Séance en hémicycle du 12 juin 2015 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées(n° s 2690, 2832).

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour un rappel au règlement.

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Mon intervention se fonde sur l’article 89, alinéa 4, de notre règlement. Le II de de l ’article 1er de la présente proposition de loi prévoit le blocage administratif des sites favorisant la prostitution. Comme les socialistes naguère, les députés du groupe écologiste sont hostiles au principe du blocage administratif et manifestent la plus vive inquiétude face à l’extension de celui-ci, qui semble infinie. Dans tous les cas, le blocage judiciaire semble préférable. J’ajoute qu’une telle disposition a un coût et qu’il est à ce titre regrettable que les règles de l’article 40 de la Constitution n’ait pas été respectées au Sénat. En effet, la Haute assemblée a prévu l’indemnisation des opérateurs à l’alinéa 6 de l’article 6-1 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, et le blocage administratif créera donc une charge supplémentaire pour l’État.

La commission spéciale a par ailleurs étendu les dispositions sur le déréférencement des sites. L’amendement nous avait été présenté comme rédactionnel. Or, il n’en n’est rien. J’avais averti Mme la rapporteure, parce qu’une telle disposition concerne aussi les moteurs de recherche, que l’État devra également indemniser pour d’autres opérations. Ces surcoûts sont prévus par l’article 6 du décret no 2015-253 du 4 mars 2015 qui encadre le déréférencement, distinct de celui qui encadre le blocage administratif.

En application de l’article 89, alinéa 4 de notre règlement, je souhaite donc que soit étudiée la recevabilité financière des modifications apportées par la commission sur l’article 1er.

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Monsieur le député, je vais saisir le président de la commission des finances afin qu’il statue sur la recevabilité financière des dispositions que vous contestez et nous apporte les éléments d’information nécessaires.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Madame la présidente, monsieur le président de la commission spéciale, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, c’est avec une grande détermination devant la tâche qui nous attend que je prends la parole aujourd’hui pour examiner et faire avancer, avec vous, la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. Ce texte est porteur de progrès importants pour les personnes prostituées, pour notre société tout entière, pour les droits humains et pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Tout d’abord, je voudrais rendre hommage au travail de votre assemblée. Née lors de la précédente législature, cette proposition de loi trouve son origine dans le travail de Danielle Bousquet, alors députée et aujourd’hui présidente du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, et de Guy Geoffroy, président de votre commission spéciale. Nous devons beaucoup à ce tandem paritaire qui a travaillé, de manière transpartisane, à faire progresser la législation pour mieux protéger les femmes victimes de violences. Après le vote d’une loi cruciale pour lutter contre les violences dans la sphère conjugale, ils ont choisi de s’intéresser à la prostitution, qu’ils ont dénoncée comme « la plus vieille violence du monde ». La prostitution est un sujet tabou. Ils ont affronté les préjugés et les a priori. Mais la qualité de leur travail a convaincu l’ensemble de cette assemblée.

En décembre 2011, les députés ont voté à l’unanimité une résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France. C’est un engagement politique fort, mais aussi exigeant. Cette résolution se fonde sur les engagements internationaux de la France et indique que la non-patrimonialité du corps humain est un principe fondamental du droit et que les agressions sexuelles, physiques et psychologiques qui accompagnent la prostitution portent gravement atteinte à l’intégrité des personnes prostituées.

Cela implique qu’il est primordial d’offrir des alternatives à la prostitution, de lutter contre la traite des êtres humains et le proxénétisme, d’éduquer tous les citoyens et de responsabiliser les clients afin d’enclencher un changement des mentalités et des comportements.

Je veux aussi saluer Catherine Coutelle, qui a fait en sorte que la délégation aux droits des femmes poursuive ce travail, et bien évidemment Maud Olivier, qui a été rapporteure d’une mission, puis de votre commission. Elles ont mené un travail de longue haleine, qui a abouti à cette proposition de loi de grande qualité, adoptée à la majorité absolue en première lecture.

Je rends également hommage au travail de la commission spéciale, qui a rétabli l’équilibre de ce texte, confortant ainsi notre volonté de mettre en place une politique abolitionniste ambitieuse et de respecter les engagements internationaux de la France.

Un autre acteur s’est aussi révélé précieux : le milieu associatif, qui est mobilisé et réalise un travail de terrain et de pédagogie indispensable. C’est un facteur clef pour réussir à mettre en place des outils permettant les meilleurs accompagnements nécessaires à la protection des personnes prostituées.

L’ensemble de ce travail doit maintenant aboutir rapidement. Il est urgent d’apporter des réponses adaptées car les situations auxquelles nous devons faire face sont inacceptables et dramatiques. Aujourd’hui, la grande majorité des personnes prostituées sont étrangères et victimes des réseaux de traite. La réalité de la prostitution, c’est la violence, des actes sexuels répétés et non désirés, imposés par la menace des mafias qui maintiennent sous emprise des femmes. Le quotidien des personnes prostituées, ce sont des violences inouïes, allant parfois jusqu’au féminicide. C’est cela la réalité de la prostitution.

Pourtant, certains nous parlent encore d’un métier, d’une prétendue liberté ou d’une prostitution acceptable car elle s’exercerait dans un cadre luxueux. Nous devons rappeler que le taux de mortalité des prostituées est six fois plus élevé que celui du reste de la population. Sacrifier les droits et les vies de femmes et d’hommes pour le désir sexuel de quelques-uns, ce n’est pas la société que nous voulons. Je suis allée sur le terrain, à plusieurs reprises, en maraude ou dans des centres d’hébergement sécurisés : dès lors que l’on rencontre les personnes qui sont victimes, la prise de conscience suscite tout d’abord l’effroi, ensuite, l’indignation, puis la volonté d’agir.

C’est le but de cette proposition de loi, qui se fonde sur quatre piliers : renforcer la lutte contre la traite et le proxénétisme ; accompagner les personnes prostituées ; sensibiliser toute la société ; responsabiliser le client. Ces actions dessinent un dispositif cohérent et efficace.

Certes, le débat sur un tel sujet soulève de nombreuses interrogations, mais ceux qui mettent en avant la liberté de disposer de son corps se trompent. Comparer le système prostitutionnel au combat pour l’émancipation et les droits des femmes est une faute politique. Le système prostitutionnel n’est en effet pas le droit à la libre disposition de son corps ; au contraire, il induit la contrainte physique et financière des personnes qui en sont victimes. Ce n’est pas la liberté des femmes qu’ils défendent ; c’est le droit de certains hommes à disposer du corps d’autrui.

Par ailleurs, certains prédisent que la loi sera contournée et peu efficace. Il est vrai qu’elle ne fera pas disparaître la prostitution du jour au lendemain. Nous savons que des infractions sont commises malgré les lois que vous votez et les sanctions encourues. Mais ce texte donnera un signal fort : il nomme les victimes et les auteurs, donne des outils pour mieux protéger les personnes prostituées et renforce nos moyens pour lutter contre les réseaux de traite humaine. Nous avons des exemples à l’étranger, qui attestent de l’efficacité de ce type de dispositif. Ainsi, un rapport d’évaluation portant sur l’interdiction de l’achat de services sexuels, publié en novembre 2010 par les autorités suédoises, démontre que le nombre de personnes prostituées a diminué. Les écoutes téléphoniques menées dans le cadre d’enquêtes judiciaires mettent en évidence la décision des chefs de réseaux de quitter le territoire suédois, les trafiquants estimant qu’il est devenu trop difficile d’exploiter des femmes en Suède et que le marché est désormais jugé inhospitalier.

En Norvège, un rapport d’évaluation publié en 2013 a conclu que la loi sanctionnant l’achat d’acte sexuel a engendré une réduction sensible de la traite, ce qui a convaincu le gouvernement nouvellement élu de maintenir la législation. De même, l’Islande et le Canada en 2014, puis il y a quelques mois l’Irlande du Nord, ont adopté une législation identique. Les pays qui ont choisi de réglementer constatent une augmentation spectaculaire de la prostitution, des risques sanitaires et des violences qui l’accompagnent. Sur 400 000 personnes prostituées en Allemagne, seules 44 se seraient officiellement enregistrées auprès des organismes sociaux suite à la loi encadrant la prostitution, et un tiers des procureurs allemands indiquent que cette loi a compliqué les poursuites pour traite et proxénétisme. En France, c’est le statu quo qui serait inacceptable. La prostitution évolue, les trafics s’organisent à l’échelle internationale, la législation française n’est plus efficace.

Enfin, certains craignent que la situation des personnes prostituées ne s’aggrave. Je tiens à leur répondre qu’actuellement c’est par crainte du délit de racolage ou par peur de ne pas être protégées que les personnes prostituées se cachent ou décident de ne pas s’engager dans des poursuites judiciaires. Cette loi supprimera le délit de racolage et mettra en place, pour la première fois, les accompagnements et les protections nécessaires.

Je veux aussi rappeler que nous ne créons pas de sanction pour l’achat d’acte sexuel : nous étendons une sanction existante concernant jusqu’à présent les personnes prostituées mineures ou vulnérables. Je note d’ailleurs que personne ici ne remet en cause cette disposition ! Si ce dispositif est souhaitable pour protéger les plus vulnérables, pourquoi ne le serait-il pas pour l’ensemble des personnes prostituées ? Pourquoi faudrait-il accepter que des hommes puissent continuer à violenter, dominer, humilier contre un billet de 20 euros ? Est-ce la société que nous souhaitons ?

Responsabiliser le client est le moyen le plus efficace pour faire reculer la prostitution et les mafias qui l’organisent. Sans client, pas de prostitution. Comme l’explique une survivante que j’ai rencontrée : « donner le droit aux clients d’acheter des femmes, c’est donner le droit aux proxénètes de les vendre ». C’est parce que la demande existe que des proxénètes et des réseaux jugent la prostitution lucrative et s’engagent dans le commerce des êtres humains. Si tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut lutter contre les réseaux, il faut maintenant faire cesser l’hypocrisie qui plane au bénéfice des clients alors que ceux-ci sont des acteurs à part entière du système prostitutionnel.

Responsabiliser le client, c’est lui indiquer clairement qu’il participe à l’exploitation d’êtres humains. Responsabiliser le client, c’est donner un signal fort à toute la société. Responsabiliser le client, c’est éviter toute banalisation de cette violence, notamment chez les plus jeunes. Responsabiliser le client, c’est changer durablement les comportements : le corps des femmes n’est pas à vendre. Responsabiliser le client, c’est empêcher l’enrichissement des réseaux et leur envoyer un message de fermeté : nous ne sommes pas un pays d’accueil pour vos trafics !

Nous devons nous donner les moyens de lutter contre ces réseaux qui vivent de la traite humaine, activité très lucrative – elle constitue la deuxième forme de criminalité après le trafic de drogue ; 80 % des victimes de cette traite sont utilisées à des fins d’exploitation sexuelles.

Quels sont ces réseaux qui s’enrichissent sur notre territoire ? Dans de nombreux cas, les réseaux d’exploitation sexuelle font venir des femmes qui ont contracté de lourdes dettes dans leur pays d’origine. C’est la première étape du processus d’emprise : pour rembourser cette dette, les victimes de la traite sont contraintes à se prostituer ; leurs familles, leurs enfants restés aux pays vivent sous la menace de ces mafias.

Nous le savons, ces réseaux ont différents visages. Ils s’enrichissent tant par la vente d’armes et de drogues que par celle de femmes et d’hommes. Ils sont prêts à toutes les violences, à toutes les terreurs. Ils partagent la recherche du profit et le mépris de l’humanité.

Face à ces groupes mafieux, la réponse doit être ferme et coordonnée. C’est pourquoi nous devons travailler au plan international sur la question.

Dès 1949, la Convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution d’autrui affirmait l’incompatibilité de la prostitution avec la dignité et la valeur de la personne humaine.

Plus récemment, en 2014, le Parlement européen a adopté une résolution qui reconnaît que la prostitution est contraire aux principes de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment à l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Cette résolution considère que la demande peut être réduite en faisant peser la charge de l’infraction sur ceux qui achètent des actes sexuels. La réduction de la demande doit faire partie de la politique de lutte contre la traite dans les États membres, comme c’est déjà le cas en Suède.

Quelques mois plus tard, c’est l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui adoptait une position équivalente et appelait les États à envisager la sanction de l’achat de services sexuels.

La France a un rôle et une responsabilité dans la lutte contre les criminalités et la promotion des droits humains et des droits des femmes. Soyons aujourd’hui fidèles au message de Victor Hugo, qui considérait notre capitale comme « le lieu sur toute la terre où l’on entend le mieux frissonner l’immense voilure invisible du progrès ». Le vent de l’abolition souffle sur la France et sur le monde : soyons, mesdames, messieurs les députés, au rendez-vous de l’histoire !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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La parole est à Mme Maud Olivier, rapporteure de la commission spéciale.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, après dix-huit mois de navette parlementaire, la proposition de loi visant à renforcert la lutte contre le système prostitutionnel est soumise à notre examen en deuxième lecture. Elle s’inscrit dans la continuité des lois contre les violences faites aux femmes votées depuis plusieurs années, de la pénalisation des violences conjugales et du harcèlement sexuel et de la criminalisation du viol. Tous ces textes ont posé des interdits en vue d’extraire la violence de la sexualité. Il ne manquait plus que la prostitution. Nous y sommes.

Je le disais lors de la première lecture : dans une société où le corps des femmes peut constituer une marchandise, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas possible ; dans une société où les hommes sont considérés comme des êtres dotés de pulsions sexuelles irrépressibles, synonymes de virilité, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas possible. Et là où l’égalité entre les femmes et les hommes n’existe pas, les violences faites aux femmes perdurent. C’est en imposant une tout autre image des femmes dans l’opinion publique que nous pourrons éliminer durablement les violences faites aux femmes, dont la prostitution est l’expression la plus criante.

Notre assemblée a montré sa détermination en décembre 2013, en adoptant à 66 % le texte dans sa version abolitionniste, c’est-à-dire qui donne les moyens à notre société de lutter contre ce qu’elle considère comme une violence et d’en protéger les victimes. Notre détermination, nous l’avons également montrée en inscrivant rapidement ce texte à l’ordre du jour après qu’il eut été adopté par le Sénat et en rétablissant en commission les quatre piliers de la proposition de loi initiale : le renforcement de la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains, la dépénalisation des personnes prostituées et l’accompagnement de celles et ceux qui souhaitent sortir de la prostitution, la prévention et l’éducation à l’égalité, la responsabilisation des clients par l’interdiction d’achat d’acte sexuel.

Ces quatre piliers sont indissociables. Ils font la cohérence d’un texte qui vient combler les manques de notre législation, afin que la France soit un pays véritablement abolitionniste, au-delà de la signature des textes internationaux.

L’actualité de ces derniers mois a montré la nécessité d’agir sur chacun de ces quatre piliers.

En matière de lutte contre la traite et le proxénétisme, notre législation est déjà parmi les plus sévères au monde ; c’est ce qui nous permet d’avoir un nombre de victimes relativement moins important qu’ailleurs. Toutefois, un champ reste non couvert, qui est en plein développement : il s’agit d’internet. J’entends les opposants à la pénalisation des clients nous dire de nous concentrer sur les réseaux proxénètes ; or, dans le même temps, ils rejettent la disposition qui permettrait aux fournisseurs d’accès à internet et aux hébergeurs de mettre en place un dispositif signalant les sites liés au proxénétisme et à la traite des êtres humains. On ne peut pas nous reprocher de ne pas lutter contre le proxénétisme et refuser de travailler sur le seul champ de notre législation qui soit épargné ! Nous le savons, les réseaux sont bien organisés, et ils paient grassement des juristes et des avocats pour analyser nos lois. C’est la raison pour laquelle les sites internet proposant des services sexuels sont domiciliés à l’étranger, à l’abri de notre législation. Il faudrait donc harmoniser les législations en Europe et dans le monde afin que certains pays, comme l’Allemagne ou la Suisse, ne fassent plus du proxénétisme un secteur d’activités légal. Tel est mon souhait – et j’y travaille ; mais, en attendant, rendons la vie difficile aux réseaux !

Le marché que représente la prostitution rapporte des sommes considérables aux proxénètes. On sait par ailleurs que la prostitution permet de financer des réseaux mafieux et terroristes. Parmi les ressources du groupe terroriste Daech, il y a ainsi les revenus générés par ses réseaux de prostitution, ces femmes dont on ne parle pas, ou pas assez. Il a été montré que les femmes enlevées par Boko Haram étaient revendues aux filières nigérianes de la prostitution – 50 % des personnes prostituées en Grande-Bretagne sont nigérianes, 20 % en France. Les prises d’otages et la prostitution rapporteraient à Boko Haram entre 500 000 et 2 millions d’euros par mois.

Aujourd’hui, en France, le chiffre d’affaires de la prostitution s’élèverait, selon la récente étude ProstCost, à 3,2 milliards d’euros. Cette étude a en outre l’intérêt d’évaluer le coût économique et social de la prostitution supporté par la France : 1,6 milliard d’euros par an. Celles et ceux que les arguments progressistes et humanistes ne convainquent pas seront peut-être sensibles à ce chiffre et pourraient ainsi voir l’intérêt d’investir dans la prévention, le développement d’une politique de sortie de la prostitution, la répression du proxénétisme et le découragement de la demande.

En commission, nous avons rétabli l’abrogation du délit de racolage. Alors que la France reconnaît depuis plus de cinquante ans que la prostitution est une violence, nous en pénalisons les victimes : celles qui sont contraintes de tarifer un acte sexuel pour nourrir leurs enfants, celles qui ont été enlevées à leur famille, vendues à des réseaux et exploitées sexuellement, celles qui subissent dix, quinze, vingt rapports sexuels par jour peuvent être condamnées à une amende de 3 750 euros et à de la prison. Cela n’a pas de sens !

Nous l’avons vu ces derniers mois, à travers notamment les témoignages de victimes dans le cadre du procès dit « du Carlton ». Celles que l’on appelle escort ou prostituées de luxe ont expliqué que la réalité de leur activité n’était pas différente de celle des autres personnes prostituées : la violence des clients, le frigo vide à remplir. Je reprendrai à ce sujet les mots de l’éditorial d’un quotidien paru en février : « Nous ne sommes plus dans la fiction ou le fantasme, mais dans la terrible réalité quotidienne de ces femmes poussées à surmonter leur peur et leur dégoût parce qu’elles n’avaient plus d’autres choix. »

Ces victimes de la prostitution qui souhaitent en sortir, notre société doit les considérer et leur donner les moyens d’y arriver. Tel est l’objectif du parcours de sortie, et du fonds qui doit permettre sa réalisation.

La proposition de loi prévoit également de renforcer la prévention des pratiques prostitutionnelles et l’éducation à l’égalité et à la sexualité. Nous savons que dans les collèges, dans les lycées, la pornographie occupe une place importante dans la découverte de la sexualité, une pornographie extrêmement violente qui ne donne en rien l’image d’une sexualité fondée sur un désir partagé. Les attouchements sexuels pratiqués par des collégiens de 10 et 11 ans dont il a été question le mois dernier montrent, s’il en est encore besoin, la nécessité de ces interventions.

Ce texte a mis du temps pour revenir devant nous, mais cela aura permis une prise de conscience des réalités de la prostitution par notre société. L’image de la « fille de joie » a pris du plomb dans l’aile et le client de la prostitution est désormais reconnu comme un acteur à part entière du système. Il ne peut plus être aveugle à la réalité de la prostitution, particulièrement mise en lumière ces derniers mois ; il ne peut pas être maintenu dans l’impunité ; il doit être tenu pour responsable de la violence qu’il fait subir à travers ce rapport sexuel contraint et du financement des réseaux de proxénétisme et de traite : il faut inscrire clairement dans notre droit qu’acheter un acte sexuel est interdit.

Je tiens à remercier vivement les personnes qui ont contribué à cette prise de conscience. Je veux d’abord saluer les associations qui accompagnent au quotidien les personnes prostituées et qui ont sensibilisé sans relâche les parlementaires, les médias et la société en général, ainsi que les organisations féministes et de jeunesse qui y ont elles aussi contribué. J’aurai une pensée particulière pour celles qui se nomment « les survivantes de la prostitution » ; elles osent prendre la parole pour dénoncer cette violence. Je veux rendre tout particulièrement hommage à Rosen Hicher et à sa détermination à faire évoluer notre société, pour nos filles, pour nos petites-filles, même s’il faut pour cela marcher 800 kilomètres et aller convaincre des gens, des élus. Elle a fait beaucoup !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Merci aussi à Laurence Noëlle, qui a mis des mots sur ce qu’elle a vécu dans un ouvrage important, intitulé Renaître de ses hontes.

Je veux souligner les nombreuses évolutions de cette proposition de loi que l’on doit au travail des sénatrices et sénateurs. La navette parlementaire a fait apparaître plusieurs points de convergence et des dispositions ont été améliorées par le Sénat. Nos désaccords sur les questions fondamentales du délit de racolage et de l’interdiction de l’achat d’actes sexuel doivent trouver une issue favorable. Nous avons tous conscience des enjeux. L’abolition de la prostitution a toujours été un objectif transpartisan et notre travail dans cette assemblée en est la preuve.

Je veux aussi remercier l’ensemble de mes collègues députés pour la qualité de nos échanges en commission la semaine dernière, qui ont permis de rétablir l’équilibre général et la cohérence du texte que nous avions voté en 2013.

Mesdames, messieurs les parlementaires, plusieurs pays ont déjà franchi le pas : le Canada et l’Irlande du Nord se sont dotés de législations abolitionnistes, de même que la Suède, la Norvège et l’Islande. La France est très attendue ; il convient maintenant d’aboutir rapidement, pour les victimes, pour protéger ces femmes et ces enfants parmi les plus pauvres du monde, afin qu’ils ne soient pas vendus à des fins d’exploitation sexuelle.

Pour conclure, je citerai une féministe, ministre suédoise, qui a dit : « Il faut proposer un autre modèle de société aux jeunes : un monde où il y aurait 50 % de femmes au pouvoir et aucune sur le trottoir ».

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. Guy Geoffroy, président de la commission spéciale.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, mes chers collègues, ce que nous allons faire aujourd’hui est important. Ce que nous allons décider sera probablement décisif, car, même si la procédure parlementaire ne s’arrêtera pas avec nos travaux de ce jour, nous aurons très probablement permis à ce texte, qui est attendu, voire craint par certains, de franchir une étape que je crois et souhaite irréversible.

Je voudrais, à la suite de Maud Olivier, saluer la très forte implication de tous les membres de la commission spéciale, sur tous les bancs, qu’ils aient manifesté un accord clair, un accord plus mitigé, des réserves ou des oppositions sur un texte qui est le fruit d’une longue maturation, d’un long travail de réflexion – lequel, ne l’oublions pas, a connu une étape essentielle ici même, en décembre 2011, avec la résolution que nous avons votée à l’unanimité.

Ces travaux que nous avons menés, et qu’il faudra un jour conduire à leur terme, ont permis des évolutions importantes, qui justifient pleinement que nous allions au bout de la démarche que nous avons engagée. Les choses sont plus claires aujourd’hui, au Parlement comme dans l’opinion, y compris du côté des médias qui, il y a encore quelques années, considéraient que ceux qui voulaient se battre contre la prostitution étaient au mieux de doux rêveurs bien sympathiques, au pire de vieux moralistes poussiéreux qui n’avaient plus leur place dans une société moderne. Tout cela n’est plus de mise, et l’on accepte désormais que, sur le sujet, les réalités ont pris le pas sur les dogmes imposés depuis des décennies, des siècles, voire – pourquoi ne pas le dire ? – des millénaires.

Ces dogmes, rappelons-les.

Le premier est que la prostitution est le plus vieux métier du monde – un « métier » : tout est dit ! C’est un métier, il est pratiqué et, comme tous les métiers, il doit être organisé.

C’est l’idée, dangereuse pour ceux qui la manient à nouveau – parce qu’elle n’est pas sans appeler une réplique –, selon laquelle la prostitution est un point d’équilibre indispensable dans une société qui vit de pulsions auxquelles il faut apporter des réponses. Ma réponse est claire, et c’est un homme qui s’exprime : quand on avance que les hommes auraient des besoins irrépressibles que seule la prostitution leur permettrait de satisfaire, garantissant ainsi la tranquillité publique – parce qu’on va jusqu’à dire de telles choses ! – et que l’on invoque à l’appui de cette affirmation des enquêtes d’opinion selon lesquelles plus de 80 % des hommes ont, un jour ou l’autre, dans leur vie, ressenti, de manière permanente ou sporadique, une frustration sexuelle, on oublie tout simplement l’autre versant de ces études d’opinion. Car, quand on interroge les femmes, elles sont 78 % à dire la même chose !

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Quelque 5 % d’écart entre les hommes et les femmes justifieraient donc la permanence de cette idée tenace, de ce dogme inacceptable du besoin irrépressible de l’homme que la prostitution serait censée régler d’un coup de baguette magique !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Comme si, finalement, nous perdions beaucoup de temps à nous occuper de cela !

Une fois que nous l’aurons achevé, le travail parlementaire permettra de réaffirmer ce que certains contestent avec une très grande légèreté, parce qu’ils ne prouvent rien et affirment des choses non vérifiables, à savoir que la prostitution dans le monde, plus particulièrement en Occident et dans notre pays, est aujourd’hui, massivement, la manifestation de la traite des êtres humains. C’est une évidence, et ceux qui la contestent en sont restés à des appréciations d’hier, sans adapter leur argumentaire à une situation qui frappe spontanément tous ceux qui observent la prostitution telle qu’elle s’exerce dans les lieux publics, partout sur notre territoire. Il faut donc accroître, par tout moyen, avec toutes les énergies possibles, la lutte contre ce système prostitutionnel organisé par les réseaux de traite des êtres humains, la lutte contre toutes les formes de proxénétisme, en particulier celles qui se développent sur tous les nouveaux médias.

Et je le confirme ce 12 juin, jour où, quelque part dans le Nord, doit être rendu le verdict d’un procès dont on a beaucoup parlé : il n’y pas de personne prostituée heureuse. Il n’y a pas de personne prostituée qui se soit librement déterminée et fasse le choix positif d’une activité dans laquelle s’épanouir. Tout cela s’est écroulé avec l’affaire du Carlton, et tout cela s’écroulera chaque fois que de tels procès auront lieu – et il y en aura de plus en plus. Nous allons combattre encore plus fort cette forme inacceptable d’exploitation de l’être humain sur notre planète et dans notre pays qui s’appelle la prostitution.

Une deuxième évolution est apparue clairement, dans notre réflexion et dans le sentiment qu’expriment nos concitoyens : nous ne pouvons laisser la question du client à l’écart de notre réflexion et des décisions qui s’ensuivent.

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Maud Olivier l’a dit, tout le monde le dit : pas de client, pas de prostitution, et donc pas d’enrichissement des réseaux qui, aujourd’hui, sont le support de l’essentiel de la prostitution.

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Et, contrairement à ce que prétend la presse pour simplifier nos débats et raccourcir l’opinion que l’on pourrait en avoir, il ne s’agit pas pour nous de chercher un coupable parce que nous aurions des envies belliqueuses à l’égard d’une partie malgré tout importante de nos concitoyens. Non, il ne s’agit pas de chercher un coupable ; il s’agit de demander à ceux qui ont recours à la prostitution : avez-vous réfléchi une seconde à ce que vous faites, à ce qu’est le statut de la personne à qui vous allez acheter un service sexuel ? Allez-vous, une bonne fois pour toutes, vous poser toutes les bonnes questions que toutes les bonnes consciences vous ont jusqu’à présent empêché de vous poser ? La responsabilisation du client que cette proposition de loi tend à instaurer sera décisive. C’est un élément de mieux en mieux accepté par nos concitoyens et par leurs représentants, députés et sénateurs, qui finiront par la mettre en place.

La troisième question qui apparaît, aujourd’hui, de plus en plus clairement au coeur de notre projet, est celle de la personne prostituée elle-même. Celle-ci ne peut pas, ne peut plus être considérée comme une personne délinquante. C’est avant tout une victime des conditions qui l’ont conduite, volontairement ou très involontairement, à se livrer à cette activité de manière sporadique ou permanente pour y vivre un malheur dont beaucoup ne peuvent pas sortir, au point de prétendre, quand on les interroge, qu’elles exercent cette activité dans la plus grande des libertés – mais elles sont toujours l’objet d’une contrainte extérieure lorsqu’elles disent cela.

Nous avons beaucoup travaillé, et il faudra que nous poursuivions ce travail. Comment protéger mieux ? Comment protéger au point que les personnes prostituées sentent que la société et les pouvoirs publics sont derrière elles, pour qu’elles en sortent ? C’est notamment la question que nous avons abordée en traitant de la disparition du délit de racolage et de dispositions permettant de saisir la parole d’une personne prostituée qui serait non plus une délinquante mais une victime, une victime dont le témoignage pourrait par ailleurs être utile pour remonter les filières et traquer les réseaux qui se livrent à cette traite des êtres humains, parce que c’est de cela qu’il s’agit. Avec d’autres, j’évoquerai cette question tout à l’heure, lorsque nous entamerons l’examen de l’article 1er ter – je formulerai des observations et j’exprimerai quelque regret que nous n’ayons pas beaucoup pu avancer, mais aussi quelque espoir que nous le puissions.

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais en ma qualité de président de la commission spéciale, remercier du fond du coeur toutes celles et tous ceux qui ont contribué à nos travaux. J’ai conscience du fait que le fruit de notre travail est aujourd’hui regardé, attendu, espéré. Nous avons une responsabilité majeure, celle de faire en sorte qu’il n’y ait plus, dans notre pays, ces personnes confortables pour la bien-pensance que seraient les personnes prostituées – confortables à tel point qu’il n’y aurait pas à s’en occuper. Nous avons la responsabilité de faire en sorte qu’une catégorie de nos concitoyens, qui, aujourd’hui, ne se pose pas plus de questions que cela, s’en pose. Et, si elle ne s’en pose pas assez, qu’elle subisse les foudres d’une législation conçue pour qu’elle comprenne ! Faisons aussi comprendre à ceux qui, loin de chez nous, savent depuis longtemps que l’on peut étendre les réseaux de l’abominable dans les pays libres, que nous luttons contre ces réseaux, et que nous ne cesserons jamais notre combat.

C’est de tout cela qu’il s’agit. Je suis sûr qu’à l’issue de nos travaux, qui seront, comme ils l’ont toujours été, d’une rare qualité, nous aurons fait un énorme pas pour que notre société soit plus ouverte, plus compréhensive, plus responsable.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, chers collègues, c’est en décembre 2013 que notre assemblée adoptait en première lecture, à une large majorité, cette proposition de loi portée par la délégation aux droits des femmes. Un an et demi, c’est long, trop long, mais je tiens à saluer l’engagement du Gouvernement tout au long de ce parcours : l’engagement des Premiers ministres, Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls ; des ministres aux droits des femmes, Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem et aujourd’hui Pascale Boistard, dont je sais la détermination. Je tiens à saluer l’engagement de la rapporteure au Sénat, Michelle Meunier, et le travail de notre assemblée, d’une très grande qualité, comme l’a dit Guy Geoffroy, et mené sans esprit partisan, dans la lignée du rapport de 2011 de Danielle Bousquet et de Guy Geoffroy, repris par Maud Olivier et Guy Geoffroy – c’est un récidiviste : toujours fidèle à ses convictions, dans cette affaire !

Sourires.

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Je tiens également à remercier les associations qui travaillent sur le terrain et militent pour l’abolition. Je tiens à saluer, bien évidemment, les Survivantes Rosen Hicher et Laurence Noëlle, que nous avions accompagnées dans leur marche, et dont les témoignages devant la commission spéciale étaient extrêmement forts.

Ce temps long a renforcé notre conviction, et nous avons été confortés par l’actualité nationale et internationale.

Depuis le vote en première lecture, la réalité du système prostitutionnel est toujours aussi dramatique. Celui-ci est dominé par les réseaux, cela a été dit. C’est la précarité qui conduit à la prostitution, et 80 à 90 % des personnes prostituées sur notre territoire sont étrangères, victimes d’exploitation sexuelle. À la violence des actes sexuels à répétition, s’ajoute une soumission à la drogue et à la délinquance. Les personnes prostituées sont six fois plus exposées au viol que la population générale, sept fois plus exposées au risque de suicide. L’IGAS a rendu en 2012 un rapport très précis sur ce sujet.

L’adoption de ce texte reste donc urgente, elle l’est même encore plus aujourd’hui. Maud Olivier nous l’a dit.

Au niveau national, l’actualité récente a contribué à montrer les réalités du système prostitutionnel sous toutes ses formes : violent, inégalitaire, il organise l’asservissement des femmes, de nombreux mineurs – filles ou garçons – et la domination des plus faibles par les plus forts.

Lorsqu’elles témoignent, les personnes prostituées font part des souffrances subies, des situations de détresse et de précarité qui font qu’elles doivent entrer dans la prostitution pour s’en sortir. Elles nous ont révélé qu’aucune facette de la prostitution n’était heureuse, quoiqu’en disent les grands défenseurs de la libération sexuelle. Un journaliste qui a très récemment écrit un livre sur ce sujet le dit : il n’y a pas de prostitution heureuse. Les escort girls, dont on nous avait dit qu’elles avaient choisi ce « métier » – mot que nous réfutons très vivement – ont témoigné au procès du Carlton. Je cite l’une d’elles : « Je venais de me séparer. Je devais beaucoup d’argent. J’étais seule avec mes deux enfants, ma petite fille avait sept mois. Un jour j’ai ouvert mon frigo, j’ai vu qu’il était presque vide, je savais que j’allais avoir une enquête sociale, et qu’avec mon frigo vide ou presque, l’enquête sociale, ça ne le ferait pas. Alors j’ai répondu à une annonce dans un journal. J’ai composé huit fois le numéro avant de parler. Et voilà comment j’ai commencé. » Où est la liberté, dans ce cas ?

Voilà, chers collègues, comment ces femmes entrent dans la prostitution, sans parler de toutes celles, étrangères, qui arrivent en France avec, bien souvent, l’espoir d’un avenir meilleur et qui se retrouvent sans papiers, endettées et violentées pour accepter de se prostituer sur les trottoirs de nos villes.

À l’international, les réseaux terroristes progressent, ils se nomment Daech ou Boko Haram. Ils enlèvent des filles, des femmes. Ces filles, soumises au silence ou menacées de mort, sont vouées, pour certaines au mariage forcé, pour d’autres à la prostitution et à la traite. C’est elles que nous allons retrouver sur nos trottoirs. On en connaît même le tarif dérisoire à l’achat.

Oui, la prostitution est un marché, donc une offre, donc une demande. Des réseaux mondialisés organisent la marchandisation du corps des femmes, pour des clients à 99 % masculins. C’est l’une des formes de la domination masculine. C’est pourquoi notre réforme est plus que nécessaire.

J’entends les arguments de ceux qui s’opposent à notre proposition de loi, mais que nous proposent-ils ? Le statu quo, comme l’a fait le Sénat, avec des personnes prostituées coupables et des clients innocents ? Nous ne pouvons l’envisager. Le vide juridique, comme d’autres nous le demanderaient, c’est-à-dire certes la dépénalisation des prostituées, considérées comme des victimes, mais rien d’autre ? Cela veut dire que notre pays serait ouvert totalement aux réseaux et à la prostitution.

Nous devons donc défendre cette réforme avec conviction. Notre loi, avec ses quatre piliers, a pour ambition d’ouvrir les yeux sur la réalité de la prostitution. Elle n’est pas moralisatrice, comme certains voudraient le faire croire. Elle n’est pas nuisible pour la santé, au contraire. C’est une loi de dignité humaine, une loi de lutte contre les trafics internationaux, pour qui les personnes prostituées ne sont que des marchandises, contre cette forme d’esclavage moderne, une loi portée par les valeurs de la France – abolitionniste depuis 1960, je vous le rappelle, chers collègues –, une loi qui rejoindra celles déjà adoptées en Suède, au Canada, en Norvège en Irlande et en Finlande.

La France est très attendue en Europe. Notre loi est attendue : pour faire reculer les violences, pour l’égalité entre les femmes et les hommes, pour les droits humains, et la dignité de chacun et chacune.

Vous avez cité Victor Hugo, madame la secrétaire d’État. Je le citerai aussi, reprenant cette phrase bien connue que nous avons tous prononcée au cours de ces débats. En 1862, Victor Hugo disait : « On dit que l’esclavage a disparu. C’est une erreur. Il existe toujours, mais il ne pèse plus que sur la femme, et il s’appelle prostitution. »

Alors, votons vite cette loi !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-George Buffet.

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Madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chers collègues, nous allons donc débattre et, je l’espère, adopter la loi contre le système prostitutionnel. C’est un jour important pour notre assemblée.

Je pense à toutes ces personnes prostituées, victimes d’une violence atteignant leur intimité, leur dignité, et je me dis qu’il était temps de penser d’abord à elles, à leur liberté, et d’agir en tant que législateur.

Il aura fallu attendre un an et demi avant que nous puissions travailler en deuxième lecture sur la loi visant à lutter contre le système prostitutionnel, adoptée ici en décembre 2013. Un an et demi au cours duquel les cinquante-cinq associations, que je salue et remercie, réunies dans le collectif Abolition 2012, se sont mobilisées pour que cette loi ne tombe pas dans les oubliettes et qu’elle soit enfin discutée en première lecture au Sénat, une loi qui certes gêne certains car elle s’attaque à une tolérance ancestrale et inacceptable de la prostitution dans nos sociétés.

Le Sénat a eu ainsi largement le temps de changer de majorité et de réécrire toute la loi, y compris son titre. Un changement de titre qui n’est pas anodin. Il brouille en effet le positionnement clairement abolitionniste du texte, largement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. Un positionnement indispensable pourtant car, en ne s’attaquant pas au système prostitutionnel lui-même, on ne se donne pas les moyens de faire cesser ce rapport de domination. Un rapport de domination entre les victimes, les personnes prostituées, et les profiteurs, les proxénètes et les agents de la traite, mais aussi ceux, les clients, qui considèrent qu’en payant on peut tout acheter, y compris le corps des êtres humains.

Je voudrais à mon tour citer la phrase de Victor Hugo – cela nous donne envie de relire ses discours politiques, pour certains d’une très grande modernité : « On dit que l’esclavage a disparu de la civilisation européenne. C’est une erreur. Il existe toujours. Mais il ne pèse plus que sur la femme, et il s’appelle prostitution ». Si les personnes prostituées ne sont pas toutes des femmes, nous savons en effet qu’elles en constituent l’immense majorité. Mais, comme le rappelle l’association Zéromacho, un tel système porte atteinte aussi à la dignité des hommes car, loin de participer à leur liberté sexuelle, il les enchaîne à une conception de la sexualité empreinte de frustration et de domination.

En 2003, la loi portée par le ministre de l’intérieur d’alors abordait la prostitution sous l’angle de la moralité avec l’instauration d’un délit de racolage : il fallait cacher et condamner les personnes prostituées. On condamnait non pas le système prostitutionnel – l’achat d’acte sexuel –, mais le fait qu’il puisse se voir. On ne responsabilisait pas le client, mais on demandait aux victimes de se faire discrètes. Quelle hypocrisie ! On ferme les yeux sur le système, on le laisse se développer, mais à la périphérie, afin que la société puisse se voiler la face et en rester aux mauvaises romances sur « le plus vieux métier du monde », dont a parlé M. le président de la commission spéciale.

Pourtant, il s’agit bien d’interpeller toute la société sur ce qu’est réellement la prostitution, ce qui lui permet d’exister et de donner lieu à des trafics très lucratifs. Tel est le sens de la position abolitionniste que notre pays a adoptée depuis 1960, suite à la ratification de la Convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. Cette position abolitionniste a été réaffirmée par notre assemblée il y a quelques mois. Malgré ces actes forts, le système prostitutionnel perdure, de plus en plus lié aux réseaux de traite.

C’est pourquoi je souhaite dire ma satisfaction que la commission spéciale de notre assemblée ait rétabli, dès qu’elle en a été saisie, toute la portée de la loi que nous avions adoptée en première lecture. Tout d’abord en rétablissant son titre : « Renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et accompagner les personnes prostituées », en inscrivant à nouveau l’abolition du délit de racolage – la victime n’est plus coupable – et en réintroduisant la responsabilisation du client par la pénalisation de l’achat d’acte sexuel.

Faut-il rappeler en effet que sans client, il n’y a pas de prostitution, sans demande, pas d’organisation du commerce humain ? Pour abolir ce système inhumain, il faut donc responsabiliser ceux qui font le choix de l’utiliser.

Nous sommes bien devant un choix politique : un choix de société. Soit on avance vers plus d’humanité, avec le respect des droits et de l’intégrité des individus, soit on s’enfonce dans la marchandisation de tout, y compris de l’être humain, soit on décide d’agir pour l’égalité, soit on laisse perdurer la domination violente qu’est la prostitution.

Et ainsi, qu’on le veuille ou non, on contribue à justifier toutes les autres formes de domination de l’homme sur la femme dans la vie quotidienne comme dans le travail. C’est de cela que nous parlons avec la pénalisation de l’achat d’acte sexuel. Nous disons à la collectivité humaine que nous formons que l’achat d’un acte sexuel n’est pas conforme à notre devise républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité.

Aucune liberté en effet pour la personne prostituée obligée de subir, dans son intimité, un acte imposé par l’acheteur. Pas d’égalité non plus dans des rapports où l’un décide et l’autre subit. Quant à la fraternité…

Et nous faisons aussi oeuvre d’éducation en donnant à voir que le client « prostitueur » est non pas un modèle, mais au contraire un contrevenant à loi qui commet un acte délictueux. C’est un acte de pédagogie pour dévaloriser celui qui jusqu’ici était loué par la prétendue tradition grivoise ou libertaire de notre pays.

Avec cette loi, nous travaillons à délégitimer une violence, nous agissons contre toute banalisation de la marchandisation du corps. Nous savons toutes et tous aujourd’hui combien une telle démarche est indispensable y compris parmi les plus jeunes dont certains, garçons et filles, peuvent assimiler la prostitution à un moyen comme un autre d’acquérir des revenus ! Nous oeuvrons ainsi à éduquer au respect de l’intégrité physique et psychique de chaque individu. C’est une nécessité pour construire un avenir d’émancipation pour les générations futures.

Cela demande un grand effort de prévention qui mette en garde contre le système prostitueur, ses causes et ses conséquences. Il est donc très important de préciser dans la loi que la lutte contre la marchandisation des corps est un sujet devant faire l’objet d’une information durant la scolarité.

Il est important aussi que la société décide d’inverser la charge qui pesait sur les victimes pour les aider concrètement à se libérer d’un système oppresseur. Nous nous félicitons donc des mesures retenues pour accompagner cette sortie de la prostitution et favoriser un parcours professionnel et citoyen.

Je souhaite vivement, dans cet objectif, que nous conservions les dispositions adoptées en commission spéciale, permettant de faciliter la réinsertion des personnes prostituées étrangères.

Car, en métropole, on estime que 90 % des personnes prostituées sont d’origine étrangère. Les principaux réseaux fonctionnent à partir de la Bulgarie, de la Roumanie, du Nigeria, ou encore de la Chine. Les moyens de contrainte tiennent souvent à l’obligation de rembourser les dettes contractées pour payer leur passage ou la fourniture de papiers. Loin de relever du libre arbitre des personnes, la prostitution participe surtout d’une maltraitance à grande échelle. L’esclavage n’est pas loin.

J’espère que notre débat permettra de donner aux victimes de la prostitution les moyens de sortir du système et de se reconstruire, ce qui demande du temps et de la sécurité. J’insiste sur l’obtention d’une carte de séjour d’un an pour les personnes prostituées étrangères qui n’ont pas le temps de se reconstruire en six mois et redoutent que leur carte ne soit pas renouvelée.

Encore une fois, en adoptant cette loi nous accomplirons un acte politique qui redonnera du sens à ce que signifie faire de la politique : faire des choix collectifs pour le progrès de toute la société. Ici, avec ce travail transpartisan qui est un message en lui-même, c’est ce que nous nous apprêtons à faire.

Je veux remercier particulièrement M. le président de la commission spéciale et Mme la rapporteure pour leur travail remarquable et leur capacité à nous amener tous à réfléchir et construire ensemble.

Je salue à nouveau l’engagement des associations et je remercie toutes les femmes qui ont eu le courage de prendre la parole pour dire ce que la société ne voulait pas entendre.

C’est avec beaucoup de fierté et un peu d’émotion que les députés du Front de gauche voteront cette belle proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, il aura donc fallu attendre dix-huit mois depuis que nous avons voté, le 4 décembre 2013, cette proposition de loi en première lecture. Dix-huit mois pour qu’elle nous revienne enfin du Sénat, amputée de l’essentiel de sa philosophie, notamment en matière de politique pénale. Sans doute aurait-il été plus simple, mais surtout plus rapide, que nos collègues sénateurs la rejettent. Leur message aurait été exactement le même : à leurs yeux et à quelques ajustements près, la législation française sur la question de la prostitution est, somme toute, acceptable en l’état.

Si nous sommes réunis aujourd’hui dans cet hémicycle, c’est pour affirmer tout au contraire qu’il y a urgence. Je voudrais illustrer cette urgence par un chiffre, un seul, issu de plusieurs études convergentes menées par l’association Médecins du Monde et par l’Institut de veille sanitaire. Aujourd’hui en France, 55 % des personnes prostituées déclarent subir des violences physiques. Avec une grande constance, qu’elles soient françaises ou étrangères, qu’elles se déclarent indépendantes ou qu’elles exercent pour un proxénète, nous retrouvons ce chiffre de 55 %. Et rares sont celles et ceux qui osent porter plainte dans un contexte juridique qui fait aujourd’hui des prostituées des coupables. Oui, il y a urgence.

Je voudrais profiter également de ce chiffre pour lever un malentendu dans nos débats. Non, nous ne réduisons pas l’ensemble du phénomène prostitutionnel à la traite des êtres humains. Nous connaissons la diversité des situations et des motivations même si nous nous inquiétons particulièrement de la mondialisation de la traite, qui n’est rien d’autre que l’extension de la logique libérale à la marchandisation du corps. Mais si nous sommes abolitionnistes, c’est parce que nous refusons la distinction entre une prostitution forcée, que nous serions tous d’accord pour combattre, et une prostitution choisie que certains voudraient idéaliser au nom de la liberté à disposer de son corps.

La marchandisation, ce n’est pas la liberté. C’est donner à celui qui paye un droit à disposer du corps d’autrui. Les hasards du calendrier ont voulu qu’aujourd’hui même soit rendu le jugement en délibéré d’une affaire de proxénétisme qui a beaucoup agité les médias. Je ne m’exprimerai naturellement pas sur le fond de l’affaire ni sur les prévenus, mais je rappellerai certaines dépositions qui sont glaçantes et traduisent la réalité de ce que nous combattons aujourd’hui. Je pense à cette jeune femme étendue, ivre morte, à même le sol, et qui subit les assauts successifs d’une dizaine de clients. Je pense aux propos à la barre de ce client confessant qu’il est possible qu’elle ait fait un geste pour lui signifier son refus mais qu’il n’en a pas tenu compte. Je pense à l’argumentation des avocats expliquant que « dès lors qu’une femme accepte d’être traitée ainsi, on ne peut pas ignorer qu’il s’agit d’une prostituée. »

Mes chers collègues, si nous portons aujourd’hui ce texte, c’est pour mener une bataille culturelle et combattre ces représentations. Pour refuser l’idée selon laquelle une personne prostituée est un corps à disposition, privé de libre arbitre. Pour refuser l’idée qu’il est normal de ne pas tenir compte de son refus. Pour refuser l’idée que ce qui soumet une femme au moindre désir et fantasme de l’homme, ce ne sont pas ses propres désirs et fantasmes ; c’est l’argent. Pour combattre, en résumé, la négation d’une humanité rabaissée au rang de bien de consommation.

Alors oui, nous assumons d’être abolitionnistes. Nous assumons une loi qui vise non pas à mieux encadrer l’exercice de la prostitution, mais à encourager et à accompagner celles et ceux qui ont le courage de s’en sortir. Nous assumons une loi qui veut changer le regard que la société porte sur les personnes prostituées en affirmant qu’elles sont non pas des coupables, mais des victimes. Et nous assumons une loi qui veut responsabiliser les clients, leur dire clairement ce qu’est la prostitution, ce qu’est le système d’exploitation auquel ils participent et qui n’existerait pas s’il n’y avait pas de marché.

Comme l’a rappelé Guy Geoffroy, nous ne discutons pas aujourd’hui d’une loi sur la pénalisation des clients. Nous discutons d’une loi d’émancipation qui repose, entre autres, sur la responsabilisation des clients. Nous avons perdu dix-huit mois, mais c’est finalement moins grave pour nous que pour celles qui attendent le renversement de la charge pénale et les mesures d’accompagnement prévues par cette proposition de loi. Mais ce que nous n’avons pas perdu, durant ces dix-huit mois, c’est notre détermination.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, nous nous apprêtons à examiner ensemble, en deuxième lecture, la proposition de loi du groupe socialiste, républicain et citoyen visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. Tout d’abord, je continue de regretter que la gauche n’ait pas proposé aux autres groupes politiques de cosigner ce texte. Cette proposition de loi s’inscrivant dans la continuité des actions menées sous les précédentes législatures, il aurait été judicieux de travailler de manière transpartisane sur une question qui dépasse largement le clivage entre la gauche et la droite, même si je salue ici le travail de notre collègue Guy Geoffroy, président de la commission spéciale.

Ce choix de départ ne nous a pas aidés à rendre ce texte aussi consensuel, et même aussi efficace, qu’il aurait pu, et dû, être. En première lecture, j’avais déjà eu l’occasion de souligner que le problème de la prostitution était complexe. Ainsi, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, « le phénomène prostitutionnel est hétérogène et […] particulièrement difficile à appréhender. Il couvre un ensemble large de pratiques sociales, dont on ne connaît ni l’étendue, ni les limites exactes, ni la diversité. La prostitution peut être "traditionnelle", de rue ou indoor, féminine, masculine ou transgenre [on considère aujourd’hui que la prostitution masculine est de l’ordre de 20 %], régulière ou occasionnelle, etc. Cette hétérogénéité témoigne du fait qu’il n’y a pas "d’état de prostitution", mais des "situations de prostitution" ». Quand à l’Inspection générale des affaires sociales, elle a constaté, au terme d’une enquête menée en 2012 sur les enjeux sanitaires de la prostitution, que « l’examen de la diversité des situations de prostitution fait apparaître des degrés très variables dans la contrainte ou au contraire dans la liberté. » Pour légiférer, il nous faut donc suivre deux maîtres mots : pragmatisme et réalisme.

En première lecture, à ce titre, nous avions souligné que, malgré notre soutien évident et pérenne à l’objectif de lutte contre le système prostitutionnel, nous avions plusieurs réserves s’agissant : d’abord, de la suppression du racolage passif, qui comporte le risque d’une perte notable d’informations sur les réseaux de proxénètes ; ensuite, de l’instauration d’une pénalisation du client, mesure très difficilement applicable – il faut y songer – et susceptible, selon certains, d’avoir des effets pervers en matière de santé et de sécurité pour les prostituées ; enfin, de l’octroi d’un permis de séjour et de travail temporaire aux personnes qui s’inscrivent dans un parcours de sortie de la prostitution, en raison du risque du détournement du dispositif par les proxénètes.

En première lecture, enfin, nous avions eu l’espoir que la navette parlementaire lève nos doutes. Malheureusement, la première lecture au Sénat ne nous a pas aidés, puisque la Haute assemblée a réécrit le texte dans une philosophie quasiment contraire à celle de l’Assemblée nationale. Ainsi, à l’article 13, le Sénat a supprimé la pénalisation des clients, avant de réintroduire, à l’article 16, le délit de racolage. Et puisque nous parlons du Sénat, ne nous opposez pas, comme toute réponse, le fait qu’il soit passé à droite : les choses ne sont pas aussi simples.

Au Sénat toujours, la gauche a dénoncé un rétropédalage, un texte dénaturé qui tourne le dos à la conception abolitionniste de la France. La sénatrice Claudine Lepage, membre du groupe SRC, a conclu lors des explications de vote qu’adopter ce texte enverrait « un message des plus rétrogrades à toutes les prostituées et à nos voisins européens ». Pour autant, le groupe socialiste du Sénat n’a pas voté contre ce texte qu’il jugeait si contraire à ses principes ; il a préféré s’abstenir. L’enseignement que j’en tire, c’est que les solutions pour lutter contre la prostitution sont loin de faire l’unanimité, au sein de la gauche comme de la droite, et surtout, qu’il n’y a de réponse évidente pour personne.

Personnellement, vous le savez, je suis opposée à la pénalisation des clients. J’avoue, au risque de vous faire soupirer, voire de vous offusquer, que je ne souscris pas au raisonnement selon lequel, pour abolir la prostitution, il faudrait tarir la demande. Le bon sens et la prise en compte de la réalité ne nous permettent pas de partager ce raisonnement. Et je ne suis pas la seule à penser qu’avec une pénalisation du client, la situation des prostitués pourrait devenir encore plus précaire. Plusieurs associations féministes le répètent : pénaliser les clients, c’est exposer les prostitués à leur violence. Élisabeth Badinter, tout comme l’ancien garde des sceaux et sénateur Robert Badinter, l’ont souligné devant la commission spéciale : on ne peut les soupçonner ni de complaisance envers les réseaux mafieux ni de naïveté sur la condition sociale et sanitaire des personnes prostituées. La pénalisation du client ne me semble donc pas être une bonne solution.

C’est encore ce même principe de réalité qui me fait regretter l’actuelle rédaction de l’article 6, consacré au volet « social » – si j’ose dire – de la proposition de loi. Le Sénat a facilité la nouvelle procédure d’admission au séjour pour les victimes de la traite ou du proxénétisme, dès lors qu’elles sont engagées dans le parcours de sortie de la prostitution, indépendamment de leur coopération avec les autorités judiciaires. Il a ainsi prévu un an minimum de permis de séjour, là où l’Assemblée nationale avait voté une durée de six mois minimum en première lecture. Le Sénat a également lié la compétence du préfet lorsqu’il s’agit de délivrer ce titre. Cela n’a aucun sens.

En commission spéciale, la semaine dernière, la rapporteure Maud Olivier a d’ailleurs proposé à la fois de revenir aux six mois et de supprimer la compétence liée du préfet. Malgré l’ardent soutien de Guy Geoffroy, elle n’a pas été soutenue par ses collègues. C’est incompréhensible, à moins de renoncer à l’objectif de lutte contre le système prostitutionnel. Je vous rappelle en effet que la rédaction actuelle du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – le CESEDA – s’agissant des victimes de la prostitution qui témoignent contre les réseaux et parviennent à la condamnation, ne prévoit pas de compétence liée du préfet et aucune durée minimale d’autorisation de séjour. Votre dispositif crée donc une différence de traitement préjudiciable à celles qui font l’effort de témoigner. Et vous prétendez renforcer les moyens de lutte contre le système prostitutionnel !

Encore une fois, mes chers collègues, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Certes, il est indispensable d’aider la personne prostituée à se réinsérer dans la société. L’accompagnement des victimes dans la construction d’un projet d’insertion constitue un moyen indispensable pour y parvenir. Pour autant, faciliter l’obtention d’un titre de séjour pour les victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme constitue en lui-même un risque de dévoiement par les réseaux de prostitution. Vous pouvez nier notre bonne foi. Vous pouvez nous dire que ce risque est un fantasme. Pour ma part, je crois que la promesse de l’obtention certaine d’un titre de séjour d’un an minimum servira d’argument à de nombreux proxénètes pour convaincre des femmes, ou des hommes, en situation de détresse de se prostituer. Lorsque je pense à tous ces migrants qui n’hésitent pas à braver la mort et celle de leurs enfants sur de minuscules embarcations pour atteindre l’Europe, comment pouvez-vous vous persuader que nombre d’entre eux ne seront pas prêts à se prostituer pour obtenir un titre de séjour ?

Ma conclusion, c’est qu’en partant de la bonne intention de mieux protéger et d’accompagner les victimes de la prostitution, le texte manque toutefois son objectif car aucune mesure ne renforce la lutte directe contre les réseaux ou les proxénètes. Enfin, je m’interroge : un compromis est-il réellement possible avec le Sénat ? Le groupe majoritaire et le Gouvernement sont-ils prêts à laisser le dernier mot à l’Assemblée nationale et à s’opposer au Sénat sur un tel sujet ? Voilà autant de questions auxquelles, je l’espère, les débats nous permettront de répondre.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, cette proposition de loi soulève des questions qui relèvent de la conscience de chacun. Je m’exprimerai donc, comme en première lecture, à titre personnel, les députés membres du groupe UDI disposant sur ce sujet d’une liberté de vote.

Au stade de cette seconde lecture, je suis pour ma part toujours convaincu de la nécessité de légiférer en la matière, convaincu que notre devoir de législateur est de tout mettre en oeuvre pour combattre ce fléau, convaincu que nous ne pouvons rester immobiles face au drame absolu qu’est la prostitution. En effet, mes chers collègues, quand des personnes se voient contraintes de survivre dans un système où la violence est omniprésente, nous parlons bien d’un drame absolu. Quand la prostitution expose les femmes qui se prostituent à un taux de mortalité six fois plus important que la moyenne, quand, selon une étude de l’Institut de veille sanitaire, elles sont beaucoup plus nombreuses que la moyenne à avoir des pensées suicidaires et quand leur taux de suicide est douze fois supérieur à celui de la moyenne de la population, nous parlons bien d’un drame absolu.

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La nécessité de légiférer pour renforcer la lutte contre le système prostitutionnel s’impose d’autant plus à l’heure où la prostitution traditionnelle de rue a largement cédé la place aux réseaux de proxénétisme sur internet. Disons-le haut et fort, les réseaux sont l’une des formes modernes d’esclavage qui subsistent dans notre société. Ils font des prostitués, à 82 % étrangers, parfois en situation irrégulière, des victimes à la merci de leurs proxénètes.

En outre, quoi qu’on en dise et quelles que soient les circonstances, la prostitution ne résulte en aucun cas d’un choix libre. Certes, Catherine Deneuve a hélas, dans « Belle de jour », accrédité la thèse inverse, qui disculpe la gente masculine. Mais, mes chers collègues, souvenez-vous d’Ulla, la porte-parole du collectif de prostituées, qui avait déclaré se livrer à la prostitution librement et qui, trois années plus tard, avait révélé que ses déclarations avaient été faites sous la pression de son proxénète.

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La preuve, c’est que près de deux tiers des prostituées ont été victimes, dans leur enfance ou leur jeunesse, de violence a caractère sexuel. D’ailleurs, c’est une évidence, aucun parmi nous, ne souhaiterait que sa fille ou son fils se prostitue. Aucun parent ne souhaiterait voir son enfant exposé à de telles conditions de vie. La prostitution réduit le corps humain à l’état de chose que l’on achète et que l’on utilise en fonction de son bon plaisir. Elle nie, en cela, le principe d’indisponibilité du corps humain.

Enfin, nous devons légiférer parce que la prostitution induit des problèmes évidents de santé publique, des risques sanitaires et de lourdes conséquences physiologiques et psychologiques. Le devoir de notre société est de reconnaître cette violence omniprésente et parfois extrême, au même titre que l’ensemble des violences qui sont faites aux femmes, et parfois aux hommes. Lutter contre la prostitution revient, à ce titre, à lutter pour l’égalité entre les femmes et les hommes : n’oublions pas que, dans leur écrasante majorité, les clients sont des hommes et que, de ce fait, la prostitution entretient une domination des hommes sur les femmes.

Telles sont les réalités de la prostitution que nous devons avoir à l’esprit au moment de nous exprimer sur ce texte. Certains, tentés de s’installer dans un certain immobilisme, voudront s’abriter derrière des contre-vérités. Ils prétexteront que la prostitution existe depuis que le monde est monde et que l’on n’y peut rien changer. Mes chers collègues, au lieu de céder au fatalisme et au conservatisme, ayons le courage de poser avec clarté le problème et adoptons une attitude volontariste.

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Nous ne sommes pas dupes. Une éradication pure et simple de la prostitution est aujourd’hui inenvisageable, mais nous devons tout mettre en oeuvre pour réduire celle-ci au maximum. Nous pouvons faire en sorte de rendre notre territoire inhospitalier aux réseaux de proxénétisme et à la traite des êtres humains.

Telle est d’ailleurs la voie choisie par la France depuis plus de cinquante ans. En ratifiant la convention de l’Organisation des Nations unies de 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, dont le préambule affirme que « la prostitution et […] la traite des êtres humains en vue de la prostitution sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine », la France a clairement affirmé sa position de combattre la prostitution avec pour objectif de la faire disparaître. En faisant officiellement ce choix, la France a refusé d’accepter la prostitution comme un phénomène inhérent à toute vie sociale. Elle a refusé de l’assimiler à un métier et de le réglementer en tant que tel. D’ailleurs, la réglementation a été un énorme échec dans les pays qui ont fait ce choix, comme l’Allemagne ou l’Espagne. Les eros center n’ont fait que développer la prostitution. Quant à l’expérience espagnole, elle est encore plus catastrophique.

Les parlementaires ont de nouveau rappelé cette position lors de l’adoption de la résolution de l’Assemblée nationale du 6 décembre 2011. Cette proposition de loi se situe dans la droite ligne défendue de manière constante par notre pays. Certes, la tâche n’est pas aisée. Aujourd’hui plurielle, la prostitution, aux contours mal définis, recouvre différentes réalités et est de ce fait d’autant plus difficile à appréhender et à combattre. On parle aussi d’une prostitution invisible qui dissimule, sans réellement y parvenir, par le biais d’internet, la dure réalité prostitutionnelle. Nous devons adapter notre législation à ces évolutions et mettre en oeuvre les moyens nécessaires au renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel et à l’amélioration de l’accompagnement des personnes prostituées pour les aider à se réinsérer socialement, ce qui suppose notamment des papiers en règle, un logement et un travail.

Le principal apport de cette loi, c’est la pénalisation du client. Pour la première fois, la loi parle du client, elle le désigne clairement comme l’un des éléments du système prostitutionnel. Elle nous rappelle que, sans client, il n’y aurait pas de prostitués.

Inscrire dans le droit le fait qu’avoir des relations sexuelles tarifées est puni d’une contravention, et constitue même, en cas de récidive, un délit, – j’avais même défendu la thèse que ces faits pouvaient être assimilés à un viol – est une façon de responsabiliser le client. Pénaliser le recours à la prostitution, c’est adresser au client un message clair, lui rappeler qu’il contribue à entretenir et à développer le système prostitutionnel. C’est le dissuader de pérenniser les situations de violence que son comportement créé et entretient.

J’aurais, pour ma part, préféré que nous allions plus loin : jusqu’à considérer la primo-infraction comme un délit, voire un crime, en estimant qu’une relation sexuelle tarifée est assimilable à un viol. Cela semblait plus respectueux de l’échelle des peines. Pour autant, à ce stade de nos débats, notre assemblée s’est accordée sur ces dispositions en punissant le recours à la prostitution d’une peine d’amende prévue pour les contraventions. Au-delà, elle a également prévu que le recours à une personne mineure ou particulièrement vulnérable serait constitutif d’un délit. Le temps nous permettra, peut-être, de faire évoluer cet aspect de la loi dans le sens d’un durcissement de la peine.

