Séance en hémicycle du 3 mars 2016 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • prison
  • procureur
  • pénitentiaire
  • sûreté
  • terrorisme
  • terroriste

La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (nos 3473, 3515, 3510).

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Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 2.

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La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement no 362 .

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Je présenterai conjointement les amendements nos 362 , 361 et 363 , monsieur le président, car ils ont tous les trois pour objet d’introduire des dispositions complémentaires relativement à l’usage de l’IMSI catcher – intercepteur de numéro d’identification de carte SIM –, comme je m’y étais engagé lors de nos débats en commission.

L’amendement no 362 vise à préciser les conditions d’autorisation du recours à l’IMSI catcher par le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction. La décision d’autorisation devra être écrite et motivée mais ne sera susceptible d’aucun recours compte tenu de la nature de la décision et du moment auquel elle intervient. Le dispositif ne pourra être mis en oeuvre que pendant une durée limitée fixée en fonction de la procédure au cours de laquelle l’autorisation est délivrée : un mois renouvelable une fois durant l’enquête préliminaire, deux mois renouvelables deux fois durant une information judiciaire. Il est en effet normal que ces durées soient différenciées pour tenir compte des garanties spécifiques à chacune de ces procédures.

L’amendement no 361 vise à préciser les finalités d’usage de cette technique spéciale d’enquête. Ce dispositif ne pourra avoir d’autres finalités que la recherche et la constatation des infractions pour lesquelles son usage a été autorisé par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d’instruction. Toutefois, si d’autres infractions sont révélées à l’occasion de la procédure pour laquelle l’IMSI catcher a été autorisé, les procédures incidentes ne seront pas de ce seul fait frappées de nullité, comme le prévoit déjà le code de procédure pénale pour les autres techniques d’enquête.

Quant à l’amendement no 363 , il apporte d’importantes garanties à la procédure de recueil des données décidée en urgence sur autorisation provisoire du procureur de la République. La commission des lois avait adopté un amendement de M. Tardy qui prévoyait la destruction des données recueillies lorsque le juge des libertés et de la détention n’a pas confirmé dans les vingt-quatre heures l’autorisation délivrée en urgence par le procureur de la République. J’avais indiqué alors que cette solution n’était pas satisfaisante. Il n’est en effet pas possible de détruire des informations dont l’accès pourrait être nécessaire à l’exercice des droits de la défense, laquelle pourrait soulever des nullités au cours de la procédure. Aussi, je vous propose par cet amendement que les données soient placées sous scellés fermés et ne puissent être exploitées ou utilisées au cours de la procédure. Ces données seront centralisées, conservées et détruites par la plate-forme nationale des interceptions judiciaires dans des conditions que je vous présenterai lorsque l’amendement no 364 viendra en discussion. Cela justifie l’effort important consenti par le Gouvernement – je le salue –, notamment sur le plan financier, pour que ces dispositifs puissent fonctionner.

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La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

L’avis est favorable, et je saisirai l’occasion de la présentation de cet amendement pour préciser l’intention du Gouvernement dans le recours à l’usage de l’IMSI catcher, qui doit nous permettre d’améliorer l’efficacité des enquêtes.

Ce matériel sera utilisé uniquement pour obtenir le numéro de la carte SIM, voire le numéro IMEI, c’est-à-dire l’immatriculation du téléphone portable. Aucune donnée de flux ou de contenu n’est donc concernée, et l’atteinte à la vie privée est minime au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Comme vient de l’indiquer le rapporteur, nous avons travaillé sur un amendement qui permet d’offrir de réelles garanties procédurales et techniques, notamment par le biais de la centralisation, un sujet que votre assemblée connaît bien, puisque nous en avons toujours fait l’élément consubstantiel du contrôle de l’usage de ces outils qui, par essence, peuvent être nomades.

J’avais pris l’engagement, lors de mon audition par la commission des lois, de travailler sur ce point. Le rapporteur vient de rappeler l’engagement financier que cela représente de la part du Gouvernement : entre 2 et 4 millions d’euros d’investissement. Le Gouvernement se félicite ainsi du travail qu’il a accompli avec le rapporteur, lequel se trouve aussi être membre de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et connaît donc mieux que d’autres l’intérêt de ces sujets.

L’amendement no 362 est adopté.

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La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 361 .

L’amendement no 361 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour soutenir l’amendement no 448 .

L’amendement no 448 est retiré.

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La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement no 393 .

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Le présent amendement concerne le délai de validation par le juge de l’autorisation d’utilisation d’un IMSI catcher délivrée par le procureur, délai que nous proposons de ramener de vingt-quatre heures à douze heures.

Je suis arrivé en séance au moment où M. le ministre se référait à un certain nombre de dispositions, que j’ai d’ailleurs moi-même votées dans le cadre de la loi relative au renseignement, concernant l’utilisation de techniques qui, bien qu’ayant également fait débat, s’avèrent efficaces. Il me semblait toutefois intéressant, sauf à ce qu’un élément technique m’ait échappé, auquel cas je souhaiterais qu’on me l’explique, de réduire ce délai de validation.

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L’élément technique à prendre en compte, monsieur Cavard, c’est le temps qu’il faut laisser au juge des libertés et de la détention pour lui permettre d’exercer un contrôle réel sur l’autorisation délivrée. Il serait contradictoire de souhaiter le renforcement des pouvoirs de contrôle et, dans le même temps, de limiter davantage le délai laissé au juge pour examiner les autorisations accordées par le procureur.

En outre, sachez que le délai de vingt-quatre heures est cohérent avec ceux que nous avons fixés dans d’autres textes ; un délai identique s’applique notamment en matière de géolocalisation ordonnée en urgence.

L’avis est donc défavorable.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

L’avis du Gouvernement est également défavorable. Votre proposition n’apporte pas de garantie substantielle, monsieur le député. Techniquement, et nous pourrons en reparler en d’autres lieux, la triangulation nécessite de repérer à partir de trois positions la personne que l’on suit. Si cette dernière reste un certain nombre d’heures au même endroit ou à son domicile, la triangulation ne peut pas avoir lieu. Par conséquent, et pour l’affirmer je m’appuie sur les conversations que j’ai eues avec les utilisateurs de cette méthode, un délai de douze heures est trop restreint.

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Votre amendement est-il maintenu, monsieur Cavard ?

L’amendement no 393 est retiré.

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La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 363 .

L’amendement no 363 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement no 457 .

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

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Votre amendement est-il maintenu, monsieur Sebaoun ?

L’amendement no 457 est retiré.

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La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement no 135 .

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Nous souhaitons compléter l’article 2 par l’alinéa suivant : « Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux données techniques de connexion ou numéro d’abonnement de l’utilisateur lorsqu’il s’agit de la ligne téléphonique dont le titulaire ou l’utilisateur est un avocat, un magistrat, un journaliste, un député ou un sénateur. »

En effet, le projet de loi autorise en matière de criminalité et de délinquance organisées le recours par la police au dispositif des IMSI catcher sur autorisation du juge des libertés et de la détention ou, en cas d’urgence, sur simple autorisation du procureur de la République. La spécificité des professions en cause, au regard notamment de l’indépendance et du secret professionnel, ne permet pas le recours à un tel dispositif, qui est attentatoire aux droits de la défense.

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Avant de répondre à la préoccupation que vient d’exprimer notre collègue Alain Tourret, je dois rappeler la façon dont fonctionne un IMSI catcher, car il est absolument impossible techniquement de satisfaire le présent amendement.

Un IMSI catcher agit comme une antenne-relais factice mobile imposant aux terminaux mobiles situés dans son périmètre de se connecter à lui en se substituant à celles des opérateurs afin de collecter certaines données techniques associées à leur utilisation. Les seules données collectées, je le rappelle, sont des données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur. Les dispositions de l’article 2 ne prévoient aucunement d’autoriser l’interception de la correspondance dans l’usage de ce matériel dans le cadre d’une enquête préliminaire ou de flagrance.

Le matériel est installé dans un endroit qui n’implique pas la pénétration dans un lieu privé. Si l’intervention dans un lieu privé est nécessaire, on change de technique d’investigation et de régime juridique.

Pourquoi n’est-il pas possible d’exclure du périmètre de l’IMSI catcher certaines professions protégées ou de prévoir un régime d’autorisation particulier à leur égard ? Par définition, l’équipement recueille les données de connexion que je viens de mentionner de tous les terminaux mobiles situés dans un périmètre prédéfini. Il n’est donc pas possible d’en exclure ab initio ou de soumettre le recueil de certaines de ces données à un régime particulier au motif qu’elles appartiendraient à une des professions protégées que vous mentionnez, ce qu’il est en outre difficile de savoir a priori, au moment où elles sont recueillies. Seules les données ayant un lien avec la recherche et la constatation des infractions visées par la décision d’autorisation du magistrat pourront être utilisées, les autres étant simplement consignées dans le procès-verbal des opérations et conservées par la plate-forme nationale d’interception judiciaire selon des modalités définies par décret en Conseil d’État et que je viens de proposer de codifier au travers des trois amendements que nous venons d’adopter. Toute recherche d’autres données devra passer par une demande d’interceptions judiciaires, contre lesquelles certaines professions sont spécifiquement protégées.

Je vous propose donc de retirer cet amendement, monsieur Tourret : ce que vous demandez est techniquement impossible. En revanche, votre préoccupation est prise en compte sur le plan juridique, puisqu’il ne sera pas possible d’exploiter de manière incidente et imprévue des données qui auraient été recueillies et qui appartiendraient aux professions que vous souhaitez protéger. Si des membres de ces professions doivent faire l’objet d’investigations particulières, celles-ci auront lieu dans le cadre des règles spécifiques qui leur sont appliquées en matière de technique de renseignement et de technique judiciaire, avec les garanties prévues à cet effet.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Je rejoins M. le rapporteur dans ces efforts pour conduire notre collègue Alain Tourret à retirer son amendement.

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Ex-collègue, s’agissant de vous, monsieur le ministre !

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

C’est juste ; je parlerai donc de l’ami Alain Tourret.

Sourires.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

L’arrêt de la CEDH Uzun contre Allemagne du 2 décembre 2010 a fixé les règles de proportionnalité de l’ingérence dans la vie privée. Nous avons prévu dans ce texte l’usage le plus minimaliste de l’IMSI catcher. Ainsi que le rapporteur l’a rappelé, aucune correspondance ne sera recueillie, et je précise qu’aucune donnée de navigation, c’est-à-dire relative aux sites auxquels se connecte le téléphone ne sera collectée. En d’autres termes, l’usage de l’IMSI catcher que nous autorisons se limitera à l’annuaire inversé.

Or, techniquement, par définition, comme le dit le rapporteur, nous ne savons pas avant l’utilisation du matériel qu’un parlementaire ou un avocat se situe dans son périmètre. Quand bien même nous voudrions vous donner satisfaction, monsieur le député, car votre motivation est tout à fait légitime, nous ne le pourrions pas. En revanche, des normes de protection existent pour les professions que vous évoquez.

À la fois techniquement et juridiquement, votre amendement est inopérant. Si vous acceptiez de le retirer, le Gouvernement vous en saurez gré. À défaut, il serait contraint d’y donner un avis défavorable, ce qui toujours le laisse fort marri.

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Monsieur le ministre, nous ne sommes plus dans la même position, vous et moi : le Parlement est le défenseur des libertés, vous êtes quant à vous le responsable de la technique.

Sourires.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n’est pas incompatible !

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Entre une technique à laquelle je ne comprends pas grand-chose, et la défense des droits et des libertés, je préfère me placer du côté de la seconde, vous l’aurez compris.

Monsieur le ministre, cedant arma togae ! (Sourires.)

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Je voudrais rassurer l’honorable parlementaire que vous êtes, monsieur Tourret : c’est parce que je souhaite avec vous défendre les libertés que j’essaie d’avancer des éléments techniques montrant que votre inquiétude est infondée.

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Acceptez-vous de retirer votre amendement, monsieur Tourret ?

L’amendement no 135 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 364 .

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Cet amendement porte sur les garanties encadrant l’usage de l’IMSI catcher dont il propose un double encadrement judiciaire. D’une part, l’officier de police judiciaire devra dresser un procès-verbal de toutes les opérations de recueil des données. Celui-ci devra comporter la date et l’heure de début et de fin des opérations ainsi que les données recueillies utiles à la manifestation de la vérité. D’autre part, l’amendement précise les modalités de centralisation, de conservation et de destruction des données recueillies. Un décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la CNIL fixera les conditions de centralisation et de conservation des données recueillies par la plateforme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ.

Comme c’est déjà le cas lors de la mise en oeuvre des autres techniques spéciales d’enquête, les données collectées seront détruites à l’expiration du délai de prescription de l’action publique ou si une décision définitive au fond clôture la procédure. Dresser un procès-verbal de cette opération de destruction constituera une obligation. Tout cela nécessite des engagements de la part du Gouvernement dont le garde des sceaux a évoqué l’ampleur. Compte tenu de l’importance du sujet, M. le ministre donnera peut-être quelques explications complémentaires pour éclairer la représentation nationale dans la mesure où il s’agit vraiment d’un progrès majeur en matière d’usage des IMSI catcher mais aussi d’autres techniques.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement connaît les préoccupations de l’Assemblée nationale en matière de centralisation des données. On peut considérer à bon droit qu’elle constitue l’une des conditions de l’efficacité du contrôle du dispositif. Cette avancée majeure appelle néanmoins une précision notable : la date. Le dispositif sera applicable au 1erjanvier 2017. La PNIJ concentrera les interceptions judiciaires et les données recueillies par l’usage de l’IMSI catcher, soit l’annuaire inversé. Chacun peut se féliciter des conditions dans lesquelles nous avons bâti un dispositif novateur qui satisfera tous les défenseurs des libertés individuelles et collectives.

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Je salue la proposition de M. le rapporteur et l’en remercie. Nous avons beaucoup discuté, dans le cadre de l’examen d’autres textes, des techniques telles que l’IMSI catcher et de la façon dont sont traitées et utilisées les données recueillies. L’usage de cette technique a parfois fait l’objet d’incompréhensions sur certains bancs. Certains amendements, qui n’ont pas été défendus, formulent des propositions similaires, quoiqu’un peu plus pointues, à celles de M. le rapporteur. Nous soutenons largement les avancées proposées.

L’amendement no 364 est adopté.

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La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement no 195 .

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Nous proposons de compléter l’article 2 comme suit : « Les données recueillies sont détruites sur décision du procureur de la République dès qu’il apparaît qu’elles ne sont pas en rapport avec l’autorisation de mise en oeuvre, dans un délai maximal de six mois. Il est dressé procès-verbal de l’opération de destruction ». Cet amendement prévoit la suppression des données recueillies par l’IMSI catcher après un délai de six mois sur décision du procureur de la République. Il est indispensable que certains renseignements ne tombent pas dans de mauvaises mains susceptibles d’actions attentatoires aux libertés.

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Compte tenu de l’adoption de l’amendement no 364 , je suis surpris que cet amendement soit discuté. Le dispositif que j’ai proposé et qui a été adopté me semble plus complet. Il tient davantage compte des différentes contraintes qui nous sont imposées, c’est-à-dire la protection des données et leur destruction mais aussi la garantie des droits de la défense qui suppose de ne pas détruire certaines données mais de les placer sous scellé pour un délai à même de garantir d’éventuelles procédures contradictoires.

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Il est normal que cet amendement soit discuté, monsieur le rapporteur, car il vise à compléter l’article 2. En revanche, on peut parfaitement estimer qu’il est satisfait.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

L’avis du Gouvernement est défavorable. Votre amendement, monsieur le député, est en effet moins protecteur que le dispositif proposé M. le rapporteur.

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Je souscris à ces observations mais je ne suis pas responsable de l’inversion de l’ordre de présentation des amendements ! Mon amendement est un amendement d’appel. Il a été entendu par M. le ministre. Je suis satisfait et l’en remercie !

Rires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

L’amendement no 195 est retiré.

L’article 2, amendé, est adopté.

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Je suis saisi d’un amendement portant article additionnel avant l’article 3.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 550 .

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

J’ai dit hier que le Gouvernement n’entend pas déposer des amendements portant article additionnel, sauf pour répondre à l’attente de la commission des lois dont les travaux ont été longs, denses et éminemment utiles à la compréhension des enjeux dont nous traitons.

Ainsi, sur tous les bancs, vous êtes très attentifs à protéger la liberté de certaines professions qui doit faire l’objet, en raison de leur exercice, par exemple d’un mandat, ou de leur fonction, de la plus grande attention. La CEDH a eu l’occasion de le réaffirmer également à de multiples reprises dans sa jurisprudence.

Le Gouvernement partage cette conviction. C’est la raison pour laquelle nous proposons l’amendement no 550 qui a pour objet de réitérer l’assurance que les techniques spéciales d’enquête telles que l’interception de communications ou de correspondances, la géolocalisation et la captation de données ne peuvent en au aucun cas, je dis bien en aucun cas, être appliquées aux professionnels ou représentants visés par cet amendement. Il s’agit donc de la réaffirmation d’un principe. On pourrait considérer qu’il s’agit d’un article déclamatoire. En réalité, il a surtout pour objet de manifester une intention et une conviction militantes. Je sais bien qu’il n’apaisera pas tous les débats mais j’espère qu’il convaincra l’Assemblée nationale de la détermination du Gouvernement, déjà démontrée dans d’autres textes, à préserver les professions concernées au regard de la jurisprudence mais aussi de ses propres convictions.

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Je souscris aux propos que vient de tenir M. le ministre. La commission des lois était en effet préoccupée par ce sujet. L’amendement apporte une réponse à l’une de ses préoccupations. En outre, cet amendement met notre droit en pleine conformité avec la jurisprudence constitutionnelle et conventionnelle en la matière. L’avis de la commission est donc favorable.

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Les professions concernées étaient en effet très inquiètes. Formuler cette garantie à ce stade du projet ne relève pas de pétition de principe. C’était une nécessité absolue, pour emporter la conviction que le Gouvernement veut protéger ces professions derrière le rempart des libertés et les mettre à l’abri des éventuels impedimenta susceptibles de découler de la nouvelle loi.

L’amendement no 550 est adopté.

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La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement no 253 .

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Cet amendement reprend le droit existant qui encadre les décisions du juge d’instruction en matière de captation des données informatiques par une durée maximale de quatre mois augmentée de quatre mois supplémentaires dans les mêmes conditions de forme si l’instruction l’exige.

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Vous proposez, monsieur Sebaoun, de limiter la possibilité de recourir à la sonorisation, la fixation d’images et la captation de données informatiques au cours de l’instruction à une durée maximale de quatre mois renouvelable une fois, soit huit mois en tout contre deux ans proposés par le présent article. Je rappelle que nous en sommes au stade de l’instruction. Je tiens à souligner que cet article constitue un net progrès dans l’encadrement du recours aux techniques spéciales d’enquête au cours de l’instruction car il fixe un délai maximal de mise en oeuvre de deux ans alors que le droit existant ne prévoit aucune limite de temps en matière de sonorisation et de fixation d’images.

Cette durée de deux ans peut sembler nettement supérieure à celle qui est actuellement prévue en matière de captation des données informatiques, soit quatre mois renouvelables une fois à titre exceptionnel. Elle doit toutefois être conservée pour deux raisons. Comme le souligne l’avis rendu par le Conseil d’État sur le projet de loi, elle est proportionnée à la gravité des infractions en cause. Surtout, elle est cohérente avec la durée introduite par l’article 25 du projet de loi en matière d’interceptions de correspondances dans le régime de la délinquance et de la criminalité organisée. Voilà pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous considérons que l’article 3 constitue un progrès. L’amendement proposé constitue un recul par rapport au droit existant car il crée plusieurs régimes distincts. Afin d’apporter au député Sebaoun une réponse précise et concrète, en matière de sonorisations, l’amendement constitue un recul par rapport au droit existant, en l’espèce l’article L. 706-98 du code de procédure pénale. En matière de captation de données, il reprend simplement le droit existant. Cet amendement constitue donc un recul. Il me semble préférable de conserver la rédaction proposée par le Gouvernement.

L’amendement no 253 est retiré.

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Je suis saisi de deux amendements, nos 252 et 428 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement no 252 .

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Cet amendement propose de compléter l’alinéa 15 en précisant que les enregistrements vidéo ou sonore relatifs à la vie privée qui ne relèvent absolument pas d’une infraction constatée ne peuvent être conservés dans le dossier de la procédure. Par voie de conséquence, l’amendement propose que tous les enregistrements sans lien avec l’infraction, quel que soit leur support, soient détruits. Un décret en Conseil d’État fixerait les modalités et le délai de leur destruction.

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La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 428 .

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Il est pratiquement identique à celui de notre collègue Sebaoun mais précise toutefois que la destruction doit avoir lieu dans un bref délai.

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L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions ! Le respect des droits de la défense rend impossible la destruction des données tant que la procédure relative à l’infraction constatée demeure ouverte. Les avocats des parties doivent être à même de savoir quels enregistrements ont été réalisés pour soulever le cas échéant des nullités en temps utile. C’est la raison pour laquelle l’article L. 716-102 du code de procédure pénale prévoit déjà la destruction des données à l’expiration du délai de prescription de l’action publique et l’établissement d’un procès-verbal des opérations de destruction. Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement est aussi défavorable à ces deux amendements car il estime que leur objet est largement satisfait par le droit en vigueur. Les données enregistrées relatives à la vie privée étrangères à l’affaire sont des données judiciaires. Elles forment donc un acte de procédure pénale indivisible dont la destruction suppose des conditions particulières. La confidentialité des données recueillies est garantie par le placement sous scellés fermés des enregistrements prévu par l’article L. 706-100 du code de procédure pénale. La destruction des scellés est prévue à la diligence du procureur de la République ou du procureur général à l’issue du délai de prescription de l’action publique par l’article L. 706-102 du code de procédure pénale. Je ne sais pas si l’enfer est pavé de bonnes intentions, car je ne fréquente pas l’enfer…

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

…mais les amendements me semblent satisfaits.

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L’enfer est parfois très bien fréquenté, monsieur le ministre !

La parole est à M. Alain Tourret.

Les amendements nos 252 et 428 sont retirés.

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La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement no 332 rectifié .

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

L’amendement no 332 rectifié est retiré.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 223 .

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Cet amendement répond à un problème soulevé par plusieurs magistrats dans le cadre de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, que j’ai présidée. La loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure – LOPPSI 2 – a introduit dans les procédures spéciales de lutte contre les formes les plus graves de la criminalité une nouvelle technique d’enquête, la captation des données informatiques.

Les dispositifs techniques destinés à la captation des données à distance sont soumis à un régime d’autorisation administrative relevant de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information – ANSSI. Je crois savoir, monsieur le ministre, qu’un décret encadrant cette autorisation a été publié ou est en voie de l’être.

Du fait de blocages, cette technique n’a jamais pu être mise en oeuvre. Lors de leur audition, le procureur Molins et un magistrat de la section anti-terroriste du TGI de Paris ont fait état de cette difficulté. Suivant leur demande, le présent amendement propose la mise en place d’un dispositif souple et adapté, en prévoyant l’intervention d’un expert assermenté, nommé par le juge d’instruction. Ainsi, il existera au bénéfice du juge d’instruction une exception au régime d’autorisation administrative applicable.

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Je vais tenter d’apporter une réponse technique, ce qui n’est pas toujours simple en ces matières très précises. L’agrément par l’ANSSI des logiciels utilisés pour la captation des données informatiques est une nécessité. Il a été réclamé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés – CNIL – au moment de la création de ce dispositif technique par la LOPPSI 2, entrée en vigueur en 2011, monsieur Ciotti. Cette disposition vise à renforcer les garanties de protection de la vie privée et des libertés individuelles, face à des logiciels qui, s’ils sont insuffisamment encadrés, permettent de procéder à une collecte massive d’informations.

L’habilitation à utiliser tel ou tel logiciel est une condition de la régularité des procédures. Si l’un de ces logiciels n’est pas habilité, son usage peut être frappé de nullité. Monsieur Ciotti, les difficultés de mise en oeuvre, que vous avez signalées à juste titre, ne sont pas apparues en raison de la procédure d’homologation, qui prend entre 48 heures et une semaine, mais des technologies mobilisées par les concepteurs de logiciels.

Je crois savoir que cette question est réglée ou en voie de l’être. Sans doute le Gouvernement pourra-t-il nous en dire davantage sur ce point que votre amendement a le mérite de soulever.

Pour autant, cet amendement conduirait à instaurer un agrément des logiciels à géométrie variable, selon les finalités pour lesquelles ils sont utilisés. Or ces logiciels, très intrusifs, doivent être autorisés par une instance spécialisée et disposant de l’expertise informatique suffisante pour apprécier leurs caractéristiques de fonctionnement.

Les explications techniques que le Gouvernement ne manquera pas d’apporter devraient vous convaincre que cet amendement n’a plus d’objet ou n’en aura bientôt plus. Je vous invite donc à le retirer.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

J’ai eu l’occasion de m’exprimer au Sénat sur ce problème important, souvent évoqué par le procureur de Paris, qui faisait l’objet d’une proposition de loi de Philippe Bas. Éric Ciotti connaît mieux que personne la LOPPSI 2, puisqu’il en était le rapporteur, et c’est à bon droit qu’il a prévu que l’on puisse installer dans les logiciels ce que l’on appelle des « chevaux de Troie » ou des keyloggers.

Il est fait état de difficultés d’usage, qui seraient liées à la complexité de l’habilitation donnée par l’ANSSI. Après vérification, je me dois de vous répondre que les habilitations peuvent être obtenues dans de brefs délais, et que ces difficultés sont plutôt dues au fait que les constructeurs de logiciels n’en ont pas demandé. Le fait est que, compte tenu de notre technologie, il n’y a pas eu suffisamment de demandes. Maintenant que l’offre est construite et que les habilitations sont demandées, nous pouvons considérer que ce problème est derrière nous, et votre amendement désormais sans fondement. Je vous invite à le retirer, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.

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Monsieur le ministre, j’accepte bien volontiers de retirer cet amendement. Vous avez rappelé les arguments en faveur d’une amélioration du dispositif. Il s’agit d’être efficace, pragmatique et de permettre aux magistrats d’utiliser ces techniques indispensables. Je vous fais confiance pour que ce soit désormais le cas, avec la volonté nouvelle qui vous caractérise.

Sourires.

L’amendement no 223 est retiré.

L’article 3 est adopté.

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Je suis saisi de trois amendements, nos 221 , 532 et 533 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 221 .

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Nous abordons un sujet important, celui de la suprématie des États démocratiques face à des entreprises qui se placent au-dessus des lois et des garanties apportées à nos libertés. Un débat s’est ouvert aux États-Unis après qu’Apple a refusé de coopérer avec la justice pour déchiffrer les données d’un portable qui aurait été utilisé par l’un des auteurs présumés de la tuerie de San Bernardino.

Au mois d’août, le procureur de Paris, François Molins, a signé avec trois de ses homologues, américain, britannique et espagnol, une tribune dénonçant le fait que les techniques de chiffrement mises en place par de grands opérateurs rendaient la justice aveugle. Les téléphones portables chiffrés sont désormais illisibles, sauf pour ceux qui disposent du code.

Il s’agit d’un problème majeur quand on sait que, sans parler du prosélytisme djihadiste qui y prospère, des attentats se préparent actuellement sur les grands réseaux de l’internet et de la téléphonie.

Il est essentiel d’aborder ce débat, qui existe aux États-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne, où le Parlement examine actuellement l’Investigatory Powers Bill – pardonnez mon accent !

Sourires.

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Je ne dirai pas que nous avons péché par laxisme, mais nous devons désormais prendre conscience que la défense des libertés publiques, à laquelle je suis attaché comme vous tous, ne peut servir d’alibi au développement de pratiques qui favorisent le terrorisme.

La question est de savoir où mettre le curseur. Je propose, avec cet amendement, de punir de façon beaucoup plus dissuasive l’opérateur de téléphonie mobile, le fournisseur d’accès à internet ou le fabricant d’un outil de téléphonie ou d’informatique qui refuserait de collaborer, dans le cas où un juge engagé dans une information judiciaire contre un acte de terrorisme aurait requis cette collaboration.

Les amendements de M. Galut vont dans le même sens, mais prévoient une sanction moins forte. Je considère qu’il faut aller plus loin face à des entreprises dont la capitalisation boursière atteint plusieurs centaines de milliards de dollars, qui considèrent les États comme des nains et en méprisent les lois et les règles. Je propose donc que les tribunaux puissent prononcer une interdiction temporaire de commercialisation, la seule façon de signaler à ces entreprises que leurs règles financières ne seront jamais supérieures aux lois d’un État démocratique.

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Nous avons une responsabilité. Si nous n’agissons pas, des zones de non-droit vont se développer, qui favoriseront des actes de terrorisme. L’un des responsables américains du renseignement a déclaré que, sans le chiffrement, les attentats de Paris auraient pu être évités. Je suis incapable, contrairement à vous peut-être, monsieur le ministre, de porter un jugement sur la pertinence de cette affirmation. Mais j’estime que nous devons nous attarder sur ce sujet essentiel, pourtant absent de votre projet de loi.

Ces enjeux technologiques sont au coeur du développement du terrorisme. Nous devons nous saisir de cette question, et affirmer une volonté commune. Il n’y a pas d’un côté ceux qui veulent défendre les libertés et de l’autre ceux qui voudraient s’introduire dans tous les téléphones portables grâce à la technique dite de la porte dérobée, ainsi que pourrait le laisser croire le déchaînement que le dépôt de ces amendements a provoqué sur les réseaux sociaux ! Il s’agit de permettre à un magistrat d’utiliser un moyen technique afin d’accéder à des informations capitales pour la résolution d’une enquête ou la prévention d’actes de terrorisme – et de parfois sauver des vies. Voilà un amendement qui me semble donc essentiel !

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Je suis saisi de deux amendements, nos 532 et 533 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Yann Galut, pour les soutenir.

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Comme Éric Ciotti, je considère que nous devons avoir ce débat. Le 11 août 2015, une tribune paraît dans The New York Times signée par François Molins, procureur de Paris, Cyrus R. Vance Jr., procureur de Manhattan, Adrian Leppard, chef de la City of London Police et Javier Zaragoza, procureur de la Haute Cour d’Espagne. Ces quatre magistrats interpellent les pouvoirs publics : actuellement, des dizaines d’enquêtes liées au terrorisme sont bloquées parce que les constructeurs de smartphones ont décidé, depuis septembre 2014, de verrouiller totalement l’accès aux téléphones et, de surcroît, de ne plus avoir la clé de déverrouillage.

Nous sommes confrontés à la volonté de multinationales de faire en sorte que les enquêtes judiciaires échouent parce qu’elles en ont décidé ainsi. C’est inadmissible !

Permettez-moi de lire ce que le procureur Molins a déclaré dans un entretien paru dans L’Express : « Dans l’affaire Sid Ahmed Ghlam, nous avons retrouvé un téléphone dans lequel nous n’avons toujours pas pu "entrer" », ajoutant : « Soit [Google et Apple] proposent un dispositif nous permettant d’accéder aux données nécessaires aux investigations, soit les pouvoirs publics devront tôt ou tard légiférer afin de les y contraindre. » C’était le 2 septembre 2015.

Le 8 janvier 2016, le même ajoute que tous les smartphones que l’on essaie d’exploiter sont verrouillés et cryptés, ce qui pose un grave problème car si la personne refuse de donner son code d’accès, on ne peut plus accéder aux données. Il reste un téléphone que l’on n’a toujours pas exploité, dans l’affaire Ghlam ! Le procureur en avait parlé en septembre : nous sommes en janvier. L’an dernier, pas moins de huit smartphones n’ont pu être explorés. Voilà la situation.

D’un côté, des multinationales ont décidé d’édicter leur propre loi, de l’autre huit téléphones en France ne peuvent être exploités dans des affaires de terrorisme ! Je suis bien conscient, mes chers collègues, des difficultés qui se posent mais nous devons prendre nos responsabilités. Nous ne pouvons accepter que règne la loi du plus fort, la loi de l’argent, surtout au prétendu nom des libertés publiques, quand on sait comment ces multinationales fonctionnent, elles, au nom des libertés publiques ! Nous devons trouver une solution technique pour les contraindre.

Mon amendement ne concernera pas tous les portables, bien entendu, mais simplement ceux pour lesquels il faudra accéder aux données, parce que l’instruction l’exige ou que le procureur de la République le demande au juge des libertés et de la détention. Je ne comprends pas que les défenseurs des libertés, dont je suis, puissent s’opposer à ce que l’on perquisitionne un portable alors que l’on peut perquisitionner une maison ou une voiture ! Il faut résoudre ce problème. Je peux comprendre les arguments que le Gouvernement ne manquera pas d’exposer mais il y a urgence à agir. Que répondons-nous aux victimes ? Aux familles qui se sont portées parties civiles dans l’affaire Ghlam ? Que nous ne pouvons pas accéder à ce téléphone portable ? Imaginez-vous la colère de ces personnes, de ces victimes ? Je comprends les difficultés mais nous devons prendre nos responsabilités, et nous le pouvons en France. J’en suis persuadé.

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La législation a d’ailleurs évolué en Angleterre, mais aussi dans d’autres pays.

Nous pouvons adapter notre législation. Il est essentiel de permettre à nos enquêteurs, dans le respect des libertés bien entendu et en prévoyant toutes les garanties procédurales, de faire avancer nos affaires judiciaires.

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Ce débat n’est pas mince et mérite d’être posé dans l’examen d’un texte tel que celui que nous examinons aujourd’hui. Je partage pleinement la préoccupation et les objectifs d’Éric Ciotti et de Yann Galut. J’adhère aux explications particulièrement solides, charpentées et équilibrées que Yann Galut a données, à la philosophie qui anime toutes celles et ceux qui recherchent des solutions pour que nous ne soyons plus confrontés à ce type de blocage au nom d’une pseudo-défense des libertés, que l’on nous sert à toutes les sauces pour justifier l’injustifiable.

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Il est essentiel que l’on arrête, à chaque fois que l’on veut régler un problème d’usage de techniques de libertés mises au service de l’attaque des libertés, de nous accuser de restreindre les libertés de tous, alors qu’au contraire nous voulons les protéger.

Cela étant, en tant que rapporteur, je me dois de vous répondre en droit. De nombreuses dispositions existent déjà pour imposer aux acteurs de l’internet de coopérer avec la justice et de fournir les informations nécessaires à la manifestation de la vérité dans le cadre d’une procédure ou d’une enquête déterminée. Nous avons renforcé les conditions d’accès de l’autorité judiciaire aux données cryptées. J’indique plus particulièrement à M. Galut qu’il découle des articles 230-1 à 230-5 du code de procédure pénale que le procureur de la République et la juridiction d’instruction ou de jugement peuvent requérir toute personne physique ou morale qualifiée en vue de procéder à la mise au clair des données informatiques saisies ou obtenues au cours de l’enquête ou de l’instruction et ayant fait l’objet d’opérations de chiffrement. Si la peine encourue est supérieure ou égale à deux ans d’emprisonnement et si les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, ces mêmes personnes peuvent également prescrire le recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale, en l’espèce le centre technique d’assistance de la direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI.

Par ailleurs, en 2014, le législateur a renforcé l’efficacité de ces dispositions en reconnaissant à l’officier de police judiciaire le pouvoir de requérir lui-même une personne qualifiée pour la mise au clair de données chiffrées, afin de faciliter la mise en oeuvre de cette procédure et réduire les délais de traitement des demandes de chiffrement.

Enfin, la commission a émis un avis favorable à l’amendement no 90 rectifié de M. Goujon, portant article additionnel après l’article 4 ter, et qui vise à aggraver les peines encourues en cas de refus de coopérer avec la justice dans les affaires de terrorisme. Cela me semble être un vecteur utile pour avancer sur cette question.

Même si nous devrons mener une réflexion au sein de notre propre pays, ces questions devront être abordées au niveau international, comme vous l’avez rappelé au début de votre intervention en citant cette tribune commune, afin que les solutions que nous pourrons trouver soient pleinement efficaces et ne puissent être contournées de l’extérieur.

Monsieur Ciotti, votre proposition de poursuivre pour complicité de crime ou de délit terroriste les acteurs qui ne répondent pas aux réquisitions de l’autorité judiciaire est délicate. Outre que des sanctions pénales sont déjà prévues pour de tels comportements, la sanction que vous proposez me paraît, d’un point de vue strictement juridique, dépasser la rigueur nécessaire à la juste répression de ces non-volontés de coopération. J’en comprends cependant l’objectif et peut-être vouliez-vous simplement marquer les esprits par une sorte d’amendement d’appel. En tout cas, ces agissements n’entrent pas dans le cadre de la notion pénale de complicité.

Merci, monsieur le président, de m’avoir laissé le temps de donner ces explications, au-delà de la position de la commission qui n’a pas retenu ces amendements. Nous portons un grand intérêt à ces questions et il nous reste beaucoup de travail pour trouver les réponses juridiques les plus efficientes afin d’en terminer avec ce que M. Galut a fort bien décrit, des gens qui se moquent ouvertement de nos préoccupations, au nom d’intérêts qui ne sont pas ceux de la liberté mais exclusivement commerciaux.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement remercie les deux parlementaires Yann Galut et Éric Ciotti de nous permettre d’aborder ce sujet crucial. Quelle est l’origine du problème, d’ailleurs ? S’il est vrai que ces opérateurs publics et privés obéissent essentiellement à des intérêts mercantiles, c’est au comportement de la NSA qu’il faut remonter, à l’idéologie de la capture qui la caractérise et l’a conduite à piller les données à un point tel que tout le monde a considéré qu’il fallait y mettre un terme. La réponse commerciale de ces opérateurs fut d’offrir à leurs clients la garantie de ne pas être espionnés !

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Cela étant, nous ne devons pas laisser croire que nous sommes aveugles sur de tels sujets. Les interceptions de sécurité, les interceptions judiciaires, les keyloggers dont nous parlions tout à l’heure, les chevaux de Troie permettent d’accéder au flux. Nous rencontrons des difficultés pour explorer le stock mais nous disposons tout de même d’un certain nombre d’éléments qui nous permettent d’agir. Il ne faudrait pas croire que nous laissons nos adversaires et nos ennemis prospérer pendant que nous attendons tranquillement, un code Dalloz à la main, que la situation évolue.

Que faire ? Soulignons au passage que les Américains eux-mêmes sont impuissants alors que leur capacité d’influence sur les opérateurs privés est largement supérieure à la nôtre, mais ces opérateurs, en jouant sur le conflit de normes, parviennent toujours à se glisser entre les réglementations pour échapper à la sanction. Une loi nationale est, à mes yeux, inopérante. La réponse réside dans la coopération internationale. En disant cela, j’ai bien conscience de vous laisser dubitatifs, aussi vais-je tenter de vous convaincre de nos chances de réussite en vous exposant ce que nous avons déjà engagé.

Tout d’abord, nous nous sommes rendus en Belgique avec le Premier ministre et le ministre de l’intérieur il y a une quinzaine de jours, afin de réfléchir à ces questions et inciter l’Union européenne à défendre des positions de coordination face à ces enjeux. Ces interlocuteurs, mais d’autres aussi, puisque j’ai également rencontré le ministre de la justice italien il y a quelques jours, partagent le même sentiment et je suis assez confiant quant à l’émergence d’une position commune au niveau de l’Union.

Au-delà, vous l’avez évoqué, le procureur de New York a pris l’initiative de cette tribune signée par le procureur François Molins. Or, le procureur de New York a créé une alliance, dont je me garderais bien de donner l’intitulé en anglais car je le parle encore moins bien que M. Ciotti, qui rassemble les opérateurs publics et privés décidés à lutter contre cette cybercriminalité et lever les obstacles au triomphe de l’ordre et de la loi. François Molins est entré dans cette coalition initiée par le procureur de New York. Le ministère de la justice, au travers de la direction des affaires criminelles et des grâces, va y participer. Son directeur, Robert Gelli, mène une coopération avec les Américains. Des réunions se tiennent et la prochaine aura lieu le 18 mars. Nous avons dépassé le stade de la réflexion pour aborder celui des modes opératoires. Je n’ai aucun doute sur nos chances de réussite, d’autant plus que le Parlement, en particulier l’Assemblée nationale, nous aiguillonne. Avec cette épée dans nos reins, nous irons encore plus vite puisque nous partageons la même ambition et la même motivation.

Je vous invite par conséquent à retirer ces amendements auxquels je serai, sinon, défavorable. Soyez persuadés que nous en partageons les objectifs et, j’espère bientôt, les moyens.

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Quel soulagement d’entendre le garde des sceaux, qui a vu naître ce débat aux États-Unis entre Apple et le FBI, s’exprimer ainsi ! À vous entendre, mes chers collègues, je me disais qu’au final, la dernière audition du FBI devant le Congrès avait donné lieu à un débat plus fin et nuancé. Il n’y a pas, d’un côté, des multinationales totalement insensibles à la violence terroriste, et de l’autre, des juges uniquement attachés à la découverte de la vérité !

Le contexte, qu’il convient de rappeler, est celui d’un espionnage de masse de la NSA – sans grande efficacité d’ailleurs, comme l’a rappelé son directeur, également auditionné devant le Congrès américain.

Depuis un certain nombre d’années, pour contrer cette situation, les messageries cryptées et très sécurisées se sont développées, pas seulement du fait d’Apple d’ailleurs. Rappelons également, à la suite du garde des sceaux, que nous avons accès au flux, ce qui constitue déjà une importante source d’information.

De surcroît, les opérateurs ne nous opposent pas un refus : ils nous renvoient à la décision technologique qu’Apple a prise pour sécuriser et rendre attractives leurs offres, à la demande d’ailleurs des acheteurs, essentiellement préoccupés par la sécurité de leurs connexions. Les utilisateurs veulent avant tout avoir un téléphone ou un ordinateur protégé.

D’ailleurs, réfléchissez à ce que pourraient devenir des codes ou des clés de décryptage entre les mains de régimes autoritaires, comme la Chine, la Corée du Nord ou la Syrie. À une époque, des entreprises françaises s’étaient brillamment illustrées en délivrant des outils de décryptage et de suivi au régime syrien.

Le débat n’est pas aussi simple qu’il a été posé. Agir au niveau national ne présente guère d’intérêt mais poser la question sous le seul prisme du combat de Goliath contre les grandes multinationales n’est pas la bonne méthode. Le sujet est beaucoup plus complexe. Il concerne nos libertés et je suis très étonné que certains parlementaires le présentent de manière aussi binaire.

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Puisque vous nous remerciez de soulever ce débat important, monsieur le garde des sceaux, et d’« aiguillonner » le Gouvernement à ce sujet, allons jusqu’au bout de cette logique. Nous n’en sommes qu’à la première étape de la navette parlementaire, c’est donc l’occasion de lancer un message. Et pour que ce message soit reçu, il faut qu’il soit fort. On ne peut se contenter d’annoncer une collaboration internationale dont on sait que jusqu’à présent, elle n’a guère été féconde.

Je conçois qu’il puisse rester des problèmes, mais nous ne sommes pas dans la dernière ligne droite de notre examen et nous devons à ce stade, je le répète, lancer un message puissant. La France n’est pas un nain juridique face à ces multinationales. Alors que la menace terroriste est bien réelle, certaines sociétés considèrent qu’elles n’ont pas à la prendre en compte dans leur logique commerciale, dissimulant ce refus derrière des questions de libertés publiques. Nous devons donc situer notre message sur leur terrain, l’inscrire dans leur logique même, qui est une logique financière et commerciale. Toute autre mesure serait totalement inopérante, qu’il s’agisse d’amendes, si élevées soient-elles, ou de condamnation de dirigeants qui ne sont pas en France.

Aussi proposons-nous une arme de dissuasion – qui, je l’espère, ne sera pas utilisée, car telle est bien la vocation des armes de dissuasion – pour dire que nous ne nous résignons pas à la suprématie de ces entreprises face aux États. Il s’agit de faire de la France un moteur de ce combat que M. Galut a évoqué pertinemment en citant la tribune signée par les principaux procureurs antiterroristes des grandes démocraties. Nous lançons ici ce message, nous ouvrons le débat, et nous le faisons avec des armes qui ne sont pas des pistolets à plomb ou des pétards mouillés. Il faut que nous soyons dissuasifs face à ces géants, faute de quoi ils ne nous prendront même pas en considération. Ils nourrissent un mépris absolu pour les États et pour les démocraties, ils que leurs propres règles sont supérieures. Il faut le dire clairement, car l’enjeu, derrière tout cela, c’est le terrorisme.

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MM. Ciotti et Galut, tout comme le rapporteur et le ministre dans leurs réponses, ont déjà beaucoup dit. Je partage les arguments invoqués : force doit rester au droit, particulièrement dans les démocraties telles que la nôtre. Il est légitime que nous débattions de ce sujet fondamental qu’est l’accès de l’autorité judiciaire à de telles données.

Disant cela, je me tourne vers M. Coronado. Je comprends ses préventions lorsque les États en cause ne sont pas des démocraties. Mais, en l’occurrence, il s’agit d’exiger de ces multinationales – Apple, Google… – que, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, elles permettent à la justice française de faire son travail pour réprimer les atteintes aux libertés et à la démocratie.

L’invitation à ne pas tomber dans la caricature vaut pour nous tous. Je ne crois pas que la philanthropie et la défense des libertés individuelles soient les premières motivations de ces entreprises…

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…qui bien souvent, du reste, savent parfaitement exploiter commercialement des données privées des utilisateurs de leurs produits et, je le dis en ma qualité de commissaire aux finances, s’affranchir des législations fiscales nationales.

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J’interviendrai moi aussi dans le sens de mes collègues Éric Ciotti et Yann Galut. La loi reste le moyen de préserver le plus faible. Vous indiquez, monsieur le garde des sceaux, que vous discuterez avec Apple ou Google, et vous aurez raison de le faire. Mais le problème, aujourd’hui, ne s’appelle plus Apple ou Google : il s’appelle Huawei en Chine, ou Samsung en Corée. Que faire, alors ? Courir en permanence après chaque producteur ? Peut-être arriverons-nous à discuter avec les sociétés américaines, qui évoluent dans un système juridique que nous connaissons, mais comment nous imposerons-nous face à Huawei, société chinoise qui prendra certainement le dessus sur Apple dans quelques années ?

Dès lors, le seul moyen d’envoyer un message clair est d’adopter la proposition de nos collègues. Comme l’a indiqué M. Coronado, il existe dans beaucoup de pays des systèmes privés de messagerie cryptée. J’utilise par exemple Huawei quand je suis en Chine, Telegram quand je suis en Russie.

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Pour qui ne dispose pas des clés, il est quasiment impossible de décoder les messages. Tout le monde peut utiliser les quelques réseaux totalement cryptés existants, dont aucun n’est français.

J’apporte donc un total soutien à ces mesures. Au moment où l’on s’apprête à négocier à Bruxelles une nouvelle étape du traité de libre-échange transatlantique, dit TAFTA, le message du Parlement doit être qu’un État comme la France dispose encore de la maîtrise de certaines normes et de certaines lois.

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Je voterai ces amendements car ils me semblent primordiaux tant du point de vue du message envoyé que de celui de la sécurité de nos concitoyens.

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Je demande une brève suspension de séance, monsieur le président.

La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures cinquante.

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La séance est reprise.

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, la suspension de séance nous a permis de repréciser notre position et je vais le faire publiquement dans la mesure où les parlementaires de l’opposition nous ont fait part de leurs intentions.

Ce sujet est devant nous. Du point de vue du Gouvernement, il exige une réponse si ce n’est internationale, tout au moins européenne et, en tout état de cause, communautaire. Les travaux sont engagés, mais nous avons besoin de cohésion entre tous les partenaires pour avancer et faire front commun.

La loi nationale ne nous paraît pas le mode opératoire le plus efficace pour faire plier des structures aussi influentes que celles qui ont été mentionnées dans cet hémicycle.

Le Parlement a toute légitimité pour questionner le Gouvernement et il aura, dans les semaines qui viennent, de multiples occasions, notamment le retour devant l’Assemblée du projet de loi relatif à l’état d’urgence, de demander au Gouvernement de rendre compte de son action dans ce domaine.

En demandant aux parlementaires de retirer leurs amendements, je prends l’engagement de vous faire part très explicitement et très précisément des avancées auxquelles nous pourrions procéder.

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Monsieur Galut, acceptez-vous de retirer vos amendements ?

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M. Goasdoué souhaitait que nous puissions dialoguer et nous l’avons fait. Avant de vous indiquer ma position, je voudrais vous livrer quelques-unes de mes réflexions.

Il est vrai que la réponse doit être européenne, sinon internationale. Il est vrai aussi que nous pouvons nous doter d’une législation nationale et l’appliquer. Il n’y a aucune impossibilité légale à ce que la législation nationale s’applique aux grands groupes. Je comprends parfaitement que la réponse soit plus forte si elle s’applique aux niveaux européen et international, mais permettez-moi de vous rappeler qu’il y a trois jours, à New York, une décision de justice a donné raison à Apple contre le FBI. Le juge a justifié sa décision en disant qu’il ne pouvait donner raison au FBI parce que la loi nationale américaine, à ce stade, ne le lui permettait pas et il a renvoyé l’affaire devant le Congrès américain.

Le Congrès a donc été saisi de cette problématique et procède actuellement aux auditions de représentants du FBI et d’Apple. C’est pourquoi je considère que nous pourrions, en France, nous doter d’une législation nationale sur cette question.

J’ai également bien entendu le garde des sceaux, et d’ailleurs je salue le Gouvernement pour le projet de loi dans son ensemble. Mes chers collègues, ce texte ayant fait l’objet d’une procédure accélérée, cet amendement, que j’ai rédigé avec vingt-cinq de mes collègues, ne vous a été transmis que jeudi dernier, j’en suis désolé, mais nous étions en vacances parlementaires. Le groupe socialiste, républicain et citoyen n’a donc pu l’étudier et en vérifier les aspects techniques.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué la nécessité pour le Gouvernement de « jouer collectif » : je partage votre sentiment. La majorité ainsi que les parlementaires de l’opposition qui sont présents vous soutiennent. C’est pourquoi je vais, à ce stade, accéder à votre demande, tout en appelant votre attention sur la vigilance dont vous devrez faire preuve et la nécessité de mettre en oeuvre un calendrier extrêmement serré. C’est ce que souhaitent les parlementaires socialistes, et je crois que cette demande est partagée par nos collègues de l’opposition dont je salue les prises de position sur un point qui relève de l’intérêt collectif.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir informés des prochaines réunions qui se tiendront dans les jours qui viennent avec les Italiens et la Commission européenne. Ce débat est devant vous, vous l’avez dit. Nous reviendrons, s’il le faut, devant l’Assemblée nationale avec d’autres amendements si les choses ne sont pas rapidement mises en place.

Les amendements nos 532 et 533 sont retirés.

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Quant à vous, monsieur Ciotti, maintenez-vous l’amendement no 221  ?

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Naturellement, monsieur le président, je le maintiens.

M. Gallut vient de rappeler le contexte : nous sommes au début de la navette de ce texte. Monsieur le ministre, j’entends votre proposition. Je sais qu’elle est sincère et que vous avez la volonté de faire avancer ce dossier.

Pour autant, je crois que nous le ferons avancer d’autant plus rapidement si nous montrons aujourd’hui une détermination très forte. Et cette détermination, j’en suis profondément convaincu, repose sur la sanction, à la fois commerciale et financière.

Les multinationales ont une logique et nous la connaissons : elle est d’abord financière, l’alibi de la défense des libertés étant tout à fait secondaire. Pourquoi ne pas nous inscrire dans cette logique, que ce soit par le biais de condamnations pénales pour complicité ou le paiement d’amendes ? C’est la voie que choisit Yann Galut. Pour ma part, je considère que le meilleur moyen de permettre au juge d’instruction d’agir efficacement pour prévenir des actes de terrorisme, c’est de lui donner la possibilité, grâce à cet outil de dissuasion, de condamner tous les géants qui méprisent les États de droit.

Donnons ensemble ce signal fort ! Nous pouvons améliorer la rédaction de l’amendement, l’enrichir, la Haute assemblée pourra le faire à son tour et nous le pourrons ensemble lors du débat en commission mixte paritaire, mais montrons dès aujourd’hui que nous avons cette volonté qui sera, je le crois, entendue bien au-delà de l’hémicycle.

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Sur l’amendement no 221 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Alain Tourret.

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Les deux interventions que nous venons d’entendre sont d’une très grande qualité.

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J’ai été particulièrement séduit par la proposition, fort simple, de notre collègue Ciotti. Je voudrais dire deux choses à ce sujet.

La première concerne l’infraction elle-même. Il ne s’agit pas, à mon avis, d’une infraction de complicité mais d’une infraction autonome. On demande à quelqu’un de remettre quelque chose, il refuse et c’est ce qui constitue l’infraction, sans qu’il soit nécessaire de nous rattacher à l’objet, à l’instrumentum qui a fait l’objet de la demande.

Deuxièmement, la sanction prévue est intéressante en ce qu’elle est double. En effet, elle passe à la fois par une amende et par une condamnation accessoire, ou complémentaire, celle de l’interdiction de commercialisation.

J’ai par ailleurs bien entendu le garde des sceaux qui, dans un langage un peu curieux, nous a indiqué que cela ne tournait pas, ce qui signifie que l’amendement tel qu’il nous est proposé ne peut s’appliquer à la réalisation de l’infraction.

Il nous a également dit qu’il avait la possibilité, à tout moment, comme on surveille le lait sur le feu, de reprendre cette discussion et qu’il s’y engageait de toutes ses forces. C’est pourquoi je le suivrai et, à mon grand regret, je ne voterai pas la proposition de M. Ciotti.

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Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour avoir beaucoup travaillé sur ces questions de terrorisme et de cybercriminalité, je ferai trois remarques.

Premièrement, nos services sont totalement sourds et impuissants à déjouer les attentats, et c’est vrai pour tous les services. La totalité des informations et des communications qui circulent à l’intérieur des groupes terroristes passent par des systèmes cryptés. Les procureurs eux-mêmes le savent et ils l’ont dit publiquement.

Deuxièmement, quelle ironie, les systèmes cryptés sont généralement issus de l’armée américaine – je pense au réseau Tor et au Dark cloud en général – et la plupart des entreprises qui se livrent à ce genre de commerce sont américaines. Elles utilisent délibérément l’argument des libertés publiques pour gagner de l’argent en sachant parfaitement que le cryptage sert aux trafiquants de drogue, à la grande criminalité et surtout aux terroristes. Il est inacceptable que l’État perde le moindre contrôle sur le cryptage et, de fait, fasse l’objet de manipulations de la part de sociétés multinationales américaines.

Troisièmement, et je me tourne vers M. le ministre, ce qu’a dit Yann Galut est très juste : il faut commencer par se doter d’une loi nationale. En l’absence de loi nationale, vous ne pourrez pas donner un signal à l’Europe ni attendre des initiatives internationales. Les États savent qu’il faut un accord international pour casser ce mur que représentent les multinationales, dont certaines ont un chiffre d’affaires supérieur au PIB d’un certain nombre d’États européens ! Vous n’aurez pas de réaction européenne face à cet imperium américain sur l’internet s’il n’y a pas, ici et là, de réactions nationales fortes.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, nous vous demandons solennellement d’envoyer ce signal. Pas question de reporter ni de retirer cet amendement. J’en avais moi-même déposé un, que malheureusement je n’ai pu présenter ce matin, en début de séance, qui visait à sanctionner la complicité de ceux qui ne collaborent pas avec la justice française dans le cadre de la lutte antiterroriste. M. Ciotti, lui, a opté pour la sanction financière, mais l’objectif est le même.

Nous pourrons rechercher avec vous les meilleurs moyens de parvenir à la finalité que nous voulons atteindre, mais il est absolument indispensable que la France envoie aujourd’hui, solennellement, le signal sans lequel nos procureurs et nos services de renseignements ne pourront avoir accès aux données dont disposent ces sociétés multinationales. Car ces sociétés, mes chers collègues, connaissent les adresses de ceux qui préparent des attentats contre notre pays. Il est insupportable d’accepter une telle situation !

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Compte tenu de la tournure que prend le débat, je pourrais moi-même souscrire à l’idée que certains opérateurs pourraient aider la justice à aller plus vite ou plutôt qu’ils devraient le faire, car l’amendement prévoit des sanctions très lourdes, allant jusqu’à l’interdiction de commercialiser des produits ou des services dans notre pays. Je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’une telle interdiction tienne sur le plan légal.

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Je veux toutefois sans polémique mettre M. Lellouche en garde. Connaissant ses positions, je m’étonne qu’il veuille tout à coup cadrer les multinationales régies par une logique libérale, ces grandes sociétés qui veulent absolument faire de l’argent, au motif qu’elles représenteraient un danger.

Je l’engage à faire de la politique avec nous, afin d’éviter que ces sociétés ne grossissent et n’en viennent à disposer d’autant de capacités. Peut-être faut-il aussi redistribuer l’organisation des entreprises, particulièrement des multinationales, dans le monde. Quoi qu’il en soit, il me semble contradictoire que prétendre, selon une logique libérale, que le marché se régule tout seul, de même que les libertés, et de vouloir tout encadrer.

Mon but n’est pas de polémiquer pour le plaisir, car il s’agit d’un vrai débat de fond, d’un débat politique. En contraignant les opérateurs par souci de bien faire, nous risquons d’ouvrir la voie à d’autres pays. Serge Coronado l’a souligné. Or on est toujours le terroriste de quelqu’un.

La proposition de nos collègues doit donc être bien encadrée. Le garde des sceaux l’a rappelé. Ce sont des mesures que l’on prend à plusieurs et qui méritent d’être discutées. Peut-être trouverons-nous des solutions qui répondront au souhait commun de contraindre les opérateurs à communiquer certaines informations.

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Je voterai l’amendement. Comme l’a indiqué Pierre Lellouche, il s’agit d’envoyer un signal. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre. Nous savons que vous négociez avec nos partenaires, mais ces négociations sont extrêmement longues. En outre, elles ne réunissent pas uniquement des partenaires occidentaux. Dans quelques mois, elles intégreront des Chinois ou des Coréens.

M. Cavard prétend que la mesure proposée n’est pas opérante, mais si nous sommes capables d’interdire le boeuf anglais sur notre territoire, nous devons aussi pouvoir interdire une marque de téléphone provenant d’un pays qui refuserait de coopérer.

Il s’agit non d’encadrer, mais de faire que force reste à la loi et à la justice. Au moment où l’Union européenne est engagée dans une des négociations les plus importantes pour son avenir, après le onzième round du traité TAFTA, véritable bataille de normes, il faut envoyer un message indiquant qu’au-delà de tout libéralisme économique, la force doit rester aux États, pour qu’ils se défendent et qu’ils défendent leur citoyens. En votant l’amendement, nous affirmerons que la France entend contrôler encore un peu sa sécurité et son avenir.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 24 Nombre de suffrages exprimés: 23 Majorité absolue: 12 Pour l’adoption: 11 contre: 12 (L’amendement no 221 n’est pas adopté.)

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La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 469 .

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L’amendement vise à donner au procureur la possibilité d’allonger de huit jours supplémentaires la durée de l’enquête de flagrance, lorsque le fait générateur est un acte de terrorisme.

L’enquête de flagrance constitue un moment crucial durant lequel l’action des forces de police est fluide. C’est le mieux adapté à l’appréhension des terroristes dans les jours qui suivent la commission ou tentative de commission d’un acte de terrorisme. Durant cette phase, toute lourdeur procédurale doit être évitée afin que la police puisse réunir des éléments qui serviront dans le cadre de l’information judiciaire ultérieure.

Comme l’a fait remarquer le sénateur Michel Mercier, l’un des principaux enjeux consiste à éviter une rupture entre la phase d’enquête et celle de l’information.

En outre, le risque existe que les forces de police soient réticentes, en raison de délais insuffisants, à lancer de nouvelles actions dans les derniers jours d’une enquête de flagrance, car elles tiennent, pour sécuriser la procédure, à clore le dossier dans le délai imparti.

Le fondement de la prolongation d’une enquête de flagrance ne pouvant être actuellement que l’impossibilité de différer une action mise en oeuvre par les forces de police, nous proposons de laisser la durée définitive de l’enquête à l’appréciation du procureur dans la limite maximale des vingt-trois jours, en ajoutant huit jours aux quinze actuellement prévus. Nous donnerons ainsi à la police et à la justice des moyens supplémentaires qui lui permettront de lutter plus efficacement contre le terrorisme.

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Je suggère à M. Laurent de retirer l’amendement. À défaut, je rappellerais que la commission a émis un avis défavorable. L’allongement de la durée de l’enquête de flagrance aurait un effet paradoxal : il retarderait la transmission, qui est inéluctable, entre le régime de la flagrance et celui de l’information judiciaire, et renforcerait la coupure entre ces deux régimes.

Le volume d’informations recueillies pendant trois semaines étant très important, il faut au juge d’instruction une durée assez longue pour qu’il se les approprie, ce qui ralentit la poursuite des investigations. En outre, les magistrats de la section antiterroriste de Paris, que Mme Capdevielle et moi-même avons auditionnés pour préparer l’examen de ce texte, n’ont pas formulé de demande particulière concernant l’allongement de l’enquête de flagrance.

À l’origine, une disposition similaire figurait dans la proposition de loi du sénateur Philippe Bas. Son rapporteur au Sénat, Michel Mercier, y a opportunément renoncé, compte tenu des effets que je viens d’évoquer.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement partage le point de vue du rapporteur. L’allongement de la durée de l’enquête de flagrance ne semble pas utile. Nous pensons même qu’elle risque d’entraîner des difficultés d’application.

La durée actuelle de cette enquête est de huit jours. Pour qu’elle soit prolongée, il faut qu’un acte d’investigation intervienne au moins une fois par jour. Elle peut ensuite être prolongée de huit jours sur décision du procureur, lorsque l’infraction poursuivie est punie d’une peine supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement.

Cette durée est la contrepartie des pouvoirs de contrainte que l’enquête permet de mettre en oeuvre. Je pense notamment aux perquisitions sans assentiment et à l’absence du recours systématique à un juge pour les autoriser.

En outre, la rédaction proposée soulève à nos yeux une difficulté d’interprétation sur la durée totale de l’enquête de flagrance et sur son champ d’application. Ainsi, elle ne précise pas si la prolongation spéciale intervient après une première prolongation de huit jours ou si elle constitue un régime dérogatoire à celle-ci. De surcroît, l’amendement semble lacunaire, puisqu’il exclut de la prolongation exceptionnelle les infractions terroristes aggravées, comme l’association de malfaiteurs criminels prévue par le code pénal.

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Oui, monsieur le président, bien qu’il soit perfectible. Mais la commission mixte paritaire pourra le réexaminer.

Dans les temps que nous vivons, il peut être utile de prolonger l’enquête de flagrance. L’argument selon lequel son allongement, décidé par le juge, pourrait déboucher sur un travail supplémentaire lors de l’enquête judiciaire ne me semble pas recevable. Nous souhaitons ouvrir la possibilité de recueillir le maximum d’informations quand un complément s’avère nécessaire.

Dès lors que la décision appartiendrait au juge et qu’elle permettrait une action complémentaire, je ne pense pas qu’il y ait lieu d’opposer la flagrance et l’ouverture d’une information. L’une et l’autre sont liées et complémentaires.

L’amendement no 469 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 219 .

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L’amendement, qui reprend une des propositions de la commission d’enquête sur les filières djihadistes, concerne un point qui avait été soulevé lors de leur audition par les magistrats du parquet antiterroriste.

Il tend à créer un régime de saisie des données informatiques à l’insu de leurs propriétaires, donc indépendant du régime de la perquisition. Actuellement, la capture de données informatiques est juridiquement assimilée à une perquisition, qui requiert la présence de la personne dont on saisit les données, et elle est soumise à certaines exigences juridiques. Ces mesures rendent une telle saisie inopérante.

C’est pourquoi nous proposons de modifier le régime des captations en créant un dispositif spécifique permettant notamment l’accès à un compte de données personnelles à l’insu de son titulaire et indépendant du régime de la perquisition, ainsi que l’a proposé le groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité présidé par Marc Robert.

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Avis défavorable. La captation des données informatiques est un sujet sensible sur lequel porte une jurisprudence récente du Conseil constitutionnel – concernant non les affaires judiciarisées, mais la justice administrative.

L’alinéa 20 de l’article 3 autorise la saisie des données informatiques archivées émises antérieurement à l’autorisation de l’interception – alors que cette saisie n’est actuellement possible que dans le cadre d’une perquisition – en appliquant à la saisie le régime de la captation des données informatiques, ce qui permet, pour réaliser des copies informatiques, de ne pas requérir l’accord ni la présence de l’intéressé.

Cette disposition me semble satisfaire en grande partie l’objectif poursuivi par les auteurs de l’amendement, qui n’a pas été adopté par la commission.

L’amendement no 219 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.

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Je suis saisi de deux amendements, nos 17 et 94 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 17 .

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L’amendement no 17 , déposé par Guillaume Larrivé, propose de porter à trois ans la durée totale de la détention provisoire dans le cadre du délit d’association de malfaiteurs, notamment à caractère terroriste,

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Pouvez-vous à présent présenter l’amendement no 94  ?

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La commission a émis un avis favorable à l’amendement no 17 et défavorable à l’amendement no 94 , qui concerne les mineurs de plus de seize ans mis en examen dans des procédures terroristes.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

L’amendement no 94 est retiré.

L’amendement no 17 est adopté.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 225 .

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Cet amendement a pour objet de permettre la prolongation de la garde à vue de personnes soupçonnées d’avoir commis un crime ou un délit à caractère terroriste, en portant sa durée maximale à huit jours, au lieu de six aujourd’hui.

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Je n’ai pas eu connaissance, au cours des auditions que j’ai tenues, que cette prolongation ait pu être sollicitée par les représentants de la section antiterroriste. En toute hypothèse, elle constituerait une mesure manifestement disproportionnée au regard de dispositions déjà très dérogatoires au droit commun. Certes, à ce stade, ni le Conseil constitutionnel, ni la Cour européenne des droits de l’homme n’ont contesté la possibilité pour le législateur de prolonger la durée de la garde à vue en fonction des faits, des situations et des personnes auxquels elle s’applique. Toutefois, de telles prolongations doivent demeurer justifiées, être strictement encadrées et ne pas excéder la stricte mesure des exigences de la crise. La commission a donc repoussé votre amendement.

L’amendement no 225 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 224 .

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Monsieur le ministre, nous avons eu un long et intéressant débat – qui s’est conclu par un vote serré – sur la puissance des vecteurs technologiques dans la commission de crimes ou de délits terroristes. On constate de plus en plus un phénomène de radicalisation dû à internet et la diffusion de messages de prosélytisme en faveur de Daech sur les réseaux sociaux. On peut malheureusement partager le constat d’un combat assez inefficace contre le déploiement de ces messages sur les réseaux sociaux, qui sont souvent à la source de comportements qui conduisent au terrorisme ou, plus grave, participent à la commission d’actes terroristes. Aussi je souhaite, par cet amendement, conférer au ministre de l’intérieur la faculté de « prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. »

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Je voudrais d’abord signaler que les pouvoirs publics ne sont pas dépourvus d’outils pour bloquer des sites internet. Au-delà des possibilités de blocage judiciaire et des procédures de référé de droit commun, nous avons créé, dans la loi de novembre 2014, une possibilité de blocage administratif. En revanche, conférer au ministre de l’intérieur la possibilité de bloquer des sites internet sans prise en considération de l’urgence – critère que nous avons retenu pour adopter les dispositions relatives à l’état d’urgence – et en dehors de tout régime de pouvoirs exceptionnels et sans procédure contradictoire constituerait, à n’en pas douter, une atteinte disproportionnée au droit et à la liberté d’expression, qui nous mettrait sans doute en difficulté au regard de nos obligations constitutionnelles et conventionnelles. Voilà pourquoi la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.

L’amendement no 224 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 471 .

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Cet amendement vise à mettre un terme à la compétence exclusive de la juridiction parisienne pour la poursuite, l’instruction et le jugement de certains délits liés au terrorisme. Il se justifie par ce que nous savons les uns et les autres : au vu de l’augmentation des infractions constitutives d’actes de terrorisme, liée notamment à la création de peines nouvelles, à la judiciarisation croissante des retours de la zone irako-syrienne, mais aussi aux nombreuses condamnations pour apologie du terrorisme, les moyens de la juridiction parisienne semblent insuffisants, ce qui conduit à un engorgement de son activité, donc du système judiciaire, et pose la question de son efficacité.

La compétence exclusive de la juridiction parisienne en matière de terrorisme est justifiée pour les affaires les plus complexes, les plus graves et, plus largement, pour les affaires criminelles qui relèvent d’actes de terrorisme. Elle est en revanche superflue concernant certains délits qualifiés d’actes de terrorisme, qui pourraient fort bien être décentralisés. Cela permettrait de porter un coup d’arrêt à l’engorgement constaté et introduirait de la fluidité et un surcroît d’efficacité dans son fonctionnement.

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Monsieur Laurent, la juridiction parisienne ne détient pas une compétence exclusive, mais une compétence concurrente à celle des autres juridictions en matière de lutte contre le terrorisme. Vous souhaitez exclure du champ de sa compétence concurrente un certain nombre d’infractions. Or, en pratique, c’est déjà le cas concernant la plupart des infractions que vous évoquez, en particulier depuis une circulaire de la garde des sceaux du 5 décembre dernier. Enfin, vous souhaitez soustraire à sa compétence les deux délits – tentative de départ à l’étranger et consultation habituelle des sites appelant au terrorisme – que vous suggérez de créer à l’article 4 ter. Aussi je vous propose que nous en reparlions à ce stade du débat. Dans cette attente, vous le savez, la commission a donné un avis défavorable à cet amendement pour les raisons que je viens d’exposer.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Je voudrais corroborer les propos du rapporteur. La juridiction parisienne dispose effectivement d’une compétence concurrente, qui lui permet de traiter des dossiers les plus complexes et de laisser aux juridictions territorialement compétentes d’autres enquêtes, relatives à des délits moins graves. Par exemple, la juridiction parisienne se saisit rarement du délit d’apologie du terrorisme.

L’amendement no 471 n’est pas adopté.

L’article 4 est adopté.

Article 4

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La parole est à M. Frédéric Lefebvre, inscrit sur l’article.

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Je souhaiterais revenir sur un débat que nous venons d’avoir et, ce faisant, introduire l’amendement que je présenterai dans quelques minutes. Je me félicite d’abord, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que nous ayons tous ensemble voté, avec l’avis favorable de la commission et du Gouvernement, l’amendement no 17 , que plusieurs d’entre nous défendions avec notre collègue Guillaume Larrivé. Cet amendement permettra de durcir les conditions de détention, notamment de détention provisoire, des présumés terroristes.

Notre collègue Éric Ciotti a été amené à retirer très rapidement l’amendement no 94 , qui avait recueilli un avis défavorable du rapporteur au motif qu’il concernait les mineurs ; cet avis a été confirmé par le ministre. Aussi je veux rappeler que cet amendement no 94 , que nous défendions, concernait certes les mineurs, mais les mineurs de plus de seize ans. Il me semble qu’il serait utile que, dans la suite des débats, on puisse se pencher à nouveau sur cette question, que nous avons examinée pour le moins rapidement tout à l’heure. De fait, dans l’intérêt de tous, de la protection de la société, évidemment, comme de l’efficacité de nos enquêtes et de nos forces de police, il faut rendre possible l’accroissement de la durée maximale de détention des mineurs de plus de seize ans, avec un régime quelque peu différent de celui que nous avons institué pour les majeurs par le vote de l’amendement no 17 .

Permettez-moi d’évoquer rapidement l’amendement no 260 que je vais défendre à l’issue du vote de cet article. Comme je l’avais annoncé à l’occasion du débat sur la déchéance de nationalité, monsieur le ministre, il s’agit de durcir les peines à l’égard des terroristes, en leur étendant notamment le régime de la « perpétuité incompressible », ainsi qu’elle est communément dénommée, bien que ces mots ne figurent pas dans notre législation. Cette peine s’applique actuellement à deux catégories de crimes : l’assassinat avec viol, tortures ou actes de barbarie d’un mineur de moins de quinze ans et le meurtre en bande organisée ou l’assassinat d’une personne dépositaire de l’autorité publique. Il me semble que, pour le moins, les criminels terroristes pourraient se voir appliquer la même peine. C’est un point qui me paraît essentiel.

L’article 4 bis est adopté.

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Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 260 , 176 rectifié , 182 , 530 , 180 rectifié , 113 , 185 et 35 , pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement no 35 fait l’objet d’un sous-amendement no 582 .

Les amendements nos 113 et 185 sont identiques.

La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 260 .

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Monsieur le ministre, j’ai vu que vous acquiesciez à mes propos ; cela pourrait signifier, du moins je l’espère, que nous pourrons nous retrouver sur ce sujet absolument majeur. De fait, il n’y a aucune raison de ne pas porter la durée maximale de la période de sûreté de vingt-deux ans, comme c’est le cas actuellement s’agissant de la réclusion criminelle à perpétuité, à trente ans – à l’instar du régime applicable aux deux crimes que je viens de décrire.

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Nous en venons à deux amendements, nos 176 rectifié et 182 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Olivier Falorni, pour les soutenir.

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Ce qui nous réunit aujourd’hui, bien évidemment, c’est la sécurité des Français. Nous devons poursuivre deux objectifs : renforcer efficacement la lutte contre le terrorisme, mais aussi mettre les terroristes hors d’état de nuire. Aujourd’hui, la peine de perpétuité dite « incompressible » s’applique, aux termes de l’article 221-3 du code pénal, à l’assassinat d’un mineur de quinze ans, « précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, ou lorsque l’assassinat a été commis en bande organisée sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique […] »

Cette peine de perpétuité dite « incompressible » devrait s’appliquer aux actes de terrorisme punis de la réclusion criminelle à perpétuité. La durée de la période de sûreté dépend de l’application de l’article 132-23 du code pénal. Lorsqu’il est précisé dans l’article prohibant le crime que les deux premiers alinéas de cet article 132-23 lui sont applicables, la période de sûreté est de dix-huit ans, à moins que la cour ne décide de la baisser ou de l’élever, sans pouvoir excéder vingt-deux ans.

La règle souffre une exception, instaurée en 1994, à l’initiative de Pierre Méhaignerie, qui est applicable à deux cas : l’assassinat d’enfants précédé ou accompagné de viols, de tortures ou d’actes de barbarie, et l’assassinat de personnes dépositaires de l’autorité publique, commis avec préméditation ou en bande organisée. En ce cas, la cour d’assises peut décider, soit de porter la période de sûreté à trente ans, soit que le condamné ne pourra bénéficier d’aucun aménagement de peine, ce que l’on appelle communément la perpétuité « incompressible » ou « réelle ». Il me semble en effet totalement légitime d’appliquer cette peine, qui se trouve au sommet de notre hiérarchie répressive, aux actes de terrorisme comprenant des crimes de sang.

L’amendement que je vous soumets a une double vocation. Il s’assigne un objectif d’efficacité, par la mise hors d’état de nuire des barbares qui frappent notre pays, mais poursuit aussi un objectif symbolique, qui n’est pas moins important : affirmer haut et fort, ici, qu’un crime terroriste est à l’égal des deux crimes punis de la sorte depuis 1994, que ce crime terroriste est l’atteinte la plus grave aux valeurs de la République.

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La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 530 .

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Cet amendement vise à punir les actes de terrorisme ayant entraîné la mort d’un ou plusieurs individus d’une peine de réclusion criminelle à perpétuité, ainsi qu’à supprimer toute possibilité de remise de peine pour un tel crime ou de tels crimes.

Comme le soulignait le rapport d’information sur l’indignité nationale, qui citait l’historien du droit Jean-Louis Halperin, il serait judicieux, dans le cadre du renforcement des peines applicables aux actes de terrorisme, de rendre applicable la peine la plus lourde prévue par notre code pénal, à savoir la peine de réclusion criminelle à perpétuité.

Par ailleurs, il convient que dans le cadre d’une condamnation à perpétuité, les terroristes ne puissent pas bénéficier de réductions de peines.

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Cet amendement vise à mettre en cohérence le code pénal avec les exigences de la lutte antiterroriste, afin que s’applique la sanction la plus lourde aux crimes les plus graves et les plus odieux, contre lesquels nous sommes tous mobilisés. Il s’agit ainsi de faire reculer le terrorisme dans notre pays et au-delà.

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La parole est à M. Olivier Falorni, pour soutenir l’amendement no 180 rectifié .

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Nous en venons à deux amendements identiques, nos 113 et 185 .

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 113 .

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Il s’agit de renforcer l’échelle des peines ainsi que les sanctions prévues dans le cadre d’une association de malfaiteurs à caractère terroriste.

Cet amendement comporte trois points.

Le premier est l’introduction d’une circonstance aggravante permettant de criminaliser les associations de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste lorsqu’elles sont commises à l’étranger – nous avons beaucoup évoqué cette question des retours hier soir, notamment avec Guillaume Larrivé. Nous souhaitons que ce chef d’accusation soit systématiquement criminalisé.

Deuxième point, extrêmement important : nous souhaitons que l’association de malfaiteurs à caractère terroriste, actuellement punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 350 000 euros d’amende, le soit désormais de trente ans d’emprisonnement et de 450 000 euros d’amende.

Troisième élément : nous réclamons une période de sûreté de trente ans. Nous devons réaffirmer le principe de protection de notre société avec beaucoup de force. Nous savons que les personnes condamnées pour des actes de terrorisme restent malheureusement très souvent enfermées dans leur logique destructrice, et qu’il convient de privilégier le principe de précaution pour notre société.

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La parole est à M. Olivier Falorni, pour soutenir l’amendement identique no 185 .

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Je suis saisi d’un amendement no 35 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 582 du Gouvernement.

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement.

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La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir le sous-amendement no 582 .

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce sous-amendement vise en fait à répondre à la totalité des amendements qui viennent d’être défendus, puisque le Gouvernement est favorable à l’adoption de l’amendement no 35 sous réserve de l’adoption du dispositif que je vais présenter.

Il s’agit de généraliser à tous les crimes et délits terroristes la période de sûreté obligatoire applicable en cas de condamnation à une peine d’au moins dix ans d’emprisonnement.

L’amendement crée ainsi une période de sûreté spéciale de trente ans applicable à tous les crimes terroristes, et pas seulement ceux faisant encourir la réclusion criminelle à perpétuité.

Tous les amendements qui viennent d’être défendus sont ainsi récapitulés par ce sous-amendement à l’amendement no 35 initialement déposé par M. Larrivé et que M. Lellouche a défendu.

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Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?

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Nombre d’amendements – ceux de cette discussion commune et quelques autres qui suivront – convergent vers un même but : supprimer ou durcir les modalités d’exécution des peines pour les personnes condamnées pour terrorisme.

Permettez-moi donc d’exposer globalement la démarche de la commission des lois à ce propos, ce qui me permettra de formuler plus rapidement un avis sur les amendements suivants.

Comme le Gouvernement vient de l’indiquer par la voix du garde des sceaux, j’estime qu’il est nécessaire de renforcer les conditions d’exécution des peines concernant le terrorisme afin de tenir compte d’une part de la gravité des infractions commises par ces personnes, et d’autre part des stratagèmes employés par certaines pour se présenter sous un jour favorable au juge d’application des peines.

Toutefois, je considère que cela doit se faire dans le respect du principe d’individualisation des peines qui doit s’appliquer au stade de leur exécution.

Voilà pourquoi j’émettrai un avis défavorable à l’adoption de tous les amendements tendant à supprimer automatiquement les aménagements de peines dont ces personnes peuvent faire l’objet – je dis bien supprimer « automatiquement ».

En revanche, je suis favorable, parmi les nombreux amendements qui convergent vers cette solution, à celui qui me semble le plus global et le mieux rédigé, l’amendement no 35 de M. Larrivé – sous réserve, bien entendu, de l’adoption du sous-amendement qui vient d’être proposé par le garde des sceaux.

Cet amendement permet au tribunal de prolonger de manière exceptionnelle la durée de droit commun de la période de sûreté applicable à certaines personnes condamnées pour des infractions graves à caractère terroriste en la portant à trente ans ou, si la peine prononcée est la réclusion criminelle à perpétuité, en décidant la perpétuité réelle.

Cette disposition permet de retarder ou d’écarter tout aménagement de peine avec le temps de sûreté pour la période décidée par le tribunal.

Je précise d’ores et déjà que je donnerai un avis favorable à l’adoption de l’amendement no 296 de M. Zumkeller, dont j’ignore s’il sera défendu – le cas échéant, je souhaite pouvoir le reprendre – étendant le bénéfice du suivi socio-judiciaire aux personnes condamnées pour terrorisme.

Cette mesure, destinée à lutter contre la récidive et à accompagner les efforts de réinsertion sociale, autorise la mise en oeuvre d’une surveillance et d’une assistance de la personne concernée pour une durée pouvant aller jusqu’à vingt ans en matière délictuelle et trente ans en matière criminelle.

Enfin, la commission a repoussé les amendements tendant à élargir le champ de la rétention et de la surveillance de sûreté, mesures auxquelles nous demeurons opposés dans leur principe même.

Concrètement, monsieur le président : avis favorable au sous-amendement du Gouvernement et à l’amendement no 35 ainsi sous-amendé, et reprise de l’amendement no 296 s’il n’est pas défendu.

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Nous l’évoquerons tout à l’heure, monsieur le rapporteur.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

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Dans ces affaires, il n’existe pas de clivage entre la droite et la gauche, l’opposition et la majorité. Je me félicite que nous puissions ce matin, tous ensemble et avec le soutien du Gouvernement, nous retrouver afin d’envoyer un signal très fort de répression – dans le cadre de l’individualisation de la peine, donc des principes fondamentaux de notre droit – aux criminels qui se livrent à des massacres, à des attaques terroristes contre notre peuple. Le message que nous venons de délivrer est très important.

En revanche, je regrette que nous n’ayons pas fait preuve de la même unité nationale – cela s’est joué à une voix près – afin d’adresser le même signal aux entreprises qui protègent le secret des communications concernant des actes terroristes.

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C’est d’autant plus regrettable qu’en matière de terrorisme, monsieur le garde des sceaux, il est bien évidemment trop tard lorsque l’acte est commis. Il est bon de punir, de punir gravement et d’éviter que ces gens-là recouvrent la liberté, mais la vraie question, s’agissant de la lutte contre le terrorisme, c’est la prévention.

Le texte dont nous débattons est fort, et les dispositifs qu’il propose en matière de répression font l’unanimité, mais il est incroyablement faible sur le plan de la prévention, comme nous l’avons vu hier soir lorsque nous avons discuté du retour des djihadistes – pas grand-chose de sérieux n’est prévu – et comme nous l’avons constaté à nouveau ce matin lorsqu’il a été question de casser le mur du cryptage imposé par un certain nombre de multinationales qui, littéralement, s’asseyent sur la souveraineté de la France.

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J’aurais aimé que nous soyons aussi unis en matière de prévention que nous l’avons été en matière de répression.

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J’avais formulé cette proposition à l’occasion du débat sur la révision constitutionnelle, et je m’en étais ensuite entretenu avec le Premier ministre. Je suis heureux de constater que nous avons avancé.

Traiter les terroristes comme étaient traités par exception deux cas bien précis que nous avons longuement évoqués pendant nos débats constitue en effet le moyen, pour nous tous, de montrer à quel point nous sommes décidés à ce que les peines les plus sévères et les plus dures de notre droit s’appliquent aux terroristes.

Néanmoins, lorsque j’avais évoqué cette question avec le Premier ministre – mais ce fut aussi le cas dans l’hémicycle – j’ai souligné que, contrairement à la déchéance de nationalité, ce dispositif de la peine incompressible aurait un impact réel, qu’il ne relèverait pas du simple symbole, mais pourrait interdire toute participation à un nouvel acte terroriste à des criminels condamnés pour actes de terrorisme.

Puisque nous avons eu largement le temps de travailler à ces questions depuis plusieurs semaines, pourriez-vous s’il vous plaît nous dire, monsieur le garde des sceaux, combien de criminels qui sont aujourd’hui dans nos prisons pourront se voir appliquer cette peine ? Telle est aujourd’hui la vraie question.

Vous l’avez compris, y compris lors des débats que nous venons d’avoir, je considère que les symboles inefficaces sont finalement les plus contre-productifs. En l’occurrence, il s’agit évidemment d’un symbole, mais aussi et surtout d’une mesure efficace dont nous avons besoin.

Je le répète : nous avons travaillé sur cette question depuis des semaines, et je souhaiterais que M. le garde des sceaux nous communique précisément cette information.

L’amendement no 260 est retiré.

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Bien évidemment, je le retire.

Je remercie M. le rapporteur et M. le garde ses Sceaux pour leur soutien à l’amendement no 35 sous-amendé.

Une telle démarche témoigne d’une volonté commune – pas seulement d’un message –, celle de faire montre d’une plus grande sévérité à l’endroit de ces criminels coupables d’actes de terrorisme. Des mesures fermes et lourdes sont ainsi prises.

Je me félicite que le texte présenté par le Gouvernement évolue en ce sens à ce stade de notre discussion.

L’amendement no 530 est retiré.

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Nul ne conteste la nécessité de mettre hors d’état de nuire des terroristes qui assassinent des compatriotes ou d’autres personnes sur notre territoire.

Je ferai néanmoins entendre une voix dissonante : l’union nationale, c’est très bien, mais un alourdissement indéfini de la peine, compte tenu ce que nous savons de ces terroristes – qui, le plus souvent, souhaitent mourir – n’a aucun sens, même si je comprends que ces individus très particuliers, qui ne sont pas des fous, doivent être mis hors d’état de nuire.

Néanmoins, nous devons nous interroger sur la multiplication indéfinie des années de prison alors que nous savons qu’à un moment donné, cela ne sert plus à rien.

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Monsieur Falorni, vos amendements sont-ils retirés ?

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Ils le sont. Je me félicite à mon tour que le Gouvernement ait décidé de prendre en compte le souhait émis sur tous les bancs de cet hémicycle. La mise hors d’état de nuire des terroristes n’est pas accessoire : elle est indispensable, car elle participe de la sécurité des Français. Je me réjouis donc que notre demande trouve une traduction dans la loi : c’est un signal d’efficacité – et c’est l’essentiel – mais c’est aussi un beau symbole, puisque nous indiquons que, à travers ces crimes, nous punissons l’atteinte la plus grave aux valeurs de la République.

Les amendements nos 176 rectifié , 182 , 180 rectifié et 185 sont retirés.

L’amendement no 113 est retiré.

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La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour un rappel au règlement.

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J’ai posé une question très précise tout à l’heure, à laquelle je souhaite avoir une réponse, car ce n’est pas une question innocente.

J’ai rappelé que la disposition que nous avons adoptée ne devait pas seulement avoir un caractère symbolique, mais qu’elle devait s’appliquer de manière immédiate et être efficace. Or le rapporteur a rappelé tout à l’heure qu’il fallait respecter le principe de l’individualisation des peines, auquel s’ajoutent des problèmes de non-rétroactivité.

Ma question, je le répète, n’est pas innocente.

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Si, dans le texte que j’ai rédigé au départ, j’ai souhaité viser la totalité des crimes terroristes, indépendamment du principe de l’individualisation des peines, c’est bien parce que je crains – et c’est pour cela que j’aimerais avoir une explication précise du rapporteur et du ministre à ce sujet – que le dispositif que nous sommes en train d’adopter ne concerne absolument pas les terroristes qui sont actuellement en prison en France.

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Le Gouvernement a bien entendu votre question, et il y répondra s’il le souhaite.

Le sous-amendement no 582 est adopté.

L’amendement no 35 , sous-amendé, est adopté.

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Je suis saisi de deux amendements, nos 31 et 93 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement no 31 .

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 93 rectifié .

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Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

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La commission a repoussé l’amendement no 31 , mais je dois dire qu’à titre personnel, et après l’avoir regardé de plus près, j’y suis favorable, puisqu’il m’apparaît comme un amendement de conséquence utile. J’émettrai en revanche un avis défavorable sur l’amendement no 93 rectifié .

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée sur l’amendement no 31 .

S’agissant de l’amendement no 93 rectifié , qui reprend l’article 11 de la proposition de loi que le président Philippe Bas a défendue au Sénat, et dont Michel Mercier était le rapporteur, le Gouvernement est constant : il a donné un avis défavorable au Sénat et son avis reste défavorable à l’Assemblée nationale.

L’amendement no 31 est adopté.

L’amendement no 93 rectifié n’est pas adopté.

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La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement no 32 .

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Ma position est la même que sur l’amendement no 31 . La commission a repoussé cet amendement mais, à y regarder de plus près, il me semble qu’il s’agit d’un amendement de conséquence utile. J’y suis donc favorable, à titre personnel, comme aux amendements suivants, nos 33 et 34, pour les mêmes raisons.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Sagesse.

L’amendement no 32 est adopté.

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La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement no 33 .

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Sagesse.

L’amendement no 33 est adopté.

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La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement no 34 .

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Sagesse.

L’amendement no 34 est adopté.

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La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 296 .

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Comme je l’ai annoncé tout à l’heure, je reprends l’amendement de M. Michel Zumkeller puisqu’il n’est pas là pour le défendre.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement est favorable à cet amendement, déposé par Michel Zumkeller et repris par M. le rapporteur. Cette disposition figurait dans la proposition de loi sénatoriale déposée par Philippe Bas, Michel Mercier et François Zocchetto. Le Gouvernement s’y était montré favorable au Sénat et il y est favorable à l’Assemblée nationale.

L’amendement no 296 est adopté.

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Je suis saisi de deux amendements, nos 36 et 92 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement no 36 .

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 92 .

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Cet amendement vise à élargir le cadre de la surveillance judiciaire, c’est-à-dire, pour être clair, les possibilités de rétention de sûreté, aux individus condamnés pour l’ensemble des faits de terrorisme.

Nous proposons de prévoir une période de rétention de sûreté après la période d’exécution de la condamnation, pour ne pas laisser à des individus qui sortent de détention et qui présentent toujours un risque pour la société et pour nos concitoyens, la possibilité de commettre un crime.

Il est bien légitime que le principe de précaution, qui s’applique et est revendiqué par certains en matière environnementale, s’applique aussi en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme. Cet amendement est important : nous voulons mieux protéger la société et, pour ce faire, il faut prévoir cette période de rétention de sûreté.

Nous savons que certains individus, qui ont été condamnés il y a quelques années à huit ou dix ans de réclusion pour actes de terrorisme, vont bientôt sortir de prison. Certains d’entre eux sont d’ailleurs soupçonnés d’avoir participé à l’organisation des attentats qui ont touché notre pays l’année dernière, ou de les avoir influencés. Ces personnes vont se retrouver très prochainement en liberté : à nous de prendre des dispositions pour mieux protéger la société de ceux qui incarnent une menace forte et grave pour nous.

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Je serai bref, car je me suis déjà exprimé sur ces questions tout à l’heure. Le principe de la rétention de sûreté ne fait pas partie des éléments qui sont soutenus par la majorité mais, au-delà de cela, je me permets de vous rappeler, monsieur Ciotti, que nous avons déjà considérablement allongé la durée des peines elles-mêmes. Point trop n’en faut et, comme je l’avais indiqué, l’avis de la commission est défavorable à l’ensemble des amendements allant dans ce sens.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Ces dispositions figuraient aussi dans la proposition de loi déposée au Sénat, et les sénateurs eux-mêmes les avaient supprimées lors de l’examen du texte en commission.

Le Gouvernement est extrêmement défavorable à ces deux amendements. Le champ de leur application est beaucoup trop large, puisqu’ils concernent tous les crimes terroristes. Or le Gouvernement ne souhaite absolument pas élargir le champ d’application de la rétention de sûreté, qui peut d’ores et déjà être prononcée contre certaines personnes condamnées pour des actes de terrorisme. C’est une mesure qui porte atteinte aux libertés fondamentales. Or il convient de respecter les principes de proportionnalité et de nécessité de la peine : son champ d’application doit donc être strictement restreint.

Par ailleurs, cette mesure est conçue pour viser des personnes présentant un trouble grave de la personnalité – un profil qui reste exceptionnel parmi les personnes condamnées pour terrorisme.

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J’avoue, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ne pas très bien comprendre votre logique. M. Éric Ciotti et un très grand nombre de parlementaires de notre groupe…

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…vous ont proposé de préserver nos concitoyens du risque que fait peser sur eux la sortie de prison d’un certain nombre de détenus condamnés pour faits de terrorisme.

Avec mon collègue Guillaume Larrivé, je me suis rendu il y a quelques mois à la prison de Fresnes, où nous avons pu voir directement ceux qui reviennent de Syrie et un certain nombre de personnes ayant été condamnées pour faits de terrorisme. Certains d’entre eux sont très dangereux et arrivent à la fin de leur peine.

Je n’ignore pas le principe fondamental de non-rétroactivité des lois, et je voudrais donc vous poser deux questions. Pensez-vous qu’il soit raisonnable, alors même que nous venons d’augmenter la durée des peines et d’instituer une peine incompressible, de maintenir votre position, qui consiste à exclure toute peine de rétention ?

Deuxièmement, que comptez-vous faire vis-à-vis des individus qui sont actuellement détenus après avoir été condamnés pour terrorisme et qui vont très prochainement sortir de prison ? L’un d’entre eux, considéré comme l’un des plus dangereux, doit sortir dans deux ans. Concrètement, que faut-il faire ? Le relâcher dans la nature ? Ne serait-il pas plus raisonnable d’instituer une peine de rétention ? Tel est le sens de notre proposition, qui est une mesure de prudence. C’est le ministre de l’intérieur lui-même qui parlait de principe de précaution hier soir, pas nous !

Je souhaiterais, sur cette affaire, que chacun abandonne les postures idéologiques ou politiques. Il y va de la sûreté de nos concitoyens. Quand des gens extrêmement dangereux qui ont été condamnés pour terrorisme finissent leur peine, qu’en fait-on ? Est-ce qu’on les renvoie dans la société en pensant que cela va s’arranger tout seul ? Notre société n’est-elle pas en droit de prévoir un système de rétention de sûreté ?

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Je profite de ces amendements pour revenir sur la question que je posais tout à l’heure, puisqu’ils ont le même objet. Compte tenu du principe de non-rétroactivité, que personne ne souhaite remettre en cause, l’amendement que nous avons adopté tout à l’heure doit être complété par le dispositif que nous proposons ici. J’avais ouvert ce débat au moment de la discussion sur la déchéance de nationalité, et nous nous sommes tous retrouvés sur ce point – mon collègue Pierre Lellouche vient de le rappeler.

Vous ne pouvez pas nous expliquer aujourd’hui que des raisons de principe vous interdisent d’appliquer le durcissement du dispositif, qui vaudra à l’avenir, aux personnes qui sont actuellement en prison et dont nous savons qu’elles sont dangereuses. Vous ne pouvez pas, pour une raison purement idéologique, refuser que nous protégions nos compatriotes. Ce serait totalement incohérent !

Nous avons fait un pas ensemble tout à l’heure, et je pense que vous comprenez mieux à présent, monsieur le président de la commission, le sens de mon intervention – tout à l’heure, vous aviez un air interrogatif.

Évidemment, il existe plusieurs dispositifs ; évidemment, on sait parfaitement que la peine, prononcée par le juge lui-même, pourra devenir incompressible. Mais nous ne devons pas, nous ne pouvons pas, au nom du principe d’individualisation des peines, retirer à l’amendement que nous venons de voter l’impact qu’il pourrait avoir. Les amendements de M. Ciotti et M. Lellouche doivent être adoptés : c’est la suite logique de l’amendement que nous avons voté il y a quelques instants.

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Monsieur le ministre, je voudrais faire quelques réflexions pour nourrir ce débat qui me semble structurant, et face auquel nous sommes dans l’incapacité de penser.

Premièrement, je me souviens que, lors de l’examen de la loi relative à la rétention de sûreté, sous la précédente législature, certains ne comprenaient pas, au départ, que cette loi concernait les pervers. La perversion est une structure mentale, et non une maladie au sens médical du terme. Le pervers a une organisation psychique qui fait qu’il est pervers. Il est capable d’attendre vingt ou trente ans en prison et, une fois sorti, de commettre les mêmes actes, avec la totale absence d’empathie qui caractérise cette structure mentale.

Deuxièmement, j’ai à l’esprit une émission de France Culture qui présentait dernièrement un ouvrage sur les crimes de guerre, qui indique que tous les individus, même dans des conditions extrêmes, ne passent pas à l’acte de manière violente.

Troisièmement, j’ai eu l’occasion, dans l’exercice de ma profession et en parcourant les centrales de France, de rencontrer des individus qui, pour moi, ont une structuration psychique qui n’est heureusement pas celle de la majorité de la population. Tout le monde ne devient pas terroriste ; tout le monde ne passe pas forcément à l’acte ; tout le monde n’a pas forcément une absence d’empathie pour l’autre.

En conséquence, même si l’amendement qui vous est présenté va, sur le plan juridique, à l’encontre du droit français existant, il n’en répond pas moins à un impératif majeur, qui est que tout individu n’est pas accessible à la rédemption. Je sais que c’est difficile à entendre, mais si tout individu n’est pas destiné à passer à l’acte, ceux qui le font ont un fonctionnement psychique particulier, auquel la loi doit répondre de manière particulière. Je crois savoir que s’agissant des individus concernés par les unités de déradicalisation, 800 sont en prison et 200 à 300 sont recherchés : or il n’y aura que 100 places, qui ne concerneront pas ce stock de 800 à 1 100 personnes.

Monsieur le ministre, il faut passer à une autre étape si nous voulons réussir à penser ensemble la question qui nous est posée par le terrorisme actuel, d’autant qu’il va durer encore vingt ou trente ans, car il s’agit avant tout d’un combat idéologique et culturel.

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La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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C’est étrange comme il existe dans votre groupe un impensé radical : vous ne parvenez pas à sortir de l’alternative entre enfermement et totale liberté. Si on entre dans votre logique, l’entrave, puis la retenue suivront la rétention de sûreté.

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Il faut savoir que certains détenus ne sortiront quasiment jamais, sauf lorsqu’ils seront devenus très âgés et que l’âge les aura rendus inoffensifs.

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Mais d’autres sortiront auparavant, et il faut mettre en place un mécanisme de surveillance qui permettra de les réincarcérer au moindre nouvel écart, qui ne sera pas nécessairement un acte terroriste. Tel est le sens de notre position, qui n’est pas une position laxiste, mais qui est la seule réaliste : à un moment donné, se posera de toute façon la question de la sortie, même à la fin de la rétention de sûreté. C’est cela que vous n’arrivez pas à penser.

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Précisément, elle est incompressible. La peine de perpétuité pourra durer très longtemps, puisqu’elle ne sera levée que lorsque le juge estimera que le risque a disparu.

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On n’est pas dans l’automatisme mais dans l’aménagement !

Les amendements nos 36 et 92 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 227 .

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Avant de présenter cet amendement, je tiens à souligner que votre refus d’instaurer une période de rétention de sûreté est très grave. Vous prenez une lourde responsabilité. Nous prenons date aujourd’hui. Votre refus sera un point déterminant s’agissant du soutien global que nous pourrions apporter au texte, qui souffre dans sa rédaction actuelle d’une carence majeure, puisqu’il ne protégera pas suffisamment nos concitoyens des menaces. Je le répète : en refusant ce dispositif, vous prenez une lourde responsabilité.

L’amendement no 227 porte sur les aménagements de peine, qui constituent un problème majeur. Comment en effet accepter, évidemment dans le cadre de l’individualisation des peines, que soit exclu du nombre des critères qui déterminent la réponse du juge d’application des peines à une demande de libération conditionnelle ou d’aménagement de peine, le critère de trouble à l’ordre public, c’est-à-dire la menace que peut présenter la personne qui demande l’aménagement de peine ? Une telle logique n’est pas acceptable.

Je rappellerai deux chiffres, qui ont été donnés dans le cadre de la commission d’enquête, dont les travaux pertinents ont été approuvés à l’unanimité. En 2014, sur les quarante-neuf jugements d’aménagement de peine qui ont été rendus concernant des personnes condamnées pour des faits de terrorisme, vingt-cinq ont fait droit – totalement ou partiellement – aux demandes, ce qui représente un taux d’accord de près de 50 %. Le parquet, certes, fait presque systématiquement appel de ces décisions d’aménagement de peine, mais en l’absence de critère pertinent, la chambre de l’application des peines de la Cour d’appel de Paris n’a pas systématiquement infirmé le jugement d’aménagement. C’est pourquoi il convient d’introduire dans la loi le risque de trouble à l’ordre public comme critère possible de rejet des demandes d’aménagement de peine.

Ce débat dépasse d’ailleurs largement la question du terrorisme. Ces aménagements de peine aujourd’hui quasi-systématiques participent à la déconstruction de la peine et à la défiance grandissante de nos concitoyens à l’égard du système judiciaire, parce que la peine réellement effectuée ne correspond pas à celle qui a été prononcée. C’est une contre-vérité pour les victimes, qui ont le sentiment d’être abusées, ainsi que pour la société. C’est encore plus vrai s’agissant du terrorisme. C’est un point essentiel : il faut revenir sur cette logique quasi-systématique de la déconstruction de la peine via les aménagements ou les crédits de réduction, sur lesquels je reviendrai par le biais d’un autre amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, car nous ne le pensons pas cohérent avec l’état actuel du droit de la détention. M. Ciotti sait parfaitement que le critère de trouble à l’ordre public a été supprimé par la loi du 5 mars 2007 pour motiver l’entrée en détention provisoire délictuelle. Il est donc incohérent de le réintroduire en post-sentenciel pour refuser une sortie anticipée d’incarcération.

De plus, il y aurait de notre point de vue un problème de cohérence au regard des principes de proportionnalité et d’individualisation de la peine. L’amendement propose en effet d’appliquer ce critère à tous les condamnés sans distinction.

S’agissant des amendements précédents, que les députés de l’opposition ne fassent pas semblants d’être surpris. Ce débat sur la rétention de sûreté, nous l’avons depuis dix ans,…

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

…puisque vous l’avez créée par la loi du 25 février 2008, qui était une loi relative à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de troubles mentaux. Nous avions à l’époque dit notre désaccord. Vous avez modifié cette loi par celle du 10 mars 2010 et nous avons réitéré notre désaccord.

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Vous avez le droit de changer d’avis face au terrorisme.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Ne soyez donc pas surpris que nous soyons toujours en désaccord avec cette mesure en 2016.

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Vos propos sont très graves, monsieur le garde des sceaux. Ils reviennent à reconnaître que, malgré les événements qui sont intervenus dans notre pays, notamment le 13 novembre, malgré les changements de politique actés par le Président de la République – Dieu sait que nous avons parlé de la déchéance de nationalité ! –, malgré les changements que nous avons adoptés en matière de politique pénale, vous ne changez pas sur la question de la rétention de sûreté, qui est loin d’être symbolique, mais vise l’efficacité pure.

Je comprends mieux pourquoi vous ne m’avez toujours pas répondu sur la situation des terroristes condamnés qui peuvent, encore aujourd’hui, être considérés comme dangereux : en donnant un avis défavorable à l’amendement no 92 , vous refusez au juge la possibilité de les maintenir en détention s’il considère qu’ils sont dangereux. C’est très grave.

Chacun sait ici que je vote les textes du Gouvernement lorsque je les crois bons pour le pays. Je l’ai fait à de nombreuses reprises et sur de nombreux sujets. Les propos gravissimes que vous venez de tenir, monsieur le garde des sceaux, m’amènent aujourd’hui à vous dire que je ne voterai pas ce texte en l’état.

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Monsieur le garde des sceaux, nous en sommes à la septième loi antiterroriste en trois ans et demi. Toutes les lois précédentes, sauf le projet de loi constitutionnelle dont l’examen est toujours en cours, ont été votées par l’opposition. Cette fois-ci, j’aurai du mal à vous suivre.

En matière de prévention, à une voix près, vous n’avez pas voulu envoyer le signal de la résistance aux multinationales américaines pour en finir avec le cryptage des communications entre les terroristes. Vous n’avez pas voulu envoyer ce signal.

En matière de retour des djihadistes sur le territoire français, nous avons bataillé une grande partie de la nuit dernière pour nous entendre dire qu’il n’est pas possible de faire autre chose que de les assigner à résidence pendant un mois à l’issue duquel, lorsqu’on ne pourra pas apporter la preuve qu’ils se sont livrés à des actions de guerre en Syrie ou en Irak où, par définition, nous n’avons ni juges ni policiers, ces braves terroristes retourneront dans la nature. Et que nous dites-vous ce matin ? Qu’à l’expiration de leur peine, ils retourneront dans la nature et que la moitié d’entre eux dispose déjà d’un aménagement de peine !

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M. Ciotti a présidé une commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, dont j’avais d’ailleurs demandé la création, laquelle a montré que la moitié des terroristes sont aujourd’hui relâchés avant l’expiration de leur peine. Voilà le message que vous envoyez aux Français : un, on refuse de prévenir ; deux, ceux qui rentrent de Syrie pourront, pour beaucoup d’entre eux, rentrer chez eux sauf s’il est possible d’apporter des preuves à leur encontre ; trois, quand ils sont en prison, ils pourront obtenir des remises de peine. Si ça, c’est une loi antiterroriste, après le nombre de morts que nous avons eus l’année dernière…

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vous en prie ! Un peu de calme ! Modérez vos propos !

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Monsieur le garde des sceaux, je prends date aujourd’hui avec vous,…

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…parce que je connais ceux qui nous font cette guerre – les connaître, c’est en effet mon métier. Monsieur le garde des sceaux, je prends date avec vous pour le prochain attentat. Je vous renvoie à la responsabilité du texte que vous faites voter. C’est honteux pour la sécurité de nos concitoyens.

Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. le président de la commission des lois.

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…parce que la rétention de sûreté ne sera applicable qu’en 2023. La loi, qui a été votée en 2008, n’est applicable que lorsqu’est prononcée une peine de quinze années de réclusion. La rétention de sûreté ne l’est donc, je le répète, que pour les peines qui seront prononcées et exécutées après cette date, c’est-à-dire en 2023.

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Vous nous faites donc un faux procès en nous accusant d’être favorables à la libération des terroristes et de les lâcher dehors. Je le répète, vous vendez du vent avec la rétention de sûreté, alors que nous vous proposons une aggravation des peines actuelles par la création d’une peine incompressible de trente ans pour les crimes de sang.

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Que faites-vous pour ceux qui sont en prison aujourd’hui ?

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Je vous donne rendez-vous au prochain attentat !

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Nul ne peut prévoir si, où et quand nous aurons à connaître de prochains actes d’agression à l’encontre du pays. Nul ne prétend ici détenir la vérité, pas plus que des réponses toutes faites, car l’ennemi apprend et s’adapte.

Le débat que nous avons n’en est pas moins important. Je respecte l’intelligence et l’humanité du président Raimbourg. Néanmoins, croyez-moi, j’ai été confronté à plusieurs reprises à des individus qui ne fonctionnent absolument pas dans le même cadre mental que nous. Ils sont capables d’attendre vingt ou trente ans en se comportant comme les plus gentils garçons du monde et de recommencer, une fois qu’ils sont sortis de prison, à étriper ou à violer des mineurs ou n’importe quel être humain passant à proximité. Il faut que vous admettiez que nous avons parmi nos frères humains des individus qui ne sont pas accessibles à la rédemption en raison de leur cadre mental et de leur structure psychique, qui ne sont pas les mêmes que chez les autres hommes. Ces individus étaient concernés, à l’origine, par la loi sur la rétention de sûreté : nous comprenions alors les craintes relatives à son application, exprimées par l’opposition de l’époque, devenue aujourd’hui majorité – le président Raimbourg l’a rappelé.

Nous espérons que les individus concernés par vos dispositions seront condamnés à des peines supérieures à cinq ou sept ans, de manière à ce que la rétention de sûreté puisse leur être appliquée. S’ils sont condamnés à deux ou trois ans, alors c’est que nous vivons dans un monde devenu fou, dans le déni de réalité.

Monsieur le président de la commission, entendez encore une fois que ces individus qui passent à l’acte, qui tuent des humains sans aucune empathie, qu’ils soient ou non sous l’influence de produits, ont certainement un fonctionnement et une structure psychiques qui ne sont pas communs – et heureusement ! Il faut donc leur répondre différemment. C’est vous qui avez un impensé radical : vous voulez rester dans la position rousseauiste selon laquelle tout homme est accessible à la rédemption. Le pervers vous démontre le contraire.

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J’aimerais dépassionner le débat. Monsieur Lellouche, je vous connais et je vois le bon travail que vous effectuez dans certaines commissions, mais là, vous êtes un peu caricatural !

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Vous nous reprochez aujourd’hui de vouloir libérer des terroristes, de leur ouvrir les portes des prisons.

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Le débat est de bonne qualité, il faudrait qu’il le reste jusqu’au bout. Moins de caricatures !

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D’où vient cette tendance à chercher des alternatives à la prison et à permettre des aménagements de peine ? On le dit depuis tout à l’heure : elle date de la loi dite Dati. Je sais qu’Éric Ciotti avait déjà rédigé un rapport remettant en cause ces propositions de la garde des sceaux de l’époque, mais ce rapport était malheureusement resté dans un tiroir ! Même dans votre majorité, monsieur Ciotti, vous aviez apparemment du mal à vous faire entendre !

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À l’époque, il s’agissait d’aménagements de peine pour libérer des places dans les prisons, et cela ne concernait pas les terroristes potentiels – je le dis tout de suite, pour éviter toute polémique sur un sujet aussi sensible.

Je vous invite à regarder ce qui se passe ailleurs qu’en France – surtout vous, monsieur Lellouche, qui le faites souvent !

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Vous voyez bien qu’un certain nombre de pays, qui ne sont pas plus laxistes que nous mais qui sont, au contraire, très préoccupés par les enjeux du terrorisme, comme nous le sommes ici, sont capables de mettre en place d’autres formes d’accompagnement et de surveillance des personnes dites dangereuses, ou des personnes repérées comme telles qui finissent de purger leur peine. Cela nous permettrait d’imaginer autre chose que d’enfermer les gens dans des cellules à l’intérieur desquelles ils mourraient – c’est quasiment ce que vous nous proposez, chers collègues de l’opposition !

Ce débat mérite un peu plus de réflexion et de calme. La question de l’incarcération posera aussi celle du rôle et de la fonction de la prison. Ce sujet ne date pas d’aujourd’hui, et il doit être pris en compte.

Monsieur Dhuicq, les malades mentaux, notamment les pervers, n’existent pas qu’en France.

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Je n’ai pas utilisé le terme de « malades mentaux » !

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Vous savez aussi bien que moi qu’ils sont traités différemment dans certains pays. Regardons ce qui s’y passe, et prenons le meilleur !

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À ce stade de notre débat, je veux dire avec beaucoup de sérénité, mais aussi avec un peu de gravité, que j’avais le sentiment, depuis le début, que nous discutions avec sérieux et dans un esprit extrêmement constructif.

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Je suis très sérieux, monsieur le rapporteur !

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J’ai bien compris que vous étiez sérieux, et je pense l’être également. Ayez la gentillesse de me laisser aller au terme de mon propos : je l’apprécierais énormément, car je ne vous ai pas interrompu.

Le Gouvernement et moi-même, en tant que rapporteur, avons fait preuve de beaucoup d’ouverture d’esprit pour que chacun puisse apporter sa contribution à la réussite et à la solidité juridique de ce projet de loi. Cela a déjà été le cas en commission, où des amendements de l’opposition ont été acceptés.

Avant d’ouvrir la discussion générale, M. Ciotti a défendu une motion de rejet préalable dans laquelle il nous invitait à sortir de la caverne de l’idéologie. Or, aujourd’hui, j’entends que le motif qui justifierait un éventuel vote contre ce texte serait, si j’ai bien compris, le fait que nous n’ayons pas accepté, hier soir, des amendements dans lesquels vous nous proposiez d’interdire le retour sur notre territoire de ressortissants de notre propre pays, ce qui tout à fait contraire à tous les principes du droit international.

Vous nous avez reproché la même chose, ce matin, au sujet des relations avec les groupes technologiques qui cryptent les communications télématiques. Notre débat n’a souffert d’aucune caricature. Sur le fond, nous partageons les mêmes objectifs, mais nous avons le souci de rédiger la loi de telle sorte qu’elle soit applicable. En l’occurrence, sur ce sujet important, il est nécessaire d’aller au-delà des solutions proposées par Éric Ciotti, qui ne sont pas suffisantes pour répondre à l’objectif que nous nous étions fixé.

Vous nous faites maintenant le même reproche au sujet de la rétention, alors que Dominique Raimbourg a souligné le très faible nombre de personnes concernées par une mesure qui, de toute façon, n’entrera pas en vigueur demain matin.

Vous voudriez prendre prétexte de la non-intégration de ces éléments dans un texte sur lequel, par ailleurs, nous travaillons tous ensemble, pour justifier un vote qui ne serait pas favorable. Je vous avoue que je ne comprends pas, à moins que vous ne vouliez jeter le bébé avec l’eau du bain ou faire prendre à nos compatriotes des vessies pour des lanternes – je ne crois pas que cela soit souhaitable, et j’espère que ce n’est pas votre état d’esprit. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons, collectivement, faire oeuvre utile pour lutter contre le crime organisé et le terrorisme, ce qui est, je le sais, l’objectif qui nous anime tous.

L’amendement no 227 n’est pas adopté.

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Rappel au règlement, monsieur le président ! J’avais demandé la parole !

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Monsieur Lefebvre, je vous donne régulièrement la parole. Vous pouvez aussi vous exprimer en dehors d’un rappel au règlement !

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Il se trouve, monsieur le président, que nous rencontrons un problème de cohérence de nos débats.

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Un rappel au règlement doit être précis, monsieur Lefebvre. Vous avez la parole.

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Je voudrais revenir sur ce que vient de dire le rapporteur.

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Monsieur le rapporteur, vous avez fait savoir tout à l’heure que vous vouliez reprendre l’amendement no 296 de M. Zumkeller, qui n’était pas là. Je vous en donne acte. Vous vouliez qu’un suivi socio-judiciaire des personnes condamnées pour terrorisme puisse être mis en oeuvre. Quelle est notre position ? Je me fiche que ce soit la peine de sûreté, je comprends très bien que…

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Vous vous éloignez du rappel au règlement, monsieur Lefebvre. Nous reviendrons sur ce sujet ultérieurement.

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Non, monsieur le président ! C’est un problème de cohérence, d’organisation de nos débats ! Le sujet est suffisamment important pour que je puisse en parler !

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 24 .

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Cet amendement porté par Guillaume Larrivé vise également à réduire les possibilités d’aménagement de peine en privant les auteurs d’actes de terrorisme du bénéfice de la suspension et du fractionnement des peines prévus à l’article 720-1 du code de procédure pénale.

Permettez-moi de m’exprimer de façon plus globale. Le sujet dont nous traitons est important : nous rentrons au coeur de l’objectif de ce texte. Nous avons toujours fait preuve de responsabilité en soutenant toutes les mesures allant dans le sens d’une plus grande protection. Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, monsieur le garde des sceaux, nous avons voté la plupart des articles. Mais désormais, nous ne partageons plus les mêmes objectifs. M. le rapporteur vient de rappeler que vous vous êtes opposés, hier soir, à l’amendement que j’ai défendu au nom du groupe Les Républicains permettant l’interdiction du retour des djihadistes binationaux sur notre territoire.

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Connaissant votre position sur la création d’apatrides, permettez-moi de souligner la faiblesse de votre argumentation…

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…et, en tout cas, l’incohérence entre la position que vous soutenez maintenant et celle que vous avez eue sur la question de la déchéance de nationalité.

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Il me semble beaucoup plus cohérent d’interdire aux binationaux de revenir sur le territoire national que de créer des apatrides.

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Ce point me paraît essentiel.

Vous refusez la rétention de sûreté. J’entends vos arguments juridiques – bien entendu, ce débat doit être juridique –, mais notre devoir est aussi de poser des garde-fous pour protéger la société. Comment nos concitoyens peuvent-ils comprendre que des personnes condamnées pour des actes de terrorisme vont sortir de prison, alors qu’elles présentent toujours le même caractère d’extrême dangerosité ?

Vous refusez également la restriction des aménagements de peine, qui revêtent aujourd’hui un caractère quasi systématique.

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Dans le même esprit, je défendrai dans quelques instants un amendement sur les crédits de réduction de peine.

Tout à l’heure, vous avez également refusé d’introduire dans ce texte des dispositifs volontaires pour mieux nous protéger des dérives technologiques. Pour ce faire, vous avez eu besoin d’une suspension de séance et vous avez contraint, au moins en partie, votre majorité : M. Galut, qui soutenait cet amendement, avait manifestement une obligation au moment du vote, ce qui l’a empêché de voter et, de ce fait, a également empêché l’adoption de l’amendement. C’est regrettable.

À ce stade, en effet, nous constatons que nous sommes en désaccord.

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En ne soutenant pas les amendements proposés par l’opposition, dans l’esprit constructif et de responsabilité qui nous a toujours animés, vous n’assurez pas la protection des Français.

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Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 24  ?

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Défavorable. Cet amendement est satisfait par l’amendement no 35 , que nous avons adopté tout à l’heure et qui empêche le condamné de bénéficier, pendant la période de sûreté, des dispositions relatives à la suspension et au fractionnement de la peine, au placement à l’extérieur, aux permissions de sortie, à la semi-liberté et à la libération conditionnelle. La commission a repoussé l’amendement no 24 , car elle savait naturellement que l’amendement no 35 allait être adopté.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout caractère automatique contrevient, par principe, au principe de l’individualisation de la peine. Comme cet amendement prévoit une suppression automatique, le Gouvernement y est défavorable. Tous les condamnés pour des infractions terroristes, y compris les condamnés pour le délit d’apologie, seraient privés de manière systématique du bénéfice de la suspension et du fractionnement des peines, ce qui nous paraît disproportionné.

Pour le reste, monsieur Ciotti, vous avez défendu une motion de procédure estimant que ce texte n’allait pas assez loin. Les positions que vous défendez sont donc cohérentes avec ce que vous avez dit. Juste après vous, Patrick Devedjian a défendu une motion de procédure pour nous dire que nous allions beaucoup trop loin.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement continue à dire ce qu’il a toujours dit. Nous partageons certains objectifs, mais nous avons aussi parfois des opinions divergentes : cela ne nous empêche pas de travailler dans l’intérêt général. Il suffit simplement d’éviter de faire appel à une mauvaise foi abyssale et à l’agressivité.

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Je souhaite revenir sur ce que je disais tout à l’heure à propos du problème de cohérence de nos débats. Monsieur le garde des sceaux, ce n’est pas avec agressivité que je m’exprime,…

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…mais je regrette votre silence après chacune de nos interventions. J’ai compris pourquoi ensuite, malheureusement : aujourd’hui, il y a un trou dans la raquette, et vous le savez. Je vous le répète : je ne voterai pas ce texte si nous ne réparons pas, tous ensemble, ce trou dans la raquette.

Quel est ce trou dans la raquette ? Des terroristes qui sont aujourd’hui en prison vont pouvoir sortir, parce qu’ils ont bénéficié d’un certain nombre d’aménagements de peine et parce que nous ne voulons pas donner au juge la possibilité de les y maintenir au motif qu’ils sont dangereux. Rappeler cet état de fait, ce n’est pas être agressif envers qui que ce soit.

Monsieur le président, vous savez bien que je n’ai pas l’habitude de polémiquer et que je n’utilise pas à cette fin des moyens de procédure. Si j’ai voulu faire un rappel au règlement tout à l’heure, c’est parce que le rapporteur a repris l’amendement no 296 relatif au suivi socio-judiciaire des personnes condamnées pour terrorisme, en dépit de l’absence de son auteur, M. Zumkeller. Il faisait ainsi un pas dans le bon sens. Désormais, le juge aura la possibilité d’aménager et de prendre des décisions en fonction de l’intérêt général et de la protection de nos concitoyens.

Quant à la peine de sûreté, j’entends vos arguments, monsieur le garde des sceaux, et je sais à quel point il est difficile pour vous de revenir en arrière. Mais ce n’est même pas ce que je vous demande. La seule chose que je demande au Gouvernement, c’est de travailler à un dispositif qui permette, au-delà de l’amendement no 35 que nous avons adopté tout à l’heure et qui nous a tous rassemblés, de régler le problème des terroristes qui sont aujourd’hui en prison, dont on sait qu’ils sont dangereux, mais que la procédure ne nous permet pas de maintenir en détention. Voilà ce que je vous demande, monsieur le garde des sceaux ! Votre réponse à ma question conditionnera mon vote et, j’en suis certain, celui d’un certain nombre de mes collègues. J’aimerais que vous ayez, cette fois-ci, l’amabilité et la politesse de me répondre, ce que vous ne faites pas depuis le début de ce débat.

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Monsieur le rapporteur, je me permets de vous signaler que l’amendement présenté il y a un instant par M. Ciotti concerne les articles 421-1 à 421-6 du code pénal. L’amendement no 35 que nous avons adopté tous ensemble précédemment visait quant à lui l’article 421-7. Contrairement à ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur, l’amendement no 35 ne couvre donc pas les fractionnements de peines qui font l’objet de l’amendement de M. Ciotti. À moins que je ne me trompe, mais je suppose que vous aurez l’amabilité de vérifier, car le sujet est loin d’être anodin.

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Par ailleurs, lorsqu’il y a un désaccord entre nous sur un texte qui devrait nous rassembler, il n’est pas de bonne méthode de considérer que, par définition, nous serions de mauvaise foi ou agressifs parce que nous ne sommes pas d’accord avec vous sur un certain nombre de points.

Le retour des terroristes en France est un vrai sujet. S’il s’agit de binationaux, notre groupe, par la voix de M. Ciotti, est fondé à demander à ce qu’ils ne reviennent pas. C’est du reste ce qui se passe, car M. Cazeneuve lui-même a procédé à des interdictions de retour sur le territoire pour un certain nombre de terroristes.

Comme c’est déjà le cas, je ne vois pas pourquoi vous vous opposez à quelque chose qui existe déjà, alors que par ailleurs, vous proposez l’apatridie qui, elle, est contraire à notre droit et qui vous posera des problèmes par rapport à la Convention de l’ONU de 1962.

Il y a des différences de fond entre nous, monsieur le rapporteur, monsieur le garde des sceaux. Quand j’entends dire que l’objectif du texte est le retour à une vie familiale et professionnelle normale – Mme Boistard, hier, parlait même d’un retour à une vie scolaire normale – nous pensons pour notre part, peut-être parce que nous travaillons beaucoup sur ces dossiers…

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…que, malheureusement, les personnes de nationalité française ultra-radicalisées, ultra-violentes qui se sont battues à Rakka ou à Mossoul depuis des années auront du mal à mener une vie familiale ou scolaire normale et à aller pointer à Pôle emploi.

Aussi, nous pensions qu’une rétention de sûreté en attendant de faire le tri sur leur situation judiciaire pouvait être une mesure raisonnable. Vous l’avez retoquée, ainsi que nos propositions relatives au matériel électronique, alors que ces technologies concernent la communication des terroristes. Comme vous avez retoqué les mesures concernant les libérations anticipées, qui étaient pourtant raisonnables, monsieur le rapporteur.

Ne mettez pas sur le compte de je ne sais quelle idéologie ultra-agressive ou répressive des mesures que nous considérons, nous, être des mesures de sûreté raisonnables.

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Pour la première fois, depuis deux ou trois ans, nous avons un vrai désaccord de fond sur la politique à mener en matière de lutte antiterroriste…

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…dont nous tirerons les conséquences au moment du vote. En tout cas, ne cachons pas cette vraie différence de fond qui ressort de nos débats depuis ce matin.

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J’apporterai à M. Lellouche une réponse d’ordre technique, puisqu’il m’a interpellé sur ce point. Avec l’amendement no 35 , nous avons introduit un article 421-7 complétant le chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal, qui est ainsi rédigé : « Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues au présent chapitre. » Les mesures prises visent donc l’ensemble du chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal.

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La parole est à M. le président de la commission des lois.

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Monsieur Lefebvre, puisque vous souhaitez une mesure dite « de surveillance judiciaire » – qui est une peine spéciale –, je vous rappelle que nous l’avons instaurée dans une loi que vous n’avez pas votée, à savoir la réforme Taubira du 15 août 2014. Nous avons introduit ce mécanisme car il existe une possibilité nouvelle et étendue de révocation de l’ensemble des crédits de peines qui ont été prononcés, avec une possibilité de surveiller n’importe quelle personne sortant de prison, quelle que soit la durée de la peine prononcée. Ces mécanismes existent d’ores et déjà, monsieur Lefebvre.

S’il faut les améliorer…

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…améliorons-les. Pour ma part, je me suis également rendu à Fresnes, et je sais que des personnes ont été condamnées à des peines de l’ordre de cinq, six, huit ans de prison, essentiellement pour avoir participé à des tentatives d’évasion, ou pour association de malfaiteurs. Nous avons la possibilité d’exercer cette surveillance. En effet, monsieur Dhuicq, je ne crois pas en la possibilité de rédemption pour tout le monde. Certains ne seront pas touchés par cette espèce de grâce, on peut le regretter, mais c’est ainsi.

Et une fois la peine accomplie, il est nécessaire d’exercer une surveillance très serrée.

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Nous avons aujourd’hui des moyens qui ont le mérite d’exister. Ne polémiquons donc pas inutilement à propos de mesures que l’on peut améliorer et que l’on peut mettre en application.

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La parole est à M. Frédéric Lefebvre. Très brièvement, monsieur Lefebvre, car nous sommes assez loin de l’amendement !

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En fait, nous sommes toujours sur le même sujet depuis une heure, monsieur le président.

Je remercie le président de la commission pour sa main tendue. À partir du moment où le Gouvernement s’engage dans ce texte, et sur la base des dispositifs qui ont été votés dans la loi Taubira, à étendre le dispositif – car c’est sur ce point que porte notre différend – pour qu’au-delà de la surveillance à l’extérieur d’une prison, on puisse permettre le maintien en prison, et que la surveillance soit un maintien en prison – appelez-la comme vous voulez, peine de sûreté par exemple – nous pouvons nous retrouver.

Si vous en prenez l’engagement – et le Gouvernement peut à tout moment proposer un amendement en ce sens – je voterai le texte : je l’ai déjà dit, et l’ai suffisamment prouvé. Nous sommes ici au-delà des symboles : il est question d’efficacité et de protection de notre pays et de nos compatriotes.

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Sinon, et ce n’est pas pour faire de la polémique, je ne le voterai pas.

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Notre discussion étant assez éloignée du contenu de l’amendement, je me permets de prendre la parole pour réagir aux propos de notre collègue Dhuicq. Il a parlé de « pervers », et je crois qu’il connaît assez bien le sujet.

En réalité, quoi que l’on pense de la sûreté, on ne peut pas faire l’amalgame entre des pervers et des terroristes qui ont très probablement fait l’objet d’expertises psychiatriques. Quels qu’aient été les résultats, que j’ignore, et les experts psychiatres peuvent se tromper, on ne peut pas faire aussi simplement l’amalgame entre un pervers et un terroriste.

Ces gens ne sont pas fous, même s’ils sont dangereux.

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Nous n’avons pas à mener un débat de nature psychiatrique, mais à voter sur l’amendement no 24 , puisque chacun a pu s’exprimer.

L’amendement no 24 n’est pas adopté.

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Puisque le Gouvernement ne daigne pas répondre, je m’en vais !

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 228 deuxième rectification.

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Le présent amendement aborde la question des crédits de réduction de peine. Les aménagements de peine participent à la problématique de la déconstruction de la peine que j’évoquais il y a quelques instants. C’est un sujet majeur. Dans la mesure où vous engagez une réforme de la procédure pénale, nous devons nous interroger sur le sens de la peine et son effectivité.

La question est essentielle pour l’acceptabilité des décisions de justice par nos concitoyens et leur confiance dans notre système judiciaire. Les crédits de réduction de peine réduisent quasi automatiquement les peines. Vous me répondrez sans doute, monsieur le garde des sceaux, que le principe d’individualisation de la peine est garanti, que chaque cas est examiné de façon individuelle. Or vous savez bien que les crédits de réduction de peine sont accordés, à plus de 99 %, dans quasiment tous les cas. Dans les faits, l’automaticité, que vous contestez, existe bel et bien.

Actuellement, le condamné bénéficie d’un crédit de réduction de peine, calculé sur la durée de la condamnation prononcée, à hauteur de trois mois pour la première année, deux mois pour les années suivantes et sept jours par mois pour une peine de moins d’un an.

Concrètement, une personne condamnée à trois ans et demi de prison pourra donc bénéficier d’une remise de peine égale à trois mois la première année, plus quatre mois les deuxième et troisième années, plus quarante-deux jours les six mois restants.

Il s’agit bien d’une déconstruction de la peine. Il me semble qu’il faut revenir sur ce système d’automaticité…

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...qu’il s’agisse des aménagements de peine ou des crédits de réduction de peine. Sortons de cette hypocrisie qui consiste à dire que l’on n’est pas dans l’automaticité puisqu’il y a le principe d’individualisation. Celui-ci n’est pas respecté, n’est plus appliqué. Se pose aussi le problème de l’inexécution de certaines peines, sujet majeur s’il en est. La déconstruction de la peine, l’aménagement automatique servent à masquer les défaillances matérielles, l’absence de places de détention en nombre suffisant. Le sujet est au coeur du dysfonctionnement de notre système judiciaire – vous le savez, monsieur le garde des sceaux. Il faut donc s’attaquer à ce problème, revenir à l’individualisation et se doter de moyens supplémentaires.

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Nous l’avions fait avec la loi de programmation relative à l’exécution des peines de mars 2012, que Mme Taubira a totalement déconstruite.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable, parce que les magistrats antiterroristes, notamment, considèrent que le crédit de réduction de peine est un outil précieux.

L’amendement no 228 deuxième rectification n’est pas adopté.

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Je suis saisi de deux amendements, nos 229 et 18 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 229 .

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Cet amendement de repli vise à supprimer les crédits de réduction de peine pour les personnes condamnées pour des faits de terrorisme. Le précédent amendement avait un caractère de portée générale, celui-ci ne concernerait que les personnes condamnées pour des faits de terrorisme.

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La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement no 18 .

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Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

L’amendement no 229 n’est pas adopté.

L’amendement no 18 n’est pas adopté.

L’amendement no 25 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

Les amendements nos 28 , 29 et 27 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 470 .

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Le présent amendement vise à généraliser la surveillance judiciaire des individus condamnés pour acte de terrorisme. Ces individus, nous le savons, présentent un danger pour la société et la prison est un lieu où la radicalisation se développe. À leur sortie de prison, ils représenteront toujours un risque pour la société.

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Par conséquent, il convient de généraliser la surveillance judiciaire de ces individus à la sortie de la prison.

Cet amendement ne porte pas atteinte au principe d’individualisation des peines, ni à la liberté du procureur de la République ou du juge de l’application des peines, mais simplifie le recours à la surveillance judiciaire pour les infractions relevant d’actes de terrorisme en l’étendant aux délits pour lesquels la peine d’emprisonnement est inférieure à sept ans, et qui constitue actuellement la limite fixée par le présent article.

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L’article 723-29 du code de procédure pénale prévoit l’application de mesures de sûreté et le placement sous surveillance judiciaire dès sa libération de toute personne condamnée à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à sept ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru ou d’une durée supérieure ou égale à cinq ans pour un crime ou délit commis une nouvelle fois en état de récidive légale.

Or, la plupart des infractions terroristes que vous visez sont punies de peines d’emprisonnement ou de réclusion d’une durée égale ou supérieure à sept ans, sauf la provocation « simple » à la commission d’actes de terrorisme ou l’apologie de tels actes.

Par ailleurs, je rappelle que j’ai repris tout à l’heure l’amendement de M. Zumkeller tendant à appliquer aux personnes condamnées pour un acte de terrorisme les mesures de suivi socio-judiciaire, ce qui permettra donc de les placer sous surveillance judiciaire.

L’intention que vous exprimez, et que je partage, est donc satisfaite à la fois par l’état du droit et par l’enrichissement que nous lui avons apporté tout à l’heure dans la discussion avec l’amendement no 296 .

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

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Compte tenu de ces explications, je retire mon amendement.

L’amendement no 470 est retiré.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 26 .

L’amendement no 26 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Ciotti, premier inscrit sur l’article.

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Au moment d’aborder cet article 4 ter, je tiens à souligner l’avancée positive qu’il représente, au même titre que j’exprimais tout à l’heure nos réserves, nos regrets et nos oppositions. Nous avons fait en commission des lois un pas très important en permettant d’introduire l’administration pénitentiaire dans le deuxième cercle de la communauté du renseignement, de telle sorte qu’elle puisse, dans le cadre de la détention, avoir recours aux techniques de renseignement définies dans le cadre de la loi sur le renseignement dont le garde des sceaux a été le brillant rapporteur – même s’il n’a pas réussi, à l’époque, malgré ses efforts et en dépit de l’adoption de cet amendement, à faire inscrire définitivement ce dispositif dans la loi.

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Nous le faisons donc aujourd’hui : ce dont le député Jean-Jacques Urvoas a rêvé, les députés de l’opposition Guillaume Larrivé, Philippe Goujon et moi-même, qui avons défendu cet amendement en commission des lois, l’avons fait.

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Cette mesure se heurtait, il est vrai, à un obstacle majeur : la caverne idéologique dans laquelle s’était enfermée Mme Taubira. Aujourd’hui, nous allons avancer. C’est très important, car nous savons que la prison, la détention, est un lieu de radicalisation – peut-être pas autant qu’on le dit, mais on a vu, dans des cas précis, que la détention a souvent participé à la radicalisation. Il faut donc pouvoir recourir à ces techniques de renseignement. C’est là un point très important qui sera inscrit dans ce texte et la commission des lois l’a approuvé – j’associe du reste à cette démarche M. Pietrasanta, qui avait déposé un amendement dans le même esprit.

Je tiens donc à souligner l’importance de cette avancée, après avoir souligné tout à l’heure nos regrets face à l’immobilisme dont vous faites preuve sur des questions aussi importantes que le retour des djihadistes ou la rétention de sûreté – autant d’éléments qui participent à une meilleure protection de nos concitoyens, lesquels ne pourront pas comprendre qu’on n’ait pas bougé sur ces sujets. Sur le point que nous examinons, cependant, nous avons fait oeuvre utile et je tiens à le saluer.

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Il importe que, dans la conscience nationale, les agents de l’administration pénitentiaire soient enfin considérés comme une force de sécurité à part entière, auprès des polices municipales, de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Pour ce qui concerne les moyens dont ils disposent, notamment ceux du renseignement pénitentiaire, je répète, monsieur le ministre, après l’avoir évoqué dans la discussion générale, que malgré les annonces, les spécialistes ne sont toujours pas présents sur le terrain et que l’ensemble de nos services restent confrontés au même problème de rémunération. De fait, il est impossible de recruter des spécialistes ou des traducteurs au tarif auquel la fonction publique les accueille en début de carrière.

Je saisis cette occasion pour évoquer les conditions de travail de nos gardiens de prison – défendant ainsi, très en avance, mon amendement no 112 relatif aux fouilles au corps.

Dans la réalité d’aujourd’hui, en effet, les gardiens de prison ne peuvent plus, du fait d’une loi votée par la précédente majorité, procéder à des fouilles au corps. Or, les scanners qui ont été distribués n’empêchent pas la dissimulation de puces et autres objets dans les plis de l’aine, dans l’anus, dans les parties génitales ou dans la bouche, voire dans les plis de certains vêtements car, si la personne qui passe sous le scanner doit ôter sa veste, elle peut conserver un maillot de corps ou une chemise. Nous sommes donc plusieurs à demander le rétablissement des fouilles au corps, qui ne sont pas une atteinte à la condition humaine, mais une simple mesure de sécurité.

Dans un autre parcours professionnel, j’ai appris de mes aînés combien il était difficile pour des patients d’entrer en cure de sevrage et combien il leur était facile, si on ne les fouillait pas, de dissimuler par les mêmes moyens toutes sortes de produits : il en va de même pour les détenus.

De grâce, donc, monsieur le ministre, vous qui êtes dans la réalité, entendez cette demande des agents de l’administration pénitentiaire de permettre enfin le rétablissement des fouilles au corps.

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À l’occasion de cet article 4 ter, j’évoquerai brièvement les enjeux de la déradicalisation et interrogerai tout particulièrement le garde des sceaux à ce propos.

Un rapport de notre collègue Sébastien Pietrasanta, qui n’est pas ici aujourd’hui, formulait des préconisations en la matière et j’ai moi-même présenté un amendement – qui s’est vu opposer l’article 40 de la Constitution – fondé sur les expérimentations menées dans le domaine de la déradicalisation dans des centres pénitentiaires sur le territoire et visant à isoler les détenus manifestement radicalisés afin de limiter le risque de prosélytisme.

Monsieur le garde des sceaux, quelles sont, à ce stade, les intentions du Gouvernement face à ces enjeux, et quelle sera la politique pénale qui sera mise en place en matière de déradicalisation, compte tenu de la préconisation formulée par le rapport que j’ai évoqué et de l’amendement que j’aurais souhaité présenter – cela s’est malheureusement révélé impossible – pour inscrire un tel dispositif dans le texte de loi ? Je vous remercie par avance des précisions que vous pourrez nous donner.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 40 et 251 .

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 40 .

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Cet amendement tendant à la suppression de l’article 4 ter reprendra, si M. le garde des sceaux me le permet, la position du Gouvernement, qualifiée de « caverne idéologique » par M. Ciotti. Je laisse à ce dernier l’élégance de cette expression, qui procède de la tendance qu’avait l’opposition de renvoyer sans cesse Christiane Taubira – elle vous hante encore ! – à une forme d’animalité ou de bestialité. Après son départ du Gouvernement, il eût été sage, Monsieur Ciotti, de changer de registre et de lexique.

La position que je vais exposer était celle du Gouvernement et a été exprimée au banc, non pas par Mme Taubira, mais par M. Bernard Cazeneuve, venu lui prêter main-forte pour résister à l’offensive du président de la commission des lois, qui avait en effet réussi à faire adopter un amendement de M. Guillaume Larrivé et d’autres auteurs, tendant à modifier la situation existante.

Cette disposition ressemble étonnamment à un cavalier législatif. Je ne vois pas bien, en effet, ce que vient faire un article relatif au renseignement administratif dans le chapitre consacré au renforcement de l’efficacité des investigations judiciaires. J’imagine donc que M. le garde des sceaux me répondra.

Pour le reste, je reprendrai l’argumentation développée l’été dernier par le Gouvernement, qui indiquait – c’était du reste le principal argument du ministre de l’intérieur – qu’une telle évolution représenterait une modification importante du métier de surveillant, précisant que « les contrôles exercés par l’administration pénitentiaire ont vocation à prévenir les risques d’évasion et la commission d’infractions à l’intérieur des établissements. Ils diffèrent donc considérablement des missions générales des services de renseignement ». De plus, selon le même raisonnement, c’est une même administration qui gérerait des personnes au quotidien et mettrait en oeuvre des techniques secrètes pour les surveiller, ce qui n’est pas très sain.

Le Gouvernement rappelait également les liens très étroits existant entre les services de renseignement et le renseignement pénitentiaire, les autres services pouvant accéder à la détention pour utiliser des techniques de renseignements dans le cadre légal.

Enfin, le président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement – CNCTR – a noté lors de son audition par le Sénat, le 8 février dernier, que la liste des services du second cercle pouvant accéder aux techniques spéciales était déjà trop longue. La délégation parlementaire au renseignement a fait la même remarque, évoquant dans son rapport le risque de contournement des procédures judiciaires. En élargissant continuellement les services pouvant accéder aux techniques spéciales, on affaiblit les services principaux et, finalement, on éclate notre renseignement et on le jette dans une forme de confusion. Cela ne me paraît pas souhaitable.

C’est pourquoi, reprenant les arguments développés l’an dernier par le Gouvernement, je propose de supprimer l’article 4 ter.

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La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement identique no 251 .

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Un débat important a en effet eu lieu, y compris au sein de notre groupe, et la position du Gouvernement était celle que vient de rappeler M. Coronado. Comme l’exprimait alors le Gouvernement, « il ne peut être exigé d’une même administration qu’elle gère au quotidien des personnes et qu’elle mette en oeuvre des techniques secrètes pour les surveiller ». Je suis, sur ce sujet, assez modéré et ma religion n’est pas totalement faite, même si je défends cet amendement de suppression. J’écouterai donc avec intérêt le garde des sceaux.

Je tiens en tout cas à le remercier pour les propos qu’il a tenus hier lors de la séance de questions d’actualité, se déclarant favorable à l’idée d’une expérimentation à propos du téléphone en cellule – je ne parle pas des 27 000 téléphones cellulaires interdits que l’on retrouve dans les prisons françaises, mais d’une action dans le sens des recommandations formulées par les rapports des contrôleurs généraux des lieux de privation de liberté, M. Jean Marie Delarue et Mme Adeline Hazan, qui ont constaté le problème que représentaient, d’une manière générale, la difficulté de l’accès au téléphone dans les coursives, la limitation du temps d’utilisation et l’absence de confidentialité. Il ne s’agit là ni d’idéologie, ni d’idéalisme, mais simplement de la vie de l’immense majorité des détenus, et non pas seulement de quelques-uns d’entre eux qui seraient radicalisés. Je remercie donc M. le garde des sceaux de ses propos d’hier et souhaiterais qu’il nous donne son sentiment sur une éventuelle expérimentation à venir.

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Si je peux concéder à M. Coronado que cet article ne figure pas forcément à l’emplacement idéal, je ne pense pas que, compte tenu des matières dont nous traitons, relatives à la fois aux pouvoirs et aux compétences de l’autorité judiciaire et à ceux de l’autorité administrative, l’on puisse considérer intellectuellement l’objet de cet article 4 ter comme un cavalier législatif.

Je rappelle également que, lors de l’examen de la loi sur le renseignement, la commission des lois s’était prononcée favorablement sur l’intégration du service de renseignement pénitentiaire dans le deuxième cercle.

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Deuxièmement, en séance publique, l’Assemblée nationale s’était prononcée favorablement sur cette disposition. Ce sont ensuite le Sénat, monsieur Ciotti, dans sa discussion sur cette question, puis la commission mixte paritaire qui ont fait retirer l’administration pénitentiaire de la liste des services pouvant avoir recours aux techniques de renseignement.

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Un amendement adopté par la commission des lois, dont je suis le rapporteur, propose de rétablir la possibilité pour le ministère de la justice d’apparaître, au même titre que les ministères de l’intérieur et des finances, parmi les services pouvant avoir recours à des techniques de renseignement. Je suis donc naturellement, comme l’a été la commission, favorable à cet article 4 ter et, par voie de conséquence, défavorable aux deux amendements tendant à le supprimer.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Il faut parfois du temps pour que les sujets mûrissent et puissent aboutir. Le renseignement pénitentiaire est un sujet que cette assemblée connaît bien et qui a déjà donné lieu à des batailles d’Hernani : nous n’avons pas besoin d’en relancer une autre. Personne ne sera donc surpris de la position que je défendrai en tant que membre du Gouvernement.

J’étais favorable à l’intégration du bureau du renseignement pénitentiaire, qui existe depuis longtemps – il a été créé en 2003 par le directeur de l’administration pénitentiaire de l’époque, Didier Lallement. Cette intégration n’est, du reste, qu’une potentialité : cela ne se fera pas dès demain et il existe d’ailleurs déjà une coopération avec ce qui était l’état-major de sécurité 3 – EMS3 –, désormais débaptisé pour devenir le bureau de renseignement pénitentiaire.

J’ai rencontré, durant les quinze derniers jours, l’ensemble des organisations syndicales du milieu pénitentiaire, qui se félicitent de l’avancée proposée par la commission des lois : elles considèrent que c’est une forme d’évidence et de reconnaissance de leur travail.

Je rappelle que depuis la loi pénitentiaire de 2009, l’administration pénitentiaire est la troisième force de sécurité de ce pays : il est donc tout à fait normal qu’elle concoure à l’objectif de défense des intérêts de la nation et de surveillance de ceux qui lui veulent du mal, pour dire les choses de manière banale.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Il est vrai qu’un chantier est ouvert : nous n’allons pas doter demain l’ensemble des administrations qui relèvent du ministère de la justice. J’ai reçu hier ou avant-hier une organisation syndicale de magistrats qui suspectait que nous demandions à la PJJ – la protection judiciaire de la jeunesse – de s’occuper de la communauté du renseignement.

Nous nous intéressons naturellement ici, non pas à la totalité des personnels qui sont dans les coursives, mais uniquement à la pénitentiaire, à ceux qui sont dédiés et formés et qui aujourd’hui, à travers un rapport de l’inspection du ministère, ont affiné ce que serait le renseignement pénitentiaire.

La directrice de l’administration pénitentiaire discute en ce moment avec les organisations syndicales d’une doctrine du renseignement pénitentiaire ; un syndicat – l’UFAP – a publié sa propre doctrine sur ce que sera le renseignement pénitentiaire. Nous aurons l’occasion, avec l’Assemblée nationale mais aussi avec le Sénat, de revenir sur ces questions pour en définir les modalités pratiques.

Il y a un terme que je n’utiliserai plus : celui de « deuxième cercle » de la communauté du renseignement – je le dis devant un membre éminent de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement – puisqu’un décret est paru – lequel, aux yeux du ministre que je suis, n’appelle pas de commentaire –, qui considère que l’on a étendu de manière assez vaste les techniques. Elles mériteraient d’être regardées de manière un peu plus précise, mais cette observation n’engage naturellement que moi, et pas le Gouvernement.

Le renseignement pénitentiaire est une bonne chose, il est utile ; ses personnels sont formés et seront efficaces, je n’en doute pas, pour combattre la menace. Je crois au final que c’est une décision de bon sens que d’intégrer le ministère de la justice dans les potentialités.

Un mot pour M. Laurent sur la déradicalisation : là encore, nous sommes aujourd’hui en phase non d’expérimentation, mais d’observation ; nous tâtonnons. Le droit comparé ou les échanges que nous pouvons avoir avec nos partenaires ne nous apportent pas grand-chose, puisque tout le monde est en situation de découverte.

Pour ce qui est de notre pays, trois centres ont été ouverts – l’un à Fleury, l’autre à Osny et le troisième à Lille –, qui accueillent régulièrement des parlementaires faisant usage de leur droit de visite. Un centre d’évaluation a été ouvert à Fresnes et un second à Fleury. Nous avons des unités dédiées, qui ont été conçues en fonction de la dangerosité. Dans chaque établissement, des informations et des consignes ont été passées pour des procédures d’isolement de personnes détenues qui pourraient entrer dans le spectre que vous évoquez.

Si la commission des lois en a le désir, je me ferai un plaisir de venir expliquer les actions du ministère de la justice dans le domaine de la déradicalisation, étant entendu que, comme l’a dit Alain Tourret, personne n’a la vérité infuse.

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Je souhaite vous dire brièvement pourquoi je soutiens l’article 4 ter – cela ne vous surprendra pas…

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…car je faisais partie de ceux – cela avait d’ailleurs un peu défrayé la chronique à l’époque – qui avaient proposé un amendement à la loi sur le renseignement sur la possibilité d’un bureau du renseignement pénitentiaire. J’avais en effet moi-même entendu, lors des différentes commissions d’enquête, les personnels concernés s’intéresser à ce sujet et souhaiter pouvoir – sans que cela soit une obligation – utiliser un certain nombre de techniques si cela est utile.

Je m’étais vu à l’époque opposer un argument qui, à mon avis, était très surprenant, selon lequel le rôle des agents de la pénitentiaire dans les prisons consiste d’abord à surveiller pour éviter les dérapages ou les évasions, mais aussi à faire de l’insertion. Or nous, nous parlons d’un personnel très précis, en l’occurrence le bureau du renseignement pénitentiaire. Comme vient de le dire M. le ministre, un travail est mené actuellement qui resserre ces missions avec un certain nombre de formations.

Par conséquent, je soutiendrai cet article pour être logique avec moi-même, au vu de ce qui s’était passé à l’époque sur la loi sur le renseignement.

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Je ne souhaite remettre en cause ni la position du ministre, qui est assez cohérente, ni celle de la commission, parce que nous avions été deux en commission des lois à l’époque à voter contre : Marie-Françoise Bechtel et moi-même.

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Puis, à la suite du débat important qui s’était tenu ici, dans l’hémicycle, le changement avait été opéré pendant la navette.

Pour ma part, je n’ai pas changé de point de vue : je vois bien que le pouvoir de conviction du garde des sceaux a emporté l’adhésion du Gouvernement, ce dont je le félicite. Cela dit, on a le sentiment que, sur des affaires très graves, le Gouvernement peut modifier sa position à chaque événement, ce qui est un peu inquiétant pour des affaires aussi graves que la lutte contre le terrorisme.

Je ne vois pas d’inconvénient à reconnaître la portée des arguments avancés par le garde des sceaux : je les connais, car il les avait déjà brillamment développés lorsqu’il était président de la commission des lois. Cela dit, votre collègue Cazeneuve avait, avec beaucoup d’autorité et de conviction, développé son opposition à cette mesure ; or aujourd’hui, le Gouvernement semble tout à fait convaincu et uni : cela donne quand même l’impression que la doctrine évolue au gré des événements.

Par ailleurs, il y a une vraie question sur le périmètre de la communauté du renseignement. Cette question n’est pas tranchée, ni par cette disposition, ni par les différents textes que nous présente le Gouvernement.

Il avait été pointé également les difficultés existant entre les personnels et les détenus, et je crois que cette disposition, loin de les régler, les renforce : il faudra les traiter.

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Après avoir écouté avec intérêt le garde de sceaux, je vais retirer mon amendement, convaincu qu’il y a une réalité du renseignement pénitentiaire. Je regrette simplement qu’il n’ait pas dit un mot sur la question du téléphone, dont il avait parlé hier, car c’est un sujet grave.

L’amendement no 251 est retiré.

L’amendement no 40 n’est pas adopté.

L’article 4 ter est adopté.

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Je vous rappelle qu’à la demande du Gouvernement, les articles 12 à 16 ainsi que les amendements portant article additionnel après l’article 16, qui relèvent de la compétence du ministre des finances, seront examinés cet après-midi au début de la séance de quinze heures.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

La séance est levée.

La séance est levée à treize heures cinq.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly