Commission des affaires économiques

Réunion du 19 janvier 2016 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission a entendu M. Henri Jibrayel sur les conclusions du groupe de travail concernant les « reclassés » de La Poste.

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À la demande de M. Henri Jibrayel, le bureau de la commission des affaires économiques a accepté, au début du mois d'octobre 2015, la création d'un groupe de travail informel sur la situation des reclassés de La Poste, question qui est pendante depuis 1993. M. Philippe Wahl, président du groupe La Poste, que nous avons auditionné la semaine dernière, a encore été interrogé à ce sujet par Mme Marie-Hélène Fabre. Après avoir mené de nombreuses auditions, M. Henri Jibrayel va aujourd'hui nous faire le compte rendu du travail qu'il a conduit, nous communiquer ses conclusions et, éventuellement, nous informer des suites à donner.

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Nous sommes face à une situation très compliquée, qui remonte à 1993, avec la mise en oeuvre de la loi dite « Quilès », votée en 1990, relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, et la transformation de La Poste en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Depuis vingt ans, les agents qui, à l'époque, n'avaient pas accepté la reclassification, sont victimes d'une injustice. La Poste ne les ayant pas avertis que leur carrière serait bloquée, ils se sont vu refuser tout avancement. Aujourd'hui, leur situation n'a pas changé, et l'on ne peut que déplorer un manque d'équité dans le traitement de ces agents par rapport aux reclassifiés.

Nombre de parlementaires se sont, depuis des années, investis dans la défense de ces postiers, afin que justice leur soit rendue. Les organisations syndicales représentatives de La Poste et de France Télécom ainsi que des associations de défense ont accompagné ces postiers dans une lutte sans fin. Mais force est de constater que, vingt-deux ans après, la situation n'a pas beaucoup évolué.

Si, en 1993, ces agents avaient refusé de rejoindre la reclassification, c'est parce qu'ils considéraient qu'ils risquaient, à court, moyen ou long terme, de perdre le statut de fonctionnaire de l'État. Ils ont pu constater, avec les années, que leurs craintes étaient infondées. Tous les agents sont donc restés fonctionnaires, mais, contrairement à leurs collègues reclassifiés, les reclassés ont été désavantagés en matière de promotion et d'avancement : ainsi, les préposés reclassés n'ont pas eu la possibilité d'évoluer, tandis que, entre-temps, des agents qui avaient accepté le reclassement sont passés de la classe 1.2 à la classe 1.3. Les reclassés ont donc multiplié les démarches auprès des tribunaux administratifs pour obtenir gain de cause, mais La Poste est toujours restée sur ses positions, considérant que ces agents avaient fait un choix en toute connaissance de cause.

La commission des affaires économiques a décidé de créer un groupe de travail en octobre 2015. Nous avons rencontré l'ensemble des organisations syndicales, les associations, le cabinet du ministre Emmanuel Macron et le groupe La Poste.

Une décision du Conseil d'État du 11 décembre 2008 a contraint La Poste à relancer la promotion dans les corps de fonctionnaires reclassés. Les promotions sur liste d'aptitude se sont faites de manière opaque. Elles étaient de 120 ou 130 agents par an au début, dans les années 1999-2001, mais ce nombre est tombé à 80 par an.

Aujourd'hui, nous sommes dans une situation de blocage. La Poste s'est engagée à rouvrir le droit d'option pour les reclassés, afin qu'ils puissent rejoindre les reclassifiés, et une possibilité de promotion en fin de carrière a été promise à ces agents.

La directrice des ressources humaines (DRH) de La Poste souhaite qu'une discussion s'engage avec les agents, mais refuse de donner d'entrée de jeu, comme le voudraient les organisations syndicales, une « carotte », soit une promotion allant de pair avec la possibilité de rejoindre le groupe des reclassifiés. La Poste souhaite qu'il y ait d'abord une négociation.

Les organisations syndicales sont vent debout, ce que nous comprenons, puisque ces agents ont été victimes d'une injustice entre 1993 et 2008, dans la mesure où il y a eu un blocage total, une perte de salaire et un manque d'équité entre reclassés et reclassifiés.

Le cabinet de M. Emmanuel Macron, que nous avons contacté de nouveau ce matin, se dit prêt à accompagner les agents, mais ne veut pas se substituer au dialogue social interne du groupe. En cas d'accord entre les organisations syndicales et La Poste, le cabinet du ministre est prêt à faire le nécessaire sur le plan réglementaire pour débloquer la situation.

Aujourd'hui, les agents concernés, qui sont 3 480 en activité à La Poste et à peu près autant chez France Télécom, sont encore dans une situation de blocage. Ils n'ont pas la garantie d'avoir une promotion à moyen terme, ce qui explique les réticences des organisations syndicales. Au-delà, je n'entrerai pas dans le détail des grades et de la fin de carrière, car le dossier est très technique.

Le président Philippe Wahl et son prédécesseur Jean-Paul Bailly ont promis des solutions, mais celles qui sont proposées sont inacceptables. Ces agents ont perdu des années et tout ce qu'on leur offre, c'est de reprendre de nouvelles négociations ! Pour ma part, j'incite La Poste à faire des propositions plus concrètes afin que les organisations syndicales puissent effectivement venir à la table des négociations. Celles-ci souhaitent engager le débat et tentent de constituer une plateforme commune — seule manque la signature d'une organisation syndicale —, mais elles constatent que, contrairement à France Télécom, La Poste ne fait pas d'efforts réels pour que les agents puissent rejoindre la reclassification. Ils ont en moyenne plus de cinquante ans : le coût de leur réintégration ne serait sans doute pas très important.

Nous sommes très attachés à la remise à plat de ce dossier. J'ai rappelé aux organisations syndicales qu'il n'était pas question pour nous, parlementaires, d'envisager une rétroactivité concernant ces dix-sept années ou visant les retraités. Le débat porte sur les actifs d'aujourd'hui qui veulent intégrer la reclassification. Cela étant, je l'ai dit tout à l'heure à la DRH de La Poste, nous sommes face à une situation d'ouverture au rabais, qui ne peut pas satisfaire les organisations syndicales.

La Poste doit faire des propositions plus concrètes. S'il s'agissait de 25 000 ou 30 000 agents, dans un groupe qui en compte 260 000, la question du coût pourrait se poser. En l'occurrence, il s'agit du dernier carré. On objecte que ce serait une rupture d'équité par rapport à ceux qui ont choisi la reclassification. M. Philippe Wahl s'est engagé à trouver la solution la plus juste. Or la proposition de rouvrir le droit d'option pour les reclassés n'offre aucune garantie de promotion, sauf peut-être en fin de carrière, mais on sait que, dans la fonction publique, il faut s'installer six mois dans le grade pour avoir droit à la retraite basée sur ce grade.

Certes, on note, de part et d'autre, une volonté d'ouvrir la discussion. Mais les éléments pouvant décider les organisations à s'asseoir à la table des négociations ne figurent pas dans la proposition de la DRH et du président de La Poste. Nous sommes donc loin d'avoir trouvé une solution pouvant satisfaire les 3 480 agents concernés. La position de La Poste doit évoluer, d'autant que, je le répète, ces agents sont peu nombreux et ont en moyenne une cinquantaine d'années.

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Je salue le travail mené par M. Henri Jibrayel. Lors des auditions que nous avons menées, nous avons eu le sentiment qu'il y avait peut-être une petite ouverture du côté de la DRH de La Poste et une ouverture beaucoup plus large du côté du cabinet du ministre de l'économie. Mais j'ai eu l'impression, en écoutant M. Philippe Wahl lors de son audition, la semaine dernière, qu'il refermait la porte.

Nous souhaitions obtenir une plateforme signée par l'ensemble des organisations syndicales. La DRH de La Poste en fait-elle un préalable ou y aura-t-il une rencontre avec les représentants des reclassés sans cette plateforme initiale ?

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C'est, me semble-t-il, au Gouvernement de réunir tous les éléments pour permettre la tenue d'une table ronde avec les partenaires sociaux, La Poste et les représentants du Gouvernement. On ne peut pas laisser ces 3 480 personnes sur le bord de la route. Il faut aboutir à un accord. Cela étant, comment réunir tous les partenaires autour d'une table, alors qu'ils sont divisés ? Cette situation datant de 1993, il est important de trouver rapidement une solution.

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La situation des reclassés de La Poste a assez duré. Ce n'est pas tant une question d'argent pour les salariés qu'une question de considération et de reconnaissance de leur travail. C'est aussi la question du choix qu'ils ont fait à un moment donné, dans un contexte différent.

Aujourd'hui, on a l'impression que La Poste mène une guerre d'usure, le nombre de reclassés n'étant plus très élevé. Beaucoup de personnes se sont mobilisées au fil des ans pour ce dossier, vous le premier, monsieur Henri Jibrayel. M. Dino Cinieri a raison de proposer que l'État joue enfin son rôle. Il aurait pu le faire bien avant, puisque cette affaire date de 1993 et que les organisations syndicales se sont rapidement mobilisées pour la cause des reclassés.

Quel est le calendrier pour trouver une solution concrète ? Mme Marie-Hélène Fabre a rappelé que, après l'audition de M. Philippe Wahl, La Poste donnait plutôt l'impression de fermer la porte. J'espère que ce travail permettra de relancer le débat et qu'une solution pourra être trouvée rapidement.

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Une plateforme commune est en effet en cours d'élaboration. L'ensemble des organisations syndicales en seront signataires, à l'exception de la CFDT. Les syndicats se mobilisent donc. Après avoir d'abord été réticents à l'égard du droit d'option, ils sont aujourd'hui enclins à l'envisager, à condition que soit prévue, par exemple, une promotion immédiate, qui ne soit pas aléatoire. Ils sont donc prêts à s'asseoir à la table des négociations, mais je ne suis pas sûr que la négociation puisse aboutir, car, si on ne leur fait miroiter qu'une promotion au terme de leur carrière — et même si j'ai foi en la parole de la DRH de La Poste qui affirme qu'il y en aura certainement une —, cela ne sera pas intéressant pour les agents reclassés.

De 1993 au décret du 14 décembre 2009 qui a relancé tardivement la promotion des reclassés, la carrière de ces derniers n'a pas évolué. Pendant toutes ces années, en raison d'une politique à deux vitesses, ils ont subi une injustice sur le plan de l'avancement. Ils demandaient aussi, comme l'a rappelé Mme Catherine Troallic, qu'on reconnaisse simplement leur travail : cette revendication aurait pu être satisfaite, d'autant plus qu'elle n'emportait pas de conséquences pécuniaires.

Le cabinet de M. Emmanuel Macron et le ministre lui-même ne veulent pas interférer dans cette affaire, car ce ne serait pas loyal vis-à-vis de l'autre partie du personnel. Le Gouvernement ne peut pas se substituer à l'entreprise pour y organiser le dialogue social ; tout ce qu'il peut faire, c'est se déclarer prêt à être partenaire du groupe s'il faut prendre un décret, accompagner La Poste et les organisations syndicales dans ce dialogue.

Je l'ai dit tout à l'heure, il faut que La Poste apporte des éléments plus précis, que les organisations syndicales et les personnels soient rassurés et qu'ils aient une promotion immédiate. Il ne faut pas oublier que, même s'ils ont fait un choix délibéré en 1993, ces agents sont victimes d'une injustice. Certes, comme le disait Mme Catherine Troallic, ce n'est pas seulement une question d'argent. Il n'en reste pas moins que, comme les autres, ils ont des familles à nourrir et qu'ils ont subi une perte pécuniaire.

J'appelle donc La Poste à être plus percutante et à faire un effort. M. Philippe Wahl prétend que l'accord syndical auquel on était parvenu est remis en cause. Mais cet accord syndical n'a rien à voir avec la situation des reclassés, puisqu'il porte sur la revalorisation de la grille indiciaire des reclassés comme des reclassifiés. Nous avions tous interpellé M. Philippe Wahl à ce sujet lors de l'audition précédant sa première nomination en septembre 2013 : il avait répondu que La Poste essaierait de voir ce qu'il était possible de faire au cas par cas. Aujourd'hui, le groupe penche plutôt pour une solution globale, mais cela ne débouche pour l'instant sur rien de concret.

Nous devons à nouveau rencontrer les organisations syndicales. Je ne vous cache pas qu'elles ont eu envie, cet automne, de venir manifester pacifiquement devant l'Assemblée pour nous rappeler que ces agents étaient victimes d'une injustice. Je leur ai demandé d'attendre un peu, puisque nous étions en train de débattre de la question avec le groupe La Poste et le ministre de l'économie. L'injustice n'étant pas réparée, il va falloir continuer nos travaux.

La Poste nous avait demandé de ne pas communiquer au lendemain des auditions, pour ne pas interférer avec les élections professionnelles. Puis il y a eu les événements du 13 novembre 2015 et les fêtes de fin d'année. Aujourd'hui, nous ne faisons qu'un bilan d'étape, car nous n'avons pas obtenu gain de cause pour les reclassés. Il nous faudra, dans les semaines à venir, rencontrer à nouveau les organisations syndicales et la DRH de La Poste, voire son président, pour faire avancer les choses et que justice soit enfin faite.

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La Poste compte 260 000 salariés. Or nous parlons de moins de 3 500 personnes et de l'année 1993, sous la présidence du regretté François Mitterrand… Je veux simplement dire que cette situation n'a que trop duré. Je ne comprends pas pourquoi la CFDT ne veut pas participer à cette négociation. J'estime en effet que le dialogue social est un bon moyen pour parvenir à une solution.

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Monsieur Dino Cinieri, vous êtes, comme nous tous, très impliqué dans ce dossier. Si nous commençons à faire de la politique politicienne et à parler de MM. Mitterrand ou Chirac, nous n'arriverons à rien. Soit nous avons la volonté commune d'agir dans l'intérêt de ces personnels et de trouver une solution rapide, soit nous nous lançons dans des querelles intestines, comme nous le faisons dans l'hémicycle…

Aujourd'hui, la question qui se pose est de savoir comment les organisations syndicales peuvent rejoindre La Poste dans une négociation portant sur les reclassés. Cette affaire, en effet, n'a que trop duré et ces personnels ont été négligés, voire humiliés. Ils ne sont plus que 3 480 dans un groupe qui compte 260 000 agents. Vous savez le respect et l'amitié que j'ai pour vous, mon cher collègue. Aussi, je vous le dis, ne nous lançons pas dans des discussions stériles.

Quant à la CFDT, il y a des débats. Il faut que cette plateforme soit signée par l'ensemble des organisations syndicales. Nous verrons ensuite comment cela évoluera. Pour ma part, je reste optimiste, car je pense que la situation peut s'améliorer. Tout à l'heure, la directrice des ressources humaines de La Poste ne fermait pas la porte, mais elle ne voulait pas s'engager. Je la crois, mais je comprends aussi le personnel qui subit cette injustice depuis tant d'années.

Pour ces raisons, je demande à la présidente de notre commission de nous laisser encore quelques semaines pour essayer de trouver une solution rapide qui puisse satisfaire le plus grand nombre.

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Je précise que nous nous sommes saisis de ce sujet sans avoir compétence en la matière. Ce groupe de travail n'est pas officiel. Il permettra peut-être de favoriser le dialogue qui semble rompu entre les syndicats et la direction de La Poste. Il fait également le lien avec le Gouvernement pour voir ce qu'il est juridiquement possible de faire. Nous ne sommes pas dans un no man's land sur lequel nous pouvons faire ce que nous voulons ! Notre objectif est avant tout d'éclairer les débats.

M. Henri Jibrayel a demandé au bureau de la commission de se saisir de ce sujet, mais nous ne sommes habilités à parler ni au nom du Gouvernement ni au nom de La Poste. Cela étant, c'est faire oeuvre utile que d'être des facilitateurs dans cette affaire. Il est important que le groupe de travail continue à voir dans quelle mesure il peut aider à la reprise des négociations dans le cadre du dialogue social de La Poste et qu'il continue à nous tenir informés.

J'espère, moi aussi, que nous arriverons à trouver une solution équilibrée. Nous le savons, certaines solutions sont juridiquement impossibles. Nous en avons conscience, comme les organisations syndicales. En revanche, il y a des marges de manoeuvre en direction desquelles les uns et les autres doivent faire chacun un pas en avant.

Je vous remercie, Monsieur Henri Jibrayel, pour cette communication. Nous serons à votre écoute lorsque vous aurez de nouvelles informations à nous apporter.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 19 janvier 2016 à 16 h 15

Présents. - M. Frédéric Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. François Pupponi, M. Éric Straumann, Mme Catherine Troallic

Excusés. - M. Damien Abad, Mme Michèle Bonneton, Mme Jeanine Dubié, M. Georges Ginesta, M. Antoine Herth, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Claude Mathis, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais