établissements de crédit de ne réaliser que 80 % de leurs prêts et investissements dans le domaine de l’économie sociale et solidaire tout en étant assimilés à des entreprises de ce secteur. Cette disposition de l’article 7 laisse la porte ouverte à des dérives qui travestiraient l’ambition première du dispositif.

L’article 40 AE complète le tableau des erreurs étatistes en instaurant une nouvelle taxe. Elle manquait ! C’est la cerise sur le bouquet.

Pis encore, l’article 9 obligera les régions à passer des conventions favorisant les travailleurs défavorisés, travailleurs dont le statut n’a pas l’ombre d’une définition,…

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…ce qui encouragera encore à une discrimination positive qui ne dit pas son nom. Quand finira-t-on par comprendre ans cet hémicycle que les Français sont las de ce véritable apartheid à l’envers ?

Enfin, je veux alerter de la dangerosité de vos tentatives de réforme du secteur associatif. Bien entendu, vous évitez sagement de toucher aux ponts d’or accordés à certaines structures bien plus politiques que portées sur le bien commun et dont le principal rôle consiste en la défense maladive de la bien-pensance.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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Si vous ne comprenez pas ce mot, mes chers collègues, je peux employer l’expression « prêt-à-penser ». La multiplication des finesses administratives n’a pour objectif que de dissimuler la grande braderie des libertés publiques dans une gestion très orientée des subventions associatives en France.

Vous devriez écouter mon compatriote Charles Maurras,…

Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste

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…qui écrivait, dans son ouvrage Les Partis politiques et la décentralisation : « Un peu de clairvoyance, unie à quelque bonne volonté, suffira à réaliser cette alliance pour la décentralisation. On mettra la politique à la porte. Ce sera peut-être un moyen de faire de la bonne et efficace politique. » À la place, le projet de loi impose le jacobinisme là où il faudrait du localisme,…

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…la contrainte là où les Français réclament le bon sens, la lourdeur là où l’on ne voudrait que l’ordre. Je crois que, sur ces trois points, nous pourrions être tous d’accord.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Je dis ce que les Français pensent ! C’est mon rôle !

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Il n’est pas sûr du tout que nous soyons d’accord, monsieur Bompard !

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, lorsque l’économie se financiarise, elle tend à oublier l’humain et entraîne une perte de sens destructrice pour l’ensemble de la société. L’économie sociale et solidaire, elle, est au contraire porteuse de sens par les valeurs de solidarité qui la sous-tendent, par ses principes de démocratie et de lucrativité limitée, par le lien qu’elle entretient avec les territoires où elle agit, par son efficacité à identifier de nouveaux besoins et par sa capacité à y répondre de façon collective et mutualisée, porteuse de sens enfin par les innovations sociales qu’elle expérimente et qui viennent, ensuite, enrichir les pratiques de l’ensemble des acteurs économiques, y compris ceux qui ne se réclament pas de l’économie sociale et solidaire.

Le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui est le premier à définir et à encadrer le secteur de l’économie sociale et solidaire dans ses différentes composantes : entreprises sociales, coopératives, mutuelles, associations, fondations. Ma conviction est que ce texte permettra un véritable changement d’échelle. De nombreuses dispositions visent en particulier à moderniser le régime applicable aux coopératives nées du mouvement ouvrier, dont je rappelle qu’elles sont toujours 8 000 dans notre pays, employant plus de 300 000 salariés. Leur statut est rendu plus attractif et plus adapté à notre société contemporaine.

Favoriser le développement de l’entreprenariat collectif, de l’entreprenariat social, est un point majeur de la bataille pour l’emploi que nous menons aux côtés du Gouvernement. Chaque année, plus de 50 000 emplois sont perdus dans des entreprises saines faute de repreneur. À cet égard, le droit à l’information préalable des salariés lorsque le dirigeant envisage la transmission de son entreprise est une belle avancée, même s’il ne permettra évidemment pas d’apporter une réponse à toutes les situations. Ce nouveau droit à l’information, couplé à la création des SCOP d’amorçage, permettra de prolonger la vie d’entreprises qui risquaient de disparaître.

Plus généralement, le projet de loi reconnaît, structure, sécurise financièrement et juridiquement le secteur de l’économie sociale et solidaire. C’est un texte très attendu par les acteurs de terrain et par les élus locaux depuis de nombreuses années. J’ai pu le constater dans ma circonscription, à l’occasion d’une rencontre à laquelle une large palette de représentants des différentes branches de l’ESS a participé : des entreprises sociales, tel le groupe Vitamine T, affilié au MOUVES – le mouvement des entrepreneurs sociaux –, des mutuelles, en passant par le commerce équitable, la finance solidaire, des SCOP telles que Vitame, Voix Publique, Café Citoyen, des SCIC – Le Traiteur de Caractère –, des associations ou structures d’insertion telles que les Jardins de Cocagne, Les Jardins dans la Ville, Quanta, des fondations – la Fondation de Lille par exemple –, des fonds de dotation – je pense à Citoyens Solidaires –, sans oublier bien sûr la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, l’union régionale des SCOP et la CPCA Nord-Pas-de-Calais. Tous ont salué, madame la secrétaire d’État, le projet de loi initial et la concertation préalable lancés par votre prédécesseur, Benoît Hamon. Bien sûr, ils n’ont pas hésité non plus à chercher à améliorer, par leurs propositions, les nouveaux moyens juridiques et financiers qui, grâce cette future loi, permettront d’assurer un développement pérenne de l’économie sociale et solidaire tout en en réaffirmant avec force les valeurs qui sont les siennes.

Mes échanges avec les acteurs de l’ESS me conduisent à penser que deux écueils doivent être évités par la représentation nationale et le Gouvernement pour atteindre pleinement les objectifs qui sont les nôtres.

Tout d’abord, il faut toujours se rappeler qu’en matière d’économie sociale et solidaire, la forme et le fond comptent tous les deux. Ce qui importe, c’est autant ce qui est fait pour répondre à un besoin social ou environnemental que la façon et les moyens employés. À cet égard, la vigilance doit être toujours de mise pour que les exigences démocratiques et sociales ne passent pas à l’arrière-plan devant certaines contraintes économiques du marché.

Autre écueil à éviter : celui de la marginalisation, qui ferait de l’économie sociale et solidaire une économie certes mieux structurée et mieux financée, mais toujours à part. Pour éviter ce risque, nous devons toujours garder à l’esprit que l’économie sociale et solidaire ne saurait se limiter à ce seul projet de loi, même s’il est bien entendu essentiel. Soyons attentifs à prolonger la démarche engagée ici dans l’ensemble de nos actions et de nos réflexions. Comme le développement durable, l’ESS, cette économie qu’on aime, peut être partout. On l’a vu par exemple avec l’habitat participatif, encouragé par la loi ALUR.

Puisse donc cette logique de partage et de solidarité chère à l’ESS continuer à se diffuser chez nous et ailleurs dans le monde.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je souhaite en préambule souligner le caractère précurseur de la région Alsace, déjà fortement investie dans les actions contribuant à l’économie sociale et solidaire. L’essor de l’entrepreneuriat social, la consommation responsable et le développement des associations ont toujours été au coeur des préoccupations de ma région. Ainsi, des conventions-cadres pluriannuelles et des conventions d’objectifs annuelles ont été signées dans cette perspective depuis 2011. Les actions de soutien, de financement, de formation et d’accompagnement sont nombreuses et couvrent un large spectre en cette matière.

Enfin, pour renforcer la cohésion sociale sur son territoire, la région Alsace facilite le recours aux achats socialement responsables dans le cadre des marchés publics.

C’est pourquoi je regrette que ce texte – dont l’initiative est naturellement intéressante – ne soit pas suffisamment abouti. À mon sens, il ne met pas assez en avant les critères objectifs d’évaluation de l’impact social.

Pour autant, ce projet de loi a le mérite de poser une définition qui permettra de mieux identifier les acteurs de l’économie sociale et solidaire éligibles au financement de la Banque publique d’investissement ou d’autres organismes qui accompagnent ce secteur.

Mais lorsqu’on analyse ce texte au fond, on se rend compte qu’il pose bien plus de complexifications qu’il n’en résout. Il manque quelque peu d’ambition et reste largement perfectible sur plusieurs points que je souhaite développer. Vous m’en excuserez, monsieur le président de la commission.

Tout d’abord, quant à la question du devoir d’information des salariés en cas de transmission de leur entreprise et quant à leur possibilité de proposer une offre de reprise, je réitère, à l’instar de mes collègues, les critiques que nous étions nombreux à émettre concernant la loi Florange.

Informer l’ensemble du personnel pendant la période de négociation n’est pas la formule optimale car c’est justement au cours de cette période que le secret est de rigueur pour avoir toutes les chances d’aboutir à une négociation équilibrée.

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C’est à voir…

Le fait de rendre publique la cession potentielle découragera de toute évidence les investisseurs. En ce sens, je soutiens les amendements du groupe UMP et notamment celui qui vise à préciser que les salariés sont tenus à une obligation de discrétion. C’est là un minimum.

J’ajoute que ce devoir d’information laisse à penser que le développement de l’économie sociale et solidaire dans les entreprises commerciales passerait par la seule facilitation de la transmission à tout ou partie des salariés, sachant qu’une telle transmission ne conduira pas forcément à faire de cette entreprise une SCOP – d’office entreprise de l’ESS – ou une entreprise commerciale de l’ESS.

Les articles 11 et 12 créent ici une inutile crispation des organismes patronaux, sans conséquence positive sur le secteur de l’économie sociale et solidaire.

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Avec les élus et professionnels de la région Alsace, nous estimons qu’il aurait été préférable de travailler sur la notion de développement de la fertilisation croisée, une idée phare des travaux initiés par la région via des dispositifs fiscaux incitatifs, par exemple.

S’agissant du développement des acteurs de l’ESS – SCOP, SCIC, fondations, associations –, le texte se focalise sur des aspects de droit relatif à ces structures.

Certes, la clarification juridique de la création et du fonctionnement de ces structures est intéressante, notamment parce qu’elle facilitera leur bon fonctionnement. Mais permettez-moi de rester dubitative quant à l’effet de cette clarification sur leur développement.

Nous pouvons regretter que dans le projet de loi, il n’y ait aucun élément sur la mise en place d’instruments d’ingénierie financière dédiés aux structures de l’économie sociale et solidaire, notamment les associations que ce soit via la Banque publique d’investissement, d’autres organismes bancaires. Il n’y a pas non plus de projets visant à développer des formations dédiées aux questions de l’ESS.

Je souhaite également revenir sur la définition d’entreprise solidaire d’utilité sociale – article 7 du projet – qui soulève de nombreuses observations et semble redondant avec l’article 2.

L’affirmation selon laquelle une entreprise solidaire d’utilité sociale ne peut atteindre une rentabilité financière est absurde. Dans la région Alsace, des entrepreneurs solidaires contestent cette analyse.

Concernant la politique de rémunération que propose ce texte, on y apprend que les salaires doivent être plafonnés. Permettez-moi de vous interroger sur la limitation de cette règle aux seules entreprises solidaires d’utilité sociale. Cette règle ne devrait-elle pas être justement le fondement de l’ensemble des entreprises relevant de l’ESS ?

Je pose la même question concernant les titres de capital de l’entreprise qui, lorsqu’ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé. Pourquoi ne réserver cette condition qu’aux seules entreprises d’utilité sociale ? Afin d’approfondir le concept d’économie sociale et solidaire, ne faudrait-il pas que le plafonnement des salaires et l’interdiction de l’accès au marché réglementé s’appliquent à toutes les entreprises ?

Par ailleurs, je regrette que les dispositions de ce texte n’accompagnent pas suffisamment le secteur des services à la personne qui mérite pourtant d’être soutenu tant il pallie les insuffisances publiques dans le secteur de la dépendance.

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Pour conclure donc, je vous serais reconnaissante, mes chers collègues si, afin de parfaire ce texte apprécié sur tous les bancs malgré tout, vous nous accompagniez en approuvant nos amendements.

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Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, ce projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire apporte d’importantes avancées pour notre pays.

D’abord sur la méthode : nous avons eu le souci constant de travailler dans une démarche de consensus et de compromis. Il y a un vrai accord de tous les acteurs sur la démarche.

Je tiens à remercier à mon tour Benoît Hamon, Axelle Lemaire et vous-même, madame la ministre, pour avoir su mettre en oeuvre un débat ouvert, à large échelle, sur les valeurs de l’économie sociale et solidaire, avec toutes celles et ceux qui les partagent et s’y réfèrent.

Ensuite sur le fond : le choix d’une définition inclusive de l’économie sociale et solidaire est un choix audacieux qui revêt un enjeu essentiel, celui de favoriser le changement d’échelle de ce modèle économique.

Beaucoup de gens parlent d’économie sociale et solidaire sans savoir vraiment de quoi il est question. Ce modèle d’entreprises qui s’engagent dans une démarche riche en valeurs et en cohérence est porteur d’avenir.

Par essence, l’économie sociale et solidaire assure une double fonction. Elle produit localement des liens de solidarité et de coopération et, en même temps, elle inscrit cet espace de proximité dans des réseaux plus vastes : régionaux, nationaux, européen, voire mondiaux.

Le rôle des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, et de leur corollaire, le Conseil national de l’économie sociale et solidaire, va fondamentalement dans ce sens. Nous devons veiller à préserver ces principes ascendants.

Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de préserver la complémentarité entre le Conseil national de l’économie sociale et solidaire à vocation plus technique et la Chambre française de l’économie sociale et solidaire à vocation plus politique.

Comment mettre tout cela en oeuvre ? Nous aurons l’occasion d’y revenir dans nos débats futurs et de préciser le texte s’il le faut.

Je souhaite m’étendre quelques instants sur la situation des associations. Après un délitement continu de la compétitivité française ces dernières années, le Gouvernement a fait le choix courageux de lancer un double dispositif : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le pacte de responsabilité et de solidarité.

Dans ce contexte, les associations, les coopératives et les mutuelles ont un véritable rôle à jouer. Elles sont un important vecteur d’investissements et d’emplois. Nous devons leur donner les ressources inhérentes à notre ambition commune, via la Banque publique d’investissement, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre.

L’excellent rapport rédigé par nos collègues Yves Blein, Régis Juanico, Laurent Grandguillaume et Jérôme Guedj sur ce sujet, en décembre dernier, nous y encourageait.

L’abattement de la taxe sur les salaires, voté l’année dernière et qu’a rappelé Régis Juanico, constitue une belle avancée pour les associations employeuses de moins de quinze salariés. Cet effort de 314 millions d’euros représente l’équivalent d’une aide pouvant atteindre 14 000 euros pour toutes les associations qui souffrent de la baisse des subventions. À l’heure où les subventions se font rares, cette décision est la bienvenue.

Notre majorité, qui a placé l’emploi au coeur de son action, doit continuer à encourager l’emploi associatif. Il est de notre responsabilité de donner les moyens à l’économie sociale et solidaire de jouer un rôle majeur dans l’émergence de solutions à la triple crise économique, écologique et démocratique à laquelle nous sommes confrontés.

Reste à résoudre le problème du CICE, dont ne peuvent bénéficier ni les associations ni les coopératives puisqu’il est lié à l’impôt sur les sociétés. Nous n’atteindrons notre objectif que si nous sommes capables de remédier rapidement à cette iniquité, comme l’a souligné Fanélie Carrey-Conte.

Les coopératives de l’agroalimentaire, notamment, sont très pénalisées par ce handicap qui leur fait payer la main-d’oeuvre 4 % de plus que les entreprises du secteur privé en 2013, et 6 % de plus à partir de 2014. Votre réponse est très attendue sur ce sujet, madame la ministre, car l’économie sociale et solidaire est créatrice de valeur ajoutée, ne l’oublions pas.

Je me permettrai, pour conclure, de reprendre un propos d’Edgar Morin sur le changement de paradigme qui traverse notre société : « Le chemin passe par une économie plurielle, sociale et solidaire. Il faut une nouvelle culture qui lie l’idée de réformes multiples à celle de transformation profonde, ce qui s’appelle métamorphose. »

Le rôle du législateur est bien d’accompagner cette métamorphose. Avec ce texte, nous sommes pleinement dans cette dynamique et il faut s’en féliciter.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.

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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis une vingtaine d’années se développe au sein de notre société un mouvement affirmant une autre manière de consommer, d’épargner, de travailler et d’entreprendre : l’économie sociale et solidaire.

En préparant cette intervention, en travaillant sur le texte que vous nous présentez aujourd’hui, madame la ministre, en consultant aussi les habitants de ma circonscription sur ce projet, je me suis rendu compte combien l’économie sociale et solidaire reste souvent méconnue dans notre pays ou plutôt combien notre population, tout en connaissant de nombreuses entreprises d’économie sociale et solidaire, ignore tout de ce qui les caractérise.

Il me paraît donc nécessaire, mes chers collègues, de prendre quelques instants pour mieux comprendre ce qu’est l’économie sociale et solidaire.

Elle se caractérise par une vision d’utilité sociale plus que par la recherche d’un gain financier.

La gouvernance d’entreprise responsabilise les individus en s’appuyant sur un principe « une personne égale une voix » et non pas « une action égale une voix ». Dans ce secteur, il n’y a pas d’actionnaire à rémunérer ce qui permet de réinvestir tous les bénéfices dans l’activité.

Ce secteur, souvent considéré comme marginal, s’est développé très vite, et la nécessité d’en sécuriser le cadre juridique a conduit le Gouvernement à adopter le 24 juillet 2013 en conseil des ministres, un projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Après Benoît Hamon, votre prédécesseur, vous en avez hérité, madame la ministre.

Dans un premier temps, je veux saluer cette initiative rendue indispensable pour un secteur créateur d’emplois à une période où nous en avons tant besoin.

Des chiffres ont déjà été donnés par les rapporteurs qui se sont succédé. Je retiendrais pour ma part que l’économie sociale et solidaire représente un vivier d’emplois pour les dix prochaines années. On estime en effet que 600 000 emplois devraient être renouvelés dans ce secteur d’ici à 2020. C’est dire son importance dans le contexte de crise que nous connaissons, alors que le nombre de demandeurs d’emploi et de personnes en situation de grande précarité n’a jamais été aussi important.

Favoriser l’essor de ce secteur par le biais d’un ensemble de mesures structurantes conférant à l’économie sociale et solidaire un cadre juridique simple et protecteur, un cadre facilitant aussi l’accès au financement de ses acteurs, constitue à mon avis un enjeu essentiel pour l’emploi et la croissance dans notre pays.

Je vous le confirme, madame la ministre, j’ai également pu mesurer combien étaient grandes les attentes des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Ils attendent des mesures de nature à remédier aux rigidités ou aux insuffisances statutaires qu’ils connaissent actuellement.

Je formulerai cependant un certain nombre de réserves quant à la détermination du champ de l’économie sociale et solidaire, à l’article 1er, et des conditions de l’obtention de l’agrément « entreprise solidaire » prévu à l’article 7.

Vous avez fait le choix, au sein de la nomenclature définie à l’article 1er, d’un dispositif particulièrement restrictif, qui écarte la plupart des sociétés commerciales, notamment celles du secteur des services à la personne, comme vient de le rappeler ma collègue Isabelle Le Callennec.

Les dispositions de l’article 1er qui permettent à une entreprise ou à une association d’intégrer l’économie sociale et solidaire sont pourtant primordiales car elles rendent éligibles aux prêts de la Banque publique d’investissement et détermineront ultérieurement l’obtention de l’agrément prévu à l’article 7, celui-là même qui rend éligible aux dispositifs de soutien fiscal dits ISF-PME et Madelin.

Si le dispositif de soutien fiscal rendu possible par l’obtention de l’agrément retient toute mon attention, je ne peux que m’opposer aux conditions d’obtention de cet agrément ainsi qu’aux conditions d’intégration dans l’économie sociale et solidaire.

L’adoption en l’état de votre projet créerait une véritable distorsion de concurrence au détriment des entreprises évoluant dans le secteur des services à la personne. Elles seraient privées du soutien fiscal dont leurs principaux concurrents, associations ou organismes d’insertion, pourront bénéficier.

Je ne partage pas non plus, madame la ministre, votre point de vue sur les conséquences qu’aurait l’adoption des articles 11 et 12 sur le droit d’information des salariés en cas de transmission d’une entreprise ; cela aussi, je l’ai dit à plusieurs reprises. Autant je vous suis sur la nécessité de resserrer ce lien qui doit unir le salarié à son entreprise, autant je pense que de tels articles n’ont rien à faire dans cette loi et risquent une fois encore de compliquer la vie des entreprises, de compliquer la relance de l’emploi dont nous avons tant besoin. L’information selon laquelle le chef d’entreprise quitte la tête de son entreprise peut être un facteur de réelle déstabilisation et fragiliser l’entreprise dans ses relations non seulement avec ses partenaires commerciaux et financiers, mais aussi avec ses concurrents. La confidentialité du processus est un facteur clé du succès de la transmission.

Depuis deux ans, madame la ministre, à chaque fois que nous votons une loi relative au domaine de l’emploi ou plus généralement au domaine social, le Gouvernement s’obstine à introduire des mesures compliquant la vie des entreprises, notamment des plus petites qui n’ont pas forcément les moyens de s’adapter à ces évolutions. Je réserve donc ma position sur ce texte, qui dépendra de votre capacité à écouter nos observations et à accepter nos amendements. Je me permets de vous faire observer que mon attitude est constructive, je veux que l’économie sociale et solidaire puisse se sentir consolidée par un tel projet de loi.

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La parole est à Mme Fanny Dombre Coste, dernière oratrice inscrite.

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Madame la ministre, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, le projet de loi qui nous est proposé s’inscrit dans la lignée d’une longue histoire, de plus de deux siècles, celle de l’émancipation ouvrière au XIXe siècle, celle du questionnement incessant de l’économie pour la mettre au service de l’Homme, celle du mouvement coopératif, mutualiste et associatif. À l’heure où les premiers signes d’une sortie de crise se font sentir, ce projet de loi porte en lui l’espoir d’une croissance créatrice d’emplois non délocalisables. Le poids de l’économie sociale et solidaire aujourd’hui, ça a été dit, c’est 10 % du PIB français, un taux de création d’emplois de 23 % pour ce secteur, contre 7 % en moyenne pour le secteur marchand. Loin d’une vision passéiste, l’économie sociale et solidaire est une économie d’avenir, elle innove et permet de renouer avec les vertus économiques, recréant le lien indispensable entre économie réelle et finance.

Aujourd’hui, trop souvent, la finance devient le principal critère d’action pour une entreprise, au risque d’une démobilisation et d’une souffrance des salariés. Avec l’économie sociale et solidaire, on retrouve le sens d’un projet collectif d’entreprise qui fasse converger intérêts économiques et accomplissement des salariés. Parce qu’elle réinvestit ses bénéfices au service de l’outil de travail, parce qu’elle met l’humain au coeur de sa stratégie, parce que sa gouvernance est démocratique, l’économie sociale et solidaire doit prendre toute sa place dans l’économie d’aujourd’hui.

Il existe dans ma région, Languedoc-Roussillon, une longue tradition d’économie sociale, depuis les premières caves coopératives viticoles, saluées en 1905 par Jaurès à Maraussan, jusqu’aux projets innovants de pépinières d’entreprises qui viennent d’ouvrir à Montpellier. Je pense en particulier à l’hôtel de la coopération, qui accueille désormais dans l’ancienne cave coopérative une école de formation pour les dirigeants de l’économie sociale et solidaire, ou encore au pôle Réalis, qui préfigure ce que seront demain les pôles territoriaux prévus dans le texte que nous examinons aujourd’hui. Ce lieu accueille des entreprises qui exercent leurs activités dans des secteurs aussi divers que le livre numérique, la création musicale, l’insertion sociale, le tri des déchets, bref, des secteurs d’innovation.

En donnant un statut à l’économie sociale et solidaire, ce projet de loi vise à la reconnaissance et à la structuration de ce secteur, de sa capacité d’innovation. Il sécurise les acteurs, il apporte des solutions de financement au plus près des besoins économiques, sociaux et environnementaux des territoires.

Je souhaite insister, madame la ministre sur le titre V, relatif au droit des associations. L’emploi associatif représente 80 % des deux millions et demi d’emplois de l’ESS mais l’emploi associatif souffre.

Pourtant, les associations sont au coeur de notre économie et de notre modèle social. Imaginez nos villes, nos campagnes, nos territoires sans les associations. Celles-ci remplissent chaque jour un véritable rôle de service public. Au plus près de nos concitoyens, avec nos enfants, nos anciens, nos sportifs ou encore dans le champ de la culture mais aussi dans le secteur de l’environnement ou de l’économie circulaire, les associations sont le coeur battant de ce pays.

Acteur économique, acteur de cohésion sociale, fort de plus d’un million d’associations, ce secteur innove. Nombre de grandes causes sociales, culturelles ou environnementales ont d’abord été prises en charge par le secteur associatif, avant d’être soutenues par les pouvoirs publics. Grâce à la liberté associative et à l’initiative citoyenne de millions de bénévoles, les associations apportent des réponses originales aux besoins des populations. Et les réponses les plus efficaces naissent souvent du terrain.

Ce projet de loi apportera des réponses sur un certain nombre de points, notamment les fusions et scissions d’associations et la clarification nécessaire de la subvention, à l’heure où celle-ci est de plus en plus souvent remise en cause par le recours fréquent aux marchés publics. Le texte créé également une palette de solutions de financement à disposition des associations, à commencer par le titre associatif, mais aussi d’autres dispositifs que vous avez détaillés, madame la ministre, avec le soutien des crédits de la BPI à hauteur de 500 millions d’euros.

Je souhaite saluer l’ensemble de mes collègues, notamment le rapporteur Yves Blein, qui se sont particulièrement engagés pour renforcer les dispositions relatives au secteur associatif. Alors que l’engagement associatif a été déclaré »grande cause nationale 2014 », nous avons voulu encourager fortement l’implication citoyenne. C’est le sens des avancées qui ont été votées en commission sur le volontariat associatif, la formation des bénévoles et la. création d’un fonds de formation à destination des dirigeants. Ce travail a été complété par la possibilité donnée aux associations de mettre en place un financement participatif pour les projets de création d’entreprise, et je pourrais citer encore le rapport demandé au Gouvernement sur les formes de congés pour promouvoir le bénévolat.

Que ce soient les dispositions de ce texte, que ce soit la baisse de la taxe sur les salaires décidée par votre prédécesseur, que je salue, et qui concerne 70 % des associations, ou encore la création des emplois d’avenir – 40 % des contrats signés en 2013 l’ont été dans ce secteur –, toutes ces mesures fortes montrent notre attachement et notre soutien déterminé au secteur associatif, et donc au secteur de l’économie sociale et solidaire. Alors, vous l’aurez compris, c’est dans cet esprit résolument tourné vers l’avenir et vers l’emploi que se situe ce projet de loi, et c’est avec la plus intime conviction que je le voterai, pour remettre enfin l’économie au service de l’homme et ouvrir à nos concitoyens de nouveaux champs d’innovation économique et sociale.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

suite de la discussion du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures cinq.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron