Séance en hémicycle du 17 septembre 2015 à 9h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifié, de deux projets de loi autorisant l’approbation de conventions et d’accords internationaux (nos 2724, 3060 ; 1096, 3061). Ces deux textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre directement aux voix l’article unique de chacun d’entre eux.

L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.

L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement des obligations complémentaires liées à la cessation de l’accord du 25 janvier 2011 relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement (nos 3039, 3058).

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La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée examine aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement français et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement des obligations complémentaires liées à la cessation de l’accord du 25 janvier 2011 relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement – BPC. Il s’agit d’un accord important puisqu’il permet de clore définitivement un dossier délicat.

Je tiens d’abord à rappeler brièvement les faits. La décision avait été prise dès 2008 de vendre deux bâtiments de projection et de commandement à la Russie, ce qui a abouti au contrat et à l’accord intergouvernemental de 2011. Il faut garder à l’esprit que la décision de vendre de tels bâtiments, destinés, comme leur nom l’indique, à la « projection » de forces, à un pays qui – chacun s’en souvient, ou du moins devrait s’en souvenir –, trois ans auparavant, avait agressé un État voisin, relevait de ce que j’appellerais par euphémisme diplomatique un pari risqué. Les évolutions de la politique russe et, en particulier, les événements en Ukraine qui ont suivi la révolte du Maïdan, l’annexion illégale et non reconnue par la communauté internationale de la Crimée et le plongeon du Donbass dans la guerre civile ont empêché l’exécution de ce contrat. La France et la Russie ont donc abouti conjointement au constat que les deux bâtiments de projection et de commandement, appelés Mistral, ne pourraient être livrés. Nous avons donc décidé de négocier les conditions d’un règlement à l’amiable de cette question. Un accord a été trouvé et signé le 5 août. Il vous est soumis aujourd’hui pour la partie qui requiert une autorisation parlementaire en vertu de notre Constitution.

La décision du Gouvernement a été prise après une solide réflexion, en pleine indépendance et dans un esprit de responsabilité.

Responsabilité, d’abord, au plan international. Le conflit ukrainien, au coeur de l’Europe, a créé une situation exceptionnelle qui ne permettait pas de livrer ces matériels. Nous avons pris notre décision en toute indépendance, ce qui n’implique pas d’ignorer les circonstances et les inquiétudes qui existaient. Avant de juger de l’opportunité de cette décision, il faut s’interroger – ce que vous ne manquerez certainement pas de faire – : d’une part, que serait-il advenu de notre légitimité au sein du « format Normandie », très utile pour traiter de la résolution ukrainienne, si nous avions livré un tel matériel ? D’autre part, quelle aurait été notre crédibilité auprès de certains de nos partenaires européens à plaider sans relâche, comme nous le faisons, pour la défense européenne, si nous avions ignoré des préoccupations légitimes ? J’entends certains prétendre que la France aurait cédé à des pressions extérieures, notamment américaines, mais j’avoue avoir du mal à comprendre en quoi trouver un accord avec la Russie sur un sujet important reviendrait à se soumettre aux États-Unis d’Amérique.

C’est le même esprit de responsabilité, cette fois au regard de nos engagements, qui nous a conduits à privilégier la négociation. À cet égard, il n’y a aucune violation par la France de ses engagements, puisque le différend apparu sur cette question a été réglé à l’amiable. Le contrat et l’accord signés en 2011 sont remplacés par de nouveaux textes, négociés et signés avec la Russie. D’ailleurs, je note que celle-ci ne nous fait aucun mauvais procès à ce sujet. La question est close à titre bilatéral.

Esprit de responsabilité, enfin, au regard des intérêts financiers de la France, la négociation avec la Russie nous préservant d’une procédure d’arbitrage dont le résultat aurait été certainement hasardeux et très probablement plus coûteux. À tout le moins, il nous aurait exposés à une très longue procédure, pendant laquelle les bateaux auraient dû être gardés, parqués et entretenus, sans possibilité de les vendre, avec les coûts correspondants. Cette option devait être évitée.

Est-ce à dire – la question a été posée – que nous refuserions de considérer la Russie comme un partenaire ? En aucun cas ! D’abord, je l’ai rappelé, cette discussion a été menée de bout en bout non pas contre la Russie mais avec elle. La solution trouvée résulte d’une négociation. Ensuite, ne pas livrer, dans les circonstances actuelles, de tels bâtiments ne signifie évidemment pas que nous renoncions à nos relations avec ce pays, par-delà les difficultés, qu’il ne faut pas nier. Le dossier iranien, par exemple, c’est en bonne intelligence avec la Russie que nous l’avons résolu. Le dossier syrien, nous savons que, même si nous avons de sérieuses divergences, c’est aussi en relation avec la Russie que nous devons le gérer, raison pour laquelle je m’en suis encore entretenu samedi dernier avec mon homologue Sergueï Lavrov à Berlin. La crise ukrainienne, c’est évidemment avec les autorités ukrainiennes et les autorités russes que nous en parlons, d’ailleurs de façon assez constructive en ce moment – j’espère que cela durera –, dans le cadre du « format Normandie ».

L’accord auquel nous sommes parvenus permet de sortir dans des conditions satisfaisantes d’une situation qui était assurément très complexe. Quatre textes ont été négociés et signés : d’abord, un accord intergouvernemental qui met fin à l’accord de 2011, qui attribue la pleine propriété des deux BPC à la France et qui exclut tout recours entre la France et la Russie sur ce dossier. Cet accord intergouvernemental ne relève pas de l’article 53 de notre Constitution et ne nécessite formellement pas d’autorisation du Parlement, mais il vous a été communiqué parce qu’il constitue un tout avec le texte suivant.

Le texte suivant est un accord sous forme d’échange de lettres qui prévoit deux dispositions essentielles, l’une comme l’autre justifiant une autorisation du Parlement : le montant du remboursement dont bénéficie la Russie et l’exclusion de toute indemnisation pour tout préjudice éventuel à l’égard des tiers. Il y a aussi un avenant au contrat signé entre DCNS et Rosoboronexport, qui met fin au contrat commercial initial et solde les choses entre les deux entreprises. Enfin, il y a une convention entre l’État et DCNS.

Les travaux de la commission des affaires étrangères, dont je salue les membres, la présidente et le rapporteur, ont été l’occasion d’éclairer votre assemblée sur le contenu exact de ces accords, notamment leur aspect financier.

L’accord obtenu est satisfaisant. Sur le plan de nos relations avec la Russie, c’est un accord amiable qui solde la question et évite tout contentieux futur avec ce pays sur ce dossier. Sur le plan financier, il répond à l’objectif que nous nous étions fixé en début de négociation : rembourser la Russie des sommes qu’elle avait engagées au titre de ce contrat, mais n’accepter aucune forme de pénalité financière. Tel est bien le cas. De plus, contrairement à ce que j’ai entendu récemment, cet accord ne porte évidemment aucune atteinte à la crédibilité de la France comme fournisseur de ces équipements, puisque le montant des ventes d’armement n’a, me semble-t-il, jamais été aussi élevé que cette année. Enfin, c’est un accord qui nous permet de disposer de la pleine propriété des bateaux, ouvrant ainsi la voie à une probable revente, que nous souhaitons rapide, même si vous comprendrez que je n’ai pas à m’étendre aujourd’hui sur le sujet.

En définitive, dans cette affaire très complexe, le Gouvernement a, me semble-t-il, géré au mieux une situation difficile, en préservant nos intérêts diplomatiques et financiers. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous appelle à approuver cet accord.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Michel Vauzelle, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accord du 5 août sur la cessation du contratMistral présente trois types d’enjeux, que M. le ministre vient d’indiquer à l’instant : un enjeu politique, qui est le plus important, un enjeu budgétaire, enfin un enjeu économique pour les entreprises concernées.

La dimension politique du dossier est primordiale. La décision de cessation du contrat est avant tout une décision politique ce qui, à mes yeux, suffit dans ce dossier. La primauté du politique a été affirmée dès le début dans cette affaire. Le président de DCNS, Hervé Guillou, nous l’a rappelé au cours de son audition : le contrat commercial n’a été signé, en juin 2011, qu’après un accord intergouvernemental de janvier de la même année. Le gouvernement d’alors avait formellement donné sa garantie à la mise en oeuvre de ce contrat. La décision de vendre à la Russie des navires qui sont des « bâtiments de projection de force » était-elle opportune ? Quelle cohérence avait la politique menée alors ?

En 2008, la France avait accepté, lors du sommet de l’OTAN à Bucarest, que la Géorgie et l’Ukraine se voient reconnaître une perspective d’adhésion. Nous avons donc alors accepté la perspective d’une alliance militaire avec la Géorgie. Puis il y a eu la guerre russo-géorgienne, qui fut suivie d’un cessez-le-feu obtenu par la médiation française, mais sans aucune solution politique. Ce sont probablement les limites de l’appareil militaire russe durant cette guerre qui ont ensuite convaincu les dirigeants russes de l’intérêt d’acquérir des navires français, malgré leur préférence habituelle pour des armes fabriquées dans leur pays. On prête au commandant en chef de la marine russe d’alors une déclaration fort intéressante, selon laquelle la possession de BPC aurait permis à la Russie de gagner la guerre de Géorgie en quarante minutes au lieu de vingt-six heures.

Le contexte n’a pas empêché la négociation et la signature du contrat. Il est vrai que l’on ne pouvait pas prévoir la crise ukrainienne, mais le gouvernement de 2001 ne pouvait pas ignorer cette crise de Géorgie et il savait qu’il s’engageait dans une voie pour le moins incertaine et risquée.

Depuis lors sont survenus en Ukraine les événements dramatiques que nous connaissons tous. J’ai suffisamment démontré, au cours de ma longue– quoique discrète ! – carrière politique que j’étais un ami de la Russie pour n’avoir nul besoin de le rappeler ici. Mais l’amitié ne peut évidemment pas tout excuser. Nous devons avoir conscience que la crédibilité de la France est en jeu dans ce dossier. Notre puissance relative n’est plus, dans le monde actuel, ce qu’elle a été dans le passé. Mais, demain comme aujourd’hui, la France restera toujours une grande puissance morale. Elle continue à compter, sa voix porte, parce que sa diplomatie est fidèle à quelques grands engagements.

L’un d’eux est l’engagement en faveur d’un ordre international fondé sur le droit. Après 1945 et la chute des régimes nazis et fascistes, qui avaient inventé toutes sortes de pseudo-justifications raciales pour étendre par la guerre leur prétendu espace vital, la communauté internationale a placé au coeur de ses principes le respect de la souveraineté et des frontières des États. Ces principes figurent notamment dans la Charte des Nations Unies. Depuis 1945, il n’y a eu qu’un nombre très limité, peut-être une demi-douzaine, d’annexions unilatérales par la force de territoires. Ces déclarations d’annexion n’ont en règle générale pas été reconnues par la communauté internationale.

L’annexion de la Crimée n’est donc pas un fait anodin, non plus que la participation de peut-être 10 000 soldats russes au conflit du Donbass, qui aurait fait 7 000 morts, 17 000 blessés et deux millions de déplacés.

L’engagement pour la construction d’une Europe plus politique est une constante de notre diplomatie. La crise migratoire actuelle démontre la validité de cette position. Si la France veut jouer face à cette crise un rôle central, dont on mesure combien il est nécessaire, elle doit veiller à préserver la position de force morale qui est la sienne et de rassemblement de tous les pays européens, y compris ceux de l’Est. Elle nous rappelle que dans les situations d’urgence, la seule application des textes ne règle rien. L’Europe du marché unique et des directives n’a pas la solution. Celle-ci sera nécessairement politique.

ll nous faut aujourd’hui convaincre tous nos partenaires européens de la nécessité d’une réponse commune solidaire. En contrepartie, nous devons prendre en compte leurs préoccupations, notamment celles des pays d’Europe de l’Est.

À l’est et au nord de l’Europe, la Russie est souvent devenue ou redevenue la principale préoccupation en politique étrangère. Il faut en tenir compte.

ll nous faudra aussi reprendre la construction de l’Europe politique et de la défense. Qui peut croire que nous serions audibles en Pologne, dans les pays baltes ou en Suède pour parler d’Europe de la défense si nous avions livré les Mistral ? Livrer ces navires aurait été aller à l’encontre de toutes nos positions depuis des années et aurait ruiné notre crédibilité.

Certains ont prétendu qu’il aurait été possible de rester dans la situation des derniers mois, avec un contrat suspendu, sans livraison des navires mais sans dénouement du contrat. Cette option était impossible : elle aurait présenté des risques contentieux et financiers considérables, que la France ne pouvait pas accepter. Pour rester dans le domaine politique, cela aurait paralysé notre diplomatie pendant des années. Cela aurait continué à empoisonner nos relations avec l’Ukraine et les pays les plus engagés dans le soutien à ce pays. Cela aurait affaibli la position de médiation que nous avons su prendre avec l’Allemagne dans le conflit du Donbass. Cela aurait même empêché la relance de notre relation bilatérale avec la Russie elle-même. Or nous la souhaitons tous.

Je voudrais insister sur un élément très encourageant. Toutes les personnes qui ont pris part aux négociations ont salué la bonne volonté de la partie russe. Elle était tout aussi convaincue que nous de la nécessité de trouver un arrangement. Nous le devons sans doute aux bonnes relations entre les présidents Poutine et Hollande. Au-delà, je pense que les Russes eux-mêmes souhaitent conserver de bonnes relations avec la France.

J’aborderai plus brièvement les enjeux budgétaires et industriels. L’accord passé réduit les coûts au minimum, puisque nous n’avons remboursé que les 893 millions d’avances reçues, sans intérêts financiers et 57 millions de frais engagés par les Russes et perdus pour eux. Il n’y a pas non plus de pénalités, alors que le contrat commercial en prévoyait.

Selon le président de DCNS, un recours aux clauses d’arbitrage inscrites dans le contrat aurait pu coûter des milliards. En outre, il y aurait pu y avoir un double contentieux arbitral puisque l’accord intergouvernemental de 2011 comprenait aussi une clause d’arbitrage. Il engageait le gouvernement français, qui donnait sa garantie sur la réalisation du contrat commercial.

À l’inverse, l’accord du 5 août dernier garantit la paix juridique, qui en l’espèce mérite bien son nom. Il permet aussi – autre point essentiel – de revendre les navires sans avoir à demander l’autorisation de la Russie. Le coût global de l’affaire pourra donc être réduit du produit de cette revente.

En interne, il y a bien sûr des débats sur les conditions d’indemnisation de nos entreprises et il est évident que nous ne connaîtrons qu’a posteriori le bilan exact de l’affaire, tant pour les finances publiques que pour les entreprises.

Mais nous sommes déjà certains d’un point : il n’y aura pas de conséquences directes sur l’emploi. La construction des deux navires a été menée à terme et les coûts des entreprises sont couverts à 100% par la COFACE, comme l’a décidé le Gouvernement. Ce taux n’était initialement que de 95 %, conformément au droit commun.

Enfin, l’accord ouvre des perspectives à nos entreprises dans des pays qui n’auraient certainement pas envisagé d’acheter des armements français si les BPC avaient été livrés à la Russie. Je pense notamment à la Pologne, où nous espérons placer pour plusieurs milliards d’euros d’hélicoptères et de sous-marins.

La commission des affaires étrangères a adopté le présent projet de loi à l’unanimité des présents, ce qui me semble un bon signe. Je vous invite donc, mes chers collègues, à faire de même.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur – cher Michel Vauzelle –, chers collègues, je voudrais à mon tour replacer l’accord sur la cessation du contratMistral dans le cadre plus général de nos intérêts diplomatiques et politiques.

Les partisans de la livraison des bâtiments de projection et de commandement invoquent un argument que je trouve assez surprenant : celui de la crédibilité de l’offre française en matière d’armement. Selon eux, la parole de la France serait atteinte, voire ruinée parce que nous ne mettons pas en exécution le contrat. Le niveau exceptionnel atteint par les commandes d’armement à la France depuis un an suffit à démontrer en pratique le manque de pertinence de cet argument. Le président de DCNS, M. Guillou, que notre commission a auditionné, a confirmé qu’il ne constatait aucune difficulté de cette nature dans les négociations commerciales qu’il mène.

Mais il est vrai que la question de la crédibilité est essentielle pour la politique étrangère d’un pays. Aujourd’hui, la France est un pays qui compte, malgré le recul relatif de son poids économique et démographique, parce qu’elle a une politique étrangère qui lui est propre, une voix et donc une image différente. Ce poids, monsieur le ministre, s’est accru sous votre conduite et celle du Président François Hollande.

Si cette politique étrangère se démarque et se remarque, c’est parce qu’elle obéit à quelques constantes : la volonté de construire un ordre international fondé sur le droit ; l’engagement pour la paix, même s’il faut prendre des risques et parfois payer le prix du sang ; la fermeté, qui n’exclut pas la volonté de dialogue ; l’engagement pour l’Europe, une Europe qui ne soit pas seulement une zone de libre-échange, mais qui soit aussi une construction politique.

Au regard de ces engagements, pouvions-nous livrer les bâtiments de projection et de commandement à la Russie après l’annexion de la Crimée, alors que ce type d’annexion brutale et unilatérale est tellement contraire à tous les engagements internationaux que c’est – heureusement – un événement exceptionnel dans le monde d’après 1945 ? Pouvions-nous les livrer et prétendre continuer à promouvoir une Europe de la défense auprès de nos partenaires européens du nord et de l’est qui sont inquiets de l’évolution de la politique russe ? Pouvions-nous les livrer et rester dans une position de médiation crédible dans le conflit du Donbass, comme nous le sommes avec l’Allemagne dans le cadre du processus de Minsk, qui, heureusement, bien que difficilement, produit ses premiers résultats, grâce à l’initiative prise depuis la Normandie par le Président Hollande ? A chacune de ces questions, la réponse est non.

Certains objectent que ne pas livrer les BPC n’impliquait pas de chercher à dénouer immédiatement le contrat. Les travaux que nous avons menés au sein de la commission des affaires étrangères laissent penser au contraire qu’une sortie contentieuse par la voie d’arbitrages internationaux aurait été longue, incertaine et sans doute extrêmement coûteuse – cela nous a été confirmé par M. Guillou. C’est un fait que l’accord politique et le contrat commercial initial, qui, comme le ministre l’a rappelé, a été conclu entre 2008 et 2011, n’ont pas été négociés en tenant compte des risques politiques que faisait courir la Russie à la stabilité de l’Europe. Ils ne comportaient pas de clause de dédit politique, prévoyaient de lourdes pénalités en cas de retard ou d’inexécution et même une garantie formelle de bonne fin donnée par le gouvernement français d’alors. Étant donné ce que l’on savait de la Russie, au lendemain de sa guerre avec la Géorgie, peut-être aurait-on dû être plus prudent. Toujours est-il que le résultat était un risque contentieux majeur.

En dehors du risque financier, il y avait une autre raison évidente, beaucoup plus politique, de rechercher un dénouement amiable et rapide. Il s’agissait de libérer notre diplomatie de ce dossier qui aurait durablement empoisonné nos relations avec plusieurs pays, aussi bien certains de nos partenaires européens inquiets de la politique russe que la Russie elle-même.

Toutes les auditions l’ont confirmé : la négociation de l’accord avec la Russie s’est déroulée dans de bonnes conditions, bien que la partie russe, de fait, ait été – du moins au début – en position de force. Effectivement, un accord raisonnable a pu être trouvé rapidement. Je vois dans cette bonne volonté russe le même désir que le nôtre de solder un dossier difficile pour permettre à notre relation bilatérale de rester aussi bonne que la situation internationale le permet. C’est pourquoi je ne comprends pas ceux qui s’opposent à l’accord du 5 août en se disant amis de la Russie. Car, sauf à livrer les navires, ce qui n’était pas possible, ne pas dénouer le contrat et aller vers une solution contentieuse aurait sans doute servi les intérêts financiers de la Russie, si toutefois elle avait obtenu un arbitrage favorable, mais certainement pas ses intérêts politiques qui sont de garder, malgré les difficultés, les meilleures relations possible avec les grands pays européens, en premier lieu avec la France, compte tenu de l’amitié ancienne qui lie nos deux pays.

J’espère que cet accord obtenu finalement assez aisément permettra tout à la fois de consolider notre amitié avec la Russie et de développer dans le même temps des liens amicaux, politiques, économiques, et même dans le domaine de l’armement, avec des pays tels que la Pologne.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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J’ai reçu de M. Gilbert Collard une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Gilbert Collard.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, très chers collègues, ma motion de rejet préalable est principalement fondée sur l’inobservation de l’article 39 de la Constitution, lequel renvoie à l’article 8 de la loi organique no 2009-403 du 15 avril 2009 relative aux justes évaluations des conséquences économiques, financières et sociales, c’est-à-dire aux études d’impact jointes à tout projet de loi. Or, il est clair que l’étude d’impact qui nous est fournie est inexacte autant que lacunaire, comme je m’emploierai à le démontrer.

Cette motion de rejet se fonde également sur l’absence de respect de l’article 55 de notre Constitution et de son titre XV, puisque le projet traite de la résolution d’un litige né d’un embargo lui-même inconventionnel – qui n’est pas conventionnel, pour parler français.

