Séance en hémicycle du 6 mai 2015 à 15h00

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

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L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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La parole est à M. le président Bernard Accoyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, puisque le débat relatif à la réforme du collège porte désormais sur l’essentiel, ce qui forge la nation, ce que Renan appelait « le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage reçu indivis ».

En rendant facultatif dans les programmes l’enseignement de pans entiers et majeurs de notre histoire nationale, en réduisant l’enseignement du latin,…

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…alma mater de notre si belle langue, en abandonnant les classes bilangues,…

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…créées simultanément avec nos amis allemands, alors qu’il faudrait au contraire les développer pour préserver l’avenir de l’Europe, cette réforme égalitariste constituerait une entreprise méthodique de déconstruction des fondements de notre nation et de la République.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe RRDP.

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Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez laisser faire en sorte qu’une France sans mémoire ni culture ne se réduise finalement, pour les jeunes générations, à un PIB et à une carte Vitale !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.

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Nous devons continuer à enseigner ce qui a fait la France : notre héritage gréco-romain, les racines chrétiennes de l’Europe,

Exclamations sur certains bancs du groupe SRC

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la philosophie des Lumières, la République de Jules Ferry et de Clemenceau.

Monsieur le Premier ministre, comme le demandent les historiens et les enseignants eux-mêmes, retirez cette réforme destructrice de la méritocratie républicaine et qui menacerait la cohésion nationale.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs des groupes UDI et RRDP.

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La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe UMP

Et du décrochage scolaire !

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le président Accoyer, j’ai déjà eu l’occasion de répondre longuement hier, notamment pour vous expliquer en quoi cette réforme du collège, non seulement ne porterait pas atteinte à l’apprentissage de l’allemand ou du latin, mais augmenterait même le nombre des élèves qui les apprennent.

« Faux ! » sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Comme je ne voudrais pas me répéter, je n’y reviendrai pas.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur Accoyer, je vous remercie cependant pour votre question qui m’offre l’occasion de répondre aux interrogations légitimes de tous les parents : en quoi le nouveau collège, à la suite de cette réforme, permettra-t-il de servir la réussite des enfants ?

Grâce aux trois heures d’accompagnement personnalisé offert à chaque collégien de sixième, c’est bien à chaque enfant que l’on permettra de mieux comprendre ce qui est attendu de lui, de mieux rattraper son retard lorsqu’il est en difficulté, de mieux approfondir ses connaissances lorsqu’il a la chance d’être en avance.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Grâce aux 4 000 postes de professeur créés pour accompagner cette réforme, c’est bien le développement des petits groupes de travail qui sera favorisé pour permettre de constituer des groupes homogènes, ce qui permettra de pallier les difficultés ou d’approfondir les connaissances de ceux qui sont le plus en avance.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Nous nous adaptons à la singularité de chaque collégien car nous avons le souci de faire réussir tous les élèves.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Grâce à la possibilité accordée à chaque enfant d’apprendre une deuxième langue vivante plus tôt dans sa scolarité, c’est bien une meilleure maîtrise des langues vivantes qui sera proposée à tous les collégiens de France.

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Pourquoi supprimer l’enseignement du siècle de Voltaire ?

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Grâce à l’introduction du numérique au collège, ce sont bien la maîtrise des outils comme le développement de l’esprit critique numérique, dont on a tant parlé ces dernières semaines et ces derniers mois, qui seront offerts aux collégiens.

Grâce, enfin, à un emploi du temps construit intelligemment, garantissant notamment une pause méridienne d’une heure trente pour les collégiens, ce sont bien un apprentissage facilité et une meilleure qualité de vie dans les collèges qui sont assurés. Voilà ce qu’est la réforme du collège !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Il y a trois ans, monsieur le Premier ministre, une majorité de Français accordaient leur confiance à François Hollande et à la gauche.

« Tout cela est fini ! » sur les bancs du groupe UMP.

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Un bilan honnête doit commencer par la question suivante : dans quel état était la France en 2012 ? Les comptes publics étaient en piteux état, minés par 650 milliards d’euros de dettes supplémentaires engendrées sous le seul quinquennat de Nicolas Sarkozy. L’appareil productif était délaissé par une politique économique qui se complaisait dans la préservation de la rente. L’école et les services publics étaient abandonnés. La société était fragilisée par une mise en tension permanente.

Mes chers collègues, depuis trois ans et sur tous les fronts, notre majorité de gauche a engagé une politique volontariste pour enrayer la spirale vicieuse qui menaçait de balayer notre modèle social. Oui, notre majorité est mobilisée pour remettre la France sur de bons rails !

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Nous le faisons en conciliant redressement économique et progrès social, car le progrès social, c’est l’ADN de la gauche.

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Nous redressons les comptes publics tout en protégeant les secteurs prioritaires que sont l’école et la sécurité. Nous mettons en oeuvre le pacte de responsabilité en faisant avancer les droits des travailleurs avec la prime d’activité, le compte formation et la prise en compte de la pénibilité. Nous réorientons la construction européenne pour préserver notre modèle social, étendre le nombre de bénéficiaires de la complémentaire santé et réussir la généralisation du tiers payant.

Monsieur le Premier ministre, nous, députés de la majorité, devons aux Français d’être les artisans volontaires d’un quinquennat efficace et utile,

Rires sur les bancs du groupe UMP

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qui conjugue redressement et progrès social.

Pouvez-vous nous dire comment se déploie notre action pour relever les défis placés sur le chemin de la France ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Madame la députée, votre question et votre interpellation contenaient déjà de nombreux éléments de réponse que je pourrais reprendre, et c’est bien normal.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

C’est arrivé à tout le monde, monsieur le député : vous pourriez vous-même poser des questions contenant vos propres réponses, comme c’est souvent le cas.

Tout d’abord, madame la députée, vous l’avez très bien dit : l’objectif de ce quinquennat et du Président François Hollande, c’est…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…de redresser la France, son image dans le monde, son économie – grâce au pacte de responsabilité et de solidarité, notamment – et son industrie, domaine dans lequel nous avions perdu notre compétitivité en dix ans, mais aussi, et c’est un sujet essentiel, comme vous l’avez rappelé, son école, d’où la nécessité de mettre en oeuvre les réformes, en particulier celle du collège.

Le deuxième objectif, c’est de protéger les Français face aux défis du monde et à ceux qui sont liés à la menace terroriste – d’où les moyens supplémentaires que nous donnons à nos forces de sécurité et à la défense. Mais protéger, c’est aussi protéger nos idéaux, les idéaux de la République, et plus particulièrement la laïcité.

Il nous faut assurer le progrès autour d’un destin collectif : progrès économique, progrès scientifique, progrès social pour les salariés, progrès écologique, progrès sociétaux avec la loi instaurant le mariage pour tous, notamment.

Enfin, il nous faut être exemplaires. Nous aurions tort, en effet, d’ignorer la césure, parfois même la rupture qui existe entre les citoyens et les responsables politiques. De ce point de vue, l’exemplarité,…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…l’honnêteté et les choix qui ont été faits depuis 2012 – je pense à la loi sur la transparence, au non-cumul des mandats, à la mise en oeuvre de la parité – sont la preuve d’un changement des pratiques que nous devons impulser et continuer à mettre en oeuvre.

Bref, il s’agit, dans une situation qui demeure difficile – même si la situation économique s’améliore et que les perspectives de croissance existent –, de redonner espoir à la France, de restaurer la confiance, d’être davantage fiers d’être français, et nous avons assez suffisamment d’atouts pour le démontrer.

Nous poursuivrons les réformes, madame la députée, car les Français les attendent, tout comme ils attendent du mouvement. C’est le sens de l’action du Gouvernement que je dirige.

Au fond, face à une extrême droite qui veut détruire et face à une droite qui veut répéter ce qui a mené la France à l’échec, c’est à la majorité d’être fière de ce qu’elle accomplit derrière l’action du Président de la République. J’ai en effet la conviction que nous sommes en train de réussir !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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Cela se voit lorsque l’on regarde les membres du Gouvernement ! Quel enthousiasme !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Ne m’obligez pas à vous rappeler le vôtre pendant le quinquennat de M. Sarkozy.

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La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le Premier ministre, depuis le début de l’année, près de 1 750 migrants ont perdu la vie en Méditerranée, victimes de la cruauté des passeurs, toujours plus prompts à exploiter la misère humaine. Mais ces drames migratoires sont aussi l’aveu cinglant de l’impuissance des pays européens, incapables d’agir collectivement face à une situation insoutenable.

Comme l’a reconnu M. Jean-Claude Juncker lui-même, les conclusions du dernier Conseil européen ne font pas exception : elles sont décevantes ! Sauf à abdiquer face à l’offensive des populistes sur l’immigration, l’Europe a aujourd’hui le devoir d’agir. Entre le silence indigne des uns et les cris d’orfraie des autres, en effet, une autre politique est possible : celle de la responsabilité et de l’action !

Une vraie politique migratoire commune consiste d’abord à maîtriser nos frontières. Est-il normal que l’agence Frontex ne dispose que de 1 % seulement du budget européen ?

Le deuxième projet majeur, défendu notamment par Jean-Louis Borloo, consiste à engager un vaste plan en faveur de l’Afrique. Ce plan Marshall, que l’UDI appelle de ses voeux, permettra de s’attaquer aux racines profondes du problème, d’accompagner le développement de ce continent frère, de relancer l’investissement en Europe et de dissuader toute tentative d’immigration illégale.

Le troisième enjeu est celui de la lutte contre les réseaux criminels des passeurs.

Enfin, une réelle politique migratoire commune consiste aussi à déterminer les capacités d’accueil de chaque État membre. Il s’agit de donner sens au principe de solidarité qui figure au coeur des traités européens.

Monsieur le Premier ministre, comment la France, pays fondateur de la construction européenne, entend-elle porter la voix d’une nouvelle politique d’immigration et d’asile en Europe ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Votre question, monsieur le député, exprime des préoccupations qui sont tout à fait celles du Gouvernement et qui ont présidé à de nombreuses initiatives au sein de l’Union européenne, afin que cessent les drames humanitaires dont vous avez parlé.

Il faut une politique européenne, et il faut aussi que nous prenions des initiatives en France. Je voudrais faire un point précis sur ces deux aspects.

Au sein de l’Union européenne, tout d’abord, nous devons faire en sorte que Frontex, dont l’opération dans la zone en question a commencé il y a quelques mois, bénéficie d’une augmentation de ses moyens. Nous avons décidé de les multiplier par trois, et la France participera à cette hausse en allouant des moyens maritimes et aériens, qui ont d’ores et déjà été affectés à cette opération dans le cadre d’un engagement très clair de notre pays. Il s’agit d’une opération de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne à laquelle le droit de la mer s’applique et qui sauve des vies, comme les événements récents en témoignent.

Deuxièmement, il faut que l’effort d’asile soit partagé entre les différents pays de l’Union européenne. Nous avons saisi le commissaire européen en ce sens et des discussions sont en cours au sein de l’Union pour atteindre ce but.

Troisièmement, il est impératif qu’une action conjointe de l’Union européenne, de l’OIM, l’Organisation internationale pour les migrations, et du HCR soit menée dans les pays de provenance afin que l’on puisse distinguer dans les États de la bande sahélo-saharienne entre les personnes qui relèvent de l’asile en Europe et ceux qui relèvent de l’immigration irrégulière, de sorte que nous puissions nous-mêmes assurer la protection des réfugiés qui relèvent de l’asile et les enlever des mains des passeurs, et que nous puissions, dans le cadre de programmes de développement, assurer le maintien dans leur pays des personnes qui relèvent de l’immigration économique.

Il faut démanteler les filières de passeurs. En 2014, la France a démantelé 226 filières de plus qu’en 2013. Nous devons renforcer la coopération entre les services de police et les services de renseignement au sein de l’Union européenne.

Telle est la feuille de route de la France ; nous contribuons à faire en sorte qu’elle soit celle de l’Europe !

Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

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Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Le 11 mai prochain, le Président de la République se rendra en visite officielle à Cuba.

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C’est la première fois qu’un chef d’État français se rend sur l’île, dans un contexte inédit : en effet, les relations entre les États-Unis et Cuba sont en voie de normalisation depuis que Barack Obama et Raúl Castro, dans deux discours concomitants, le 17 décembre dernier, ont annoncé un rapprochement historique entre leurs deux pays, dont les relations diplomatiques étaient rompues depuis 1961.

Les déplacements présidentiels successifs, le troisième à ce jour sur le continent, ont permis de renouer un dialogue apaisé avec des partenaires latino-américains, avec qui la relation s’était dégradée.

Notre pays dispose d’un réseau culturel d’une grande densité sur le continent sud-américain, avec notamment les plus importantes Alliances françaises du monde et un réseau éducatif dont l’excellence est reconnue, même s’il a traversé récemment quelques crises. Quant à notre réseau diplomatique, malgré la priorité affichée, il subit des fermetures de postes consulaires et des réductions de personnel.

L’éducation et la culture sont les deux piliers de notre présence sur un continent qui considère, depuis les Lumières et la révolution de 1789, que la voix de la France compte et qui a gardé en mémoire le voyage triomphal du général de Gaulle en 1964.

Au-delà des relations commerciales, qui sont le coeur de la diplomatie économique depuis bientôt trois ans, pouvez-vous nous dire, en ce qui concerne Cuba, quelle est la position du gouvernement français face à ce que l’on appelle la position commune de l’Europe et qui conditionne toute coopération à des avancées en matière de libertés, de droits civiques et de réformes politiques ? Ce texte est toujours en vigueur et son abrogation ne peut être décidée qu’à l’unanimité.

Plus largement, s’agissant des droits de l’homme, la France est attendue sur un continent qui, dans un contexte de progrès et d’améliorations, connaît encore de graves difficultés. C’est le cas au Mexique, avec 25 000 disparitions forcées depuis vingt ans et le massacre de 43 élèves enseignants de l’école normale d’Ayotzinapa en septembre dernier, ou encore au Guatemala, où la justice tente de mener à bien un procès pour génocide contre d’anciens dirigeants.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Monsieur le député, vous m’interrogez sur la diplomatie de la France en Amérique latine. C’est un continent que vous connaissez bien, en raison de votre parcours et parce que vous représentez ici, à l’Assemblée nationale, les Français établis dans cette partie du monde.

Vous avez raison d’insister sur le caractère global de la diplomatie française mise en oeuvre par le Gouvernement, sous l’autorité du Président de la République et du ministre des affaires étrangères. Elle passe par les déplacements que vous avez cités, auxquels s’ajoutent les prochains déplacements du Premier ministre dans cette région où vous êtes souvent présent.

La diplomatie s’exerce bien sûr dans le champ culturel, et ce sera le cas lors du déplacement du Président de la République à Cuba la semaine prochaine, avec l’inauguration de l’Alliance française, située dans un lieu magnifique et entièrement rénovée par Cuba, des rencontres avec les personnalités de la culture cubaine, et l’ensemble des projets qui concrétisent la présence française à Cuba, notamment le Festival international du film français de La Havane.

Ce message vaut pour l’ensemble de l’Amérique latine, dont vous connaissez le prestige dans notre pays, comme vous connaissez le prestige de la France dans le monde des idées et le monde intellectuel de ce continent.

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C’est pourquoi il faut faire attention avec la réforme du collège !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

La diplomatie économique est aussi une réalité récente, comme le montre notamment la signature du contrat de vente d’une centaine d’Airbus avec la Colombie pour un montant de 10 milliards d’euros. C’est un succès que nous devons à la diplomatie économique de la France.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Le message porte aussi sur les droits de l’homme, comme l’a montré récemment le Président de la République en Arabie Saoudite en rappelant notre attachement à la lutte contre la peine de mort. Et, puisque le latin est à la mode, je dirai que ce message urbi et orbi,

Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

est bien celui de la diplomatie française.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.

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La parole est à M. Gérald Darmanin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Hier, à Tourcoing, la ville dont j’ai l’honneur d’être maire, nous avons constaté, avec la police nationale, des faits extrêmement graves : huit impacts de balles ont été découverts sur un édifice religieux catholique, l’église Saint-Thomas, située dans le quartier de la Bourgogne.

À Tourcoing, l’émoi est intense, chez les catholiques bien sûr, à qui j’adresse une nouvelle fois ma complète et totale solidarité, et plus généralement, vous vous en doutez, pour tous les habitants de ma ville.

Fort heureusement, personne n’a été touché par ces tirs. Mais s’attaquer aux édifices religieux ne peut rester impuni. Ces actes, monsieur le Premier ministre, ne peuvent être ni tus, ni tolérés, ni acceptés.

En tant que maire de Tourcoing, et j’associe à mon propos mon ami et collègue Bernard Gérard, également député de Tourcoing, j’ai pris mes responsabilités en décidant d’installer des caméras de vidéoprotection autour de l’ensemble des lieux de culte de ma commune…

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…et en demandant à la police municipale d’assurer, autant que faire se peut, la sécurité des bâtiments, des offices et des croyants.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Je souhaite, monsieur le Premier ministre – et je remercie M. le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais de ses propos rassurants et de son travail –, que l’État, à son tour, assure autour des lieux de culte, particulièrement dans ma commune, après cette attaque inqualifiable contre une église, la légitime protection à laquelle aspirent les croyants, et plus généralement les citoyens.

Je souhaite que vous donniez des instructions extrêmement claires aux services de l’État pour que soient retrouvés les auteurs de ces tirs et que l’enquête soit menée à son terme afin que ces actes lâches, qui touchent les fondements de notre vie en République, ne se reproduisent pas et ne restent pas impunis.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, vous posez une question extrêmement grave. Je comprends l’émotion des habitants de votre ville, et elle appelle une réponse très précise.

Tout d’abord, dans notre République, la laïcité, c’est-à-dire la possibilité de croire ou de ne pas croire, et, dès lors que l’on croit, de pratique son culte en toute sécurité, est une garantie républicaine que nous devons à chaque citoyen.

C’est la raison pour laquelle j’ai donné des instructions aux préfets de département pour qu’ils portent plainte systématiquement, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, lorsque des actes appelant à la haine ou remettant en cause les principes fondamentaux de la République sont accomplis sur le territoire.

Vous demandez que soient adressées des instructions appelant à la plus grande fermeté lorsque se produisent des contraventions aux règles fondamentales de la République. Ces instructions ont été données il y a de nombreuses semaines et elles s’appliquent d’ores et déjà sur l’ensemble du territoire national. Il s’agit de permettre à la justice de déclencher l’action publique pour que les auteurs de ces actes soient rattrapés par la République et que le droit soit appliqué.

Je voudrais insister par ailleurs sur la nécessité, dans un contexte où les actes d’irrespect à l’encontre des religions et des lieux de culte se multiplient, d’allouer des moyens de protection suffisants.

Je veux ici, devant la représentation nationale, rendre hommage aux 15 000 policiers, gendarmes et militaires qui assurent la protection de tous les lieux de culte en France, d’un certain nombre d’écoles et d’institutions particulièrement vulnérables.

Applaudissements sur tous les bancs.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je veux leur rendre hommage parce qu’ils assument ce service public au nom des valeurs de la République, en s’exposant jusqu’à mettre leur vie en péril.

Enfin, après les événements survenus à Villejuif, j’ai reçu les représentants de l’église catholique et, ensemble, nous sommes convenus que des instructions seraient données aux préfets pour qu’ils définissent avec les représentants de l’Église les dispositifs qui doivent être mis en place localement pour assurer la protection des lieux de culte. Ces instructions sont entrées en application. Je veillerai scrupuleusement, avec les préfets, à ce qu’elles soient respectées.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, sur plusieurs bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme Françoise Imbert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Le Président de la République a annoncé la création d’une prime d’activité qui concernera 5,6 millions de Français dont plus d’un million de jeunes. Cette avancée majeure remplace, simplifie et améliore deux dispositifs existants, la prime pour l’emploi et le RSA activité. Elle constitue un complément de revenu important pour tous les travailleurs gagnant moins de 1 400 euros par mois. Actuellement, 5 000 jeunes seulement bénéficient du RSA activité en raison de conditions d’accès très restrictives. Nous allons réformer complètement le dispositif car il faut se tourner plus particulièrement vers le public des 18-25 ans. Ils ont des difficultés à s’insérer professionnellement et sont le moteur de notre économie. Désormais, les jeunes salariés bénéficieront dès l’âge de dix-huit ans et dès le premier euro de salaire des mêmes aides que celles versées aux autres actifs.

Par ailleurs, la prime d’activité ne concerne pas uniquement les jeunes mais tous les actifs dont le salaire est proche du SMIC. Elle constitue un revenu complémentaire particulièrement important, notamment pour ceux travaillant à temps partiel ou dans le cadre de contrats courts ou vivant seuls avec des enfants à charge. Les Français qui ont des fins de mois difficiles attendent cet accompagnement. La prime d’activité s’élèvera à 132 euros par mois pour une personne seule soit 67 euros de plus que le RSA activité. Nous menons notre combat pour l’emploi auprès des entreprises mais aussi auprès des salariés. Le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi est actuellement examiné en commission. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, comment le Gouvernement entend faire vivre cette avancée attendue par plus de cinq millions de travailleurs ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

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Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Madame la députée, la prime d’activité est une innovation importante qui sera débattue dans cet hémicycle avant la fin de ce mois. En quoi consiste-t-elle, concrètement ? Il s’agit de donner du pouvoir d’achat supplémentaire aux Français qui retrouvent une activité, parfois à temps partiel, ou qui prennent des heures de travail en plus et restent avec un travail précaire, en tout cas avec de petits revenus. Il s’agit aussi de donner du pouvoir d’achat supplémentaire aux Français ayant le sentiment qu’ils n’ont droit à rien car ils gagnent trop pour bénéficier des aides sociales mais pas assez pour bénéficier des baisses d’impôt à venir. C’est à eux que s’adresse la prime d’activité qui représentera un complément de pouvoir d’achat de l’ordre de 67 euros pour un célibataire dont le revenu est compris entre 900 et 1 200 euros.

Cette prime s’adresse à tous ceux qui travaillent, indépendamment de leur âge, contrairement aux dispositifs existant jusqu’à présent. Il n’y a aucune raison d’introduire une discrimination en fonction de l’âge. Un jeune de dix-huit à vingt-cinq ans qui travaille doit avoir droit aux mêmes soutiens et aux mêmes compléments de pouvoir d’achat que ses aînés. C’est pourquoi la prime d’activité s’adressera dans les mêmes conditions à tous ceux qui travaillent, à partir de dix-huit ans, ainsi qu’aux étudiants et aux apprentis, dans des conditions précises, comme l’a souhaité le Président de la République. La prime d’activité montre avec force la volonté du Gouvernement de s’adresser à celles et ceux qui travaillent quotidiennement, que leur emploi soit précaire ou à temps complet au SMIC.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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J’associe à ma question notre collègue Alain Marsaud. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires étrangères, l’Orient est compliqué, comme le rappelait le général de Gaulle, et nous ne le savons malheureusement que trop, aujourd’hui. Nous assistons même dans cette région à une véritable partie de poker menteur, tant il est vrai que de très nombreux États de la région y jouent parfois un double jeu tout en affichant leur détermination à lutter contre le terrorisme islamique. De nombreux députés siégeant sur tous les bancs – je dis bien sur tous les bancs –, sont en désaccord avec votre analyse du régime de Damas, mais ce n’est pas sur ce point que porte ma question.

Elle porte sur la situation des minorités à Alep, et notamment des chrétiens, qui ont fait l’objet ces derniers jours de bombardements systématiques de la part de l’État islamique et d’Al-Nosra. Monsieur le Premier ministre, vous avez justement déclaré le 24 avril 2015 lors de la commémoration du centenaire du génocide arménien que les chrétiens d’Orient sont « en voie d’être éradiqués », ajoutant que « la France est toujours du côté des victimes » et que « les victimes aujourd’hui ce sont aussi les chrétiens d’Orient ». Les chrétiens d’Alep sont en grand danger et il y a urgence ! L’un de nos collègues a même parlé d’un véritable génocide !

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.

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Quelles initiatives comptez-vous prendre pour sauver les chrétiens d’Alep, monsieur le Premier ministre ?

Mêmes mouvements.

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La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Vous vous souvenez, monsieur le député, que j’ai moi-même alerté voici plusieurs semaines non seulement cette assemblée mais la communauté internationale sur la situation extrêmement grave des habitants d’Alep. La France a pour sa part déployé tous les efforts visant à saisir les différentes parties et singulièrement le Conseil de sécurité des Nations unies. La réalité vient encore d’être confirmée par le rapport d’Amnesty International paru hier, selon lequel la situation est abominable. Je n’en impute pas la responsabilité à un seul côté mais dans le rapport d’Amnesty International, il est dit précisément que le régime, qui est le seul à détenir des avions, est coupable de crimes contre l’humanité – je dis bien de crimes contre l’humanité –, consistant à lancer des barils d’explosifs sur les habitants.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Et en même temps, de l’autre côté, il y a les égorgeurs de Daech. Pour nous, la solution n’est ni d’un côté ni de l’autre, c’est l’avers et le revers d’une même médaille. On ne peut pas choisir entre l’horreur et l’horreur. La seule solution est donc la solution politique, que nous cherchons avec les pays arabes, les pays de l’entourage, et avec les Russes également, comme vous le savez, monsieur le député, car nous avons souvent eu l’occasion d’en parler. J’ai moi-même présidé une séance du Conseil de sécurité consacrée aux chrétiens d’Orient et nombreux sont ceux et celles ici qui savent que la France est à l’avant-garde des efforts à déployer. Mais je m’associe volontiers à l’appel d’urgence que vous lancez.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Chaque jour qui passe voit de nouveaux chrétiens et de nouvelles minorités tomber, ce qui, du point de vue humain – laissons la politique de côté un instant –, est absolument inacceptable. Chaque fois qu’il s’agira de défendre la cause des minorités et de la réalité humaine, nous serons au premier rang et ce combat, monsieur Myard, est un combat juste !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Ce week-end, 5 800 migrants ont été secourus en Méditerranée. Ce drame fait suite aux 800 morts du 19 avril entre les côtes libyennes et l’Italie. Depuis le 1erjanvier, plus de 1 600 migrants sont morts ou ont disparu en tentant de rejoindre l’Europe, et l’année 2014 a vu la mort de 3 279 personnes, transformant la Méditerranée en cimetière.

L’Italie a interpellé les pays membres de l’Union européenne, leur enjoignant de se saisir enfin de la question migratoire.

Les pays du sud de l’Europe, l’Italie et la Grèce en particulier, sont en effet confrontés à une situation ingérable, sur fond de disparités de plus en plus marquées en matière d’accueil.

Cette situation inhumaine soulève un paradoxe, car si l’Union européenne peine à s’inscrire dans une logique de coopération et de solidarité, elle ne se prive pas, dans le même temps, de faire la leçon à ces mêmes pays pour imposer des politiques d’austérité aux effets économiques et sociaux dévastateurs, faisant fi de la solidarité humanitaire élémentaire.

La dette est pourtant mythifiée, brandie dès lors qu’il s’agit de mener une politique de justice sociale, humaine et créatrice de richesses pour le plus grand nombre.

Cette situation n’est plus acceptable.

Nous avons déposé une proposition de résolution européenne qui viendra en discussion demain. Elle vise à faire la lumière sur les causes de l’endettement, à soulever les enjeux de la restructuration des dettes publiques et des modes de financement de l’action publique pour s’affranchir de la tutelle des marchés.

Pour donner un nouveau souffle au projet social européen, il est indispensable de privilégier la coopération par rapport à la concurrence, la solidarité par rapport aux égoïsmes et la fraternité par rapport à la haine.

Ma question est simple : le Gouvernement est-il prêt, en ce sens, à soutenir notre proposition de résolution ?

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur le député, partant d’un sujet extrêmement douloureux, qui rend nécessaire une solidarité profonde, plus grande encore qu’aujourd’hui, la question des migrants, que le ministre de l’intérieur a abordée précédemment, vous avez posé une bonne question : quel est le degré de solidarité nécessaire entre les pays de l’Europe, et tout particulièrement ceux qui partagent la même monnaie ? Si nous avons la même monnaie, nous devons aussi mettre en oeuvre des solidarités profondes pour faire en sorte que nos économies se développent et recherchent la croissance – car c’est une croissance supplémentaire dans chacun de nos pays, dans des conditions différentes, qui sera la source de ce que nos peuples demandent : de l’activité, de l’emploi, de la rémunération et du bien-être.

Il ne vous aura pas échappé que cette solidarité a existé au cours des dernières années, et qu’elle continue à exister aujourd’hui. Lorsque l’Irlande s’est trouvée en grande difficulté, la solidarité européenne a été présente, et l’Irlande a surmonté ses difficultés. Lorsque le Portugal a été en grande difficulté, la solidarité européenne a été présente, et le Portugal est en train de surmonter ses difficultés – même si cela ne gomme pas tous les problèmes et toutes les souffrances des peuples concernés. Je pourrais dire la même chose de l’Espagne et de la Grèce.

Oui, monsieur le député, travailler à comprendre pourquoi une dette publique – celle des États – s’est accumulée et réfléchir au moyen de faire en sorte que ces pays en surmontent le poids est toujours utile, et même nécessaire. Ce n’est pas un débat idéologique, mais un débat très pratique et pragmatique. Le meilleur moyen de ne pas se retrouver dépendant de la dette publique est de ne pas en créer de nouvelle. C’est d’ailleurs ce que nous entendons faire en France.

S’agissant de la Grèce, la position de la France, vous le savez, est la suivante : nous voulons respecter le peuple grec ; nous voulons exercer la solidarité européenne, dans le respect de la solidarité et des règles européennes.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

La Commission européenne nous a prédit une croissance de 1,1 % pour 2015, soit un peu plus de 0,10 % de mieux que prévu.

Par les temps qui courent, vous semblez vous en satisfaire. Mais la réalité est tout autre et la tendance n’est pas à l’embellie. La Commission précise d’ailleurs que l’Allemagne fera beaucoup mieux, avec 1,9 %, comme le Royaume-Uni, avec 2,6 %, la moyenne des pays de la zone euro se situant à 1,5 %.

Nous sommes donc encore les derniers de la classe. Pire : les prévisions de l’Union européenne révèlent que nos investissements vont encore baisser de 0,6 % cette année, quand ils progressent de 2,6 % en moyenne pour les pays de l’Union. Le solde de la balance courante sera également dans le rouge, à hauteur de 0,9 %. Nous sommes donc encore inquiets.

Monsieur le Premier ministre, c’est aujourd’hui le troisième anniversaire de François Hollande à l’Elysée – les trois ans du « Moi, président, je réduirai le chômage », les trois ans de la promesse du redressement des comptes.

Si tous les autres pays vont mieux que le nôtre, c’est parce que vous avez réussi l’exploit d’asphyxier l’économie et le pouvoir d’achat des ménages par une augmentation massive des impôts et, hélas, la multiplication des contraintes.

La situation ne peut pourtant, vous le dites vous-même, être plus favorable : les taux d’intérêt sont bas, le prix du pétrole a baissé de moitié et la planche à billets de la Banque centrale européenne fonctionne à tout-va. Malgré cela, en France, la croissance est deux fois plus faible qu’ailleurs et nous continuons, mois après mois, à créer du chômage.

Monsieur le Premier ministre, l’un des vôtres a dit récemment que si les courbes ne se transformaient pas en courbatures, le ciel vous serait promis en 2017. Je crains que ce ne soit le purgatoire pour les Françaises et les Français.

Vous le savez, Bruxelles voudrait des réformes, notamment sur l’UNEDIC, et une véritable ardeur dans la réforme du marché du travail. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin engager les mesures nécessaires, et ne plus nous bercer d’illusions ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur le député, il me semble que nous pouvons convenir ensemble, sans polémique et sans hausser le ton, que la France n’était pas véritablement en très bon état en mai 2012, il y a trois ans.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Maintenant, elle est en très mauvais état !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Sans hausser le ton, sans avoir à crier, chacun peut constater – les Français l’ont d’ailleurs constaté et en ont tiré les conclusions en changeant de majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – que la France avait alors une croissance égale à zéro et qu’elle n’avait pas retrouvé, loin de là, le niveau de richesse qui était le sien avant 2007.

Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Tout le monde sait bien que le chômage avait explosé, que le niveau du déficit était très élevé.

Plusieurs députés du groupe UMP entonnent : « Joyeux anniversaire ».

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Je le rappelle non pour provoquer des cris qui ne servent à rien dans le débat public, mais simplement pour que nous convenions ensemble, comme le savent les Français, que nous sommes partis d’une France en mauvais état. Et c’est à partir de cette France en mauvais état que nous avons d’abord mené des politiques de redressement de notre économie. Mais l’économie ne se redresse pas en un jour. Lorsqu’une industrie est en aussi mauvais état, lorsque le tissu économique est si abîmé…

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

…lorsque la société elle-même est si profondément meurtrie, il faut du temps pour que les politiques portent leurs fruits.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur le député, vous pourriez aussi convenir avec nous, en regardant très simplement les chiffres, que la croissance est aujourd’hui plus forte que sur chacune des années précédentes…

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

…que la croissance de 1 % que nous prévoyons aujourd’hui est regardée par tous comme étant un plancher, et que nous voulons nous fonder sur ce plancher pour avoir encore davantage de croissance.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Vous pourriez regarder le chiffre de ce matin : l’investissement des entreprises en France est en train de reprendre ; et derrière l’investissement, il y a la création d’emplois. Oui, la France se redresse.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Elle se redresse dans la difficulté, elle se redresse en partant de loin, mais elle se redresse, et les fruits sont là !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe UMP

Applaudissements nourris !

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La parole est à M. Philippe Kemel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le Gouvernement a fait de la jeunesse une de ses priorités et de la lutte contre le chômage des jeunes un des axes de sa politique de l’emploi.

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Réforme de la formation professionnelle, emplois d’avenir, emplois aidés, contrats de génération sont autant de dispositifs qui accompagnent chaque jeune vers l’emploi. Comme cela vient d’être rappelé par Mme la ministre des affaires sociales, la réforme du RSA activité et de la prime pour l’emploi, qui s’intitulera « prime d’activité », sera une mesure importante à la disposition des jeunes et renforcera notablement les possibilités de mieux les rémunérer dès l’âge de dix-huit ans.

Ma question concerne principalement l’apprentissage, clef de voûte de notre système de formation, qui est diplômant et qualifiant pour l’emploi. Avec près de 70 % des apprentis qui trouvent un emploi durable à la fin de leur formation, l’apprentissage est un des chemins les plus sûrs pour le trouver.

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Le nombre d’apprentis a connu une baisse record !

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Développé, géré par les régions, dont c’est la compétence, en lien avec les forces économiques et sociales des territoires – chambres des métiers, chambres de commerce et d’industrie, instituts de formations, centres de formation d’apprentis –, il permet de répondre aux demandes des entreprises du territoire.

Mais ce système, justement parce qu’il est lié aux entreprises, dépend directement de leur capacité à employer. La crise économique explique la stagnation de ce dispositif : en 2014, 426 000 jeunes étaient en formation par l’apprentissage ; ils sont aujourd’hui 450 000. Vous vous êtes fixé l’objectif ambitieux d’atteindre 500 000 apprentis d’ici 2017. Déjà, une prime de 1 000 euros est octroyée pour tout apprenti supplémentaire dans les entreprises de moins de 250 salariés, et de 2 000 euros dans les très petites entreprises. Vous souhaitez…

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Merci, monsieur Kemel.

La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Et du chômage !

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, vous avez eu raison de rappeler tous les dispositifs que le Gouvernement a mis en place pour lutter contre le chômage des jeunes. Grâce à ces dispositifs, notamment aux 190 000 emplois d’avenir qui ont pu être signés, nous avons ainsi contenu l’évolution du chômage des jeunes. Je dirais même que, depuis le 1er janvier 2013, ce chômage a légèrement reculé.

Mais il y a un fait inquiétant, que vous soulignez : depuis près de deux décennies, les très petites entreprises embauchent de moins en moins d’apprentis. Nous sommes passés d’un pourcentage d’à peu près 70 % à 55 %. Par ailleurs, nous le savons, l’apprentissage est d’autant plus efficace qu’il s’adresse aux jeunes se trouvant au niveau 5 de formation.

Il était nécessaire de réagir. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé récemment que, pour relancer l’apprentissage dans les très petites entreprises, qui comptent moins de onze salariés, le coût de l’apprenti – salaires et cotisations – serait pris en charge en totalité par l’État. C’est ainsi qu’à partir du 1er juillet, chaque apprenti qui sera embauché par une petite ou une moyenne entreprise de moins de onze salariés verra, chaque trimestre, le salaire et les charges de l’apprenti remboursés intégralement par l’État. L’opération sera simple. Un apprenti représente environ 370 euros, charges et cotisations comprises. Le chef d’entreprise qui embauchera un apprenti se verra rembourser 1 100 euros chaque trimestre. C’est une mesure qui a été applaudie unanimement, notamment dans le secteur du bâtiment et des entreprises. Nous espérons ainsi montrer, tous ensemble, que l’apprentissage est une voie d’excellence pour nos jeunes.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Madame la garde des sceaux, les élections départementales ont été émaillées de nombreux dérapages verbaux et d’outrances relayés par les réseaux sociaux.

Le Front national, qui n’a rien renié de son passé, encourage ces comportements abjects en dressant les Français les uns contre les autres par des discours de haine et d’exclusion.

Le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie, la peur et le mensonge sont les ressorts de ce parti antidémocratique qui n’a qu’un objectif : étouffer la République et ses valeurs.

La pathétique affaire familiale qui agite le Front national illustre l’institutionnalisation quasi-nulle d’un mouvement politique qui se prétend être un parti, ce qui est bien pratique pour profiter du financement public et concocter des montages financiers suspects.

Entièrement articulée autour du père et, maintenant, de la fille, cette organisation, par son caractère autoritaire et peu démocratique, prétend pourtant aux plus hautes destinées et aux fonctions politiques avec un programme dangereux pour la France.

Le FN est-il vraiment un parti politique, ou n’est-ce qu’une secte familiale qui compte de plus en plus d’élus, dont certains ont des pratiques plus que douteuses, voire répréhensibles ?

Non, le FN n’a pas changé et Mme fille a beau repeindre la façade, le fonds de commerce est le même.

Le FN peut clamer que tout cela n’est qu’un détail mais qui peut croire encore qu’il s’agit d’épiphénomènes, surtout après les épisodes récents du fichage des enfants et de l’agression de journalistes ?

Ces comportements indignes sont insupportables pour les démocrates que nous sommes. C’est pourquoi je vous demande si, au-delà des poursuites engagées sur le plan pénal, des dispositions législatives nouvelles pourraient être envisagées pour prononcer des peines d’inéligibilité lorsqu’il s’agit d’élus ou de candidats à une élection ?

Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et GDR.

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La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le député, vous avez raison : nous devons régulièrement interroger la pertinence et l’efficacité de notre arsenal pénal, en particulier lorsque notre société est confrontée à l’ordinaire de la haine, de l’incitation à la haine et, disons-le clairement, à cette vulgarité dans la rupture du pacte républicain. Je dois vous dire que la loi pénale répond à votre préoccupation, parce que, si les injures et diffamations racistes ne peuvent donner lieu à un prononcé de peines d’inéligibilité, en revanche, la provocation à la haine, à la violence, à la discrimination, est punie d’un an d’emprisonnement, de 45 000 euros d’amende et d’une peine d’inéligibilité durant cinq années. Ce sont ces infractions qui sont généralement commises lors des campagnes électorales, ou entre ces dernières, à l’occasion d’invectives et de discours incitant à la haine. Nous devons donc faire en sorte que ces infractions de parole tombent sous le coup de la loi pénale.

Cependant, je dois vous dire que nous voulons aussi livrer la bataille politique, parce qu’il est essentiel de livrer la bataille sur ce terrain. Il ne faut pas leur laisser le champ libre sur le terrain des valeurs républicaines, qu’ils dénaturent et défigurent.

Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Il est vrai que les masques commencent à tomber, mais nous ne devons pas spéculer sur la faiblesse de ceux qui polluent le débat public et lacèrent le lien social. Nous devons compter sur nos propres forces, la force de nos convictions, la force de nos arguments, la force de notre action publique et l’énergie des militants du progrès. C’est ce que nous faisons depuis trois ans. Nous allons continuer à oeuvrer pour l’égalité sociale et pour la justice. Nous n’avons pas renoncé à réduire l’emprise de ceux qui prospèrent sur la pauvreté, la misère, l’angoisse, l’inquiétude. Nous allons livrer bataille et leur tenir la dragée haute, parce que les dépositaires des valeurs de la République, c’est nous.

Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et GDR.

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La parole est à M. Olivier Audibert Troin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le Premier ministre, « la France est en guerre », « la France fait face à de lourdes menaces ». Nous avons tous ici partagé vos propos au lendemain des attentats, mais nous n’avions pas attendu le mois de janvier pour donner l’alerte, semaine après semaine, sur des insuffisances budgétaires qui ne permettaient pas à nos armées d’assurer la sécurité des Français dans de bonnes conditions.

Pour la quatrième fois, le Président de la République a dû réaffirmer face à Bercy la sanctuarisation du budget de la défense pour 2015 à 31,4 milliards d’euros. Une rallonge de 3,8 milliards d’euros sur la période 2016-2019 a été décidée. Cependant, comme nous l’avions annoncé ici même au sujet de l’insoutenabilité financière de la loi de programmation militaire en 2013, le compte n’y est pas, monsieur le Premier ministre, et nous vous le disons avec beaucoup de solennité.

Le compte n’y est pas, parce qu’à la fin de l’année 2014, le budget des armées affichait un report de charges de 3 milliards d’euros ; parce que les OPEX budgétées à 450 millions d’euros par an ont un coût réel de l’ordre de 1,2 milliard d’euros ; parce que le surcoût de l’opération Sentinelle, pérennisée, est de l’ordre de 300 millions d’euros par an ; parce que 18 500 postes supplémentaires, nécessaires, pèseront pour 700 millions d’euros par an sur ce budget ; parce que la remise en condition opérationnelle des matériels est très largement sous-évaluée du fait de nos engagements à l’extérieur.

Ni la baisse du coût du pétrole, ni l’inflation quasiment négative, ni même la vente de nos Rafale, que nous saluons, ne nous permettront d’équilibrer le budget de nos armées, même si une partie – 2,5 milliards d’euros – de la rallonge de 3,8 milliards est léguée à ceux qui vous succéderont après 2017.

L’équation budgétaire est difficile, nous en convenons. Mais être en responsabilité, c’est prioriser ses choix. La sécurité des Français, la défense des intérêts stratégiques de notre pays, la lutte contre le terrorisme sont nos priorités. Nous ne doutons pas que vous les partagez. Allez-vous toutefois, monsieur le Premier ministre, donner les moyens nécessaires à nos armées ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’état chargé des anciens combattants et de la mémoire

Monsieur le député, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence du ministre de la défense, qui se trouve actuellement en Inde dans le cadre de la finalisation du contrat de vente de Rafale, que vous avez évoqué dans votre question.

Le Président de la République a fait connaître, à l’issue du conseil de défense qu’il a présidé, ses décisions s’agissant de l’actualisation de la loi de programmation militaire votée à la fin de l’année 2013. Il a ainsi fait le choix de réduire la trajectoire de déflation des effectifs et d’accroître la dépense de défense pour répondre à l’évolution des enjeux internationaux et au besoin de sécurisation du territoire national.

Vous l’avez dit, la déflation prévue des effectifs du ministère de la défense est réduite de 18 500 et son rythme est adapté sur la période 2016-2019. Cette décision permettra de garantir la disponibilité permanente de 10 000 militaires pour la protection du territoire national.

Concernant le budget de la défense, le Président de la République a affecté des ressources supplémentaires à l’entretien des équipements, au renforcement des capacités opérationnelles, au premier rang desquelles l’opération Sentinelle, ainsi qu’au renseignement et à la cyberdéfense.

Pour l’année 2015, le chef de l’État a réaffirmé la sanctuarisation du budget de la défense à hauteur de 31,4 milliards d’euros. Près de 2,2 milliards d’euros de crédits budgétaires seront ouverts par la prochaine loi de finances rectificative. Ils viendront ainsi pallier l’absence en 2015 du produit de la cession des fréquences de 700 mégahertz.

Sur la période 2016-2019, 3,8 milliards d’euros viendront abonder la trajectoire financière initiale de la loi de programmation militaire.

Enfin, le Président de la République a précisé que le projet de loi sera examiné…

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La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s’adresse à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

Notre pays a été récemment confronté à une page effroyable de son histoire contemporaine, touché au coeur même de sa culture et de sa diversité. Des hommes et des femmes sont morts. Avec les attentats de janvier, après les dégradations de sépultures et même d’édifices religieux, chacun peut mesurer la fragilité de ce qu’est notre République, celle que nous avions tendance à considérer et à penser comme immuable.

En effet, l’érosion du sens, la fragilité d’un vivre ensemble qu’il faut en permanence réinventer nous obligent à imaginer des solutions nouvelles, concrètes et factuelles pour faire nation.

Dans ce contexte, le développement de repères communs à tous, de repères susceptibles de créer le sentiment d’appartenance nécessaire à ce qui est notre communauté de destin est absolument indispensable.

Monsieur le ministre, très tôt au cours de son quinquennat, le Président de la République, François Hollande, a fait le choix de déployer le service civique dans toutes ses dimensions. Symbole d’un engagement républicain désintéressé et généreux, le service civique va progressivement devenir universel pour que tout jeune volontaire puisse s’engager. Garçons ou filles, issues des villes, des campagnes, des banlieues, de tous les milieux et de toutes les origines, les jeunes générations doivent avoir la chance de se rencontrer, de se redécouvrir pour ne pas se craindre mutuellement et pour construire et partager des combats et des valeurs.

Dans notre société gagnée par la segmentation, l’individualisme et la tentation du repli, le hasard et la nécessité ne doivent pas, ne peuvent pas être les seuls vecteurs de rassemblement. Nous avons, ils ont des valeurs à partager.

Monsieur le ministre, dès 2016, 150 000 jeunes rejoindront les rangs des associations et des collectivités publiques prêtes à les accueillir pour un service civique. De toute évidence, c’est un des grands chantiers de ce quinquennat. Pouvez-vous nous dire comment sa montée en puissance est et sera organisée par le Gouvernement ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Madame la députée, dans une France qui se redresse, dans une France qui lutte contre les inégalités, dans une France qui prépare l’avenir, le développement du service civique fait partie des rares politiques publiques…

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

… faisant l’objet d’un large consensus, et je m’en félicite.

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C’est nous qui l’avons inventé, le service civique !

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Les jeunes ne sont pas tous égaux pour se former tout au long de leur parcours, pour accéder à l’emploi ou développer leurs projets selon leurs aspirations. C’est la raison d’être de la garantie jeunes, des écoles de la deuxième chance, des EPIDE, les établissements publics d’insertion de la défense, et du service militaire volontaire en métropole, dont le Président de la République a annoncé l’expérimentation prochaine.

Nous voulons aussi que la jeunesse trouve son autonomie dans les villes, dans les villages. Nous voulons aider cette jeunesse ambitieuse et permettre à tous ceux qui le souhaitent d’effectuer un service civique d’ici à la fin 2016, comme vous l’avez rappelé, madame la députée.

Ils étaient 35 000 en 2014, ils seront 70 000 fin 2015 et 150 000 fin 2016. Cet accroissement du nombre de volontaires traduit le volontarisme du Gouvernement en la matière. Il suppose également des moyens et des choix. Les moyens, ce sont 73 millions d’euros qui viennent abonder le budget alloué au service volontaire dès 2015. Les choix sont de préserver la qualité des missions tant en termes de durée que de contenu.

Nous voulons donc solliciter l’ensemble des acteurs, et pas seulement le secteur associatif, ainsi que l’ensemble des partenaires publics au travers des fonctions publiques de l’État, hospitalière et territoriale. Près de 15 000 missions de service civique seront créées par exemple dans le champ de l’écologie, et nous avons également des projets à l’international.

Ce gouvernement aura donc fait passer le service civique du stade expérimental à celui d’une politique universelle, et je m’en félicite.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Damien Meslot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense.

Le ministère de la défense vient d’annoncer le remplacement d’une première tranche de mille véhicules de l’armée, qui étaient jusque-là des P4 Peugeot fabriqués à Sochaux, par des 4x4 de marque américaine.

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Beaucoup de nos concitoyens ne comprennent pas ce choix, qui donne l’impression que l’on préfère une marque étrangère à nos marques françaises. Écarter les constructeurs automobiles français au profit d’un véhicule américain en cette période de chômage ne semble pas opportun.

À côté du 4x4 américain, les deux autres modèles de véhicule proposés étaient d’origine française. Choisir l’un de ces deux modèles aurait représenté dans le nord de la Franche-Comté 20 000 heures de travail pour une vingtaine de salariés, sans compter l’investissement dans le développement pour répondre au cahier des charges de l’armée.

Dans le passé, les États-Unis n’ont pas hésité à annuler un contrat passé avec Airbus pour le remplacement de ravitailleurs de l’US Air Force, alors même que les avions d’Airbus correspondaient mieux aux attentes de l’armée de l’air américaine. La libre concurrence ne doit pas être à sens unique, monsieur le ministre !

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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L’armée française va remplacer, d’ici à 2021, 5 000 véhicules, ce qui représente un marché très important. Aussi, je souhaiterais savoir s’il est possible de revenir sur cette première tranche de 1 000 véhicules afin de favoriser les entreprises françaises, et, pour les 4 000 véhicules restants, je souhaite que le ministère de la défense privilégie les entreprises et donc les emplois français.

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Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, quelle est votre position ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’état chargé des anciens combattants et de la mémoire

L’achat auquel vous faites référence, monsieur le député, entre effectivement dans le cadre du remplacement du véhicule léger tout-terrain P4 de l’armée de terre, qui est entré en service il y a plus de trente ans.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’état chargé des anciens combattants et de la mémoire

Ce véhicule est de plus en plus difficile à entretenir en raison de sa vétusté et 600 véhicules sont retirés du service chaque année. Le coût d’entretien du parc devient prohibitif.

La loi de programmation militaire ne permet de livrer le successeur du P4 qu’en 2021 au mieux. Il s’agira de la réalisation du programme d’armement VLTP – véhicule de liaison de tactique polyvalent –, prévu pour 4 000 véhicules.

L’armée de terre a donc décidé d’acquérir un parc « tampon » de 1 000 véhicules pour la période transitoire. Il s’agit de véhicules tout-terrain non militarisés avec une plateforme de chargement d’une tonne.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’état chargé des anciens combattants et de la mémoire

Pour répondre à ce besoin urgent, elle s’est tournée vers l’acheteur public, l’UGAP – Union des groupements d’achat public. Trois véhicules tout-chemin ou tout-terrain figurent au catalogue de cet organisme : le Citroën Berlingo 4x4,…

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Vous ne pouviez pas passer un marché public ? C’est incroyable !

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’état chargé des anciens combattants et de la mémoire

…qui est construit en Espagne, le Dacia Duster du groupe Renault, qui est produit en Roumanie, et le Ford Ranger, qui est produit en Afrique du Sud.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’état chargé des anciens combattants et de la mémoire

Les coûts d’acquisition des trois modèles sont similaires. La décision a donc été prise sur des critères de fonctionnalité technique. Seul le Ford propose une charge utile satisfaisante, et ses performances tout-terrain sont meilleures.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’état chargé des anciens combattants et de la mémoire

En termes d’emploi local, les trois modèles sont tous produits à l’étranger, même s’il existe pour chacun une étape de transformation finale en France. Ford France a des implantations en Aquitaine notamment.

En résumé, cet achat de court terme pour une quantité réduite relève d’une problématique différente de celle du remplacement du P4 à long terme, qui reste ouverte. Le ministre de la défense ne peut qu’encourager les efforts de développement réalisés par le tissu industriel français…

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. Jean-René Marsac, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères. En tant que président du groupe d’amitié France-Burundi à l’Assemblée nationale, j’y associe l’ensemble des membres du groupe d’amitié.

Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation au Burundi depuis l’investiture du Président Pierre Nkurunziza comme candidat à l’élection présidentielle qui se déroulera le 26 juin prochain.

Le président a été élu en 2005 après la signature des accords d’Arusha, qui ont mis fin à dix ans de guerre civile et de conflit ethnique entre Tutsis et Hutus.

Ces accords et la Constitution limitent à deux le nombre de mandats présidentiels. L’opposition estime ainsi qu’un nouveau mandat du Président sortant, élu par le Parlement en 2005 et réélu au suffrage universel direct en 2010, serait contraire à la Constitution, ce que le camp du Président conteste.

La Cour constitutionnelle s’est prononcée hier et a validé la nouvelle candidature du Président. L’arrêt a été signé par six de ses sept juges de la Cour, un vice-président de cette Cour ayant quitté le pays en dénonçant des pressions exercées sur celle-ci.

Depuis plusieurs jours, les opposants à cette candidature manifestent dans les rues de Bujumbura. Ces manifestations ont donné lieu à de violents affrontements avec la police. Dix civils et quatre membres des forces de sécurité ont été tués.

Cette situation est très préoccupante. L’élection présidentielle et les élections législatives doivent être celles de la pluralité de la représentation nationale après le boycott du scrutin par l’opposition en 2010. Il serait dramatique que ce scrutin plonge à nouveau le pays dans le chaos.

Depuis le début de la contestation, plusieurs pays européens et africains ont appelé le chef de l’État sortant à ne pas se représenter. Les États-Unis et l’ONU ont exprimé leurs inquiétudes.

Pouvez-vous me dire la position du Gouvernement français ? Comment la communauté internationale peut-elle agir afin d’éviter l’escalade de la violence et faire revenir le calme et la sérénité au Burundi ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, secrétaire d’état chargée du développement et de la francophonie

Vous avez raison, monsieur le député, la situation sur le terrain est très préoccupante au Burundi. Des heurts quotidiens opposent forces de police et manifestants. On compte une dizaine de morts et plus de 30 000 personnes ont quitté le pays en quelques jours.

Comme vous l’avez indiqué, le parti au pouvoir a désigné à la fin du mois d’avril l’actuel chef de l’État comme candidat à un troisième mandat. Or il existe une divergence dans l’interprétation de l’accord d’Arusha, qui date de 2000, entre le parti présidentiel et la Cour constitutionnelle d’une part, l’opposition et la société civile d’autre part, quant à la possibilité d’accomplir un troisième mandat.

Face à cette situation, la communauté internationale ne reste pas passive. L’Union africaine appelle à la fin des violences, au désarmement et au respect de la décision de la Cour constitutionnelle. Une mission d’anciens chefs d’État africains est actuellement en cours. Les Nations unies et l’Union européenne tentent elles aussi de récréer du dialogue politique.

La France appuie ces messages d’apaisement et rappelle la nécessité d’élections transparentes et pacifiques. Car l’enjeu, monsieur le député, est bien de préserver la crédibilité du processus électoral, la démocratisation du pays et le modèle politique du Burundi. Il est important et indispensable de préserver les progrès accomplis par le pays depuis dix ans.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes RRDP et SRC.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.

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L’ordre du jour appelle le débat sur le projet économique et social européen de la France.

La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Nous entendrons d’abord les orateurs des groupes puis le Gouvernement, et procéderons ensuite à une séance de questions-réponses.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, mes chers collègues, l’organisation de nos travaux parlementaires fait que ce débat se tient trois ans, jour pour jour, après l’élection de François Hollande à la présidence de la République. C’est donc l’occasion, et vous ne m’en voudrez pas de la saisir, de mesurer le chemin parcouru ces trois dernières années en France et en Europe et les effets de la stratégie économique, sociale et financière que nous avons poursuivie depuis 2012, pour mieux tracer nos perspectives d’avenir.

Premier constat : oui, la France va mieux. Elle est plus forte, mieux armée et davantage déterminée qu’elle ne l’était en 2012, au terme du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Certes, notre pays ne va pas aussi bien que nous le souhaiterions. Il y a toujours trop d’inégalités, en raison de la persistance d’un chômage de masse important, qui fragmente la société et brise les individus. Un chômage de masse qui, depuis quarante ans – bientôt deux générations et plusieurs alternances politiques – a un impact sur la vie de trop de nos compatriotes. Un chômage de masse qui nourrit les inquiétudes et pèse sur la confiance de nos concitoyens, comme sur celle des acteurs économique. Ce chômage de masse et de longue durée ne date pas de 2012, comme veut le faire croire à l’envi l’opposition. Il vient de loin.

Si nous avons divisé par quatre le rythme de l’augmentation du nombre de chômeurs par rapport au quinquennat précédent et fait reculer le chômage des jeunes, nous ne pouvons nous en satisfaire : notre économie ne crée pas suffisamment d’emplois, faute de croissance suffisante.

Au-delà du million de chômeurs supplémentaires du quinquennat de Nicolas Sarkozy, c’est le résultat de la perte de compétitivité de l’économie française, notamment depuis 2002, de l’effondrement des taux de marge des entreprises, à partir de 2007, du recul de l’investissement privé et de l’absence de politique industrielle, qui a conduit à la disparition, entre 2002 et 2012, de plus de 700 000 emplois industriels.

Pour autant, la France va mieux en 2015 et sa situation devrait encore s’améliorer en 2016 et 2017. Nous devons le dire haut et fort, pour en finir avec le french bashing !

Alors que le déficit public avait atteint 7,2 % avec la droite, nous l’avons réduit de près de moitié. Nous avons fait mieux encore avec le déficit structurel, qui n’avait cessé de se dégrader depuis 2006. La progression de la dépense publique, qui était supérieure à 3 % entre 2002 et 2012, a été ramenée à moins de 1 % par an. Nous avons divisé presque par deux le déficit extérieur. Nous avons restauré le taux de marge des entreprises, qui devrait atteindre en juin son plus haut niveau depuis 2011 et se rapprocher de sa moyenne d’avant-crise, autour de 32 %. Quant au pouvoir d’achat, il a de nouveau progressé en 2014, de 1,3 %.

Les faits sont là, incontestables, même si ces premiers résultats sont encore insuffisants et si nos concitoyens n’en perçoivent pas pleinement les effets dans leur vie quotidienne, doutant peut-être de leur pérennité.

Deuxième constat : si la France va mieux, c’est parce que la situation économique s’améliore en Europe et en France, notamment grâce aux mesures difficiles que nous avons su prendre, contrairement à nos prédécesseurs, ainsi qu’à la réorientation des politiques européennes que la France a su impulser.

L’exécutif communautaire prévoit désormais pour 2015 une croissance du produit intérieur brut de 1,5 % dans la zone euro et de 1,8 % pour l’ensemble de l’Union, soit respectivement 0,2 et 0,1 point de plus que dans ses prévisions de février. Les économies européennes bénéficient d’une conjonction de facteurs favorables venant stimuler la reprise : maintien des prix du pétrole à des niveaux relativement bas, croissance mondiale soutenue, poursuite de la dépréciation de l’euro et politiques économiques opportunes dans l’Union européenne.

C’est notamment le résultat de la politique d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne, qui fait baisser les taux d’intérêt et améliore les conditions du crédit. C’est aussi le résultat du retour au caractère neutre – ni resserrement ni relâchement – des politiques budgétaires, après des années de politiques restrictives.

J’entends dire que la France n’y serait pour rien et que ces facteurs conjoncturels tomberaient du ciel ou viendraient d’ailleurs. La réalité est que nous avons pris toute notre part dans ces résultats. Dois-je rappeler que la France milite depuis 2012, au côté des sociaux-démocrates européens, pour un rééquilibrage de la politique européenne en faveur du soutien à la croissance et à l’emploi, que traduit le plan d’investissement – dit Juncker – de 300 milliards d’euros ? Dois-je rappeler nos efforts pour concrétiser l’union bancaire, renforcer la coordination de nos politiques économiques, soutenir l’investissement dans des secteurs d’avenir – énergie, transports, santé – ou encore lutter contre la fraude et l’optimisation fiscale – autant d’avancées concrètes ?

Nous avions dénoncé les effets négatifs des politiques d’austérité budgétaire imposées par les gouvernements conservateurs et par la Commission Barroso. C’est d’ailleurs à cette même tribune, il y a un an, que le Premier ministre Manuel Valls a appelé, lors de son discours de politique générale, à un retour à la parité euro-dollar. C’est désormais le sens de la politique monétaire menée par la BCE. Comme le rappelle régulièrement son président Mario Draghi, celle-ci doit être accompagnée d’une politique budgétaire ambitieuse. C’est là tout l’enjeu du plan Juncker – mais vous y reviendrez certainement, messieurs les ministres.

Dans un contexte budgétaire qui reste contraint au niveau national, le budget européen doit jouer un rôle de régulateur conjoncturel et éviter à l’ensemble de la zone euro d’entrer dans un cercle déflationniste dévastateur. Déjà, la France a obtenu en août dernier la validation de son accord de partenariat avec la Commission européenne, qui régira l’utilisation de plus de 26 milliards d’euros de fonds structurels et d’investissements en faveur de l’économie locale, de la croissance durable et du développement humain au cours des sept prochaines années. Il nous faut désormais tout mettre en oeuvre pour que ces crédits puissent être déployés le plus rapidement possible. Les régions et l’État s’y attellent, grâce à un dialogue nourri avec la Commission, pour maximiser les effets de levier sur le développement de nos territoires.

Le soutien à l’investissement, qui a chuté de 15 % dans l’Union européenne depuis 2008, doit constituer notre priorité, d’autant plus que les besoins en la matière sont colossaux, en particulier dans les secteurs décisifs pour la croissance potentielle et future de l’Europe – infrastructures, énergie, télécommunications et numérique notamment. Nous devons mobiliser davantage le budget de l’Union européenne en ce sens, mieux utiliser les instruments existants, tels les project bonds créés par la Banque européenne d’investissement, mais aussi en créer de nouveaux.

Nous devons nous donner les moyens de faire du budget européen un instrument de solidarité et d’investissement financé par des ressources propres dynamiques, en nous inspirant des travaux du groupe de haut niveau sur les ressources propres, menés par Mario Monti.

Depuis 2012, nous avons donc permis une réorientation, encore insuffisante mais réelle, des politiques européennes, qui donne de premiers résultats. Celle-ci doit être approfondie et poursuivie. Nous avons aussi engagé les politiques devant permettre à la France de tirer profit de cette dynamique de croissance européenne qui s’annonce.

C’est tout l’objet des mesures conjoncturelles et structurelles prises dès l’automne 2012 et réunies dans le Pacte de responsabilité et de solidarité, qui visent à soutenir notre appareil productif et stimuler la consommation des ménages aux revenus modestes et moyens. C’est le choix de la stratégie d’ajustement budgétaire et de réformes, prévus par le programme de stabilité, et le plan national de réformes, que nous soutenons pleinement.

J’entends dire ici et là que cela ne serait pas suffisant, sur le plan ni des ajustements budgétaires ni des réformes structurelles et que, de ce fait, la France tirerait moins profit que ses partenaires européens du retour de la croissance en Europe. Là encore, il faut se souvenir d’où nous venons et pourquoi nous en sommes là ! L’ancienne majorité n’a pas engagé les réformes nécessaires en temps voulu et a même fait des choix fiscaux contestables, en instaurant, par exemple, le bouclier fiscal. La politique de relâchement budgétaire, menée pendant dix ans, nous pousse aujourd’hui à conduire, dans le même temps, des ajustements budgétaires douloureux et des réformes structurelles, dans un contexte de croissance faible.

C’est pourquoi la France veille à l’équilibre entre réduction des déficits et préservation de la croissance. Sacrifier le soutien à la croissance pour assainir rapidement les finances publiques serait, sinon un non-sens, du moins contre-productif. Abandonner l’objectif de réduction du déficit public le serait tout autant, car ce serait renoncer à notre souveraineté financière.

Aujourd’hui, la croissance repart en France, mais il faut la soutenir sans relâche, en redonnant des marges aux entreprises françaises, par une réduction, notamment, des charges des PME, des PMI et des ETI. Les premiers effets de cette politique volontariste à destination de nos entreprises sont d’ores et déjà perceptibles. Au-delà de l’amélioration du taux de marge des entreprises, que j’ai déjà évoqué, la baisse du coût horaire du travail a été engagée : au deuxième trimestre de 2014, celui-ci a atteint 36,80 euros dans l’industrie française, contre 38,50 euros outre-Rhin.

Tout cela s’est fait, je le rappelle, en consolidant le pacte social en France, par des réformes fiscales et sociales majeures, un pacte social sans lequel il ne pourrait y avoir de retour durable de la croissance.

Oui, la France de 2015 va mieux que celle de 2012, mais il faut évidemment poursuivre les efforts pour qu’elle aille encore mieux en 2016 et 2017, et évidemment au-delà.

Les pseudos-alternatives proposées au sein même de cet hémicycle – creusement du déficit, de la dette et refus de toute réforme structurelle pour les uns ; fuite en avant dans des politiques d’austérité, libéralisation et déréglementations sociales pour les autres – ne sont pas crédibles. Et que dire du rejet de l’Europe prôné par l’extrême-droite ? La question est de savoir ce qu’en seraient les résultats en termes de croissance, d’emplois et de pouvoir d’achat pour nos concitoyens. Pour le groupe SRC, la réponse est claire : ce sont là des impasses, dangereuses, sur le plan économique et social.

Parce que nos choix politiques en Europe et en France commencent à porter leurs fruits, nous devons maintenir le cap et amplifier les réformes au plan national comme au plan européen, en accordant notamment toute l’attention à ce qui favorisera la reprise de l’investissement dans notre pays, clé d’une croissance retrouvée et de la création d’emplois.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Gilles Carrez, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Ce débat sur le projet économique et social européen de la France est un simulacre : il a été organisé à la sauvette, avec la complicité du groupe SRC, dans un seul but : éviter que notre Assemblée puisse discuter sérieusement des prévisions économiques et financières sur les années 2015 à 2018, que le Gouvernement vient de transmettre à la Commission européenne.

C’est là un reniement de l’engagement qu’ici même, il y a exactement un an, prenait le Premier ministre. À propos du débat sur le programme de stabilité, il disait à cette tribune : « C’est un respect que nous devons au Parlement, quand il s’agit de faire des choix qui engagent la France devant les Français, qui engagent aussi sa crédibilité devant l’Europe. » Et il ajoutait : « Dans cette période que notre pays traverse, il était essentiel que, sur la base du programme que nous avons présenté, un vote ait lieu. »

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Il y a deux raisons à ce reniement. La première est que, votre majorité se trouvant fortement divisée sur les questions économiques, budgétaires, fiscales, une partie refusant toutes ces baisses d’impôt consenties aux entreprises sans contreparties, il ne faut pas faire de vagues ni aggraver les dissensions avant le congrès de Poitiers.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

C’est petit !

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Il y a plus grave, monsieur le secrétaire d’État au budget : pour des raisons partisanes, c’est la rigueur de la gestion des finances publiques de notre pays qui va être sacrifiée. Et c’est la crédibilité financière de la France dans la zone euro qui va être mise à mal.

Notre budget pour 2015, mes chers collègues, est devenu caduc. Les perspectives pour 2016 sont on ne peut plus incertaines. Non seulement vous refusez le débat aujourd’hui, mais vous annoncez à l’avance que vous refusez de prévoir, en juin ou juillet, un collectif de milieu d’année.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Ce n’est pas nécessaire.

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Votre but, c’est d’entretenir le brouillard, le plus tard possible, c’est-à-dire jusqu’à la présentation de la loi de finances pour 2016, en septembre prochain.

Cette certitude, je la tire de l’excellent rapport que vient de publier notre rapporteure générale, Valérie Rabault.

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Ce rapport est plein d’enseignements. Je voudrais en citer juste une préconisation : « La nécessité d’un suivi attentif par le Parlement des annonces réalisées par le Gouvernement et des modalités de leur financement. »

Monsieur le président, nous en sommes très loin avec ce débat tronqué.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

On ne peut pas en faire le reproche au Gouvernement.

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Depuis le mois de janvier, monsieur le ministre des finances, les annonces de dépenses nouvelles, gagées partiellement ou pas gagées du tout, se sont multipliées : 1 milliard d’euros dès le mois de janvier au titre de la lutte contre le terrorisme et extension du service civique. Ces dépenses sont d’ailleurs tout à fait justifiées : sur le fond, je suis en accord avec vous.

La semaine dernière, il y a eu l’abandon des sociétés de projet dans le secteur de la défense : c’est une bonne nouvelle.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Vous voyez qu’il y a de bonnes nouvelles !

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Oui, mais monsieur le secrétaire d’État, vous devriez être inquiet : comment trouver les 2 milliards qui vont faire défaut ? Voilà une question !

Et il y a 4 milliards d’économies – la rapporteure générale le souligne – qu’il va falloir trouver. La Commission européenne, d’ailleurs, le demande. Car nos économies ont été calculées en tendance, par rapport à une hypothèse complaisante et avantageuse d’inflation. Avec une inflation nulle, ces économies se sont volatilisées. Il faut donc trouver 4 milliards.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Ce n’est pas vrai.

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Et je ne parle pas des sous-budgétisations habituelles, qu’il s’agisse des opérations extérieures, de l’immigration clandestine ou de tel ou tel guichet social.

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Pour 2015, monsieur le secrétaire d’État au budget, c’est de l’ordre de 10 milliards d’euros de crédits supplémentaires qui sont nécessaires, d’après mes calculs – et ceux de la rapporteure générale, me semble-t-il. Vous voyez bien que même l’annulation de la totalité de la réserve de précaution ne suffira pas.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Vous plaisantez !

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Voilà pour les dépenses. Mais il y a aussi le volet des recettes, sur lequel le risque est également très important. La rapporteure générale évalue, comme la Cour des comptes d’ailleurs, à 5 ou 6 milliards le risque qui, du fait de l’inflation zéro, pèse sur deux recettes très sensibles : la TVA et les cotisations sociales. Comment les trouver ?

Cela n’empêche pas le Gouvernement d’annoncer de nouvelles baisses d’impôt, qui sont d’ailleurs de bonnes baisses d’impôt, comme le suramortissement.

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Mais, cher collègue, avez-vous entendu parler d’un gage ? Pas de gage du tout !

Nous sommes donc en situation de risque, monsieur le secrétaire d’État au budget, sur une bonne quinzaine de milliards. Or, vous êtes un homme sérieux, rigoureux : tous ces chiffres, vous les connaissez. Cet après-midi, je voudrais donc vous adjurer de convaincre votre ministre des finances de prévoir un collectif au mois de juin.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Tous les ans, il nous en demande un !

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Oui, mais il m’arrive d’avoir satisfaction, comme l’an dernier.

Je renouvelle ma demande, parce que les 3,8 %, je crains que nous ne les atteignions pas. Je crains que nous restions dans les eaux un peu troubles des 4 %, ce qui serait très mauvais pour la crédibilité financière de notre pays. Il faut prendre la question à bras-le-corps.

Il est vrai que vous avez eu une double habileté. La première était d’obtenir de la Commission européenne ce délai supplémentaire : c’est le troisième. D’autres avant vous avaient déjà obtenus de tels délais, je le reconnais. Nous sommes donc tranquilles jusqu’en 2017, s’agissant du retour aux fameux 3 % de déficit.

Et puis vous avez eu une autre habileté, dont vous dites qu’elle est involontaire, mais j’en doute : vous avez surestimé en fin d’année dernière le déficit prévu pour 2014. Vous l’avez passé à 4,4 %, ce qui vous a permis, en n’obtenant si j’ose dire que 4 %, de présenter ce résultat comme un véritable exploit et d’obtenir d’une certaine manière la paix de la Commission. Bravo l’artiste !

Mais ne vous bercez pas d’illusions avec les propos lénifiants du nouveau commissaire chargé de ces affaires : même si la France atteignait les 3,8 % en 2015, le passage de 4 à 3,8 serait le plus mauvais résultat, la moins bonne performance de tous les pays de la zone euro.

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Pour conclure, 1,1 % de croissance, c’est évidemment mieux que 1 % : je vous l’accorde. Mais c’est moins bien que les 2 % prévus pour la zone euro et les plus de 2 % prévus pour l’Allemagne. Autrement dit, les choses s’améliorent, je le reconnais, mais du fait de votre politique, elles s’améliorent hélas dans la médiocrité.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

C’est l’aveu que nous avons fait mieux qu’eux !

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La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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En refusant, pour la première fois, de soumettre le programme de stabilité au vote de la représentation nationale en raison de désaccords internes au groupe socialiste, messieurs les ministres, vous accréditez auprès de l’opinion publique l’idée selon laquelle le Parlement ne sert plus à rien. Vous aggravez la crise démocratique dans notre pays et nous ne pouvons que condamner cette faute politique.

Gilles Carrez l’a rappelé, tout cela au mépris des engagements pris par le Premier ministre, ici, il y a un an. Il est vrai que, comme disait notre ancien président Jacques Chirac, « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent »…

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

C’était Charles Pasqua.

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Mais je ne partage pas cet avis. Après les deux années d’errements, en matière de finances publiques, qui ont constitué le début du quinquennat, nous avions voulu croire, lors de la présentation par le Premier ministre du dernier programme de stabilité, qu’une page se tournait. Opposition constructive et responsable, le groupe UDI s’était alors majoritairement abstenu.

Force est aujourd’hui de constater que le Gouvernement n’a malheureusement pas été à la hauteur de l’attitude ouverte du groupe UDI.

Je tiens à aborder ici, n’ayant que quelques minutes, trois questions fondamentales dans ce programme de stabilité.

La première question est la suivante : quelles sont les causes de l’écart croissant entre le déficit effectif et le déficit structurel ? Cet écart, mes chers collègues, était de 0,7 point de produit intérieur brut en 2011, de 0,8 point en 2012, de 1,6 point en 2013, de 2 points en 2014 et – ne soyez pas impatients – cet écart continue d’augmenter dans les prévisions gouvernementales puisqu’il sera de 2,2 points en 2015.

Mes chers collègues, le raisonnement économique implicite au traité de Maastricht était fondé sur la théorie des cycles, chère à notre Président François Hollande. Or, la question, depuis la crise de 2008, est de savoir s’il existe encore des cycles économiques.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Bonne question !

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Mais la réponse est négative. S’il existait encore des cycles, il n’y aurait pas un écart croissant, mais une inversion. Ce n’est pas ce qu’on constate, depuis six ans maintenant.

Cet écart croissant que vous affichez est complètement artificiel et n’a qu’un seul objectif : faire croire à la Commission européenne que vous réduisez le déficit structurel de la France alors que le déficit effectif se réduit fort peu.

Toutefois, Bruxelles est sceptique, on le voit bien. C’est la troisième prolongation et on conteste ce que vous présentez comme des économies. Je m’étais d’ailleurs permis d’expliquer que seulement un gros tiers du montant affiché représentait des économies réelles. Vous annoncez 4 milliards cette année et 5 milliards l’année prochaine, mais on ne sait pas de quoi il retourne et on est complètement perdu. Fondamentalement, se pose une question qui dépasse largement votre Gouvernement : peut-on continuer à se fonder sur un système qui n’est plus adapté à la situation économique ?

Deuxième question fondamentale que je voudrais poser : après trois années de surévaluation systématique des prévisions – vous n’êtes pas les seuls, mais quand j’étais dans la majorité, je le disais, je ne me taisais pas –, pourquoi le Gouvernement est-il devenu plus prudent ?

La raison de ce changement est avant tout politique : le Gouvernement entend afficher en exécution une croissance supérieure à ses prévisions en fin d’année, afin de se féliciter de la supposée réussite de sa politique. C’est tout simple.

Toutefois, d’après les études sur les variantes économiques réalisées par vos services, la croissance plus élevée en 2015-2016 qu’en 2012-2013 provient de la combinaison de trois facteurs totalement externes à la politique du Gouvernement : la baisse des taux d’intérêt, la baisse du prix du baril de pétrole, enfin la baisse de l’euro face au dollar. En me fondant sur les études de variantes qui sont dans les documents que vous nous avez remis, je me suis posé la question suivante : quelle croissance supplémentaire la baisse de 40 % du prix en dollars du baril de pétrole, la baisse des taux d’intérêt et la baisse de 17 % en moyenne entre 2014 et 2015 de l’euro face au dollar induisent-elles ?

D’après mes calculs, mais j’attends avec impatience les vôtres, je trouve 1,3 % de croissance en 2015 et 0,7 % en 2016. C’est dire l’effet de ces facteurs externes en 2015.

Qu’est-ce que cela signifie ? Que la légère amélioration de la croissance n’est pas due à un redémarrage de notre économie lié à des facteurs internes mais, massivement, à des facteurs externes qui, hélas, sont précaires. Pourquoi le sont-ils – ce n’est d’ailleurs pas moi qui le dis mais vos prévisions ?

Premier facteur : la baisse des taux d’intérêt s’inversera dès 2016. Je partage largement ce point de vue : d’après vous et les annexes du programme de stabilité, les taux à dix ans remonteront de l’ordre d’un point.

Les deux autres facteurs, quant à eux, ne joueront plus : vos prévisions ne font pas état d’une baisse continue du baril de pétrole pas plus que de la poursuite de la chute de l’euro face au dollar – une légère remontée est même possible.

La situation est donc extrêmement fragile.

Dernier point : comme se fait-il que l’impact des réformes soit estimé par le Gouvernement quatre fois supérieur en termes de croissance dans le programme national de réforme par rapport à l’évaluation du programme de stabilité ?

Je lis les documents et, surtout, les annexes. Selon la page 80 du programme de stabilité – si vous voulez bien vous y reporter – l’impact de ces réformes serait nul en 2014 et 2015…

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…et ne représenterait que 0,2 point de PIB par an à partir de 2016.

Selon le programme national de réforme, en revanche, les huit réformes que le Gouvernement a lancées entraîneraient 4,2 points de croissance supplémentaire à l’horizon de 2020 soit de l’ordre de 0,8 point supplémentaire par an.

Une telle incohérence entre les deux documents ne peut que stupéfier !

Or, non seulement le calcul de ces 4,2 points est effectué hors impact de leur financement – ce qui explique à mon avis largement le résultat – mais les estimations présentées par le Gouvernement, selon une méthode qui n’est pas explicitée, sont aussi tout à fait surréalistes !

Je donnerai deux exemples.

La réforme territoriale rapporterait deux ou trois points de croissance…

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…mais, enfin, c’est une immense plaisanterie ! Non seulement cela ne rapportera que 0 et quelques pour cent mais quelques dépenses supplémentaires !

Il en est de même s’agissant de la réforme de la transition énergétique parce que l’on a oublié de se poser une seule question : si cette loi est appliquée, quelle sera l’augmentation des prix de l’énergie, en particulier, de l’électricité ? Madame la ministre Ségolène Royal a d’ailleurs été incapable de nous répondre en commission à ce propos. Or, bien entendu, la hausse sera forte.

En conclusion, mes chers collègues,…

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…le groupe UDI déplore le temps perdu par le Gouvernement depuis le début du quinquennat – près de deux ans et demi – alors que le drame du chômage continue de toucher chaque jour un nombre croissant de nos concitoyens.

Nous vous demandons de dire la vérité aux Français et d’appliquer sans tarder les quatre grandes réformes structurelles dont notre pays a besoin pour sortir de la crise.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, à qui nous souhaitons un prompt rétablissement et dont nous saluons le courage.

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Il ne s’agit que de rééducation, monsieur le président.

Monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, le débat qui nous occupe concerne le « projet économique et social européen de la France ».

Sous cette appellation nous discutons – comme annoncé en Conférence des Présidents au mois d’avril – du programme de stabilité pour les années 2015-2018, pour lequel aucun vote n’est à l’ordre du jour, comme ce fut le cas l’an passé au titre de l’article 50, alinéa premier de la Constitution.

Les hypothèses macroéconomiques associées au programme de stabilité de la France sont équivalentes pour la première fois du quinquennat à celles du consensus des économistes.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Eh oui !

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Mieux, dans ses prévisions de printemps publiées hier, la Commission européenne se montre plus optimiste encore puisqu’elle anticipe une croissance du PIB français de 1,1 % en 2015 contre le 1 % prévu, et encore davantage en 2016 avec 1,7 % au lieu des 1,5 % transmis à Bruxelles.

Notre groupe salue le changement de paradigme du Gouvernement qui consiste à prendre désormais des taux « planchers » et non plus « plafonds » afin, en théorie, de ne pouvoir qu’être agréablement surpris par les effets conjoncturels – ce qui résout en partie mais toujours en théorie les risques d’ajustements douloureux en cours d’exécution budgétaire.

Malgré tout, dans la pratique, la diminution continue de l’inflation que nous subissons depuis des mois dans la zone – mais dont nous devrions voir enfin le bout en fin d’année 2015 selon la Commission – nous contraint cette année encore à ajuster les efforts en dépenses transmis dans le programme de stabilité 2014-2018 qui planifiait pourtant un douloureux tour de vis avec 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans.

En effet, de manière assez mécanique, une faible inflation limite la dynamique des prélèvements obligatoires – même si en cela le Gouvernement n’a pas la même lecture de l’impact sur les recettes que la Cour des comptes – et amoindrit les mesures d’économies en ralentissant la tendance naturelle d’augmentation de la dépense publique. En cela, au moins, tout le monde s’accorde. Cet effet macroéconomique a été chiffré dans l’excellent rapport déjà cité de notre rapporteure générale.

La faiblesse durable de l’inflation annulerait ainsi les efforts planifiés dans le précédent programme de stabilité de 4 milliards d’euros en 2015 et de 5 milliards en 2016, et remettrait en cause notre objectif, déjà reporté, de déficit nominal.

Si des mesures sont déjà annoncées et certaines réalisées pour couvrir des dépenses nouvelles de sécurité liées aux conditions exceptionnelles de la lutte contre le terrorisme, la commission des finances s’étant prononcée au mois de mars sur un décret d’avance de 300 millions d’euros complété par différents mouvements de crédits et l’annonce d’un « surgel », nous n’en devons pas moins trouver 4,4 milliards d’économies supplémentaires en raison de la faiblesse durable de l’inflation.

Même si le détail n’est pas présenté en programme de stabilité, nous en avons quelques contours : 700 millions d’euros d’économies sur les dépenses de l’État via un décret d’annulation d’euros d’ici le mois de juin ; 500 millions sur les dépenses des opérateurs ; un milliard sur les administrations de Sécurité sociale.

Le débat sur l’inopportunité économique et sociale d’un gel des allocations bat déjà son plein au sein du groupe majoritaire, position que nous soutiendrons dans le cadre de la prochaine loi de finances.

Notons, enfin, que l’État s’acquittera de 1,2 milliard d’euros de moins pour le service de la dette de long terme et bénéficiera de recettes complémentaires à hauteur de 600 millions d’euros grâce à une lutte efficace contre la fraude fiscale et la perception de dividendes additionnels.

Concernant maintenant l’objectif de déficit structurel, le débat est vif entre le Gouvernement et la Commission européenne, aussi vif d’ailleurs que paradoxal !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Mais, en l’occurrence, pour l’augmenter !

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L’introduction du concept de « déficit structurel » visait à l’origine à alléger les efforts des pays de la zone soumis à une mauvaise conjoncture durable or, aujourd’hui, il se retourne contre ses auteurs.

En effet, l’échec du débat entre Bercy et le Parlement sur le niveau de la « croissance potentielle » française en loi de finances rectificative au mois de juillet 2014 donne malheureusement du grain à moudre à la Commission européenne, qui pourrait exiger malgré l’introduction in extremis d’une croissance potentielle à 1,5 % du PIB par le Gouvernement – c’est-à-dire le niveau proposé par notre Assemblée il y a un an – des mesures d’économies nouvelles de 25 milliards en 2016 ainsi qu’en 2017 au lieu des 15 puis 14 milliards prévus !

Je conclus en élargissant le débat sur deux points.

Tout d’abord, le surplus de croissance de 0,1 % annoncé hier par la Commission aura un effet positif sur les recettes, notamment sur la TVA. Les 4,4 milliards d’efforts supplémentaires à réaliser pour l’objectif de déficit nominal ne doivent-ils donc pas être revus à la baisse ?

Enfin, la durabilité de l’inflation en 2015 ne tient-elle pas en réalité des « circonstances exceptionnelles » au sens du b) du 3) de l’article 3 du TSCG, qui pourraient ainsi nous exonérer en partie et en toute conformité européenne de cet effort supplémentaire drastique ?

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La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe Écolo.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, chers collègues, permettez-moi d’élargir quelque peu le débat en évoquant quelques points précis qui, pour les écologistes, constituent des éléments de progrès possibles voire indispensables pour la politique européenne.

La globalisation et les flux quelle génère à travers la planète, qu’il s’agisse des flux de personnes, de biens, de matières premières ou des flux financiers et commerciaux, provoquent un certain nombre d’effets pervers, du moins-disant social aux bulles spéculatives en passant par le changement climatique, les fraudes, l’évasion fiscale et les trafics en tout genre.

Évidemment, seul l’échelon européen peut relever les défis qui se posent et répondre à de tels risques.

Je souhaite évoquer quatre sujets précis, dont nous avons d’ailleurs déjà discuté.

Le premier concerne la légitimité démocratique de l’Europe.

La transparence des décisions européennes doit être renforcée. En effet, l’Europe est, notamment en France, encore trop souvent montrée du doigt par les différents gouvernements qui se sont succédé ou les partis politiques, lesquels cachent ainsi leurs propres turpitudes : elle serait responsable de tous les maux.

Nous devons donc agir pour renforcer le lien entre l’Europe et ses citoyens. Un projet économique et social partagé au niveau européen ne peut se faire qu’avec leur soutien. Ce rapprochement passe notamment par un discours de vérité, un même discours à Paris et à Bruxelles – la vérité des comptes et des chiffres que nous donnons aujourd’hui y contribue d’ailleurs même s’il s’agit là d’un élément parmi d’autres.

Le deuxième point porte sur la question centrale des déficits.

Les pays européens ont tardé à traiter cette question espérant pendant trente-cinq ans que les politiques de relance par la consommation ou par l’investissement permettraient aux recettes de compenser les dépenses.

Ainsi, le recours à l’emprunt est-il devenu la norme, les dettes publique et privée ont-elles gonflé au point de créer la crise de 2008.

Alors, les États ont fini par s’imposer ensemble un remède de cheval en concentrant le traitement sur la baisse de la dépense publique, ce qui constituait sans doute le moyen le plus rapide d’équilibrer les budgets. Eh oui, plus on tarde à agir, plus il y a urgence !

Malheureusement, chacun le constate aujourd’hui, le remède a été trop violent, notamment pour certains pays du sud de l’Europe.

Alors, s’il faut rester ferme quant à cet objectif de réduction des déficits, l’Union européenne doit maintenant utiliser d’autres moyens complémentaires à la baisse des dépenses pour parvenir à l’équilibre des comptes.

Elle doit assurer les recettes fiscales de ses membres en se dotant particulièrement d’une trajectoire d’extinction de l’évasion et de la fraude fiscales. C’est cette trajectoire qui donnera du crédit à l’autre trajectoire, officielle, de résorption des déficits en la rendant possible.

La France doit donc peser de tout son poids pour que le programme BEPS, Base Erosion and Profit Shifting, soit mis en oeuvre rapidement – je sais que vous êtes engagés dans cette voie, messieurs les ministres – afin de garantir à chaque pays une assiette fiscale stable, réaliste, qui corresponde à la réalité des activités économiques qui s’y déroulent.

C’est bien parce qu’il existe une certaine inertie dans la mise en place de cette politique, à la production de recettes, qu’il est extrêmement urgent d’agir.

Troisième point : la nécessité de soutenir les investissements tout en se gardant bien de les considérer comme la solution miracle à l’ensemble de nos problèmes. Un temps, on a entendu : « l’Europe, l’Europe, l’Europe ! » ; il ne s’agit pas maintenant de dire : « Investissements, investissements, investissements ! ». Ils sont certes importants, mais à la place qui est la leur.

Le plan d’investissement Juncker, en complément du Plan d’investissements d’avenir, le PIA, est une bonne nouvelle pour nos économies mais son impact dépend de la nature des investissements : tous n’ont pas le même contenu en termes d’emploi, de développement du territoire ou de carbone.

Il est crucial que les États européens convergent sur les critères de choix.

Alors que la France accueillera dans quelques mois la COP 21, la Conférence de Paris sur le climat, les écologistes – mon propos ne vous surprendra pas – espèrent que celle-ci saura défendre vaillamment la nécessité de financer par ce plan des projets concernant l’efficacité énergétique.

Si nous ne nous engageons pas pleinement dans cette voie, non seulement nous ne pourrons pas répondre à la crise climatique mais nous manquerons aussi l’occasion de développer enfin la politique européenne de l’énergie dont nous avons ardemment besoin et de préparer notre compétitivité de demain.

Enfin, je souhaite insister sur un aspect particulier : il est important que ces fonds soient attribués au niveau régional à travers par exemple des fonds de fonds, car seul cet échelon garantira le financement de projets à taille humaine et servant réellement leur territoire.

Le quatrième et dernier point de cette politique économique européenne concerne un problème auquel l’ensemble de nos pays sont confrontés : le chômage des jeunes.

Au deuxième trimestre 2014, plus de cinq millions de jeunes de moins de 25 ans étaient sans emploi au sein de l’Union européenne.

L’emploi est notre obsession, comme le montre notre engagement à développer l’apprentissage ou les contrats d’avenir.

L’Europe s’est quant à elle aussi engagée pour l’emploi des jeunes grâce à l’initiative « emploi des jeunes ».

Nous devons tout faire pour que ces initiatives perdurent et s’amplifient.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.

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La parole est à M. Gaby Charroux pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, le débat qui nous est proposé et l’interrogation qui le sous-tend sont lancinants, y compris chez nos concitoyens, qui constatent que l’Europe telle qu’elle existe n’est faite ni par eux, ni pour eux.

Je vais essayer ici de définir les contours de l’Europe que nous souhaitons.

En effet, non seulement l’Europe ne fait plus rêver, mais elle est de plus en plus perçue comme impuissante et incapable de répondre aux urgences économiques et sociales des citoyens européens. Les dirigeants européens, les libéraux ou sociolibéraux qui exercent le pouvoir à Bruxelles, sont les principaux responsables de cette faillite démocratique et morale. Renouer la confiance entre les citoyens et l’Europe passe selon moi par la démocratisation de son mode de fonctionnement et de décision. Il est urgent, en effet, de donner la parole aux peuples européens, aux peuples souverains, pour qu’ils décident eux-mêmes des orientations du projet européen. Cette position ne présuppose nulle déresponsabilisation des politiques, bien au contraire.

Un projet européen digne de ce nom est un projet volontariste et un projet d’espoir pour les peuples. Celui-ci suppose une reconstruction européenne libérée de la tutelle des marchés financiers, des dogmes du néolibéralisme et de l’orthodoxie budgétaire. Cette rupture est un préalable à la fondation de l’Europe démocratique et sociale attendue par nos concitoyens. Or un tel programme se situe aux antipodes des politiques menées par les gouvernements européens. Ceux-ci s’entêtent en effet, depuis des années, dans l’offensive contre les dépenses publiques et les droits sociaux : démantèlement des services publics au nom de la libre concurrence, blocage des salaires au nom de la compétition sociale, réduction du nombre de fonctionnaires, réforme des retraites, de l’assurance-maladie, remise en cause des politiques et prestations sociales, privatisations, et j’en passe.

La ratification du fameux traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – TSCG – qui avait été négocié et signé par le couple Sarkozy-Merkel fut en France le geste annonciateur du dévoiement de notre politique dans les méandres du néolibéralisme. En effet, en septembre 2012, le TSCG nous a été présenté comme la dernière chance de sauver l’Europe et l’euro. Ce fut un énième argument d’autorité – et d’austérité – lancé par les institutions et gouvernements européens, soutenus en cela par les responsables de la crise eux-mêmes, les banquiers, les marchés financiers, les spéculateurs boursiers, qui se frottaient les mains.

Plutôt que de tirer les conséquences de cette crise par la taxation des flux de capitaux et un contrôle strict du système financier, les États ont préféré transférer l’essentiel de son coût sur leurs propres peuples. L’interdiction dogmatique du déficit structurel et du déséquilibre budgétaire revenait à condamner l’investissement public, moteur de croissance, de création de richesses et d’emplois. Cette voie a été ignorée, voire proscrite, et écartée en faveur d’une relance économique par l’austérité. C’est un non-sens à nos yeux. La reconstruction européenne passe aujourd’hui, plus que jamais, par une déconstruction des règles et doctrines de la zone euro et par une réorientation des priorités en faveur de l’investissement public, social et écologique. Le rôle de la Banque centrale européenne doit être reconsidéré et mis au service de cet objectif. Tel est le sens de notre projet européen.

Notre Europe, enfin, doit aussi être une Europe sociale, car l’Europe sociale est aujourd’hui fictive. Si le droit de l’Union garantit la libre circulation des travailleurs comme élément constitutif du marché commun, il n’harmonise pas, ni ne coordonne, les législations nationales sur le droit des travailleurs mobiles. La directive détachement n’oblige pas les États membres à fixer des salaires minimaux. Le droit européen favorise ainsi le développement d’un dumping social fondé sur l’exportation dans certains pays de travailleurs jugés d’autant plus compétitifs que les cotisations sociales du pays d’origine sont faibles. Comment s’étonner, dès lors, que l’application d’une telle directive ait abouti à toutes sortes de dérives, dont pâtissent aujourd’hui nos salariés, ainsi que nos entreprises, particulièrement les PME et les PMI ?

En outre, les politiques sociales européennes n’ont donné lieu, pour l’essentiel, qu’à des dispositions très générales et peu contraignantes, car les politiques sociales sont considérées comme des poids et des handicaps économiques. Il faut désormais remettre au centre des préoccupations cette dimension sociale, qui est la condition de l’unité des sociétés européennes. La crise économique rend les politiques sociales plus nécessaires que jamais, du fait de l’ampleur du chômage, de la précarité de l’emploi et de la pauvreté. Elle devrait être l’occasion, pour l’Union, de se doter d’un socle commun de droits sociaux minimaux universels, indépendants du travail, car celui-ci n’est pas ou plus garanti.

Voilà pourquoi il nous paraît urgent de doter l’Europe d’un vrai traité social, porteur de valeurs et de normes protectrices, et dont les objectifs tendraient à la réalisation d’une Europe sociale plus fidèle aux attentes des peuples. Nous, députés du Front de gauche, continuons à croire et à nous battre pour cette Europe-là, que nous voulons de toutes nos forces.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mesdames et messieurs, débattre, comme nous le faisons aujourd’hui, du projet économique et social de la France en Europe est une nécessité. Je remercie donc le groupe socialiste d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat. Je remercie également l’ensemble des orateurs, dont certains ont soulevé des points précis, quand d’autres ont voulu aborder la question de manière plus globale. Quel que soit l’angle choisi, chacun a apporté, par ses critiques ou ses propositions, des éléments intéressants sur ce sujet.

Il est aujourd’hui nécessaire que nous débattions, en France, de ce que doit être l’Europe, car l’Europe n’est plus une évidence pour les Français. Ce qui lui manque le plus, c’est un projet, et tout ce qui permettra de définir ce projet, même par le débat et la confrontation d’idées, sera une bonne chose pour l’ensemble des peuples d’Europe. Il faut redonner du sens à ce débat, en rappelant notamment quel est le cap de la France en Europe. Ce cap, il se résume en deux mots : la croissance et l’emploi. Et, contrairement à ce que certains pourraient penser ou faire croire, cette préoccupation – la croissance et l’emploi – est celle de l’ensemble des collègues ministres des finances avec lesquels je suis amené à travailler.

On a trop souvent tendance à ramener l’Europe à la question budgétaire. Certains se laissent même prendre au piège d’un jeu de rôle où l’Europe aurait d’abord vocation à punir et à sanctionner.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Mais rien n’est plus éloigné de la réalité des préoccupations des responsables politiques de l’Europe. Partout où je me déplace comme membre du Conseil ou de l’Eurogroupe, je constate que la préoccupation de mes homologues est d’abord celle d’une stratégie européenne de croissance qui permette à notre continent, c’est-à-dire à toutes nos économies nationales, de renouer avec la croissance.

Ce débat, la France l’a soutenu. Elle a fait valoir ses arguments, et la recommandation finale de la Commission européenne, à laquelle plusieurs d’entre vous ont fait allusion, qui nous accorde un délai supplémentaire de deux ans pour atteindre les 3 % de déficit, et que le Conseil a adoptée en mars, valide largement la démarche que nous avons engagée l’été dernier sur ces sujets. Au-delà du délai, c’est bien la trajectoire de réduction des déficits, année après année, qui a été validée : une trajectoire que nous avons fixée à l’automne 2014 et que vous avez votée souverainement à la fin de l’année.

Hier encore, ce sont nos prévisions macroéconomiques qui ont été confortées par la Commission européenne. Qu’est ce que cela veut dire ? Que, pour la première fois depuis très longtemps – et pas seulement depuis 2012 – nous sommes sortis d’une situation où la France était constamment suspectée de ne pas tenir ses engagements.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Pour la première fois depuis de très longues années, nous sommes entrés dans une véritable convergence avec le jugement porté par les institutions européennes. Certes, des divergences subsistent, et nous devons continuer à débattre des conditions nécessaires au retour de la croissance. Car, que constate-t-on aujourd’hui ? Que la croissance renaît, mais timidement, et que tout doit être fait pour la confirmer, l’amplifier, la solidifier, en France comme en Europe. Ce matin, l’INSEE a rendu publique son enquête dans laquelle les chefs d’entreprises industrielles anticipent une croissance de leurs investissements plus forte que prévue, à 7 %, pour 2015. La reprise est là, mais nous devons la conforter. Cela nous confère un devoir de vigilance, car la politique de sérieux budgétaire que nous menons ne doit pas risquer de remettre en cause la reprise économique.

Voilà pourquoi, après avoir analysé les conséquences qu’aurait une application littérale des recommandations de la Commission, avec l’effort dit « structurel » demandé pour 2016 et 2017, et après avoir constaté que leur mise en oeuvre aurait fait chuter la croissance et nous aurait empêchés de faire reculer le chômage, nous avons considéré qu’une autre voie était possible pour atteindre les mêmes objectifs de déficits – et même des objectifs un peu meilleurs que ceux que nous fixait la Commission – sans pour autant mettre en danger le niveau de croissance. C’est cette stratégie budgétaire que nous avons discutée avec la Commission, et je suis persuadé que le débat public, qui est totalement légitime, permettra à chacun d’avancer et de constater que la France est en situation de respecter les objectifs de réduction du déficit qu’elle s’est fixés et que le Conseil lui a recommandés.

En 2014, nous avons fait mieux que prévu, comme le président Carrez a eu l’obligeance de le souligner, avec 4 % de déficit, malgré une croissance encore très faible. En 2015, et au-delà, nous construisons notre stratégie sur des prévisions prudentes. Et ce n’est pas par habileté, car ce qui compte, au fond, c’est que, pour la première fois depuis quinze ans, la France sera, en 2017, au rendez-vous d’un déficit inférieur à 3 %. Cela implique évidemment des efforts, c’est indéniable, mais chacun doit avoir conscience que ces efforts, nous les menons d’abord pour nous-mêmes, pour la France, au nom des responsabilités qui sont les nôtres vis-à-vis de nous-mêmes, comme vis-à-vis de nos partenaires.

C’est l’esprit du projet européen dont il s’agit : l’Europe est un espace de coopération, où chacun doit prendre ses responsabilités pour permettre aux autres de le faire aussi. L’Europe, ce ne sont pas des pays qui s’opposent, ce ne sont pas des pays qui cherchent chez leurs voisins une excuse ou une explication pour leurs propres échecs. Il n’y a pas d’avenir pour la France sans ses partenaires européens et encore moins contre eux. Il n’y a pas de croissance possible en Europe dans le conflit ou dans la désunion entre ses États membres. C’est dans cet esprit de solidarité et d’intégration que nous travaillons aujourd’hui sur des projets concrets, positifs et susceptibles de faire bouger les lignes en Europe.

Je prendrai trois exemples. Le premier enjeu, c’est le renforcement du « pilotage », comme on dit dans notre jargon, de la zone euro. Nous partageons une même monnaie : nous partageons donc un destin commun, dont il faut pouvoir décider ensemble. Avant d’examiner l’application à chaque pays, l’un après l’autre, des règles budgétaires ou des réformes structurelles, ce qui est nécessaire, il faut commencer par définir la stratégie de la zone euro tout entière, dans son ensemble. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une analyse régulière et globale de la stratégie économique de la zone euro ; c’est d’une réflexion qui prenne en compte tous les leviers publics dont nous disposons, à savoir les politiques de change, les politiques budgétaires et les politiques fiscales. D’ailleurs, nous en avons parlé, aujourd’hui encore, avec le président de l’Eurogroupe, M. Jeroen Dijsselbloem, qui est venu à Paris spécialement pour échanger sur l’avenir de l’Union économique et monétaire.

Le deuxième enjeu, c’est de lutter contre les concurrences déloyales qui peuvent se développer entre États. Car, là encore, il est des choses qui ne sont plus acceptables pour les peuples européens : la crise a montré que l’Europe était capable de solidarité dans l’épreuve commune. Après tant d’efforts communs pour sauver l’euro, peut-on encore tolérer qu’une concurrence sans limite s’instaure entre partenaires, par exemple sur le terrain fiscal ou le terrain social, au profit, le plus souvent, de multinationales, et au détriment des peuples ? La réponse est évidemment non !

Profiter de nos différences, tirer avantage de libertés garanties par les traités pour s’exonérer d’un effort auquel nos entreprises et nos concitoyens, pour leur part, consentent, cela n’est plus acceptable. Avec mes collègues allemand et italien, nous avons écrit à la Commission pour lui demander d’avancer ensemble sur la transparence et la lutte contre l’optimisation fiscale agressive. Et, de fait, des propositions sont aujourd’hui sur la table. C’est le cas en matière de transparence, avec l’échange automatique d’information sur le ruling, les rescrits fiscaux transfrontaliers. Une directive a été préparée en ce sens et j’espère qu’elle sera adoptée rapidement. C’est le cas aussi en matière de lutte contre l’optimisation fiscale agressive. Nous considérons en effet qu’un profit doit être imposé au moins une fois, peu importe où en Europe, mais au moins une fois, et de façon effective. Soyons clairs : on peut accepter que le taux d’impôt sur les sociétés soit différent d’un pays à l’autre, mais une imposition à 1 %, 2 %, ou même 5 %, n’est pas, dans mon esprit, ni dans le vôtre, sans doute, une imposition effective.

Dans les années 1990, l’Europe a adopté des directives pour éliminer les doubles impositions. Nous avons donc des critères pour définir quel État a le droit d’imposer. Mais il arrive que cet État membre ne souhaite pas imposer un revenu ou une transaction. C’est son choix, mais dans ce cas-là, le droit européen interdit à l’autre État membre de récupérer ce droit d’imposer. C’est évidemment une situation à laquelle il faut mettre fin.

Dernier exemple, enfin, celui du secteur financier, du financement de l’économie.

Nous avons fait depuis 2012 une avancée majeure avec l’union bancaire qui vient d’entrer en vigueur. C’est un pas considérable qui n’a peut-être pas été suffisamment expliqué, en tout cas qui n’est suffisamment perçu par les uns et les autres. Avec l’union bancaire, nous avons en effet coupé le lien qui existait naturellement et obligatoirement entre le risque bancaire et les États, et nous avons créé les conditions pour que le risque bancaire soit assumé par les banques elles-mêmes, renvoyant définitivement au passé l’époque où les pertes et les menaces de faillites bancaires se traduisaient presque mécaniquement par un appel à l’intervention de capitaux publics. Cette époque-là est révolue.

Mais à l’avenir, le financement de l’économie se fera aussi largement sur les marchés de capitaux, et de moins en moins exclusivement par l’intermédiaire des banques. C’est une évolution majeure, tout particulièrement pour la zone euro : pour que la politique monétaire de la BCE soit efficace, il faut que le système bancaire fonctionne bien, c’est la cause de la création de l’union bancaire, mais il faut aussi que les marchés de capitaux fonctionnent bien.

Nous devons en tirer les conséquences, pour que ce financement des entreprises par les marchés se fasse dans les meilleures conditions de sécurité et de transparence : il serait hors de question de répéter les errements de la finance américaine d’avant 2008. Il faudra donc des règles européennes renforcées et harmoniser la surveillance de ces règles. C’est une nécessité si nous voulons éviter une course au moins-disant entre places financières en fonction de leur application de la réglementation européenne.

À terme, il y a des domaines où il faudra harmoniser le droit lui-même. Il y aurait par exemple des choses à faire en matière de droit des faillites ou d’information financière pour les épargnants : comment un fonds allemand qui place l’épargne des ménages allemands pourrait-il investir dans des PME espagnoles qui en ont besoin s’il n’a pas d’assurances sur leur santé, s’il ne sait pas de quelle manière il sera traité ? Et il y a des domaines dans lesquels il faudra un superviseur unifié, comme cela a été le cas pour les banques.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, quelques exemples de chantiers stratégiques qui nous occupent actuellement et sur lesquels nous escomptons des avancées concrètes à court terme. Et si le Gouvernement a souhaité les développer devant vous, ce n’est pas pour rejeter des perspectives de plus long terme, bien au contraire : pour chacune de nos priorités, ces avancées de court terme nous rapprochent de nos objectifs de long terme qui sont plus d’intégration, d’harmonisation et plus de solidarité en Europe.

Car s’il y a bien une leçon à retenir des années récentes, c’est qu’en réalité, et contrairement aux idées reçues, les lignes peuvent bouger beaucoup plus vite qu’on ne le pense en Europe. Qui aurait pu imaginer, il y a trois ans, que certains de nos partenaires, comme l’Allemagne, se doteraient d’un salaire minimum ? Qui aurait pu imaginer, il y a trois ans, que nous mettrions fin au secret bancaire sur le continent et que nous ferions face aussi vite à des afflux de demandes de régularisation ?

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Qui aurait pu imaginer – même s’il reste des progrès à faire, comme cela a été souligné – que nous trouverions un accord sur les travailleurs détachés pour lutter contre la concurrence déloyale en matière sociale ?

Sur tous ces chantiers, des avancées désormais irréversibles ont été obtenues, les lignes ont bougé et ce que nous vous proposons, c’est d’intensifier cet effort pour amplifier ce mouvement dans lequel nous voyons, pour notre part, une réorientation de l’Europe, mais qui est d’abord et avant tout la volonté de faire prévaloir l’intérêt collectif de l’Europe tel que la France l’a toujours porté dans son histoire.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, je me réjouis de l’organisation de ce débat sur le projet économique et social européen de la France, et je remercie le groupe SRC et les différents orateurs de leurs interventions.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Un débat de fond sans vote, ce n’est pas un débat de fond ! Dommage !

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Ce débat est nécessaire, légitime, pas seulement parce que nous soumettons le programme de stabilité et le programme national de réformes de la France, comme le font tous les autres membres de la zone euro. Et pas seulement parce que dans trois jours, le 9 mai, tous les pays d’Europe célébreront le soixante-cinquième anniversaire de la déclaration Schumann qui, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, lança le projet européen. Pas seulement non plus parce que ce matin même, en conseil des ministres, le Premier ministre a présenté une communication sur le projet européen.

Ce débat est nécessaire parce que les peuples doutent, force est de le constater. L’Europe, quelles que soient ses lacunes, est une extraordinaire conquête à l’échelle de l’histoire, mais les citoyens peuvent être aujourd’hui tentés de s’en détourner. Il ne fait pas laisser les peuples s’en détourner, ni laisser les populistes, les extrémistes et les nationalistes défaire l’Europe avec de fausses solutions telles que la sortie de l’Euro, la sortie de la PAC, la sortie de Schengen, qui mèneraient à un vrai déclin, à un affaiblissement collectif et à la ruine de l’économie de nos pays.

Mais c’est un fait : la crise, le chômage, les politiques d’austérité brutales dans certains pays, parfois aussi la bureaucratie et la complexité des politiques européennes, leur dispersion sur de trop nombreuses questions secondaires, la difficulté ou l’incapacité à répondre avec efficacité sur l’essentiel – c’est-à-dire la croissance et l’emploi, comme l’a rappelé Michel Sapin – tous ces facteurs ont tendu à éloigner les peuples de l’Europe.

La nouvelle Commission européenne, présidée par Jean-Claude Juncker, en a d’ailleurs parfaitement pris conscience en se définissant elle-même comme la commission de la dernière chance. C’est pourquoi la première priorité, comme vient de le rappeler le ministre des finances, est pour nous, depuis 2012, de réorienter l’Europe vers la croissance, l’investissement, l’emploi, et de développer une Europe des projets, une Europe qui protège, une Europe simplifiée.

Beaucoup a été fait au cours des dernières années : l’intégrité de la zone euro a été assurée ; l’union bancaire a été mise sur pied ; la Banque centrale européenne a développé une nouvelle doctrine monétaire plus favorable à l’investissement et à un cours de l’euro moins élevé – c’est ce que nous avions souhaité ; le Conseil européen a endossé à la fin de l’année dernière, sur proposition du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, un plan d’investissement de 315 milliards d’euros.

Sous l’impulsion de la France, l’investissement et l’emploi sont donc désormais au coeur du projet européen, nous devons continuer à agir dans cette direction. D’abord, en consolidant le nouvel équilibre de la politique économique en Europe entre les trois piliers de cette stratégie.

Le premier de ces piliers est l’investissement. Le plan de 315 milliards d’euros proposé par le président Juncker va maintenant pouvoir entrer en vigueur. Nous voulons pour cela que le règlement qui créera le fonds européen pour les investissements stratégiques puisse être adopté le plus rapidement possible, dès le mois de juin, par le Parlement européen. Évidemment, nous avons demandé sans attendre à la Banque européenne d’investissement, comme cela avait été indiqué lors du Conseil européen du mois de décembre dernier, de commencer à soutenir des projets sur ses fonds propres. C’est ainsi qu’en lien avec la BPI France, deux initiatives – les prêts innovation et le prêt amorçage investissement – vont pouvoir mobiliser 440 millions d’euros de prêts à l’innovation en France, à la disposition de PME et d’ETI innovantes, dès ce mois de mai.

Dans le même temps, le Commissariat général à l’investissement, la Caisse des dépôts et consignations et BPI France mènent un travail d’identification de nombreux projets dans les domaines décisifs pour le potentiel de croissance future et l’innovation en France – et qui sont également d’intérêt européen – en particulier dans le domaine du numérique, de l’efficacité énergétique, des technologies de la transition énergétique, qui pourront être soutenus par le futur plan Juncker. Vous le savez, le Président de la République a annoncé que la Caisse des dépôts et BPI France mobiliseraient 8 milliards d’euros au service de ces projets pour amplifier l’effet de levier du futur plan Juncker. Des dizaines de projets français sont donc actuellement identifiés, rassemblés et préparés pour pouvoir bénéficier de ces financements d’ici à la fin de l’année.

Le deuxième pilier est celui de la consolidation budgétaire, que Michel Sapin a évoquée en insistant sur le fait que nous tiendrons nos engagements de ramener le déficit sous la barre des 3 % en 2017, mais que nous le ferons à un rythme qui ne mette en rien en danger la reprise et le retour de la croissance, donc de l’emploi.

Le troisième pilier, ce sont les réformes structurelles. Elles sont essentielles, en France comme dans tous les pays de l’Union européenne, pour rendre l’économie plus compétitive et plus agile. Si nous les menons maintenant en France, c’est aussi parce qu’elles n’ont pas été engagées auparavant, contrairement à d’autres pays comme l’Allemagne qui les ont mises en oeuvre il y a déjà dix ans. Sur ce terrain, les institutions européennes comme nos principaux partenaires reconnaissent la détermination dont fait preuve le Gouvernement. L’agenda des réformes du Gouvernement a d’ailleurs été actualisé aujourd’hui même.

La deuxième grande priorité est de développer l’Europe des projets, en particulier de soutenir les secteurs qui seront porteurs de croissance à l’avenir, que j’ai déjà mentionnés à propos du fonds Juncker : le numérique et la transition énergétique. Aujourd’hui même, la Commission européenne a présenté sa stratégie pour le numérique.

Nos industries créatives, qui représentent d’ores et déjà 4 % de notre PIB, doivent permettre à l’Europe d’être une puissance culturelle qui rayonne partout dans le monde. Le passage à l’ère du numérique ne doit pas affaiblir la capacité de développement des industries culturelles européennes. L’Europe ne peut pas simplement être un marché numérique pour des entreprises multinationales américaines, elle est un lieu de création et le numérique doit amplifier la capacité à financer cette création. C’est pourquoi il est fondamental de préserver les droits d’auteur, la territorialisation, de mettre en place une fiscalité adaptée et de réguler les plates-formes numériques. C’est ce que nous défendrons dans les négociations qui vont maintenant s’ouvrir et qui déboucheront sur des propositions de législation dès cet automne.

Je pense aussi au projet d’union de l’énergie et à la lutte contre le changement climatique. C’est un enjeu décisif pour orienter la croissance européenne d’une façon durable. L’Europe doit continuer à jouer un rôle moteur, comme elle l’a fait en matière de lutte contre le changement climatique en adoptant, dès le mois d’octobre 2014, son cadre énergie-climat pour la réduction des gaz à effet de serre, la promotion des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique à l’horizon 2030, mais aussi en étant parmi les premiers à transmettre – au début de cette année – sa contribution à la réduction des gaz à effet de serre en vue de la COP 21 qui se déroulera à Paris.

L’un des grands chantiers d’urgence en matière d’énergie et de transition énergétique sera la relance du marché du carbone européen, avec pour objectif d’augmenter rapidement le prix de la tonne de carbone, signal qui encouragera les investissements dans l’économie décarbonée. Les négociations en cours ont fixé comme échéance l’année 2019 au plus tard pour la mise en place de ce nouveau marché ETS.

La troisième priorité sur laquelle je voudrais insister est la jeunesse. Aujourd’hui, environ 5 millions de jeunes européens sont au chômage. C’est une situation que nous ne pouvons accepter, tant sur le plan social, moral que politique, parce qu’elle met en danger l’adhésion au projet européen. C’est pourquoi le Président de la République a proposé l’initiative européenne pour la jeunesse, qui s’est traduite par l’instauration de la garantie jeunes, en France et dans les régions où leur taux de chômage est supérieur à 25 %, pour leur permettre de trouver une formation, un emploi, et d’y être accompagné.

Mais nous voulons aussi continuer à développer des programmes qui existaient auparavant. En particulier, le programme Erasmus, une des plus belles réussites de l’Union européenne, qui reste encore trop élitiste. C’est la raison pour laquelle, comme l’a proposé le Premier ministre ce matin, nous porterons l’idée d’un service civique européen. Cela ouvre la possibilité, pour les jeunes qui font un service civique dans divers pays de l’Union européenne, de passer une partie du temps de ce service civique dans d’autres pays de l’Union. Nous souhaitons également développer un Erasmus professionnel qui permettrait la création d’un statut de l’apprenti européen, ainsi que le lancement d’une carte d’étudiant européen.

Enfin, nous voulons mettre en place, sur le plan économique, un nouveau pilotage de la zone euro. Ce sera l’enjeu du rapport des quatre présidences – président de la Commission, président du Conseil européen, président de l’Eurogroupe et président de la Banque centrale européenne – qui présenteront des propositions le 10 juin prochain. Elles seront débattues lors du Conseil européen du mois de juin par les chefs d’État et de gouvernement.

L’objectif de la France, comme l’a indiqué Michel Sapin, est de renforcer la coordination des politiques économiques, qui ne doit pas se limiter à la coordination des politiques budgétaires ; d’examiner la situation à l’échelle de la zone euro consolidée, et non pas de chaque pays pris séparément ; d’améliorer et de simplifier le semestre européen, de renforcer sa légitimité démocratique en y associant davantage les parlements nationaux et le Parlement européen et de relancer le processus de convergence économique, fiscale et sociale ainsi que la solidarité, pour permettre l’approfondissement et l’intégration plus forte de la zone euro au service de la croissance et de l’emploi.

Sur ce sujet, soyez assurés de la parfaite coordination de nos positions avec l’Allemagne et de la solidité de la relation franco-allemande : c’est la condition sans laquelle aucune avancée n’est possible en Europe.

Enfin, comme l’a souligné le ministre des finances et des comptes publics, nous voulons évidemment lier cette nouvelle orientation économique en faveur de la croissance, de l’investissement et de l’emploi avec les objectifs de promotion d’une Europe sociale, en commençant par la protection des droits sociaux en Europe et la lutte contre toutes les formes de dumping fiscal et social.

En matière sociale, nous devons continuer à renforcer les règles relatives au détachement des travailleurs et à étendre la responsabilité du donneur d’ordre à tous les secteurs d’activité – c’est d’ailleurs le sens d’une proposition de loi déposée par le groupe SRC et adoptée par l’Assemblée nationale en anticipant la révision de la directive sur le détachement des travailleurs. Nous devons aussi continuer à travailler à la création d’un salaire minimum dans l’Union européenne et, pour commencer, à l’adoption de salaires minimums dans tous les pays de la zone euro, comme vient de le faire l’Allemagne, en tenant bien sûr compte des niveaux de vie.

En matière fiscale, cela a été dit, il est impératif de lutter contre toutes les formes d’optimisation afin de veiller au respect d’un principe simple : les entreprises doivent être taxées là où elles réalisent leurs profits. Nous attendons donc avec intérêt les propositions que la Commission européenne devrait faire prochainement.

Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les députés, les priorités poursuivies par le projet économique et social européen de la France.

D’autres dimensions sont également importantes, même si elles n’entrent pas dans le cadre de ce débat – je pense notamment à la lutte contre le terrorisme, à la promotion d’une véritable Europe de la défense, qui sera à l’ordre du jour du Conseil européen de juin, et à la réponse aux migrations. Tout cela est évidemment cohérent avec l’ambition de construire une Europe qui protège, qui développe ses projets et qui promeut ses valeurs.

Pour répondre à ces défis, qui sont autant d’urgences, l’Europe doit fonctionner d’une façon plus simple en se concentrant sur ces quelques grandes priorités. C’est le sens du dialogue que nous avons avec la Commission européenne, et c’est ce que nous devons aux citoyens pour répondre à leurs attentes.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes.

Nous commençons par les questions du groupe SRC.

La parole est à M. Yves Blein.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, il est indéniable que la croissance repart aujourd’hui en France et en Europe. Il faut bien sûr la soutenir sans relâche, notamment en redonnant des marges aux entreprises françaises, marges qui étaient hier encore parmi les plus faibles d’Europe, et en réduisant leurs charges.

C’est le sens du pacte de responsabilité et de solidarité, qui a permis d’amorcer la baisse du coût du travail, du crédit d’impôt compétitivité emploi, qui produira ses pleins effets en 2015, du dispositif « zéro charge » pour l’employeur d’un salarié payé au SMIC, entré en vigueur le 1er janvier 2015, et de la diminution progressive de la fiscalité des entreprises jusqu’en 2017, notamment de la baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, attendue dès cette année.

Les premiers effets de cette politique volontariste sont d’ores et déjà perceptibles. Ainsi, comme l’a rappelé tout à l’heure notre collègue Dominique Lefebvre, le taux de marge de nos entreprises devrait s’élever à 31,3 % à la fin du mois de juin, atteignant ainsi son plus haut niveau depuis le premier trimestre 2011. L’INSEE indique qu’il se rapprocherait par conséquent de sa moyenne sur la période antérieure à la crise, soit 32,7 % entre 1988 et 2007. Une deuxième illustration de cette amélioration réside dans la baisse du coût horaire du travail en France : dès le deuxième trimestre 2014, il a atteint 36,80 euros dans l’industrie française alors qu’il s’élevait à 38,50 euros outre-Rhin.

Si ce redressement de la compétitivité nationale est une excellente nouvelle pour notre tissu productif, une mise en perspective européenne doit l’éclairer sous un nouveau jour. En effet, la moyenne de coût horaire du travail au niveau communautaire est de 31,70 euros et atteste des limites de la compétitivité intra-européenne si on l’apprécie sous le seul angle de la compétitivité-coût.

Dès lors, les conséquences fiscales de cette analyse économique nous amènent à nous interroger sur l’opportunité d’une convergence européenne dans laquelle la fiscalité ne serait plus un élément de concurrence entre les États membres, donc entre les entreprises. Il conviendrait au contraire de s’inscrire dans une logique de convergence qui faciliterait à terme les échanges intra-européens et rendrait l’ensemble des entreprises européennes plus compétitives dans le cadre de la compétition mondiale. C’est pourquoi je souhaiterais, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, que vous puissiez nous indiquer quelles initiatives la France entend porter dans le domaine de la convergence des fiscalités au sein de l’Union européenne.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur le député, votre question comporte deux éléments.

Je veux tout d’abord rappeler brièvement l’effort considérable que la nation vote et que vous votez, budget après budget, pour diminuer les « charges » – je reprends le terme souvent utilisé –, les impôts et les cotisations des entreprises. Cet effort porte sur plus de 40 milliards d’euros en quatre ans. Je tiens à le rappeler car j’entends parfois dire que l’amélioration de la situation, en particulier pour les entreprises, serait uniquement due à des facteurs extérieurs comme la baisse du prix du pétrole. Ces facteurs, en particulier le prix du pétrole, jouent un rôle évident, mais l’amélioration de la situation économique est également liée à certaines décisions. Je ne parle pas seulement des mesures que la France a portées au niveau européen, mais aussi des dispositions votées par le Parlement, par vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, et dont nous assumons pleinement la responsabilité.

Ces mesures sont d’ailleurs bien accueillies parce qu’elles constituent de vraies réformes en profondeur. La baisse du coût du travail – sans diminution des salaires – et le renforcement de la compétitivité des entreprises sont absolument indispensables au développement de notre économie : ils permettent une reprise de l’investissement, dont les chefs d’entreprise disent aujourd’hui qu’ils souhaitent augmenter considérablement le niveau.

J’en viens au deuxième point de votre question, monsieur le député. Vous avez raison : si l’on essaie d’harmoniser les coûts du travail par une diminution des coûts fiscaux, dans un contexte de concurrence sauvage dans le domaine de la fiscalité, il manquera une jambe au dispositif et quelque chose ne marchera pas. Il y a beaucoup de travail dans ce domaine : vous savez que la fiscalité demeure aujourd’hui une compétence des États membres et que, sauf dans certains domaines très particuliers, la prise de décision nécessite un vote à l’unanimité. Cela ne facilite pas forcément les choses, mais nous y travaillons.

Je l’ai dit dans mon intervention et j’aurai peut-être l’occasion de le préciser encore en répondant à d’autres questions : nous travaillons d’abord à la lutte contre les situations aberrantes. Il existe en effet des concurrences fiscales aberrantes, des optimisations fiscales sauvages, agressives, qui permettent à des entreprises, souvent non européennes, de ne payer aucun impôt en Europe alors qu’elles y réalisent un chiffre d’affaires considérable et des bénéfices importants. Il faut donc lutter contre l’optimisation fiscale.

Derrière ce problème se pose la question de la convergence. Il convient de procéder à des harmonisations, en particulier sur la manière de calculer l’impôt sur les sociétés. Une vraie convergence est nécessaire – le ministre des finances des Pays-Bas, M. Dijsselbloem, avec qui j’évoquais ce sujet, en convient lui-même. Oui, monsieur le député, après une convergence des coûts du travail, nous voulons permettre aussi une convergence de la fiscalité des entreprises.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, depuis l’élection de François Hollande à la présidence de la République en 2012, une profonde réorientation de l’Europe a été amorcée. Cette réorientation commence à porter ses fruits dans notre pays, mais aussi au niveau de l’Union européenne où un changement d’état d’esprit a été constaté.

Des avancées significatives pour la croissance et l’investissement sont à mettre au crédit de la France, avec le soutien de la gauche européenne. L’austérité n’est plus la norme, la relance par l’investissement et la lutte contre le chômage sont devenues les nouvelles priorités assumées de l’Union européenne. Le plan d’investissement européen de 300 milliards d’euros, la pérennisation de la garantie jeunesse, la révision de la directive européenne sur le détachement des travailleurs, l’assouplissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne et la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales ne sont que quelques-unes des réussites dont nous pouvons tirer de la fierté.

Pour ancrer durablement ce changement en Europe et l’incarner pour les citoyens, il est aussi temps de faire avancer l’Europe sociale. La France peut et doit naturellement être à l’avant-garde d’avancées concrètes en matière sociale à l’échelle de l’Union européenne.

Une première proposition pourrait être la mise en place d’un pilier européen d’assurance chômage dans la zone euro. Cette assurance serait financée par un fonds commun alimenté par les États membres de la zone euro, qui permettrait également de réduire l’importance des chocs macroéconomiques.

Une seconde proposition, la plus urgente et celle sur laquelle je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, est l’adoption du salaire minimum dans toute l’Europe. L’Allemagne a franchi le pas, d’autres doivent le faire. Un salaire minimum dans chaque pays, calculé en fonction du salaire médian, soutiendrait le pouvoir d’achat des salariés et limiterait le dumping social insupportable qui existe entre les États membres et nuit tant aux salariés qu’aux entreprises et aux budgets des États.

L’adoption d’une telle mesure constituerait un signal fort de solidarité européenne renouvelée. C’est pourquoi je souhaite savoir si la France compte porter et soutenir la mise en place d’un salaire minimum européen auprès de nos partenaires et de la Commission européenne, et quelles pourraient en être les modalités.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, vous avez eu raison d’insister sur le lien entre l’ambition de soutenir prioritairement l’emploi, l’investissement et la croissance, et la nécessité d’oeuvrer à la convergence des droits sociaux en Europe. En effet, l’Europe ne peut être un espace bâti sur le principe du moins-disant social. Nous ne pensons pas que suivre la voie de la compétitivité et du retour de la croissance revienne à participer à une sorte de course qui amènerait chaque pays à mettre en cause son modèle social, à démolir les protections collectives et à affaiblir les droits des travailleurs. Au contraire, l’Europe doit être un espace qui met la force économique, la compétitivité et l’innovation au service d’un niveau élevé de droits collectifs et de protection des travailleurs. Parallèlement au soutien à la croissance, à la définition d’une nouvelle politique monétaire, d’une nouvelle politique d’investissement et d’une nouvelle approche de la coordination des politiques budgétaires, qui sont des priorités, nous demandons donc que chaque État veille à préserver un haut niveau de droits sociaux.

Vous l’avez dit, cela passe d’abord par une mise en oeuvre réelle de la directive sur le détachement des travailleurs. Il faut pouvoir encourager la mobilité des travailleurs dans l’espace européen sans que soient mis en cause les droits du pays où ils viennent travailler, en appliquant le principe du pays de destination et non celui du pays d’origine. Il faut donc accroître la responsabilité des travailleurs, des entreprises et des donneurs d’ordre par un renforcement des contrôles et une meilleure coordination entre les différentes inspections du travail des pays de l’Union européenne.

À mesure que la croissance revient, que la convergence économique est en marche et que les pays les moins avancés rattrapent leur retard, grâce à leur niveau de croissance ou par l’effet des politiques régionales et des fonds structurels, il faut aussi s’assurer que le niveau de protection sociale s’élève. C’est pourquoi nous défendons depuis longtemps l’idée que chaque pays doit adopter un salaire minimum, et que le niveau de ce salaire minimum doit tenir compte du niveau de croissance, de développement et du salaire médian. Nous proposons que le montant de référence de ce salaire minimum corresponde à 60 % du salaire médian. En instaurant un salaire minimum, l’Allemagne a contribué à cette orientation, puisque le salaire horaire va être porté à 8,50 euros alors qu’il était, dans certaines entreprises du secteur agroalimentaire ou des services, de l’ordre de 3 ou 4 euros. Nous demandons que tous les pays de l’Union européenne mènent une politique visant à l’établissement de salaires minimums et à la convergence de ceux-ci vers le haut.

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Nous en venons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Hervé Mariton.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, les groupes de la majorité et le Gouvernement sont responsables de la qualité et de l’intensité des débats de notre assemblée.

Nous avons été invités à débattre du « projet économique et social européen de la France ». C’est un vaste sujet et, effectivement, les députés de la majorité comme de l’opposition ne sont pas très nombreux dans notre hémicycle.

Chacun a compris que le présent débat était un substitut au débat et au vote de l’an dernier sur le programme de stabilité 2014-2017. Ce n’est pas ainsi qu’a été intitulé notre débat. Les choses auraient pu être écrites plus explicitement, elles ne le sont pas. Cette année, nous avons à la fois moins et plus : moins dans la forme même du débat, et plus dans son champ – le projet économique et social européen de la France, ce n’est pas rien !

Monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, ma question est extrêmement simple. Vous avez prétexté que le calendrier ne permettait pas d’organiser cette année un débat en séance publique et un vote sur le programme de stabilité de la France. Supposons que cet argument soit valide.

Ma question, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, est donc extrêmement simple.

Le Gouvernement s’engage-t-il – ce qui correspond à l’esprit des débats et des procédures qui ont prévalu les années précédentes – à organiser un débat et un vote en séance publique l’an prochain sur le programme de stabilité ?

La réponse ne peut être que brève. C’est oui ou non !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Merci monsieur Mariton d’insister sur la forme de notre débat, mais vous ne nierez pas l’importance d’un débat sur le fond.

Pour le Gouvernement comme pour la majorité, il est intéressant de connaître les propositions de l’opposition sur le fond,…

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

…pour nous en inspirer – pourquoi pas ? – et enrichir nos propres propositions. Aussi, je déplore que vous vous en teniez à un débat de pure forme. Cela étant, je vais répondre à vos questions.

Vous connaissez les textes ; ceux-ci ne font pas mention d’une quelconque obligation à organiser un vote. En 2012, à ma connaissance, il n’y a pas non plus eu de vote sur le programme de stabilité.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Peut-être était-ce lié à un problème de calendrier ? Cela aurait en effet été possible avant l’élection présidentielle.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Il n’y a donc pas d’obligation.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Après avoir été adopté en Conseil des ministres, il faut attendre quinze jours avant d’envoyer le texte à la Commission. Nous devons respecter ce délai et ne pouvons aller au-delà. Or le débat et le vote n’ont pu avoir lieu en séance publique pendant ce laps de temps parce que le Parlement ne siégeait pas. La seule possibilité a été de participer aux réunions de commission,…

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

…ce que nous avons fait avec plaisir, aussi bien le ministre de l’économie que le secrétaire d’État chargé du budget et que moi-même. Il n’y avait donc pas d’autre solution que d’organiser un débat sans vote aujourd’hui.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Quant à l’an prochain, je ne connais pas encore les dates des vacances parlementaires !

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La parole est à M. Hervé Mariton, pour une seconde question.

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Vous avez intérêt, monsieur le ministre, à ce que les vacances parlementaires vous soient favorables l’an prochain, car vous n’avez indiqué qu’un seul motif d’exception.

Sourires.

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Si les vacances parlementaires, par bonheur pour vous, permettent un débat et un vote, vous êtes fait !

Nouveaux sourires.

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Le Président de la République a annoncé un certain nombre d’évolutions utiles s’agissant du budget de la défense et de la loi de programmation militaire avec un déploiement de plus de 2 milliards d’euros supplémentaires de crédits budgétaires au titre de l’année 2015, ainsi que des moyens supplémentaires pour les années ultérieures.

Le Gouvernement est-il en mesure de nous préciser de quelle manière ces évolutions budgétaires seront financées ?

Pour être cohérents, messieurs les ministres, il faudrait lever la réserve de précaution sur la mission Défense. Or celle-ci est en partie consommée ou susceptible de l’être pour le financement d’autres dépenses nouvelles engagées par le Gouvernement.

Première question : lèverez-vous intégralement la réserve de précaution sur la mission Défense. Seconde question : comment financez-vous les 2,2 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires en 2015 ? Si vous êtes en mesure de vous engager sur la manière de faire en 2016 et 2017, je suis preneur !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Et pourquoi pas 2018, 2019 et 2020 ?

Nul ne peut préjuger du moment auquel les fréquences hertziennes dont il est question – le montant de la vente est estimé à 2,2 milliards d’euros – seront vendues. L’hypothèse selon laquelle elles peuvent être cédées en 2015 n’est pas complètement à exclure. Si tel était le cas, supprimer une recette de 2015 et la porter sur 2016 – je pense que ces fréquences seront vendues en 2016 – suppose qu’il y aura une inscription budgétaire de 2 milliards. Nous verrons à quel moment nous pourrons déporter la recette sur 2015.

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de nouveauté : les 31,4 milliards d’euros de crédits pour la défense ont été confirmés tant par le Président de la République que par le ministre de la défense, celui des finances et par votre serviteur. Nous avons toujours dit qu’il y aurait 31,4 milliards de dépenses. Si les 2,2 milliards n’étaient pas au rendez-vous, je peux vous rassurer en disant qu’ils sont inscrits dans la loi de programmation militaire. En revanche, la recette sera inscrite, en 2015 ou en 2016.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

La loi de programmation militaire n’est pas encore votée, monsieur le député. En tout état de cause, la trésorerie sera assurée par différents dispositifs.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Nous évoquerons le sujet en commission si vous le souhaitez, comme nous l’avons toujours fait.

S’agissant des dépenses supplémentaires que vous avez évoquées, je rappelle que la réserve de précaution est supérieure à 7 milliards d’euros. Vous semblez découvrir que le coût des opérations extérieures est souvent supérieur aux crédits inscrits ; c’est assez habituel et n’a rien à voir spécifiquement avec nous.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Lorsque vous étiez dans la majorité, vous avez connu ce type de dépassements. Et vous savez, monsieur le député, comment ils sont assurés. Ils sont généralement répartis en fin de gestion sur l’ensemble des ministères, le ministère de la défense prenant sa part. Il n’y a pas là de nouveauté. Nous aurons l’occasion d’y revenir en commission ou dans le cadre de la discussion de la loi de programmation militaire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons à une question du groupe UDI.

La parole est à M. Charles de Courson.

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Ma question porte sur les mesures d’économies complémentaires envisagées par le Gouvernement afin d’atteindre l’objectif de 50 milliards d’euros d’ici à 2017.

Selon le Programme de stabilité, 4 milliards d’euros complémentaires seraient réalisés en 2015 et 5 milliards en 2016.

L’effort demandé aux collectivités locales en 2015 serait nul, mais en 2016, il représentera 1,2 milliard d’euros.

Il est indiqué dans les documents gouvernementaux que « les administrations publiques locales devraient ralentir plus significativement leurs dépenses de fonctionnement ».

Or, les collectivités locales prennent une très large part à l’effort de redressement des comptes de l’État, à hauteur de 11 milliards d’euros sur les années 2015 à 2017 : ce qui ne veut pas dire à leurs comptes à elles.

La réduction sans précédent des dotations aux collectivités a conduit à une augmentation dès cette année, une note du ministère de l’intérieur qui vient d’être publiée estime cette augmentation à 1,6 à quoi il faut ajouter la réévaluation forfaitaire de 0,9. Cela signifie que les impôts des collectivités territoriales augmenteraient de 2,5 %.

La réduction des dotations a également conduit à un effondrement de l’investissement – aux dernières nouvelles, on parle d’une baisse de l’ordre de 14 % pour les communes et les intercommunalités en 2014, et une poursuite de la baisse en 2015, entre 5 et 10 % supplémentaires – et à très peu d’économies de fonctionnement.

En outre, le Gouvernement contribue à la hausse des dépenses des collectivités locales, notamment avec la réforme des rythmes scolaires qui coûte entre 700 et 800 millions supplémentaires.

Ma question est simple : quelle mesure envisage de prendre le Gouvernement pour ralentir, à hauteur de 1,2 milliard d’euros, les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Ce n’est pas parce que les chiffres sont assénés avec force qu’ils sont nécessairement justes. Je pense notamment à ce que vous avez dit concernant la baisse des dépenses d’investissement ou la progression des impôts. Évoquer l’augmentation des impôts peut faire peur ou faire fantasmer. Vous savez mieux que moi, ou pour le moins, aussi bien, que la hausse des produits fiscaux des collectivités résulte de plusieurs facteurs.

Premièrement, d’une variation nominale des bases d’imposition, qui ont été fixées par le Parlement à 0,9 %. Cela représente un peu plus de 500 millions d’euros. Sans que l’on ne fasse rien, cela représente 500 millions d’euros supplémentaires pour les collectivités locales.

Deuxièmement, d’une augmentation de l’assiette, augmentation physique des bases d’imposition – vous connaissez cela par coeur.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Plus de bâtiments, plus de matière imposable. Généralement, le phénomène est assez positif.

Troisièmement, d’une augmentation des taux d’imposition qui relève de la décision des élus locaux. Un grand journal du matin indiquait que deux tiers des collectivités locales n’avaient pas touché à leur taux d’imposition. Vous vous focalisez sur quelques grandes villes, qui ont souvent surévalué l’augmentation de leur taux d’imposition, je pense à Toulouse notamment – trois fois le montant de la diminution de la dotation globale de fonctionnement – sans tenir compte des augmentations naturelles des recettes que je viens d’évoquer.

Pour répondre à vos inquiétudes, je vous indique que nous avons travaillé sur ce qu’on appelle le « panier du maire », c’est-à-dire les dépenses de fonctionnement et nous avons constaté qu’elles étaient sensibles à l’inflation et au prix de l’énergie. Quand on chauffe des écoles, des bâtiments publics, on note une baisse de la dépense cette année. Avec une inflation de 0 %, on peut considérer que ce qui était estimé à 0,9 % en loi de finances conduira à une baisse des dépenses de fonctionnement.

Pour aller plus loin dans une forme d’incitation, vous connaissez comme moi les leviers en matière de gouvernance et les problèmes constitutionnels qui s’y rapportent, nous avons, dans un premier temps, instauré un objectif d’évolution de la dépense publique locale – ODEDEL. Nous pourrons aller plus loin, mais le Parlement en débattra. Pour l’heure, des parlementaires travaillent sur le sujet.

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Nous en venons à une question du groupe RRDP.

La parole est à M. Joël Giraud.

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Je ne m’attarderai pas sur le programme de stabilité 2015-2018. Je me bornerai à citer le commissaire aux affaires économiques et financières Pierre Moscovici qui déclarait hier : « L’héritage de la crise reste encore présent. Le printemps ne doit pas être qu’une saison [,.,] ce n’est pas parce que la situation conjoncturelle s’améliore qu’il faut arrêter les réformes structurelles, au contraire. »

De quelle « crise » parlons-nous ? Assurément pas d’une crise de la dépense publique puisque, sur une échelle de trente ans, la part des dépenses a chuté de 2 points de PIB !

Non, il s’agit d’une crise financière doublée en conséquence, d’une crise de la dette !

Quel projet porte la France pour en prémunir durablement l’Europe ?

D’abord, et ce sera ma première question, qu’en est-il de notre position sur la taxe sur les transactions financières, la TTF ?

La directive de février 2013 dans le cadre de la coopération renforcée, est aboutie : elle améliore le champ d’application et les objectifs. L’approche qui consiste à taxer toutes les transactions ayant un lien avec la zone TTF est maintenue ainsi que les taux de 0,1 % pour les actions et les obligations et de 0,01 % pour les produits dérivés. Elle pourra générer de 30 à 35 milliards d’euros par an tout en régulant les marchés !

Néanmoins, vous aviez, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, déclaré en mai 2014 à la sortie du conseil Écofin, que « d’ici à la fin 2014 devra avoir été élaborée une nouvelle directive qui permettra de rendre applicable ce nouveau dispositif au 1er janvier 2016 ». Où en est-on ? !

Ensuite, et c’est ma deuxième question, quelle est votre position sur la réforme bancaire européenne ? La directive de séparation des activités commerciales et d’investissement portée par le commissaire français Michel Barnier semblait raisonnable et souhaitable. Pourtant, son successeur sir Jonathan Hill écrivait à Frans Timmermans en fin d’année 2014 : « Nous devons voir quels progrès seront réalisés concernant la proposition de réforme structurelle des banques, car des États membres s’y opposent de diverses manières ». Pour le commissaire Hill, le retrait de la proposition « pourrait être une option l’an prochain si les États membres ne s’y rallient pas ».

Où en est-on ? Rappelons qu’il ne s’agit pas de casser un modèle, mais uniquement d’endiguer les risques d’une crise prochaine !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Vos deux questions en une sont tout à fait légitimes. Elles partent du constat que la crise avait pour origine le dérèglement financier. Tout ce que nous pouvons faire ensemble au niveau européen pour éviter à l’avenir ce type de dérèglement sera une bonne chose pour notre économie et l’emploi.

S’agissant de la taxe sur les transactions financières, élément important du débat public depuis longtemps, celle-ci n’avance pas véritablement sauf sur certains aspects. Par exemple, les actions, dans de nombreux pays. En France, nous avons augmenté en 2012 une taxe sur les transactions actions.

J’y ai mis ma part d’énergie, mais nous n’avons pas réussi en 2014. Pour autant, l’objectif n’est pas remis en cause. Au 1er janvier 2016, nous devrons avoir un nouveau texte qui engage le plus grand nombre possible de membres de l’Union européenne. Nous en sommes à onze, peut-être en attirerons-nous quelques autres.

La proposition française, rappelée par le Président de la République, est très claire : la base doit être la plus large possible, avec un taux éventuellement plus faible que celui qui avait été initialement proposé afin, dans un premier temps, de ne pas créer de troubles trop importants qui risqueraient, au bout du compte, de faire disparaître la base sur laquelle nous souhaitons asseoir cette taxe pour qu’elle puisse rapporter.

Dans ce domaine, le travail est actuellement mené par mon collègue autrichien, qui préside politiquement le groupe de travail, et nous disposerons prochainement – lundi prochain, puis en juin – d’un rapport précis, en vue de pouvoir aboutir d’ici à la fin de l’année.

La deuxième question portait sur les banques et les modalités d’organisation de la lutte contre les risques que celles-ci peuvent présenter. Outre l’union bancaire, très importante, que j’ai évoquée, ainsi que la supervision et la résolution, il faut également être attentifs à l’organisation de ces groupes.

Là encore, la position de la France est claire : il ne s’agit pas de rechercher un schéma qui s’appliquerait universellement, mais de tenir compte des risques réels présentés par chacune des banques concernées, car c’est en fonction de ces risques réels que des décisions doivent être prises. Telle est l’orientation actuellement prise par le commissaire et nous devrions recevoir dans quelques semaines une proposition de directive dans ce domaine.

Sur ces deux sujets, donc, nous progressons bien.

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La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

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Monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, chers collègues, comme vous le savez et comme cela a été dit, la reprise actuelle repose essentiellement sur des facteurs extérieurs, comme la baisse des prix du pétrole et la dépréciation de l’euro.

Comme vous, nous souscrivons à l’idée que cette reprise ne pourra se maintenir sans relance de l’investissement public et privé. Les hypothèses que vous adoptez dans le programme de stabilité présenté à la Commission européenne reposent du reste sur une augmentation de 3,3 % de l’investissement privé en 2016, soutenue notamment par la mesure d’amortissement exceptionnel supplémentaire de 40 % annoncée le 8 avril dernier.

Je souhaiterais cependant insister sur deux points.

Tout d’abord, si les mesures annoncées en matière d’investissement privé peuvent paraître ambitieuses, l’investissement public ne semble pas soutenu à la même hauteur et peut être affaibli par la réduction des dotations aux collectivités locales, qui atteint 3,7 milliards d’euros en 2015.

En effet, selon une note de conjoncture de la Banque postale publiée ce mardi 5 mai, l’investissement des collectivités territoriales passerait en 2015 sous la barre des 50 milliards d’euros, pour la première fois depuis 2006, et serait en baisse de 7,3 % par rapport à 2014.

Deuxièmement, la reprise ne sera durable que si l’investissement sert un changement de modèle économique, une modification de la structure sectorielle de notre économie. Nous avons en effet la responsabilité de construire l’économie de l’avenir – une économie basée sur les économies d’énergie, les énergies renouvelables, les transports collectifs et le recyclage des ressources. Nous souhaiterions donc avoir des éclaircissements quant à la priorité donnée à la transition écologique dans la politique d’investissement en France et en Europe.

Vous avez en effet évoqué tout à l’heure, monsieur le ministre, le rôle de l’Europe dans la lutte contre le changement climatique, mais nous sommes particulièrement inquiets de constater que le Parlement européen, par un accord conclu entre le Parti populaire européen et les socialistes et démocrates, a abandonné l’affectation d’une partie des moyens du plan Juncker à des projets d’efficacité énergétique : il ne faudrait pas que l’engagement écologique de l’Europe ne se traduise pas dans sa politique d’investissement.

Enfin, dans la perspective de l’accélération de la transition écologique, nous souhaiterions savoir quelle suite vous comptez donner à l’idée, avancée dans la note récente de Michel Aglietta et Étienne Espagne, de permettre à la Banque centrale européenne d’acheter massivement des titres de dette correspondant à des investissements « bas carbone » et créateurs d’emplois ?

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La parole est à M. Harlem Désir, secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Madame la députée, vous avez raison de dire que l’un des moteurs de la croissance, en Europe comme en France, consistera à investir dans la transition énergétique – c’est du reste l’un des objets de la loi de transition énergétique et du cadre énergie-climat fixé au niveau européen.

À cette fin, il faut que les instruments de soutien aux investissements en Europe puissent eux-mêmes orienter une grande partie de ces investissements, publics et privés, vers l’efficacité énergétique, vers les technologies environnementales propres et une économie décarbonée et vers des infrastructures telles que les interconnexions électriques, qui contribueront à ce nouveau modèle de croissance. Tel est bien l’un des objets du plan Juncker.

Même si un amendement en ce sens n’a finalement pas été retenu au Parlement européen, il me semble absolument clair que, pour la Banque européenne d’investissement et pour le Président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker – les deux acteurs qui piloteront le futur fonds d’investissement stratégique –, ainsi que, du côté français, pour la Caisse des dépôts des consignations et pour la Banque publique d’investissement, qui porteront et accompagneront une grande partie des projets destinés, sur notre territoire, à aller chercher cette garantie et ces financements du futur plan Juncker, la transition énergétique est l’un des grands thèmes prioritaires qui devront être soutenus, aux côtés du numérique, qui a été évoqué tout à l’heure, et de projets d’innovation dans d’autres domaines, comme la santé.

De fait, bien qu’on ne puisse aujourd’hui préciser de chiffres – il ne faudrait, du reste, pas le faire, car il faut que les projets puissent se constituer et être présentés au futur fonds Juncker –, une grande partie des financements seront consacrés à la transition écologique. Nous y veillerons donc, mais soyez assurée que cette idée, cette perspective et ce concept sont partagés dans cette stratégie de croissance.

En deuxième lieu, je tiens à rappeler que d’autres instruments que le fonds Juncker peuvent jouer un rôle considérable pour financer cette croissance durable.

Ce sont tout d’abord les fonds structurels européens. Les régions viennent en effet de signer leurs programmes opérationnels avec la Commission européenne et, sur plus de 25 milliards d’euros de fonds européens engagés pour la période 2014-2020 pour soutenir la croissance des infrastructures et l’innovation dans les régions, 9,8 milliards seront consacrés à la croissance durable.

Je pense également au verdissement de la politique agricole commune : 30 % environ des paiements directs sont en effet des paiements verts, qui contribuent à l’« agro-écologie », comme on dit en France.

Il existe également des instruments plus spécifiques de soutien à des investissements qui contribueront à la croissance durable en Europe. Le mécanisme d’interconnexion pour l’Europe représente ainsi 5,8 milliards d’euros pour le secteur énergétique et le recours à ce mécanisme pour financer la liaison Lyon-Turin où le canal Seine-Nord contribue également à la croissance durable.

Il faut en outre ajouter que la Banque européenne d’investissement avait décidé, avant même que ne soit lancé le fonds Juncker, de consacrer 25 % de ses financements au changement climatique.

Nous partageons donc cette priorité.

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La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, j’aurais pu évoquer la question de la presse au niveau européen, mais je ne crois pas que ce soit l’objet du présent débat. Permettez-moi cependant par parenthèse, monsieur le ministre, de vous remercier de votre intervention, qui permet au journal La Marseillaise de poursuivre l’aventure de l’édition.

J’aurais également pu évoquer la SNCM, qui relève peut-être de l’Europe – mais je le ferai ce soir, dans le cadre d’une question à M. le ministre des transports.

J’évoquerai donc simplement la question de l’évasion fiscale. En effet, comme vous le savez, les élus de mon groupe n’ont cessé de rappeler que la lutte contre les déficits publics passait par une intensification de la lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux. Or, l’action a minima de l’Union européenne traduit un déficit de volontarisme dans un domaine symptomatique des dérives actuelles : l’inégalité devant l’impôt.

La Commission européenne avait promis de tirer les leçons du scandale « Luxleaks », qui a révélé comment des centaines de multinationales s’affranchissaient de tout ou partie de leur impôt en Europe grâce à leur holding luxembourgeoise. Ce sont ainsi des milliards d’euros d’impôts non perçus qui manquent cruellement au moment où les gouvernements sont obligés de sabrer dans les dépenses publiques au nom de l’austérité et de l’équilibre budgétaire.

M. Pierre Moscovici, désormais commissaire européen aux affaires économiques, vient d’annoncer un projet de plan d’action contre les paradis fiscaux et l’optimisation à outrance. Il s’agit cette fois de s’attaquer au rescrit fiscal, ou « tax ruling », qui consiste pour une entreprise à prendre des garanties fiscales auprès d’un État sur le territoire duquel elle compte s’implanter et qui débouche souvent sur un montage complexe d’optimisation fiscale.

Or, ces propositions ne sont pas à la hauteur des enjeux. L’ONG Oxfam, spécialisée notamment dans le domaine de la transparence financière, a considéré que ces mesures, concrètement, « ne font rien pour empêcher les accords fiscaux de type Luxleaks ».

Peut-on s’en étonner ? M. Jean-Claude Junker, actuel président de la Commission européenne et ancien Premier ministre et ministre des finances du Luxembourg, ne pouvait ignorer le scandale Luxleaks. Compte tenu de sa responsabilité directe ou indirecte dans cette affaire, sa nomination à la présidence de la Commission européenne est soit irresponsable, soit significative de l’état dans lequel se trouve l’Europe.

Monsieur le ministre, à défaut de pouvoir compter sur une quelconque initiative d’ampleur de la Commission européenne, que compte faire le Gouvernement de la France pour que l’Europe s’attaque enfin de manière réellement ambitieuse au fléau des paradis fiscaux ?

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Je vous remercie tout d’abord, monsieur le député, de ce que vous avez dit à propos de l’avenir de la presse – nous aurons peut-être l’occasion d’en reparler. Il est important que les débats puissent avoir lieu, ici comme ailleurs dans l’opinion, sur des sujets tels que ceux que nous évoquons aujourd’hui.

Je vous trouve un peu dur envers les positions prises et envers les décisions en cours dans le domaine de la lutte contre l’optimisation fiscale dite « agressive ». De fait, s’il est un domaine où les choses ont évolué très vite au cours des dernières années, c’est bien celui-là.

En effet, pendant des dizaines d’années, ce sujet a été abordé et écarté mais, en trois ans, des décisions véritablement importantes ont été prises – je pense en particulier à l’échange automatique d’informations concernant les personnes, qui a eu pour effet que de nombreuses personnes qui avaient des comptes à l’extérieur viennent aujourd’hui les déclarer pour mettre fin à des situations parfaitement anormales : ce sont plus de 2 milliards d’euros qui ont été recouvrés à ce titre l’année dernière, et peut-être plus de 2,6 milliards d’euros cette année.

Dans le domaine économique, M. Pierre Moscovici prépare actuellement une directive, qui sera adoptée très rapidement, afin de mettre fin à l’opacité des rulings. Là encore sera instaurée une obligation d’information automatique des administrations fiscales des autres pays lorsqu’une décision de cette nature aura été prise. Cela aura pour conséquence que, si un pays décide, à la suite de discussions avec une entreprise, de ne pas l’imposer, la France pourra, quant à elle, l’imposer sur son territoire pour les affaires qu’elle y aura réalisées. Voilà encore un progrès considérable.

L’optimisation fiscale recouvre encore d’autres aspects, comme ce que l’on appelle, en termes techniques, les « prix de transfert » – ce que paie une entreprise, au titre d’un brevet, d’une marque ou d’une quelconque rémunération, à une entreprise-mère installée dans une île lointaine où l’on paie peu d’impôts : ces sommes sont parfois anormalement élevées, permettant de diminuer ou d’annuler le bénéfice de l’entreprise française « fille ». Il sera mis fin à cette pratique, grâce à des propositions très concrètes qui, je l’espère, pourront être adoptées d’ici la fin de cette année.

J’espère même que, dans la loi de finances pour 2016, nous pourrons traduire en droit français les éléments de ces directives, qui sont des progrès considérables.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Questions sur la politique des transports.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures dix.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly