Commission des affaires sociales

Réunion du 9 mars 2016 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 9 mars 2016

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales examine sur le rapport de MM. Gérard Cherpion et Jean-Patrick Gille, en application de l'article 145-7 alinéa 1 du Règlement, le rapport d'information sur l'application de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

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Mes chers collègues, ce matin, l'ordre du jour de notre commission appelle l'examen du rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

Le contrôle de l'application des lois est une compétence importante des commissions parlementaires et d'ailleurs, compte tenu de l'inflation législative, nous ne pouvons que regretter le manque de moyens à notre disposition pour exercer le contrôle des lois que nous votons.

Toutefois depuis le début de cette législature, nous avons débattu de plusieurs rapports de ce type ; l'un concernant la mise en oeuvre de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé que j'avais eu le plaisir de vous présenter avec mon collègue Arnaud Robinet, rapporteur sous la précédente législature, un autre rapport sur la loi du 26 octobre 2012 relative aux emplois d'avenir, dont M. Jean-Marc Germain avait la charge, ou plus récemment, le rapport sur la loi du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale, sur le rapport de nos collègues Jean-Louis Touraine et Arnaud Robinet.

C'est avec plaisir et intérêt que nous entendrons aujourd'hui le rapport de nos collègues Jean-Patrick Gille et Gérard Cherpion, qui me semble aller bien au-delà du seul contrôle de la sortie des textes d'application de la loi, et peut fournir de véritables pistes de réflexion pour les textes législatifs à venir, et notamment pour l'avant-projet de loi dont il est question depuis des semaines – je crois que nous n'aurons jamais autant discuté d'un avant-projet de loi.

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Mes chers collègues, M. Cherpion et moi-même vous présentons en effet ce matin le rapport sur la mise en application de la loi du 5 mars 2014, dont nous venons de fêter le deuxième anniversaire.

Je voudrais préciser que nous n'avons eu que quelques semaines pour rédiger le rapport puisque nous souhaitions le rendre avant l'examen du projet de loi relatif aux nouvelles protections pour les entreprises et pour les salariés, qui devait initialement être présenté aujourd'hui en conseil des ministres. Nous sommes également désolés de ne pas avoir pu conduire certaines auditions dans le laps de temps qui nous était imparti, en particulier l'audition de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Nous n'avons pas pu non plus effectuer de visite de terrain.

Je rappelle toutefois que le rapport que nous vous présentons est un rapport sur l'application de la loi, et non une évaluation de celle-ci ou des dispositifs qu'elle contient. L'évaluation a en effet été confiée par la loi elle-même au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CNEFOP), qui doit rendre prochainement un rapport sur la formation et sur le conseil en évolution professionnelle.

Nous avons choisi d'aller au-delà du délai de six mois après la promulgation de la loi prévu par le règlement de notre assemblée pour au moins deux raisons. D'une part, l'ampleur des modifications apportées par la loi appelait un grand travail d'application réglementaire, dont un bilan effectué à l'été 2014 n'aurait pu être que parcellaire. Plus fondamentalement, de nombreuses dispositions de la loi n'entraient en vigueur qu'au 1er janvier 2015, au premier chef le compte personnel de formation (CPF).

Nous avons aujourd'hui le recul d'une année d'application des différents dispositifs et pouvons donc en dresser un premier bilan.

Le rapport d'application effectue en premier lieu le recensement des mesures réglementaires prévues par la loi, avec l'appui des données mises à disposition par la Direction générale du travail (DGT) et la DGEFP. Avec plus de 80 % des dispositions publiées, dont 23 décrets en Conseil d'État, la réforme est aujourd'hui effective. En revanche, s'agissant plus spécifiquement des rapports du Gouvernement prévus par la loi, nous ne pouvons que regretter leur absence de publication dans les temps.

Ce rapport d'application va toutefois plus loin que le seul suivi réglementaire et tire les conséquences de la réforme « systémique » de la formation professionnelle issue de la loi du 5 mars 2014.

M. Cherpion et moi-même avons ainsi souhaité nous placer du point de vue du bénéficiaire de la formation, qu'il soit salarié ou demandeur d'emploi, dans une grande ou une petite entreprise, sans ou avec peu de qualification.

Ayant comme fil rouge l'enjeu de la qualification, nous avons orienté nos auditions et le présent rapport autour de quatre axes : d'abord, la refonte du financement, pilier de la réforme du 5 mars 2014 avec le passage d'une « obligation de payer » à une « obligation de former » ; la rénovation des outils de formation, ensuite, qu'il s'agisse du CPF, de l'entretien professionnel, de la validation des acquis de l'expérience (VAE) ou du conseil en évolution professionnelle, en inscrivant la formation dans une logique de parcours ; troisième thème retenu, la nouvelle gouvernance quadripartite, marquée par le rôle central des régions et la création de nouvelles instances paritaires ; enfin, l'enjeu spécifique de l'apprentissage.

Bien d'autres sujets auraient pu être abordés mais nous avons préféré nous concentrer sur la réforme de la formation professionnelle.

Plutôt que de retracer le contenu du rapport, il nous semble préférable de souligner les outils efficaces issus de la loi du 5 mars 2014 et d'identifier les dispositions problématiques pouvant être corrigées lors de nos prochains débats parlementaires.

S'agissant du financement de la formation professionnelle, le passage d'une obligation fiscale à une obligation sociale constitue un changement déterminant dans l'appréhension de la formation, considérée désormais comme un investissement au service tant du salarié et du demandeur d'emploi que de l'entreprise. D'ailleurs, nous nous interrogeons sur la possibilité de créer une déduction fiscale pour cet investissement. Alors que s'achève en ce moment la première collecte de la contribution unique, les auditions ont permis de souligner la rapidité avec laquelle les nouveaux circuits de financement ont été mis en place.

Plutôt qu'une diminution de l'effort de financement consacré à la formation, la réforme permet de distinguer clairement deux types de dépenses répondant chacune à leur propre finalité : d'une part, le financement direct d'actions de formation par l'employeur, traduisant son obligation de maintenir la capacité des salariés à occuper un emploi ; d'autre part, la contribution unique, support de la mutualisation et du fléchage des fonds, en particulier à destination des demandeurs d'emploi, du compte personnel et du congé individuel de formation (CIF).

Ce financement implique une redéfinition des missions des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et un poids déterminant du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), devenu lui-même une forme de « méta-OPCA ».

Il conviendra de rester vigilant sur certains paramètres tels que les excédents de trésorerie des OPCA, une fois le bilan de la première collecte de la contribution unique effectuée.

Cette réforme du financement s'appuie ensuite sur des outils rénovés de la formation professionnelle, tous orientés vers deux objectifs : l'acquisition d'au moins un niveau de qualification et la sécurisation des parcours professionnels.

Il semble également important de rappeler « l'assouplissement » de la VAE, adopté à l'initiative de notre assemblée lors des débats parlementaires. Cette valorisation de l'expérience est en outre facilitée par la création d'un accompagnement à la VAE, lui-même éligible au CPF. Nous devons aujourd'hui aller plus loin, en insistant sur la nécessité de modulariser les formations et les certifications, en encourageant l'adaptation de l'organisation des formations, ainsi qu'en repensant la conception même de l'acte de formation, du positionnement jusqu'à la validation. Nous pouvons également réfléchir à y introduire d'autres types de formations telles que des formations à distance, ou des formations au numérique.

Il est également incontournable de dresser un premier bilan du CPF, alors que chaque titulaire vient de voir son compte alimenté en janvier. Avec 2,6 millions de comptes ouverts et 286 000 dossiers de formation validés, le dispositif poursuit sa montée en charge et entre dans sa phase d'appropriation.

Il importe toutefois que le dispositif ne soit pas dévoyé, notamment au regard des notions de consentement et de liberté dans l'utilisation du CPF, au coeur de l'esprit de la loi du 5 mars 2014. De fait, la surreprésentation des demandeurs d'emploi dans les statistiques de mobilisation du CPF, qui représentent 96 % des heures consommées, interroge sur l'effectivité de leur assentiment.

Nous reconnaissons l'efficacité du travail mené par les différentes institutions en charge de la mise en place de ce compte, avec, en premier lieu, le rôle déterminant de la Caisse des dépôts et consignations dans la mise en place du système d'information et de gestion des comptes : les 40 millions de comptes sont prêts et n'attendent que d'être ouverts. La faiblesse de la communication, et notamment de la communication gouvernementale autour du CPF, peut, en revanche, susciter une interrogation.

Nous devons à présent nous arrêter spécifiquement sur le sujet des listes de formations éligibles au CPF. La logique de listes répond au besoin de régulation de l'offre de formation et des financements, indispensable pour vérifier l'adéquation des formations suivies avec les besoins présents et futurs de notre économie.

Le système actuel est toutefois unanimement reconnu comme trop complexe et rigide. Ainsi, deux titulaires d'un CPF n'ont pas accès aux mêmes formations selon qu'ils relèvent de régions ou de branches distinctes. Il est donc urgent de simplifier ce mécanisme en se plaçant du point de vue de l'utilisateur, c'est-à-dire en fusionnant l'ensemble des listes dans un document unique et en renforçant leur régulation à l'échelle nationale.

Nous préconisons par ailleurs d'étendre la mobilisation du CPF à la prestation de bilan de compétences.

Dans une dimension plus prospective, l'universalisation du CPF constitue le principal défi à relever. Cela passe par l'extension du compte aux fonctionnaires et aux travailleurs indépendants, mais aussi par le développement du conseil en orientation professionnelle, ce qui suppose d'y consacrer des moyens spécifiques – mais le plan « 500 000 formations pour les chômeurs » pourrait répondre à cet objectif. Le développement du conseil en orientation professionnelle nécessiterait le développement d'une culture commune entre les différents acteurs chargés de le mettre en place.

Notons que l'universalité du droit de formation pose aussi la question de la légitimité des partenaires sociaux à gérer seuls ce dispositif.

Pour aborder les questions relatives à la nouvelle gouvernance, je cède la parole à Gérard Cherpion en soulignant le plaisir que j'ai eu à travailler avec lui et les convergences de vue qui nous ont permis d'énoncer une dizaine de préconisations communes.

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Le plaisir de travailler avec Jean-Patrick Gille était partagé, comme pour l'ensemble des rapports que nous avons déjà rédigé en commun.

Je prends le relais afin de vous exposer notre analyse et nos propositions sur les deux derniers points que nous avons souhaité traiter, à savoir la création des nouvelles instances chargées de coordonner les politiques publiques en matière de formation, d'orientation et d'emploi et la question de l'apprentissage.

Concernant le premier point, le rapport revient sur l'architecture de pilotage du système issu de la loi du 5 mars 2014. Elle repose sur les couples CNEFOP – CREFOP (comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles) d'un côté et sur les instances paritaires COPANEF (Comité interprofessionnel pour l'emploi et la formation professionnelle) – COPAREF (comité paritaire interprofessionnel régional pour l'emploi et la formation professionnelle) de l'autre.

Le CNEFOP, qui remplace l'ancien Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV), est composé de représentants de l'État, des régions et des partenaires sociaux. Son rôle est essentiel – nous l'avons vu sur la question des listes de formations éligibles au CPF, sur lesquelles Jean-Patrick Gille et moi avons quelques points de divergence – et il est appelé à prendre encore plus de place, car c'est la seule instance qui regroupe tous les acteurs du système.

Le COPANEF, instance paritaire, tend quant à lui à devenir un organe politique essentiel de la formation professionnelle. Ceci est d'autant plus vrai que le couple qu'il forme avec le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), dont les abondements financiers proviennent quasi exclusivement des entreprises – même s'il existe une participation de l'État – tend à fonctionner comme un tandem agissant de manière complémentaire : l'un arrête les grandes orientations, le COPANEF, et l'autre, le FPSPP, tient le rôle d'organe de gestion. Cette autonomisation des partenaires sociaux pose la question du rôle de l'État. La question que nous posons, sans y apporter à ce stade de réponse, est la suivante : quelle est la légitimité pour les partenaires sociaux de gérer un droit qui se veut universel, le droit à la formation ? Quelle pourrait être donc la place de l'État dans cette nouvelle architecture ? Je suppose que nous aurons à nouveau ce débat dans les semaines qui viennent, au travers de l'examen du projet de loi présenté par Mme Myriam El Khomri.

Le dernier point abordé dans le rapport est évidemment celui de l'apprentissage. Les règles régissant le secteur ont subi un certain nombre de modifications, d'ordre financier – en particulier la suppression du crédit d'impôt et de l'indemnité compensatrice forfaitaire – mais aussi législatives et réglementaires. Or, ce secteur est très sensible à la réglementation.

Ces mesures expliquent partiellement les reculs des entrées en apprentissage de l'ordre de 8 % en 2013 et de 3 % en 2014, même si l'année 2015 enregistre une légère augmentation du nombre d'entrées de l'ordre de 2,1 %.

Ce nouveau démarrage trouve notamment ses causes dans le fait que le Gouvernement est partiellement revenu sur les mesures qui décourageaient de prendre un jeune en apprentissage, mais aussi dans une conjoncture économique plus favorable. Nous ne pouvons qu'applaudir à ces nouveaux chiffres. Toutefois, l'objectif de 500 000 apprentis, une nouvelle fois affirmé par le Président de la République, semble encore hors de portée d'autant que la croissance économique n'est toujours pas suffisante pour porter cette augmentation substantielle.

Le rapport formule différentes propositions pour tendre vers cet objectif. La première consiste à bien maintenir les deux voies d'alternance que constituent la formation initiale et le contrat de professionnalisation. Elles ne s'adressent pas aux mêmes publics et leur fusion serait porteuse, à notre sens, de plus de dangers que de bienfaits. En revanche, il serait opportun de rapprocher l'Éducation nationale et les formations proposées par les professionnels. Les CREFOP nous sont apparus comme l'instance adaptée pour mettre en place ces synergies. Par ailleurs, la grille des rémunérations est encore trop dépendante de l'âge de l'apprenti et décourage les employeurs à embaucher les plus âgés des candidats qui leur sont proposés. Enfin, il serait opportun de stabiliser l'environnement règlementaire pour un certain nombre d'années afin de donner un peu de visibilité aux acteurs, aux chefs d'entreprise en particulier.

Un mot enfin, à l'invitation de M. Gille, sur la onzième et dernière proposition du rapport : il s'agit de « formuler les principes fondamentaux qui régissent la formation professionnelle et l'apprentissage, comme prolégomènes à l'élaboration d'un code autonome de la formation professionnelle ». Cela évoquera pour certains un autre texte.

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Cela aurait le mérite alléger ipso facto le code du travail, puisqu'il serait vidé de ses dispositions relatives à la formation professionnelle !

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Je salue le travail conjoint des deux rapporteurs.

En guise d'introduction, je voudrais souligner qu'avec la loi du 5 mars 2014, nous sommes passés d'une obligation de payer à une obligation de faire. Il ne s'agit pas seulement de rhétorique, c'est un message fort en faveur de la recherche de compétitivité dans les entreprises. La formation professionnelle doit effectivement concourir à cet accroissement de compétitivité.

Les premiers chiffres en notre possession plaident en faveur de la mise en oeuvre de cette loi : au 1er mars 2016, plus de 2,7 millions de comptes ont été activés, 300 000 formations ont été validées. La durée moyenne de ces formations était de 220 heures, alors qu'en novembre 2015 elles n'étaient que de 160 heures : j'y vois là un signe positif.

La loi introduit également la notion de qualité : elle impose aux principaux financeurs des actions de formation de s'assurer de la capacité des prestataires à dispenser une formation de qualité, en définissant sept critères de celle-ci, entrés en vigueur le 1er janvier 2016.

La loi suscite pourtant des interrogations. Je reviendrai en premier lieu sur la certification. La plupart des demandes des salariés sont concentrées sur quatre types de certification : les langues vivantes, la bureautique, le permis de conduire et l'aptitude à la conduite en sécurité. Cela paraît peu, même si c'est important et fondamental pour trouver un emploi. Je note toutefois que la loi du 5 mars 2014 permet à un salarié de suivre une formation dispensée dans une autre région que sa région d'origine.

Ensuite, cela a été dit, ni les travailleurs indépendants, ni les fonctionnaires, ni les créateurs d'entreprise n'ont accès au compte personnel de formation. Il serait bon que le compte personnel d'activité (CPA) transforme le CPF en droit universel afin que ce droit ne se limite pas à certaines catégories.

Concernant l'objectif fixé par le Gouvernement de 500 000 apprentis en 2017, pensez-vous que cet outil législatif contribuera à la réalisation de cet objectif ? Si tel n'est pas le cas, pensez-vous que le nombre de 500 000 apprentis est trop optimiste ? Si la loi est un obstacle pour atteindre cet objectif, comment peut-il être levé ?

S'agissant des autres éléments positifs contenus dans la loi du 5 mars 2014, il faudra les vérifier bien au-delà du présent rapport puisque la loi vient d'entrer en vigueur : son évaluation demande donc un peu de recul.

Un dernier point sur la portabilité du CPF, qui permet de suivre le salarié tout au long de sa carrière professionnelle : le fait qu'on laisse au salarié l'initiative de la formation, sans avoir besoin de l'autorisation de l'employeur pour l'engager, encourage les reconversions professionnelles, ce qui me paraît très positif dans le monde changeant dans lequel nous vivons.

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Je tiens à saluer la qualité du travail mené par les rapporteurs, sur un sujet, la formation professionnelle, qui dépasse les clivages politiques. La loi du 5 mars 2014 a été votée il y a deux ans : ce délai permet de mieux appréhender son impact. D'après les informations données aux rapporteurs, 47 textes réglementaires ont été pris depuis l'entrée en vigueur de la loi, mais dix sont toujours en souffrance, dont un texte sur les travailleurs handicapés. Qui plus est, aucun des huit rapports au Parlement demandés dans le cadre de ce texte n'a pour l'heure été rendu. Quand le seront-ils ?

La loi du 5 mars 2014 a substitué à l'obligation pesant sur les employeurs de payer pour financer la formation professionnelle une obligation de former, faisant ainsi de la formation professionnelle un moteur puissant du dialogue social. La principale nouveauté de cette loi réside dans la création du compte personnel de formation, dont le financement a été rénové avec la mise en place d'une contribution unique. Pourtant, la mise en oeuvre de ce compte se révèle complexe et se pose la question de la pertinence des formations éligibles sur les listes. Il est indispensable de simplifier l'éligibilité des formations sur les listes et de mieux contrôler la qualité des formations dispensées. À ce jour, 2,6 millions de comptes personnels de formation ont été ouverts : c'est insuffisant. En outre, 79 % des formations ont bénéficié à des demandeurs d'emploi. Cependant, s'il est indispensable de former les personnes privées d'emploi, il est aussi important de ne pas oublier les salariés.

Comme l'indiquent les rapporteurs, il est essentiel de mieux communiquer sur ce compte personnel de formation. Aujourd'hui, trop de formations sont encore absentes des listes et les différents publics n'ont pas accès aux mêmes listes de formations. Il conviendrait ainsi d'ouvrir le compte personnel de formation à tous les publics, y compris aux professions indépendantes et aux professions libérales, – ce qui, semble-t-il pourrait être envisagé à l'horizon du 1er janvier 2018 – mais aussi aux agents publics.

Le futur projet de loi relatif au code du travail devrait vraisemblablement permettre de faire aboutir le processus d'intégration du compte personnel de formation dans le compte personnel d'activité. On sait que ce dernier n'est à ce jour qu'une coquille vide, qui ne suscite d'ailleurs pas l'enthousiasme chez les partenaires sociaux, les négociations engagées à ce sujet se déroulant pour le moment a minima. La mise en place d'un secrétariat d'État chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage ne permettra pas de parvenir à l'objectif fixé de 500 000 apprentis d'ici la fin du quinquennat, en raison sans doute des réformes dommageables qui ont été engagées en matière d'apprentissage au début de ce même quinquennat.

Je ne peux que souscrire au refus des rapporteurs d'une « voie unique » et à une démarche alliant simplification, clarification et efficacité.

Je souscris également à la proposition des rapporteurs de mettre en place un code autonome de la formation professionnelle. Dans un contexte de chômage record et de surcoût du travail, il est indispensable de libérer les capacités des entreprises et d'approfondir l'investissement dans la formation.

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Le projet de loi relatif à la formation professionnelle visait à faire de celle-ci une véritable plus-value. C'était tout l'enjeu de la création du compte personnel de formation, dont la fusion est désormais envisagée avec le compte pénibilité au sein du compte personnel d'activité. L'objectif final est d'instaurer un compte recensant l'ensemble des droits acquis par le salarié.

Si la loi porte ses fruits, il reste néanmoins des difficultés à surmonter, notamment s'agissant des jeunes les moins qualifiés, pour lesquels le retard est toujours important. L'objectif de proposer une formation à 500 000 demandeurs d'emploi est également une initiative louable.

Le mécanisme de financement de la formation professionnelle a été grandement amélioré, mais il subsiste des interrogations, notamment sur le rôle des collectivités territoriales en la matière et les procédures de reconnaissance des organismes de formation.

Nous avions prévu dans le cadre du texte la mise en place d'instances de gouvernance de la formation professionnelle au niveau territorial. Je pense notamment à la place donnée à l'économie sociale et solidaire, pour laquelle nous n'avons pas réellement eu de retour sur le degré d'implication et les résultats obtenus.

Il convient toutefois de saluer cette loi qui a constitué une véritable avancée.

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Deux ans après la loi du 5 mars 2014, qui a mis en place le compte personnel de formation, nous sommes à l'heure du bilan d'une réforme de la formation professionnelle qui avait pour objectifs de développer les compétences des salariés et d'améliorer la compétitivité des entreprises. Je serais curieuse de savoir si les rapporteurs disposent d'éléments sur la manière dont les choses se passent dans des pays voisins. Je pense en particulier à la Suisse, où le nombre de jeunes en apprentissage est particulièrement élevé et où ce type de formation est très valorisé. Je rappelle que le taux de chômage des jeunes en Suisse est très bas : il était en 2015, pour les moins de 24 ans, de 6,4 %, contre 24,5 % en France, et – rappelons-le – 7 % en Allemagne. Il est essentiel que nous apprenions dans notre pays à changer de point de vue sur l'apprentissage, surtout à l'heure où les changements dans la vie professionnelle sont monnaie courante.

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Je remercie les rapporteurs pour leur travail et rappelle à mon tour l'importance de ce texte. Le groupe UDI s'était abstenu lors du vote de la loi, qui contenait des dispositions auxquelles nous ne pouvions souscrire. Malgré tout, elle comportait de nettes avancées, en particulier la mise en place du compte personnel de formation. Ce texte avait par ailleurs l'avantage d'être la traduction d'un accord national interprofessionnel conclu en décembre 2013, ce qui avait garanti un débat serein avec les partenaires sociaux. C'est loin d'être le cas aujourd'hui.

Je souhaiterais adresser trois questions aux rapporteurs : en premier lieu, la loi de 2014 offre-t-elle un cadre juridique suffisant pour permettre la mise en oeuvre pleine et entière de la réforme de la formation professionnelle ou faudrait-il profiter du projet de loi à venir sur la réforme du code du travail pour aller encore plus loin, étant observé que la formation professionnelle est en première ligne dans la lutte contre le chômage ?

Deuxièmement, la hausse du nombre d'entrées en apprentissage en 2015 ne gomme pas les fortes baisses successives intervenues les deux années précédentes. L'objectif de 500 000 apprentis d'ici 2017 a-t-il encore une chance d'être atteint ?

Enfin, avez-vous des préconisations à formuler au sujet de la taxe d'apprentissage, dont le produit a été entièrement redistribué à la faveur de la loi du 5 mars 2014 ?

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Je relève une phrase de votre rapport qui me semble importante : « (…) La modification des formes d'emploi et de la relation de travail, la discontinuité des trajectoires individuelles et l'émergence de nouveaux statuts nourrissent un écart croissant entre notre modèle social et les parcours professionnels ». Notre modèle social doit aujourd'hui intégrer ces mutations profondes. Il s'agit d'un défi de taille pour notre système de formation professionnelle, qui reste un système complexe et rigide, qui fonctionne de manière quadripartite. Des réformes parfois délétères mises en oeuvre en début de législature – je pense à la suppression du crédit d'impôt apprentissage et de l'indemnité compensatrice forfaitaire (ICF) – rendent ce travail de réflexion d'autant plus utile.

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Malgré l'adoption d'une loi voilà deux ans, toutes les questions sont loin d'être réglées en matière de formation professionnelle. On doit en rappeler les enjeux, notamment financier, puisqu'on parle de 32 milliards d'euros. L'avant-projet de loi « Travail » prévoit d'ailleurs l'intégration du compte personnel de formation (CPF) dans le compte personnel d'activité. On peut toutefois relever les résultats obtenus dans la formation des demandeurs d'emploi.

Au-delà de ces considérations d'ordre général, j'ai trois questions plus précises.

Le travail de nos rapporteurs fait apparaître l'extrême complexité du système, que nous avions déjà relevée lors du débat sur la loi, du fonctionnement du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, et de l'ensemble des institutions compétentes. Au-delà de la proposition – un peu timide – des rapporteurs, comment rapprocher davantage, y compris sur le terrain, les différents intervenants ? Il faut veiller à ne pas compliquer davantage en voulant faire simple, en particulier à l'échelle des régions.

La question des listes doit être retravaillée. Il conviendrait en particulier que les entreprises soient davantage associées à leur définition afin que les formations proposées aux demandeurs d'emploi soient pertinentes. Quelles sont les mesures envisagées en ce sens ?

Le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises estimait que le nombre de chômeurs diminuerait, que les dépenses augmenteraient, et s'inquiétait de la fin des fonds mutualisés. Des entreprises ont également pu faire ce constat. Qu'en est-il ?

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S'agissant de l'un des axes majeurs de la loi, à savoir le fait de passer de l'obligation de payer à l'obligation de former, je souhaite saluer la proposition de mobiliser le CPF au titre des bilans de compétences et l'accent mis sur la valorisation des formations qualifiantes.

Je m'interroge sur les voies et moyens d'une extension du champ des formations offertes, certaines semblant encore inaccessibles.

Je voudrais également dire un mot des publics spécifiques, notamment ceux relevant des établissements et services d'aide par le travail. Le décret relatif à ces publics, prévu par la loi, n'est toujours pas publié ; il serait utile que notre commission veille à sa publication au cours de l'année.

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Je rejoins totalement les rapporteurs lorsqu'ils indiquent que la tentation d'exclure l'Éducation nationale des programmes de formation est une mauvaise idée et qu'il faut trouver un bon équilibre. Vous faites ressortir par ailleurs les différences de qualification et de reconnaissance de diplômes, pourtant identiques, selon qu'ils sont délivrés par l'Éducation nationale ou par les chambres des métiers. C'est effectivement problématique.

La proposition n° 9, tendant à accroître le rôle des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP) dans le domaine de l'alternance afin de rapprocher les différentes voies et de renforcer l'employabilité quelle que soit la voie suivie me semble très sage. Mais comment procéder, concrètement, pour renforcer le rôle des CREFOP ?

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Il pourrait être utile que les rapporteurs sur l'application d'une loi ne soient pas nécessairement les mêmes que ceux qui ont rapporté le texte d'origine, afin d'avoir un regard extérieur.

Il est difficile de juger de l'efficacité opérationnelle d'une loi deux ans seulement après son entrée en vigueur. Pour autant, le rapport aurait pu essayer d'analyser ce qui se pratique concrètement au niveau régional, niveau pertinent en matière d'opérationnalité dont le rôle doit être renforcé. La question du financement ne m'inquiète pas : le problème de la formation professionnelle n'est pas son financement, mais son pilotage trop centralisé.

Ce rapport formule, en matière d'apprentissage, des propositions diamétralement opposées à celles récemment présentées dans une proposition de loi de Christian Estrosi ; cela montre que nous pouvons nous influencer mutuellement de manière utile.

Je voudrais dire que la formation ne peut, de mon point de vue, se substituer à la réforme du code du travail.

Enfin, Jean-Patrick Gille a parlé de culture commune. Mais avec qui ? Avec quelle coordination ? Il est dommage que ces questions ne soient pas évoquées dans le rapport.

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L'apprentissage est la voie royale pour permettre aux jeunes d'accéder à l'emploi. Cependant, malgré des efforts, la France n'a pas retrouvé le goût de l'apprentissage et est en retard, du fait notamment de contraintes administratives et techniques imbéciles. Ainsi, un agriculteur de ma circonscription ne recrutera plus d'apprentis à l'avenir, car il leur est désormais interdit de nourrir les vaches…

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Comme les intervenants précédents, je tiens à saluer la qualité du travail des rapporteurs, même s'il est encore trop tôt pour faire une véritable évaluation des effets de la loi. Je dois dire que je ne partage pas l'analyse précédemment développée sur le mode de désignation des rapporteurs et l'intérêt que présenterait un regard extérieur.

Sur le fond, trois questions se posent.

Les craintes d'une réduction de la mutualisation se sont-elles avérées fondées ?

Le conseil en évolution professionnelle est un dispositif porté par cinq institutions. Quelles sont vos propositions pour permettre une montée en puissance plus rapide ?

La loi poursuivait notamment comme objectif de donner une formation « socle » aux personnes non formées, et plus seulement de former davantage celles qui le sont déjà. De quelles informations disposez-vous sur la satisfaction de cet objectif ?

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Je souhaite interroger les rapporteurs sur la complexité de la gouvernance en matière de formation. La remise en cause du paritarisme dans la gestion de la formation fait partie du débat public, les régions souhaitant notamment jouer un rôle plus important. Comme cela a été précédemment relevé, il est difficile d'être à la fois cotisant et gérant. Avez-vous de nouvelles propositions à ce sujet ?

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La loi du 5 mars 2014 est cohérente. La création du compte personnel de formation ainsi que la nécessité de former, et non plus seulement de payer, constituent de belles avancées. Toutefois, malgré la réforme de 2008 et celle de 2014, les mêmes questions reviennent toujours en matière de formation professionnelle. Nous avons toujours des difficultés à former les salariés à l'évolution rapide des métiers. Ce sont trop souvent les mêmes personnes qui bénéficient de formations. On constate également parfois un manque d'appétence de certains salariés pour ces formations. Se pose ensuite l'éternel problème de la formation des chômeurs et de l'inadaptation de la formation à l'offre de travail. La compétitivité des entreprises est la clé de notre réussite collective, mais il reste à rendre les différents dispositifs opérationnels. Je m'interroge enfin quand je lis la phrase suivante, figurant dans votre rapport : « le pilotage de ces outils s'appuie sur une gouvernance rénovée de la formation professionnelle désormais quadripartite ». Une gouvernance quadripartite me semble plutôt inquiétante.

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Je souhaite aborder la question de l'apprentissage. Je suis d'accord avec la fixation d'objectifs quantitatifs ambitieux, avec une réflexion sur une modification du financement ou encore avec l'idée de confier davantage de responsabilités aux régions. Mais ne gagnerait-on pas à être plus pragmatique ? Ne faudrait-il pas plutôt proposer de revoir l'âge d'entrée dans l'apprentissage, en l'abaissant de 16 à 14 ans, ou modifier la réglementation ? En effet, les chefs d'entreprise, notamment dans le secteur du bâtiment, ne sont pas incités à accueillir des apprentis pour leur apprendre la réalité d'un métier sur le terrain.

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Nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions lors de l'examen du projet de loi réformant le droit du travail, qui comporte un volet consacré à l'apprentissage.

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Je souscris totalement à votre première proposition consistant à prévoir un mécanisme de déduction fiscale, voire de baisse d'impôt pour les entreprises en contrepartie de leurs efforts d'investissement dans la formation. J'irais même plus loin en étendant ce dispositif aux entreprises qui recrutent, à la place du maquis actuel d'aides et d'exonérations diverses souvent peu lisibles pour les petites et moyennes entreprises.

J'ai deux interrogations. La première concerne la formation des salariés des associations. La loi a fixé un seuil de 1 % de la masse salariale à consacrer à la formation, les accords de branche pouvant fixer un taux supérieur. Or, nous savons tous qu'il est difficile de conclure de tels accords dans certains secteurs. Sur le terrain, il m'a été indiqué que les fonds consacrés à la formation étaient en baisse par rapport à ce qui se pratiquait antérieurement compte tenu de ce seuil. Dressez-vous le même constat ?

Ma deuxième interrogation concerne les organismes qui forment les créateurs d'entreprises. La loi du 5 mars 2014 a créé les comités paritaires interprofessionnels régionaux pour l'emploi et la formation professionnelle (COPAREF), qui constituent désormais l'une des nouvelles instances de gouvernance de la formation professionnelle au niveau régional. Les missions confiées à cette instance sont particulièrement importantes, puisqu'elle assure la coordination des politiques de formation professionnelle et qu'elle élabore la liste des formations éligibles au compte personnel de formation, en lien avec les pouvoirs publics. Or, j'ai été alertée par un organisme de formation régional expérimenté, qui oeuvre depuis plus de 33 ans en faveur de la création d'entreprises et a été un acteur privilégié du dispositif « contrat de transition professionnelle » (CTP), aujourd'hui généralisé sur l'ensemble du territoire sous l'appellation CSP. Ce dispositif permet à des demandeurs d'emploi victimes d'un licenciement économique de bénéficier d'un accompagnement renforcé. Or, cet organisme ne peut plus intervenir car la formation qu'il dispense a fait l'objet d'un refus d'accompagnement de la part du COPAREF de Lorraine au motif qu'elle n'est pas référencée au niveau national et qu'elle n'est pas certifiante. Comment peut-on exiger d'un entrepreneur un diplôme de créateur d'entreprises pour démarrer son entreprise ? Cela me paraît ubuesque et va à l'encontre de l'objectif du doublement du nombre de demandeurs d'emploi accompagnés dans leur démarche de création d'entreprise. Partagez-vous ce constat ? Avez-vous des propositions à ce sujet ?

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Je m'interroge sur les chiffres de l'apprentissage en 2015. Pouvez-vous préciser le nombre d'entrées et de sorties de l'apprentissage, ainsi que le nombre total d'apprentis ?

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La loi du 5 mars 2014 a opéré une véritable réforme de fond. L'obligation de formation devient centrale, devant celle de payer. Concernant les plus jeunes, vous dénoncez la trop grande étanchéité entre le monde de l'éducation et celui de l'entreprise. Vous nous confirmez qu'il faut donner au comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP) un rôle central dans l'articulation entre les différents partenaires, et plus particulièrement les régions. Vous portez également, à juste titre, la préoccupation de l'employabilité des apprentis à l'issue de leur formation.

Nous devons par ailleurs poursuivre le travail accompli en matière d'accompagnement des jeunes en amont, notamment autour du savoir-être, afin de leur apporter la confiance dont ils ont besoin et de leur permettre de dépasser les stéréotypes qui perdurent. Quelles sont les modalités d'amélioration de ce double accompagnement, à la fois celui effectué par les maîtres d'apprentissage et celui ayant lieu au moment de l'entrée en apprentissage ?

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Je souhaite interroger les rapporteurs sur les causes de la baisse du nombre d'entrées en apprentissage depuis 2012, au point que nous serons en 2015 à un niveau inférieur à celui de 2003. Y a-t-il un rapprochement à faire avec les contraintes introduites en matière de recrutement d'apprentis, comme ce fut le cas pour les stagiaires ? Ces derniers, lorsqu'ils ont la nationalité française, sont désormais écartés des postes à pourvoir dans les organisations non gouvernementales (ONG) siégeant à Genève.

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Avant de donner la parole aux rapporteurs pour répondre à vos questions, je tiens à saluer la qualité du travail qu'ils ont réalisé sur un sujet d'une extrême technicité. La clarté de leur présentation illustre l'intérêt de l'exposé du projet de rapport devant la commission par rapport à la lecture brute du document qui vous est selon l'usage fourni en début de réunion.

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Je rappellerai tout d'abord que, lors de l'examen du projet relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, nous avions eu des débats sur le calendrier de mise en oeuvre de cette réforme. Le choix a alors été fait de mettre en place l'intégralité du dispositif dans la première année suivant la promulgation de la loi. De fait, tout a été mis en place dans ce délai, y compris le mécanisme de gestion du compte personnel de formation par la Caisse des dépôts et consignations.

À l'époque, certains parlaient d'une « énième réformette ». Aujourd'hui, presque personne ne dit qu'il ne s'est rien passé en matière de formation professionnelle. Un consensus émerge dans certains cénacles, chez les acteurs de la formation professionnelle, pour considérer que la réforme a représenté une avancée. Toutefois, ce consensus n'est pas toujours partagé dans le débat public.

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Le grand public a l'impression que les dispositifs de formation professionnelle sont une pure gabegie. Ce n'est pas notre sujet aujourd'hui, mais je tenais à pointer ce décalage.

L'avant-projet de loi visant à instituer de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, porté par Mme Myriam El Khomri, répond à un certain nombre de besoins d'évolutions du cadre juridique de la formation professionnelle. Ce texte comporte des dispositions relatives à la formation professionnelle : à travers la création du compte personnel d'activité (CPA), il étend le dispositif du compte personnel de formation (CPF) à la fois aux indépendants et aux fonctionnaires. L'avant-projet de loi comporte aussi des mesures sur l'extension du travail des apprentis mineurs.

Pour répondre aux interrogations relatives au financement de la formation professionnelle, la question de savoir si la mutualisation est en baisse se pose. A priori, ce semble être le cas. La mutualisation obligatoire baisse puisque l'on a réduit les crédits qui lui sont dédiés. Toutefois, nous ne disposons pas d'étude exhaustive sur la mutualisation volontaire. Il semblerait néanmoins que les branches – notamment celles du monde associatif – aient reconduit leurs accords.

Toutefois, l'enjeu est moins de savoir si la mutualisation est en baisse que de savoir si le financement global de la formation décline. Sur ce point, nous ne disposons pas d'informations et il sera difficile d'en avoir puisqu'il n'existe plus de système statistique dans la mesure où la loi a octroyé une plus grande marge de liberté aux entreprises. Il faudra donc du temps pour déterminer si ce financement diminue. Il est probable que ce soit le cas sur la première année, d'où l'intérêt qu'il y aurait à encourager l'investissement dans la formation professionnelle, notamment grâce à des incitations fiscales. Si l'on veut que les particuliers investissent dans leur formation en complément de l'abondement de leur compte, ne faudrait-il pas imaginer un dispositif de déduction fiscale ?

Sur la question du paritarisme, l'instance paritaire qu'est le Comité interprofessionnel pour l'emploi et la formation (COPANEF) est montée en puissance. Or, la gouvernance de la formation professionnelle, qui associe l'État et les régions aux partenaires sociaux, est plutôt quadripartite. On commence à observer une certaine tension entre les partenaires sociaux qui, à travers le COPANEF, veulent garder la mainmise sur la formation professionnelle, et l'accroissement du rôle de l'État et des régions. Si le compte personnel de formation (CPF) devient universel et concerne donc 40 millions d'actifs, est-il normal que les partenaires sociaux, dont la gestion concerne 16 millions d'actifs, gèrent l'ensemble ? Cette question rejoint celle de la gouvernance de la protection sociale. Ce sera aux parlementaires de trancher cette question.

En matière de conseil en évolution professionnelle, on constate aujourd'hui que cinq opérateurs travaillent chacun de leur côté. Il faut qu'une culture commune émerge dans un souci d'efficacité. Aujourd'hui, chaque opérateur met en place ses propres formations. Les « gros » opérateurs comme Pôle Emploi semblent considérer qu'ils fournissaient déjà un conseil en évolution professionnelle, mais j'estime qu'il faut mieux formaliser ce travail. Je rappelle en outre que le dispositif a été mis en place sans crédits complémentaires. Sans doute faut-il y consacrer une partie du milliard d'euros qu'il est envisagé d'investir dans le cadre du plan de 500 000 formations prioritaires pour les demandeurs d'emploi annoncé, car la réussite de ce plan dépendra en partie de l'amélioration de la qualité de l'accompagnement.

Pour ce qui concerne le CPF, sa mise en oeuvre passe par l'élaboration de listes qualifiantes et certifiantes. Un travail complexe et considérable a été conduit sur ces listes mais, au final, seules quelques formations sont éligibles au CPF : les formations numériques et linguistiques constituent l'essentiel des 12 000 formations repérées.

Un travail remarquable a été mené par les partenaires sociaux sur le socle de compétences, à travers le dispositif du nouveau certificat professionnel CléA. Je signale par ailleurs que la validation des acquis de l'expérience (VAE) a été rendue éligible au CPF. Je note en outre que l'avant-projet de loi porté par Mme Myriam El Khomri prévoit de rendre éligibles au CPF les actions de formation permettant de bénéficier de prestations de bilan de compétences, pour l'heure censées relever du conseil en évolution professionnelle, ainsi que les actions de formation dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises.

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Je tiens tout d'abord à souligner la convergence de l'approche des deux rapporteurs.

La question de l'abondement en heures complémentaires du CPF des travailleurs handicapés accueillis dans un établissement et service d'aide par le travail a été soulevée à juste titre. Il est insupportable que les décrets sur ce sujet n'aient pas encore été publiés. Un certain nombre d'autres décrets sont encore attendus. Je note par ailleurs qu'aucun rapport au Parlement demandé dans la loi du 5 mars 2014 n'a été déposé.

Sur le renforcement du rôle des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP), on constate encore une certaine difficulté à s'approprier pleinement ces instances complexes. Cela évoluera avec le temps. Les premières réunions de CREFOP ont été plutôt fructueuses. La gouvernance complexe de la formation professionnelle a, dans une certaine mesure, été simplifiée puisque tous les acteurs des politiques d'orientation, de formation professionnelle et d'emploi sont désormais réunis au sein d'une même instance de coordination.

La somme de 32 milliards d'euros que l'on présente souvent comme celle investie dans la formation professionnelle est une addition « de choux et de carottes ». Elle inclut par exemple la formation dispensée dans les lycées professionnels, les salaires d'un certain nombre d'enseignants, etc. Le montant des sommes investies par les entreprises dans la pure formation professionnelle représente environ 6 milliards d'euros. C'est sur cette somme qu'il faut travailler. Il reste des choses à faire mais la formation professionnelle n'est pas un immense gâchis.

Pour ce qui concerne les listes qualifiantes et certifiantes, il s'agit d'un débat complexe. Je ne suis pas certain qu'il eût fallu recourir à ce type de listes mais la démarche est engagée. Ces listes comportent beaucoup de formations mais il y a en même temps « des trous dans la raquette ». Par exemple, elles ne comprennent pas la formation des pisteurs-secouristes dans les massifs montagneux, qui relèvent du ministère de l'Intérieur.

Il faudrait rapprocher les listes régionales de listes qui devraient être établies au niveau national. À défaut, on risque d'introduire des discriminations entre les différentes régions.

Au sujet de la baisse de l'apprentissage, elle s'explique non seulement par le contexte économique, mais aussi par un problème de lisibilité : l'apprentissage fait l'objet de modifications législatives ou fiscales presque tous les six mois. Les employeurs ne savent plus quelles règles appliquer lorsqu'ils embauchent un apprenti. On constate cependant une légère reprise dans l'évolution du nombre d'apprentis qui reste insuffisante par rapport aux objectifs fixés.

Quant à l'âge des apprentis, il peut certes y avoir une forme de pré-apprentissage dans les lycées, mais il ne faut pas perdre de vue que les petites et moyennes entreprises embauchent aujourd'hui plutôt à « bac + 2 ». Par ailleurs, la rémunération des apprentis majeurs est un frein à l'apprentissage. Afin de réduire le coût du recours à l'apprentissage, on pourrait concevoir des avantages fiscaux pour les tuteurs d'apprentissage qui ne font aujourd'hui l'objet d'aucune reconnaissance.

S'agissant, enfin, de la répartition entre les flux et les stocks, l'apprentissage se déroule sur plusieurs années et implique donc de cumuler, pour le calcul du stock, les entrants et ceux qui poursuivent leur formation. Nous atteignons alors le chiffre de 400 000. Le flux par année, nécessairement inférieur, est de l'ordre de 280 000.

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En effet, un contrat d'apprentissage est signé pour deux ou trois ans. Le rapport contient un graphique précisant ces chiffres. Il y manque l'année 2015 au cours de laquelle les chiffres augmentent. Le chiffre à considérer par rapport aux objectifs de 500 000 apprentis est donc de 400 000. Après plusieurs années de baisse, il est par définition difficile de faire augmenter rapidement le stock.

S'agissant de la question relative à la première qualification à donner aux jeunes « décrocheurs » dans le compte personnel de formation, le principe de la « formation initiale différée » existe déjà dans la loi. L'avant-projet de loi réformant le code du travail propose qu'il revienne aux régions d'abonder les comptes de ces jeunes.

Je souhaite évoquer l'enjeu de l'insertion pour l'activité économique (IAE). Compte tenu de la baisse des fonds de mutualisation, les associations ont du mal à se procurer des financements pour les salariés. Un déclic administratif reste à trouver, bien que tous les acteurs s'accordent sur leur pertinence. Par ailleurs, concernant la création d'entreprises, nous faisons face à un refus de certains syndicats.

S'agissant de la place des partenaires sociaux, on constate que, dans de nombreux pays, ce sont eux qui pilotent l'ensemble de l'apprentissage. Ce n'est pas la culture française et il faut trouver un autre système, plus équilibré, pour à la fois accompagner la montée en puissance des partenaires sociaux et conserver l'Éducation nationale comme acteur de l'apprentissage.

C'est le pari qui est en passe d'être gagné au sein du CREFOP, qui rassemble tous ces acteurs. Le fait que les régions aient connu d'importantes réorganisations ces derniers mois a ralenti ce mouvement. Cette nouvelle gouvernance est assurée, dans chaque région, par un bureau restreint qui doit prendre des décisions sur la carte des formations, sur la répartition des fonds de l'apprentissage et sur une stratégie régionale qui associe tout le monde. On peut débattre de la possibilité de fonctionner d'une manière aussi collégiale. L'essentiel est d'avoir mis fin au cloisonnement. Certains pensent qu'il faut aller plus loin et désigner un chef. La question est loin d'être tranchée, même si je signale que le plan « 500 000 chômeurs » prévoira peut-être des expérimentations.

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S'agissant de la vérification au niveau régional de l'efficacité des dispositions de la loi, je rappelle qu'il appartient au CNEFOP de publier un rapport, en cours d'élaboration, qui évalue l'efficacité des mesures, notamment à ce niveau régional.

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Ce rapport, très intéressant et très facile à lire sur un sujet pourtant complexe, arrive à point nommé avant l'examen de la loi réformant le code du travail. Nul doute qu'il inspirera des amendements en vue d'améliorer le texte.

La commission autorise, à l'unanimité, le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, en vue de sa publication.

La séance est levée à onze heures vingt.