En outre plusieurs de nos commissions auraient dû être consultées, ce qui n’a pas été le cas et ce qui est fort dommageable du point de vue démocratique. Ainsi la commission des finances n’a pas été interrogée.

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Votre réaction prouve que mon propos vous embarrasse, à mon grand plaisir. J’accepte évidemment vos observations : elles démontrent que nous pouvons dialoguer, même dans le contradictoire. Mais vous me permettrez d’expliquer mon point de vue avant que vous ne le rejetiez grâce à la puissance de vote dont vous disposez dans cette assemblée.

La commission des finances aurait dû examiner et rejeter le volet budgétaire d’une étude d’impact qui a été sérieusement tronquée. Même si, comme le disait Churchill, les chiffres peuvent mentir, ils sont en l’espèce assez fiables.

En effet, les sommes évoquées dans cette étude se limitent à 949 millions d’euros, soit 893 millions correspondant aux sommes avancées par la Russie pour l’achat des deux BPC et à des dépenses spécifiques qui s’élèvent à plus de 56 millions d’euros pour des dépenses engagées en vue de la formation des équipages et du développement de matériels spécifiques.

Il est à noter un point qui me paraît important dans ce raisonnement : les pertes russes sont beaucoup plus élevées, du fait notamment de la navalisation d’hélicoptères KAMOV et du réaménagement des quais de la base de Vladivostok. Mais c’est surtout du côté français que la facture va s’alourdir.

Certes la France a déjà versé plus de 949 millions d’euros à la banque centrale Russe. Une bagatelle. Certes, elle a recouvré la pleine propriété des deux navires, le Vladivostok et le Sébastopol, mais je poserai tout de même cette question inconvenante : comment ces sommes ont-elles été budgétées ? En effet il n’est pas possible, sauf erreur de ma part, de passer par le budget général de l’État. Les fonds ont donc été prélevés sur les dépenses d’équipement de la défense…

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…et lui seront restitués avant la fin de l’année 2015.

Mais ceci ne nous dit pas qui va payer l’addition finale, laquelle sera salée : 57 millions d’euros de dédommagement à la Russie. Surtout – ce point mérite qu’on y réfléchisse honnêtement –, la moins-value sur les prix de revente des deux navires dépasserait 300 millions d’euros, au vu des propositions de rachat de l’Égypte et de l’Arabie Saoudite.

Mais cette ardoise sera débudgétisée car elle sera supportée par l’entreprise DCNS et la COFACE, cette dernière ayant assuré 100 % des charges sur la vente des deux BPC à concurrence de 869 millions d’euros. Ceci la rend usufruitière des deux navires, ce dont elle se passerait bien puisqu’elle a à sa charge le coût de l’entretien à quai des deux BPC, soit la bagatelle d’un million d’euros par mois !

Au total, l’ardoise s’élèverait à plus d’un milliard pour la COFACE, à quoi s’ajoutent 65 millions d’euros pour DCNS, sans compter la moins-value sur la revente des deux navires. Une partie de cette ardoise, qui pourrait donc avoisiner les deux milliards d’euros, serait prise en charge par la Banque publique d’investissement sur fonds d’État. Le solde serait comptabilisé en moins-value sur la restitution de la COFACE.

Bref, vous l’aurez compris, cette perte se répercutera sur notre budget 2016, et il est aberrant que, dans ces conditions, notre commission des finances n’ait pas formulé un avis qui, je le crains, eut été particulièrement sévère.

La commission de la défense nationale également aurait dû se prononcer puisque l’accord sous forme d’échange de lettres évoque, en son article 2, les droits d’usage relatifs aux savoir-faire technologiques échangés au cours de cette malheureuse affaire. En effet, l’un au moins des deux bâtiments de projection et de commandement était totalement équipé de matériel russe de haute technologie – on ne peut pas faire semblant de ne pas le savoir. Par ailleurs, les équipages n’ont pu ignorer l’apport technologique français.

Notre commission de la défense aurait pu également évaluer l’impact de notre manquement contractuel sur nos exportations à venir. Les ventes que vous évoquiez tout à l’heure résultent de contrats antérieurs. À cet égard, l’avis de la commission aurait été utile. Malheureusement, il n’a pas été recueilli.

Et que dire de la commission des lois ? N’aurait-il pas été judicieux qu’elle donne son avis sur l’ensemble de la situation, sachant qu’un problème de souveraineté se posait ?

Enfin et surtout, la commission des affaires économiques était fondée à se prononcer sur le principe même d’un embargo bilatéral. Toutes les raisons morales que vous pouvez donner ne valent rien face à la présence à Vallauris de qui nous savons.

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Quand on fait des choix moraux, il faut les faire d’une manière générale et ne pas les partager avec une petite génuflexion devant l’Arabie Saoudite, un petit salut au Qatar. Voilà que tout à coup, retour de Cuba, on juge que la Russie n’est pas fréquentable ! Quand on veut donner des leçons de morale, on n’en excepte pas l’Arabie Saoudite ! En Russie, on n’enferme pas les poètes, on ne coupe pas le poing des voleurs, on ne voue pas les homosexuels aux gémonies et à la répression.

La commission des affaires économiques aurait eu d’autant plus son mot à dire que la crédibilité de notre pays est engagée. Que vaut la parole d’un pays quand, dans un moment de crise morale, fortement induite par le puritanisme américain, qui ne connaît que son intérêt économique, l’on décide de rompre un contrat qui engage, et notre parole et notre économie ? Nous avons vraiment donné l’impression que nous étions à la botte des Américains. Sur le plan économique, et même au regard de notre dignité, c’est moche !

Bien sûr, vous pouvez avancer tous les arguments que vous voudrez. Ils sont recevables, mais ils ne sont pas efficaces. Vous ne pouvez pas vous appuyer sur un argument d’ordre moral alors que vous fréquentez politiquement l’immoralité,…

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…. alors que le Qatar achète la France, alors que l’Arabie Saoudite occupe économiquement tous nos périmètres. Il faut être cohérent ! Vous ne l’êtes pas.

Si vous l’étiez, je m’inclinerais. Si vous faisiez preuve partout de la même rigueur morale, qui certes nous assécherait complètement, nous rendrait squelettiques sur le plan économique, mais qui aurait une certaine cohérence, je m’inclinerais. Mais il faut être vraiment malhonnête pour prétendre que la morale guide votre comportement économique. La morale vaut pour tout le monde, y compris l’Arabie Saoudite et le Qatar !

Vous avez pris une décision d’obéissance politique aux intérêts américains. Nos commissions auraient dû avoir la possibilité de faire connaître leur point de vue. Or, tout cela a été fait en catimini, sans l’assentiment démocratique.

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La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

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Jean-Pierre Dufau répondra à M. Collard mais je voudrais simplement faire remarquer qu’il appartient aux présidents de commission d’évaluer si un texte justifie ou non une saisine pour avis. La commission des affaires étrangères, comme c’est normal pour tous les traités et conventions internationales, a été saisie au fond mais rien n’interdisait à une autre commission de s’en saisir.

D’ailleurs, toutes les questions soulevées par M. Collard ont été examinées par la commission des affaires étrangères, laquelle, le rapporteur l’a rappelé, a approuvé cet accord à l’unanimité des présents.

Mais je laisse M. Dufau répondre de manière plus exhaustive aux arguments de M. Collard.

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Au titre des explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

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Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, Mme Guigou vient de répondre à ceux des arguments soulevés par M. Collard qui se rapportent à la saisine des commissions. Je n’y reviendrai pas.

Sur le plan juridique, je rappellerai que le Conseil d’État a validé cet accord : il n’est, en aucun cas, contraire à la Constitution. Étant relatif aux relations internationales, il relevait de droit de la commission des affaires étrangères.

Il faut quand même rappeler le contexte : un embargo a été décidé en raison de la situation en Ukraine. Il ne faudrait pas renverser les responsabilités : celui qui est à l’origine de cette invasion s’expose à un embargo.

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Quant à la morale, j’aime beaucoup ce mot de Courteline qui considère qu’être rappelé à la morale par certains est un plaisir de gourmet.

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Votre demande de rejet préalable est pour le moins insolite et ne se justifie pas vraiment, quelle que soit la sonorité de la voix qui l’expose – on peut sonner creux – et ce pour deux raisons, l’une réglementaire, l’autre de fond.

Commençons par celle d’ordre réglementaire. La commission a été saisie et elle a fait son travail. Deux auditions nous ont permis d’entendre les protagonistes clefs de la négociation. Le signataire de l’accord, M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, a été auditionné mardi 8 septembre à quatorze heures trente : M. Collard était absent.

Mardi 15 septembre, avant-hier, M. Louis Guillou, président-directeur-général de DCNS, société de construction de bâtiments de projection et de commandement, a également été auditionné par la commission : M. Collard était absent.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, a également répondu, mardi 15 septembre à 18 h 30, à l’invitation de la commission qui souhaitait l’entendre sur ce traité bilatéral avec la Russie : M. Collard était absent.

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Nous ne sommes que deux ! Nous ne pouvons pas être partout !

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Le rapporteur désigné par la commission, notre collègue Michel Vauzelle, a présenté ses conclusions dans une réunion ouverte à la presse, mardi 15 septembre après l’audition de M. Laurent Fabius : M. Collard était absent.

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Répondez sur le fond ! C’est vous qui êtes absent !

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Je vous rappelle, monsieur Collard, que tout membre de cet hémicycle peut assister à la réunion d’une commission même s’il n’en est pas membre. Où étiez-vous, monsieur Collard ?

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C’est pitoyable, vous ne répondez à aucun argument.

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Monsieur Collard, calmez-vous.

Monsieur Dufau, je vais vous demander de conclure.

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La seconde raison, dont nous allons débattre en séance publique, porte sur le fond. En annexant une partie de l’Ukraine, la Russie a violé les règles du droit international. Dans ces conditions, la France ne pouvait livrer des bateaux de guerre à la Russie.

L’attitude de la France a permis de préserver malgré tout de bonnes relations avec la Russie puisqu’un accord a été conclu entre les deux parties.

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Le règlement a-t-il changé ? Il faut couper le micro ! Ce n’est plus une explication de vote.

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Je ne serai pas plus long puisque le temps m’est compté.

Monsieur Collard, si le manque de données sur la question vous angoisse à ce point, informez-vous en lisant le compte rendu des auditions de la commission des affaires étrangères auxquelles vous n’avez pas assisté. Laissez-nous débattre, participez à la discussion et écoutez les arguments de ceux qui, conformément au mandat que leurs électeurs leur ont confié, assistent aux réunions de commissions et aux auditions qu’elles organisent.

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Le groupe Socialiste, républicain et citoyen votera résolument contre la motion de rejet préalable.

La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Francis Hillmeyer.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis le début de la crise ukrainienne, nous avons assisté, s’agissant de la vente des Mistral, à une valse-hésitation, jusqu’à l’annonce, le 5 août dernier, par le Président de la République, de l’annulation de l’accord du 25 janvier 2011. Cette annonce sonnait la fin d’une affaire qui a perturbé les relations franco-russes durant plusieurs années et suscité la désapprobation de certains de nos partenaires européens.

Mes chers collègues, sur ce dossier éminemment complexe, tant sur le plan politique que commercial, notre propos se doit d’être nuancé. Véritable bijou de technologie militaire, le bâtiment de projection et de commandement est le bâtiment le plus impressionnant de la flotte française, après le porte-avions Charles-de-Gaulle. D’une longueur de 199 mètres, ces navires de guerre polyvalents peuvent transporter 450 hommes de troupe, seize hélicoptères, soixante-dix blindés, deux blocs opératoires et accueillir un état-major complet. Détenir ce fleuron de la construction navale est pour un pays, quel qu’il soit, un atout indéniable.

L’annulation de la vente de ces bâtiments à la Russie est, dès lors, un acte fort et lourd de conséquences. Sur le plan politique et diplomatique, on peut craindre qu’une telle décision ne remette en cause la parole même de la France et ne mette en jeu la crédibilité diplomatique de notre pays et son image à l’international. Sur le plan financier, nous savons combien les exportations jouent un rôle important pour notre industrie. Cet accord de cessation touche aux intérêts économiques vitaux de notre pays et pourrait fragiliser l’ensemble des contrats d’armement en cours de discussion : je pense notamment à la vente d’avions Rafale.

Cependant, mes chers collègues, le contexte international n’a rien de semblable à celui qui entourait la signature de l’accord entre nos deux pays, en janvier 2011. Bien évidemment, à l’heure où Russes et Français s’accordaient sur la nécessité de cette vente, la livraison de ces navires à Moscou n’allait pas de soi. L’ensemble de nos partenaires européens souhaitaient créer les conditions d’une relation nouvelle entre la Russie et les pays occidentaux, estimant que le destin de l’Europe se jouait en partie dans ses rapports avec la Russie. La vente desMistral répondait à cet objectif de nouer un partenariat stratégique avec la Russie. En outre, les chantiers navals de Saint-Nazaire étaient dans une situation très difficile.

Avant d’envisager pour la première fois, en mars 2013, l’annulation de la vente, François Hollande n’avait d’ailleurs pas remis en cause l’accord prévoyant initialement la livraison des deux bâtiments en novembre 2014 puis en novembre 2015. Nous n’étions pas encore en présence de ce que la position commune du Conseil de l’Union européenne du 8 décembre 2008 définit comme « un risque manifeste que le destinataire envisagé utilise l’exportation de technologies et d’équipements militaires de manière agressive contre un autre pays ou pour faire valoir par la force une revendication territoriale. »

Aujourd’hui, la situation internationale est autre. La France s’est engagée dans les négociations afin de trouver une solution politique à la crise en Ukraine. Cela étant, la situation est loin d’être réglée et les sanctions décidées par le Conseil de l’Union européenne en juillet 2014 restent en vigueur. Pour une nation comme la nôtre, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, maintenir cette vente serait un mauvais signal, à la fois pour nos alliés d’Europe centrale, à l’heure où nous affichons notre volonté de construire une véritable Europe de la défense, et pour la Russie, pour qui le maintien de la vente pourrait signifier que nous approuvons son comportement. Dans un tel contexte, nous ne pouvions pas maintenir éternellement la suspension de la livraison du Vladivostok, décidée par le Président en septembre 2014, peu avant le sommet de l’OTAN.

Au-delà de la question de l’opportunité d’annuler cette vente, se pose désormais celle du contenu de l’accord, que nous devons examiner aujourd’hui dans cette assemblée. Quelles en seront les conséquences juridiques, économiques et financières ? Cet accord est avant tout une solution amiable, qui permet de régler l’ensemble des questions liées à la non-livraison des bâtiments de projection et de commandement. Chaque partie renonce à former quelque recours que ce soit à l’encontre de l’autre partie, notamment en matière de droit de propriété ou sur le plan financier. Le règlement à l’amiable entre les deux gouvernements permet d’éviter les frais importants liés à une éventuelle procédure arbitrale interétatique.

En outre, l’accord dont nous discutons permet de protéger la propriété intellectuelle des informations et technologies échangées entre la France et la Russie. Il précise, en effet, que les parties ne pourront transférer à des tiers, sous quelque forme que ce soit, les savoir-faire et transferts de technologies reçus de l’autre partie, sans l’accord préalable de celle-ci. Cette clause permet ainsi de se prémunir contre toute dissémination des technologies et savoir-faire français.

Ensuite se pose la question du coût de l’annulation de cette vente. L’accord prévoit le versement par la France à la Russie d’une somme de près de 950 millions d’euros à titre de compensation, qui correspond à la restitution des sommes avancées par la Russie, soit 893 millions d’euros, et à des dépenses occasionnées par la formation des équipages et le développement de matériels spécifiques par la Russie, soit 56,7 millions d’euros.

Cependant, quelques zones d’ombre subsistent. Nous ignorons le coût du démontage du matériel russe. En outre, une stipulation précise que l’application de cet accord n’ouvre aux tiers aucun droit à indemnisation, afin de prévenir l’éventuel développement de contentieux de la part de certaines sociétés commerciales. Toutefois, l’étude d’impact révèle que cette clause n’a pas pour effet de priver les sociétés françaises d’un droit à indemnisation. Ainsi, les industriels ne supporteraient pas de conséquences économiques à la suite de l’annulation de ce contrat. Pourrions-nous avoir davantage de précisions à ce sujet ?

Enfin l’entretien des Mistral a, lui aussi, un coût. Hervé Guillou, président-directeur général de la société DCNS, spécialisée dans l’industrie navale militaire, avait annoncé, en juillet dernier, que la société dépensait au moins un million d’euros par mois pour entretenir les porte-hélicoptères. Ces coûts pourraient encore augmenter si les Mistral étaient immobilisés suffisamment longtemps pour qu’un remplacement d’une partie de leurs systèmes à bord devienne nécessaire. La France devra donc rapidement trouver des acquéreurs.

Par cet accord, la Russie reconnaît qu’elle n’exerce aucun droit de propriété sur les bâtiments. En outre, sous réserve du versement des sommes prévues et de la restitution à la Russie des fournitures gouvernementales russes reçues pour la construction des deux navires, la France est libre de revendre les bâtiments à un État tiers, après simple information préalable de la partie russe.

L’accord offre donc les garanties juridiques nécessaires à cette revente, dont nous savons qu’elle intéresse quelques pays, notamment l’Égypte, avec le financement de l’Arabie Saoudite.

Mes chers collègues, dans un contexte international particulièrement tendu, il serait dangereux de provoquer un autre désaccord.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI ne s’opposera pas à ce projet de loi.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi que nous abordons ce matin est certes très important mais, au-delà de l’approbation de l’accord entre la fédération de Russie et le gouvernement français, il constitue à nos yeux un signe de la volonté de ce gouvernement de faire preuve de transparence en ouvrant le débat ce matin dans notre hémicycle.

En effet, au plus fort de la chaleur estivale, la polémique allait bon train sur les conséquences financières et politiques pour la France de la non-livraison de ces deux Mistral. Des chiffres inexacts ou exagérés circulaient dans les médias, certains évoquant même un jour de deuil pour la France.

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Ce débat avec la représentation nationale permet d’éclaircir cette situation et montre que le Gouvernement ne veut rien cacher, met tout sur la table, comme l’attestent les auditions qui ont été menées par les commissions. Au-delà des effets de tribune, tout ce qui est excessif est insignifiant. Monsieur le ministre, je tiens à saluer cette volonté de transparence, qui est pour nous un élément incontournable de la démocratie.

Venons-en au fond. Les bâtiments de projection et de commandement font partie de la panoplie d’équipements et de savoir-faire de haut niveau qu’offre notre industrie. Ces fleurons de notre construction navale, produits par la société DCNS, combinent en effet, sur une plateforme unique, les fonctions de porte-hélicoptères, d’hôpital, de transport de troupes, de mise en oeuvre de moyens d’assaut amphibie et enfin de commandement.

Intéressée, la Russie a fait connaître à la France, à l’automne 2009, sa volonté d’acquérir deux de ces navires. Dans la perspective de la vente, comme cela a été rappelé, deux accords ont été signés. La livraison d’un premier navire, le Vladivostok, était prévue en novembre 2014 et celle du second, le Sébastopol, en novembre 2015.

Or, entre-temps, il ne faut pas l’oublier, la crise ukrainienne éclatait. Elle commençait en novembre 2013, à la suite de la décision du gouvernement ukrainien pro-russe de renoncer à l’accord d’association avec l’Union européenne, puis elle s’intensifiait avec la révolution de février, l’annexion de la Crimée, la guerre du Donbass et l’attaque du vol MH17, qui a fait près de trois cents victimes, sans oublie les milliers de morts et les millions de déplacés causés par ce conflit.

Le Président de la République annonçait alors, en septembre 2014, que les conditions n’étaient plus réunies pour que la France autorise le premier navire ; un mois plus tard, il était décidé de surseoir à la demande de licence d’exportation. Ce n’est pas faute pour la France de s’être engagée très activement dans les négociations afin de trouver une solution politique à la crise en Ukraine. Certes, il y a eu, depuis, une désescalade dans la crise mais la situation n’en est pas pour autant réglée.

Par conséquent, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, livrer le Vladivostok et le Sébastopol à Moscou était injustifiable du point de vue de la politique étrangère : Paris et Berlin s’étant engagés dans une médiation entre Moscou et Kiev, y procéder aurait été perçu comme une rupture de la neutralité nécessaire à la négociation.

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Au plan européen et euro-atlantique, cet acte aurait également été considéré par plusieurs des alliés européens comme une rupture de la solidarité, et même comme un acte de traîtrise compromettant la position française durablement, d’autant que l’on voit mal comment cette crise pourrait évoluer positivement à court et moyen terme. De fait, l’actualité donne raison au gouvernement français, puisque les accords de Minsk peinent à être respectés, le cessez-le-feu total dans l’est de l’Ukraine n’étant pas acquis. Des morts sont encore à déplorer parmi les militaires et les civils et le retrait exigé des armes lourdes et légères ne fait que commencer. Par ailleurs, des membres de la mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, ont essuyé récemment des tirs et autres tentatives d’intimidation alors qu’il est essentiel de leur garantir l’accès au front.

La livraison de ces bâtiments ne pouvant donc intervenir dans un avenir proche, le Président de la République et son homologue russe ont décidé, en février 2015, d’engager à l’amiable des négociations pour aboutir à un règlement négocié de ce dossier. Ils y sont parvenus. Cela a permis d’éviter une issue contentieuse, forcément longue et plus aléatoire quant à ses conséquences financières, qui aurait empêché une revente ou un réemploi rapide des navires, du moins tant que les voies procédurales ne seraient pas épuisées. En effet, l’accord de janvier 2011 prévoyait qu’en cas de différend relatif à son application, le litige pouvait in fine être soumis à un tribunal arbitral. Deux accords intergouvernementaux, signés début août, ont permis d’aboutir à une solution négociée.

Parallèlement, les entreprises DCNS et Rosoboronexport, ROE, ont résilié le contrat commercial qui les liait via un avenant à leur contrat initial, qui a également réglé la question des contentieux éventuels, entre elles mais aussi avec leurs sous-traitants. L’avenant prévoit en outre la mainlevée des garanties bancaires qui accompagnaient le contrat. Enfin, il fixe les modalités de restitution à la Fédération de Russie des fournitures gouvernementales.

Le présent accord prévoyait dans un premier temps le versement par le gouvernement français au gouvernement russe de la somme de 949 millions d’euros, correspondant à la restitution des sommes avancées par la Russie pour des dépenses occasionnées par la formation des équipages et le développement de matériels spécifiques. Cependant, sur ce dernier point, la partie française a pu faire valoir qu’elle n’entendait rembourser que les dépenses directement liées à la construction des navires, ce qui a réduit le montant du versement à 893 millions d’euros.

La signature du contrat de vente des bâtiments de projection et de commandement a permis aux chantiers de Saint-Nazaire – et cela n’est pas mince d’un point de vue économique –, d’enregistrer des commandes sans lesquelles ils auraient été contraints sinon de fermer, du moins de procéder à un drastique plan social et de perdre ainsi une main-d’oeuvre qualifiée. Il faut cependant espérer que la revente de ces navires ne se fera pas au rabais et n’entraînera pas une perte financière significative.

En ce sens, il y a lieu de se réjouir que des discussions se soient déjà, semble-t-il, engagées avec plusieurs États intéressés. Nous aimerions d’ailleurs obtenir, autant que le permet le jeu diplomatique, des indications sur les éventuels pays acheteurs qui auraient les moyens de s’offrir des bâtiments de projection et de commandement de premier rang et des marins bien formés.

Il faut en outre parvenir à surmonter l’opposition des lobbies liés aux constructeurs locaux de navires. Le coût d’entretien à quai de ces bâtiments avoisine mensuellement cinq millions d’euros et leur « dérussification » prend du temps, puisque ces navires sont construits pour répondre précisément aux spécifications de la marine russe. Il faut désormais démonter des équipements, changer les systèmes de télécommunications, les interfaces homme-machine qui sont en caractères cyrilliques et toutes les documentations. Par conséquent, dans la perspective de la revente de ces navires, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous donniez, si vous le pouvez, et bien entendu dans un langage diplomatique, car la situation est compliquée, quelques indications sur les pistes qui nous sont ouvertes.

Par ailleurs, au-delà de la question de la revente, la France elle-même ne manque-t-elle pas de bâtiments de premier rang pour exercer pleinement sa souveraineté ?

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Avec quels marins ? Vous réduisez les formats en permanence !

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C’est une autre question. L’OTAN a-t-elle pu se positionner pour les acquérir ?

Ces questions ayant été évoquées, sachez que, compte tenu des aspects largement positifs de cet accord, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient son approbation.

Si au début de mon propos j’ai tenu à souligner la volonté de transparence qui anime ce gouvernement et qui s’exprime à travers ce débat avec la représentation nationale, je voudrais également souligner la fermeté et l’esprit de responsabilité dont celui-ci a fait preuve, ainsi que le Président de la République, en prenant une décision courageuse malgré les pressions et les polémiques. Aux yeux du groupe RRDP, la gestion de ce dossier international très difficile fait honneur à la politique.

Pour conclure, comme à mon habitude, je veux citer ici Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, le plus contemporain des philosophes, si l’on en croit le dossier que lui a consacré Le Point cet été. Dans la fable Le Chat et le renard, il écrit : « Le trop d’expédients peut gâter une affaire On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire. N’en ayons qu’un, mais qu’il soit bon. » De ce point de vue, la France a fait le bon choix, tant du point de vue politique qu’économique, diplomatique et financier.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs mes chers collègues, la question de la vente des deux bâtiments de projection et de commandement dits Mistral à la Russie a été le feuilleton de l’été. Finalement, après plusieurs mois de tergiversations, le chef de l’État a annoncé le 5 août dernier l’annulation de la vente des deux navires Mistral à l’armée russe. La France s’est donc engagée, en vertu de cet accord, à rembourser l’État russe à hauteur de près de 950 millions d’euros.

Le Gouvernement nous a répété qu’il n’y avait pas d’autres solutions possibles au regard du contexte militaire en Ukraine, que cet accord était après tout un moindre mal. Nous considérons au contraire que cette décision est une véritable faute politique…

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… qui marque l’assujettissement de notre diplomatie à l’OTAN. Cet accord s’avère en outre particulièrement coûteux en termes financiers et pourrait même représenter un manque à gagner beaucoup plus important que ce qui est présenté dans ce projet de loi.

En mai 2014, le chef de l’État confirmait pourtant la livraison des deux navires de guerre à la Russie, alors même que la situation sur le terrain ukrainien se détériorait rapidement. L’intransigeance de l’OTAN a finalement eu raison de l’indépendance de notre diplomatie. Après d’ultimes hésitations, la France a donc entamé des négociations avec les autorités russes pour trouver un accord amiable permettant d’indemniser la Russie pour l’annulation de la vente des deux Mistral. Pourquoi ce revirement ?

La France, membre à part entière de l’Alliance atlantique depuis la réintégration au commandement intégré décidée par Nicolas Sarkozy en 2007, s’est alignée sur les positions atlantistes héritées de la guerre froide. La Russie est perçue systématiquement comme une menace pour la sécurité collective.

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C’est ainsi que, sous l’impulsion des États-Unis, l’OTAN s’est élargie aux anciens pays du bloc de l’Est puis a tenté d’attirer des pays tels que la Géorgie ou l’Ukraine. La mise en place par l’OTAN d’un bouclier antimissile à la frontière avec la Russie participe à ces tentatives de déstabilisation.

Il s’agit là d’une grave erreur d’analyse. Loin de promouvoir l’équilibre des puissances au niveau européen, cette politique a été perçue comme une tentative d’agression par la Russie. Or, ce pays se voit toujours, du fait de son histoire, comme une grande puissance, très attachée à l’indépendance de sa diplomatie et refusant toute forme de subordination aux intérêts américains. Il faut savoir tenir compte de cette donnée géopolitique. Malgré la dérive autoritaire que connaît Moscou avec Vladimir Poutine, la Russie doit être avant tout considérée comme un partenaire, et non pas comme un ennemi. L’annulation par la France de la livraison des deux frégates Mistral est un signe de défiance qui risque d’empoisonner pour longtemps nos relations avec Moscou.

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Membre du Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie est pourtant un acteur majeur des relations internationales. Ce pays peut jouer un rôle majeur dans la résolution des crises au Moyen-Orient, en particulier en Syrie, où une meilleure coopération avec la Russie paraît indispensable pour lutter contre la véritable menace qu’incarne le groupe État islamique.

Vous allez me répondre, monsieur le ministre, que l’annulation de la vente des Mistral est directement et uniquement liée à la crise en Ukraine. Soyons clairs : nous ne cautionnons pas le soutien apporté par Vladimir Poutine aux séparatistes russes, qui alimente un conflit dont les populations civiles sont les principales victimes. Cependant, il ne faut pas non plus oublier que l’OTAN soutient militairement le régime ukrainien de Petro Porochenko via des livraisons d’armes ou l’envoi de conseillers.

La signature des accords de Minsk I et II, à laquelle a pris part la Russie, avec la France et l’Allemagne, était un préalable nécessaire au règlement du conflit et a permis une certaine désescalade sur le terrain militaire. Il fallait tenir compte de cette évolution plutôt que de céder aux pressions des Américains et des autres États membres de l’OTAN. N’était-il pas plus raisonnable de suspendre cette vente et de laisser le temps à la diplomatie de faire son oeuvre ?

Par ailleurs, on peut difficilement retenir l’argument moral pour justifier l’annulation de la vente des Mistral et sur ce point les orateurs précédents m’ont mis un peu mal à l’aise. En effet, en matière d’exportation d’armes, la France adopte des principes à géométrie variable. Non sans hypocrisie, elle exporte du matériel militaire vers de nombreux régimes autoritaires, à commencer par l’Arabie Saoudite, qui est le premier client de la France avec des commandes dépassant les trois milliards d’euros en 2014.

Je pense aussi à la vente des vingt-quatre Rafale à l’Égypte, pour laquelle la France a eu beaucoup moins de scrupules malgré les nombreuses violations des droits de l’homme commises par le régime du maréchal Al-Sissi. De même, nos exportations d’armes vers Israël se portent bien avec 15,5 millions d’euros de commandes en 2015. Force est de constater que l’intervention militaire de Tsahal à Gaza pendant l’été 2014 n’a pas entraîné de mesures de rétorsions de la France à l’égard d’Israël.

Dans ces conditions, tout semble indiquer que, dans l’affaire des Mistral, la France s’est couchée face aux pressions américaines, oubliant la relation privilégiée que nous avions su tisser avec les Russes depuis plusieurs décennies.

L’annulation de cette vente n’est pas seulement une faute politique ; c’est aussi un mauvais calcul sur le plan économique. Le Gouvernement a minimisé l’impact financier de cet accord, affirmant que les pénalités versées à la Russie se limiteraient à 57 millions d’euros. Il semblerait toutefois que le coût total de cette opération sera bien supérieur aux 950 millions d’euros annoncés. Plusieurs observateurs avertis, dont un ancien général français, estiment que l’annulation de la vente des deux Mistral coûtera au total près de deux milliards d’euros. En effet, il faut comptabiliser également 500 millions d’euros de manque à gagner pour l’exportation de matériel militaire destiné à l’équipement des deux autres Mistral que la Russie devait construire par ses propres moyens, ainsi que 400 millions d’euros de contrat de maintenance qui devaient bénéficier au groupe français DCNS. Il faut tenir compte enfin des frais de gardiennage des navires restés à quai à Saint-Nazaire, qui représentent tout de même un coût de deux millions d’euros par mois.

Le Gouvernement a beau jeu de dire que la France n’aura aucun mal à revendre ces Mistral à d’autres puissances. À entendre les déclarations de proches du chef de l’État, on en viendrait presque à croire qu’on se bouscule pour racheter nos Mistral et que la France rentrera pratiquement dans ses frais. Permettez-moi de douter du bien-fondé d’un tel optimisme. Vous le savez, la France ne se retrouvera pas en position de force dans les futures négociations et devra sans doute casser les prix, sans compter les frais liés à la « dérussification » des navires, qui pourrait coûter plusieurs dizaines de millions d’euros supplémentaires.

Enfin, l’annulation du contrat avec la Russie risque à terme de nuire aux exportations françaises. En effet, les futurs acheteurs pourraient craindre de voir les contrats qu’ils auront signés remis en cause pour des raisons géopolitiques. Il ne faut pas non plus oublier que la Russie va bénéficier gratuitement de transferts de technologie considérables. Le savoir-faire français se retrouve bradé alors même qu’il s’agit d’un des rares secteurs industriels où la France tire son épingle du jeu. L’impact sur les emplois industriels risque d’être important dans les années à venir. La construction des deuxMistral avait permis de créer 1 000 emplois en France ; qu’en sera-t-il demain ?

Au total, l’accord d’annulation de la vente des Mistral à la Russie apparaît comme un fiasco politique et financier. C’est pourquoi, compte tenu des arguments que je viens d’exposer, les députés du Front de gauche voteront contre ce projet de loi.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, que de bruits autour de cette affaire ! Que de bons apôtres ou de procureurs mal intentionnés ! Que de vaines querelles, en fin de compte !

Voilà maintenant deux ans que cette vente d’armes empoisonne nos relations diplomatiques, envenimant celles que nous entretenons avec la Russie et compliquant celles qui nous lient à nos alliés. Ses conséquences financières sont source d’interrogation et font peser sur DCNS une épée de Damoclès. Que fallait-il faire ? Quelles étaient les options ? Repousser une nouvelle fois la décision, comme certains ont pu le prôner au sein de la commission des affaires étrangères ? Brader nos intérêts ? Mépriser nos alliés ? Élargir un peu plus encore le fossé entre notre ami le président Poutine et nous ?

Examinons les arguments et tentons de transformer ces vaines querelles, non dénuées d’arrière-pensées franco-françaises, en une discussion utile à tous.

Partons de l’objection que l’on nous oppose : l’accord de non-livraison discréditerait la signature de la France dans le commerce international des armes. Certains prétendent même que ce refus de transfert serait un coup d’arrêt à notre industrie. Un peu de mesure n’aurait pas fait de mal car cet argument ne résiste pas à l’épreuve des faits. Faut-il le rappeler ? les carnets de commandes n’ont jamais été aussi remplis. Celles-ci ont même battu un record cette année, puisque notre pays a enregistré plus de quinze milliards d’euros de commandes d’armement en un an, après les 8,2 milliards d’euros engrangés en 2014, ce qui constituait déjà un record. Cela représente plus de 30 000 emplois sur notre territoire pour plusieurs années, ce qui, dans le contexte national, est plutôt appréciable.

Craindre l’affaiblissement de notre signature à l’international est en réalité un argument bien étrange, alors que nous réussissons, que vous réussissez, monsieur le ministre, avec le Gouvernement, à vendre enfin des Rafale, après la succession d’échecs commerciaux qu’ont connue vos prédécesseurs, et alors que vous relancez les ventes de frégates, de patrouilleurs et d’hélicoptères.

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L’Égypte, le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Inde, la Pologne n’ont semble-t-il aucune difficulté avec la crédibilité de notre signature. Il n’est qu’à voir les dates : en décembre 2014, la livraison des BPC est bloquée par la France ; le 11 mars 2015, la France signe avec l’Égypte un contrat de vente de Rafale ; le 4 mai 2015, un contrat similaire est signé avec le Qatar.

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Si la crédibilité de notre signature posait problème, l’Égypte et le Qatar auraient-ils signé ces contrats commerciaux avec la France ? Jamais ! Et que dire des perspectives de contrats avec la Malaisie, les Émirats Arabes Unis ou le Qatar ? La crédibilité de la signature française n’y suscite pas davantage le doute ! En fait, cet argument se retourne aisément : loin de faire de la France un partenaire indigne de confiance, refuser de livrer ces bâtiments dans un tel contexte renforce la fiabilité de notre signature aux yeux de ceux qui savent lire une situation stratégique.

Tout d’abord, nous faisons la démonstration que le commerce et la recherche de devises ne sont pas les seuls objectifs de ces contrats. Une vente d’armes n’est pas une transaction comme les autres. Elle a pour objectif de vendre des produits destinés à la destruction et à la guerre. Elle ne peut s’affranchir de l’analyse du contexte régional ni de leur destination et de leur usage potentiel. On ne saurait ignorer que vendre un navire, un avion ou un missile, c’est aussi nouer une alliance avec un partenaire et créer les conditions d’une étroite collaboration entre nos armées respectives, en termes de formation et de suivi mais aussi de connaissance réciproque des matériels et des techniques. Cela consiste à créer de la confiance et des échanges entre les troupes. C’est aussi cela, un contrat d’armement : une relation stratégique durable.

Tel était le sens de la signature du contrat Mistral avec la Russie le 25 janvier 2011, malgré ce qui s’était passé en Géorgie en 2008 et malgré la mobilisation active et effrénée du Président de la République d’alors. Il s’agissait apparemment de créer un pont, d’établir un lien avec notre voisin russe afin de l’arrimer un peu plus à l’Europe – c’est ainsi du moins que j’ai compris la signature de ce contrat. Mais le contexte géopolitique a radicalement changé depuis 2014. L’offensive russe en Ukraine n’est pas un épiphénomène, l’annexion de la Crimée encore moins.

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Elle n’est pas un aléa entre voisins, un enfantillage sans conséquence mais une rupture stratégique majeure : elle met à bas un pan complet du consensus dont l’intangibilité des frontières fait l’objet et piétine des engagements internationaux, et non des moindres. En effet l’article 2 de la Charte des Nations Unies dispose dans son quatrième alinéa que « les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force […] contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État ».

Elle viole aussi l’Acte final de la Conférence d’Helsinki signé en 1975 organisant le respect des frontières en Europe ainsi que le mémorandum de Budapest signé en 1994 garantissant l’intégrité et l’indépendance de l’Ukraine en échange de son engagement à se défaire de son stock d’armes nucléaires. L’attitude de la Russie ressuscite la pire des perspectives, celle de la guerre entre États européens. Il n’est donc pas exagéré de considérer l’invasion de l’Ukraine comme une réelle menace pour le continent européen et donc pour les intérêts vitaux de la France.

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Elle est perçue comme telle par les voisins directs de la Russie, qui appellent à l’application effective de la clause de défense collective prévue par la Charte de l’Alliance Atlantique et, dans leur crainte réclament des mesures de réassurance et le retour de forces américaines sur leur sol. Bref, c’est l’escalade !

Mon propos ne vise pas à prophétiser une catastrophe mais nous devons rester sur nos gardes. Un dérapage est toujours possible. Une erreur peut en amener une autre, puis une autre, en une escalade menant au désastre. La destruction de l’avion de la Malaysia Airlines en est un exemple flagrant. Lorsque les bombardiers stratégiques russes longent à nouveau nos côtes comme au temps de la Guerre froide, certes hors de nos eaux territoriales mais dans nos zones de régulation du trafic aérien, quand les navires russes patrouillent en face de l’Île Longue et que les flottes russes et chinoises exécutent des manoeuvres en Méditerranée, sont-ce des signes d’amitié ? Pas du tout !

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Et les sous-marins américains ? Ils ne patrouillent pas en face de l’Île Longue ?

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Cher collègue, vous aurez dix minutes pour exposer votre avis avec votre virulence habituelle.

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Ces manoeuvres en Méditerranée sont des démonstrations de force. Tel est le contexte de la livraison des Mistral, et rien d’autre.

La qualité de notre signature internationale dépend aussi de la capacité que l’on nous prête à lire les situations stratégiques en temps réel et à agir en conséquence. C’est l’analyse des options stratégiques qui explique la décision du chef de l’État. Le Président de la République n’est pas tiraillé entre nos alliés et les Russes, entre la paix et le commerce ! Il prend acte de la rupture de la doctrine russe et agit en conséquence. La paix domine le commerce. L’intérêt de la France n’est pas la résultante des pressions des États-Unis et de la Russie. Ce ne sont pas la Pologne ni les pays baltes qui font notre diplomatie.

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Notre sécurité, nous ne la déléguons à personne. Or les conditions de sécurité ne sont plus réunies pour cette livraison.

Cette décision renforce notre crédibilité, malgré vos dénégations, cher collègue. Elle est le visage d’une France qui est une puissance stratégique et pas seulement un fabricant d’armes reconnu. Elle montre clairement que nous plaçons les alliances et les partenariats stratégiques au-dessus des contrats strictement commerciaux. Cette claire hiérarchie n’implique pas le mépris des considérations financières, et je tiens à saluer le fait que le Président de la République ne limite pas sa responsabilité au domaine réservé que la Constitution tend à lui attribuer : il se préoccupe aussi beaucoup de l’état des finances de notre pays. Nous le savons tous ici et cela nourrit suffisamment de débats entre nous pour être rappelé.

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La recherche d’un accord à l’amiable démontre avec clarté le souci de préserver nos finances publiques. Le refus de livrer les Mistral entraîne certes un coût pour les finances publiques et les contribuables, comme toute résiliation de contrat, mais est maîtrisé. De longs débats en commission des affaires étrangères nous ont éclairés à ce sujet, même si certains y sont revenus et y reviendront encore par plaisir ou par masochisme, les uns prévoyant l’apocalypse financière, les autres une Berezina juridique, car les débats de notre Assemblée ne sont hélas ! pas toujours exempts d’excès.

Pourtant, la méthode de l’accord à l’amiable constitue un autre argument en faveur de la crédibilité de la France comme de l’accord et devrait réjouir les plus russophiles d’entre nous. Nous aurions pu tenter de gagner du temps en utilisant les outils internationaux d’arbitrage, ce qui aurait été long et aléatoire et surtout dangereux pour DCNS. Selon son P.-D.G. lui-même, passer devant les juridictions ad hoc constituait un risque financier colossal car le risque juridique aurait pesé pendant trois à quatre ans, telle une épée de Damoclès, sur les épaules de l’entreprise, lui interdisant tout investissement et lui enlevant toute crédibilité. Surtout, l’accord permet de rechercher au plus vite de nouveaux acquéreurs pour ces navires. Nous comptons à nouveau sur le talent du Gouvernement pour trouver des acquéreurs !

Les vraies puissances n’ont pas besoin d’arbitre pour régler leurs différends. La conclusion d’un accord équilibré est un signe important, lisible et compréhensible par tous. Il prouve l’importance de la France aux yeux de la Russie et témoigne d’une volonté partagée de ne pas ajouter la tension à la tension dans la relation franco-russe. Malgré ce refus de livraison et la guerre sur le sol ukrainien, chacun sait, ici comme à Moscou, que nous devons tout faire pour apaiser les tensions, retrouver les voies du dialogue et restaurer la confiance. Ni Moscou ni Paris n’avaient intérêt à prolonger le contentieux. C’est pourquoi chaque partie a voulu avancer rapidement avancer vers cet accord à l’amiable et qui ne lèse personne.

Financièrement, les Russes retrouvent leurs engagements. La France retrouve la propriété des deux navires et la capacité de les exporter. Les coûts supplémentaires de dédommagement sont raisonnables, tant les frais de formation que les frais de développement de matériels spécifiques par les Russes. Bref, chacun a voulu solder ce différent sans outrage ni rupture supplémentaire. Je suis particulièrement fier de la maturité stratégique de notre pays, que démontrent ces décisions lourdes prises dans le contexte que j’ai rappelé. Loin d’être un commentaire sur ce qu’aurait dû faire ou ne pas faire tel ou tel, la discussion d’aujourd’hui doit faire progresser la conscience collective, sur tous les bancs et dans tout le pays, qu’il existe un chemin pour éviter de répéter les erreurs du XXe siècle. Ce chemin est un chemin de crête. Nos alliés sont aussi des adversaires économiques et nos partenaires cachent mal leurs appétits territoriaux.

La fin de la Guerre froide avait amoindri la crainte des conséquences mondiales d’un conflit entre puissances. La situation du Moyen-Orient, qui a fait l’objet de trois jours de discussion au Parlement, rappelle que tous les pays, proches ou lointains, occidentaux ou non, doivent craindre les conséquences d’une aggravation. Nous aurons besoin les uns des autres, de nos influences respectives comme de notre capacité à agir dans d’autres parties du globe. Les périls sont nombreux et les ennemis parfois communs.

La gestion par la France de la crise des Mistral a montré sa capacité et sa détermination à oeuvrer efficacement au rapprochement des grandes puissances sur cette question. Ce débat en appelle donc d’autres et cet accord d’autres accords, je l’espère, mais ce chapitre de la relation franco-russe doit se refermer afin de restaurer au plus vite des relations normalisées et respectueuses entre les deux États et d’oeuvrer pour la paix sur le continent et la stabilité dans le reste du monde.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, alors que le Président de la République a jugé utile de ne pas respecter les vingt-six millions de morts grâce auxquels nous sommes ici aujourd’hui en s’abstenant de célébrer le 9 mai sur la Place Rouge l’amitié franco-russe, l’escadrille Normandie-Niemen et ceux qui courageusement résistèrent à l’oppression des peuples européens, voici qu’un nouveau camouflet est infligé à la Fédération de Russie, contre l’intérêt même du peuple français et de la nation française !

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Quelle est la situation exacte en Ukraine ? Premièrement, qui s’étonnera ici de voir le brillant stratège géorgien que fut M. Saakachvili, aux ordres des Américains, aujourd’hui naturalisé ukrainien, gouverner la région d’Odessa ? Imaginerait-on un ancien Premier ministre français gouverner la Catalogne après s’être fait naturalisé espagnol ? C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine sans que le Quai d’Orsay pipe mot !

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Deuxièmement, qui ici s’interrogera sur l’enrichissement personnel de M. Porochenko qui a multiplié sa fortune par trois ou quatre depuis le début de la guerre ? Troisièmement, la Crimée, dont j’entends parler ici, est russe depuis la Grande Catherine, depuis le XVIIIe siècle ! Et depuis son retour à la Russie, le tatar, l’ukrainien et le russe en sont les langues officielles ! Au contraire, que fit M. Porochenko après le coup d’État de Maïdan ? Il interdit les quinze télévisions russophiles sur le territoire ukrainien et proclama avec la Rada que le russe était une langue étrangère ! Les citoyens de ce pays résidant en Ukraine et au Donbass furent dès lors privés de leurs droits essentiels et traités comme des citoyens de seconde zone !

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Observez les Ukrainiens de l’ouest défiler en uniforme SS de la division Galicie, mes chers collègues ! Observez précisément les casques portant l’insigne « 88 » place Maïdan ! La situation est plus complexe que ce que l’on en entend dire ici. Sans le référendum organisé en Crimée, celle-ci aurait connu un bain de sang ! J’ai rencontré là-bas nos homologues, j’ai vu là-bas la population. Je n’y ai vu ni tension ni pays en guerre, mais la paix !

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Quel est le résultat ? Siemens, belle entreprise germanique, vend des turbines à la Crimée ! Quelle est la situation de nos entreprises françaises en Russie ? Nous sommes passés derrière l’Italie en matière d’échanges commerciaux ! Et pendant que les Américains nous font la leçon, General Electric signe des contrats avec la Fédération de Russie ! J’ai toujours respecté votre intelligence, monsieur le ministre, et j’ai cru comprendre que vous entendiez développer le commerce international français, mais c’est exactement le contraire qui se passe aujourd’hui en Russie ! À terme, comme en Iran, nous allons y payer le prix de notre pusillanimité et de notre défaut de vision géostratégique. Les nouveaux trains à grande vitesse ne seront pas construits par Alsthom mais par les Chinois. Est-ce là notre intérêt ?

Nous aurions tout intérêt à nouer un grand partenariat géostratégique sur le continent euro-asiatique, au moment même où les députés de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE siègent à Oulan-Bator, en Mongolie. Nous y avons tout intérêt essentiellement pour deux raisons. La première est que nous avons le même ennemi et je pense tout autant aux tours jumelles frappées en 2001 qu’aux enfants de Beslan massacrés le jour de la rentrée scolaire par des islamistes que tout le monde ici semble oublier alors que les commémorations ont lieu il y a quelques semaines.

Quel est le poison mortel qui gangrène aujourd’hui l’islam sunnite sinon le wahhabisme ? Et qui promeut le wahhabisme sinon la famille régnante des Saoud, qui a fait alliance avec cette secte intégriste il y a plus de deux siècles ? Qui est à l’origine de Daech et qui le finance ? Qui finance aujourd’hui Al-Nosra ? Qui finance ceux-là mêmes qui ne pensent qu’à égorger les chrétiens et éradiquer les églises d’Orient, passerelle unique entre l’Orient et l’Occident ? Qui les finance sinon le Qatar et l’Arabie saoudite ? Dans quel pays peut-on être décapité pour motif religieux sinon en Arabie saoudite où soixante-dix personnes l’ont été publiquement l’an dernier ?

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Et c’est la Russie qui devrait être vouée aux gémonies ? Ce pays qui depuis des siècles nous protège ? S’il n’est qu’un seul événement dont nous devons nous souvenir, je dirai, au risque de susciter vos moqueries, qu’il s’agit de l’invasion mongole du XIIIe siècle dont même le grand Saint-Louis eut peur. C’est la Russie qui nous en a protégés et l’Ukraine était alors un territoire russe comme elle l’a toujours été car il n’a jamais existé d’État ukrainien sinon brièvement pendant la guerre civile. Cet État fut polonais après avoir été lituanien et avant d’être russe. Quant au sud de l’Ukraine, mes chers amis, il était sous le joug mongol avant de passer sous celui de l’empire ottoman, jusqu’à ce que la Grande Catherine ne rende cette terre à la Russie. Ces faits simples, vous semblez les oublier !

Quel est l’autre intérêt de la France à la conclusion d’un grand partenariat ? L’accès aux matières premières. Nous débattons ici en paix et le ventre plein tandis qu’une véritable guerre civile a lieu en Ukraine où toute famille compte des membres dans chacun des deux camps !

Nous aurions tout intérêt à avoir accès aux matières premières de la Sibérie, aux terres rares, à l’or, aux hydrocarbures pour maintenir le niveau de vie des Français.

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Tout à fait ! Mais la France suit la Pologne et les pays baltes.

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Pourtant nous préférons laisser ce vaste espace du continent eurasiatique aux mains de la Chine, supérieure sur le plan démographique.

Venons-en aux Mistral.

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Il y a toutes les raisons d’être inquiets. D’abord, parce que la construction de grandes coques est une spécificité que les Britanniques ont perdue. Il suffit de voir leurs difficultés à monter les deux porte-avions de la classe Queen Elizabeth pour comprendre ce qui est en train de se produire.

Le Mistral, mes chers collègues, pour un bon pilote de chasse – un pilote argentin aux Malouines par exemple –, est une excellente target ! C’est un navire qui ne peut être employé que lorsque l’on dispose de la supériorité aérienne absolue et qu’il n’y a pas de sous-marin dans les parages. Seule une flotte océanique de premier rang peut utiliser ce type de bateau.

Pensez-vous donc que l’argent saoudien, qui financerait l’acquisition des Égyptiens, serait fort utile pour utiliser ce genre de bâtiment ? Au vu de l’avenir démographique et géostratégique du sud de la Méditerranée, la livraison de ce type d’armement à ces pays ne laisse pas de m’inquiéter.

Le Mistral est certes l’un des fleurons de notre industrie, mais il n’est pas nécessaire pour intervenir dans les pays baltes ou en Géorgie, des zones suffisamment continentales ! L’armée et la marine russes, qui disposent de la classe Amiral Gorchkov, n’ont absolument pas besoin de ces bateaux ! L’accord était purement industriel. Il avait l’avantage de nous permettre de maintenir à flots nos chantiers navals et d’avoir une diplomatie enfin indépendante.

Que se passe-t-il sur le continent européen ? Que se passe-t-il aujourd’hui pour notre agriculture accablée de tant de maux ; qui souffre de la directive européenne relative au détachement des travailleurs ; qui souffrira du traité de libre-échange transatlantique – le TAFTA, dont vous ne dites mot, monsieur le ministre – ?

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Qui est la première agriculture européenne désormais ? L’agriculture allemande. L’Allemagne est numéro 1 en Europe pour la production de protéines animales, et grâce à la loi de M. Le Foll, au TAFTA, au verdissement de la politique agricole commune et à nos normes, en particulier sur les nitrates, elle continuera d’être le numéro 1.

Et naturellement, mes chers collègues, vous avez voté en faveur des accords de libre-échange entre la Géorgie et l’Union européenne et entre l’Ukraine et l’Union européenne. Quel aveuglement, quelle inconséquence dans vos décisions ! Il y a donc toutes les raisons, chers collègues, pour que ce type de non-accord, de capitulation, de destruction de la parole de la France, soit rejeté fermement par les députés de la nation.

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Ayant la chance de disposer d’un temps de parole dans ce débat, je peux vous dire que les députés du groupe Les Républicains, et particulièrement ceux qui parmi eux restent des gaullistes, refuseront fermement cet accord.

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Cet accord est une tache pour la parole de l’État français, pour la crédibilité de notre industrie. Désormais, vous ne représentez qu’un mouvement minoritaire au sein la nation – nous le verrons fin décembre. Je redoute qu’un vent de colère ne se soulève en France, un antiparlementarisme destructeur et anti- élites.

En votant ce type d’accord, chers collègues socialistes, vous ne préparez pas l’avenir de nos enfants, vous méprisez l’avenir de nos petits-enfants. Revenez à la raison ! Considérez enfin que la fédération de Russie, cet immense pays du continent eurasiatique, est notre réserve d’avenir en matières premières !

La France est grande lorsqu’elle sait nouer des partenariats qui dépassent le court terme. La France est grande lorsqu’elle dit non aux États-Unis d’Amérique, lors de la seconde guerre du Golfe…

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Rappelez-vous, chers collègues, que les sous-marins américains empêchaient alors nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engins d’accéder à l’eau libre !

Les États n’ont que des intérêts et des partenaires ; ils n’ont pas d’amis. Nous devrions nous en souvenir aujourd’hui.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente, je ne vous cacherai pas ma satisfaction, en tant que députée de la circonscription de Saint-Nazaire, de voir soumis à notre assemblée ce projet d’accord visant à régler le différend entre la France et la Russie sur l’avenir du Vladivostok et du Sébastopol, les deux bâtiments stationnés dans le port de Saint-Nazaire. Presque un an après la date prévue de livraison du Vladivostok, cet accord est un succès pour la diplomatie française.

C’est en janvier 2011, au moment où les chantiers navals connaissaient, il est vrai, un creux d’activité extrêmement inquiétant, que le contrat a été signé. Après un appel d’offres international, la construction de deux BPC de type Mistral était confiée aux chantiers navals STX de Saint-Nazaire, pour le compte de la DCNS. Cette nouvelle fut unanimement saluée à l’époque : elle signifiait la reconnaissance du savoir-faire de nos chantiers navals, et des millions d’heures de travail pour l’écosystème de la filière navale en Pays de la Loire, alors en mauvaise posture.

Il est vrai que la construction de paquebots a toujours été une activité industrielle très fragile et soumise aux événements internationaux, comme l’a montré la baisse des commandes consécutive aux attentats du 11 septembre 2001.

Ce contrat pour la construction de deux BPC en France et deux autres en Russie fut également salué comme ouvrant de nouvelles perspectives de coopération entre la France et la Russie.

En annonçant en novembre 2014, le gel de la livraison des bâtiments à la marine russe et en posant comme préalable à la vente la mise en oeuvre d’un cessez-le-feu et de solutions politiques durables dans le conflit ukrainien, le Président de la République a pris une décision courageuse. La France, fidèle à ses valeurs et à l’indépendance de sa parole, réaffirmait à cette occasion la fermeté de son engagement pour le respect de la souveraineté de l’État ukrainien.

Que n’a-t-on alors entendu ! Que la France risquait de voir sa réputation gravement entachée dans ses relations commerciales avec ses partenaires, que nos chantiers risquaient de connaître des conflits sociaux, qu’il y aurait des conséquences judiciaires, etc. Chacun y allait de son commentaire, comme si, derrière la décision présidentielle, des enjeux diplomatiques supérieurs ne devaient imposer, en toutes circonstances, un minimum de silence !

Aujourd’hui, nous savons que ces dangers sont écartés ; il n’y a pas eu d’impact sur l’emploi. François Hollande a pris cette décision pour des raisons géopolitiques et non commerciales ou industrielles. Les chantiers STX, nos derniers chantiers navals civils, ont parfaitement rempli leur part du contrat, avec le professionnalisme et le savoir-faire dont ils font toujours preuve.

Désormais qu’un accord a été entériné entre la France et la Russie, il convient de trouver une solution rapide pour permettre aux BPC de quitter le port de Saint-Nazaire. Les quais doivent être libérés rapidement, car le carnet de commandes de STX est plein pour plusieurs années – le journal Les Échos a même évoqué « un carnet de commande pléthorique » –, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. STX oeuvre actuellement à la construction de deux navires de croisière, les plus grands paquebots jamais construits au monde, qui devraient être livrés en 2016 et en 2018 à l’Américain Royal Caribbean International ; un autre navire sera livré en 2017 à l’armateur MSC.

La construction de paquebots est un processus qui ne peut souffrir de retard, en phase de construction comme en phase d’armement. Les quais où sont stationnés les BPC sont destinés à l’armement des paquebots. L’accord redonnant à la France la pleine propriété des deux navires, je vous demande de tout mettre en oeuvre pour parvenir à trouver le ou les acquéreurs qui voudront en équiper leur flotte. Le temps presse ! Je note avec satisfaction qu’une délégation égyptienne est venue récemment à Saint-Nazaire. Quelle que soit l’issue des négociations, le départ des BPC doit être envisagé dans les meilleurs délais.

Je souhaite aussi appeler l’attention du Gouvernement sur les conséquences financières pour nos chantiers. Il est impératif de veiller à ce que l’annulation de cette vente à la Russie et l’immobilisation des BPC dans le port n’emportent aucune conséquence financière pour STX.

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Monsieur le ministre, je sais le Gouvernement attaché à tout faire pour garantir la pérennité de nos chantiers, dont l’actionnaire coréen veut se séparer. Sachez que nous restons mobilisés – élus, industriels, salariés, habitants du territoire de Saint-Nazaire –, pour trouver avec vous la meilleure façon de développer la filière navale.

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Vous êtes arrivée au terme de votre temps de parole.

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Je le dis avec force, les chantiers navals ont de l’avenir en France…

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… à l’image de leur diversification dans les énergies marines éoliennes, un gage de réussite au service de notre tissu industriel et de la transition énergétique.

Si l’issue trouvée au différend entre la France et la Russie est satisfaisante, il serait égoïste d’en rester là, au motif que l’emploi a été sauvegardé et que la réputation commerciale de la France n’est pas entachée. En effet, persiste un sujet de préoccupation que l’on ne peut passer sous silence : la situation instable et très préoccupante qui perdure dans l’est de l’Ukraine, voire dans tout le pays.

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Respectez votre temps de parole, madame la députée !

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Monsieur Dhuicq a été interrompu, alors que son intervention était autrement passionnante !

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C’est à moi, chers collègues, de faire ce genre de rappel.

Une phrase, madame la députée.

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Il est insupportable de voir ces morts et ces blessés en Ukraine. Je salue l’action volontaire et constante que vous menez, monsieur le ministre, aux côtés du Président de la République, pour que la voix de la France continue de peser sur la scène internationale, en usant de tous les leviers diplomatiques et économiques, afin de trouver les conditions d’une paix durable.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Vous avez dépassé votre temps de parole de deux minutes. J’ai laissé les orateurs de l’opposition s’exprimer plus longuement que prévu.

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On peut difficilement m’accuser de parti pris, même si parfois ce n’est pas l’envie qui me manque.

La parole est à Mme Chantal Guittet.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous devons saluer l’attitude de la France, qui a pris une décision juste politiquement en ne livrant pas les Mistral. Elle a montré ainsi au monde entier que sa diplomatie était au service de la paix dans le monde, une valeur qui passe avant toute considération économique. Je m’en réjouis.

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La France a su prendre ses responsabilités, en respectant les décisions prises à l’échelle européenne. Elle s’est engagée, comme les autres États membres, à refuser d’autoriser l’exportation de technologies et d’équipements militaires en cas de risque manifeste que le destinataire n’utilise cette technologie de manière agressive.

La décision du Conseil de l’Union européenne excluait les contrats conclus avant le 1er août 2014. Le contrat ayant été signé en 2011, la France n’était pas contrainte par ce texte. Cependant, la décision d’annulation de la vente est conforme aux principes rappelés en préambule de la décision du Conseil de l’Union européenne sur les règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires.

En maintenant cette interdiction, la France montre toute sa

détermination à faire prévaloir les règles et les principes européens dans les négociations qu’elle mène. Quand sont menacés l’ordre et la paix, la France sait agir et se montrer ferme pour que soit respecté le droit international. Une fois de plus, la France s’est montrée résolument européenne.

Nous devons aussi saluer la conclusion de cet accord amiable juste et équilibré, qui permet de sortir d’une situation difficile. Depuis le mois de janvier, des efforts sont menés de part et d’autre pour parvenir à un accord à l’amiable. Toutes les personnes que nous avons auditionnées ont noté, durant les négociations, une intention particulière de la part de nos partenaires russes de mettre tout en oeuvre pour que les choses se passent au mieux et que tout contentieux juridique et politique soit ainsi évité.

Le règlement à l’amiable entre les deux pays permet d’éviter les frais importants liés à une procédure arbitrale, processus toujours très long et à l’issue hasardeuse.

Cette recherche d’accord amiable est un signe très positif qui montre le souhait d’entretenir des rapports commerciaux stables et honnêtes, de préserver les nombreuses relations existantes entre nos pays. N’en déplaise à M. Dhuicq, nos relations économiques continuent de se développer ! J’assistais ce matin, salle Victor Hugo, au colloque organisé par l’association Dialogue franco-russe : les Russes qui y participaient ont indiqué que les entreprises françaises avaient investi plus de deux milliards d’euros en Russie l’année dernière, et que ce mouvement se poursuivait cette année.

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Cela montre aussi la volonté réciproque de ne pas compromettre la poursuite du dialogue avec nos partenaires sous le format dit Normandie.

La France a donc su prendre ses responsabilités au regard de ses engagements commerciaux. Cette façon de faire ne l’a pas affaiblie en matière de vente d’armements – en témoignent les ventes qui ont suivi. Peut-être même sa crédibilité a-t-elle été renforcée.

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D’autres l’ont souligné avant moi, l’accord n’a pas de conséquences économiques. Nous avons des garanties juridiques pour procéder à la revente, et la propriété intellectuelle est protégée.

La Russie a toujours été, est et continuera à être dans l’avenir un partenaire incontournable. Les liens d’amitié sont anciens. En tant que présidente du groupe d’amitié France-Russie, et Bretonne de surcroît…

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…je sais que l’amitié est une construction fragile, qui sait braver les tempêtes. Oui, monsieur Myard, nous sommes sauvés, puisque nous savons braver les tempêtes, ce qui n’est pas nécessairement votre cas !

Exclamations et rires sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord franco-russe reçoit donc tout mon soutien, car il s’agit d’un accord bienvenu, juste et équilibré, conclu dans un esprit de responsabilité, de respect mutuel et de confiance. C’est ainsi que le Gouvernement doit poursuivre sa politique fondée sur le dialogue. Qui dit dialogue dit écoute, compréhension et partage. C’est ainsi que nous préparons l’avenir et le retour à des relations apaisées.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, depuis le général de Gaulle et le début de la Vème République, tous les présidents de la République – de Charles de Gaulle à François Mitterrand et Jacques Chirac – ont eu à coeur de défendre une parole libre et indépendante de la France. Et l’accord que nous examinons aujourd’hui est le signe – le symbole – de la fin de cette politique…

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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…de la soumission totale de votre présidence et de votre gouvernement aux ordres – aux petits ordres – des États-Unis d’Amérique, de la Pologne, des Pays baltes.

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La France n’est plus la France avec vous. Elle a abandonné cette politique, et elle le paye très cher sur la scène internationale. Elle le paye très cher en Syrie, où vous avez été ridiculisés ; elle le paye très cher dans l’affaire du contrôle des frontières, où l’Allemagne vous méprise et vous ridiculise une fois de plus ; elle le paye très cher en Russie et en Ukraine. Oui, c’est bien la première fois qu’un gouvernement obéit aux coups de sifflet des Pays baltes et de la Pologne !

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C’est bien la première fois qu’un gouvernement obéit aux ordres de Bruxelles et de Mme Merkel, qui n’a plus rien à faire de votre parole. C’est une faute stratégique, économique et financière. Une faute stratégique, car vous le savez très bien, la Russie est notre avenir et notre partenaire.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.

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Nous pouvons avoir des désaccords avec Poutine. Mais Poutine passera, la Russie restera, et cela, vous ne l’avez toujours pas compris !

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.

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Vous avez préféré, pour de mauvaises raisons, obéir à un gouvernement ukrainien avec des partenaires racistes, xénophobes – et là, cela ne vous gêne pas ! Vous en êtes même venus à nier la réalité de la Crimée, qui a toujours été russe – et vous le savez très bien.

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Vous menez une politique de « deux poids, deux mesures » : vos amis d’Arabie Saoudite et du Qatar, qui décapitent, financent des mouvements terroristes…

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Je ne l’ai pas cité tout à l’heure dans la liste des présidents de la République gaullistes.

Les intérêts vous font donc oublier les droits de l’homme dans ces pays. En revanche, dès qu’il se passe quelque chose en Russie, le gouvernement français ouvre les yeux et obéit encore une fois aux États-Unis d’Amérique, qui veulent diviser le continent européen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C’est une grave erreur stratégique, d’autant plus qu’elle a des répercussions sur la parole de la France dans le monde. Quelques jours après l’annulation du contrat des Mistral, un ministre allemand en visite en Inde y expliquait qu’il ne fallait pas signer de contrats avec la France, car elle n’avait plus de parole et ne respectait plus ses contrats. Voilà ce que disent vos amis allemands, à qui vous faites confiance et devant lesquels vous êtes soumis, couchés – c’est un terme que je reprends.

La réalité, c’est aujourd’hui cela, et les Français le comprennent. Nous allons donc perdre beaucoup de contrats, puisque la France n’est plus indépendante, qu’elle n’est plus que le petit toutou des Américains – ces derniers lui préfèrent d’ailleurs la Pologne et les Pays baltes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cela veut dire très clairement que vous commettez une erreur stratégique majeure dans un monde multipolaire. La force de la France, c’était son indépendance, qui compensait une taille moins importante que celle des États-Unis ou de la Chine. La voix de la France était respectée ; elle ne l’est plus aujourd’hui.

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C’est une grave erreur économique et financière. Faute économique, avec un coût considérable de plus d’un milliard d’euros, au moment où les Français payent toujours plus d’impôts. Faute morale vis-à-vis des ouvriers de Saint-Nazaire : pas une fois vous n’avez eu un mot pour ces ouvriers qui ont travaillé dur – des millions d’heures de travail…

Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Pas une fois vous n’avez eu de respect pour leur travail, pour celui des ouvriers russes qui ont travaillé avec eux, grâce à un transfert de technologies. Cela n’intéresse personne ici, les ouvriers de Saint-Nazaire !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Pas un mot non plus sur l’augmentation des exportations américaines, qui m’a été confirmée par le Président de la République lors d’un entretien que j’ai eu avec lui. « C’est curieux, lui avais-je dit, les exportations des États-Unis vers la Russie augmentent. »

« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Eh oui ! Autrement dit, les Américains décident, nous faisons chuter nos exportations, et les leurs augmentent. C’est curieux, mais cela n’intéresse personne !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pas un mot sur la chute de nos exportations agricoles, sur la perte de nos marchés, sur ces agriculteurs qui se suicident parce qu’ils n’ont plus rien à manger pour eux-mêmes ! Non, cela n’intéresse pas le Gouvernement de la France !

Quand on est capable de jeter par la fenêtre un milliard d’euros, et plus d’un milliard, au moment où la France se débat au milieu de telles difficultés, où nos concitoyens souffrent, quand on est capable, pour obéir à ses maîtres, d’annuler un contrat, de détruire des bâtiments – parce qu’il va falloir ôter tous les équipements russes…

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…et vous ne chiffrez pas le coût de la réinstallation d’équipements pour revendre ces Mistral, que vous braderez peut-être à vos amis qataris ou saoudiens…

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…car c’est la réalité de votre politique, c’est la fin d’une politique indépendante, c’est un Quai d’Orsay qui n’est plus que l’ombre de lui-même, et c’est une honte pour notre pays !

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

C’est débile !

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La discussion générale est close.

Avant d’appeler dans le texte de la commission l’article unique du projet de loi, je vous indique que je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public sur cet article.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

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J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.

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Deux orateurs sont inscrits sur l’article unique.

La parole est à M. Jacques Myard.

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Monsieur le ministre, comme cela a été dit avec force par nombre de collègues de notre groupe, nous n’approuverons pas cet accord, car nous n’approuvons pas la politique qui a été menée vis-à-vis de la Russie, partenaire incontournable pour l’équilibre européen, ni l’escalade des sanctions qui conduit à l’impasse. Car en réalité, cet accord solde votre échec : l’échec d’une politique aventureuse, d’une politique suiviste, cela a été rappelé. Vous avez en effet été piégé par les ultra-européens dans une politique d’affrontement avec la Russie.

Il ne s’agit pas ici de donner un blanc-seing aux Russes, bien évidemment. Il s’agit de regarder la réalité en face, et de savoir qu’une politique de sanctions à l’égard de la Russie n’a aucune chance – je dis bien aucune chance – d’aboutir à ce que vous souhaitez par ailleurs. Aussi, nous voterons contre cet accord.

En commission des affaires étrangères, vous avez cependant laissé entendre, à ma demande, qu’il fallait aller vers la levée des sanctions. Voilà qui me paraît – enfin ! – aller dans le bon sens, car la politique des sanctions mène à une impasse totale. Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous confirmiez votre volonté, notamment dans le format Normandie, d’entamer enfin une politique de levée des sanctions pour reprendre le cours « normal » de l’histoire avec ce grand partenaire qu’est la Russie, tant en matière économique qu’en matière géostratégique, notamment dans la lutte contre le terrorisme, et aussi parce que nous avons des intérêts intellectuels et culturels très forts en commun avec la Russie. La Russie est francophile et – ne l’oublions pas – elle est une puissance d’équilibre en Europe.

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Monsieur le ministre, j’interviens comme député du Mouvement républicain et citoyen pour dire que je n’approuverai pas cet accord. Je m’abstiendrai, car je considère que cet accord est perdant sur le plan économique, mais aussi sur le plan politique.

Perdant sur le plan économique, parce que nous allons verser un milliard d’euros en indemnisations à la Fédération de Russie. En outre, et malgré toutes les précautions qui ont été prises, monsieur le ministre, il demeure que c’est un mauvais coup porté à une filière, à des entreprises, à des emplois.

Perdant sur le plan politique, car en refusant de céder les deux Mistral promis avec l’objectif affiché de sanctionner la Russie, la France a choisi en septembre dernier le parti pris dans le conflit ukrainien plutôt que la médiation et l’apaisement. Un an plus tard, la fragilité du cessez-le-feu et l’absence de perspectives donnent tort à cette stratégie. La crise ukrainienne et ses suites constituent un cas complexe, qui procède de provocations répétées de part et d’autre, et non d’une simple volonté expansionniste russe. L’application aujourd’hui imparfaite des accords de Minsk 2 – dont il faut se féliciter – témoigne d’une responsabilité à tout le moins partagée entre le Gouvernement et les forces pro-russes. Cette situation ne sert que ceux qui ont intérêt à un scénario de retour à la Guerre froide, pourtant éteinte depuis plus de vingt-cinq ans, qui risque de contribuer à pousser la Russie dans les bras de la Chine. Ce n’est pas l’intérêt de la France.

Il est donc nécessaire que la France fasse évoluer sa stratégie à l’égard d’un pays auquel l’unissent des liens historiques si forts. Honorer cette parole sur le strict plan commercial eût été un premier pas bienvenu. Il convient également que l’Union européenne envisage enfin la levée des sanctions économiques, dont l’effet est quasi nul sur la situation en Ukraine, mais bien réel sur nos exportations. Voilà pourquoi je m’abstiendrai lors du vote.

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Monsieur le ministre, il y a toutes les raisons pour que les parlementaires qui siègent ici, quelle que soit leur obédience politique, rejettent ce texte. C’est un mauvais coup géostratégique porté au continent eurasiatique, au moment même où l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, se réunit à Oulan-Bator. C’est un mauvais coup porté à celles et ceux qui luttent pour la liberté dans le monde, en particulier aux côtés des chrétiens d’Orient que l’on égorge aujourd’hui. C’est un mauvais signe, parce que vous soutenez par là même uniquement des régimes étroitement alliés à cette secte redoutable qu’est le wahhabisme. C’est un mauvais signe qui est donné à nos ouvriers et à nos ingénieurs pour le maintien de compétences techniques de haut niveau que nous risquons de perdre en Europe, au moment même où la marine nationale est présente sur cinq théâtres d’opérations, alors qu’elle est formatée pour deux. C’est un mauvais signe qui est donné à nos enfants et petits-enfants. L’ensemble des députés du groupe Les Républicains et tous ceux qui pensent encore aujourd’hui que la nation est un beau mot et qu’elle a un avenir rejetteront fermement cet accord. Nous prenons acte pour l’histoire !

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Le groupe socialiste votera bien sûr en faveur de l’approbation de l’accord. Il félicite le Gouvernement d’être parvenu à cet accord et rappelle que pour qu’il y ait un accord, il faut que les deux parties en conviennent. La France et la Russie étaient donc d’accord et ont parlé d’une même voix sur ce dossier. Que chacun s’en souvienne au-delà des propos que nous avons entendus !

Nous félicitons une fois encore le ministre des affaires étrangères et le Président de la République d’être parvenus à cet accord et de conduire une politique équilibrée et indépendante qui fait l’honneur de la France.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 23 Nombre de suffrages exprimés: 21 Majorité absolue: 11 Pour l’adoption: 13 contre: 8 (L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures trente-cinq.

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L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son protocole de Kyoto concernant la vingt et unième session de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la onzième session de la conférence des parties agissant comme réunion des parties au protocole de Kyoto et les sessions des organes subsidiaires (nos 2943, 3062).

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur,

mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement, en application de l’article 53 de la Constitution, a l’honneur de vous soumettre aujourd’hui, après l’avoir présenté au Sénat, qui l’a adopté, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord signé entre notre pays et le Secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son protocole de Kyoto.

Cet accord a pour objet la tenue de la vingt et unième session de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ainsi que la onzième session de la conférence des parties agissant comme réunion des parties au protocole de Kyoto et les sessions des organes subsidiaires, événement plus connu sous le nom de « COP21CMP11 » ou « Conférence Paris Climat 2015 », qui se déroulera du 30 novembre au 11 décembre 2015 sur le site de Paris-Le Bourget.

Signé par le Secrétariat de la convention-cadre puis par le gouvernement français à Paris le 20 avril 2015, il est de nature essentiellement technique : il fixe le cadre des relations entre la France et le Secrétariat et définit les modalités pratiques d’organisation de la Conférence. Ces enjeux pratiques sont déterminants pour la réussite de la Conférence.

Comme le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler la semaine dernière, l’enjeu de cette conférence est sans précédent : les 196 délégations concernées doivent adopter un nouvel accord sur le climat qui prendra le relais du protocole de Kyoto à compter de 2020, et sera applicable à tous les pays, dans l’objectif de contenir le réchauffement climatique en deçà de 2 degrés.

Les enjeux pour la vie des populations et des territoires, des biosystèmes en général, sont tels que nous n’avons pas le droit à l’échec. L’accord de Paris devra, en outre, poser les jalons d’une transition vers des économies bas carbone, permettre des avancées sur le financement de la lutte contre le dérèglement climatique et ouvrir des opportunités de création d’emplois.

À ce titre, les initiatives sectorielles des différentes composantes de la société civile contribueront à l’élaboration d’un « agenda des solutions » qui viendra utilement compléter les engagements des États.

La responsabilité de notre pays est double. Il s’agit, d’une part, d’accueillir pendant deux semaines, dans les meilleures conditions, des milliers de délégués et d’observateurs sous les auspices de l’Organisation des Nations unies ; et, d’autre part, de jouer pleinement le rôle de facilitateur auprès des parties prenantes pour la conclusion d’un accord universel et contraignant pour maintenir l’augmentation de la température globale en deçà de 2 degrés.

C’est en vertu de sa responsabilité d’hôte de la Conférence que la France a conclu avec le Secrétariat cet accord soumis aujourd’hui à votre approbation par le projet de loi correspondant. L’accord définit l’ensemble des règles, conditions et modalités liées à l’organisation et l’accueil de la Conférence sur le territoire français. Il comporte des dispositions matérielles, techniques, logistiques et financières, ainsi que des dispositions relatives aux privilèges et immunités, à la responsabilité des parties, ou encore au règlement des différends éventuels.

En ce qui concerne les enjeux financiers, un budget de 179 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 43,5 millions d’euros de crédits de paiement a été ouvert en loi de finances pour 2015 sur le programme 341, intitulé « Conférence Paris Climat 2015 », pour couvrir les coûts de l’événement. Ce budget est complété par des contributions de mécènes – des entreprises privées – et de partenaires – des acteurs publics –, en nature ou en numéraire, qui permettront de couvrir environ 20 % du coût total de l’événement.

L’accord prévoit notamment, en son article 11, le versement d’un budget de 6 millions d’euros au Secrétariat, correspondant au surcoût estimé induit par l’organisation de la conférence au Bourget plutôt qu’à Bonn, où le Secrétariat a son siège. Ce budget de 6 millions couvre, notamment, les frais d’hébergement et les indemnités versées au personnel des Nations unies mobilisé pour la Conférence. Bien évidemment, le Secrétariat fournira au Gouvernement français, avant le 31 août de l’année prochaine, un rapport financier sur les dépenses effectives provoquées par l’organisation de la Conférence hors de son siège, ce qui permettra, le cas échéant, d’ajuster le montant qui sera effectivement versé par la France.

Une négociation poussée a permis à notre pays de réduire de près d’un million d’euros les demandes initiales du Secrétariat, ce qui représente un effort important. Par ailleurs, l’administration française a obtenu que ce budget soit versé en euros plutôt qu’en dollars américains, ce qui a permis d’annuler tout risque financier lié aux fluctuations du taux de change entre les deux monnaies.

À ce budget prévisionnel s’ajouteront les dépenses liées à l’organisation matérielle de la Conférence elle-même, dans le respect du cahier des charges fixé par l’ONU.

Le site de la Conférence correspond à une superficie totale de 160 000 m2. Il accueillera près de 40 000 participants – environ 20 000 participants accrédités et 20 000 visiteurs dans les « espaces Générations climat » –, auxquels s’ajouteront les nombreux journalistes qui couvriront l’événement. Il sera découpé en deux zones : une « zone bleue » dans laquelle auront lieu les négociations, et une zone destinée à la société civile, accessible à un large public, et intitulée pour l’occasion « espaces Générations climat ».

L’accord dresse pour l’essentiel la liste des prestations matérielles et de service attendues du Gouvernement français, notamment en ses articles 3, 5 à 8 et dans une partie des annexes.

Il pose également, en son article 4, le principe de « neutralité climatique » de cette conférence. À l’évidence, une conférence relative au changement climatique ne saurait contribuer au phénomène qu’elle vise à réguler et à endiguer ! Le Gouvernement doit donc réduire et compenser les émissions de gaz à effet de serre liées à l’accueil de la Conférence.

Cette exigence est au centre des préoccupations du Secrétariat général chargé de préparer et d’organiser la Conférence – le secrétaire général est du reste présent à mes côtés aujourd’hui. Pour parvenir à la « neutralité climatique » de la Conférence, un marché public a été conclu afin de calculer le bilan des émissions de gaz à effet de serre liées à l’accueil de l’événement.

En outre, les organisateurs mettent tout en oeuvre pour limiter l’impact de l’événement sur le plan des consommations de ressources naturelles – eau, énergies, déchets. L’objectif est d’organiser une conférence exemplaire. Un processus de certification dans le cadre de la norme dite « ISO 20121 » a été engagé à cette fin.

Par ailleurs, nous ne devons pas négliger les enjeux sécuritaires de la Conférence, traités dans l’article 9 et l’annexe XII. Dans un contexte international très préoccupant où, vous le savez, notre pays est une cible pour le terrorisme, il convient de déployer un dispositif de sécurité à la hauteur de cet événement diplomatique mondial.

Les responsabilités de chaque partie ont à cet égard été définies avec rigueur, précision et exigence. La zone de conférence du Bourget, dite « zone bleue », sous statut d’inviolabilité, sera placée sous la responsabilité du département de la sûreté et de la sécurité de l’ONU – les autorités françaises n’interviendront que sur réquisition –, tandis que l’extérieur des locaux de la Conférence, zone de droit commun, restera sous la seule responsabilité du Gouvernement français. Le dispositif de sécurité reposera sur une extension, par décret, des compétences de la préfecture de police sur le site du Bourget pour toute la durée de l’événement.

Le dispositif de sécurité s’articulera autour de trois périmètres et inclura divers volets relatifs à la gestion de l’ordre public, à la gestion de la circulation, ou encore à la sécurisation des transports ferroviaires. Il faudra également compter sur le concours de l’autorité militaire pour la prise en compte de certains points sensibles, en particulier les réseaux d’eau, d’énergie et de télécommunications.

Là encore, la recherche d’efficience permettra de réduire les coûts engendrés par la mise en oeuvre de cet important dispositif de sécurité.

Permettez-moi d’en venir plus précisément à la question des privilèges et immunités évoquée à l’article 10.

En vertu des conventions internationales en vigueur, les représentants des États parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et des parties au protocole de Kyoto, les représentants des États observateurs, les représentants de l’Organisation des Nations unies et de ses institutions spécialisées bénéficieront d’immunités de juridiction et de diverses facilités, notamment liées à l’entrée sur le territoire français. Bien évidemment, ces immunités sont fonctionnelles et ne sauraient être considérées comme un avantage accordé à titre personnel.

Un mot en ce qui concerne les autres personnes accréditées. Il s’agit essentiellement du personnel technique mis à disposition par le Gouvernement, des représentants des organisations ayant le statut d’observateur – environ 1 600 organisations non gouvernementales et une centaine d’organisations intergouvernementales – et des « autres personnes invitées par le Secrétariat ». Ces personnes bénéficieront d’une immunité de juridiction pour ce qui concerne les propos et actes accomplis par elles dès lors qu’ils seront en rapport avec leur participation à la Conférence.

Elles disposeront par ailleurs de facilités d’entrée sur le territoire, notamment la gratuité du visa de court séjour et un allégement des formalités.

La France a par ailleurs négocié une clause destinée à prévenir l’abus des immunités et privilèges, en rappelant qu’ils ne sont accordés que pour assurer le bon déroulement de la Conférence et qu’ils peuvent être levés dans tous les cas où ils seraient susceptibles d’entraver le cours de la justice. Cette dernière formulation, large et non restreinte à des cas limitativement énumérés, laisse la possibilité aux autorités françaises d’apprécier les éventuels contentieux pour lesquels une levée d’immunité serait nécessaire.

Enfin, les participants non accrédités se verront appliquer les dispositions de droit commun.

Mesdames et messieurs les députés, vous l’avez compris, vous le savez, cet accord est absolument indispensable à la tenue de la COP21CMP11. Il n’appelle aucune modification du droit interne français. Il n’y aura, en principe, pas davantage de mesures d’application d’ordre législatif ou réglementaire : certaines modalités d’application de l’accord pourront, le cas échéant, être arrêtées par arrangement administratif entre les autorités françaises compétentes et le Secrétariat de la Conférence.

Conformément à son article 16, il entrera en vigueur lorsque le Gouvernement de la République française informera, par écrit, le Secrétariat de la Conférence de l’accomplissement des procédures requises pour son entrée en vigueur. Aux termes de l’article 1er, des réunions se tiendront à compter du 23 novembre 2015. Le présent accord doit donc impérativement entrer en vigueur avant cette date. Il demeurera en vigueur pendant toute la durée de la Conférence, de même que, par la suite, pour la durée nécessaire au règlement de toutes questions afférentes à l’une quelconque de ses dispositions.

Tel est l’objet de l’accord que le Gouvernement a l’honneur de soumettre à votre approbation et qui conditionne le bon déroulement de la Conférence de Paris pour laquelle le Président de la République, la diplomatie française et tout le Gouvernement, ainsi que la représentation nationale, sont totalement engagés. Je vous remercie.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, dans deux mois, la communauté internationale aura à Paris rendez-vous avec son destin. Saura-t-elle unir ses forces et ses volontés pour adopter un accord ambitieux, juridiquement contraignant et applicable à tous les États du monde afin de maintenir le réchauffement de notre planète en deçà de 2 degrés en fin de siècle, ou bien échouera-t-elle, victime d’égoïsmes récurrents et autres calculs de courte vue ?

L’enjeu est immense : ce n’est ni plus ni moins de l’avenir de la vie dont il est question. Une planète dont la température se serait réchauffée de 5 à 6 degrés ne serait plus la même et ce de manière irréversible. Nous sommes le dos au mur, contraints par une impérieuse obligation de résultat. Il n’existe aucun plan B car, comme cela a été dit, il n’existe pour l’humanité aucune planète B.

C’est dire la responsabilité qui pèse sur l’ensemble des gouvernements à l’approche de ce moment de vérité. Et plus encore sur le gouvernement français, à qui il revient de présider la vingt-et-unième Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui se déroulera au Bourget entre le 30 novembre et le 11 décembre prochains. Voilà deux ans en effet, lors de la COP19, à Varsovie, notre pays a été désigné comme hôte de cette vingt-et-unième session, celle qui, après l’échec de Copenhague en 2009, puis les rebonds de Durban en 2011 et de Doha en 2012, doit aboutir à l’adoption d’un accord universel et contraignant, posant les jalons de la transition vers des économies bas-carbone et prenant le relais du protocole de Kyoto à compter de 2020.

Tout doit être fait pour que la Conférence Paris Climat 2015 soit un succès. Le Gouvernement s’y emploie avec courage et énergie. Je tiens à saluer l’engagement passionné et déterminant de Laurent Fabius et de Ségolène Royal. Notre Assemblée également se bat et travaille, sous la houlette en particulier de notre collègue Jean-Paul Chanteguet, le président de la commission du développement durable, que je salue également.

Réussir la Conférence Paris Climat 2015, cela requiert, outre le combat des idées et de la diplomatie, le vote du projet de loi autorisant la ratification de l’accord signé les 27 mars et 20 avril derniers entre la France et le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. C’est pour cela que nous sommes réunis ce matin dans l’Hémicycle.

La Conférence Paris Climat 2015 est le plus grand événement diplomatique accueilli en France et certainement aussi l’une des plus grandes conférences climatiques et diplomatiques jamais organisées. Ce sont au bas mot 40 000 participants qui sont attendus, parmi lesquels 20 000 personnes accréditées par les Nations unies.

L’organisation de la Conférence est à la charge de la France, qui doit pour ce faire respecter un cahier des charges exigeant fixé par l’ONU. La Conférence représente pour notre pays un coût de 187 millions d’euros. Pour y faire face, les moyens de la mission « Action extérieure de l’État » ont été accrus l’an dernier. Un programme spécifique, le programme 341, a été introduit dans le projet de loi de finances pour 2015. Les crédits budgétaires ouverts en loi de finances initiale s’élèvent à 179,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 43,5 millions d’euros en crédits de paiement, ceci s’expliquant par le fait que la Conférence intervenant en fin d’année, l’essentiel des dépenses seront effectuées sur le budget 2016.

Comment se ventilent ces 187 millions d’euros ? Le coût de la préparation et du suivi de la Conférence s’élève à 20,5 millions d’euros : 4 millions sont destinés à financer les dépenses liées aux réunions qui précéderont et suivront la Conférence ; 16,5 millions concernent les dépenses du secrétariat général ainsi que celles de l’équipe de négociation et de communication.

Il est à noter que la France versera 6 millions d’euros au Secrétariat de la Conférence afin de compenser le surcoût dû au fait que cette conférence se tient à Paris et non à Bonn, où se trouve le siège de l’organisation. Près de 85 % des crédits engagés, soit 151 millions d’euros, couvrent l’ensemble des dépenses nécessaires au bon déroulement de la manifestation. La location du parc des expositions du Bourget coûte ainsi 13,2 millions d’euros, l’aménagement du « Village de la conférence » 51,1 millions d’euros, le fonctionnement des espaces 79,2 millions d’euros et les frais relatifs aux transports et déplacements locaux 7,2 millions d’euros.

Des moyens non budgétaires sont également prévus. Le Gouvernement entend couvrir 20 % du coût de l’organisation de la Conférence par des contributions financières émanant de mécènes privés, versées sur un fonds de concours rattaché au programme 341 qui devraient atteindre près de 3 millions d’euros. Des contributions en nature sont également attendues, contribuant de fait à une diminution de la dépense totale. Elles sont valorisées à hauteur de 13 millions d’euros et peuvent prendre diverses formes : billets d’avion gratuits, non-facturation de certaines prestations, gestion gracieuse du nettoyage du site – c’est un point important – ou encore mise en place d’une flotte de véhicules électriques avec chauffeur pour compléter le schéma global de transports de la Conférence.

L’essentiel des dispositions de l’accord qui nous est soumis définissent les obligations du gouvernement français. Sont ainsi précisés dans le détail les moyens logistiques que le Gouvernement doit mettre gratuitement à la disposition du Secrétariat de la Conférence. Un fonctionnaire de liaison doit être désigné pour mettre en oeuvre avec le Secrétariat l’ensemble des dispositions en matière administrative et de personnel. Il revient au Gouvernement de fournir et de rémunérer le personnel local et le personnel technique placé sous l’autorité du Secrétariat de la Conférence. Le Gouvernement doit également s’assurer que les espaces, locaux, équipements et services fournis soit climatiquement neutres.

À ce propos, notre pays entend être exemplaire et s’est notamment engagé dans une démarche de certification ISO 20121 qui permet aux organisateurs d’événements d’envergure d’intégrer le développement durable dans leurs activités.

L’accord liste les personnes auxquelles la Conférence est ouverte. Y auront accès les représentants des parties à la Convention et au protocole, les représentants des États observateurs, ceux de l’Organisation des Nations unies, de ses institutions spécialisées et de l’Agence internationale de l’énergie atomique, ainsi que les représentants des organisations ayant le statut d’observateur et toutes les personnes invitées par le secrétariat. Tous les participants accrédités jouissent de privilèges et d’immunités, qui s’appliquent aux réunions d’avant-session autant qu’à la Conférence elle-même. Ces privilèges et immunités consistent en une immunité de juridiction ainsi qu’en diverses facilités, notamment en ce qui concerne l’entrée sur le territoire français. Les locaux de la Conférence auront le statut de locaux des Nations unies et seront à ce titre inviolables.

L’accord comprend enfin des dispositions importantes en matière de sécurité. Il prévoit notamment les modalités de coordination entre le gouvernement français et le département de la sûreté et de la sécurité de l’Organisation des Nations unies, et répartit les responsabilités dans ce domaine entre l’ONU, pour ce qui concerne les locaux de la Conférence eux-mêmes, et le gouvernement français à l’extérieur de ces locaux. Le règlement d’éventuels différends relatifs à l’application de l’accord est confié à une procédure arbitrale conforme aux règles de la Cour permanente d’arbitrage relative à ce type de litiges.

Voilà, pour l’essentiel, l’économie de cet accord sur lequel le Sénat s’est déjà favorablement prononcé le 7 juillet dernier. Il revient à l’Assemblée nationale d’en faire de même. J’estime, en ma qualité de rapporteur, cet accord indispensable à la tenue et à la réussite de la Conférence Paris Climat 2015 et je vous invite, mes chers collègues, à l’approuver en adoptant le projet de loi qui nous est présenté ce matin par le Gouvernement.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Denis Baupin.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’état, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, ce texte, qui n’est sans doute pas de nature à susciter la polémique, nous permet de saluer le professionnalisme des équipes qui sont actuellement occupées à organiser la COP21. Je salue en particulier son secrétaire général, M. Guignard, ici présent, et l’important travail effectué depuis plusieurs mois, en coordination avec l’ensemble des acteurs, pour faire en sorte que cette conférence se déroule dans les meilleures conditions possibles.

Je salue également la place qui est donnée à la société civile dans cette organisation. J’ai participé à un certain nombre de COP et j’ai pu constater que, bien souvent, les réunions des ONG se tiennent à plusieurs kilomètres, voire plusieurs dizaines de kilomètres des sites, ce qui rend beaucoup plus difficile la participation de toutes les organisations aux débats. Le fait d’avoir rassemblé l’ensemble des acteurs sur un même lieu est un élément important de succès pour la COP21.

Je salue naturellement l’engagement du Président de la République et de tous les ministres, en particulier Ségolène Royal et Laurent Fabius, en faveur de la réussite de la COP.

Puisque nous sommes à quelques mois de la tenue de cette conférence et que le texte en lui-même ne soulève pas de questions majeures, je centrerai mon propos sur le contenu de la COP et sur la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. D’après les indicateurs, l’année 2015 sera probablement l’une des plus chaudes, si ce n’est la plus chaude, que nous ayons jamais connue et, selon les météorologues, il en sera sans doute de même de l’année 2016.

Les conséquences concrètes du dérèglement climatique sont déjà palpables : montée des eaux, fonte des glaces, incendies en Californie, sécheresses qui s’accumulent, risque d’un phénomène El Nino particulièrement grave cette année mais, aussi, question des réfugiés.

On parle aujourd’hui beaucoup de cette dernière en raison des conflits mais, dans un certain nombre d’endroits, notamment en Syrie, chacun sait que les sécheresses des années précédentes peuvent avoir eu un impact.

En tout état de cause, il est probable que ce que nous vivons aujourd’hui, malheureusement, ne soit qu’une petite répétition générale par rapport à ce que pourrait être le drame des réfugiés climatiques si nous ne parvenons pas à enrayer ce dérèglement.

Malgré tout, je salue les étapes progressivement franchies dans la préparation de la COP : nous sommes de plus en plus optimistes quant à la perspective de conclusion d’un accord.

De la même manière, un certain nombre d’États ont annoncé des engagements financiers – dont la France, qui s’est engagée à accroître le sien.

Je salue l’accord intervenu hier entre des villes des États-Unis et de Chine qui se sont engagées à aller bien au-delà des prévisions de leur propre gouvernement.

Je salue également l’évolution de la situation en Australie et le remplacement d’un Premier ministre climato-sceptique, la population et la majorité politique considérant que, face aux conséquences du dérèglement climatique, il était temps de changer de politique. Espérons que cela se traduira concrètement par un engagement plus important de ce pays dans la négociation.

De plus, nous, parlementaires, devons faire évidemment en sorte de contribuer au succès de cette conférence et appeler nos concitoyens à la mobilisation. Il est en effet très important que les chefs d’État réunis lors de cette conférence internationale à la fin de l’année sachent que leur peuple les accueillerait très désagréablement à leur retour s’ils revenaient les mains vides. Ils ont une responsabilité : « mettre la pression ».

Nous-mêmes, en France, devrons prendre nos responsabilités, notamment lors des manifestations des 28 et 29 novembre, afin que la population s’exprime fortement et que le succès soit au rendez-vous.

Précisément, que serait un succès ?

Que les États s’engagent à rester en deçà de l’augmentation de deux degrés du réchauffement climatique. On ne va pas se voiler la face : à ce jour et compte tenu des annonces qu’ils ont faites, nous ne pouvons pas encore certifier et garantir un tel engagement. Cela constitue évidemment une préoccupation importante. La mobilisation de la diplomatie française pour faire en sorte que les uns et les autres multiplient leurs efforts est extrêmement significative.

Néanmoins, si l’accord ne permet pas une telle garantie, il importe d’ores et déjà qu’il inclue des mécanismes permettant de réviser ces engagements de façon régulière, par exemple tous les cinq ans.

Je sais qu’un débat est en cours pour savoir si une telle révision doit intervenir tous les cinq ou tous les dix ans mais, franchement, lorsque l’on est confronté à un phénomène aussi grave pour l’avenir de l’humanité, il est évident qu’elles doivent être les plus régulières possibles, l’échéance de cinq ans étant déjà relativement lointaine au rythme de l’évolution des choses.

Outre les engagements en matière de réduction des émissions, cet accord doit comporter des engagements en matière d’adaptation.

Nombre de pays les plus immédiatement concernés par les dégâts causés par le dérèglement climatique ne sont pas les principaux émetteurs de gaz à effet de serre mais ils en seront les premières victimes.

Non seulement les catastrophes climatiques pourraient avoir lieu chez eux, mais ils sont mal préparés pour y résister. L’effort d’adaptation et l’aide financière dont ils ont besoin sont considérables. Il s’agit d’une clé essentielle si nous voulons que l’ensemble des pays de la planète puisse s’engager.

La question financière est donc directement liée à cet engagement sur l’adaptation. Je sais que le Président de la République, comme le ministre des affaires étrangères, président de la COP, ont appelé l’attention sur ce sujet à de nombreuses reprises.

Toujours sur cette question, je souligne qu’outre l’engagement de 100 milliards de dollars annuels au-delà de 2020, il importe de savoir comment la finance prendra ou non en compte le problème du dérèglement climatique.

La question de la décarbonisation de la finance est vraiment essentielle si nous voulons réussir à changer le modèle dans lequel notre mode de développement nous entraîne.

Toutes les campagnes en cours en faveur du désinvestissement dans les énergies fossiles et du réinvestissement dans l’économie verte ont une importance évidemment considérable.

En effet, ce ne sont pas des centaines mais, sans doute, des milliers de milliards qui sont directement concernés. Les 100 milliards de l’accord sont évidemment importants mais, plus globalement, l’impact sur l’ensemble de la finance doit être sensible.

Avec Arnaud Leroy, nous avons agi pour faire en sorte que la loi sur la transition énergétique contienne des engagements afin que l’empreinte carbone dans la finance soit désormais évaluée pour tous les investisseurs institutionnels. Il s’agit là d’un élément important, cette loi ayant été ainsi saluée dans le monde comme l’une des plus avancées si ce n’est la plus avancée.

Je le dis à cette occasion : nous attendons le décret d’application de cet article. Avec Arnaud Leroy, nous avons adressé hier un courrier à Ségolène Royal et à Michel Sapin à propos de nos attentes afin que ce décret soit le plus efficace possible.

À cette occasion également, je souhaite évoquer une proposition soutenue par les Brésiliens s’agissant des questions financières.

On parle beaucoup de la définition d’un prix du carbone, ce qui est essentiel, mais des mécanismes peuvent être équivalents et encore plus positifs – ce que nos collègues brésiliens appellent le positive pricing : il s’agit de donner des certificats à ceux qui font des efforts afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre – énergies renouvelables, rénovations thermiques de bâtiments, transports collectifs, etc. Il s’agit donc de valoriser la réduction du carbone.

Ce message très positif peut très largement contribuer au grand transfert de moyens financiers nord-sud dont nous avons besoin afin de contribuer à lutter contre le dérèglement climatique.

De notre point de vue, il importerait que l’accord de la COP 21, en fin d’année, mentionne cette valorisation sociale, donc, économique de la réduction du carbone et que l’on y travaille dans les prochaines années.

Le succès de cette COP implique également l’exemplarité française. Nous avons commencé à la mettre en pratique avec la loi sur la transition énergétique, dont les objectifs sont historiques, en rupture claire avec le modèle existant.

En effet, nous considérons dorénavant que l’efficacité énergétique doit primer sur la consommation et qu’il faut sortir des vieilles énergies de stock comme le charbon, le pétrole, le gaz, l’uranium, pour passer aux énergies renouvelables qui, seules, peuvent nous permettre d’affronter le XXIe siècle.

La fin du soutien à l’exportation du charbon constitue un signal très positif confirmé par le Président de la République et le Premier ministre voilà quelques jours.

Il en est de même de la mise en place d’une fiscalité carbone progressive – nous attendons évidemment que la loi de finance traduise les engagements de la loi sur la transition énergétique, de même que tout ce qui doit favoriser concrètement l’application de cette dernière loi, décrets, mise en oeuvre progressive, ordonnances dont nous avons besoin pour développer plus encore les énergies renouvelables et pour mettre en place une politique d’efficacité énergétique encore plus rapide.

À ce propos, nous sommes inquiets quant aux certificats d’économie d’énergie, dont le Gouvernement doit soutenir plus encore la mise en place.

Il convient également de donner des feuilles de route à toutes les entreprises énergétiques dans lesquelles l’État est présent telles que EDF, Engie, Areva, mais aussi les entreprises de transport telles que la RATP, la SNCF ou les constructeurs automobiles tels que Renault ou Peugeot afin qu’ils soient au rendez-vous de la lutte contre le dérèglement climatique et donc que leurs produits soient de plus en plus compatibles avec elle.

Je conclus, monsieur le président.

Nous avons besoin que la France soit au rendez-vous, nous avons besoin que l’Europe soit au rendez-vous. Des efforts doivent encore être accomplis en matière de pilotage énergétique mais nous avons confiance : si nous mettons les moyens, nous démontrerons à la fin de l’année que ce qui est bon pour l’environnement est bon pour l’emploi, le pouvoir d’achat et… la paix car le prix Nobel du GIEC est celui de la paix et ce n’est pas pour rien.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, il est des rapports qui suscitent de la violence et des propos excessifs comme nous avons pu le vérifier avec la discussion de celui sur l’accord franco-russe…

Sourires

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… et d’autres génèrent consensus et climat pacifique, ce qui est plutôt agréable, je tenais à le dire en préambule.

Notre pays, la France, accueillera du 30 novembre au 11 décembre 2015 la plus grande conférence internationale jamais organisée sur son territoire : la vingt et unième Conférence des Parties avec la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, dite « COP 21 ».

Ses objectifs sont très ambitieux compte tenu des désordres climatiques que nous observons dans le monde – je ne reviens pas sur ce sujet, les drames que nous avons en mémoire nous obligent à agir le plus rapidement possible et à parvenir à l’adoption d’un premier accord universel, juridiquement contraignant, dans l’objectif de maintenir l’augmentation de la température globale en deçà de 2 ° C.

Cet accord doit prendre le relais du protocole de Kyoto à compter de 2020 tout en incluant les États-Unis et les grands États émergents dans la lutte contre les changements climatiques.

La France souhaite également que l’accord de Paris permette des avancées quant au financement de la lutte contre le dérèglement climatique et que cette lutte soit moins envisagée comme un « fardeau » à partager – c’était la conclusion de Denis Baupin tout à l’heure – que comme une opportunité de création d’emplois et de nouvelles richesses.

À ce titre, les initiatives sectorielles des différentes composantes de la société civile contribueront à l’élaboration d’un « agenda des solutions » qui viendra compléter les engagements des États.

Comme il s’agit d’une conférence des Nations Unies accueillie sur le territoire national, son organisation requiert l’établissement d’un cadre de relation entre le Gouvernement français et l’instance de l’Organisation des Nations Unies chargée du secrétariat des négociations climatiques.

Dans cette perspective, un accord a donc été signé par le secrétariat de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et sur le Protocole de Kyoto à Bonn le 27 mars 2015 et par le Gouvernement français à Paris le 20 avril 2015, cela a été rappelé.

Cet accord est de nature essentiellement technique, certes – il définit les modalités pratiques d’organisation de la conférence – mais même dans les domaines diplomatiques, les aspects matériels, les éléments concernant l’organisation sont importants. Rien ne doit être négligé afin de favoriser sa réussite.

Parmi les 16 articles qu’il contient, la négociation entre le Secrétariat de la Convention des Nations Unies contre la corruption – la CCNUCC – et le Gouvernement a porté essentiellement sur trois points.

D’abord, la question des immunités notamment car il était nécessaire de préciser la portée de celles des participants non couverts par les conventions internationales existantes afin de les limiter à ce qui est strictement nécessaire pour permettre le déroulement de la conférence mais, aussi, éviter tout abus et d’en permettre la levée au cas où cette immunité entraverait le cours de la justice. Nous sommes très attentifs à ces aspects, monsieur le secrétaire d’État.

La négociation a également porté sur les questions financières afin de réduire le budget prévisionnel que le Gouvernement français devra verser au Secrétariat compte tenu du surcoût entraîné par l’organisation de la Conférence au Bourget plutôt qu’à Bonn, cela a été également dit. Ces échanges ont permis de réaliser une économie d’environ un million d’euros par rapport au budget initialement établi.

La négociation, enfin, a porté sur les questions de responsabilité, celle de la France étant double : outre la responsabilité de faciliter les négociations, elle doit également accueillir les participants dans les meilleures conditions de travail, de transports et d’hébergement.

Au final, l’accord comprend des dispositions techniques destinées à préciser les modalités de l’organisation de la COP 21, des dispositions plus spécifiquement destinées à définir le rôle de chacune des parties et des dispositions relatives aux privilèges et immunités de chaque catégorie de participants.

Dans son ensemble, cet accord devrait permettre – nous sommes confiants – le bon déroulement et la réussite de la prochaine COP 21, d’autant que la France a choisi de la placer sous le signe de l’exemplarité environnementale ce qui est, convenons-en, monsieur le secrétaire d’État, la moindre des choses.

Il s’agira donc de limiter l’impact de l’événement sur le plan des consommations des ressources naturelles – eau, énergies, déchets – et des émissions de gaz à effet de serre.

En ce sens, la conférence est organisée, et se déroulera, dans le respect d’exigences liées à la neutralité climatique, au développement durable, ou encore à l’économie circulaire.

Ses priorités sont claires : une réduction des émissions de gaz à effet de serre engendrées par la tenue de la conférence et la compensation des émissions qui ne peuvent être réduites ; la mise en place de préconisations et d’exigences en matière de développement durable, mais aussi d’économie circulaire dans les contrats d’achat liés à la préparation et à l’organisation de la conférence ; une réduction de la consommation de matériaux neufs ; une réduction de la consommation des ressources naturelles ; une amélioration notable de la gestion des déchets, d’abord par leur réemploi, leur réutilisation et leur recyclage et, à moindre échelle, par la valorisation de ceux-ci – c’est la définition même de l’économie circulaire ; l’adoption, enfin, d’une charte de l’alimentation responsable et engagée dans le respect des attentes des consommateurs et du développement durable.

Je n’oublie pas non plus que la secrétaire d’État au développement et à la francophonie, Mme Annick Girardin, veut aussi organiser une information et une communication en langue française et mettre des experts à la disposition de certaines délégations non-francophones, afin de traduire les dossiers et les rapports. C’est un point que je tenais à souligner.

La France s’est par ailleurs engagée dans une démarche de certification ISO 20121. Cette norme permet d’aider les organisateurs de manifestations d’envergure à intégrer le développement durable dans leurs activités. Elle fournit concrètement un cadre qui permettra d’identifier, d’éliminer ou de réduire les effets négatifs potentiels de la conférence sur le plan social, environnemental et économique, et de mettre à profit ses effets plus positifs, grâce à l’amélioration de la planification et des processus.

Enfin, l’organisation sur notre territoire de la COP21 aura des retombées positives sur l’économie locale. L’aménagement du site et le fonctionnement de la conférence créeront des emplois chez les prestataires et leurs sous-traitants. La présence de plus de 40 000 personnes aura par ailleurs des retombées positives sur le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, particulièrement en région parisienne et dans le département de la Seine-Saint-Denis, d’autant que, pour couvrir les coûts de préparation et d’organisation de cet événement majeur, un budget conséquent de 179 millions d’euros a été ouvert en loi de finances pour 2015. Pour toutes ces raisons, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient le projet de loi autorisant l’approbation de cet accord.

Au-delà de ces aspects techniques et logistiques, qui sont importants, la réussite de cette COP passera aussi par le climat – c’est le cas de le dire – de respect que la France a le devoir de créer vis-à-vis de tous nos invités, quel que soit leur poids économique. Il faudra savoir respecter et écouter, montrer que chacun des participants tient une part de la solution à la problématique du changement climatique. Ce respect humain des uns et des autres est, à nos yeux, l’un des ingrédients essentiels à la réussite de la COP21.

Pour conclure, j’aurais aimé, comme à mon habitude, citer Jean de La Fontaine, qui est né à Château-Thierry et qui faisait parler des animaux pour mieux instruire les hommes. Mais il ne m’a pas fourni d’exemple sur ce sujet. J’emprunterai donc à Pierre Rahbi l’image du colibri qui, dans l’incendie du réchauffement climatique, veut lui aussi prendre sa part en portant sa goutte d’eau. Pierre Rahbi a dit : « Si chacun de nous fait le peu qu’il peut avec conviction et responsabilité, je vous assure que l’on fera énormément. »

Pour la planète, pour la France, il faut que nous fassions énormément ensemble, et cet accord est de bon augure pour la réussite de la conférence Paris Climat 2015, avec des engagements concrets. Il va sans dire, et je le répète, que le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste vous soutient dans cette entreprise.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous sommes invités à nous prononcer sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord intervenu au printemps dernier entre le Gouvernement et le Secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques concernant l’organisation de la conférence Paris Climat 2015.

Cet accord est de nature essentiellement technique. Il définit les modalités pratiques d’organisation de la conférence en établissant le cadre de relations entre le Gouvernement français et l’instance de l’ONU. Il contient des dispositions relatives aux immunités et privilèges accordés aux 40 000 participants à la conférence, mais aussi des dispositions d’ordre financier, matériel, ou relatives à la responsabilité des parties et au règlement des différends.

Pour la France, la facture de ce sommet devrait vraisemblablement atteindre 187 millions d’euros : c’est trois fois plus que ce qu’avait coûté la COP15 de Copenhague en 2009. Il s’agit certes du plus grand événement jamais organisé en France, mais ce coût exigerait que nous disposions d’une information complète. Pour alléger la facture, le Gouvernement a souhaité faire appel à des partenariats avec des entreprises mécènes, à hauteur de 20 % du montant total des dépenses. La composition de ce groupe de mécènes fait grincer des dents du côté de certaines organisations non gouvernementales et des associations environnementales. Nous partageons leurs interrogations sur la présence, parmi les partenaires officiels de l’événement, d’établissements financiers et d’entreprises connus pour investir dans le financement de projets d’énergie fossile, comme BNP-Paribas. Nous sommes surpris que le Gouvernement n’ait pas privilégié, dans un souci de cohérence, des acteurs de la transition énergétique.

Pour en finir avec les conditions d’organisation de l’événement, je voudrais dire un mot de sa localisation. Le Gouvernement a fait le choix judicieux du Bourget, qui était probablement l’un des seuls sites à pouvoir accueillir près de 40 000 participants pendant dix jours ; un lieu suffisamment vaste pour qu’on puisse facilement y créer une ville éphémère de 80 000 mètres carrés et plusieurs périmètres de sécurité permettant d’assurer la protection des chefs d’État présents.

Le revers de la médaille, c’est la question de l’accessibilité de ce site au public. Le président de notre assemblée et la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, ont plaidé ces dernières semaines pour que le Gouvernement finance la gratuité des transports en commun sur la durée de l’événement. C’est une préoccupation partagée par nombre de responsables politiques locaux, à l’heure où les collectivités locales sont soumises à des contraintes budgétaires extrêmement fortes. Du côté des usagers, certaines réticences apparaissent déjà. On craint qu’une partie de l’Île-de-France ne soit paralysée par la conférence climat. Nous attendons du Gouvernement des réponses à ces inquiétudes légitimes ; il importe que la demande des élus locaux soit entendue.

Je voudrais à présent en venir au fond du débat. Derrière l’organisation de cette conférence de Paris se cache, comme chacun sait, un immense enjeu de société. Il s’agit de savoir si l’ensemble des pays du monde, et d’abord ceux qui émettent le plus de gaz à effet de serre, ou ayant le plus contribué par le passé aux émissions, sont prêts à accorder leurs politiques pour prendre en compte ce bien commun qu’est le climat, en réduisant très fortement et dans la durée leurs émissions.

C’est la condition sine qua non d’une maîtrise des effets du changement climatique pour les peuples et les générations futures. Or c’est toujours sur ces objectifs chiffrés et contraignants de réduction que les négociations internationales connaissent un blocage. Aujourd’hui, les négociations butent notamment sur le financement de l’engagement pris en 2009 par les pays du Nord de fournir aux pays du Sud 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, pour leur permettre de lutter contre le réchauffement climatique et de se développer de manière plus propre. Si cette promesse n’est pas tenue, les pays du Sud ne signeront pas l’accord de décembre.

Le chef de l’État n’a pas dit autre chose : « Il n’y aura pas d’accord à Paris pour lutter contre le dérèglement du climat si les pays riches ne s’engagent pas à financer les politiques climatiques. » Or, pour l’instant, seuls 60 pays sur 195 se sont engagés à réduire les gaz à effet de serre et, ces dernières semaines, les réunions entre les 195 pays n’ont pas donné grand-chose. « On a un texte et on négocie la moindre virgule », déplorait un expert. « On est perdus dans les alinéas, les crochets ».

Les divergences restent profondes sur de nombreux sujets. Les pays les plus pauvres continuent de réclamer une réduction plus ambitieuse des émissions des pays riches pour contenir le réchauffement à 1,5 ° C et une meilleure répartition des efforts entre pays riches, pauvres et émergents. Ils se battent aussi pour obtenir des compensations pour les pertes et dommages causés par les changements climatiques. Le coût annuel des problèmes économiques rencontrés en raison des chocs climatiques est aujourd’hui estimé à 200 milliards de dollars par la Banque mondiale. Face au risque d’échec de la conférence de Paris, le chef de l’État et le Gouvernement se mobilisent, afin de déboucher sur des mesures substantielles et sur un accord contraignant.

Mais il nous faut malheureusement constater que, depuis la crise financière de 2008, et devant les incertitudes qui pèsent sur l’avenir, nous assistons à des dynamiques de repli sur soi et à des pressions toujours plus fortes pour poursuivre sur le modèle d’une économie soumise aux logiques financières et au diktat des grands groupes. Ces dynamiques paralysent la réponse à la dérive climatique. Si nous voulons faire du 11 décembre une date clé dans l’histoire de la défense de l’environnement, il nous faut d’abord constater publiquement que le modèle économique actuel est une impasse.

Il faut le répéter : nous ne sortirons pas de la dérive climatique sans changer en profondeur notre modèle économique, social et politique. Or la conversion de l’économie rendue nécessaire par l’objectif de maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 ° C exige la mobilisation de financements immenses – mais qui ne sont pas hors de portée. Selon Pierre Cannet, du Word Wide Fund – WWF – il faudrait 2 600 milliards de dollars par an sur les trente prochaines années pour y parvenir. Ce fardeau devrait échoir pour l’essentiel au secteur privé et à l’investissement engendré par la transition énergétique. Ce chiffre paraît énorme, mais les ONG soulignent que les 1 100 milliards de dollars investis annuellement dans les énergies fossiles pourraient être redirigés vers le renouvelable.

Nous devons aussi prendre la mesure de la masse de capitaux en circulation sur la planète. Le bon sens voudrait que nous captions une partie de cet argent pour l’orienter vers le financement d’infrastructures favorables à la transition écologique. Or, comme le soulignait récemment Gaël Giraud, économiste en chef de l’Agence française de développement, « ce sont les marchés financiers, donc les investisseurs privés, qui ne veulent pas en entendre parler », parce qu’investir sur les marchés financiers rapporte davantage. Il y a un véritable bras de fer à mener entre le politique et les investisseurs privés sur les marchés financiers, afin que ceux-ci investissent massivement dans la transition écologique.

Pour être à la hauteur des urgences climatiques, notre pays et l’Union européenne doivent montrer l’exemple et prendre des initiatives fortes. Prenons l’exemple de la taxe sur les transactions financières, qui est toujours au point mort : la création d’une telle taxe en vue de financer le développement et la transition énergétique pourrait constituer une manne financière pour lutter contre les changements climatiques et leurs conséquences. Cette taxe pourrait constituer un vrai levier dans l’engagement financier des pays riches à l’égard des pays pauvres. La Commission européenne a estimé que sa mise en place au sein des onze pays européens concernés pourrait rapporter, à elle seule, entre 24 et 30 milliards d’euros par an.

Nous pourrions prendre aussi l’exemple des transports, secteur largement oublié par la loi de transition énergétique, et décider d’en finir avec le choix du tout routier qui s’impose aujourd’hui, tant en matière de transport de marchandises que de transport de voyageurs, au détriment du transport ferroviaire. Il faut que notre pays et l’Europe montrent l’exemple et s’attachent en particulier à donner une impulsion nouvelle en matière de coopération, afin d’apporter un véritable appui technique et financier désintéressé et permanent aux pays du Sud.

Alors que les contours du Fonds vert, dont le montant devrait représenter 100 milliards d’euros annuels en 2020, demeurent flous et soumis à la définition de nouvelles innovations financières par les grandes puissances, la France pourrait proposer d’asseoir la constitution de ce Fonds international sur la base d’une contribution sur les ressources financières liées aux énergies fossiles et sur un engagement permanent des pays développés, assis en partie sur leur niveau d’émissions.

Compte tenu des objectifs portés par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – GIEC – et du rythme actuel de croissance des émissions, de telles mesures structurelles sont indispensables pour répondre aux enjeux et éviter que tout le monde ne tombe d’accord, en décembre, sur les options les moins ambitieuses.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission – qui nous quittez –, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans 74 jours s’ouvrira une conférence extraordinaire, celle qui, je l’espère, permettra aux générations futures, à nos enfants, de vivre dans un monde serein et pacifique.

Mes chers collègues, oui, la France accueille le monde : 196 pays à ce jour, je crois, seront représentés. La France a une mission capitale. Oui, la France a le devoir de tout mettre en oeuvre pour aboutir à un accord nous permettant de faire face aux changements climatiques. Un des principaux objectifs de la COP21 est de contenir le réchauffement sous la limite de deux degrés Celsius par rapport à l’ère préindustrielle. Monsieur le ministre, nos compatriotes, l’ensemble des citoyens de la terre, attendent beaucoup de cet événement : ils attendent donc beaucoup de la France.

Nous sommes réunis ce matin conformément à l’article 53 de la Constitution, pour approuver cet accord. Ce dernier contient des dispositions portant sur des matières législatives, notamment à l’article A10 qui est relatif à l’immunité des participants à la Conférence, et à l’article A11 relatif aux dispositions financières. Je tiens toutefois à préciser que l’autorisation d’engagement des dépenses liées à la COP21 a déjà été soumise à l’approbation du Parlement dans le cadre de l’examen de la mission « Action extérieure de l’État » du projet de loi de finances pour 2015.

Je me permets dès lors de poser cette question : l’accord entre la France et le Secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, devait-il réellement faire l’objet d’une discussion ? Ne pouvions-nous pas, comme l’ont fait nos collègues sénateurs, l’approuver dans le cadre de la procédure d’examen simplifié ? C’est en effet un accord avant tout technique : il précise, en détail, les modalités pratiques de l’organisation de la conférence, lesquelles frisent parfois, permettez-moi de le souligner, le ridicule. Ainsi, la représentation nationale a-t-elle besoin de savoir qu’à l’article 3 « le Gouvernement veille à ce que des espaces de stockage fermés à clé soient disponibles dans les locaux de la Conférence pour l’entreposage des articles liés à la Conférence » ? Certaines précisions sont même désopilantes : ainsi, le Gouvernement doit mettre à la disposition du secrétariat « une imprimante de marque HP avec une cartouche d’encre noire ».

Il aurait été, monsieur le ministre, bien plus pertinent d’organiser, ce matin, un vrai débat, enrichissant pour tous, notamment pour le Parlement : il aurait permis non seulement de rassembler une plus grande affluence mais surtout de recueillir l’opinion des représentants de la nation. Il me semble, mes chers collègues, que nous pouvons être force de proposition. Or les gouvernants semblent malheureusement parfois l’oublier. La COP21 mérite mieux que cette simple discussion : elle mérite que l’ensemble de la nation puisse faire entendre sa voix. Il est impératif – vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur – que les pays invités arrivent à un consensus. Nous le savons tous, le réchauffement climatique n’est plus seulement une question environnementale, il est devenu un enjeu stratégique majeur, voire vital pour la planète.

Je l’ai déjà souligné en 2012, en présentant mon rapport d’information sur l’impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense : le réchauffement de notre planète aura immanquablement un impact sur la sécurité de 1’Europe et donc de la France. Si la terre entière ne se mobilise pas dès aujourd’hui, au courant de ce siècle, d’une part, l’élévation de la température, qui entraînera la montée des eaux, et, d’autre part, la désertification de nombreux territoires provoqueront des vagues de migrations climatiques de dizaines de millions de personnes. Les flux migratoires qui font l’actualité ne seront qu’une goutte d’eau par rapport à ce qui nous attend.

Avoir une vision à moyen et à long termes relève de notre responsabilité politique : c’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous devrions pouvoir tous nous impliquer dans la réussite de la COP21. Personne ne sera à l’abri du changement climatique : cet enjeu de civilisation nous concerne tous. Il implique notamment que les pays riches augmentent leur effort de solidarité. Nous devons, nous Français, nous Européens, aider les pays en voie de développement à faire face aux effets du réchauffement climatique. C’est un des enjeux de cette conférence. Nous sommes tous concernés, quelle que soit notre appartenance politique. Malheureusement, monsieur le ministre, il me semble que ce sujet n’est pas encore réglé. Il suffit de se reporter aux dernières lois de finances.

Évoquons également un sujet plus terre à terre : la vie des Franciliens durant ces douze jours. Sont-ils informés de l’ensemble des désagréments liés à la conférence ? De nombreux chefs d’État et de gouvernement seront présents : vous conviendrez qu’il est temps de prévenir la population francilienne des perturbations qu’elle aura à souffrir et de résoudre en amont le plus grand nombre possible de problèmes.

Avant de conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à renouveler mes regrets pour l’occasion, manquée ce matin, de la tenue d’un véritable débat de fond, d’autant que, vous le sentez bien, il eût été fort consensuel : ce matin seul un débat sur la forme a eu lieu.

Pourquoi ? S’agit-il de concentrer l’éclairage sur le plus éminent personnage de l’État et le Gouvernement ? Est-ce la crainte de laisser s’exprimer sur le sujet certains des alliés turbulents de la majorité ? Ce serait vraiment dommage pour votre image. Il s’agirait même d’une faute grave. Quoi qu’il en soit, l’essentiel est que le groupe Les Républicains votera évidemment pour cet accord, même s’il est d’ordre simplement technique.

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La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

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M. Schneider, pour lequel j’ai la plus grande estime au sein de la commission des affaires étrangères, a remarqué au début de son intervention que je quittais l’hémicycle. Peut-être a-t-il également remarqué que mon absence a été de courte durée et que je suis revenue.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, si l’organisation de la COP 21 représente indéniablement, pour notre pays, une vitrine extraordinaire, c’est également pour lui une grande responsabilité. La France doit non seulement faciliter les négociations en vue d’un accord international et contraignant, mais également veiller à l’accueil de 40 000 participants et au bon déroulement de la conférence. L’enjeu de la COP 21 est donc double pour notre pays qui ne peut se permettre de manquer un rendez-vous aussi historique pour la planète.

Récemment, le Président de la République a déclaré que cette Conférence des Parties est « le rendez-vous le plus essentiel que le monde s’est donné à lui-même ». « Essentiel », car les décisions qui seront prises durant ces semaines devraient affecter les pays du monde entier pour les cinquante prochaines années. Il convient donc non plus de réfléchir dans une logique de court terme mais de bâtir une politique internationale commune autour d’objectifs forts et ambitieux. Le défi majeur de la COP 21 est de réussir à convaincre les pays les plus réticents qu’il est désormais urgent d’agir pour permettre à nos enfants de grandir sur une planète moins polluée, dans le respect de ses écosystèmes.

En novembre dernier, le GIEC a publié la synthèse finale de son cinquième rapport, dont le constat est très alarmant. En effet, l’augmentation probable des températures moyennes à la surface de la planète devrait dépasser les deux degrés Celsius à l’horizon 2100, par rapport à la période 1986-2005. Selon le scénario le plus pessimiste, cette augmentation pourrait même atteindre les 4,8 degrés Celsius. Plus qu’un enjeu environnemental, le dérèglement climatique vise désormais des problématiques sanitaires, sociales et économiques de taille. Les Etats doivent donc se persuader de l’importance qu’il y a à préparer, dès aujourd’hui, leur propre transition énergétique, en vue de bâtir un modèle plus durable, capable de faire émerger une croissance verte.

Pour de nombreux pays, la concrétisation de ces initiatives nationales suppose la détermination, avant la fin de l’année, d’un véritable cadre international. Aussi la France ne doit-elle pas seulement être le pays organisateur de la COP 21. Elle doit également devenir le pays leader des négociations. Nous devons impérativement parvenir à un nouvel accord international contraignant sur le climat, afin de maintenir le réchauffement climatique mondial en deçà de deux degrés Celsius. Notre rôle sera donc de sensibiliser les pays les plus sceptiques à la problématique environnementale. Je pense notamment aux pays émergents qui opposent, inexorablement, performance économique et protection de l’environnement. Il faudra trouver les mots justes pour montrer à ces Etats que la lutte contre le dérèglement climatique peut devenir un véritable atout pour leur territoire.

Le défi sera également de convaincre certains pays développés, encore ancrés dans un climato-scepticisme idéologique, de l’importance d’un tel accord. En effet, comment parvenir à convaincre des pays comme la Chine et l’Inde de sa nécessité, quand des pays comme les Etats-Unis ou le Canada ne sont pas ou plus signataires du Protocole de Kyoto ? Nicolas Hulot a affirmé que « la réussite de la COP 21 est entre les mains des pays les plus riches ». Si la France veut jouer un rôle moteur dans ces négociations, elle devra nécessairement être épaulée par des pays puissants sur la scène internationale.

Mais ce réveil écologique, tant attendu, aura-t-il vraiment lieu ? A moins de deux mois de l’ouverture de la COP 21, le groupe UDI ne peut qu’exprimer son inquiétude sur les chances de succès de la conférence. Une preuve du désintérêt ou de la défiance de nombreux pays à l’égard de ce sommet climatique est que seul un tiers des contributions a été déposé. Et ce ne sont certainement pas les engagements nationaux actuellement prévus qui permettront de limiter le réchauffement à deux degrés Celsius ! Il faut également être lucide sur le financement de la transition écologique. Je pense notamment au Fonds vert, dont l’objectif de financement de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 me semble irréaliste. Nous sommes d’ailleurs encore bien loin du compte puisque le Fonds a été seulement abondé de 9,3 milliards pour la période 2015- 2018 !

Toutes ces interrogations laissent présager une COP 21 en demi-teinte, qui risque de s’inscrire dans la lignée des autres conférences environnementales, souvent plus friandes d’objectifs prophétiques que de mesures réellement concrètes. L’échec éventuel de la COP 21 serait d’autant plus terrible pour la France qu’elle se sera considérablement investie dans son organisation. Essentiellement technique, ce projet de loi définit les modalités pratiques d’organisation de la COP 21, ainsi que les relations entre le Gouvernement français et l’instance de l’ONU. Si la France veut être un acteur légitime de ces négociations, elle doit avant tout être exemplaire dans l’organisation de cet événement mondial. L’image de notre pays sur la scène internationale est en jeu, puisque nous allons accueillir 196 pays. C’est pourquoi le groupe UDI ne peut qu’approuver les dispositions prises dans cet accord sur la « neutralité climatique ». Il est tout à fait pertinent de demander au Gouvernement français de réduire au maximum les émissions de gaz à effet de serre liées à l’accueil de la conférence.

Cependant, cet accord soulève plusieurs questions, notamment de sécurité, puisque l’extérieur des locaux est sous la responsabilité du Gouvernement français. Il va de soi qu’un événement aussi important se déroulant sur une période particulièrement longue nécessite des moyens policiers colossaux. Or, notre pays fait face, depuis plusieurs mois, à une menace terroriste prégnante, obligeant le Gouvernement à renforcer la présence de policiers, de gendarmes et de militaires sur notre territoire.

Le groupe UDI s’interroge donc sur la façon dont le gouvernement français va pouvoir concilier le déploiement du plan Vigipirate, devenu un dispositif quasi permanent, avec l’organisation intense de la COP 21. La présence de nombreux chefs d’État ou de gouvernement risque de compliquer un dispositif qui requiert déjà des moyens considérables.

Par ailleurs, de nombreux élus se sont inquiétés des répercussions de la COP 21 sur le quotidien des Franciliens. Manuel Valls a annoncé une augmentation de l’offre quotidienne de transports : nous souhaiterions avoir plus de détails sur ce point. Comment, concrètement, cela va-t-il se mettre en place ? Certains ont évoqué la possibilité d’une gratuité des transports pendant la conférence : cette option est-elle envisageable ?

Enfin, le groupe UDI souhaiterait aborder la question du coût de la COP 21 pour la France, mais aussi les retombées économiques que notre pays est en droit d’attendre.

Cet accord ne mentionne malheureusement que le budget prévisionnel de 6 millions d’euros lié au surcoût engendré par l’organisation de cette conférence à Paris plutôt qu’à Bonn, où se trouve le siège du secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Ainsi, les députés du groupe UDI souhaiteraient avoir une idée plus précise du coût global de l’organisation de la COP 21 ainsi que du montant de la participation des partenaires privés. Récemment, l’ONU a déclaré qu’il lui manquait 1,2 million d’euros pour organiser les sessions préalables à cette conférence. Pouvons-nous avoir des précisions sur ce point ?

Qu’en est-il du budget pour l’organisation de la COP 21, entièrement financé par la France ? Selon plusieurs estimations, le coût de ce méga-sommet pourrait atteindre entre 170 et 187 millions d’euros. Le recours à des contributions de mécènes privés et de partenaires publics semble donc être une évidence. Certains parlent d’une participation à hauteur de 20 % du coût global. Est-ce le cas ? Et surtout, où en sommes-nous ? À ce jour, seule la moitié des contributions attendues aurait été récoltée. Plus généralement, pourrons-nous boucler le budget de la COP 21 ?

Enfin, il serait intéressant de connaître les prévisions des retombées économiques de la COP 21. L’Île-de-France pourrait notamment espérer 100 millions d’euros. Avez-vous des données plus précises sur ce sujet ?

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : nous soutenons cet accord sur l’organisation matérielle de la COP 21, même si nous tenons d’ores et déjà à alerter le Gouvernement sur les conséquences d’une éventuelle absence d’accord porteur en décembre.

M. Denis Baupin remplace M. David Habib au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les députés SRC de la commission des affaires étrangères ont approuvé, comme leurs collègues des autres groupes, l’accord entre la France et le secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son protocole de Kyoto. Le débat dans l’hémicycle montre que nous nous orientons vers un vote identique, et je m’en félicite.

Cet accord concerne l’organisation de la vingt et unième conférence annuelle de l’ONU sur les changements climatiques, la COP 21. En ma qualité de président délégué de l’Assemblée parlementaire de la francophonie, je préfère parler de « conférence Paris climat 2015 » – n’est-ce pas, cher André Schneider ?

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Une convention-cadre de l’ONU sur les changements climatiques a été signée à Rio de Janeiro, au Brésil, en 1992. Depuis cette date, une conférence des parties réunit les signataires chaque année : la conférence se tient par rotation dans l’un des cinq groupes régionaux des Nations unies. La France a été désignée comme pays hôte par le groupe Europe occidentale au cours de la COP 19 qui s’est tenue à Varsovie en 2013, comme l’a rappelé le rapporteur.

Les enjeux climatiques sont exigeants et pressants. Ils seront au coeur de l’événement. Il s’agit, comme nous le savons tous, de trouver ensemble le meilleur chemin pour réduire la hausse des températures en deçà de 2 degrés Celsius, ce qui suppose la mise en oeuvre d’une feuille de route contractuelle et contraignante. Les négociations se poursuivent afin de boucler un ordre du jour porteur d’espérance.

On le sait : la France souhaite une avancée significative sur le financement de la lutte contre le dérèglement climatique. La négociation se poursuit à ce jour. Nous souhaiterions, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez nous en dire quelques mots, bien que ce ne soit pas l’objet explicite du texte examiné ce matin – mais les rapporteurs y ont fait justement allusion.

Cet accord est étroitement technique : il traite des conditions de faisabilité de cette conférence. Il s’agit d’organiser dans les meilleures conditions possibles la présence au Parc des expositions du Bourget, lieu de la conférence, et plus généralement à Paris de quelque 40 000 personnes originaires de 196 pays. L’accord traite de toutes les questions liées à ce type de manifestation internationale, en concertation avec les Nations unies. Il précise le financement, la logistique – l’hébergement et les transports –, la sécurité et les immunités accordées aux participants, qui constituent la matière de cet instrument diplomatique. Rien de très original : le schéma suivi a été celui des conférences annuelles précédentes. Je ne reviendrai pas sur ces différents aspects du traité, exposés avec clarté et exhaustivité par notre rapporteur, qui a été brillant.

Sourires.

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Malgré tout, je soulignerai, pour m’en féliciter, l’exemplarité écologique du dispositif qui nous est soumis. Il répond à des exigences de développement durable. Les espaces de la conférence seront climatiquement neutres. Des véhicules électriques seront mis à la disposition des participants, et les transports en commun privilégiés. Il en sera de même pour les énergies vertes et la gestion responsable des déchets. La consommation de papier et la restauration seront soumises à des exigences de contrôle, afin d’éviter le gaspillage. La conférence elle-même sera un exemple vertueux de ce que nous attendons pour l’avenir.

Bien que technique, cet accord est cohérent avec son objet et conforte ainsi le succès de la conférence Paris climat 2015. C’est donc avec espoir et conviction écologique que les députés socialistes, républicains et citoyens renouvelleront en séance leur soutien à ce projet de loi organisant la tenue à Paris de la COP 21.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux affirmer haut et fort que je suis tout à fait favorable à la tenue de cette grande conférence COP 21 et que je suis fier que ce soit notre pays qui l’accueille.

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En revanche, je veux vous faire part de mes plus grandes craintes concernant l’organisation de cet événement qui aura un retentissement mondial. Je ne voudrais pas que ma fierté se transforme en honte.

Vous nous présentez un accord qui entre dans les plus petits détails des modalités pratiques d’organisation de la conférence – mon collègue André Schneider l’a rappelé tout à l’heure. On descend vraiment très bas dans le niveau de précision, puisqu’on évoque même les toners des imprimantes !

Je suis désolé de vous dire que ce texte démontre l’impréparation de l’organisation de la COP 21,…

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Au contraire, elle est très préparée ! Cohérence et performance !

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…alors qu’à deux mois de la conférence, celle-ci est présentée comme l’une des plus grandes conférences internationales jamais organisées en France, à laquelle on attend 50 000 personnes dont 22 000 participants, 25 000 manifestants de la société civile et 3 000 journalistes.

La première question que je veux vous poser, monsieur le secrétaire d’État, est la suivante : était-il nécessaire d’organiser un débat sur cet accord technique alors que la procédure simplifiée aurait été plus adaptée ?

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La question a déjà été posée tout à l’heure – pardonnez-moi si je suis redondant. Mais puisque vous proposez cet accord à notre suffrage, il va falloir nous expliquer comment les opérations seront organisées concrètement, au-delà des mesures annoncées, pour ne pas perturber le quotidien des Franciliens. En effet, beaucoup de questions d’organisation se posent encore et, élu de Seine-et-Marne, je veux être le défenseur des Franciliens, qui commencent à comprendre que cet événement va certainement beaucoup les gêner dans leur vie quotidienne.

Sur le choix du site du Bourget, d’abord. Manifestement, le lieu est sous-dimensionné, puisqu’il nécessite la construction de 80 000 mètres carrés de structures supplémentaires. Pour une grande célébration de la durabilité, a-t-on prévu une réutilisation ?

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N’êtes-vous pas sensible à la beauté de l’éphémère ?

Sourires.

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Sur les transports, ensuite. C’est un sujet que je connais bien. Vous affirmez donner la priorité aux transports en commun. Pourquoi, alors, avez-vous choisi un site inaccessible, qui n’est pas relié directement à une gare et dont les voies d’accès routières sont constamment embouteillées ? C’était encore le cas ce matin : j’ai mis une heure quarante-cinq pour arriver dans cet hémicycle.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les équipes organisatrices prévoient une capacité supplémentaire de 70 000 voyageurs par jour sur le réseau de transport, par le biais d’un renforcement de la desserte du RER B, déjà saturé, et de la ligne 7 du métro, relayés par un système de navettes jusqu’au site du Bourget. Comment prévoyez-vous d’injecter par navette ces 70 000 voyageurs dans le trafic routier déjà plus que saturé aux heures de pointe pour atteindre le site du Bourget ? Vont-ils bloquer la circulation ? Quels seront les itinéraires de délestage ? À deux mois de la conférence, on attend toujours le plan de circulation pour « baliser et fluidifier les principaux axes d’accès à la conférence ». Je suis bien placé pour en parler, puisque j’emprunte cet itinéraire plusieurs fois par semaine pour venir à l’Assemblée nationale depuis ma circonscription.

Quant à l’hébergement, on annonce 51 000 nuitées d’hôtel à « coût raisonnable ». Qu’est-ce qu’un coût raisonnable ? Peut-on avoir la liste des établissements retenus ?

Sur le coût, enfin. Le budget, fixé à l’origine à 70 millions d’euros, présente un objectif de mécénat de 20 %, qui n’est qu’à moitié atteint à deux mois de la conférence. Par ailleurs, 85 % des coûts, soit 151 millions d’euros, sont consacrés à l’organisation pratique, mais ce n’est manifestement pas suffisant : c’est le Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, dont je suis administrateur, qui va devoir financer le renforcement et l’aménagement du RER B et de la ligne 7. Quelles sont les mesures que vous comptez prendre pour ce renforcement ?

Toutes ces questions se posent alors que, sur le fond, le Gouvernement est loin de mener des politiques écologiquement exemplaires. La récente loi relative à la transition énergétique n’est toujours pas financée, notamment pour les collectivités territoriales qui attendent de bénéficier des taxes prélevées sur l’énergie pour financer leurs obligations nouvelles – plans climat et plates-formes de rénovation énergétique. Est-ce que le Gouvernement s’y atèle, ou préfère-t-il organiser un gigantesque embouteillage au même moment que les élections régionales ? Car permettez-moi, pour conclure, de rappeler qu’après un long suspense sur la date des élections régionales, le Gouvernement a fini par annoncer qu’elles auraient lieu en décembre prochain, au même moment que la conférence internationale !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Cette remarque n’est pas à la hauteur des enjeux !

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Monsieur le secrétaire d’État, la représentation nationale attend des réponses précises à mes interrogations. Je vous en remercie par avance.

Sourires.

M. David Habib remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous le savons tous : les impacts du réchauffement climatique sont ressentis partout dans le monde. Nous sommes face à un problème global, aux larges répercussions environnementales, économiques, sociales et politiques. Ce phénomène a pour conséquences un risque pour la paix dans le monde, une menace grave pour l’accès à l’eau, la sécurité alimentaire, la santé des populations et la biodiversité, ainsi que des migrations nombreuses, puisque 50 à 150 millions d’habitants seront contraints de se déplacer d’ici la fin du siècle.

Cette conférence est un rendez-vous historique pour notre pays. Il s’agit d’aboutir, pour la première fois, à un accord universel et contraignant permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique et d’engager une transition vers des sociétés et des économies résilientes et sobres en carbone. L’importance et la portée d’un tel accord sont donc cruciales.

En tant que pays hôte, la responsabilité de la France est double. Nous allons d’abord accueillir pendant deux semaines, dans les meilleures conditions, des milliers de délégués et d’observateurs sous les auspices des Nations unies. Nous devons ensuite tout faire pour aboutir à l’adoption d’un accord sur une répartition équitable du budget carbone du monde, à partir de laquelle pourraient être fixés les objectifs de réduction des émissions de chaque pays ainsi que les échéances correspondantes. Cet accord devrait entrer en vigueur dès 2020.

Le projet de loi que nous examinons comporte des dispositions logistiques et matérielles nécessaires et inhérentes à l’organisation d’un tel événement. Je n’y reviendrai pas.

Au-delà de l’aspect logistique et de l’enjeu climatique incontournable que l’événement recouvre, le projet de loi entend permettre la délivrance de « visas et autorisations d’entrée sans frais et dans les meilleurs délais possibles » pour favoriser la venue de tous les participants à la conférence. La question des privilèges et immunités, qui inclut la délivrance de visas pour l’entrée sur le territoire français, est probablement l’aspect le plus sensible de ce projet de loi. Ces privilèges et immunités sont fondés sur plusieurs conventions internationales. Les personnes accréditées bénéficieront d’une immunité de juridiction et de facilités d’entrée sur le territoire. Quant aux participants non accrédités, ils relèveront des dispositions de droit commun et devront donc obtenir un visa payant de court séjour.

Des questions se poseront dans la perspective du sommet parlementaire qui doit se dérouler les 5 et 6 décembre 2015 à l’Assemblée nationale et au Sénat. L’Union interparlementaire, dont je suis membre, obéit à un principe d’universalité, qui bloque actuellement la tenue de réunions dans l’Union européenne en raison de mesures prises à l’encontre de certains parlementaires étrangers. Tous les parlementaires étrangers membres de l’Union interparlementaire pourront-ils obtenir un visa et venir librement en France ?

La prise de conscience du réchauffement climatique a trouvé sa traduction concrète dans la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Mais ce protocole a montré ses limites. La conférence de Copenhague s’est soldée par un échec. Aujourd’hui, le rendez-vous parisien doit montrer que l’adoption d’un accord international est possible, qu’il doit être possible.

Ainsi, réussir Paris 2015 nécessite que tous les pays s’engagent, ce qui suppose de surmonter deux obstacles. Premièrement, celui des contributions envoyées par cinquante pays en vue de limiter le réchauffement climatique.

Deuxièmement, celui de la montée en puissance des transferts financiers des pays développés vers les pays en voie de développement.

À Paris, nous aurons une belle occasion de montrer quelle valeur nous accordons collectivement à la protection du climat dans l’économie mondiale, mais également et c’est important à mes yeux, l’occasion de montrer la valeur que nous accordons au droit au développement.

Dans l’intérêt de tous, nous devons travailler à un accord sur le partage économique, juste et équitable de la croissance, condition sine qua non pour aboutir à une coopération mondiale.

« Nous sommes à la croisée des chemins. Un pas nous mène à un accord fondamental sur le changement climatique, l’autre au néant. » Cette phrase prononcée par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, lors de la conférence climatique de Bali en décembre 2007 est toujours d’actualité.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Mesdames, messieurs les députés, je souhaite apporter quelques éléments de réponse aux nombreuses questions qui ont été soulevées lors de la discussion générale, preuve de son intérêt. Monsieur Le Borgn’, vous avez évoqué de manière approfondie les enjeux fondamentaux de l’accord France-Nations unies et souligné la mobilisation de toutes les plus hautes autorités de l’État autour du Président de la République, du ministre des affaires étrangères, de la ministre de l’écologie, de la secrétaire d’État au développement et à la francophonie dont la mobilisation sur la francophonie a été remarquée.

Vous avez également, monsieur le rapporteur, évoqué les surcoûts liés à la non-organisation de la conférence à Bonn. Je sais que c’est une ville chère à votre coeur, mais je ne doute pas que vous êtes heureux que la France accueille cette conférence.

M. Baupin, dont la famille politique est mobilisée de longue date sur ces sujets et qui a montré la voie en matière d’écologie, a évoqué un certain nombre de débats de fond. Je n’entrerai pas dans le détail car les occasions pour en parler ne manqueront pas. Le secrétaire général de la Conférence et moi-même avons pris bonne note de l’ensemble des contributions qui ont été versées au débat par M. Baupin et l’ensemble des orateurs dans le cadre de la discussion générale.

M. Baupin a également souligné le rôle de la société civile dans le cadre des conférences internationales : nous y sommes particulièrement attentifs.

M. Krabal a insisté sur l’importance du consensus. Un tel sujet doit en effet faire consensus car l’essentiel est en jeu, d’où la mobilisation de tous, d’où les efforts et les anticipations du Gouvernement s’agissant de cet événement majeur.

À M. Carvalho, j’indique que les détails sur les coûts sont à sa disposition. J’en ai exposé les grandes lignes, mais le Gouvernement est prêt à faire la transparence sur l’ensemble des enjeux et sur les établissements qui accueilleront le public. Pour ce qui concerne le rôle des entreprises, cela correspond à un souhait fort du Gouvernement. Il ne peut pas y avoir d’écologie sans les entreprises, sans les secteurs économiques, ni contre elles, ni contre eux – c’est une remarque de bon sens – et c’est ce qui a conduit Laurent Fabius à travailler sur ce sujet.

Il nous revient aussi d’inventer un nouveau modèle économique et un nouveau modèle de développement. Les propos de Gaël Giraud qui ont été cités sont à cet égard tout à fait intéressants.

La conférence des présidents de votre assemblée a fait le choix d’engager la procédure accélérée, le Gouvernement ne peut que respecter ce choix. Beaucoup de contributions ont été versées au débat, et il y aura d’autres échanges avec les parlementaires. Nous sommes à l’écoute et preneurs de toute contribution nouvelle.

M. Hillmeyer, M. Dufau et Mme Guittet ont insisté sur le cadre international, la nécessité d’aboutir à un accord contraignant et l’importance des engagements financiers concrets. C’est le grand enjeu des semaines et des mois à venir pour que tout devienne réalité.

M. Albarello a dénoncé l’impréparation de la conférence. Lorsque l’on appartient à une famille politique qui a organisé, lors de la présidence française de l’Union européenne à l’époque de M. Sarkozy, le sommet pour lancer l’Union pour la Méditerranée dont la Cour des comptes a dénoncé le caractère précipité – sommet selon elle « organisé dans l’urgence » – et stigmatisé les surcoûts qui en ont découlé – 16,5 millions d’euros pour une journée de conférence – on se garde de donner des leçons de bonne gestion !

Debut de section - Permalien
Matthias Fekl, secrétaire d’état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Notre Gouvernement et le secrétariat général de la conférence préparent depuis des mois cet événement majeur pour notre diplomatie.

Nous sommes très attentifs aux retombées sur l’économie locale, vous avez posé des questions à ce sujet. Des évaluations en termes d’emploi ont été effectuées. Dans le secteur du tourisme, 170 millions d’euros de dépenses publiques bénéficieront à notre région capitale. Le bureau des congrès et conférences de l’office de tourisme de la Ville de Paris estime que 100 millions d’euros devraient bénéficier à la région Île-de-France, en plus des dépenses publiques du fait des dépenses des divers participants.

Les créations d’emploi à ce jour concernent 1 500 personnels pour l’aménagement, 900 pour l’accueil, 480 pour la restauration et 120 pour le traitement des déchets. Nous associons les lycéens, en particulier de la Seine-Saint-Denis – ceux qui sont en bac professionnel – pour assurer l’accueil, ainsi que des étudiants venant prioritairement des universités de Saint-Denis et de Villetaneuse.

Nous sommes également extrêmement attentifs aux perturbations qui peuvent intervenir pour les habitants d’Île-de-France. Les préoccupations de la maire de Paris et du président Bartolone ont été rappelées au cours des débats. Nous sommes attentifs à assurer des arrêts renforcés au Bourget, un système de navettes, une fluidification maximale sur tous les axes de circulation.

Je rappelle que Le Bourget a l’habitude d’accueillir des événements internationaux majeurs, en particulier le fameux Salon du Bourget qui, en trois jours, accueille 200 000 visiteurs alors que nous attendons 35 000 personnes par jour au plus fort de l’événement.

La préparation et la mobilisation sont fortes. Et nous sommes fiers pour notre pays d’accueillir cette conférence internationale d’une envergure exceptionnelle. Nous devons être à la hauteur des enjeux.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J’appelle maintenant l’article unique du projet de loi.

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Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.

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Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Discussion du projet de loi autorisant la ratification du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits de tabac.

La séance est levée.

La séance est levée à treize heures dix.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly