Délégation aux outre-mer

Réunion du 17 décembre 2014 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 10 heures.

Présidence de Mme Monique Orphé, rapporteure de la Délégation.

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Nous avons le plaisir de recevoir MM. Christian Meurin, directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Guyane, Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique, et Patrice Richard, directeur général de l'ARS de Guadeloupe. Mme Chantal de Singly, directrice générale de l'ARS de l'océan Indien n'a pu se joindre à nous, mais nous pourrons l'auditionner prochainement.

Le projet de loi relatif à la santé ne comprend pas de volet ultramarin, si bien que j'ai demandé au président de la Délégation aux outre-mer, M. Jean-Claude Fruteau, de solliciter la Commission des affaires sociales afin que nous puissions nous saisir des articles 1, 3, 4, 5, 7, 12, 18, 26, 37, 38 et 56 du texte dans le but d'ouvrir un débat sur la santé dans les Outre-mer ; plusieurs de nos collègues s'en sont également ouverts à Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Nous avons déjà conduit plusieurs auditions et nous souhaitions entendre les directeurs généraux des ARS, qui occupent une place importante dans l'économie de ce projet de loi. En effet, les agences participeront à la mise en place de la politique de santé dans le cadre de la stratégie globale de santé prévue à l'article 1er du texte ; elles organiseront le service territorial de santé au public énoncé par l'article 12 ; elles superviseront le service public hospitalier aux termes de l'article 26 ; elles mettront en place les projets régionaux de santé (PRS) prévus à l'article 38.

Quel est le rôle des ARS dans les Outre-mer depuis leur création ? Comment analysez-vous les apports des articles 12, 26 et 38 du projet de loi relatif à la santé ? Que pensez-vous de la redéfinition des PRS ? Les ARS ne devraient-elles pas consacrer davantage de ressources à la prévention ? Quelles mesures supplémentaires souhaiteriez-vous insérer dans le projet de loi ?

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires – dite « loi HPST » – a créé les ARS, établissements publics auxquels ont été transmises les prérogatives des préfets en matière de santé – à l'exception de quelques missions régaliennes – ainsi que celles de dix-sept structures. Les agences agissent pour le compte de l'État sans être des services déconcentrés de celui-ci.

Certains facteurs propres aux Outre-mer compliquent la tâche des ARS. La Guadeloupe et la Martinique ont dû gérer trente crises à dimension sanitaire depuis trois ans. Le contexte international entourant ces territoires leur impose de conduire une coopération régionale afin de maîtriser l'impact financier et institutionnel de ce voisinage sur le système de santé. Un quart de la population des départements d'outre-mer (DOM) bénéficie de la couverture maladie universelle (CMU), ce qui influence le recours aux soins et grève les capacités d'investissement des collectivités locales, notamment dans les hôpitaux et les établissements accueillant des personnes âgées ou handicapées. Le nombre d'entreprises fournissant les structures de santé étant limité, les prestations souffrent souvent d'un surcoût qui pèse sur le budget sanitaire public. La crise des sociétés martiniquaise et guadeloupéenne nourrit une conflictualité sociale élevée qui touche le champ sanitaire et social, de sorte qu'il s'avère nécessaire de moderniser le dialogue social. Le chômage alimente une pression permanente que les établissements publics ont historiquement tenté d'amortir, mais la politique de redressement financier les empêche de jouer autant ce rôle que dans le passé.

Les maladies chroniques comme le diabète ou l'insuffisance rénale, les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les cancers – principalement celui de la prostate chez les hommes et celui de l'utérus chez la femme – sont bien plus répandus outre-mer qu'en métropole, du fait notamment de la plus grande prévalence de l'obésité. En outre, les taux de mortalité maternelle, néonatale, périnatale et infantile sont deux fois plus élevés dans les DOM qu'en métropole, alors que les moyens sont comparables. Certaines maladies sont présentes dans les océans Indien et Pacifique, et finiront par atteindre les territoires d'outre-mer.

Les DOM pâtissent d'une insuffisance du nombre de professionnels de santé, celui-ci, rapporté à la population, n'étant que légèrement supérieur à la moitié de celui enregistré en métropole, et ce dans toutes les activités, à l'exception des sages-femmes et des infirmiers libéraux. Le secteur médico-social accuse un très grand retard, alors que le vieillissement de la population réunionnaise, martiniquaise et guadeloupéenne est bien plus accéléré qu'en métropole : il s'agit là du principal défi à relever dans les années à venir, celui-ci étant inverse en Guyane et à Mayotte où la population est jeune. Il y a lieu de maintenir les neuf établissements fortement déficitaires de ces régions, car ils sont indispensables à la population même si le coût de leur fonctionnement ne peut être amorti pour une zone habitée par moins de 1,5 million de personnes. La formation des personnels s'avère insuffisante.

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Une fusion entre l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) et l'Institut de veille sanitaire (InVS) est envisagée, et la nouvelle structure disposerait de plateformes outre-mer. Qu'en pensez-vous ?

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

Des cellules interrégionales d'épidémiologie existent aujourd'hui dans les ARS ; elles assurent la veille sanitaire et sont constituées de personnels des ARS et de l'InVS. Une plateforme de veille sanitaire reçoit, pour les Antilles, les signaux auxquels les ARS doivent répondre une fois validés.

La fusion comportera une déclinaison régionale, mais rien n'est encore décidé officiellement.

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

Une réforme de la gestion des vigilances dans les régions est envisagée : les ARS deviendraient un guichet unique de réception des signaux sanitaires, y compris pour les dispositifs spécialisés comme ceux sur le médicament et sur l'hémovigilance. Une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) étudie actuellement ce projet d'évolution.

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La Cour des comptes a remis en juin dernier un rapport dans lequel elle pointait des dérapages dans les établissements d'outre-mer. Il n'existe pas de tableaux d'emplois dans ces établissements : pensez-vous que, si on les obligeait à en élaborer, ils réussiraient davantage à maîtriser leur budget ?

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

Le centre hospitalier universitaire (CHU) de la Martinique a intégré les trois plus gros établissements de l'île, dans la plus importante fusion réalisée en France. Ces structures se trouvaient en faillite depuis décembre 2010. Le CHU de la Martinique emploie, à la suite de ce mouvement, 1 347 agents de plus que ceux de Poitiers et d'Angers, alors que la qualité du service n'y est pas meilleure que dans ces deux établissements métropolitains. Un changement s'est opéré, puisque le CHU a rendu plus de 350 postes en moins de trois ans, afin de rétablir les finances de l'établissement ; cette politique exige des outils et une coopération étroite entre la direction de l'hôpital et l'ARS.

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Patrice Richard, directeur général de l'ARS de Guadeloupe

On demande aux établissements de santé de fournir leur tableau d'effectifs et d'emplois pour s'assurer qu'aucun dérapage n'a lieu. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015 fournira un levier de plus pour accompagner le retour à l'équilibre des établissements déficitaires, à travers l'élaboration de plans qui comprendront de tels tableaux.

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

Le contrat d'objectifs et de moyens mis en oeuvre depuis trois ans avec le conseil national de pilotage des agences visait la réduction mesurée du déficit hospitalier cumulé.

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Les territoires d'outre-mer font face à une offre sanitaire de moindre qualité par rapport à la métropole, si bien que la coopération régionale s'avère nécessaire, celle-ci posant des problèmes de visas et d'assurance pour les personnels et les patients. Quel rôle peut jouer la France en matière de politique de santé dans ces espaces ? Quels échanges dans le domaine de la recherche universitaire pourrait-on développer au profit des CHU ?

Vous avez évoqué un ensemble de pathologies plus répandues en outre-mer qu'en métropole : comment adaptez-vous la politique de santé à cette situation ? Vos services parviennent-ils à prendre en compte ces spécificités ? Disposez-vous des moyens nécessaires pour être à la hauteur de l'ambition qu'un pays comme la France nourrit en termes de santé ?

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

Le système actuel n'a jamais été pensé, et il s'avère coûteux pour notre pays. Ainsi, le CHU de la Martinique a une dette de 10 millions d'euros ; nous avons donc intérêt à développer la coopération avec les autres îles des Caraïbes – la Guadeloupe avec celles du nord et la Martinique avec celles du sud. Il conviendrait aussi de développer certains aspects hospitaliers, même s'ils existent déjà ; ainsi, le CHU de la Martinique engage des moyens pour faire venir et soigner des malades souffrant de graves pathologies cardiaques ; jusqu'à cinq malades sont ainsi pris en charge chaque semaine, le coût pour chacun d'entre eux s'échelonnant de 15 000 à 40 000 euros sans que la Martinique puisse récupérer plus de la moitié de ces sommes. La situation s'avère pire en Guadeloupe qu'en Martinique car la population étrangère y est dix fois plus importante.

Il faudrait élaborer une convention internationale que l'on soumettrait aux États ; ses annexes dresseraient la liste des matières pouvant faire l'objet de coopérations. Nous souhaiterions également signer des accords avec les assureurs privés concernés, au nombre de huit, qui permettent actuellement à des personnes de se faire soigner à un prix exorbitant aux États-Unis ou en Colombie, afin de cesser de perdre de l'argent et afin même d'en gagner.

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Vous ne rencontrez pas de problème de visas ?

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

Cela dépend des pays.

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

À Mayotte et en Guyane, le recours aux soins de personnes étrangères, très important, s'explique par la différence des niveaux de développement ; ainsi le Suriname, le nord-est du Brésil et les Comores se trouvent dans des situations sociales délicates. La France a consenti un investissement exceptionnel dans le contexte actuel en reconstruisant l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni : l'établissement a doublé sa capacité et accueille un service de chirurgie obstétrique. Nous discutons avec le ministère de la santé du Suriname pour que le recours aux soins y soit plus précoce, car le traitement des patients nécessite ensuite des protocoles plus complexes, notamment des dialyses pour les personnes souffrant d'insuffisance rénale. Or nous devons prendre en charge ces malades même en absence de tout domicile en Guyane.

Nous cherchons ainsi à développer des protocoles de prise en charge identiques avec le Suriname, par exemple pour le traitement du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) – la Guyane étant la région française où sa prévalence est la plus élevée après l'Île-de-France – car les malades se rendent là où les soins sont le plus précocement accessibles.

La coordination avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) nous aide à lutter contre le paludisme, cette maladie continuant de circuler en Guyane. L'OMS craint l'apparition de phénomènes de résistance aux médicaments, dus à la mobilité de personnes ne respectant pas les traitements – notamment les orpailleurs clandestins d'origine brésilienne qui circulent entre leur pays, le Suriname et la Guyane. Le nombre de cas diminue fortement au Suriname et en Guyane, mais cette tendance n'a pas encore touché le Brésil. L'ARS de Guyane est la seule de France à déployer de telles coopérations internationales.

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Patrice Richard, directeur général de l'ARS de Guadeloupe

Le titre premier du projet de loi relatif à la santé concerne le renforcement de la prévention. La fongibilité des crédits au sein des fonds d'intervention régionaux (FIR) permet de consacrer une part plus grande des dépenses à la prévention. Le rapport de la Cour des comptes sur la santé outre-mer pointait le déséquilibre entre les dépenses de prévention et celles de soins, déséquilibre qui est au détriment des premières. L'équilibre du FIR peut même se trouver en danger lorsqu'il doit abonder la trésorerie d'établissements de santé en fin d'année. Il s'avère donc nécessaire de maîtriser la dépense hospitalière pour dégager des marges de manoeuvre et accroître les actions de prévention.

Plusieurs articles du projet de loi sont applicables aux Outre-mer ; ainsi, le parcours éducatif en santé concerne nos territoires où il est crucial d'agir préventivement dès la petite enfance et jusqu'à l'âge adulte. Dans cette optique, nous avons développé en Guadeloupe le programme « École carambole », qui cible le surpoids et l'obésité depuis la maternelle jusqu'au collège et vise, en liaison avec les enseignants, à développer des comportements favorables à la santé en termes d'activité physique et d'alimentation.

Le projet de loi contient un article sur l'amélioration de l'information nutritionnelle, et le député et ancien ministre, M. Victorin Lurel, me parle régulièrement de la loi qu'il a portée et qui vise à garantir la qualité de l'offre alimentaire outre-mer, en s'attaquant au problème de la teneur en sucre des aliments ; néanmoins, alors qu'elle date du 4 juin 2013, on attend toujours la publication du décret d'application principal. En effet, les produits alimentaires sont plus sucrés outre-mer qu'en métropole, et il est urgent de vendre à la population des produits moins riches en sucre afin de pouvoir lutter contre l'obésité.

Le projet de loi relatif à la santé ouvre l'accès à d'autres tests en matière de maladies sexuellement transmissibles (MST), notamment aux tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) pour le VIH et les hépatites B et C.

Les quatre ARS d'outre-mer se sont réunies pour se pencher sur la question de la mortalité infantile. La Cour des comptes a abordé le sujet dans son rapport et nous proposons à la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes d'élaborer un plan de lutte contre la mortalité infantile outre-mer ; les quatre ARS réfléchissent aux mesures que pourrait contenir ce programme. La mortalité infantile renvoie au suivi des grossesses et à la collaboration avec les services de protection maternelle et infantile (PMI) des conseils généraux.

Le projet de loi contient des dispositions visant à éviter le renoncement aux soins motivé par des raisons financières. Nous devons lutter contre toutes les ruptures de prise en charge pour faire en sorte que le parcours de soins soit le plus fluide possible.

Au total, nous pourrons mobiliser les dispositions qui existent déjà – et qui nous permettent déjà d'agir – et celles contenues dans le projet de loi relatif à la santé pour mettre en oeuvre les politiques inscrites dans les PRS en application de la politique nationale de santé.

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

Les ARS d'outre-mer ont été installées, comme en métropole, au mois d'avril 2010, et ont bénéficié du même accompagnement et de la même aide. En revanche, du fait de l'existence de caisses générales de sécurité sociale et de l'absence d'unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM), les moyens issus de l'assurance maladie ont été très inférieurs à ceux des ARS de métropole. Nous n'avons pas bénéficié du nombre de praticiens-conseils et du nombre d'agents mis à disposition par les caisses de sécurité sociale et par les URCAM – puisque celles-ci n'existent pas. La gestion du risque était beaucoup moins développée outre-mer. Les postes supplémentaires répartis entre les ARS d'outre-mer lors de leur création n'ont pas permis de retrouver la même équité vis-à-vis des régions.

Les missions des ARS d'outre-mer sont les mêmes que celles de métropole, avec toutefois quelques particularités. Le plus souvent, elles exercent les fonctions de proximité et de pilotage régional. La délégation territoriale de Mayotte a de facto une autonomie beaucoup plus importante que les délégations territoriales des départements de métropole. Quant aux autres territoires d'outre-mer, ce sont souvent des régions monodépartementales avec un cumul de rôles qui conduit à des organisations adaptées, différentes des ARS de métropole.

Certaines missions sont surreprésentées, comme les missions régaliennes effectuées pour le compte de l'État et des préfets, du fait de situations particulières : l'habitat insalubre, l'eau – en Guyane, 15 % de la population n'est pas reliée à un réseau d'eau potable –, l'assainissement. Les effectifs des services de santé-environnement sont de même niveau que ceux de métropole alors que le retard structurel d'infrastructures d'hygiène primaire nécessite, outre un rôle de police sanitaire, un rôle d'aide à la prévention. En Guyane et à Mayotte, par exemple, on favorise l'installation de bornes-fontaines pour éviter les risques de maladies transmissibles, puisqu'il y a régulièrement des bouffées épidémiques d'hépatite A à causse du manque d'adduction d'eau potable.

L'adaptation de certaines politiques est nécessaire. La lutte antivectorielle a été un sujet polémique en Guyane avec le recours dérogatoire au Malathion, un produit qui n'est pas autorisé en Europe parce que l'industriel n'a pas déposé de dossier d'autorisation, mais qui est recommandé par l'OMS. Cet exemple montre que les politiques nationales ne nous permettent pas de disposer des outils adaptés aux contextes sanitaires locaux. C'est le cas aussi de la lutte antivectorielle dans le cadre épidémique du chikungunya qui, pour la première fois, frappe les Caraïbes et l'Amérique.

À partir de l'exercice 2016, les FIR deviendront des budgets annexes des ARS. Pour le moment, ce sont des fonds théoriques, car ils regroupent des crédits d'État gérés par les ARS, mais aussi des crédits de prévention qui ont été maintenus dans les caisses d'assurance maladie, c'est-à-dire que nous ordonnons des dépenses et que c'est l'agent comptable d'une caisse pivot qui les engage. Il n'y a pas d'unité de budget, pas d'examen de ces projets de financement par des instances spécialisées comme la Conférence régionale de santé et de l'autonomie (CRSA) ou les organes qui réunissent les représentants des usagers. Il y a simplement une information. À terme, le FIR devrait regrouper l'ensemble des crédits. Cet outil est très important outre-mer, c'est l'outil principal en matière de prévention. N'oublions pas que, dans un contexte d'infrastructures déficitaires, ce sont les politiques de prévention qui ont la plus grande efficacité. C'est le cas pour la politique de nutrition par rapport aux maladies chroniques comme le diabète, mais aussi face aux risques épidémiques – chikungunya, paludisme, dengue. C'est souvent le conseil général qui gère la lutte antivectorielle mais ce n'est pas le cas partout. À La Réunion et à Mayotte, elle est gérée par l'agence régionale de santé. Les pressions sur le FIR sont très fortes pour utiliser ses crédits dans des opérations hospitalières, alors qu'ils devraient être réservés en priorité à la prévention. Cela nous différencie beaucoup de nos collègues de métropole alors que, pour le moment, nous sommes soumis à la même régulation que les autres régions de métropole en matière de règles budgétaires du FIR. Dans le secteur hospitalier, les aides à l'investissement se sont beaucoup développées et ont été regroupées avec le Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers (COPERMO). Les imputer pour partie sur le FIR diminue d'autant les montants disponibles pour les politiques de prévention alors que ce domaine devrait être prioritaire.

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Si je vous comprends bien, vous estimez que la politique d'investissements n'est pas à la hauteur des enjeux, ce qui nécessite de recourir aux crédits du FIR, alors qu'ils devraient servir à la politique de prévention.

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

On peut le dire de cette manière, effectivement !

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Il faut donc encourager la politique d'investissements.

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

C'est le cas pour le secteur médico-social. Aux Antilles, l'enjeu nouveau ce sont les personnes âgées en raison de l'évolution de la population. À Mayotte, à La Réunion et en Guyane, l'enjeu démographique, c'est le handicap. Au début des années 2000, des plans de rattrapage ont été lancés, mais ils ont été arrêtés. Le nombre de places en institut médico-éducatif (IME) ou dans les services de soins ambulatoires pour les autistes ou d'autres catégories de personnes handicapées baisse car la population progresse de 3 à 4 % par an, taux que l'on ne rencontre nulle part ailleurs.

En métropole, on a diminué les capacités d'hospitalisation complète en psychiatrie parce que les soins s'effectuent mieux en milieu ambulatoire et qu'on avait hospitalisé en psychiatrie des personnes âgées qui n'avaient rien à y faire. De ce fait, des lits ont pu être transformés en lits médico-sociaux, en particulier pour adultes et enfants handicapés. En revanche, outre-mer, on n'a absolument pas la possibilité de procéder à de tels redéploiements. Comme l'offre de soins en psychiatrie est naissante, on ne bénéficie pas des capacités qui existaient traditionnellement dans tous les départements de métropole.

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

Je veux apporter quelques précisions sur la prévention, l'offre de soins primaires et les personnes âgées.

Nous ne pouvons pas aller plus vite dans ces domaines en raison du cadre réglementaire actuel. Nous avons besoin d'un peu plus de souplesse et de moyens. Il faudrait accroître les possibilités de fongibilité entre l'enveloppe sanitaire, l'enveloppe médico-sociale et l'enveloppe destinée à la prévention. Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple concret et chiffré. Le CHU « nouvelle formule » de la Martinique est en faillite ; pour l'accompagner jusqu'à ce qu'il soit redressé, l'État doit lui verser 225 000 euros par jour. En vingt-six jours, l'aide exceptionnelle nécessaire au redressement du CHU de la Martinique correspond exactement au budget annuel de la prévention dédié à la Martinique par l'ARS.

Nous avons besoin de construire des parcours de santé qui correspondent à nos priorités. Les cinq parcours de santé que nous voulons sont les suivants : les maladies chroniques comme le diabète, les insuffisances rénales ou les AVC, le cancer, la périnatalité, la santé mentale et les personnes âgées. Mais pour cela, il nous faut des moyens, que la fongibilité soit réglementairement possible et que nous ne soyons pas asphyxiés par un investissement qui se ferait via le FIR.

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Vous avez parlé de pressions pour utiliser le FIR pour faire des investissements.

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

Je n'ai pas parlé de pressions à ce niveau-là. J'ai dit que les besoins sont nombreux pour rééquilibrer la situation déficitaire des établissements sanitaires et que le FIR a des obligations de financement dont nous ne pouvons pas nous extraire. Cela limite donc nos possibilités de fongibilité et nous empêche de développer comme nous le souhaiterions la prévention et l'éducation à la santé. Il faut de la souplesse dans l'utilisation des moyens.

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

On finance sur le FIR la compensation du surcoût de certaines activités isolées, faute d'atteindre un seuil qui leur permettrait d'être suffisamment rentables. Du coup, ces sommes ne peuvent pas servir aux politiques de prévention. Si on fait une comparaison interrégionale des FIR, on s'aperçoit que cette dépense n'existe pas ailleurs, sauf peut-être dans les zones de montagne isolées.

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

Je prendrai un autre exemple, celui de la démographie et des soins primaires, qui montre que la souplesse dans l'utilisation des fonds est nécessaire. La Martinique est un morceau de rocher à l'échelle de la France, puisqu'elle fait 100 kilomètres de long sur 30 kilomètres de large. Le nord de la Martinique compte cinq communes mais aucun médecin. Il nous faut absolument trouver des solutions à ce problème. Nous aimerions avoir des moyens d'expérimentation. Il y avait trois dispensaires, dont deux ne servaient plus à grand-chose puisqu'ils étaient dédiés à la lèpre et à la tuberculose. Nous allons les transformer pour créer dans le nord de la Martinique deux centres de santé. On ne peut pas copier ce qui est fait ailleurs, dans la région parisienne par exemple, car la réalité n'est pas la même. Ce qu'il faut faire, c'est proposer l'accès à des soins de santé primaires la journée dans ces zones, pour éviter que la population soit obligée de parcourir beaucoup de kilomètres, de prendre des taxis collectifs, bref de perdre plusieurs heures pour aller consulter un médecin. Il faut aussi créer un cabinet dentaire, car il n'y a pas non plus de dentistes, et faire de l'éducation thérapeutique pour permettre aux patients de mieux gérer les maladies chroniques, comme le diabète, etc. Enfin, pour le soir, il faut mettre en place une maison médicale de garde de 19 à 24 heures pour que la population puisse se rendre dans des centres d'urgence. Tout cela n'a pas de réalité institutionnelle.

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

Je le fais, en accord avec l'assurance maladie, les mutuelles, etc., mais ce n'est pas financé en tant que tel. Il faut répondre aux besoins de la population.

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

C'est une démarche volontariste qui dépend de la mobilisation locale.

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Vous savez qu'il y a une levée de boucliers de la part des médecins qui craignent que les ARS aient la mainmise sur l'organisation de la santé.

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Patrice Richard, directeur général de l'ARS de Guadeloupe

Je souhaiterais évoquer ici différents articles de la future loi de santé, et d'abord l'article 12 qui institue un service territorial de santé au public. Ce n'est pas un nouvel échelon, mais une offre de services de santé, coordonnée entre les professionnels d'un territoire sur la base du volontariat. Ce dispositif ne résoudra pas le problème des territoires extrêmement déficitaires, à moins que des professionnels d'établissements de santé acceptent de faire des vacations dans un centre de santé sur un territoire déficitaire. En Guadeloupe, nous avons décidé de calquer les territoires de santé sur les agglomérations et communautés de communes. La communauté d'agglomération Cap Excellence regroupe Pointe-à-Pitre, les Abymes et Baie-Mahault, et compte 130 000 habitants. Il faudra une coordination entre les différents professionnels et les différentes catégories de professionnels, ce qui est difficile car ils ne se connaissent pas forcément. Dans les territoires où le nombre de professionnels est insuffisant, à Marie-Galante par exemple, il faut faire venir des spécialistes. Ce ne sera possible que si des professionnels du secteur excédentaire acceptent. Pour Marie-Galante, nous avons identifié les spécialités pour lesquelles nous souhaiterions avoir des consultations avancées de médecins spécialistes. Le CHU rencontre des problèmes pour recruter des cardiologues. Nous allons nous tourner vers le secteur libéral pour voir si des professionnels libéraux cardiologues accepteraient de venir. Inscrire ce dispositif dans la loi rend légitime le développement de la coordination entre les professionnels de santé. En fait, nous avons déjà entamé cette démarche puisque j'ai signé, avec Cap Excellence, un contrat local de santé. Après avoir posé un diagnostic partagé de santé sur les problèmes rencontrés en matière de prévention, de soins, et au plan médico-social, nous avons fixé des objectifs avec les élus des territoires, les différents acteurs de santé, sur les progrès à réaliser dans le champ de la santé.

Le service territorial de santé au public correspond à un pas supplémentaire dans ce travail de coordination parce que l'on sait que les parcours de soin connaissent des ruptures, qu'il y a des déficits de coordination entre la ville et l'hôpital, entre certains professionnels de santé, le soin et le médico-social. Il faut vraiment inscrire dans la loi ces parcours de santé coordonnés.

L'article 26, qui propose de refonder le service public hospitalier, provoque quelques remous dans l'hospitalisation privée. Les cliniques privées se demandent en effet si ce dispositif leur fera perdre les missions de service public, les urgences. Je pense que ce ne sera pas le cas.

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

Ce n'est pas un enjeu pour les Outre-mer, car il existe des territoires où aucun professionnel de santé libéral n'est installé. Notre souhait, c'est de créer une offre. Je pense notamment aux zones isolées en Guyane. Là-bas, le littoral regroupe 90 % de la population, le reste est émietté. Pour ces patients, il n'existe que les centres de santé qui sont plus ou moins bien coordonnés avec les centres qui relèvent de la PMI (la Protection maternelle et infantile).

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Vous n'avez pas de problème de clinique privée à Maripasoula ?

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

Non. Il y a une pharmacie et un infirmier. Nous aimerions qu'un médecin libéral puisse s'y installer. Nous travaillons plutôt en bonne intelligence. Nous n'avons pas de difficulté à dialoguer avec l'Union régionale des professionnels de santé (URPS) pour essayer d'utiliser au mieux les aides qui ont été mises en place, comme le statut de praticien territorial de médecine générale qui permet un exercice mixte en médecine hospitalière à Maripasoula et en médecine de ville pour aboutir à la création d'une maison de santé pluridisciplinaire. Voilà quelle pourrait être la nouvelle organisation.

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Patrice Richard, directeur général de l'ARS de Guadeloupe

Le mécontentement des médecins libéraux porte surtout sur l'une des dispositions du projet de loi qui prévoit que les conventions nationales passées entre l'assurance maladie et les professions puissent avoir des déclinaisons régionales. Il me paraît très important qu'il puisse y avoir des déclinaisons régionales outre-mer, en raison des spécificités qui existent. Peut-être faudrait-il prévoir une rémunération spécifique pour des professionnels de santé qui accepteraient de sortir de Cayenne pour aller travailler à Maripasoula. Cela pourrait être négocié avec la profession dans le cadre d'une déclinaison régionale de la convention nationale.

J'ai accueilli en Guadeloupe le congrès de la Fédération nationale des infirmiers libéraux, infirmiers qui sont opposés à des déclinaisons régionales car ils ont peur que les projets partent dans tous les sens. Je leur ai dit que pour les Outre-mer il est important de pouvoir, avec la profession, l'URPS, les médecins libéraux, les infirmiers, les kinésithérapeutes, négocier des spécificités. Mais je crois que les médecins libéraux n'entendent pas cet argument et qu'ils considèrent que la convention doit être nationale.

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Les députés qui s'intéressent aux Outre-mer ou qui les connaissent bien savent qu'il est important de prendre en compte le fait que ces territoires rencontrent une grande diversité de situations par rapport à l'offre de soins. Certains endroits sont des déserts médicaux. Du reste, cela ressemble beaucoup aux déserts médicaux que l'on peut trouver dans ma circonscription, le Bourbonnais. Par ailleurs, la situation de l'île de Marie-Galante et le manque de spécialistes constituent un autre problème. Enfin, répondre à la problématique de l'offre de soins à l'intérieur de la Guyane, c'est encore autre chose !

Avant d'entamer la discussion sur le projet de loi de santé, il est important pour nous de savoir ce qui vous empêche actuellement de répondre à la diversité des situations ; de savoir si le texte a pris en compte cette question ; et de connaître ce dont vous avez besoin. Il est évident que vous avez besoin de souplesse dans l'application de la loi pour répondre à la variété des situations globales. Et je ne parlerai pas devant mes deux collègues de La Réunion de la situation de leur département, qui est encore différente. À mon avis, le déficit en professionnels y est un peu moins important qu'ailleurs.

Il est important que vous nous disiez concrètement ce que vous ne pouvez pas faire réglementairement – par exemple, que vous ne pouvez pas mobiliser les financements, notamment en matière de prévention, domaine qui est toujours oublié par rapport à l'offre de soins curatifs. Voilà ce que vous devez nous dire pour que nous puissions progresser dans l'examen de ce texte et éventuellement l'amender utilement. Si certaines des dispositions du projet de loi vous posent des problèmes que nous ne connaissons pas en métropole, dites-le nous. Comme vous êtes des départements de droit commun, les dispositions de la future loi s'y appliqueront, comme elles s'appliqueront aux départements métropolitains. Avez-vous besoin de dispositions spécifiques qui répondraient à votre demande de souplesse ?

Au regard de la diversité des situations de l'outre-mer, il faut faire preuve d'un grand pragmatisme. Les lois que nous votons doivent améliorer la situation et non augmenter les blocages sous prétexte d'uniformité de la République.

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Outre cette loi, un plan de santé sera élaboré dans chaque territoire. Pour notre part, nous allons demander, par le biais d'un amendement déposé à l'article1er, la déclinaison d'un plan de santé par territoire, en raison de la diversité des situations.

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Vous avez parlé, à plusieurs reprises, d'adaptations. Pour ma part, je plaide en faveur de l'adaptation outre-mer de certains règlements nationaux – je l'ai encore fait, il y a une semaine à peine, lors d'un entretien avec le préfet de La Réunion. Nous sommes donc d'accord pour dire qu'il est nécessaire d'adapter nos lois, nos règlements, à la réalité de nos territoires.

Sur quoi souhaitez-vous une adaptation plus particulière, plus poussée, en dehors de la fongibilité que vous avez évoquée ? Par exemple, s'agissant de l'accompagnement des personnes âgées, nous avons souvent du mal à faire comprendre à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) qu'une péréquation est nécessaire parce que l'entrée dans la dépendance intervient dix ans plus tôt à La Réunion. C'est un combat perpétuel. Il serait souhaitable que la loi prévoie des règles qui s'appliqueraient de manière récurrente et qui ne nécessiteraient pas que l'on monte au créneau à chaque fois pour expliquer que la situation n'est pas la même qu'ailleurs. On gagnerait beaucoup de temps.

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Patrice Richard, directeur général de l'ARS de Guadeloupe

L'article 38 met fin au dispositif des PRS tel qu'il existe aujourd'hui, c'est-à-dire la mise en oeuvre de projets déclinés en quatre schémas avec des programmes très détaillés, ce qui est source de complexité. Le nouveau texte devrait simplifier les choses, avec une vision plus stratégique à dix ans, comportant des orientations susceptibles d'être négociées par la suite.

Quels sont les leviers qui nous manquent pour la mise en oeuvre de ce projet ? Le premier est financier puisque, pour développer la prévention, il faut dégager des ressources importantes. Cela suppose des arbitrages au niveau national, qui ne relèvent pas du domaine de la loi. Il s'agit de privilégier l'outre-mer afin de dégager des montants suffisants.

La démographie médicale demeure une préoccupation majeure. Il faut estimer les effectifs à former, chose compliquée puisque le conseil général intervient et que c'est le ministère qui détermine le numerus clausus. Il faudrait améliorer les procédures de consultation relatives aux effectifs. Des mesures ont été adoptées pour Mayotte et la Guyane au sujet de l'emploi des médecins étrangers. Nos voisins de la République Dominicaine ont des médecins qui terminent leur formation à Montpellier. La République Dominicaine bénéficie d'une excellente démographie médicale et les médecins concernés sont francophones. N'étant pas français, ils ne relèvent pas de l'Union européenne, et leur recrutement chez nous se fait au compte-goutte. Depuis l'expérience de la Guyane, l'Ordre des médecins est hostile à cette pratique, mais cela peut, peut-être, se négocier pour des spécialités très déficitaires. J'ai rencontré le directeur du plus important centre « mère-enfant » de la République Dominicaine qui m'a fait part de son souhait de voir des médecins dominicains venir effectuer des spécialisations sur des équipements de type IRM qui n'existent pas en très grand nombre chez eux.

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

Cuba a fait un effort important de formation des professionnels et dispose de la plus grande maternité du monde où sont réalisés cent vingt accouchements par jour ; c'est très impressionnant !

La loi pourrait, à moindre coût, améliorer certaines situations. Tout d'abord, le budget des ARS : nous sommes dans le droit commun, mais nous ne faisons pas le même travail, et nous manquons donc de moyens pour aider la France à occuper sa place dans nos régions. Il ne faut pas sous-estimer l'impact des urgences, de la veille et de la sécurité sanitaires sur nos budgets. C'est de ma propre initiative que j'ai créé un service de coopération, avec des projets interétatiques, en finançant les déplacements.

Si, pour les dotations du FIR et la péréquation, nous sommes logés à la même enseigne que tout le monde, la situation est déséquilibrée : comment assurer la permanence des soins et améliorer la prévention alors que nous sommes très en retard en termes de démographie médicale ? Vous avez raison de dire que la situation de Saint-Pierre ou de Sainte-Marie est comparable à celle de la Haute-Loire, où j'ai d'ailleurs ouvert la première maison de santé à Craponne-sur-Arzon. La différence est que, dans une région métropolitaine, vous pouvez aller dans une autre ville, alors que, sur une île, vous êtes enfermé, et que, là où il y a des moyens, ceux-ci sont déjà déficitaires. Les patients viennent attendre dès quatre heures du matin, nous les dissuadons de se déplacer. Je ne parle pas de Sainte-Marie qui est privilégiée en comparaison de Macouba, Grand'rivière ou Ajoupa-Bouillon. Il faudrait quelques moyens supplémentaires, des enveloppes particulières pour aller plus vite dans la constitution du FIR, un droit de tirage pour les DOM. Nous ne voulons pas refaire des maisons de retraite de soixante ou quatre-vingts places qui mettent sept ans à sortir de terre ; nous voulons aller plus vite.

Les indicateurs qui servent à fixer les dotations pour les permanences de soins sont, eux aussi, les mêmes pour tout le monde. Sauf que d'aucuns disposent déjà de structures existantes, comme certains de mes collègues du Limousin. Je n'ai pas une grande connaissance de la situation en Guyane ou en Guadeloupe, mais je ne vois pas, en Guadeloupe, de maisons médicales de garde, de centres de santé ou de maisons de santé pluridisciplinaires. En Martinique, où règne un retard sanitaire extraordinaire, le nombre de ces institutions était de zéro en 2010 ! Dans ces conditions, si l'on m'affecte simplement des moyens « standard », je ne rattraperai jamais le retard. Pour atteindre l'égalité, il nous faut un traitement inégalitaire. Nous avons besoin d'aller plus vite parce que nous venons de plus loin, et de bâtir des indicateurs permettant de rattraper le retard.

En ce qui concerne le recours à des médecins étrangers, il existe pour le moins quelques nuances avec la Guadeloupe et surtout avec la Guyane, où la situation est encore pire. En Martinique, pour la gastroentérologie, il n'y a pas de spécialistes ou presque ; pour la pneumatologie, les spécialistes sont très rares ; pour la pédiatrie, c'est le même constat. Il aurait fallu trois services d'urgences ; il manque dix-sept praticiens hospitaliers à temps plein pour les faire fonctionner selon les normes ; nous avons donc rassemblé les moyens sur deux centres : Fort-de-France et Trinité. Pour les anesthésistes, la situation est la même. Il suffirait d'assouplir très légèrement la réglementation sur cette question des médecins étrangers afin de ne pas choquer les ordres qui veillent sur leur pré carré. Au demeurant, aucun médecin ne veut faire de gardes chez nous et j'ai dû en réquisitionner trente-cinq après un an de débat ! J'ai d'ailleurs enregistré vingt-trois inscriptions depuis.

Certes, la réglementation se veut protectrice afin d'empêcher que n'importe qui vienne exercer, mais ce verrouillage est excessif et artificiel. Il fallait deux ans d'exercice en métropole plus deux mois après le 1er septembre 2009 !

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Cela relève-t-il du domaine législatif ? Car, si tel n'est pas le cas, votre interlocuteur doit être la direction générale de l'offre de soins (DGOS).

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

Il me semble en effet que ces durées relèvent du règlement.

J'avais un hôpital neuf avec seulement deux médecins à temps plein ; pendant deux ans, son taux d'occupation a été de 50 %. J'ai pu recruter un médecin cubain qui remplissait toutes les conditions et, en l'espace de trois ou quatre mois, le taux d'occupation est passé à 85 %. Cela prouve qu'il y a de la compétence disponible sur la zone.

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À La Réunion, nous avons pu mettre en place ces structures : permanence de soins, régulation… Et cela fonctionne.

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Christian Ursulet, directeur général de l'ARS de Martinique

Avec l'ARS nous avons fait beaucoup de progrès ; j'ai mis en place trois maisons médicales de garde et trois maisons de santé pluridisciplinaires ; nous sommes en train d'installer les maisons de santé, mais il a fallu pour cela prélever d'autres moyens que j'aurais pu orienter vers la prévention.

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

Pour compléter le propos relatif aux situations particulières, je voudrais évoquer deux actions conduites au niveau national et pour lesquelles nous avons été entendus. Premièrement, le plan cancer 3 qui, s'il ne comprend pas de volet spécifique aux Outre-mer, a défini des orientations spécifiques tenant compte des comportements et des situations locales. Deuxièmement, sur le plan alimentaire, le programme national nutrition santé (PNNS) pour lequel on attend la publication du décret d'application de la loi « sucre ».

La périnatalité est un sujet sur lequel nous souhaiterions la mise en place d'une action de santé publique faisant l'objet d'un pilotage national. La Cour des comptes a dénoncé ce défaut d'action à l'échelon national, car les Outre-mer connaissent dans ce domaine les indicateurs les plus défavorables. Nous bénéficions parfois de commissions de coordination, dont l'existence est cependant tributaire de la démographie médicale. Ici et là, nous rencontrons de graves difficultés avec la protection maternelle infantile (PMI) qui, faute d'être à même de pourvoir ses postes, ne parvient pas à assurer pleinement les missions qui lui sont confiées par la loi. Comme à Mayotte, nous souhaitons développer en Guyane des délégations de service public afin de mutualiser les centres hospitaliers de prévention avec les centres de PMI. Cela représentera une économie de bureaux et de secrétariats. Cependant, cette démarche se heurte à des problèmes institutionnels et financiers, précisément parce qu'elle se déroule sans pilotage intégré au sein d'une politique qui répondrait aux besoins particuliers rencontrés outre-mer.

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Que manque-t-il le plus aux Outre-mer dans le domaine de la santé ? Est-ce une politique nationale ciblée ? Ou bien une marge de manoeuvre plus ample pour les représentants de l'État que vous êtes ?

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

Je pense qu'il faudrait un ensemble de politiques spécifiques à partir d'une problématique nationale, car nous sommes confrontés à des réalités particulières – grossesses précoces, problèmes d'accès au droit – qui ne se posent pas dans les mêmes termes en métropole.

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Il s'agit donc de marges de manoeuvre. Cela relève de la déconcentration.

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Christian Meurin, directeur général de l'ARS de Guyane

Un autre domaine typiquement local d'intervention est celui de la santé environnementale. Il s'agit de l'accès à l'eau potable, des questions d'habitat insalubre, d'exposition aux risques particuliers et de lutte antivectorielle. J'observe, à cet égard, que cette dernière est une compétence théoriquement dévolue aux collectivités territoriales, mais qu'elle est diversement exercée par celles-ci en fonction du territoire concerné. Là aussi, un pilotage national paraît souhaitable, et une des déclinaisons du plan national santé environnement (PNSE) nouvelle génération pourrait concerner l'outre-mer, puisque les réalités environnementales ne sont pas les mêmes qu'en métropole.

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J'ai bien entendu, Messieurs, vos attentes, et je vous suggère de me communiquer vos contributions afin que nous puissions proposer des amendements au projet de loi, l'examen du texte ayant lieu au mois d'avril prochain. Le sujet de la coopération internationale me paraît particulièrement important.

La séance est levée à 18 heures 30.