Par ses dispositions, ce texte inverse totalement l’approche de la lutte contre le système prostitutionnel. En supprimant le délit de racolage au profit de l’instauration d’un parcours de sortie de la prostitution, il fait de la prostituée, autrefois désignée comme une délinquante, une victime.

Mes chers collègues, beaucoup de femmes, mais surtout d’hommes, devraient méditer le célèbre épisode du Nouveau Testament au cours duquel le Christ sauve une prostituée de la lapidation, et embarrasse les hommes qui s’apprêtaient à la lapider en leur disant : « que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. » Les Écritures précisent qu’ils s’éloignèrent l’un après l’autre, les plus anciens étant les premiers à s’éclipser. Le Christ s’adresse ensuite à la prostituée et lui dit : « Va, et ne pèche plus. » Il me semble donc que l’inspiration de cette proposition de loi est tout à fait chrétienne.

Bien évidemment, le combat contre la prostitution ne se limite pas au seul volet pénal. Il passe également par des mesures de sensibilisation et d’éducation, notamment par une information dispensée dans les collèges et les lycées, ainsi que le prévoit le texte, suivant une proposition que j’avais faite en première lecture, par voie d’amendement. Car à travers ce dispositif se pose la question de l’éducation surtout des garçons, mais aussi des filles, dans les familles et pas uniquement au sein des collèges et des lycées. Ce sont en effet les familles qui sont responsables de l’éducation des enfants.

Au-delà de ce que je considère comme des avancées, ce texte contient, néanmoins, quelques imperfections. En premier lieu, les outils de lutte contre la prostitution sur internet mériteraient d’être améliorés car nous n’avons aucune certitude – c’est vrai – quant à l’efficacité du dispositif proposé par le texte. Mais quelles solutions proposent ceux qui combattent le principe même de cette lutte sur internet ?

En second lieu, cette proposition de loi pourrait encore être améliorée en matière de régularisation des prostituées en situation irrégulière, pour éviter de favoriser une immigration clandestine. Il est vrai que plusieurs amendements ont amélioré le dispositif.

Enfin, j’avais souligné, en première lecture, la nécessité d’accroître les moyens destinés à aider la réinsertion professionnelle des prostituées, afin de les aider à sortir de leur situation.

Madame la secrétaire d’État, vous aviez indiqué, lors de l’examen du texte au Sénat, qu’il faudrait que « l’État assume son rôle en augmentant le fonds, prévu à la mesure 21 du plan d’action national contre la traite des êtres humains, qui vise à financer les parcours de retour à une vie normale ». Pouvez-vous nous assurer que ces moyens seront réellement mis en oeuvre, et qu’ils ne seront pas uniquement assurés par l’affectation d’un certain nombre de confiscations de biens de proxénètes ?

En dépit de ces quelques réserves, qui sont, à la limite, secondaires, je voterai cette proposition de loi qui refuse de voir la prostitution comme une fatalité et repose sur une approche humaniste et équilibrée.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame la rapporteure, chers collègues, nous abordons donc la deuxième lecture de cette proposition de loi qui a été considérablement remaniée par le Sénat.

La commission spéciale a rétabli, pour l’essentiel, les dispositions que l’Assemblée nationale avait votées lors de sa séance de décembre 2013. La Haute assemblée, passée à droite lors des dernières élections sénatoriales, avait rétabli le délit de racolage, ce qui démontre une certaine constance – depuis 2003 – dans la volonté de criminaliser les personnes prostituées.

C’est en effet à cette date que ce délit avait été voté par l’ancienne majorité. L’objectif du gouvernement de l’époque était sans équivoque : il fallait, d’une part, répondre aux préoccupations des riverains en matière de nuisances et de troubles à l’ordre public et, d’autre part, lutter contre les réseaux étrangers de proxénétisme.

Plus de dix ans après la mise en place du délit de racolage, le constat est, lui aussi, sans équivoque. Cette disposition n’a pas rempli ses objectifs en matière de lutte contre les réseaux et a eu pour principal effet d’aggraver la situation de précarité et de stigmatisation des travailleuses et travailleurs du sexe.

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À cause des tribunaux qui ne l’appliquent pas !

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De surcroît, cette disposition a servi de levier pour les reconductions à la frontière des personnes prostituées en situation irrégulière. Ce délit est à l’origine de la pression accrue des forces de police sur les prostituées, comme nous pouvons l’observer en ce moment à Belleville, sans que les réseaux de proxénètes et de traite n’aient eu à souffrir de l’action des forces de l’ordre. L’Assemblée avait abrogé ce délit, le Sénat l’a réintroduit et notre commission spéciale l’a supprimé.

Que de temps perdu depuis le vote par le Sénat de la proposition de loi de la sénatrice Esther Benbassa qui l’avait abrogé dès 2012 ! Il s’agissait d’une demande ancienne des associations venant en aide aux travailleuses et travailleurs du sexe ainsi que des institutions, comme le Conseil national du sida et des hépatites virales ou la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Pour le reste, le texte issu de la commission comporte des mesures visant à lutter contre le proxénétisme et la traite : elles sont discutables, non pas dans leur finalité mais dans leurs modalités. C’est le cas, à l’article 1er, du blocage administratif et du déréférencement des sites, qui sont dangereux et inefficaces.

Je rappelle que, lors de nos débats en première lecture, le Gouvernement, par la voix de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Najat Vallaud-Belkacem, avait exprimé de très forts doutes quant à l’effectivité d’un tel blocage – dans la mesure où les proxénètes peuvent, immédiatement après un tel blocage, dupliquer les sites concernés sur d’autres serveurs – et s’était montré plus favorable au signalement des infractions aux autorités. Un amendement gouvernemental avait, d’ailleurs, supprimé les alinéas 4 à 8.

La commission spéciale a préféré ne pas s’attarder, non plus, sur les rôles respectifs du juge et de l’autorité administrative. Lors de nos débats en commission, madame la rapporteure, vous avez fait adopter un amendement prétendument rédactionnel qui a introduit le déréférencement, qui constitue une charge pour les finances publiques, sans tenir compte de l’avertissement que j’avais formulé. J’espère que nous obtiendrons une réponse très claire de la commission des finances.

La raison en est simple : il vous faut, coûte que coûte, tenter de démontrer que votre texte lutte contre le proxénétisme et la traite. Or malheureusement, il n’en est rien. La lutte contre les réseaux de proxénétisme et de traite est, depuis fort longtemps, l’angle mort des politiques publiques en la matière.

Prenons les chiffres du casier judiciaire. On constate par exemple que, pour l’année 2009, 2 315 personnes ont été mises en cause pour racolage, mais que seulement 465 personnes l’ont été pour proxénétisme ou pour proxénétisme aggravé et qu’aucune d’entre elles n’a été condamnée. Quant au mécanisme prévoyant de régulariser les victimes du proxénétisme en échange de leur témoignage, seulement 79 personnes en ont bénéficié.

Face au proxénétisme et à la traite, l’article 1er ter propose un accompagnement des victimes qui pourraient disposer d’une identité d’emprunt et d’un suivi au long cours afin d’échapper à leurs réseaux. Cet article s’inspire de deux amendements du groupe écologiste sur la domiciliation et l’identité d’emprunt, et c’est une bonne chose.

Qu’en est-il des autres piliers du texte, et notamment du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle ? Le texte instaure une instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, qui opère un strict contrôle : c’est sans doute ce qui justifie la présence en son sein de la police et de la gendarmerie, dont nul n’ignore les relations conflictuelles qu’elles entretiennent avec les travailleuses et travailleurs du sexe.

L’engagement dans le parcours de sortie exige l’arrêt immédiat de la prostitution, comme si, du jour au lendemain, on pouvait changer de vie, comme si jamais, dans un tel parcours, le retour à la prostitution n’était possible ou envisagé, et comme si les vraies et seules victimes étaient celles et ceux qui tournent définitivement le dos à la prostitution. Cette hiérarchisation des victimes est choquante.

Concernant l’admission au séjour des étrangers victimes de la traite ou du proxénétisme, le Sénat a apporté plusieurs modifications substantielles à l’article 6 de la proposition de loi, dont l’objet est de faciliter l’admission au séjour des victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme.

Il a, en premier lieu, prévu que la délivrance d’une carte de séjour temporaire aux victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme ayant déposé plainte ou témoigné, permise par l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, serait de plein droit.

Le Sénat a, en second lieu, modifié ce même article L. 316-1-1 en relevant de six mois à un an la durée de l’autorisation provisoire de séjour accordée aux victimes de la traite ou du proxénétisme. Il a, par ailleurs, supprimé la condition de cessation de l’activité de prostitution et enfin rendu le renouvellement de cette autorisation automatique pendant toute la durée du projet d’insertion sociale et professionnelle. Je regrette, et je le dis fortement à cette tribune, que, sur une telle question, le Sénat se montre plus ouvert et plus généreux que l’Assemblée nationale.

Notre rapporteure a prévu qu’une autorisation provisoire de séjour d’une durée de six mois serait accordée à ces victimes. Je voudrais, chers collègues, comme l’a souhaité tout à l’heure Marie-George Buffet, que nous en restions, sur cette question, au texte du Sénat. La proposition de notre rapporteure de revenir à six mois, sous prétexte de ne pas favoriser l’appel d’air, relève d’une méconnaissance de la situation des migrants et des procédures administratives appliquées. Si nous voulons lutter contre la traite, le proxénétisme ou la prostitution, c’est à la précarité qu’il faut s’attaquer et non aux victimes.

S’en tenir à un titre de séjour provisoire de six mois revient à maintenir des individus vulnérables dans une situation de grande précarité. Qui trouve un travail, un logement, qui parvient à faire des projets quand il faut passer plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous en préfecture et préparer le dépôt de son dossier ? Aucune personne ne peut décemment sortir de la prostitution si elle est maintenue dans une telle situation. Sous couvert de lutte contre le proxénétisme et la traite, il s’agit, en fait, de lutter contre l’immigration irrégulière. Je dis les choses telles qu’elles sont.

Enfin, sur la pénalisation de l’achat de tout acte sexuel, la position, très majoritaire, du groupe écologiste, est la même qu’en première lecture. Mme la rapporteure est convaincue que la pénalisation des clients tarira la prostitution, affaiblira les réseaux et sera le point d’orgue d’une nouvelle politique d’égalité entre les hommes et les femmes.

Sa détermination se fonde sur la croyance qu’il ne peut jamais y avoir de consentement dans un acte sexuel tarifé. Pour notre rapporteure, c’est inconcevable : à ses yeux, la prostitution est toujours un esclavage dans lequel les femmes sont la proie du désir et de l’exploitation des hommes. De la diversité des situations et de la complexité des motivations, il n’est jamais question. Les personnes prostituées ont été, dans l’histoire, considérées comme des dangers sociaux : avec ce texte, elles deviennent des inadaptées sociales incapables de juger par elles-mêmes.

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C’est, encore et toujours, une seule et même vision de la réalité, celle d’un monde en noir et blanc : des femmes toujours victimes, des hommes toujours coupables. C’est toujours la même approche qui confond, sans hésitation, le proxénétisme, la traite et le fait de se prostituer.

L’exemple suédois, dont vous vous inspirez, mérite une analyse critique et contradictoire. Les chiffres avancés et le bilan dressé sont nuancés, et même contredits par des institutions internationales comme le Programme des Nations unies pour le développement. Jamais de mise à distance critique, jamais d’études comparatives établies sur des critères scientifiques dans nos discussions ! Est-ce que tout est bon à prendre dans l’exemple suédois ?

Doit-on s’inspirer d’une tradition de répression dans le contrôle des conduites individuelles qui avait conduit ce pays, il y a quelques années, pour mieux lutter contre le sida disait-on, à rendre obligatoire la déclaration pour tout citoyen de sa séropositivité ?

Les politiques de pénalisation entraînent une aggravation de la précarité des personnes prostituées : c’est un fait.

Les organisations internationales comme ONUSIDA, l’Organisation mondiale de la santé et la Commission mondiale sur le VIH et le droit sont largement d’accord sur ce point, tout comme les organisations françaises qui travaillent quotidiennement à l’accompagnement sanitaire des prostituées.

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Les risques liés à l’exercice de la prostitution existent, la précarité et l’isolement induits par des mesures législatives répressives les décuplent.

Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales – IGAS – publié en décembre 2012 évoquait « des écarts de un à vingt dans l’estimation du nombre des personnes qui se prostituent ». Madame la rapporteure, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, vous n’avez pas hésité à asséner des chiffres rarement sourcés et jamais contextualisés, parfois même inventés, encore aujourd’hui. Pour donner corps à cette croisade, vous n’avez pas hésité à l’habiller d’une prétendue expertise statistique.

Ce texte prétend parler au nom des victimes sans jamais considérer que leur parole soit légitime.

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Ce que je condamne, comme d’autres sur ces bancs, c’est le fait que des femmes et des hommes soient contraints à la prostitution pour le compte d’autrui. Ce que je condamne, c’est la promotion d’une forme de paternalisme d’État par un féminisme répressif, qui pourra sans difficultés cohabiter avec l’État proxénète.

Exclamations sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et de la Gauche démocrate et républicaine.

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Ce que je condamne enfin, et nous l’avons vue à l’oeuvre depuis le début de nos débats, c’est la sainte alliance entre la droite conservatrice et une gauche bien-pensante en vue de l’adoption de ce texte. C’est en donnant et en ouvrant des droits que l’on permet à chaque femme et à chaque homme de gagner en dignité et de s’émanciper. C’est en donnant accès au droit commun à chaque citoyen et à chaque individu que l’on lutte contre la stigmatisation. Ce n’est pas la voie que vous avez choisie : le groupe écologiste ne vous suivra donc pas.

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Ce n’est pas aux applaudissements que l’on mesure la justesse d’une cause !

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais commencer par profondément remercier toutes celles et ceux, responsables politiques, qu’ils soient ministres, parlementaires ou élus locaux, mais aussi responsables et militants associatifs, citoyens concernés et mobilisés, qui, depuis plus d’un an et demi, n’ont pas cessé de se mobiliser pour que cette proposition de loi puisse voir le jour, progresser et, bientôt, se concrétiser.

Il est des sujets qui demandent une détermination particulière, un travail de conviction redoublé pour franchir les nombreux obstacles mis sur la route par ceux qui voudraient voir enterrés les débats soulevés, les solutions prônées. Cette proposition de loi visant à lutter contre le système prostitutionnel appartient à cette catégorie, et j’ai donc une profonde pensée pour toutes celles et ceux qui n’ont pas failli dans le processus, qui ne se sont jamais découragés, qui ont été là, vigilants et déterminés, à chaque étape.

Je me revendique abolitionniste pour une question de choix de société, de projet politique. L’abolitionnisme est une idée moderne, progressiste, humaniste, celle qui rappelle que la prostitution est une exploitation du corps humain et qui refuse de vivre dans une société dans laquelle la commercialisation des corps, des services sexuels serait chose banale, normale, anodine.

La prostitution est un système qui organise l’exploitation, la marchandisation et l’appropriation du corps des femmes, d’enfants et, de plus en plus souvent, d’hommes. Elle continue de présenter le corps comme une marchandise qui peut s’acheter, se vendre, se consommer. Comment accepter qu’une personne puisse être réduite à cela !

Qu’il n’y ait pas de faux débat ! Il ne s’agit pas ici d’ordre moral ou de pudibonderie, comme on peut l’entendre parfois. Il ne s’agit pas de juger des sexualités, des pratiques de quiconque dans les relations privées, car nous parlons ici de relations bien particulières, de relations tarifées, fondées sur l’échange marchand. Payer pour obtenir un rapport sexuel revient à l’imposer par l’argent. En quoi est-ce compatible avec la liberté sexuelle ? Comme le dit le Mouvement du Nid, le combat abolitionniste est un combat pour une sexualité libérée de l’emprise du marché, tout comme nous avons lutté pour la libérer de l’ordre moral et des rapports de violence et de domination. C’est ce droit à user du corps d’autrui contre une rémunération que les abolitionnistes veulent abolir en exigeant que la sexualité soit libérée de l’emprise du marché.

Notre débat, en effet, n’est pas seulement idéologique ou principiel. On parle ici d’économie, de rente, de profit pour ceux qui vivent de ce système d’exploitation et qui s’en enrichissent. C’est bien pour cela que l’on parle non pas uniquement des personnes prostituées, mais bien d’un système prostitutionnel dans son ensemble, afin d’inclure aux débats et à la construction des politiques publiques à mettre en oeuvre non seulement les personnes prostituées, mais aussi les proxénètes, l’ensemble des acteurs des réseaux, les États, quand ils sont complices, et les clients, oui, les clients, car, comme on l’a rappelé à de nombreuses reprises, sans eux, pas de système prostitutionnel.

C’est bien dans cette perspective que s’inscrit la nécessaire pénalisation du client, qui n’a pas de visée de stigmatisation ou de moralisation, mais qui est la condition pour pouvoir efficacement lutter contre les réseaux et agir pour leur démantèlement.

La proposition de loi que nous examinons propose un véritable changement de paradigme dans nos politiques publiques en matière de prostitution. Elle repose sur un ensemble de mesures cohérentes et globales. Elle en finit avec le délit de racolage, qui plaçait les prostitués sous une triple forme de domination : la domination économique et la domination juridique en plus de la domination du proxénète et du client. Elle renforce les moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle en protégeant mieux les prostitués qui témoignent, grâce à l’anonymat et à la possibilité d’entrer dans des parcours de sortie. C’est une amélioration de la prise en charge des prostituées et la garantie de droits nouveaux, notamment pour les femmes étrangères. La proposition de loi fait enfin de la prévention et de l’éducation, qui doivent toujours être au coeur des politiques publiques, des aspects essentiels du texte.

C’est un grand moment parlementaire que nous vivons, un moment de travail d’une grande qualité, qui fera date dans notre histoire parce que, encore une fois, le changement de prisme dans les politiques publiques, que nous sommes en train de faire advenir, ne doit pas être sous-estimé. C’est une loi d’égalité, de dignité, d’émancipation et de liberté, qui permettra aux personnes prostituées de penser et de mettre en oeuvre un autre avenir, d’autres possibles. Lutter contre les fatalismes et les déterminismes, tel doit être notre combat permanent. Ce texte s’inscrit pleinement dans cette perspective. Hâtons-nous donc de le mettre en oeuvre.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la prostitution est la dernière forme de commerce humain et, n’ayons pas peur des mots, à l’instar de Victor Hugo, maintes fois cité, d’esclavagisme encore tolérée dans notre pays, pourtant auteur de la Déclaration universellement émancipatrice des droits de l’homme et du citoyen.

Jamais, vu l’inefficacité de la répression et la faiblesse de notre arsenal législatif, notamment contre la traite des êtres humains, les réseaux criminels de toutes sortes n’ont été autant attirés par le contrôle de la prostitution, dont ils tirent plus de 3 milliards par an en France, exploitant près de 40 000 victimes.

Si nous légiférons aujourd’hui, avec des difficultés, il est vrai, vu les positions radicalement opposées des deux assemblées, c’est bien pour essayer de libérer les victimes de cet esclavage, tant nul ne peut admettre qu’une pulsion sexuelle soit ainsi érigée en droit sur autrui. De plus, notre société, qui a inscrit la non-patrimonialité du corps humain au rang de ses principes bioéthiques, ne saurait accepter une telle marchandisation du corps.

C’est dans cet esprit que notre assemblée, après avoir mené une mission d’information sur le sujet, avait adopté à l’unanimité, le 6 décembre 2011, la résolution Bousquet-Geoffroy réaffirmant la position abolitionniste de la France. Cette proposition de loi visait initialement, dans le droit-fil de ces travaux, à rendre le recours à la prostitution illégal par la pénalisation du client qui est bien le premier maillon du système prostitutionnel, un tel objectif étant approuvé aussi par Nicole Ameline. Sans client, pas de prostitution !

Il est donc regrettable qu’à cette étape de la navette, nous nous trouvions face à un texte qui s’arrête au milieu du gué et qui, en dehors de l’effet d’affichage, risque d’être inefficace.

D’une part, la suppression du délit de racolage, à laquelle la directive européenne ne nous contraint même pas et que le Sénat a réintroduit, avec raison selon moi, le groupe socialiste s’étant abstenu, comme l’a souligné Marie-Louise Fort, empêchera d’isoler les victimes de leurs exploiteurs pour leur proposer une visite médicale et une possibilité de sortie de l’enfer par une coopération ouvrant droit au séjour.

Actuellement, un quart de la soixantaine de procédures de lutte contre le proxénétisme ouvertes chaque année à Paris dépend des informations recueillies ainsi, et les chiffres de son application par les tribunaux prouvent d’ailleurs qu’il est peu utilisé contre les personnes prostituées.

Je peux également témoigner, en tant qu’élu de Paris, que l’existence du délit de racolage passif a permis, il n’y a pas à en avoir honte, de restaurer la tranquillité publique dans des quartiers qui étaient devenus de véritables zones de non-droit, gangrenées par toutes les délinquances connexes à la prostitution, violences, vols, trafic de stupéfiants, nuisances diverses.

À rebours des intentions généreuses qui nous animent bien sûr tous ici, le parcours de sortie de prostitution, en proposant des facilités de droit au séjour supérieures à celles obtenues par une coopération avec la police, n’incitera évidemment plus au démantèlement des réseaux par leur dénonciation.

D’autre part, même si le blocage des sites internet de prostitution ou les mesures en faveur des victimes sont utiles, la suppression de la pénalisation du client intervenue au Sénat constitue un recul, car le client est le premier acteur de la prostitution.

Il est tout aussi regrettable que notre assemblée se soit contentée de créer une simple contravention de cinquième classe de recours à la prostitution passible du tribunal de police, par ailleurs extrêmement difficile à établir, ne permettant pas le placement en garde à vue, dont seule la récidive constituera un délit, et encore, ce n’est pas très clair. Sur l’échelle des peines, cela revient à considérer que la gravité du recours à la prostitution est comparable à celle d’un dépôt d’ordures sur la voie publique, sans compter qu’il sera impossible de poursuivre les actes commis à l’étranger.

Enfin, la proposition de Guy Geoffroy et de la rapporteure de créer un statut de témoin protégé pour les personnes prostituées, que j’avais soutenue en commission des lois pour favoriser un consensus bien utile, ne paraît pas suffisamment étayée juridiquement. Elle vise en effet le second alinéa de l’article 706-57 du code de procédure pénale, qui permet d’auditionner les témoins en raison de leur profession. Or on ne peut à la fois reconnaître les personnes prostituées comme victimes d’une violence et, en même temps, admettre que la prostitution est une profession. L’incohérence est patente. De plus, même si la protection du témoin peut se révéler attractive, c’est une procédure lourde, initiée par le procureur de la République, qui ne sera utilisée qu’au cours d’enquêtes d’envergure, là où, aujourd’hui, le délit de racolage permet de recueillir les informations qui les suscitent.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je présenterai des amendements, avec l’espoir de les retirer si vous réussissez à établir une solution juridique solide, peut-être en suivant la préconisation de la garde des sceaux de créer un statut de témoin assisté pour continuer à faire de la France, par une position abolitionniste réaffirmée, la protectrice des droits de l’homme, et donc de la femme, et l’ennemie de ceux qui exploitent dans les pires conditions la misère humaine.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous retrouvons aujourd’hui est un rescapé législatif, longtemps porté disparu dans les sables mouvants de la procédure et des navettes parlementaires.

Je veux tout d’abord saluer le Gouvernement qui, en inscrivant ce texte à l’ordre du jour, a manifesté son engagement de voir, enfin, les choses avancer sur ce dossier. Aussi permettez-moi de vous dire ma satisfaction de débattre dans cet hémicycle d’une proposition de loi transpartisane. Cette loi est une grande loi d’émancipation humaine. Je rappelle que la position abolitionniste a été adoptée par la France dès 1960 face à la situation désespérée d’un grand nombre de femmes.

Je le répète aujourd’hui, nous pensons que ce qui permet à la prostitution de subsister dans nos sociétés, c’est la méconnaissance profonde de la réalité du phénomène. Face à ce déni de réalité, qui génère parfois une représentation incroyablement idéalisée de la prostitution, nous nous devons de combattre pour rétablir les faits.

Mon propos n’est pas idéologique, il est pragmatique. Avec cette loi, nous allons poser un interdit, envoyer un signe, comme vous l’affirmiez au Sénat, madame la secrétaire d’État.

La réalité de la prostitution actuelle, c’est une prostitution de plus en plus délocalisée, qui met encore plus les femmes en danger. Par ailleurs, comme cela peut se voir dans mon département de l’Aude, situé à quelques kilomètres de la Jonquera en Espagne, c’est une prostitution essentiellement organisée par des réseaux, dont la grande majorité concerne des jeunes femmes parfois mineures et étrangères, souvent en situation irrégulière. C’est une prostitution dont le coût s’élève, selon une étude commandée par le Mouvement du Nid, à 1,6 milliard d’euros par an à la charge de la société. Personne, ou presque personne, ne peut décemment croire que la prostitution relève du droit chèrement acquis à disposer librement de son corps, que les prostituées sont libres et qu’elles ont consenti à exercer leur activité.

Le dispositif législatif en vigueur est, de l’aveu général, parfaitement incapable d’endiguer le développement de ces réseaux. Plus grave, il ne fait absolument aucune place à la protection des personnes prostituées et à leur réinsertion.

Sans intervention de notre part, ces réseaux vont continuer à prospérer, voire se renforcer. Pour tous ceux qui estiment qu’un encadrement du commerce de la prostitution pourrait être une solution, il faut bien garder en tête les exemples de nos voisins, où ces réglementations n’ont pas permis de lutter efficacement contre les réseaux, bien au contraire. En Allemagne, par exemple, le trafic de la traite a sans doute été multiplié par soixante-dix en quelques années. Le système existant, qui fait peser la présomption de culpabilité par le délit de racolage sur la personne prostituée, est inefficace et injuste. C’est la raison pour laquelle je suis opposée au texte issu des travaux du Sénat.

Entériner le délit de racolage, c’est continuer à se voiler la face et cautionner un système qui fait, jour après jour, la preuve de sa monstruosité, car la prostituée est avant tout une victime. Je souhaite que nous changions de logique pour lutter contre la prostitution. Notre solution consiste à reconnaître la responsabilité du client, complice de ce système de violence, comme c’est le cas en Suède et dans une partie du monde anglo-saxon.

Mes chers collègues, il est temps de changer, dans les faits, notre regard, et de responsabiliser la société tout entière à la réalité du système prostitutionnel, et cela dès l’école.

Comment, en effet, persister à ignorer le rôle que joue l’argent des clients dans le financement des réseaux criminels ? À cet égard, il faut rétablir les articles 16 et 17 de cette proposition de loi. Ils sont un outil indispensable dans la lutte contre la traite, mais ils ont également une portée symbolique et pédagogique pour les jeunes, en ce qu’ils fixent clairement l’interdit dans la loi.

J’espère que, sur tous les bancs, nous nous rallierons à cette solution. Il est impératif d’interdire l’achat d’actes sexuels et de lutter contre l’abolition du système prostitutionnel pour conforter la loi sur l’égalité réelle des femmes et des hommes que nous avons votée ici même.

« Au procès de mon mari proxénète, c’est moi qu’on a mise en accusation. » « On m’a jetée en prison et traitée comme une criminelle. » Mes chers collègues, ce sont ces paroles de prostituées que nous ne pouvons plus entendre. Redonnons à cette proposition de loi toute la portée qu’elle avait à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La discussion générale est close.

La parole est à Mme la rapporteure.

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Je vous demande une brève suspension de séance, madame la présidente, avant que nous ne passions à la discussion des amendements.

La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt-cinq.

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J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

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Le président de la commission des finances, saisi dans les conditions prévues par l’article 89, alinéa 4 du règlement de l’Assemblée de la recevabilité financière des modifications apportées par la commission spéciale au texte de l’article 1er de la proposition de loi, a rendu sa décision. Il m’a fait savoir que les dispositions introduisant un alinéa 7 à cet article étaient irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution.

Il est pris acte de cette décision.

La parole est à Mme Nicole Ameline, inscrite sur l’article 1er.

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À ce stade du débat, je voudrais rappeler que ne pas engager une démarche juridique novatrice adaptée dans un domaine qui n’a, lui, cessé d’évoluer, dans son ampleur comme dans sa nature depuis plusieurs années, reviendrait à renoncer. La France est naturellement dans son rôle lorsqu’elle réaffirme le droit, notamment le droit international. La convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes condamne ainsi expressément l’exploitation de la prostitution sous toutes ses formes. Je suis heureuse que nous puissions répondre aujourd’hui à cette exigence internationale.

Lorsque la France légifère sur les droits de l’homme, elle ne le fait jamais uniquement pour elle-même, mais aussi pour le reste du monde. Nous avons besoin d’adresser un signal extrêmement fort face à cette réalité effroyable, que vous avez tous rappelée, où les droits des femmes sont bafoués dans de larges parties du monde, où des réseaux se développent sous toutes leurs formes, où s’organise un véritable marché, une industrie lourde de la marchandisation du corps.

Que vaudrait, mes chers collègues, l’indignation sans l’action ? Nous en avons peu parlé ce matin, mais il faut mentionner l’Europe. Je souhaite que le texte soit voté dans cette version remarquablement améliorée – je tiens à ce propos à féliciter le président de la commission spéciale. Il est impératif que la solidarité européenne et internationale s’attaque de manière beaucoup plus résolue à la traite des êtres humains, qui est en lien direct – nous le savons tous – avec le système prostitutionnel, tout au moins dans une très large partie.

Avant même que nous n’examinions les articles qui suivent, je voudrais dire ceci : nous devons renforcer l’efficacité de ce texte, tant au niveau budgétaire qu’en termes de moyens d’accompagnement, mais aussi pour ce qui concerne l’implication du Gouvernement. À titre personnel, j’attacherai beaucoup d’importance à ce que les femmes victimes de la prostitution soient bel et bien considérées comme des victimes et surtout pas comme des délinquantes, et qu’à ce titre elles soient bien protégées et accompagnées.

Aujourd’hui, nous franchissons un pas très important et, sur cette question cruciale, le monde nous regarde !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Cet article premier est très intéressant car en visant le proxénétisme, il vise à un instant-clé l’un des éléments essentiels de la problématique. Dans les années à venir, l’évolution de la prostitution se caractérisera par la conjugaison de deux facteurs qui doivent nous interpeller. Les grands mouvements migratoires du Sud vers le Nord, tout d’abord – qui sont autant de mouvements de détresse – rendent vulnérables des populations entières, et l’on constate les désastres qu’ils produisent en Méditerranée. L’aggravation de la détresse, de la misère et de ces grands mouvements expose des populations entières au risque de la prostitution et de l’esclavage, ainsi qu’aux effets du proxénétisme.

À ces tendances nouvelles et croissantes se conjugue un second facteur : la communication et l’internet, qui offrent un terrain de prolifération très favorable au développement de la prostitution et, surtout, des organisations proxénètes.

Nous avons désormais le devoir de tenir compte de la conjonction de ces deux éléments que sont l’aggravation de la détresse et des mouvements migratoires d’une part et, d’autre part, la facilité d’information, de communication et donc de prolifération que permettra le modèle de l’internet. On peut certes discuter de l’efficacité du texte, comme l’ont dit d’autres orateurs, mais nous avons tous ici le devoir d’envoyer un signal extrêmement résolu, déterminé et consensuel sur la question de la prostitution et de l’esclavage des êtres humains. Si nous ne le faisions pas aujourd’hui dans le consensus et l’unité dont notre Assemblée pourrait se prévaloir, nous échouerions selon moi à remplir le devoir d’humanité qui s’impose à nous tous.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe Les Républicains, du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 1 .

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Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous avons peine à suivre la doctrine du Gouvernement concernant le blocage administratif. Je rappelais les propos que tenait Mme Vallaud-Belkacem à la tribune de l’Assemblée lors de la première lecture de ce texte : elle contestait tout à la fois l’efficacité et l’efficience de ce type de mesures et avait même déposé un amendement de suppression des dispositions qui figurent dans cet article.

La commission des finances ayant censuré les dispositions visant à introduire un alinéa 7, permettez-moi donc de m’attarder sur la disposition qui demeure en l’état : le blocage administratif des sites internet.

Ce dispositif constitue une difficulté car il n’a jamais été évalué. Il pose de nombreux problèmes : l’impossibilité pour la personnalité qualifiée d’exiger le rétablissement d’un contenu abusivement supprimé, par exemple, comme cela avait également été rappelé au cours de nos débats.

On peut aussi s’interroger sur la nécessité de ce blocage administratif alors que pour de nombreuses infractions en ligne telles que les jeux d’argent illégaux ou encore les provocations au crime, c’est la voie judiciaire qui demeure privilégiée.

En outre, la simple possession et la diffusion d’images pédopornographiques – puisqu’il s’agit de l’exemple auquel on se réfère souvent – constituent un délit en soi, ce qui n’est pas les cas des petites annonces, qui nécessitent une appréciation – laquelle, en l’occurrence, devrait appartenir au juge judiciaire. De ce point de vue, un blocage trop hâtif des sites, et Mme Vallaud-Belkacem l’avait d’ailleurs rappelé, pourrait avoir pour effet de freiner des enquêtes judiciaires ayant pour objet de lutter contre les réseaux les animent.

Enfin, la généralisation du blocage administratif des sites internet risque de rendre la procédure inapplicable, comme l’a déjà souligné le rapporteur de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, à propos de la mise en place du blocage des sites pédopornographiques.

Il est à noter que cette disposition du blocage administratif, supprimée en séance à l’Assemblée avant d’être rétablie au Sénat, avait été adoptée contre l’avis du Gouvernement. Une fois l’avis de la commission connu, je souhaiterais donc que Mme la secrétaire d’État puisse nous indiquer quelle est la doctrine du Gouvernement, qui a précédemment déposé un amendement de suppression de cette disposition.

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La commission a émis un avis défavorable à cet amendement de suppression. Mes collègues l’ont bien expliqué tout à l’heure : il est très important de pouvoir se doter de moyens permettant de lutter contre la cybercriminalité. Or, les dispositions du I de l’article 1er ont précisément pour objet d’instaurer un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à la connaissance des fournisseurs d’accès et des hébergeurs les données qui contreviennent à la législation. Les fournisseurs d’accès et les hébergeurs seront également tenus d’informer les autorités de toute activité illicite. C’est bien là le minimum que nous puissions faire en matière de lutte contre la cybercriminalité. En effet, je rappelle une fois de plus que 79 % des victimes de la traite sont victimes d’exploitation sexuelle. Il faut donc se donner les moyens de lutter autant que possible contre les réseaux étrangers qui agissent sur notre territoire.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

L’internet, monsieur le député, constitue désormais, comme vous le savez, un vecteur privilégié d’expansion pour les réseaux criminels organisant le proxénétisme ou la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Il est donc primordial d’agir pour renforcer la lutte contre la diffusion des contenus qui favorisent l’exploitation sexuelle.

L’obligation de signalement et de retrait des contenus illicites répond à cette nécessité, et c’est elle que vous voulez supprimer. Je vous le dis donc très simplement : je suis défavorable à votre amendement, car nous devons maintenir cette obligation.

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Que les choses soient claires : nul ne doute que l’internet joue désormais un rôle prépondérant pour l’organisation des réseaux, l’existence du proxénétisme et, plus généralement, l’ensemble du monde de la criminalité. Là n’est pas la question.

Je m’étonne simplement, madame la secrétaire d’État, que vous vous opposiez à notre amendement, puisqu’il reprend presque mot pour mot l’amendement qu’avait déposé le Gouvernement en première lecture afin de supprimer les alinéas figurant dans la disposition adoptée par la commission spéciale. Je vois Mme la rapporteure qui semble vouloir me contredire, mais je vous renvoie au compte rendu de nos débats : Mme Vallaud-Belkacem s’est entièrement inscrite en faux par rapport aux propos que vient de tenir Mme Boistard.

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Elle avait alors dénoncé l’inefficacité de la disposition et la possibilité que se créent des sites miroir.

Au fond, ce que l’on a pu constater et que le Conseil national du numérique dénonce à chaque fois que des mesures de blocage administratif sont introduites dans la loi, c’est leur totale méconnaissance du fonctionnement de l’internet. Il existe par exemple plusieurs cas de faux positifs.

Je m’étonne donc simplement de la façon qu’a le Gouvernement de changer de pied en fonction des débats et des textes en donnant l’impression que sur des questions importantes – l’internet est en effet un outil d’information et de liberté, comme l’ont montré les révolutions arabes –, il n’en fait qu’à sa tête, selon son bon vouloir ou l’humeur du jour.

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La parole est à M. le président de la commission spéciale.

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M. Coronado faisant appel aux souvenirs qu’ont les uns et les autres de nos débats en première lecture, je vais donc l’aider à bien s’en rappeler. En première lecture, ici même, les dispositions qui constituent désormais le I de l’article 1er ont été longuement débattues. Le Gouvernement, qui était alors représenté par Mme Vallaud-Belkacem, a donné un avis totalement favorable à ces dispositions. Il est donc inexact de prétendre que les propos tenus alors sont différents de ceux qui ont été tenus aujourd’hui concernant le I de l’article 1er.

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Je parlais de la suppression des alinéas 4 à 8 du texte examiné en première lecture ! De l’actuel II de l’article 1er !

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Je ne voudrais pas faire de procès à M. Coronado, mais il a l’aplomb tranquille de celui qui affirme sans que nous ne prenions assez régulièrement le temps de réfuter ses propos inexacts.

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J’ai donc souhaité prendre le temps de préciser tout simplement que ce qu’il affirme est inexact, et je le referai chaque fois que nécessaire !

L’amendement no 1 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 2 .

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Nous venons d’avoir le débat et je suppose que le vote sur cet amendement sera le même que sur le précédent. Je tiens tout de même à rappeler à M. Geoffroy qu’en faisant référence aux propos de Mme Vallaud-Belkacem, j’ai bien précisé qu’il s’agissait du II de l’article 1er.

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Si vous voulez vous y référer, relisez donc la bonne intervention – celle au cours de laquelle elle a évoqué l’inefficacité des blocages administratifs.

Quant à moi, j’ai coutume de me référer au texte tel qu’il est retranscrit par le service du compte rendu de la séance, et je n’ai pas pour habitude d’inventer des chiffres, comme je l’ai entendu ce matin, ni d’être de mauvaise foi – contrairement à ce que l’on a pu observer en commission, puisque l’alinéa 7 introduit au cours de la discussion a été présenté sous la forme d’un amendement purement rédactionnel. À l’époque, monsieur Geoffroy, vous aviez soutenu Mme la rapporteure en confirmant qu’il s’agissait d’une mesure rédactionnelle. Je m’étonne donc que la commission des finances n’ait pas estimé que cet amendement rédactionnel était susceptible de passer le filtre de l’article 40. Autrement dit, en matière de précision, de rigueur et de bonne foi, je n’ai aucune leçon à recevoir de quiconque ce matin !

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La commission a émis un avis défavorable à la suppression de ces alinéas. Je partage cet avis : en effet, nous constatons que les circuits itinérants par lesquels les jeunes filles sont recrutées à l’étranger, les « sex tours » organisés par internet ou encore les annonces vantant les talents de masseuses exigent que nous nous dotions des moyens de lutter contre leur prolifération sur notre territoire. Nous avons la chance de disposer d’un système législatif très fort en matière de lutte contre le proxénétisme. Il faut aussi nous doter des moyens permettant de progresser concernant le blocage des sites. Je maintiens donc que je suis défavorable à l’amendement de M. Coronado.

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Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Lutter contre l’exploitation sexuelle par le biais d’internet est en effet nécessaire, monsieur le député, car la traite et le proxénétisme s’y développent. La proposition de loi prévoit d’ailleurs l’obligation de signalement et de retrait des contenus illicites, dont nous venons de discuter à l’occasion du précédent amendement. Cette disposition est pertinente et doit être maintenue.

En revanche, le blocage des sites – qui constitue une question différente de celle que soulevait votre premier amendement – n’est pas une option que nous souhaitons retenir à ce stade.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Vous constatez donc la cohérence de notre position, monsieur Coronado. La suppression de l’obligation de dénoncer des contenus répréhensibles et le blocage des sites sont deux sujets certes liés, mais différents.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Je vous sais attaché à la précision ; je souhaitais donc être précise à mon tour.

En clair, nous ne souhaitons pas à ce stade retenir l’option du blocage des sites. D’autre part, de nouvelles mesures ont été prises récemment pour lutter contre le terrorisme et la pédopornographie sur internet. Nous souhaitons dans un premier temps évaluer l’efficacité des mesures qui ont déjà été prises avant de les étendre à d’autres infractions, car ce sujet soulève des questions de libertés publiques. Le Gouvernement est donc favorable à votre amendement.

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M. Coronado relance un débat que nous avons eu pendant de nombreuses heures sur la société numérique, mais il soulève un certain nombre de problèmes qui ne sont pas liés au présent texte !

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Par ailleurs – et c’est la grande faiblesse de notre collègue –, que propose-t-il ? Au fond, M. Coronado est un libertarien.

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Oui, c’est ce qui le définit le mieux : il n’est pas vert, mais libertarien ! Autrement dit, il faudrait accorder la liberté totale de faire ce que l’on veut – mais on en constate ensuite les conséquences !

Quant à moi, je ne suis pas libertarien.

Sourires.

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Je suis pour la liberté, mais une liberté raisonnable et encadrée.

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Je regrette, madame la rapporteure, mais nous ne pourrons pas vous suivre. Nous avons en effet été convaincus par les arguments qu’ont exposés Mme la secrétaire d’État et M. Coronado. Par conséquent, nous voterons dans le sens proposé par le Gouvernement.

L’amendement no 2 est adopté.

L’article 1, amendé, est adopté.

L’article 1er bis est adopté.

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La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 1er ter A.

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La parole est à M. Philippe Goujon, premier orateur inscrit.

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J’avais soutenu en commission la démarche qui a donné lieu à cet article, à savoir offrir aux services de police, au cours de la procédure judiciaire, la possibilité d’avoir un contact avec les victimes de la prostitution dans la perspective, bien entendu, de la suppression du délit de racolage public. Cela me paraissait équilibré. Je souhaitais, comme beaucoup, que l’on parvienne à un consensus sur cette question, notamment entre les deux assemblées.

Mais la rédaction proposée n’est pas satisfaisante en ce qu’elle vise l’article 706-57 du code de procédure pénale, qui évoque le cas dans lequel l’audition du témoin a lieu en raison de sa profession. Dans la mesure où nous avons adopté une position abolitionniste, nous ne pouvons accepter que la prostitution soit assimilée à une profession.

Je souhaite donc que la rapporteure et le président de la commission spéciale nous indiquent comment ils entendent donner la possibilité aux personnes prostituées d’être entendues en tant que témoins protégés si, d’une part, on reconnaît que la prostitution est une profession – et non, comme l’affirmait la résolution de Guy Geoffroy et de Danielle Bousquet, une violence faite aux femmes –, si on supprime le délit de racolage et enfin si le recours à la prostitution fait l’objet d’une contravention de cinquième classe. J’ajoute que l’article 16 ne mentionne pas spécifiquement que la récidive constitue un délit. Tout cela ne va pas très loin.

Il reste la voie, suggérée par la garde des sceaux, de créer un statut de témoin assisté, mais nous savons ce qu’il faut en penser. Quant à la garantie de l’anonymat des personnes prostituées en tant que témoins dans une procédure, elle ne semble pas être un outil suffisamment convaincant pour les persuader de s’attaquer aux réseaux. Cela est d’autant plus vrai que l’article 6 de la proposition de loi, qu’au demeurant je dénonce, accorde les mêmes autorisations de séjour aux personnes prostituées qui refusent de témoigner qu’à celles qui acceptent.

Toutes ces dispositions vont rendre le texte totalement inefficace.

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La parole est à M. le président de la commission spéciale.

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Je souhaitais intervenir sur cet article 1er ter et je me félicite de le faire après l’intervention de mon collègue Philippe Goujon car cela me permet de lui dire que ses interrogations sont partagées, en premier lieu par moi-même.

Je considère, et en cela j’ai conscience d’être quelque peu isolé au sein de mon groupe – ce qui ne me rend pas malheureux – que supprimer le délit de racolage est indispensable, mais qu’il est tout aussi indispensable de prendre un ensemble de dispositions pour éviter que des informations que seules les personnes prostituées sont en mesure de livrer n’échappent aux services enquêteurs.

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C’est ce qu’il convient de faire si nous voulons lutter le plus efficacement possible contre les réseaux de traite.

Nous avons pensé et nous continuons à penser que le dispositif que nous avions inscrit dans la loi au titre de l’article 1er ter dès le début de nos travaux permettait d’établir cet équilibre.

Mais, je le concède, nous n’y sommes pas totalement parvenus, et je le regrette vivement. Il reste effectivement des progrès à faire, mais la navette se poursuit et je considère qu’il est de ma responsabilité de tout faire pour engager, avec le Gouvernement, nos collègues sénateurs et l’ensemble des cabinets ministériels concernés par ce sujet – l’intérieur, la justice et les droits des femmes – un travail de fond pour améliorer ce texte qui a le mérite d’exister mais ne permettra pas, seul, de régler la question comme nous souhaitons le faire.

Accorder à une personne prostituée le statut de témoin assisté n’est pas acceptable, car un témoin assisté est une personne qui peut être sur le chemin d’une mise en examen. Or il ne peut pas en être question à partir du moment où nous décidons que la personne prostituée n’est en aucune façon une personne délinquante mais une victime.

Quant au statut de témoin protégé, c’est celui que je souhaitais. Le terme est très convenable, mais son acception juridique, dans la rédaction actuelle du code, correspond au statut du repenti. Or, précisément, le repenti est un délinquant qui veut sortir de la délinquance : nous ne saurions nous trouver dans ce cas de figure.

Ce qui rend les choses quelque peu compliquées, c’est que le texte, tel que nos collègues sénateurs nous l’ont communiqué, présentait au moins une forme de cohérence. En effet, une fois le délit de racolage rétabli, l’article 1er ter prenait un sens totalement acceptable puisque la personne prostituée étant une délinquante, elle pouvait fort bien bénéficier du statut de témoin protégé au titre de sa repentance.

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Nous devons impérativement avancer sur ce sujet. Je suggère que nous votions l’article 1er ter tel qu’il est rédigé parce qu’il indique la direction à suivre, mais en prenant l’engagement de faire en sorte, en poursuivant le dialogue avec le Gouvernement et le Sénat, d’aboutir à un texte qui correspondra au niveau de précision et à la portée que nous en attendons. Nous aurons alors avancé. Nos débats de ce matin sont importants car ils font foi et nous obligent à poursuivre notre action.

Au nom de la commission, et je crois ne trahir personne, je souhaite que cet article soit voté. Il est certes imparfait, mais il indique le chemin qu’il nous faudra approfondir pour parvenir, lors de l’adoption définitive de cette proposition de loi, à un texte qui réponde à l’ensemble de nos objectifs : protéger la personne prostituée tout en permettant à la police et à la justice de faire leur travail pour lutter contre l’ennemi commun, l’adversaire principal : les réseaux et les proxénètes.

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La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

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Je souligne la cohérence de la position du président de la commission spéciale et salue son courage, car nous savons qu’il n’est pas majoritaire au sein de son groupe. Pour avoir étudié de près la prostitution, il a parfaitement compris que les personnes prostituées sont des victimes, et uniquement des victimes : victimes de réseaux, victimes de la précarité économique. On n’entre pas par plaisir ni de façon volontaire dans la prostitution.

À partir du moment où les personnes prostituées sont des victimes, nous voulons que la police et la justice changent le regard qu’elles portent sur ces personnes.

L’article 1er ter a pour objet de protéger le mieux possible ces victimes, notamment lorsqu’elles se présenteront en tant que témoins. Il faut donc que nous trouvions, ce qui n’est pas encore le cas,…

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…la formule idéale qui permettra de faire de ces personnes des victimes qui, en tant que témoins, seront écoutées par la justice, par la police, et ne seront pas considérées comme d’anciennes ou de possibles coupables.

Je pense, comme Guy Geoffroy, que nous devons voter l’article 1er ter en l’état en attendant la dernière phase de la navette, dont nous espérons qu’elle arrivera rapidement et que nous n’attendrons pas un an et demi, après que le Sénat aura travaillé avec beaucoup de précision pour placer cet élément au bon endroit dans le code de procédure pénale.

L’article 1er ter est adopté.

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La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 1er quater.

L’article 1er quinquies est adopté.

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La parole est à Mme Pascale Crozon, pour soutenir l’amendement no 29 .

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Cet amendement vise à simplifier la composition de l’instance chargée d’organiser et de coordonner les actions en faveur des victimes du système prostitutionnel.

Je partage pleinement l’objectif de Mme la rapporteure de faire en sorte que l’ensemble des acteurs soient également impliqués dans cette instance. Mais dès lors que cet article renvoie au décret l’organisation de ses modalités de mise en oeuvre, je crains qu’une formalisation trop rigide de cet objectif ne constitue, selon les spécificités de chaque territoire, un frein à l’existence de ces instances. C’est pourquoi, sans renier la philosophie de votre texte, je propose de supprimer les mots « d’un nombre égal », afin que le dispositif gagne en souplesse.

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Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Avis favorable.

L’amendement no 29 est adopté.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 3 .

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Cet amendement porte sur le périmètre des associations pouvant accompagner les personnes prostituées dans leur parcours de sortie de la prostitution. S’agissant d’un dispositif d’insertion, il ne me semble pas pertinent d’exclure des associations plus généralistes qui ont une expertise reconnue sur le sujet. C’est pourquoi cet amendement tend à ce que l’ensemble des associations agréées puissent gérer ces parcours de sortie et l’accompagnement des personnes en difficulté et des personnes prostituées.

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Je vous invite à donner l’avis de la commission sur l’amendement no 3 , qui propose d’exclure les services de police et de gendarmerie de la commission chargée de veiller à l’insertion des personnes prostituées.

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J’y suis naturellement défavorable car nous savons tous que les services de police et de gendarmerie sont des aides précieuses. En outre, leur présence dans cette instance leur permettra d’avoir plus facilement accès à l’identité des proxénètes, de remonter les réseaux, d’accompagner les personnes et de tenter d’éviter qu’elles ne retombent dans la prostitution.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

L’amendement no 3 me donne l’occasion de confirmer, encore une fois, le soutien du Gouvernement à ce texte pour sa vision globale de la question prostitutionnelle. À ce titre, il convient au contraire d’associer l’ensemble des acteurs institutionnels si nous voulons être efficaces dans la lutte contre les réseaux.

Il est important de mettre tous les acteurs autour de la table. Priver cette instance de la présence des services de gendarmerie et de police serait un contresens vis-à-vis de l’esprit de cette proposition de loi.

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Je partage les propos de notre collègue Catherine Coutelle. En effet, ils sont victimes – puisqu’il existe également une prostitution masculine –, nous sommes tous d’accord sur ce point.

S’agissant de la présence de la police et de la gendarmerie, il est absolument nécessaire que ces services, qui sont conscients du fait que les personnes prostituées sont des victimes, siègent dans ces instances, tout comme ils siègent, dans la plupart de nos villes, au sein des CLSPD, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance…

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…où ils rendent un énorme service, non seulement dans l’application des mesures de répression, mais surtout au niveau de la prévention. Je peux en témoigner en tant que maire.

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Je ne comprends pas l’objectif que poursuit notre collègue Coronado dans cet amendement. Lorsque nous avons débattu de la question des violences faites aux femmes, nous avons pris conscience d’une certaine incompréhension de la part des services de police et de gendarmerie à l’égard des personnes prostituées, mais en associant ces services au traitement des dossiers, nous avons fait progresser les choses. Et aujourd’hui, dans beaucoup de gendarmeries et de commissariats, les femmes victimes de violences sont accueillies et accompagnées de façon très correcte.

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S’agissant de la lutte contre le système prostitutionnel et de l’aide aux victimes, qui sont les prostituées, il faut absolument associer les forces de police et de gendarmerie, car leur soutien est très important.

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Je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir rétabli l’ordre des amendements car celui-ci ne figurait pas dans ma liasse.

Pour répondre à ma collègue Marie-George Buffet, j’avais cru comprendre que cette commission était une instance d’insertion…

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…et non une instance de contrôle. J’ai d’ailleurs décelé une contradiction dans les interventions des uns et des autres. Je ne savais pas, pour ma part, que la police et la gendarmerie, dans notre pays, oeuvraient volontiers pour l’insertion, la sortie de la prostitution et l’accompagnement sanitaire et social.

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Vous venez de me l’apprendre, chers collègues. Je pensais que ces services n’avaient pas leur place dans une instance d’accompagnement social et sanitaire.

Je ne méconnais pas la nécessité de faire de la pédagogie afin que les choses se passent au mieux dans les commissariats lorsque les personnes prostituées viennent déposer une plainte, mais reconnaître à la gendarmerie et à la police un rôle fondamental en matière d’insertion, comme vous venez de le faire, m’étonne et me surprend.

Murmures.

L’amendement no 3 n’est pas adopté.

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La parole est à Mme Maud Olivier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 24 .

L’amendement no 24 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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M. Sergio Coronado a déjà défendu l’amendement no 4 .

Quel est l’avis de la commission ?

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Je comprends l’idée qui sous-tend l’amendement. Néanmoins, si j’ai fait supprimer la notion d’ « objet », c’est pour que toutes les associations qui accompagnent les personnes prostituées puissent se sentir concernées et associées au parcours de sortie. Je vous demande donc de retirer l’amendement, cher collègue.

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Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Sagesse.

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Je m’apprêtais à accéder à la demande de Mme la rapporteure mais comme le Gouvernement ne s’oppose pas à l’adoption de l’amendement, je le maintiens et espère qu’il sera voté.

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J’ai un peu de mal à saisir le sens de l’amendement de notre collègue Coronado. L’alinéa 10 ne se limite pas aux associations aidant exclusivement des prostituées mais concerne toute association qui intervient en leur faveur, même si elle a d’autres champs de compétences. Je ne citerai qu’un exemple, celui de l’association Médecins du monde dont les statuts prévoient qu’elle lutte contre certains problèmes que connaissent les prostituées. Elle doit par conséquent être concernée par l’alinéa 10.

L’amendement no 4 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 5 .

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On évoquait tout à l’heure une affaire qui devrait connaître son dénouement aujourd’hui même à Lille. Cet amendement vise à garantir le droit à l’oubli des personnes prostituées. Il est surprenant que le nom exact de personnes prostituées concernées par des affaires de prostitution, et pas uniquement celle à laquelle je viens de faire allusion, ait été révélé par la presse dans des articles repris en boucle par les chaînes d’information. Ce fut le cas lors de l’affaire Zahia comme dans celle du Carlton. Ainsi, des noms cités dans les médias sont conservés pendant des décennies par les moteurs de recherche, ce qui a des conséquences graves.

Personne ne devrait voir son avenir compromis pour cette raison. Comme nous travaillons justement à la mise en place du parcours de sortie de la prostitution et de réinsertion, il s’agit de garantir le droit à l’oubli des prostituées ou des acteurs travaillant dans le secteur de la pornographie, ce droit étant aujourd’hui mal protégé par la justice.

L’article 3 instaure une commission qui recensera les personnes prostituées désireuses de s’inscrire dans un projet d’insertion. Il ne faudrait pas que cela suscite leur crainte de voir leur nom révélé un jour. C’est pourquoi il nous semble nécessaire de préciser ce point du texte.

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L’avis est défavorable car le droit existant protège déjà la vie privée. Les personnes prostituées bénéficient de cette protection au titre de l’article 9 du Code civil, d’ailleurs cité dans l’exposé sommaire de l’amendement, et qui dispose que chacun a droit au respect de sa vie privée. En outre, le Code pénal prévoit des peines réprimant les atteintes de toute sorte à la vie privée. Enfin, une réflexion est en cours au sujet de la réforme de la loi du 29 juillet 1881. Il est donc préférable, à ce stade, de s’abstenir de toute modification isolée, en l’espèce la mise en place d’un régime particulier au bénéfice des seules personnes prostituées.

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Je vous demande donc, cher collègue, de bien vouloir retirer l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Même avis pour les mêmes raisons.

L’amendement no 5 est retiré.

L’article 3, amendé, est adopté.

Article 3

L’article 3 bis est adopté.

L’article 4 est adopté.

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La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement no 18 .

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Afin de gagner du temps, je présenterai en une seule fois les amendements nos 18 , 22 et 23 qui, tous, proposent de réécrire l’article 6. Adopté tel quel, celui-ci, en effet, n’inciterait pas les victimes à porter plainte contre leur proxénète, privant ainsi la police de précieuses informations – informations qui ne feront d’ailleurs que se raréfier avec l’abrogation du délit de racolage, et faute d’avoir créé un véritable délit pour traduire la pénalisation des clients. Voici ainsi résumées toutes les insuffisances du texte !

La proposition de loi rend certes obligatoire la délivrance d’un titre de séjour temporaire prévue à l’article L. 316-1 du Code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile – CESEDA – aux victimes qui portent plainte, ce qui est de nature à les inciter à coopérer avec la police. Cependant, elle rend également automatique la délivrance de la nouvelle autorisation provisoire de séjour – tout en lui octroyant une durée minimale d’un an – pour les personnes s’engageant dans le parcours de sortie de la prostitution sans pour autant porter plainte.

C’est là tout le problème. Si ces dispositions étaient adoptées en l’état, les victimes de prostitution auraient intérêt, au regard des avantages accordés en termes de droit au séjour, à ne pas porter plainte contre leurs exploiteurs. Le site service-public.fr mentionne que le titre de séjour accordé lors du dépôt de plainte a une validité minimale de six mois, soit une durée inférieure à celle qui est prévue pour obtenir la nouvelle autorisation provisoire de séjour, ce qui est tout de même paradoxal ! En outre, il est incohérent que la loi précise dans le CESEDA la validité de l’autorisation provisoire de séjour, mais pas celle du titre de séjour temporaire, pourtant régi par le même code.

Les amendements que je défends visent donc à inciter davantage les victimes à coopérer avec la police en fixant une validité minimale d’un an au titre de séjour temporaire délivré automatiquement lors du dépôt de plainte et en ramenant à six mois au lieu d’un an celle de l’autorisation provisoire de séjour proposée aux personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution, autorisation dont la délivrance serait de surcroît conditionnée à l’appréciation de l’autorité administrative.

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L’amendement no 31 rectifié que je m’apprête à défendre propose la même chose. Je vous demande donc, cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement à son profit.

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Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

L’avis est défavorable pour les mêmes raisons.

L’amendement no 18 est retiré.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 6 .

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Cet amendement concerne les papiers délivrés aux victimes qui ont déposé plainte contre les réseaux. Il arrive que les préfectures exigent des victimes de traite, d’exploitation sexuelle ou de proxénétisme, alors même qu’elles ont déposé plainte, qu’elles cessent de se prostituer pour leur délivrer un titre de séjour. Une étude de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme relative à la traite et l’exploitation des êtres humains en France, publiée en octobre 2010, recommande donc qu’un titre de séjour temporaire soit remis de plein droit et sans condition à toute victime de traite ou d’exploitation. Elle rappelle que « subordonner leur délivrance à la cessation d’une activité licite comme la prostitution constitue une discrimination, en violation des textes internationaux auxquels la France est partie ». Si l’on conditionne la délivrance d’un titre aux seules femmes qui ont cessé l’activité de prostitution, une catégorie de victimes sera fragilisée. Il est donc nécessaire d’exclure clairement cette exigence de l’article L. 316-1 du code pénal qui d’ailleurs ne prévoit pas l’automaticité de la délivrance des titres.

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La commission a émis un avis défavorable car l’amendement est contraire au but poursuivi par la présente proposition de loi, à savoir inciter et aider les personnes concernées à sortir de la prostitution. L’adoption de l’amendement enverrait un très mauvais signal. La délivrance d’une carte de séjour temporaire aux victimes doit rester subordonnée à la rupture par celles-ci de tout lien avec les auteurs de l’infraction. Adopter votre amendement consisterait à faciliter la tâche des proxénètes, monsieur Coronado.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

L’avis est défavorable pour les mêmes raisons.

L’amendement no 6 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 7 .

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Cet amendement porte également sur la question de la délivrance des titres à l’issue de la procédure pénale. En raison de l’adoption par le Sénat d’un amendement écologiste à la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, une carte de résident est délivrée de plein droit à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause. Toutefois, cette rédaction ne tient pas pleinement compte de l’annulation ou du classement sans suite de nombreuses procédures pour des raisons très diverses, d’ailleurs indépendantes de la qualité du témoignage. L’amendement propose donc de sécuriser le parcours des personnes ayant déposé plainte ou témoigné en prévoyant qu’une carte de résident soit éventuellement délivrée en cas d’échec de la procédure judiciaire, sans toutefois qu’elle le soit automatiquement.

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La loi du 4 août 2014 prévoit en effet, monsieur Coronado, qu’une carte de séjour est attribuée de plein droit à la victime de violences conjugales en cas de condamnation définitive de son auteur. Si je suis défavorable à l’amendement, qui a été rejeté en commission, c’est en raison de la vraie discrimination dont il serait cause à l’encontre d’autres catégories d’étrangers qui ne peuvent se voir délivrer une carte de résident qu’après plusieurs années de séjour régulier. En effet, le droit commun exige un séjour régulier d’au moins cinq ans pour se voir délivrer une carte de résident. Cette durée est réduite à trois ans pour certaines catégories d’étrangers ayant un lien fort avec la France. Par ailleurs, l’étranger victime de violences conjugales peut obtenir une carte de résident uniquement en cas de condamnation définitive du conjoint.

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Pour toutes ces raisons, je vous demande de retirer l’amendement et émets à défaut un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Défavorable.

L’amendement no 7 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 9 .

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Il porte sur le même sujet, à propos duquel je pensais que notre commission spéciale et une assemblée où la gauche est majoritaire feraient un peu mieux qu’un Sénat tenu par la droite ! Dès qu’il est question d’étrangers, nous semblons lutter davantage contre l’immigration irrégulière que contre ces fléaux que sont la traite et le proxénétisme. Je le regrette.

Actuellement, les papiers ne peuvent être délivrés qu’à une personne ayant cessé l’activité de prostitution. Une telle rédaction ne prend pas en compte le cas de femmes et d’hommes désireux de sortir de la prostitution mais contraints d’y demeurer en raison de leur situation précaire ou vulnérable. C’est pourquoi le Sénat a supprimé cette restriction à l’octroi d’un titre de séjour provisoire, comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale. Cet amendement vise donc à proposer une nouvelle rédaction. Il ne s’agit pas d’exiger de la victime qu’elle ait définitivement cessé toute activité de prostitution mais qu’elle ait engagé des démarches bien réelles à cette fin.

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L’avis est défavorable. Je ne comprends pas l’argumentation de M. Coronado à propos de la droite et la gauche. Cette proposition de loi est transpartisane, nous l’avons toujours affirmé et le travail que nous avons fourni le prouve.

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Je ne comprends donc pas cette argumentation qui met en cause nos sentiments humanistes. Nous ne sommes pas ici pour parler de cela.

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L’avis de la commission ne peut qu’être défavorable. On ne saurait prévoir que la personne prostituée entreprend des démarches pour cesser l’activité de prostitution. Un engagement dans le parcours de sortie de la prostitution doit être une condition de délivrance de l’autorisation provisoire de séjour. Cela me semble indispensable afin d’éviter des situations très floues qu’il ne sera pas possible d’interpréter.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Défavorable.

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Mes propos n’avaient rien de polémique. J’ai suivi les débats au Sénat. Le rapporteur du texte n’y a jamais invoqué, comme vous le faites depuis le début de nos discussions en première lecture, madame, l’appel d’air que constituerait l’octroi d’un titre provisoire de séjour ni le risque d’attractivité pour les réseaux et les proxénètes que constituerait l’octroi d’un statut pérenne aux femmes sous leur joug afin qu’elles sortent véritablement de la prostitution. Comme je l’ai dit, j’ai parfois l’impression de lutter davantage contre l’immigration clandestine que contre le fléau du proxénétisme et de la traite.

L’amendement no 9 n’est pas adopté.

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Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 31 rectifié , 22 , 26 , 23 et 25 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 23 et 25 sont identiques.

La parole est à Mme la rapporteure pour soutenir l’amendement no 31 rectifié .

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Nous l’avons déjà évoqué. J’invite mes collègues à retirer leurs amendements au profit de celui-ci, dont l’objet est de substituer aux mots « d’un an » les mots « minimum de six mois » et de substituer au mot « est » les mots « peut être », le préfet conservant son pouvoir discrétionnaire.

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Monsieur Goujon, retirez-vous votre amendement no 22 au profit de l’amendement no 31 rectifié ?

L’amendement no 22 est retiré.

L’amendement no 26 est retiré.

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J’en viens aux deux amendements identiques nos 23 et 25 .

Monsieur Goujon, retirez-vous également votre amendement no 23  ?

L’amendement no 23 est retiré.

L’amendement no 25 est retiré.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Favorable.

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En commission spéciale, nous avons rejeté l’amendement de Mme la rapporteure. Pourquoi ? Il faut se représenter ce qui signifie sortir de la prostitution pour une personne étrangère, ne disposant d’aucun appui et dépourvue de papiers. Elle aura peut-être besoin d’engager une démarche de réinsertion professionnelle, de suivre une formation : à cet égard, une période de six mois est – j’insiste sur ces mots – ridiculement courte. Mesurons l’angoisse qu’elle éprouvera à l’idée de disposer d’un délai aussi réduit ! À cela s’ajoute le fait qu’aucune obligation ne pèsera sur le préfet, qui aura la faculté de délivrer une autorisation provisoire de séjour de six mois. Autrement dit, on place la personne sortant de la prostitution dans un état d’insécurité.

Dans certaines préfectures, le temps d’attente pour le renouvellement des cartes de séjour est extrêmement long. Or, on va dire à cette personne, qui prend une décision d’un courage extrême, qu’elle ne dispose que de six mois pour régler son problème !

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Que l’on ne me dise pas que le fait de passer de six mois à un an constituerait un appel d’air pour l’immigration. Dans nos interventions, nous avons tous considéré que les personnes prostituées étaient des victimes. Et nous dirions à ces victimes qu’elles n’ont que six mois pour s’en sortir, pas un mois de plus ? J’estime que ce n’est pas acceptable et qu’il faut s’en tenir au texte actuel, qui accorde à ces personnes un année pour emprunter le parcours nécessaire.

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Cet amendement a fait l’objet d’un long débat en commission, y compris au sein de la majorité. Il me paraît donc sain – même si, à titre personnel, je le soutiens – que nous puissions en discuter en séance et en présence du Gouvernement.

En revenant à la position qui faisait consensus en première lecture, votre amendement, madame la rapporteure, vise à parvenir à un juste équilibre entre deux objectifs. Nous sommes tous d’accord pour ne pas signaler aux réseaux de traite l’existence de failles permettant la régularisation de femmes restées sous l’emprise des proxénètes, mais, d’un autre côté, les femmes étrangères victimes de cette traite doivent pouvoir espérer une sécurisation de leur séjour, sans quoi toute volonté de sortir de la prostitution resterait vaine. Il est bien évident que, si une femme se trouve privée sans motif de son droit de séjour après s’être engagée dans un parcours de sortie de la prostitution, ou s’il y a des divergences d’application selon les préfectures, nous ne parviendrons pas à inciter les personnes prostituées à sortir de leur état, ce qui est pourtant l’objectif recherché par cet article.

C’est la raison pour laquelle, en matière de violences conjugales, nous avions lié la compétence du préfet à la décision du juge de délivrer une ordonnance de protection. Je comprends naturellement que nous ne puissions pas en faire autant pour les victimes de prostitution, dès lors que la délivrance d’un titre pourrait servir les intérêts des réseaux, et non celui des personnes prostituées, mais il me semble nécessaire que le Gouvernement rassure la majorité sur ce point et clarifie les instructions qui seront données aux préfets pour assurer ne serait-ce que l’égalité des traitements. Sous ces réserves, et comme je vous l’ai dit, nous voterons cet amendement.

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Madame la présidente, je précise que nous ne retirons nos amendements que dans la mesure où l’amendement no 31 rectifié de notre rapporteure est adopté. Par ailleurs, je regrette que cet amendement ne fixe pas de durée minimum pour le titre délivré aux personnes qui témoignent ; nous proposions pour notre part d’aller jusqu’à un an.

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On peut avoir des divergences, et, parfois, les exprimer vivement, en employant des mots qui peuvent heurter. En l’occurrence, sur cette question, une majorité très claire s’était dégagée lors de la discussion en commission spéciale sur la nécessité d’aider les victimes, qui font preuve d’un courage et d’un esprit de sacrifice incroyables et prennent des risques pour elles-mêmes et pour leur famille restée au pays. Or, en s’engageant dans cette voie, elles vont se trouver dans une situation de précarité accrue.

Quel est, aujourd’hui, le parcours emprunté par une personne souhaitant obtenir un titre de séjour ? Ce sont parfois quatre à sept mois d’attente dans les préfectures, des files interminables,…

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…des allers et retours parce que l’on n’a pas tous les papiers, qu’ils ne sont pas tous en règle, pas tous signés ou n’ont pas tous l’ancienneté nécessaire. Vous semblez méconnaître ce parcours. De surcroît, le préfet ne pourra délivrer qu’un titre provisoire et réévaluera la situation en cas de réussite, d’échec ou d’abandon du parcours de sortie de la prostitution.

Je ne comprends pas le blocage actuel, qui empêche la construction d’un parcours stable, sécurisant, permettant à celles et à ceux qui font le choix de s’y engager de pouvoir se projeter, de se dire qu’ils ont le temps de chercher une activité rémunératrice, de trouver un logement, de s’occuper enfin d’eux-mêmes et de ne pas passer leur vie à essayer d’obtenir des papiers dont la durée de validité n’est que de six mois.

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La parole est à M. le président de la commission spéciale.

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Il est important de se rappeler que l’amendement de notre rapporteure n’a d’autre objet que de revenir à la décision prise par l’Assemblée en première lecture. Nous ne créons pas de disposition nouvelle, qui serait trop ou pas assez bienveillante : nous revenons à une disposition que nous avions prise et que le Sénat a pris l’initiative de modifier. Cela étant, je ferai deux remarques.

Premièrement, il faut pouvoir différencier la réponse apportée par les autorités publiques selon que la demande de protection est formulée par une personne qui témoigne ou par une personne qui a porté plainte ; il s’agit en effet de deux situations tout à fait différentes. Tel était l’objectif, et nous l’avions bien compris dès le début.

Deuxièmement, le délai de six mois prévu par l’amendement est un délai minimum.

Prenons le temps de relire le texte de la commission. L’avant-dernière phrase de l’alinéa 6 de l’article 6 est ainsi rédigée : « Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. » Il n’est pas inutile de le rappeler. De surcroît – c’est cela qui, en l’occurrence, est important – elle est renouvelée – je dis bien « renouvelée » et non « renouvelable » –…

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…pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, autrement dit, sans limite de temps, sous réserve, bien évidemment, que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. Nous trouvons ainsi la réponse à nos légitimes interrogations, celles de Mme Buffet comme les miennes.

La sagesse consiste à voter cet amendement ; nous serons encore plus sages lorsque nous pourrons juger de la pertinence du délai fixé. Rappelons-nous que, lors du débat sur la loi de 2010 sur les violences faites aux femmes, nous étions sûrs et certains de ne pas nous tromper en fixant la durée de l’ordonnance de protection à quatre mois renouvelables. Puis nous avons dû convenir, avec l’expérience et un minimum de recul, que nous nous étions trompés, et nous avons modifié les dispositions en question. C’est la raison pour laquelle – je le dis sans y insister – j’étais prêt à suggérer que l’on fixe un minimum de neuf mois plutôt que de six mois, mais, dans la mesure où cela risque de s’apparenter à un marchandage de tapis, je préfère m’abstenir. Je reste toutefois persuadé qu’un jour viendra où nous estimerons, parce que nous l’aurons constaté, que ce minimum de six mois est un délai trop faible, et qu’il faudra probablement l’accroître.

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L’essentiel est que cette durée ne puisse pas être inférieure à six mois et que la garantie soit donnée, à partir du moment où l’autorité a pris la décision en opportunité d’accorder cette protection, qu’il n’y aura pas de nouveau débat à l’occasion de son renouvellement, puisque ce dernier sera automatique, à condition – c’est une évidence – que les conditions prévues pour la délivrance continuent d’être satisfaites.

Il me semble que nous sommes tous d’accord et que nous partageons des appréhensions légitimes. Nos débats feront foi. Si, un jour, nous nous apercevons que nous avons joué trop « petits bras » sur ce délai minimum, il nous reviendra, en toute sagesse et en toute responsabilité, de le modifier.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Je ne reviendrai pas sur les propos de M. le président de la commission, que je partage, mais je veux rappeler que ce texte crée de nouveaux droits pour ces personnes qui décident de sortir de la prostitution et des réseaux. Nous commençons déjà, par l’octroi de ces titres, à les protéger. Il est important de le dire et de souligner la force de ce texte.

Pourquoi fixer un minimum de six mois ? Vous savez pertinemment que la pression représentée par ces réseaux n’a jamais de fin. J’ai pu constater récemment, en me rendant dans un foyer qui protège des femmes ayant eu le courage de sortir de la prostitution, que les réseaux continuent à les menacer afin de les ramener vers eux…

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Exactement. On pourrait d’ailleurs dresser une liste terrible de tout ce qu’elles subissent.

Le texte garantit que les réseaux ne pourront organiser autrement la prostitution, cette fois avec des personnes pourvues de titres de séjour. Mais il s’agit surtout d’apporter une protection supplémentaire à ces personnes. Voilà pourquoi la durée de l’autorisation de séjour est au minimum de six mois et qu’elle sera renouvelée. Pour vous montrer que cet objectif est déjà pris en compte, je vous informe que la circulaire du ministre de l’intérieur du 19 mai 2015 appelle d’ores et déjà l’attention des préfets sur ces situations extrêmement particulières, afin de les y sensibiliser.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Toutes les associations qui accompagnent ces femmes les aident aussi à renouveler ces titres et les assistent dans leurs démarches administratives. Ces femmes n’éprouvent donc pas les mêmes difficultés que d’autres personnes, qui demandent parfois un titre de séjour après cinq ans de présence sur le territoire.

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Merci, madame la présidente, de me donner la parole ; je sais que vous êtes très sensible à ces questions et que vous connaissez parfaitement le sujet du parcours des migrants.

On a l’impression, à vous écouter, que vous nous présentez une disposition tout à fait favorable aux personnes concernées. Or, les conditions qui président à l’octroi d’un titre de séjour – quand elles ne varient pas – déterminent aussi le renouvellement automatique de ce titre. C’est ce que prévoit le CESEDA, monsieur Geoffroy.

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C’est toujours ainsi que cela se passe : en l’absence de changement, on bénéficie toujours du renouvellement.

Par ailleurs, l’automaticité du renouvellement ne signifie pas qu’il n’y a pas de démarches à effectuer, de rendez-vous à prendre ni de papiers à présenter. Pensez-vous vraiment qu’en six mois, ces personnes pourront bénéficier d’une situation stable, qui leur permettra d’envisager autre chose ? On fera le bilan dans quelques années. Vous verrez que cette mesure est totalement à côté des réalités qie vivent les migrants.

L’amendement no 31 rectifié est adopté.

L’article 6, amendé, est adopté.

Les articles 8, 9, 9 bis et 11 sont successivement adoptés.

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La parole est à M. Philippe Goujon, inscrit sur l’article.

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La solution juridique de l’article 1er ter n’est pas encore aboutie, comme l’a rappelé avec courage et franchise le président de la commission spéciale – mais nous ne doutions pas de ses qualités –, en faisant référence à la profession, que j’avais évoquée, ainsi qu’au statut de repenti. Je considère donc pour ma part qu’il est prématuré de supprimer le délit de racolage passif, qui permet aujourd’hui d’entendre les victimes de la prostitution sans risque de représailles de la part des proxénètes et des réseaux, de leur proposer une visite médicale et de démanteler des filières.

Je rappelle, et il n’y a pas lieu d’en avoir honte, que la création de ce délit a permis également d’améliorer la tranquillité publique dans un certain nombre de quartiers, notamment parisiens – je suis en effet élu de Paris –, tels que la rue Saint-Denis, les boulevards extérieurs – j’en parlais encore ce matin avec Brigitte Kuster, la maire du 17e arrondissement –, le bois de Boulogne ou encore le bois de Vincennes.

Un délit est d’ailleurs à cet égard bien plus efficace que des arrêtés préfectoraux ou municipaux pris pour prohiber la prostitution, lesquels sont limités en termes de durée et de périmètre géographique et parfois assorties de sanctions plus dures que celles qui ont été prévues pour réprimer le délit de racolage passif, comme s’en plaint le syndicat du travail sexuel.

Marie-Louise Fort et moi-même considérons donc qu’il faut maintenir ce dispositif en complément des mesures de protection des victimes de la prostitution et faire en sorte que les tribunaux puissent appliquer les sanctions. Je sais que cette aspiration n’est pas tout à fait cohérente avec l’esprit de nos travaux – j’ai au moins le mérite de le reconnaître –, mais il me semble que ce texte n’est pas abouti. J’apporte donc ma contribution pour ce qui pourrait être un aboutissement ultérieur.

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Le rétablissement par le Sénat du délit de racolage était bien entendu tout à fait contraire à l’équilibre du texte et à la volonté du groupe socialiste et des membres d’autres groupes.

Cette position va en effet à l’encontre d’un large consensus de l’ensemble des acteurs travaillant sur la question de la prostitution. Toutes les associations, qu’elles soient abolitionnistes ou non, et l’ensemble des travailleurs sociaux que nous avons auditionnés sur cette question réclament l’abolition d’un délit qui, depuis 2003, a précarisé et poussé dans la clandestinité un grand nombre de personnes prostituées sans faire la démonstration de son efficacité dans la lutte contre le proxénétisme.

Comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l’homme, il n’y a pas lieu d’incriminer spécifiquement les personnes prostituées à des fins de protection de l’ordre public, puisqu’elles sont d’ores et déjà soumises, comme tout citoyen, au droit commun en la matière, notamment à l’interdiction de l’exhibition sexuelle. C’est donc un délit inutile, et inutilement stigmatisant, qui fait obstacle à notre ambition de protection et d’accompagnement dans des parcours de sortie de la prostitution.

Je me réjouis que nous ayons confirmé en commission l’abrogation de ce délit afin de renverser la charge pénale. On ne peut pas, comme vous le défendez, considérer que les personnes prostituées sont à la fois moralement victimes et légalement coupables. Nous devons assumer un choix clair et lisible par tous, et le nôtre est de considérer que les personnes prostituées sont non plus coupables mais victimes de la situation dans laquelle elles se trouvent et dont nous devons leur donner les moyens de sortir.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Nous en venons aux amendements à l’article 13.

La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour soutenir l’amendement no 27 .

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Cet amendement a été défendu par notre collègue Philippe Goujon voilà quelques instants. J’aimerais simplement ajouter que, au moment où l’on apprend la relaxe du fameux « Dodo la Saumure » dans l’affaire dite du Carlton de Lille, on est en droit de se demander comment la suppression d’un certain nombre de mesures répressives permettra d’éviter la survenue de tels faits.

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Mais le délit de racolage permettait précisément d’investiguer et de remonter des filières de proxénétisme !

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L’avis de la commission est défavorable. J’ajouterai que l’homme que vous venez de mentionner est belge, et son jugement ne ressortit pas à nos tribunaux.

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Nos lois sont, hélas ! insuffisantes pour lutter contre le proxénétisme sur internet, mais nous n’allons pas relancer ce débat maintenant.

Permettez-moi d’ajouter un élément au propos de Mme Crozon : l’abrogation du délit de racolage passif ne privera pas les services de police et de gendarmerie de tout moyen. D’ailleurs, lors de son audition, le chef de l’OCRTEH, l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, avait reconnu que la police avait de moins en moins recours à ce délit. Dans les faits, les services de police pourront toujours entendre les personnes victimes de traite ou de proxénétisme qui souhaitent témoigner librement et qui sont en capacité de le faire, ainsi que nous avons été amenés à l’écrire.

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La parole est à M. le président de la commission spéciale.

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J’évoquais lors de mon intervention sur l’article 1er ter qu’il fallait garder à l’esprit le lien évident entre la protection garantie par cet article et la nécessité de supprimer les dispositions relatives au délit de racolage.

Si nous supprimons le délit de racolage, et je pense que nous allons le faire, la nécessité de faire en sorte que l’article 1er ter corresponde à ce que j’ai rappelé et défini tout à l’heure n’en sera que plus impérieuse. À défaut, le dispositif dans son ensemble ne sera plus pertinent.

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La situation n’est pas sans rappeler le paradoxe de la poule et de l’oeuf, mais il faut bien prendre une décision. Je suggère donc de considérer que l’acte un consiste à imprimer une cohérence intellectuelle à l’ensemble du dispositif ; je ne remets pas en cause la cohérence intellectuelle de Philippe Goujon, qui a eu l’honnêteté d’admettre que l’amendement était un peu défaillant à cet égard. Pour reprendre l’argument développé par Pascale Crozon voilà quelques instants, le maintien du délit de racolage aurait pour curieuse conséquence d’inscrire dans notre droit pénal un délit dont on pourrait considérer qu’il a été commis par la personne qui en est victime.

La logique de ce texte, personne ne le nie, pas même ceux qui y sont hostiles, consiste à supprimer le délit de racolage et, dans un deuxième temps, à renforcer, muscler le contenu de l’article 1er ter. Ceux qui l’ont voté tout à l’heure dans sa rédaction actuelle l’ont fait en ayant à l’esprit cette obligation de poursuivre le travail législatif jusqu’à son terme. Je prends aujourd’hui l’engagement que nous le ferons.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Défavorable.

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Je ferai deux remarques.

S’agissant tout d’abord du délit de racolage, il faut rappeler qu’il visait non pas à lutter contre les réseaux de prostitution…

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…mais à repousser des beaux quartiers des 16e et 17e arrondissements,…

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…vers les boulevards des maréchaux, une prostitution un peu trop visible et posant problème. Or on constate que ce délit a eu un effet d’éviction – la prostitution existe toujours mais a été repoussée dans d’autres endroits – qui a précarisé les prostituées.

Ensuite, il serait effectivement un peu curieux d’introduire dans le code pénal un délit dont la victime serait également coupable.

Si on veut lutter contre les réseaux de prostitution, la vraie question porte sur les moyens de police mobilisés. On peut toujours débattre sur le maintien ou la suppression du délit de racolage, on n’arrivera à rien si on ne prévoit pas les moyens de police nécessaires pour lutter contre les réseaux, et celles qui seront prises dans la nasse seront les victimes. Et ce n’est pas en arrêtant une prostituée pour racolage qu’on remontera les filières ; ce n’est pas ainsi que les services de police spécialisés travaillent.

Mme la ministre Najat Vallaud-Belkacem avait d’ailleurs fait remarquer lors de la première lecture de cette proposition que restaient encore à déterminer le nombre de policiers effectivement dédiés à la lutte contre les réseaux de prostitution et les moyens mis en oeuvre pour renforcer les brigades spécialisées dans ce domaine. Cette question renvoie à un débat que nous aurons peut-être lors de l’examen de la prochaine loi de finances, à savoir l’affectation de forces de police à la lutte contre les réseaux qui, sans moyens dédiés, ne restera qu’un voeu pieux.

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Dans ces conditions, le combat est perdu d’avance !

L’amendement no 27 n’est pas adopté.

L’article 13 est adopté.

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En l’absence d’amendements, je vais mettre directement aux voix les articles 14 à 15 bis, à l’exclusion de ceux que la commission a supprimés ou dont elle a maintenu la suppression par le Sénat.

Les articles 14, 14 ter, 15 et 15 bis sont successivement adoptés.

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La parole est à Mme Maud Olivier, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 16 , portant article additionnel après l’article 16.

L’amendement no 16 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à Mme Nicole Ameline, inscrite sur l’article.

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Je serai très brève, madame la présidente.

Quelles que soient les critiques – il faut les entendre – ou les interrogations que suscite le présent article, nous devons absolument engager une démarche adaptée à la réalité de la situation. La responsabilité, qu’elle soit à vertu pédagogique ou plus directement assortie de sanctions, me paraît essentielle dans un domaine où, aujourd’hui, nous avons perdu la bataille de la réactivité, puisque ce phénomène se développe sous nos yeux de manière effrayante.

Je pense donc qu’il faut voter cet article mais, je le répète, madame la secrétaire d’État, avec le souci que son application soit efficace. Il sera très important de déterminer de quelle façon vous conduirez le changement sur ce sujet à tous les niveaux ; éducatif, préventif et répressif.

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Je suis saisie d’un amendement no 10 de suppression de l’article.

La parole est à M. Sergio Coronado pour le soutenir.

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Le débat sur la pénalisation de l’achat de tout acte sexuel nous occupe depuis maintenant dix-huit mois. La position du groupe écologiste est connue : la majorité des membres de notre groupe y est opposée de manière franche et déterminée.

Nous considérons en effet que cette disposition, qui a été rétablie par la commission spéciale, découle d’une confusion entre proxénétisme, traite et prostitution, et que cette confusion a des conséquences extrêmement néfastes en termes à la fois d’accompagnement social et de santé publique.

Dans un rapport publié en juillet 2012, la Commission mondiale sur le VIH et le droit, organisation affiliée aux Nations unies, exprimait les inquiétudes suivantes : « Selon la police, le commerce sexuel dans la rue a diminué de moitié en Suède, mais globalement, il reste au niveau qu’il avait avant la promulgation de la loi, mais est devenu, en grande partie, clandestin. » Je cite ce rapport car nous nous inspirons directement de l’expérience suédoise, dont on sait que le bilan est nuancé et parfois même contesté.

Nous nous opposons donc à la pénalisation, à la fois du fait des conséquences qu’elle aurait en termes de santé publique et parce qu’elle ne permet pas de contenir le développement de la prostitution, comme le montre l’expérience suédoise, sur laquelle se fonde abusivement l’article.

En outre, ainsi que je l’ai rappelé tout à l’heure en discussion générale, cette disposition s’inspire d’une vision particulièrement manichéenne des relations entre les hommes et les femmes et nie la variété de la prostitution. Personne ne met en doute ici le fait que certaines des personnes qui se prostituent sont victimes de la traite ou du proxénétisme. Cependant, ne pas envisager ou ne pas concevoir que certains se livrent à la prostitution de manière volontaire, c’est nier la réalité de ce phénomène, même si ces personnes sont minoritaires.

Pour conclure, on peut débattre philosophiquement sur ce que signifie vivre à hauteur d’homme, pour reprendre les termes de Rousseau ; je considère pour ma part que c’est en octroyant des droits, en donnant la possibilité à celles et ceux qui s’adonnent à cette activité d’avoir accès au droit commun qu’on participe à leur émancipation, et non pas en mettant en place des dispositifs qui reviennent à juger à leur place de ce qui est bien pour eux ou pour elles.

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Elle a donné un avis défavorable, évidemment, à la suppression de l’article 16. Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je me contenterai de rappeler une phrase que j’avais prononcée il y a dix-huit mois : ce n’est pas parce qu’une seule personne prostituée se déclarerait libre que notre société doit accepter que toutes les autres restent dans l’esclavage. Or on sait que 90 % des personnes prostituées restent dans l’esclavage et la violence.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. le président de la commission spéciale.

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Tout a été dit sur le fond et je n’y insisterai pas. Si je souhaite intervenir à ce moment de nos débats, c’est pour faire passer un message à nos concitoyens et à ceux qui les informent, les journalistes. Voilà plus de trois heures que nous avons commencé l’examen du texte et nous en arrivons à cet article 16 qui, pour beaucoup de ces derniers, constitue le seul et unique objet de la proposition de loi. Or nos débats montrent qu’il n’en est rien. Parce qu’il est nécessaire que nos concitoyens comprennent bien ce que nous sommes en train de faire, il faut que ceux qui ont la responsabilité de les informer aient conscience que le texte que nous allons voter n’a pas pour unique objectif de chercher des coupables et de punir le client.

C’est pourtant ce que je lis et entends encore. Lorsque l’on m’interroge, c’est pour me dire : « Alors, cette loi sur la pénalisation du client ? »

Je n’ai nullement honte de ce que nous faisons. C’est en toute responsabilité que nous souhaitons voir le client responsabilisé et, s’il le faut, puni de son manque de responsabilité. Mais il est anormal de limiter la portée de ce texte à cette disposition, certes importante, qui n’est qu’un des piliers sur lesquels nous avons assis notre réflexion, notre stratégie et notre volonté politique. Lutter aussi intensément que nous pourrons le faire contre la traite et le proxénétisme, protéger autant que nous le pourrons, sans créer pour autant d’effet d’aubaine, tels sont les deux premiers piliers. Le troisième, enfin, consiste à interroger nos concitoyens, et ceux parmi eux qui se livrent à l’achat de biens prostitutionnels, sur la conscience qu’ils ont de ce à quoi ils participent et de l’état de la société qu’ils entretiennent par ce comportement.

Je souhaitais le dire car il faut que les Français sachent que les parlementaires travaillent sur un sujet dont la complexité n’a échappé à personne et qu’il est essentiel de traiter sous tous ses aspects. Limiter ce qui sera dit de nos travaux à la pénalisation des clients serait une erreur objective et une mauvaise façon de traiter l’information destinée à nos concitoyens.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

L’équilibre du texte repose à la fois sur la suppression du délit de racolage et sur la désignation des auteurs. Comme je l’ai dit, les auteurs participent au financement du système prostitutionnel. Lors de l’examen des articles précédents, on a rappelé que les victimes, quant à elles, doivent être protégées de ces auteurs et des réseaux.

J’en profite pour répondre à votre question, monsieur le président de la commission spéciale et madame la rapporteure : il faudra bien évidemment réfléchir à de nouveaux dispositifs de protection plus adaptés, et des échanges auront lieu avec les ministères concernés pour travailler à cette question fondamentale.

Mais dédouaner les clients, ne pas leur faire porter la charge de l’auteur, ce n’est pas une question morale : c’est une question qui est d’une logique implacable. Lorsque ces clients sollicitent des services sexuels contre rémunération dans de telles conditions, ils savent très bien à quoi ils participent. Je donne donc un avis défavorable car il y va de l’équilibre de ce texte.

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Beaucoup de collègues souhaitent s’exprimer sur cet article important, même si la proposition de loi ne saurait s’y réduire. Pour la bonne lisibilité du vote sur l’ensemble, j’invite tous les orateurs qui vont s’exprimer à rester jusqu’à la fin de nos débats.

La parole est à Mme Pascale Crozon.

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Je vais aller dans le sens du président de la commission spéciale. Après avoir supprimé le délit de racolage, il était essentiel de rétablir l’autre pilier de la proposition de loi, à savoir la responsabilisation des clients. J’insiste sur ce mot de « responsabilisation ». Pour nous, les coupables sont bien sûr les proxénètes et les réseaux qui tirent profit de la misère. Mais les clients doivent prendre pleinement conscience de leur responsabilité dans la situation que vivent ces femmes et ces hommes. Il n’y a pas de trafic sans clients.

Nous ne pouvons plus continuer à accepter que l’on puisse payer pour disposer du corps d’autrui. Ce n’est pas, en tout cas, notre conception de la liberté. Ce n’est pas non plus notre conception de l’égalité entre les hommes et les femmes. Notre société doit poser un interdit, et qui dit interdit dit sanction – sanctionner, mais aussi éduquer, comme il est prévu à l’article suivant.

L’amende de cinquième classe prévue à l’article 16 nous paraît proportionnée à notre objectif de responsabilisation. Je ne vais pas vous faire le faux procès de prendre le parti des clients, monsieur Coronado. J’entends vos arguments. Mais nous devons saisir l’occasion qui nous est aujourd’hui offerte de sortir de l’hypocrisie de notre droit. Nous devons trancher enfin, faire un choix clair entre abolitionnisme et réglementarisme. Notre choix n’est pas d’encadrer les conditions d’exercice de la prostitution mais d’encourager les femmes et les hommes qui exercent cette activité à en sortir. Adopter cette proposition de loi sans la responsabilisation des clients, serait un signal de banalisation de la prostitution. La position du groupe socialiste, républicain et citoyen est exactement à l’opposé.

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Le système prostitutionnel, ce sont plusieurs acteurs : les personnes prostituées, qui sont les victimes ; les proxénètes et les auteurs de traite ; mais aussi les clients, qui permettent que le système perdure, se développe et rapporte de l’argent. Le terme de « client » parle de lui-même : c’est bien de l’achat d’un acte sexuel qu’il est question, et nous sommes bien dans le cadre de la marchandisation du corps.

L’article 16 dit simplement qu’acheter un acte sexuel n’est pas normal, que cela ne répond pas à un besoin qui serait naturel et qui aurait existé de tout temps. Il dit simplement que l’achat d’un acte sexuel sera contraire à la loi une fois que ce texte aura été adopté. Dès lors, le client est un contrevenant et subit une sanction. C’est une chose très importante. Hier, alors que j’étais dans un collège pour présenter l’activité des députés, nous avons parlé de cette proposition de loi. Comme j’abordais la question de la responsabilisation des clients et de la sanction, l’assistance n’a pas manqué de réagir ! Mais je crois être parvenue à me faire comprendre et, d’un seul coup, cela est apparu comme quelque chose qui n’était pas autorisé, pas normal. Il est extrêmement important que nous parvenions à faire passer cela.

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Avec l’intervention de M. Coronado, nous touchons à l’essentiel. Le président Geoffroy a raison de dire que la proposition de loi ne se résume pas à la pénalisation du client. Ce que dit ce texte, au bout du compte, c’est que tout ne se vend pas et tout ne s’achète pas. Nous posons une barrière, une limite, une frontière, pour dire que l’achat d’un service sexuel n’est pas comparable à l’achat d’une coupe de cheveux, d’une assurance ou d’un kilo de pommes. De la même manière, nous considérons que louer son ventre, ou, demain peut-être, vendre un organe, est inacceptable.

Bref, il est posé dans ce texte que la vente et l’achat d’un service sexuel ne sont pas un commerce comme un autre. Il est extrêmement important que l’Assemblée nationale le dise et le répète, extrêmement important qu’elle responsabilise le client et extrêmement important que cet article introduise la possibilité de pénaliser l’achat d’un service sexuel, au nom de l’idée que nous avons de ce qui est marchand et de ce qui ne l’est pas, de ce qui s’achète et de ce qui ne s’achète pas.

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La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

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Tout a été dit ! Quand les médias nous interrogent à ce sujet, comme c’était encore le cas ce matin, on nous dit : « Alors, votre loi de pénalisation des clients ? » Pour les médias, le texte se résume aujourd’hui à cela pour des raisons contradictoires.

Dans le prolongement de l’analyse de Guy Geoffroy, je crois que notre loi comporte un quatrième pilier, celui de l’éducation. Mais il est vrai que la pénalisation du client répond à un principe fondamental. Cette loi est une loi de dignité humaine, de droits humains, d’égalité entre les femmes et les hommes, et, par voie de conséquence, de lutte contre les réseaux et le proxénétisme. Elle rappelle que tout ne s’achète pas dans notre société. À partir du moment où il y a des clients, ils doivent être responsables.

Nous arrivons au bout de notre débat et nous espérons, madame la secrétaire d’État, que nous pourrons désormais faire appliquer très rapidement ce texte.

L’amendement no 10 n’est pas adopté.

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Je suis saisie de deux amendements, nos 30 et 20 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Philippe Goujon, pour les soutenir.

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Je propose d’aller encore plus loin. Je suis en effet favorable à la pénalisation du client, mais elle risque de ne pas aboutir à grand-chose au vu de la sanction prévue : une simple contravention de cinquième classe passible du tribunal de police, au même titre, comme je l’ai dit, qu’un simple dépôt d’ordures sur la voie publique. Je crains du coup que nous ne parvenions pas à concrétiser l’ambition collective qui s’était exprimée lors du vote à l’unanimité de la proposition de résolution de M. Geoffroy et de Mme Bousquet en décembre 2011. Songez que, dans la réaction actuelle, le recours à la prostitution sera moins sanctionné que la vente à la sauvette. Il est difficile d’y trouver une cohérence !

La prostitution, on l’a dit, est une violence qui est tout autant le fait des proxénètes que celui de ceux qui sont prêts à payer pour l’exercer, c’est-à-dire les clients. Pénalisons donc les clients, mais en définissant un délit passible de deux mois de prison et de 3 750 euros d’amende, comme on le prévoyait d’ailleurs à l’origine. On enverra ainsi un message clair aux clients et aux proxénètes. Il s’agit de faire acte de pédagogie, bien sûr, mais on pourrait aussi mener, sous ce motif, les auditions des personnes prostituées, le cas échéant sous un statut de témoin assisté – quoiqu’il s’agisse d’un autre débat.

Ce délit inscrit au casier judiciaire et passible de garde à vue aurait le même effet dissuasif sur les clients que celui qu’ont constaté les autorités suédoises, dont ce texte, me semble-t-il, s’inspire en grande partie. Du reste, l’Irlande du Nord a adopté récemment un dispositif similaire.

Alors que le texte n’ouvre pas cette possibilité, on pourrait aussi poursuivre les contrevenants pour la commission de ces actes hors du territoire national, comme le demandent notamment les élus des zones frontalières.

Je m’évertue à le dire depuis le début de la discussion : la contravention telle que vous la proposez, quand bien même la récidive en serait sanctionnée – ce qui n’a rien d’évident à la lecture du texte –, ou, pis encore, l’absence de pénalisation du client votée par le Sénat, rendraient les dispositions de ce texte totalement inefficaces. Elles auraient alors davantage leur place – pour une fois, je suis d’accord avec M. Coronado – dans le projet de loi relatif au droit des étrangers en France.

Tel est l’objet de ces deux amendements.

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Avis défavorable sur les deux amendements. Nous avons souhaité établir une gradation dans l’échelle des peines, et surtout, faire oeuvre de pédagogie. Ainsi que nous l’avions demandé en première lecture, il serait important que le Gouvernement initie des actions d’éducation, d’information et de communication. Poser l’interdit de l’achat d’un acte sexuel dans la loi nous a semblé être, en soi, une étape importante.

En cas de récidive, il s’agira bien d’un délit, monsieur Goujon, ainsi que le quantum de la peine prévue – 3 750 euros d’amende – l’indique : l’amendement no 20 est donc inutile.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

Les amendements nos 30 et 20 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L’article 16 est adopté. - Les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen applaudissent, ainsi que Mmes Sas, Buffet et Ameline.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 11 .

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En toute cohérence, je retire cet amendement qui s’appuyait sur l’amendement qui vient d’être rejeté.

L’amendement no 11 est retiré.

L’article 17 est adopté.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 8 .

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Cet amendement peut paraître anecdotique. Il ne l’est pas, et recouvre une exigence incontournable : depuis dix-huit mois, des chiffres et des pourcentages sont livrés au débat sans qu’ils soient sourcés et que la méthodologie ait été éprouvée, de façon à chaque fois partisane et partiale.

Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

C’est faux !

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Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, paru en 2012, explique la difficulté à établir des chiffres et des taux qui correspondent à la réalité de la prostitution…

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… et pourtant, on ne cesse depuis le début de nous asséner des chiffres chaque jour plus importants qu’auparavant ! Cet amendement vise à préciser que le rapport sur l’application de la loi doit s’appuyer sur des travaux universitaires et sur une méthodologie scientifique, ce qui n’est pas le cas des chiffres cités à cette tribune en première lecture et aujourd’hui même !

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Nous avons discuté de cette question en commission spéciale. Je ne crois pas que nous devions lier les mains de l’État. Celui-ci s’appuiera sur les travaux qu’il jugera utiles pour fournir le rapport le plus complet possible, et je ne doute pas que Mme la secrétaire d’État s’engagera à recueillir toutes les données nécessaires. Avis défavorable.

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Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

M. Coronado use, du moins dans ses propos, d’une forme de suspicion à l’égard du Gouvernement et des institutions appelées à travailler sur des questions aussi importantes.

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Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Ces institutions jouent un grand rôle dans l’établissement de tels rapports, ce qui ne signifie pas, d’ailleurs, qu’elles n’utilisent pas dans leurs réflexions les travaux universitaires.

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Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Je rappelle que les fonctionnaires – dont je salue le travail – sont soumis à l’obligation de neutralité. Par ailleurs, je suis très attachée à la liberté des travaux universitaires : rien n’empêche quiconque d’entamer aujourd’hui une étude sur ces questions.

Il me semble inutile de jeter ainsi l’opprobre sur le travail des fonctionnaires. Avis défavorable.

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Vous avez choisi un angle d’attaque bien étrange !

L’amendement no 8 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 12 .

L’amendement no 12 est retiré.

L’article 18 est adopté.

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Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe Les Républicains.

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L’article 6, relatif à l’autorisation provisoire de séjour, a été modifié favorablement mais nous notons que le délit de racolage a été supprimé, alors que l’article 1er ter ne résout pas, pour le moment, les difficultés liées au recueil d’informations sur les réseaux, à l’écoute et à la protection des prostituées.

L’existence de positions divergentes – parfois inconciliables – dans les divers groupes et au sein même du Gouvernement, ne fait que renforcer les craintes que j’ai exprimées lors de la discussion générale. Il faudra sans doute retravailler ce texte, que beaucoup considèrent comme inabouti dans divers domaines. Le groupe Les Républicains s’abstiendra donc.

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La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Je voudrais une nouvelle fois remercier le président et la rapporteure de la commission spéciale. Je me félicite que le débat ait porté tout au long de nos travaux sur le fond et sur le contenu des mesures.

C’est un moment important pour l’Assemblée nationale : nous envoyons un message très fort d’émancipation humaine à la société, notamment aux plus jeunes.

J’espère, madame la secrétaire d’État, que nous pourrons terminer nos travaux le plus rapidement possible afin que toutes les victimes du système prostitutionnel puissent avoir l’espoir de s’en sortir. C’est avant tout pour elles que nous avons fait ce travail !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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C’est avec une émotion profonde que nous arrivons au terme d’un combat difficile, mais important. La France est désormais en cohérence avec l’Europe et les grands textes internationaux, ainsi que Nicole Ameline l’a rappelé. Signataire de la CEDAW – la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes –, notre pays rejoint et honore tous ses engagements.

Chers collègues, merci d’avoir effectué ce travail important et difficile, largement soutenu par le Gouvernement. Je salue le travail acharné de Maud Olivier, qui nous a menés jusqu’au terme de cet examen, et la ténacité remarquable de Guy Geoffroy. Je salue tous ceux qui, par leurs interventions de qualité, et quelles qu’aient été leurs positions, ont nourri ces débats. Ils ont été conduits ce matin par Sandrine Mazetier, que je remercie. C’est un grand jour que nous vivons !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

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Notre groupe a été traversé par les débats qui nous occupent depuis dix-huit mois. Il n’est pas unanime, mais très majoritairement opposé aux dispositions votées ce matin par les députés, qui ont, grosso modo, rétabli le texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale.

On nous dit que le texte ne repose pas uniquement sur la pénalisation du client : nous voudrions penser que les déclarations de la rapporteure et du président de la commission spéciale sur la lutte contre la traite et le proxénétisme se vérifieront dans les faits.

Je remarque, madame Ameline, que vous usiez des mêmes arguments lorsqu’il s’est agi d’établir un délit de racolage, affirmant que celui-ci permettrait de démanteler les réseaux de proxénétisme et de traite. Mais au fond, que s’est-il passé en dix ans ? Un harcèlement des forces de police à l’égard des femmes prostituées ; une précarité accrue ; une difficulté pour les associations qui mènent un travail d’encadrement social et d’accès au droit et à la santé de venir en aide à ces personnes : voilà les seuls résultats de cette mesure que vous aviez présentée, à peu près dans les mêmes termes, en 2003 !

Nous sommes opposés à la pénalisation, parce qu’elle obéit à une philosophie que nous ne partageons pas. Lorsque j’entends Mme la rapporteure dire que se livrer à la prostitution, c’est quasiment devenir esclave, je m’interroge : à quoi ont servi ces dix-huit mois de débat, si ce n’est aboutir à une sentence aussi nuancée ? Nous pouvons avoir des avis divergents, mais caricaturer à ce point une réalité aussi diverse et difficile, adopter une telle approche idéologique, ne nous permet pas d’avancer et de venir en aide à celles et à ceux qui en ont besoin ! Pour cette raison, le groupe écologiste, majoritairement, votera contre ce texte.

La proposition de loi est adoptée. - Les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen applaudissent, ainsi que Mmes Sas, Buffet et Ameline.

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Pascale Boistard, secrétaire d’état chargée des droits des femmes

Je tenais à vous remercier, monsieur le président Geoffroy, madame la rapporteure, pour le travail accompli au sein de la commission spéciale, ainsi que Mme Coutelle, pour son action en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes. Même si des désaccords subsistent, je veux saluer la qualité des débats.

Lorsque je suis sortie de l’hémicycle du Palais du Luxembourg, après la première lecture au Sénat, je me suis dit que, ce soir-là, les prostituées étaient toujours des coupables et le client toujours roi. Je suis heureuse de pouvoir affirmer à cet instant que cet adage n’est plus !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Prochaine séance, mardi 16 juin, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

La séance est levée à treize heures dix.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly