Commission des affaires sociales

Réunion du 20 janvier 2016 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 20 janvier 2016

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales examine sur le rapport de Mme Annie Le Houerou, en nouvelle lecture, la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la protection de l'enfant (n° 3394).

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La commission mixte paritaire n'a pas trouvé d'accord sur un texte final ; j'en suis désolée, comme beaucoup d'entre vous. Nous abordons donc la nouvelle lecture de cette proposition de loi.

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Je souhaite expliquer la position du groupe Les Républicains.

Le Sénat s'est montré ferme sur plusieurs mesures de ce texte, et nous partageons certaines de ses préoccupations, notamment s'agissant de l'allocation de rentrée scolaire et des nombreuses charges supplémentaires imposées aux départements déjà exsangues. En première et deuxième lectures, nous avions développé les mêmes arguments, sans toutefois en faire un casus belli, et nous nous étions abstenus.

Nous souhaitons aujourd'hui rediscuter de ces sujets qui nous tiennent à coeur sur la base des deux amendements que nous avons déposés. Le premier tend à compléter le dispositif de l'article 4, en prévoyant la possibilité que le référent au sein du service du département pour la politique de protection de l'enfant soit un professionnel de santé et pas nécessairement un médecin. Le second porte sur l'article 5 ED et tend à faire reverser l'allocation de rentrée scolaire (ARS) au service du département assumant les frais scolaires des enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Je souhaite également évoquer l'article 16, qui ne fait pas l'objet d'amendements. Nous soutenons la version du texte votée par l'Assemblée nationale en première et deuxième lectures, dans laquelle une situation d'inégalité flagrante avait trouvé une solution. À l'initiative conjointe de M. Robiliard et de moi-même, un amendement avait été adopté prévoyant la possibilité de demander à l'administration fiscale la remise des droits impayés pour la partie qui excède les droits qui auraient été dus si les dispositions de l'article 16 avaient été en vigueur à la date du fait générateur, c'est-à-dire le décès de l'adoptant.

C'était une mesure de justice, et nous nous étions tous retrouvés pour l'adopter, avec le soutien du Défenseur des droits, mais contre l'avis du Gouvernement. Je note que le gage n'a pas été levé. Nous devrons donc interpeller le Gouvernement en séance par égard pour ces personnes dont le seul tort a été de perdre un tuteur trop tôt. Il me semble que notre assemblée devrait agir au mieux pour que cette situation d'inégalité flagrante cesse. Si le gage n'était pas levé, à titre personnel, je m'opposerais au texte.

La loi de 2007 a permis de nombreuses avancées dont nous avons constaté les limites ces dernières années. Il est donc juste d'accomplir un nouveau pas en avant pour la politique de protection de l'enfant. Le groupe Les Républicains souhaite être entendu lors de cette nouvelle lecture.

La Commission en vient à l'examen des articles.

TITRE Ier AMÉLIORER LA GOUVERNANCE NATIONALE ET LOCALE DE LA PROTECTION DE L'ENFANCE

Article 1er : Définition et objectifs de la protection de l'enfance et création d'un conseil national de la protection de l'enfance

La Commission adopte l'article 1er sans modification.

Article 2 : Bilan annuel des formations délivrées dans le département

La Commission adopte l'article 2 sans modification.

Article 2 ter : Suivi des mesures prises pour lutter contre l'absentéisme et le décrochage

La Commission adopte l'article 2 ter sans modification.

Article 4 : Désignation d'un médecin référent pour la protection de l'enfance dans chaque département

La Commission est saisie de l'amendement AS2 de Mme Bérengère Poletti.

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Pour tenir compte des difficultés de recrutement de médecins dans les départements en difficulté du point de vue de la démographie médicale, l'amendement AS2 tend à compléter la référence à un « médecin référent » par la mention d'un « professionnel de santé référent », de façon à ce que cette mesure puisse être mise en oeuvre sans qu'il soit nécessaire de faire appel à un médecin.

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C'est là une mesure très intéressante, car la plupart des départements comptent déjà des médecins au sein des services de la protection maternelle et infantile (PMI). Souvent, les services de protection de l'enfance, de PMI et d'aide à l'autonomie fusionnent pour que le médecin puisse avoir une vision transversale. Qu'un professionnel de santé puisse synthétiser l'ensemble des avis des médecins de PMI serait bien plus intelligent qu'ajouter un médecin qui n'aura pas véritablement de fonction médicale.

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Nous avons déjà débattu de cette question à plusieurs reprises. Il ne s'agit pas de recruter un nouveau médecin. Pour autant, il est important de désigner un médecin référent au sein des services du département, qui pourrait d'ailleurs être le médecin de PMI.

Les médecins sont déjà présents au sein des services de protection de l'enfance de l'ensemble des départements. Même si des problèmes de démographie médicale se posent, nous n'en sommes pas au point où il ne serait plus possible de trouver un médecin dans un service du département.

Si nous tenons à ce que le référent « protection de l'enfance » soit un médecin, c'est pour faciliter les liens. Il nous paraît important que l'information circule de manière plus fluide et plus professionnelle entre les médecins, qu'il s'agisse du médecin traitant ou des médecins intervenant dans le cadre de la protection de l'enfance et à l'école. L'expérience a montré qu'il était parfois plus difficile de parvenir à un échange d'informations optimal lorsqu'il n'y a pas de médecin.

Pour que les médecins de ville échangent des informations avec les services du département, notamment avec la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes (CRIP), et qu'ils soient de véritables acteurs en matière d'informations préoccupantes, ils doivent avoir un autre médecin pour interlocuteur.

Le Défenseur des droits m'a directement indiqué que cette mesure est, à ses yeux, absolument fondamentale. Selon lui, « cela permettra une implication des médecins pour améliorer le repérage des enfants en danger et pourra concourir au maintien d'une prise en charge de proximité des enfants, adolescents et familles en souffrance ».

Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable à l'amendement.

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J'avais compris que le médecin référent serait de toute façon le médecin de PMI. Or vous venez de déclarer que ce n'est qu'une possibilité parmi d'autres.

Mais ce médecin référent serait désigné au sein du service du département, et le conseil départemental n'a autorité que sur le médecin de PMI et aucun autre. Quel autre type de médecin cela pourrait-il être ? Et comment le conseil départemental pourrait-il désigner quelqu'un sur qui il n'a pas autorité ? Il est important pour les départements de savoir qui ils pourront désigner.

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Il s'agit d'un amendement de bon sens, et je ne suis pas d'accord avec les conclusions de Mme la rapporteure. Plusieurs d'entre nous sont conseillers départementaux, et certains sont en plus professionnels de santé ; nous connaissons donc la réalité du terrain. Il faut à tout prix élargir cette disposition aux professionnels de santé.

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Tous les présidents de conseils départementaux savent qu'il est très compliqué de recruter des médecins de PMI. Si un médecin de PMI est nommé pour faire cette coordination, cela dégarnira un poste qu'il sera compliqué de remplacer.

Je ne comprends pas votre volonté d'imposer un cadre en sachant pertinemment qu'il sera difficile à tenir. Si des départements trouvent des médecins qui souhaitent remplir cette tâche, ils pourront parfaitement le faire si nous retenons la rédaction : « professionnel de santé ».

Cette disposition relève-t-elle de la volonté de ne faire parler les médecins qu'entre eux ? Ce n'est pas forcément une bonne chose : l'expertise médicale est essentielle, l'avis du médecin l'est également, mais dans le domaine de la protection de l'enfance, les aspects sociaux ont également leur importance. Ce sont ces passerelles qui manquent, particulièrement dans le domaine en question.

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L'article 4 prévoit qu'un médecin référent « protection de l'enfance » est désigné au sein d'un service du département, ce qui ne veut pas forcément dire un médecin de la protection maternelle et infantile. Nous aussi connaissons bien le terrain, et nous savons que certains départements sont peu pourvus en médecins, mais on en trouve dans les services aux handicapés ou aux personnes âgées ou encore dans le domaine de l'action sociale.

Certes, les équipes pluridisciplinaires médico-sociales ou de PMI sont importantes, et les professionnels de santé ont des regards différents en fonction de leur spécificité. Pour autant, on a pu observer, lors d'interventions en urgence ou si une multitude de secrets professionnels doit être respectée, que le dialogue entre médecins accélère l'échange d'informations, car, pour des raisons de déontologie et de protection du secret professionnel, certains médecins ne veulent pas transmettre d'informations à une autre personne qu'un pair. C'est pourquoi nous avions envisagé cette solution.

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Je suis gênée par la formulation « professionnel de santé », qui inclut des professionnels aussi divers que les pédicures podologues, les directeurs de laboratoire d'analyses, les transporteurs, les gestionnaires de centre de santé ou encore les fournisseurs de biens médicaux. Je ne pense pas que ces professions soient habilitées à prendre le type de décision dont nous parlons. À supposer que nous adoptions l'amendement, nous nous exposerions, selon moi, à des problèmes juridiques.

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Je répète que, pour nous, il est essentiel que le référent soit un médecin. C'est au département qu'il reviendra de le désigner, étant entendu qu'il ne s'agit pas d'un poste à temps plein et qu'il peut être envisagé en cohérence avec le service de PMI.

Dans la logique de prévention que nous avons adoptée, le travail en amont avec le médecin traitant est essentiel. Or c'est souvent à ce niveau que l'on note les dysfonctionnements. Les médecins reçus au ministère ont pointé ce manque de lien entre le médecin traitant et les professionnels de la protection de l'enfance. C'est pourquoi il est nécessaire de désigner un médecin référent qui fera le lien entre le médecin traitant, le médecin scolaire, le médecin du département et d'autres acteurs.

Je maintiens donc mon avis défavorable.

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Le lien difficile entre les travailleurs sociaux et les médecins du fait du secret médical est précisément une des causes des problèmes de la protection de l'enfance. S'en servir d'argument pour réfuter tout élargissement aux professionnels de santé ne va-t-il pas exactement a contrario de ce que l'on peut souhaiter ?

Quant au flou qui entoure le concept de professionnel de santé, on imagine mal qu'un conseil départemental recrute un pédicure podologue pour traiter de ce sujet. C'est une question de bon sens. Du reste, parmi les médecins que leur titre habiliterait à être désignés, beaucoup n'ont pas la capacité d'exercer dans la protection de l'enfance, leur spécialité n'ayant rien à voir avec ce sujet.

Il est dommage de refuser l'extension à tout professionnel de santé au nom de ces deux arguments.

La Commission rejette l'amendement.

Elle adopte ensuite l'article 4 sans modification.

TITRE II SÉCURISER LE PARCOURS DE L'ENFANT EN PROTECTION DE L'ENFANCE

Article 5 ABA (nouveau) : Coordination

La Commission adopte l'article 5 ABA sans modification.

Article 5 B : Possibilité pour le président du conseil départemental de confier un mineur à un tiers bénévole

La Commission adopte l'article 5 B sans modification.

Article 5 EA : Accompagnement des jeunes majeurs au-delà du terme de la mesure de protection

La Commission adopte l'article 5 EA sans modification.

Article 5 EB : Protocole d'accompagnement de l'accès à l'autonomie

La Commission adopte l'article 5 EB sans modification.

Article 5 ED : Allocation de rentrée scolaire due au titre d'un enfant placé

La Commission examine l'amendement AS1 de Mme Bérengère Poletti.

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L'article 5 ED met en place un pécule pour les enfants qui ont été confiés aux services de l'aide sociale à l'enfance, afin de leur permettre de se lancer dans la vie, par exemple en finançant des études ou en passant le permis de conduire. L'idée est incontestablement bonne, tout comme le fait que l'allocation de rentrée scolaire ne soit plus versée aux parents qui n'ont plus en charge l'éducation de leurs enfants.

Ce que nous contestons, c'est le dévoiement de l'ARS qui s'opère dans cet article. Cette allocation a pour objet l'accès à l'éducation, qui est actuellement assuré par les conseils départementaux. C'est pourquoi nous considérons que c'est à eux que l'ARS doit être donnée, et que le pécule destiné au jeune doit être alimenté par un autre dispositif. Tel est l'objet de l'amendement AS1.

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L'article 5 ED crée une forme de discrimination. Soit l'enfant est placé au sein d'une famille ou recueilli par les services du département, et dans ce cadre, comme tous les autres enfants, il doit bénéficier d'une allocation de rentrée scolaire ou d'une aide particulière pour faire la rentrée scolaire dans de bonnes conditions. Soit nous n'allons pas assez loin, et il faut alors évoquer le problème des allocations familiales qui continuent à être versées à la famille biologique.

On nous dit que c'est un financement qui sert à la famille biologique pour garder un lien. Malheureusement, on constate dans quasiment tous les départements que peu de familles biologiques conservent des liens fréquents avec les enfants, ou en tout cas utilisent cet argent pour conserver des liens. Mieux vaudrait inverser la règle et verser les allocations familiales au département en le chargeant d'accompagner les familles qui font un effort. Cela aurait comme vertu éducative de faire comprendre aux parents que pour redevenir parents ils doivent prendre leurs responsabilités.

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Ce discours, qui tend à laisser penser que tous les enfants placés en famille d'accueil sont délaissés par leurs familles, est complètement faux puisque 95 % des enfants sont amenés à retourner dans leur famille après leur placement en famille d'accueil. D'où la nécessité de maintenir les liens. Le lien matériel n'est évidemment pas le seul, mais il participe de cette démarche.

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Nous n'avons pas dit que toutes les familles génitrices abandonnaient leurs enfants définitivement. Nous disons que les allocations familiales devraient être versées aux conseils départementaux, en prévoyant des compensations pour les familles qui souhaitent continuer à s'occuper de leurs enfants. Cela éviterait que certaines perturbent l'évolution psychologique des enfants en ne les voyant que le nombre de fois minimum pour que les allocations familiales continuent de leur être versées. De tels cas nous sont très fréquemment rapportés.

Quant à l'allocation de rentrée scolaire, elle sert à équiper les enfants de tout le matériel nécessaire pour leur rentrée à l'école. Beaucoup de familles s'occupent, en plus des enfants qu'elles accueillent, de leurs propres enfants, qui ont parfois le même âge et vont à la même école. Elles se trouvent très ennuyées, car elles n'ont pas l'argent nécessaire pour équiper l'enfant accueilli comme elles le font pour leurs propres enfants. Cela pose un problème d'égalité au sein d'une famille. Donner l'allocation de rentrée scolaire à la famille qui accueille ou au service qui la rémunère me paraîtrait justice.

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Lorsque l'on est élu local, on rencontre des familles dont les enfants sont confiés à d'autres. On le sait, chaque situation est différente, et l'on ne peut pas avoir de vision à l'emporte-pièce.

L'important est que l'intérêt de l'enfant soit préservé et que les moyens financiers accordés par le biais des allocations familiales ou de l'allocation de rentrée soient utilisés à son profit. Ce n'est pas toujours le cas, mais il y a aussi des familles qui restent proches de leur enfant.

La meilleure solution serait que les moyens financiers destinés à l'enfant soient versés au service en lien avec les familles. Celui-ci les distribuerait à la famille d'accueil en fonction des besoins réels et placerait la part non utilisée dans le dispositif mis en place pour l'avenir de l'enfant. Car c'est bien là ce qui compte vraiment.

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Nous proposons, non pas de retirer les allocations à la famille génétique, mais de laisser la décision à celui qui a la responsabilité juridique de l'enfant, à savoir le service d'aide sociale à l'enfance. C'est lui qui est le mieux à même de savoir quelle famille a maintenu des liens, et éventuellement de décider de rétrocéder ces allocations.

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Les termes de « famille biologique » et « famille génétique » me heurtent. Les enfants retirés de leur famille peuvent avoir été adoptés ou appartenir à des familles recomposées. Je préfèrerais que l'on parle de famille d'origine.

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Je ne suis pas étonnée des commentaires que j'entends. La commission mixte paritaire a échoué principalement à cause de nos divergences, notamment avec la majorité sénatoriale, sur cette idée très innovante de la ministre. Il s'agit de confier à la Caisse des dépôts et consignations l'allocation de rentrée scolaire ou la part d'allocation différentielle due à l'enfant confié au service de l'ASE, de façon à ce qu'elle en assure la gestion jusqu'à la majorité de l'enfant ou son émancipation, date à laquelle le pécule sera versé à l'enfant.

Les jeunes confiés à l'ASE entrent souvent dans la vie adulte sans économies, sans famille ou dans des situations familiales très délicates. Ce soutien financier leur offre un outil pour partir sur de bonnes bases, par exemple passer le permis de conduire, poursuivre une formation ou accéder à un logement. Pour un enfant qui aurait passé dix ans auprès de l'ASE, j'ai calculé que ce pécule pourrait s'élever à 3 600 euros. Sans représenter des sommes énormes, il constituerait vraiment un coup de pouce. Ce dispositif particulièrement innovant est le fruit d'une concertation avec les anciens de l'ASE, et il faut le soutenir.

S'agissant du lien qui a été fait avec les allocations familiales, je ne pense pas qu'il y ait de discrimination à ce stade, monsieur Barbier. La discrimination intervient plus en amont. Sauf erreur de ma part, le principe fixé par la loi est que les allocations familiales sont versées à l'ASE, et c'est, par exception, sur décision du juge, qu'elles sont versées aux familles. M. Perrut a eu tout à fait raison de souligner que chaque situation est différente et que c'est l'intérêt de l'enfant qui doit prévaloir. Encore une fois, c'est le juge qui décide ; il a les éléments, il a le dossier, et c'est lui qui peut maintenir le versement des allocations à l'ASE ou les orienter vers la famille. Il n'y a pas à revenir sur ce point.

En tout cas, cette utilisation de l'allocation de rentrée scolaire est un bon outil, innovant, et je le soutiens. En conséquence, avis défavorable à l'amendement.

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Je regrette, la règle en matière d'allocations familiales, c'est de les laisser à la famille d'origine. L'ASE peut demander au juge leur versement au département, mais cela est très rarement accordé au prétexte que la famille d'origine doit garder un lien avec l'enfant.

Par ailleurs, la discrimination dont je parlais est bien le fait de cette allocation de rentrée scolaire. Tous les enfants en bénéficient pourvu que les revenus de leur famille ne dépassent pas un certain plafond. Pour les enfants confiés à l'ASE, l'ARS va être placée sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations en vue de leur constituer un pécule – pourquoi pas ? Mais alors, ce sont les départements qui vont supporter la charge des allocations de rentrée scolaire. Pourquoi ne pas donner cet argent aux départements pour qu'ils fassent bénéficier de l'allocation de rentrée scolaire ces enfants comme tous les autres ? Là, se crée la discrimination. Là, vous vous montrez généreux avec l'argent des autres, en l'espèce celui des départements.

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Je souscris totalement aux propos de M. Barbier.

S'agissant des termes à employer, nous sommes un bon nombre à chercher les plus corrects. Je ne sais pas, d'ailleurs, si « famille d'origine » est le meilleur choix.

En ce qui concerne l'allocation de rentrée scolaire, vous détournez le débat, madame la rapporteure. Nous pourrions être d'accord pour constituer un pécule au bénéfice des personnes confiées à l'ASE, sur des fonds votés par le Parlement. Il faut, en effet, les aider à démarrer dans la vie active. Mais pourquoi les priver de l'aide dont bénéficient tous les enfants pour la rentrée scolaire ?

Les équipes pluridisciplinaires qui accompagnent les enfants placés s'efforcent, malgré les difficultés que ceux-ci rencontrent souvent compte tenu de leurs situations individuelles, d'en scolariser le plus grand nombre en milieu ordinaire. Pourquoi ajouter une discrimination supplémentaire en les privant de l'équipement dont l'ARS permet de doter tous les autres enfants ?

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La rapporteure et notre collègue Jean-Pierre Barbier ont tenu des propos exactement opposés sur le versement des allocations familiales : la première dit qu'elles sont versées à l'aide sociale à l'enfance, sauf si le juge décide de les verser à la famille d'origine ; le second, qui préside un conseil départemental, dit l'inverse. Quelle est la réalité ? Il serait bien d'avoir le fin mot de l'histoire, car cette question revient de manière régulière et, d'un département à l'autre, les situations peuvent être très diverses puisque c'est le juge qui décide.

Nous militons pour que les allocations familiales et l'allocation de rentrée scolaire soient remises de manière systématique à l'aide sociale à l'enfance, qui a la responsabilité juridique des enfants, quitte à permettre des exceptions. Ce n'est pas ce que nous constatons dans les faits.

Cet article sur l'ARS est vraiment celui à propos duquel nous nous sommes opposés tout au long de l'examen de ce texte, sur lequel nous avons par ailleurs plusieurs points d'accord. Nous ne comprenons pas cette idée de la ministre alors qu'il existe mille et un moyens, dans l'éducation d'un enfant, de mettre avec lui de l'argent de côté pour le jour où il partira, comme cela se fait dans n'importe quelle famille.

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La plupart des enfants concernés sont confiés à des tiers – famille d'accueil ou établissement – par décision judiciaire dans le cadre d'une assistance éducative. Le propre de cette mesure est de protéger l'enfant dans son quotidien, mais aussi de travailler au maintien du lien avec les parents, afin de retrouver une situation sécurisante pour un retour au domicile. Le versement des allocations familiales est un outil qui permet de faire ce travail avec la famille, qui ne vit parfois pas au même endroit ou dont les parents sont séparés. C'est un moyen d'intervention, de prise en charge et de suivi de l'enfant. Le plus souvent, les allocations familiales sont versées à la famille naturelle de l'enfant, mais elles peuvent être supprimées, suspendues ou confiées à l'ASE ou un tiers digne de confiance lorsque l'enfant est confié à un tiers. Il me semble important de préserver cela.

Il n'y a pas d'inégalité entre les enfants confiés et les autres : le prix de journée des établissements ou l'indemnité versée à la famille d'accueil représente une prise en charge globale qui intègre l'habillement et la vie au quotidien.

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J'ai beaucoup travaillé sur ce sujet en tant que rapporteur d'une proposition de loi sénatoriale relative au versement des allocations familiales à l'ASE lorsque l'enfant est placé.

Dans la pratique, la décision de placement intervient toujours en urgence. Le juge ne se préoccupe jamais, lors de la première audience de placement, des allocations familiales ; il en laisse toujours le bénéfice à la famille d'origine. Ce n'est que six mois plus tard, lors de la deuxième audience, que le juge va décider, en fonction de l'avis du personnel de l'ASE, de leur maintien en tout ou partie à la famille d'origine.

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N'oublions pas qu'il y a un principe et des exceptions.

Le principe, éthique, de mon point de vue, est que l'enfant puisse un jour retourner dans sa famille et retrouver un cadre familial, même troublé – il peut y avoir une assistance éducative en milieu ouvert, un suivi de la famille. L'objectif n'est certainement pas de le placer ad vitam aeternam. Il y a certes des drames mais, dans la majorité des cas, fort heureusement, la situation n'est pas irréversible. Ce n'est pas parce qu'une famille, à un moment donné, n'a pas pu assumer l'éducation d'un enfant pour des raisons sociales, psychiatriques ou liées à des événements de la vie que cet enfant ne pourra plus jamais y retourner. Il importe de lui conserver cette possibilité, même si c'est difficile, car il partage une histoire avec elle.

Au-delà de ce débat plutôt financier et juridique, des considérations éthiques doivent nous rappeler avant tout que l'enfant a des parents, et que cela doit durer dans le temps.

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Il ne faudrait pas en arriver à la conclusion que la seule manière de rester parents pour les parents naturels est de continuer à percevoir les allocations, et que la seule manière de préparer le retour de l'enfant dans sa famille naturelle – ce que tout le monde souhaite – est de laisser à celle-ci les allocations pendant qu'elle n'en a pas la charge financière. Puisque la situation est réversible, on peut très bien attribuer les prestations à ceux qui assument matériellement la charge de l'enfant pendant la période de placement et les rendre à la famille naturelle lorsqu'elle récupère l'enfant.

S'agissant des émoluments dont bénéficient les institutions de placement, ils sont fixés par les départements. Ils diffèrent donc d'un département à l'autre, de même, par conséquent, que les conditions matérielles des enfants. Il arrive que certaines familles de placement qui reçoivent des enfants de départements différents n'arrivent pas à les traiter de manière égale pour des raisons d'émoluments. Adopter cet article aggraverait considérablement cette situation.

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Le débat dévie, aussi vais-je rappeler deux principes : le premier est que l'enfant a vocation à retrouver sa famille ; le deuxième est qu'en pratique, les allocations familiales vont à la famille.

Toutefois, la loi prévoit que lorsque l'enfant est placé en dehors de sa famille, les allocations familiales sont en principe versées à l'ASE. Le juge peut ensuite décider, de manière dérogatoire, d'en verser tout ou partie à la famille d'origine en fonction des circonstances. Le principe dans la loi est donc qu'en cas de décision de placement, les allocations vont à l'ASE, et par dérogation, la famille peut continuer à en bénéficier.

Je maintiens donc mon avis défavorable à cet amendement.

La Commission rejette l'amendement.

Elle adopte ensuite l'article 5 ED sans modification.

Article 6 : Définition des actes usuels de l'autorité parentale

La Commission adopte l'article 6 sans modification.

Article 6 bis : Exigence de motivation spéciale de la décision du juge aux affaires familiales relative à l'exercice du droit de visite dans un espace de rencontre spécifiquement désigné

La Commission adopte l'article 6 bis sans modification.

Article 6 quater : Retrait de l'autorité parentale en cas d'exposition de l'enfant à des agissements violents

La Commission adopte l'article 6 quater sans modification.

Article 7 : Mise en place d'une commission pluridisciplinaire pour examiner les situations d'enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance

La Commission adopte l'article 7 sans modification.

TITRE III ADAPTER LE STATUT DE L'ENFANT PLACÉ SUR LE LONG TERME

Article 15 : Audition par le juge du mineur en voie d'être adopté

La Commission adopte l'article 15 sans modification.

Article 16 : Alignement du régime d'imposition des transmissions à titre gratuit entre adoptant et adopté sur le régime applicable aux transmissions en ligne directe

La Commission adopte l'article 16 sans modification.

Article 18 : Réforme de la procédure de déclaration judiciaire d'abandon

La Commission adopte l'article 18 sans modification.

Article 21 ter : Encadrement du recours à des tests osseux

La Commission adopte l'article 21 ter sans modification.

Article 22 : Création d'une qualification pénale de l'inceste valant circonstance aggravante d'infractions à caractère sexuel

La Commission adopte l'article 22 sans modification.

Article 22 bis : Suppression de l'exception pour l'infraction de non-dénonciation de certains crimes commis sur un mineur de plus de quinze ans

La Commission adopte l'article 22 bis sans modification.

Article 22 quater A : Mesures de coordination relative à l'introduction de la notion d'inceste dans le code pénal

La Commission adopte l'article 22 quater A sans modification.

Article 22 quater : Objectifs de répartition sur le territoire des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille

La Commission adopte l'article 22 quater sans modification.

Elle adopte enfin l'ensemble de la proposition de loi sans modification.

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Qu'en est-il de la levée du gage dont s'était inquiétée notre collègue Bérengère Poletti ?

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Seul le Gouvernement peut en décider. Mme Poletti devra reposer la question à la ministre en séance publique.

La séance est levée à dix heures trente.