La réunion

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La séance est ouverte à 19 heures.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes procède à l'audition de Mme Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n° 3600).

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Madame la ministre, merci d'avoir accepté de venir devant la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale ; nous y sommes très sensibles.

Vous savez le rôle que la loi confère à notre Délégation, ainsi que notre attachement à l'égalité entre les femmes et les hommes, notamment à cet objectif si difficile à atteindre, malgré quarante ans de lois depuis Yvette Roudy : l'égalité salariale et professionnelle.

Vous savez aussi que, malgré le principe « pour un même travail ou un travail de valeur égale, salaire égal », deux chiffres disent ce qu'il en est, en France, dans la réalité : 24 % d'écart moyen de salaire entre femmes et hommes, du fait notamment de salaires différents à l'embauche, dont 10 % inexpliqués et inadmissibles. Par ailleurs, environ 80 % des emplois à temps partiels sont occupés par des femmes.

Si l'on ajoute le fait que le partage des tâches domestiques reste mal assuré entre les femmes et les hommes, et qu'une mauvaise articulation entre vie professionnelle et vie personnelle pénalise plus la carrière des femmes que celle des hommes – c'est le fameux « plafond de verre » qui entrave leur accès aux postes de responsabilité –, vous comprendrez aisément que notre délégation se saisisse de votre texte afin d'émettre ses recommandations et de faire adopter si possible, in fine, des amendements.

Je suis au regret de constater que, malheureusement, l'étude d'impact du projet de loi ne nous aura guère éclairés, et c'est peu dire, quant à son impact sur l'égalité professionnelle : en dépit de la circulaire publiée en 2012 par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, il y est consacré en tout et pour tout six lignes sur 400 pages, ce que je trouve déplorable.

Pour autant, nous abordons ce projet de loi, comme tout autre, dans un esprit positif, avec la volonté de co-construire avec le Gouvernement toutes les améliorations possibles. Je vous sais personnellement sensible à la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, et je veux rappeler que, depuis 2012, beaucoup a déjà été fait en la matière.

Sur chaque texte touchant au droit du travail, dont on aurait tort de considérer qu'il concerne à l'identique les femmes et les hommes, nous avons inlassablement défendu nos amendements : nous ne voulons en aucun cas qu'il y ait recul. Parce que l'égalité entre les femmes et les hommes n'avance que si on la traite spécifiquement, nous vous proposons l'expertise de notre délégation pour tenter d'améliorer ensemble ce qui nous paraît pouvoir et devoir l'être.

J'entends la demande de flexibilité et de souplesse des entreprises dans un monde du travail en mutation, mais nous ne voulons pas que cette flexibilité accrue pénalise les plus précaires des travailleurs, les moins flexibles dans leur vie personnelle, c'est-à-dire les travailleuses.

Nous avons reçu des membres du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), les représentantes et représentants des syndicats, des associations investies dans l'égalité professionnelle, et nous sommes donc heureux de vous entendre pour parachever ce cycle d'auditions.

La Délégation examinera le rapport d'information sur ce projet de loi mardi prochain, le 5 avril.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Je suis heureuse de présenter à votre Délégation le projet de loi instituant de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs et, plus largement, d'évoquer avec vous l'égalité entre les femmes et les hommes. Parce que ce combat me tient particulièrement à coeur, j'ai voulu, depuis ma prise de fonctions au ministère du travail, que l'on tienne les femmes pour prioritaires au moment de lancer le plan de 500 000 actions de formation supplémentaires destinées aux demandeurs d'emploi, ou encore la Grande École du numérique. C'est le sens de mon engagement politique ; il vaut aussi pour le sort des femmes dans les quartiers dit populaires – et vous savez l'importance du rôle qu'elles y jouent. Ce n'est pas sans une pointe de fierté que, ce matin même, j'ai présenté en conseil des ministres l'ordonnance relative à la désignation des conseillers prud'hommes, qui met enfin en oeuvre le principe de parité entre les femmes et les hommes, suite à la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes et la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.

Nous progressons donc par petites touches, mais je n'ignore pas le chemin qu'il nous reste à parcourir. Je sais que, malgré nos efforts, être une femme aujourd'hui signifie souvent, à poste équivalent, être moins bien rémunérée qu'un homme : l'écart des salaires, en 2016, est toujours de 19 %. Être une femme, c'est toujours devoir faire face, davantage que les hommes, au temps partiel subi. Être une femme, c'est aussi affronter une double journée de travail. Être une femme, c'est connaître des difficultés persistantes pour trouver une place en crèche ou un mode de garde d'enfant, problème qui affecte plus gravement les familles monoparentales, dont on sait qu'elles ont une femme à leur tête dans 80 % des cas, et davantage encore dans les quartiers populaires. Être une femme, c'est enfin subir des remarques et des comportements sexistes, y compris sur les lieux de travail. Nous le savons, les stéréotypes au travail ont malheureusement la vie dure, et les mécanismes sociaux empêchant les femmes de bénéficier des mêmes opportunités que leurs collègues hommes font que les plafonds de verre existent toujours, qu'il s'agisse du déroulement des carrières, de l'accès à des emplois stables et de qualité ou de la question centrale de la conciliation entre vie personnelle, parentalité et vie professionnelle.

Mais je sais aussi, pour l'avoir constaté alors que j'étais secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, et encore lors de ma visite récente à la mission locale des Ulis avec Mme la députée Maud Olivier, le rôle majeur que tiennent les femmes en matière de développement et de cohésion sociale. J'ai eu à connaître d'exceptionnelles initiatives de terrain portées par des femmes en matière d'insertion par l'emploi dans l'économie sociale et solidaire et aussi de développement économique, dans les villes comme dans les campagnes ; je continuerai de les soutenir. Je rencontre constamment des femmes qui entreprennent, qui osent, qui connaissent des carrières brillantes, affirment leurs droits et prennent enfin la place qui est la leur.

Le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes demande une mobilisation sans cesse réaffirmée. Je fais immédiatement mon mea culpa au sujet de l'étude d'impact : il est exact, madame la présidente, que pour ce qui est de l'analyse, sur ce plan, de la négociation sociale, et en particulier des accords d'entreprise, il n'y a pas encore d'évolution. Peut-être la loi, en imposant la transparence sur tous les accords, nous permettra-t-elle de les apprécier de manière plus générale et ainsi de progresser. Aujourd'hui, 27 % des femmes ont des postes peu qualifiés d'employées ou d'ouvrières contre 15 % des hommes, et elles sont employées en contrat à durée déterminée (CDD) presque deux fois plus souvent qu'eux. C'est contre ces inégalités que je veux agir, notamment par le biais du projet de loi que je vais vous présenter.

Avant d'en venir à ce texte, je souhaite toutefois rappeler que nous avons permis des avancées importantes en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans le monde du travail – des progrès réalisés avec l'appui de votre Délégation, dont les observations ont parfois tout du « poil à gratter », mais ce rôle est essentiel. Je rappelle en premier lieu que la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a considérablement renforcé les obligations des entreprises relatives à la mise en oeuvre des actions en faveur de l'égalité, par le biais de la négociation. Elle a aussi réformé le congé parental, notamment pour encourager les pères à en bénéficier et favoriser de la sorte l'égalité dans les couples. Je salue à ce sujet la proposition de loi de Mme la députée Dominique Orliac, qui va considérablement améliorer la protection contre le licenciement des mères à l'issue de leur congé maternité et de leur conjoint à compter de l'arrivée de l'enfant.

La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi a permis une avancée majeure : une durée minimale hebdomadaire de travail à temps partiel de 24 heures. Cette disposition vise à combattre la précarité au travail, qui frappe particulièrement les femmes. Le texte a aussi permis de mettre en place une modulation des cotisations d'assurance chômage sur les contrats courts pour inciter les employeurs à opter pour le contrat à durée indéterminée (CDI) plutôt que pour le CDD. Comme vous le savez, une négociation est en cours sur la nouvelle convention d'assurance-chômage, et certains des partenaires sociaux portent cette question ; c'est à eux qu'il revient de négocier, mais il sera important de faire dans ce cadre un premier bilan de cette disposition.

La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, qui a suscité de nombreux débats, a finalement apporté des progrès majeurs en renforçant la parité dans les instances représentatives du personnel (IRP), les conseils d'administration et les conseils de prud'hommes, et en mettant l'égalité professionnelle au coeur du dialogue social en entreprise.

Le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs s'inscrit dans la continuité de ces textes.

Il présente une forte cohérence, fondée sur la conviction que j'ai exposée hier à la commission des Affaires sociales de votre assemblée : il faut créer un mouvement profond qui fasse franchir à notre démocratie sociale une étape nouvelle, pour la rendre plus forte et plus efficace. C'est par la négociation au plus près du terrain que se nouent les bons compromis, favorables à la compétitivité de notre économie et à la protection des salariés – et donc aussi des femmes. Je le redis devant vous : s'il n'y a pas d'accord, c'est le droit actuel qui continuera de s'appliquer. Nous voulons donner dans un même mouvement plus de moyens aux acteurs du dialogue social et plus de place à la négociation collective. Loin d'opposer négociation et droits des femmes, je pense au contraire que c'est par le dialogue social que l'on peut, aussi, améliorer leurs droits.

Certains voient dans le renvoi à l'accord d'entreprise un danger pour la protection des salariés. Trois raisons font que je ne partage pas cette analyse.

D'abord, ces accords devront être majoritaires ; alors que des modulations de temps de travail sont aujourd'hui possible avec l'accord de 30 % des représentants des salariés, la modulation reposera, demain, sur un consensus social beaucoup plus fort qu'il ne l'est présentement. Ensuite, dans les matières les plus sensibles – telle la durée minimale hebdomadaire de 24 heures pour le travail à temps partiel –, l'accord de branche restera prépondérant. Enfin, si nous pensons qu'un accord négocié par des syndicats signifie la diminution des droits des salariés, c'est que nous ne sommes pas mûrs pour une démocratie sociale digne de ce nom, et ce n'est pas ma vision des choses. Je considère que la démocratie sociale est à la croisée des chemins et que pour renforcer la légitimité des accords il faut renforcer le pouvoir de les négocier.

Je veux être tout à fait claire : je ne porterais tout simplement pas cette loi si je pensais qu'elle est, d'une façon ou d'une autre, contraire à l'intérêt et aux droits des femmes.

Au-delà de la philosophie d'ensemble que je viens d'exposer, le projet de loi que je vous présente tend à sanctuariser un certain nombre d'acquis essentiels. Tout d'abord, le principe même de l'égalité professionnelle, figurant parmi les grands principes issus des travaux de la commission Badinter, qui guideront la réécriture du code du travail devant s'achever en 2019. Je sais que votre Délégation souhaite proposer des amendements à ces principes, et j'y serai particulièrement attentive.

Ensuite, pour ce qui est du temps partiel, le projet de loi sanctuarise la durée minimale de 24 heures hebdomadaire pour les salariés à temps partiel sauf accord de branche, comme aujourd'hui. J'insiste sur le fait que rien n'est changé à l'équilibre de la loi sur la sécurisation de l'emploi.

De même, pour ce qui est des délais de prévenance ou du taux de majoration des heures complémentaires, nous sommes totalement à droit constant. Dans le cadre de la concertation avec les partenaires sociaux, il y a eu des demandes de réécriture visant à ce que l'on puisse déroger aux accords sur le temps partiel, mais nous n'avons rien modifié.

En ce qui concerne l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle, qui est, je le sais, un outil puissant en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, la loi clarifie aussi les choses. En effet, suite aux remarques faites par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), j'ai souhaité qu'il soit précisé dans la saisine rectificative envoyée au Conseil d'État que, lorsque la négociation sur l'égalité entre les femmes et les hommes devient triennale et qu'aucun accord n'est conclu sur ce sujet, l'obligation d'élaborer tous les ans un plan d'action demeure. Il va également de soi que cette loi ne remet pas en cause les pénalités financières prévues en cas de manquements en la matière.

Sur ce point, il n'y a pas de relâchement, bien au contraire. Les services de mon ministère sont plus que jamais mobilisés pour que la législation soit appliquée, et je me suis engagée devant vous à ce que soit effectuée, si vous le souhaitez, une évaluation précise de la situation. À ce jour, 83 % des entreprises de plus de 1 000 salariés sont couvertes par un accord ou un plan d'action. Nous devons encore progresser, mais il faut aussi rappeler ces chiffres, qui montrent que les choses changent sur le terrain grâce à l'action du Gouvernement, mais aussi et surtout du fait d'une mobilisation croissante de l'ensemble des acteurs concernés, notamment les petites entreprises. Nous devons, au moyen de la formation des partenaires sociaux et en nous appuyant sur l'Union professionnelle artisanale (UPA), veiller à ce qu'un plus grand nombre de petites entreprises bénéficient de l'action de formation.

Enfin et toujours pour préciser les choses, j'ai souhaité indiquer dans la saisine rectificative envoyée au Conseil d'État que, s'agissant des congés pour événements familiaux – mariages, naissances, décès –, qui sont des congés payés essentiels pour tous, l'accord ne pourrait pas descendre en dessous des durées aujourd'hui prévues par la loi. Cette disposition n'est pas tout à fait dans l'esprit du rapport de Jean-Denis Combrexelle, mais nous avons prévu ces dispositions, et il m'a paru nécessaire d'harmoniser vers le haut les congés pour décès car, dans les moments les plus douloureux de la vie, le tri qu'opère aujourd'hui le code du travail ne me semble pas acceptable.

Au-delà des acquis que le projet de loi sanctuarise, ce projet comporte des avancées importantes qui profiteront aux femmes. Je pense bien sûr en premier lieu au compte personnel d'activité (CPA), conçu pour tenir compte du monde du travail tel qu'il est aujourd'hui. Chacun sait que l'on n'entre plus dans une entreprise à dix-huit ans pour en ressortir à l'âge de la retraite, et que la vie professionnelle est faite de ruptures et de changements de statut – de salarié, on devient auto-entrepreneur, ou l'inverse –, d'une alternance de périodes d'activité et de chômage. Dans ce contexte, il m'a semblé important de permettre à tous les actifs – hommes, femmes, salariés ou à la recherche d'un emploi, indépendants ou entrepreneurs – de bénéficier des mêmes droits et des mêmes protections, indépendamment de leur statut. C'est une avancée sociale majeure et qui bénéficiera en particulier aux femmes, qui présentent des parcours professionnels plus accidentés et qui sont, plus souvent que les hommes, en situation de précarité. Avec le CPA, nous avons décidé d'abonder le compte des salariés les moins qualifiés – qui se trouvent être surtout des femmes – en faisant passer leurs droits à la formation de 24 à 40 heures par an.

Le plan « 500 000 actions de formation supplémentaires » prévu pour les demandeurs d'emploi en 2016 bénéficiera également en grande partie aux femmes, ainsi que la Garantie Jeunes. Enfin, pour aider les femmes à accéder à certains métiers, ce qui leur est parfois difficile, j'ai demandé que le label de qualité de la Grande École du numérique prévoie le recrutement d'au moins 30 % de femmes.

Je pense aussi au droit à la déconnexion, qui permet de mieux tracer la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle à l'heure du numérique. Le dispositif innovant proposé par le Gouvernement souligne sa volonté de préserver la vie en dehors du travail, pour les femmes comme pour les hommes, et constitue une avancée majeure qui devra faire l'objet de négociations au sein des entreprises.

Enfin, les dispositions en faveur du télétravail permettront de mieux prendre en compte certaines nouvelles modalités de travail et apporteront plus de souplesse aux salariés, tout en préservant la dimension collective du travail, qui me semble importante.

Cette politique bénéficiera à toutes les personnes éloignées des emplois stables, donc aux femmes. Je ne suis pas la seule à le dire : ce que nous souhaitons en apportant plus de clarté et de visibilité aux chefs d'entreprise – notamment de petites et moyennes entreprises (PME) et de très petites entreprises (TPE) –, c'est encourager l'emploi durable, notamment en CDI, car à l'heure actuelle, neuf embauches sur dix se font en CDD.

Même si tous les économistes ne sont pas d'accord, certains parmi les plus réputés – Jean Tirole, prix Nobel d'économie, et Philippe Aghion, pour ne citer qu'eux – ont souligné que le fait de donner de la visibilité aux chefs d'entreprise sur la rupture des contrats, en particulier des CDI, avait pour effet d'encourager l'emploi durable, ce dont les personnes les moins qualifiées, les jeunes et les femmes, c'est-à-dire ceux qui se trouvent souvent durablement exclus du monde du travail, et ne font que collectionner les CDD courts – nous sommes le deuxième pays de l'Union européenne utilisateur de CDD de moins d'un mois – doivent bénéficier. En février dernier, on a assisté à la bascule en catégorie A de nombreuses personnes inscrites à Pôle Emploi et appartenant à la catégorie C – les personnes ayant exercé une activité réduite longue, c'est-à-dire de plus de 78 heures au cours du mois.

Voici, mesdames et messieurs les députés, ce que je souhaitais préciser devant vous aujourd'hui. Je pense que notre échange sera également l'occasion de vous faire part des autres actions portées par mon ministère en faveur de la mixité des métiers, notamment dans le cadre de l'Euro 2016, où je souhaite féminiser le corps de la sécurité, et dans le domaine du numérique.

C'est en ne cédant rien sur les droits fondamentaux et, au contraire, en créant de nouveaux droits et protections, que nous voulons apporter la souplesse qui permettra à notre économie d'être plus dynamique et plus créatrice d'emplois durables.

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Je vous remercie, madame la ministre. Lors des auditions effectuées en vue de la rédaction de son rapport d'information sur le projet de loi pour une République numérique, la Délégation a rencontré les fondateurs et responsables de l'école 42 et de l'école Simplon : ces derniers se sont déclarés sensibles à l'objectif consistant à recruter au moins 30 % de femmes, ce qui nous a semblé très important, car la mixité des métiers fait partie des combats que nous menons.

J'admets la philosophie générale du projet, qui consiste à laisser le plus large champ à la négociation et à donner un rôle supplétif à la loi. Cela étant, j'aurais aimé des progrès en ce qui concerne le temps partiel, les embauches, les jours fériés. Dans les négociations, les femmes sont moins représentées, et on en parle moins. Nous craignons donc que la négociation, si elle permet souplesse et adaptation à la réalité des entreprises, ne leur soit pas favorable. Le manque de formation, le manque d'intérêt, le fait qu'elles occupent souvent les emplois les plus précaires ne nous rassurent pas.

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Merci, madame la ministre, d'être à notre écoute ce soir. Nous comptons bien entendu sur votre oreille attentive, car nous vous savons attachée à l'égalité entre les hommes et les femmes.

Vos propos introductifs, longs et finalement très précis, me coupent un peu l'herbe sous le pied, car vous avez d'ores et déjà répondu à certaines questions, mais nous craignons tout de même, à la lecture du texte, qu'un certain nombre de mesures ne risquent d'accentuer l'inégalité professionnelle. De ce point de vue, l'étude d'impact nous laisse sur notre faim, ne nous éclairant guère sur les effets que pourraient avoir les dispositions du texte pour les femmes.

Le CSEP a rendu un avis sur l'avant-projet de loi. Quelles suites donnerez-vous à un certain nombre de ses remarques, en particulier sur les principes essentiels du droit du travail énumérés à l'article premier, à ses inquiétudes concernant « une remise en cause de la hiérarchie des normes et des modalités de dialogue social qui fragilise la négociation sur l'égalité professionnelle » ou encore certains inquiétudes concernant « une flexibilité accrue du temps de travail défavorable à l'articulation des temps personnels et familiaux, pris en charge majoritairement par les femmes » ?

Concernant le compte personnel d'activité (CPA), des avancées sont-elles envisageables concernant les modalités d'abondement pour les salariés à temps partiel ? On pourrait d'ailleurs ouvrir une petite parenthèse sur le temps partiel saisonnier, qui ne concerne pas seulement les femmes mais qui les concerne de plus en plus en plus, notamment dans l'économie du tourisme.

S'agissant de la durée minimale hebdomadaire de 24 heures du contrat de travail, nous ne sommes pas tout à fait rassurés, malgré vos propos, et je voudrais savoir si vous avez dressé un bilan de la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, qui visait notamment à protéger les salariés à temps partiel.

De même, à la suite à la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, où la négociation collective sur l'égalité professionnelle en est-elle, d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif ? La mise en oeuvre de cette loi prendra du temps. Nous voudrions donc savoir quels seront plus généralement, cette année, vos principaux axes de travail pour faire progresser l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes. Vous avez annoncé avoir signé aujourd'hui une ordonnance qui donne un signe fort sur la question de la parité, mais d'autres dispositions sont-elles prévues pour l'année 2016 ?

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Vous avez également anticipé presque toutes mes questions, madame la ministre ! Je voulais parler de la loi du 17 août 2015 et du compte personnel d'activité (CPA), mais en fait vous nous avez répondu. Le CPA est une avancée sociale majeure. Votre ministère dispose-t-il de données sexuées sur les bénéficiaires du compte personnel de formation (CPF) ? Et quelles sont les avancées envisageables en ce qui concerne les modalités d'abondement applicables aux salariés à temps partiel ?

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La question du temps partiel nous préoccupe effectivement, nombre de dérogations à la durée minimale hebdomadaire de 24 heures étant déjà possibles. Si la question est renvoyée à des accords d'entreprise, je serai extrêmement inquiète. En effet, ces métiers exercés à temps partiel, où les femmes sont surreprésentées, sont des métiers peu qualifiés. Les femmes concernées, qui vivent déjà dans une grande précarité, font donc peu d'heures dans leur entreprise et ne sont pas syndiquées ni organisées pour négocier.

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Je vous prie par avance de m'excuser, madame la ministre, car je ne suis pas sûr de pouvoir rester pour entendre votre réponse.

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Merci !

Je vous remercie, madame la ministre, pour votre présentation.

Effectivement, le compte personnel d'activité, c'est très important, d'abord parce que des comptes annexes s'y greffent, comme le compte engagement citoyen ; il y aussi le compte épargne temps. Nous avons aussi évoqué la pénibilité, et la Délégation avait procédé à des auditions sur la pénibilité dans le travail saisonnier, dans le milieu rural. Nous avions identifié des zones difficiles.

Sur ces questions, j'ai forcément à l'esprit l'exemple des pays d'Europe du Nord, qui font partie de ma circonscription d'élection. Il n'y a pas forcément, dans ces pays un compte personnel d'activité ainsi dénommé, mais il y a une pratique très similaire. Je pense notamment au congé de maternité ou de paternité – qui ne devrait pas forcément être appelé « congé », le lexique ayant son importance. Dans ces pays, la revalorisation du congé de paternité est une condition de l'égalité professionnelle, et les compétences développées par quelqu'un dans son « travail » de père ou de mère peuvent être valorisées – même si la réalité est sans doute moins « rose » et plus complexe…

Cette approche comparée doit nous inciter à un recentrage des droits sur la personne, afin de lui permettre de maîtriser sa vie, ses conditions d'existence. Il faudrait aussi envisager la question des jours fériés et celle de la garde des enfants d'un couple. Travaillons-y, et n'oublions pas l'équité, mais je me félicite de cette avancée qu'est le CPA, pour laquelle l'expérience des pays scandinaves peut être éclairante.

Il serait intéressant, enfin, de pouvoir davantage prendre en compte l'internationalisation des parcours professionnels. L'activation du compte personnel d'activité pourrait permettre de régler la question de la validation des acquis professionnels des personnes résidant à l'étranger, qui ne sont pas reconnus aujourd'hui. Je ne veux pas empiéter sur le projet de loi qui nous a été promis sur ce sujet par Mme Valter. Mais ce serait une bonne nouvelle de pouvoir avancer.

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Quel est le terme employé dans les pays nordiques pour désigner le congé de maternité ou de paternité ?

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On parle d'« expérience parentale » ou de « parentalité ».

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Dans les TPE et les PME, la négociation des accords d'entreprise n'est pas facile. C'est pourquoi ces entreprises ont tendance à se reposer sur les accords de branche. Comment comptez-vous surmonter cette difficulté ?

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À notre grande surprise, lors de son audition, l'Union professionnelle artisanale (UPA) nous a fait part de son opposition très forte aux accords d'entreprise, arguant de l'absence de personnes qualifiées pour les négocier.

Nous avons tenté, non sans mal, de rédiger un amendement sur les 24 heures – la durée minimale de travail du salarié à temps partiel –, car nous ne sommes pas complètement rassurés. Je me mets à la place d'un employeur confronté à la complexité infinie du droit du travail, et je comprends qu'il ne souhaite pas avoir à négocier d'accord.

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Dans le précédent projet de loi relatif au dialogue social, nous avions provoqué une levée de boucliers en cherchant à éviter l'effet miroir dans la représentation syndicale, en vertu duquel celle-ci reflète la proportion d'hommes et de femmes dans l'entreprise. Pourtant, nous considérons que les femmes sont capables de défendre tous les salariés de l'entreprise, aussi bien les femmes que les hommes.

Le projet de loi ne va pas aider à résoudre ce problème. C'est dommage. Ainsi, les négociateurs pour les TPE au niveau interrégional seront-ils inévitablement des hommes, et l'opposition reste vive à la parité dans la représentation syndicale.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Entre la version 1 et la version 2 du projet de loi, le rôle de la branche a été considérablement réaffirmé, confortant ainsi les petites entreprises qui considèrent, je les comprends, la branche comme le niveau approprié de la négociation.

Le projet de loi prévoit une nouveauté : les accords-types de branche. Par exemple, une branche signe un accord sur un forfait en jours qui fixe le nombre de jours travaillés entre 215 et 220. Le chef d'entreprise peut le mettre en oeuvre avec l'accord du salarié au sein de l'entreprise. Ces accords, qui peuvent porter sur nombre de sujets, permettent de donner de la souplesse aux entreprises, tout en garantissant qu'ils sont négociés au bon niveau : le choix de la branche permet d'éviter le dumping social et de trouver des interlocuteurs pour négocier. Il faut des négociateurs formés et représentatifs pour faire vivre la nouvelle forme de démocratie sociale que le projet de loi instaure.

Parallèlement, le projet de loi renforce le mandatement, sur lequel la pédagogie reste à faire dans notre pays. Son objet est considérablement élargi afin de permettre aux salariés de l'entreprise – il ne s'agit pas de désigner un représentant d'un syndicat qui serait extérieur à l'entreprise – d'être mandatés par les syndicats pour négocier et signer des accords. Je sais que cette démarche trouve peu d'écho favorable auprès des chefs de petites entreprises. Il me semble pourtant important de continuer à travailler sur ces outils du dialogue social.

Les principes définis par le comité Badinter ne figureront ni aujourd'hui, ni demain dans le code du travail. Ce n'est qu'à l'issue des travaux de la commission chargée de la refondation de la partie législative du code du travail que des décisions seront prises quant à ces principes.

Quant aux suites à donner à l'avis du CSEP, je suis plutôt ouverte à des propositions d'amélioration.

Ainsi, s'agissant du principe d'égalité – qui figure au 4° de l'article 1er –, je rejoins le CSEP lorsqu'il recommande d'écrire que l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est assurée, et non pas respectée, dans l'entreprise. Je suis donc favorable à un éventuel amendement de votre part sur ce point.

De même, je partage l'avis du CSEP sur le dix-septième principe, qui dispose que « la grossesse et la maternité ne peuvent entraîner des mesures spécifiques autres que celles requises par l'état de la femme ». Cette formulation est par trop négative.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Ces propositions sont issues du comité présidé par Robert Badinter, dont je connais l'engagement en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. En tout état de cause, ce principe parait rédigé d'une façon négative et il me semble également important de rappeler l'interdiction de licencier des femmes enceintes ou venant d'accoucher. À cet égard, je soutiens la proposition de loi déposée par Mme Orliac visant à prolonger la période légale d'interdiction de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur pour les femmes à l'issue de leurs congés liés à la grossesse et à la maternité.

Concernant le 31e principe, la rédaction proposée par le CSEP restreint selon moi la portée du principe « à travail égal, salaire égal ». Ce principe fondateur du code du travail s'applique évidemment entre femmes et hommes, mais aussi, plus généralement, entre salariés.

Contrairement à ce que semble redouter le CSEP, le projet de loi ne remet nullement en cause la hiérarchie des normes ni les modalités du dialogue social. Nous aurions pu, comme certains pays en ont décidé, proposer une dérégulation et laisser les personnes face au contrat de travail. Ce n'est absolument pas le choix que nous avons fait : nous proposons de réaffirmer les différents niveaux de régulation – la loi, l'accord de branche et l'accord d'entreprise – en rappelant que, s'il n'y a pas d'accord, c'est l'état actuel du droit qui s'applique. Inverser la hiérarchie des normes reviendrait à faire de l'accord et du contrat de travail des outils de régulation de droit commun et à leur donner une prééminence par rapport à la loi. Ce n'est pas le chemin que nous avons pris. Nous donnons certes des marges de négociation supplémentaires aux accords d'entreprise sur des sujets qui relèvent du quotidien, comme l'organisation du travail ou le temps de travail, mais la loi réaffirmera le rôle de la branche pour garantir un socle de droits, notamment en matière de classifications, de salaire, de protection sociale complémentaire et de durée minimale des contrats à temps partiel. Dans l'ensemble de ces champs, les accords de branche continueront à s'imposer aux accords d'entreprise et la loi restera partout protectrice puisqu'en l'absence d'accord, c'est elle qui s'appliquera.

Le projet de loi ne remet pas non plus en cause l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle. À la suite des remarques du CSEP, j'ai en effet modifié le texte dans le cadre de la saisine rectificative. Je pense que le dispositif est clair, puisqu'il n'a fait l'objet d'aucune interrogation de votre part.

J'en viens maintenant aux critiques exprimées par la rapporteure, qui redoute une flexibilité accrue du temps de travail, défavorable à l'articulation des temps personnels et familiaux pris en charge majoritairement par les femmes. Avant toute chose, est-il normal que ce soient encore et toujours les femmes qui prennent en charge les obligations familiales ?

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Certes. Cela étant dit, soyez rassurée : ce projet de loi ne signera pas l'avènement d'une flexibilité accrue du temps de travail. En aucun cas le texte ne revient, par exemple, sur l'avancée que constitue la fixation à 24 heures de la durée hebdomadaire minimale du travail à temps partiel. La règle demeurera demain la même qu'aujourd'hui : à défaut d'accord de branche étendu, le minimum de 24 heures s'appliquera. Nous n'avons rien changé à la loi en vigueur.

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Nous voudrions rendre le temps partiel le plus coûteux possible pour l'employeur, car il en est fait un usage abusif. Vous l'avez dit vous-même, la France est sans doute le pays qui recourt le plus au travail à temps partiel – qui concerne d'ailleurs aussi les hommes. Des proches m'ont cité des exemples de cliniques qui emploient des salariés à temps partiel pendant trois à cinq jours, puis qui les réemploient à temps partiel quinze jours après, multipliant ces temps partiels bien au-delà de trois ou quatre fois pour assurer des remplacements : cela ne me paraît guère légal.

Lors de l'examen de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, faisant suite à l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, nous souhaitions que la durée minimale du travail à temps partiel soit de 24 heures. Puis, au terme de la discussion que nous avons eue avec le Gouvernement, nous avons accepté deux exceptions : la première, en cas de demande du salarié – exception qui peut présenter une certaine hypocrisie dans la mesure où le temps partiel peut être imposé à l'embauche – et la seconde, si un accord de branche le prévoit. Or, on constate que soixante des accords de branche qui ont été négociés prévoient un temps de travail inférieur à 24 heures. Cela signifie que les partenaires sociaux, lorsqu'ils négocient, acceptent, pour les femmes, de fixer des temps partiels très bas. J'entends bien que la philosophie, courageuse, du Gouvernement consiste à faire toute confiance à la négociation. Mais dans ce cas, rendons la syndicalisation obligatoire pour la massifier et assurer une meilleure représentativité des organisations syndicales. Pour l'instant, les accords de branche ne me semblent pas protecteurs pour les femmes. Il conviendrait d'organiser une négociation salariale qui prenne vraiment en compte l'inégalité entre les femmes et les hommes. Vous avez effectivement laissé la possibilité aux accords de branche de déroger à la règle des vingt-quatre heures, à l'article L. 3123-2 du code du travail qui figure à la page 60 du projet de loi : je conseille à tout le monde de lire ce texte même s'il est très compliqué.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

S'il l'est, c'est parce que, dans un souci de transparence, nous avons réécrit tous les articles du code du travail relatifs au temps de travail et aux congés, même ceux qui ne sont pas modifiés, en suivant l'architecture préconisée par Jean-Denis Combrexelle dans son rapport : l'ordre public venant en premier lieu, puis le champ de la négociation collective et, enfin, les dispositions supplétives. Certains ont affirmé que le projet de loi permettait de travailler 60 heures par semaine et de dépasser 12 heures de travail par jour : nous n'avons fait que reprendre les 125 pages du code qui traitent du temps de travail, et beaucoup de personnes découvrent la réalité du droit du travail à cette occasion. En dehors de la question des 24 heures, la section du code consacrée au travail à temps partiel n'est absolument pas modifiée. Nous restons entièrement à droit constant.

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Certes mais, dans le passé, les accords de branche et d'entreprise ne pouvaient être que plus favorables que la loi. Aujourd'hui, nous ne sommes plus du tout dans la même philosophie : la loi s'appliquera a minima en l'absence d'accord mais si un accord de branche est négocié, il pourra déroger à la loi dans un sens moins favorable que celle-ci.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Nous sommes un des pays d'Europe les plus protecteurs en matière de travail à temps partiel. Le projet de loi n'instaure pas les « mini-jobs » à l'allemande, ni les contrats « zéro heure » à la britannique – même si beaucoup de pays ont résorbé leur chômage grâce à une augmentation importante du travail à temps partiel.

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Ils ont beaucoup de travailleurs pauvres.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Tout à fait. La France a fait un autre choix – que nous maintenons bien évidemment. Je peux vous dire que lors des concertations qui ont eu lieu, j'ai opposé un refus catégorique à ceux qui souhaitaient modifier les dispositions relatives au temps partiel dans le cadre du rapport Combrexelle, comme nous le faisons concernant la modulation du temps de travail. Mais, la France étant le deuxième pays utilisateur des contrats à durée déterminée, nous avons quand même des questions à nous poser. Nous devons impérativement mettre un terme à la réticence, réelle ou ressentie, des employeurs à embaucher des salariés en contrat à durée indéterminée.

Les accords de branche, souvent négociés par les représentants syndicaux et patronaux issus des grands groupes, ne permettent pas aux petites entreprises de s'adapter. Il faut donc que nous arrivions à réaffirmer le rôle protecteur de la branche pour les petites entreprises mais aussi à leur accorder certaines souplesses dans la négociation. Je sais qu'il y a aujourd'hui une forme de rejet « culturel » du mandatement et que, malheureusement, les citoyens de notre pays manquent de confiance envers les syndicats. Mais nous sommes à la croisée des chemins. Élargir le champ de la négociation au plus près du terrain pour aider les entreprises à mieux s'adapter aux pics d'activité permet aussi de re-légitimer ces acteurs de terrain. N'ayons pas une vision idyllique de notre pays, car, encore une fois, si nous avons la législation la plus protectrice qui soit en matière de travail à temps partiel, nous sommes le deuxième pays utilisateur de CDD, ce qui explique que nombre de personnes se trouvent durablement dans une spirale infernale.

La loi du 14 juin 2013, dont vous m'avez demandé de dresser un bilan, a permis de conférer des droits aux salariés travaillant à temps partiel tout en offrant plus de souplesse aux entreprises. À ce jour, une soixantaine d'accords de branche ont été déposés auprès de mes services, couvrant un peu moins de la moitié des salariés à temps partiel en France. Actuellement, lorsque des accords de branche prévoient une durée minimale inférieure à 24 heures, ils doivent prévoir des contreparties au profit des salariés, notamment en termes de regroupement d'horaires. Je souhaiterais d'ailleurs que, dans le cadre du plan « 500 000 actions de formation supplémentaires », nous lancions des expériences de regroupement d'heures de travail et d'heures de formation semblables à celles qu'a pu mener Pascale Gérard dans le champ des services à la personne lorsqu'elle était vice-présidente de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Nous sommes en train de vérifier s'il serait possible de le faire. Par ailleurs, les accords qui dérogent aux règles relatives aux coupures doivent prévoir des contreparties financières ou sous forme de repos. Mes services, lorsqu'ils contrôlent la légalité de l'extension des accords, sont extrêmement vigilants sur ces points précis.

Bref, si la loi de sécurisation de l'emploi a apporté des garanties nouvelles aux salariés à temps partiel en leur permettant d'accéder aux droits sociaux, des souplesses ont dans le même temps été accordées aux entreprises, sous forme de dérogations dans les secteurs où il n'est pas possible d'aller jusqu'à 24 heures de travail. La question des groupements d'employeurs s'étant posée, un des articles du projet de loi vise à ce que les entreprises puissent bénéficier d'aides à l'emploi dans le cadre de ces groupements, qu'il nous faut, je crois, favoriser encore davantage – et pas seulement dans le domaine agricole. Je vous invite donc à proposer des améliorations en la matière.

Enfin, je me suis engagée à fournir au CSEP d'ici à cinq mois un bilan détaillé des sanctions qui auront été appliquées, bilan que je pourrai aussi venir vous présenter. Nous sommes en train d'examiner quelques accords de branche semblant poser problème.

En matière de travail saisonnier, le projet de loi constitue une avancée majeure puisqu'il en sécurise la définition. Cela fait suite à des travaux parlementaires menés récemment dans le cadre du Comité interministériel de la montagne, qui s'est tenu le 25 septembre 2015 et auquel a participé Mme la rapporteure. Nous invitons également les partenaires sociaux à négocier sur les clauses de reconduction des contrats de travail saisonnier. À défaut de négociation, il est prévu que l'État puisse intervenir par ordonnance. Je pense que cela protégera également les femmes.

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Qu'en est-il des droits à la formation pour les saisonniers, parmi lesquels les femmes sont de plus en plus nombreuses ?

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Vous avez dit, madame la ministre, que le CPA bénéficierait aux salariés les moins qualifiés, en leur ouvrant 40 heures par an de droits à la formation au lieu de 24 heures. Nous voudrions également obtenir par amendement un abondement du compte personnel de formation pour les salariés à temps partiel, qui ont davantage besoin de formations pour obtenir un emploi plus qualifié, accéder à un temps plein, ou encore changer d'emploi. Cela vous semble-t-il possible ?

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Aujourd'hui, 50 % de femmes bénéficient du compte personnel de formation. Si je partage votre volonté de sécuriser les parcours professionnels des personnes à temps partiel, prévoir un abondement spécifique en leur faveur soulève un certain nombre de questions. Ces abondements devraient-ils être réservés aux personnes à temps partiel subi ? Et comment distinguer les personnes pour lesquelles il s'agit d'un temps partiel choisi ? Surtout, comment financer les abondements, alors que la ressource est proportionnelle au temps travaillé ? Je pense que la négociation de branche pourrait prévoir de tels abondements comme contreparties aux temps partiels, en lien avec les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), car je ne vois pas comment nous pourrions écrire cela dans la loi.

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Si je comprends bien, une cotisation majorée pour les salariés à temps partiel viendrait abonder le compte, ce qui constituerait un bonus en matière de droits à la formation.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

La difficulté est de distinguer entre temps partiel subi et temps partiel choisi, sachant que la cotisation est basée sur le temps travaillé.

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Certes, mais beaucoup de temps partiels dits « choisis » sont en réalité occupés par des femmes qui ne peuvent pas faire autrement : certaines ne trouvent pas de solution de garde pour leurs enfants ; d'autres ne trouvent pas de travail à temps plein – j'ai connu une femme à temps partiel qui faisait, cinq jours par semaine, 50 kilomètres aller-retour pour se rendre à l'hôpital où elle travaillait et qui dépensait tout son revenu d'activité pour faire garder ses enfants.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Je suis prête à vous aider sur ce point technique : la personne qui travaille au sein de mon cabinet sur le compte personnel d'activité peut vous rencontrer avant le débat en séance publique. Ce sujet doit être relié au plan « 500 000 actions de formation supplémentaires », car je souhaite que les personnes à temps partiel subi bénéficient d'une formation leur permettant de développer leurs compétences et d'accéder ainsi plus facilement à l'emploi.

Monsieur Premat, la loi, par le dispositif du CPA, garantira le financement du parcours de validation des acquis de l'expérience (VAE), ce qui permettra à la fois de construire le parcours professionnel des personnes et de retracer l'ensemble des compétences qu'elles ont acquises. Le dispositif est en effet trop rigide encore.

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Aux termes du projet de loi, la modulation du temps de travail sera négociée, si bien qu'elle pourra porter sur une durée plus longue. Par conséquent, les femmes à temps partiel devront obéir à des impératifs de flexibilité accrue. Les temps partiels ne pourraient-ils pas bénéficier d'un taux de majoration des heures complémentaires plus important que les 10 % prévus dans le texte ?

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Nous déposerons un amendement portant le taux de majoration à 25 % dès la première heure complémentaire.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Aux termes de la « version 2 » du projet de loi – celle que j'ai présentée en conseil des ministres –, la modulation au-delà d'une année ne sera possible que par accord de branche. Par conséquent, l'accord d'entreprise devra prévoir une période « haute » pour le paiement mensuel des heures supplémentaires. Ainsi, le projet de loi prévoit deux dispositions qui permettent de limiter l'impact sur le pouvoir d'achat des salariés : l'autorisation par accord de branche ; une période « haute » dans le cadre de l'accord d'entreprise, afin de ne pas attendre la fin de la période de travail pour payer les heures supplémentaires. Concernant les heures complémentaires, la majoration de 10 % dès la première heure constituait une nouveauté de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.

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Nous avions effectivement obtenu que ces heures complémentaires soient payées dès la première heure, avec une majoration de 10 % ou 25 % pour les heures accomplies au-delà d'une certaine limite. À présent, nous attendons une simplification du droit par l'instauration d'une majoration de 25 % dès la première heure.

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La question des femmes est-elle un sujet pour les syndicats ?

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Je ne vous cache pas que, dès ma nomination, j'ai été impressionnée du faible nombre de syndicats au sein desquels les femmes exercent des responsabilités importantes. D'ailleurs, au dernier congrès de la CFTC, j'ai assisté à un « putsch » de femmes contre des désignations à forte majorité masculine. Et du côté patronal, c'est exactement la même chose. Néanmoins, certains syndicats commencent à fixer des règles en matière d'égal accès aux postes de responsabilité. La CFDT, par exemple, a un bureau strictement paritaire. Mais il reste d'immenses progrès à faire.

Lorsque nous abordons des sujets très opérationnels, tels que la gestion du fait religieux en entreprise – nous travaillons depuis trois mois à l'élaboration d'un guide en la matière –, le plan « 500 000 actions de formation supplémentaires » ou le dernier bilan sur la santé au travail, on constate que les questions concernant les femmes commencent à poindre.

Au CSEP, les représentants des syndicats sont bien souvent des femmes. Mais, d'une manière générale, les choses restent très « genrées ».

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Nous en sommes bien conscients. C'est d'ailleurs parfois nous qui avons alerté les partenaires sociaux sur certains points. On a un peu le sentiment que les femmes salariées sont les variables d'ajustement, car elles sont moins défendues que d'autres salariés dans les négociations. C'est ce qui nous inquiète. Si l'on peut changer cette culture, ce sera une très bonne chose.

S'agissant du compte personnel de prévention de la pénibilité, nous avions soulevé la question de la classification des métiers. Nous savons tous que certains métiers souvent exercés par des femmes sont aussi pénibles que des métiers réputés pénibles exercés par des hommes, tels que les métiers du bâtiment. Tel est le cas par exemple pour les personnes qui travaillent dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et sont amenées à soulever des patients parfois très lourds, ou encore des caissières, qui peuvent être affectées par des maladies musculaires – elles-mêmes ne disent d'ailleurs pas qu'elles exercent un métier « pénible » au sens où on l'entend dans la loi. Afin que l'on continue à porter la même attention aux questions concernant les femmes, il faudrait que la médecine du travail conserve la place et l'importance qu'elle a aujourd'hui. Or on se demande si tel sera bien le cas.

Je signale à votre attention, madame la ministre, que nous travaillons à une simplification des modalités de négociation en matière d'égalité professionnelle. Vous avez indiqué dans vos propos introductifs que vous étiez attentive à cette question. Nous y avions déjà beaucoup travaillé lors de l'examen de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, ce qui avait suscité des crispations assez fortes.

Pour ma part, je comprends l'utilité de la base de données unique, appelée « base de données économiques et sociales » (BDES), car les données étaient trop fragmentaires et dispersées, et on ne s'y retrouvait pas. Je le dis et le répète : nous avons réintroduit dans la BDES tous les éléments qui figuraient dans le rapport de situation comparée. Cela a été une bagarre, une lutte, mais nous y sommes parvenus.

Par contre, lors de la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, l'employeur peut présenter le plan d'action qu'il est tenu de négocier sans mettre à disposition l'ensemble des données chiffrées qui figuraient dans le rapport de situation comparée. Nous voudrions remettre de l'ordre dans tout cela, non pas en bousculant la loi, mais en reprenant et en simplifiant les dispositions existantes. Nous vous soumettrons donc des amendements en ce sens, madame la ministre. Rappelons que le décret prévu par la loi Rebsamen sur ce point n'est pas encore paru.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Je m'exprimerai le moment venu sur ces amendements.

Vous avez parlé de biais de sexe ou de genre dans certains métiers. Selon moi, le point le plus important, c'est la manière dont on accompagne les branches professionnelles dans la renégociation des classifications. La ministre des affaires sociales et moi-même avons demandé au CSEP d'engager un travail sur ces classifications. L'objectif central à mes yeux, c'est que les partenaires sociaux de branche négocient des classifications exemptes de tout biais à l'égard des femmes – dans certains métiers, les salaires restent inférieurs au SMIC. Il faut qu'on parvienne à le faire de façon régulière et à brève échéance. Cela soulève la question de notre capacité à redynamiser la négociation au niveau des branches. Nous y répondons dans le projet de loi en donnant une existence juridique aux commissions permanentes de branche et, surtout, en restructurant les branches professionnelles. Si nous passons de 700 à 200 branches, cela aura un impact majeur en termes de négociations.

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Dans l'étude d'impact, il est précisé qu'un certain nombre de branches sont dormantes : il n'y a pas eu de négociation au niveau de ces branches depuis des années. Je partage tout à fait votre avis en ce qui concerne les classifications. On constate des inégalités entre des métiers équivalents. La notion importante est celle de « travail de valeur égale ». Certains métiers qui demandent plusieurs années de formation sont moins valorisés lorsqu'ils sont exercés par des femmes que lorsqu'ils le sont par des hommes.

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Vous avez évoqué un travail en cours sur le fait religieux en entreprise. De quoi s'agit-il exactement ?

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Nous avons entamé ce travail à la suite des attentats du 13 novembre, à la demande des partenaires sociaux, demande qui émanait autant des représentants des salariés que de ceux des employeurs. Ces derniers, en effet, sont parfois un peu désemparés face à certaines demandes de leurs salariés. Nous nous sommes réunis à trois reprises pour dresser la liste des questions qui peuvent se poser. Il s'agit de questions très concrètes, « pratico-pratiques » : sur quelle base un employeur peut-il se fonder pour refuser une demande de mise à disposition d'un local ? Comment gère-t-il la situation lorsqu'un salarié lui demande un jour qui n'est pas un jour férié et qu'il ne peut pas le lui donner compte tenu de la charge de travail, alors même qu'il a accordé un jour à un salarié d'une autre confession un mois auparavant ? Nous faisons l'état du droit et de la jurisprudence et essayons de répondre à chacune de ces questions.

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Cela fait-il partie du projet de loi ? N'introduit-on pas une possibilité de négocier sur ces questions ?

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Absolument pas. Dans le projet de loi figure, au 6° de l'article 1er, un principe issu des travaux de la commission Badinter. Certains l'ont instrumentalisé en disant qu'il favorisait le communautarisme religieux, alors même qu'il ne change rien au droit existant. Ainsi que je l'ai indiqué hier devant la commission des affaires sociales, je suis tout à fait prête à ce que l'on fasse évoluer cet alinéa dans le cadre du débat parlementaire, mais ne faisons pas croire que le projet de loi modifie le droit actuel.

Quand nous avons discuté du fait religieux en entreprise, nous avons abordé aussi la question de certaines femmes.

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Je voudrais poser une question sur le délai de prévenance, s'agissant de la modification des congés et de la durée du travail à temps partiel. Il me semble que cette disposition pénalisera plus particulièrement les femmes, notamment dans les familles recomposées où la garde des enfants et l'organisation familiale sont plus compliquées.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

En ce qui concerne le temps partiel, le délai ne change pas.

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Il était de sept jours, avec la possibilité de le ramener à trois jours par la négociation. Dans le projet de loi, il est fixé à trois jours, avec la possibilité de négocier autrement. C'est, en tout cas, ce que nous avons compris.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Non, ce n'est pas cela.

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Le délai reste donc fixé à sept jours, mais peut être réduit à trois jours s'il y a accord.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Ce sont exactement les mêmes règles qu'aujourd'hui. Le délai de prévenance, en cas de modification des horaires des salariés à temps partiel, ne peut être inférieur à trois jours. À défaut d'accord, il est de sept jours.

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C'est la réécriture en trois étages qui nous gêne, car elle semble privilégier le délai de trois jours. J'entends votre logique, madame la ministre, mais j'ai du mal à y adhérer.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Il faut avoir confiance dans le dialogue social.

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On a observé que ce n'était pas possible dans un certain nombre d'entreprises.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Les syndicats signeront ou ne signeront pas. S'il n'y a pas d'accord, la norme, pour le délai de prévenance, est de sept jours. Nous avons élargi l'objet de la négociation pour renforcer la possibilité de développer des accords. Je rappelle qu'un accord, aujourd'hui, peut être signé par des syndicats représentant ensemble 30 % des salariés, et que, demain, il faudra qu'ils en représentent 50 %.

Ce projet de loi incite à la confiance dans les acteurs du dialogue social : chefs d'entreprise, représentants des salariés, syndicats. C'est la philosophie de cette loi.

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Pourquoi avoir ajouté la possibilité d'un délai de trois jours ?

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Je le répète, c'est déjà le cas aujourd'hui. À défaut d'accord, ce sera sept jours. Peut-être y aura-t-il ainsi plus souvent des délais de prévenance de sept jours.

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Cela revient à inverser le système puisqu'aujourd'hui le délai de prévenance est de sept jours, avec la possibilité de le ramener à trois jours en cas d'accord. En proposant un délai compris entre trois et sept jours, vous donnez une sorte de « permis » pour un délai de trois jours. C'est cela ce qui nous gêne. La règle souhaitable est de fixer à au moins à sept jours le délai de prévenance, lorsqu'il s'agit de temps partiel ou de familles monoparentales. La règle de base doit prévoir un délai de sept jours, éventuellement négociable, mais avec des contreparties.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

C'est précisément l'objectif. Élargir l'objet de la négociation, c'est négocier en offrant des contreparties.

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Avec un délai de prévenance de trois jours, il faut assurer la gratuité de la garde d'enfants.

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Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue social

Aujourd'hui, on peut avoir un accord dont les signataires représentent 30 % des salariés, sans que cela semble vous choquer, alors que, demain, il faudra 50 %, faute de quoi le délai de sept jours s'imposera.

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Si, madame la ministre, cela nous choque. Nous ne souhaitons pas légiférer à droit constant, mais à droit amélioré, concernant les droits des femmes. Dans ce cadre, il y a le droit à la garde d'enfants, que nous avons inscrit dans la loi Macron.

Nous avons bataillé pour obtenir cette disposition. Si nous avons « accepté » le travail du dimanche, c'est à condition que l'employeur paie au salarié, pour le décalage du soir ou le dimanche, le trajet de retour jusqu'à son domicile et la garde d'enfants. Nous considérons qu'il s'agit d'une dégradation des conditions de travail, peut-être nécessaire dans certains cas, mais à condition qu'il y ait des contreparties. Nous ne sommes pas forcément favorables au droit constant. Cela étant, je sais, madame la ministre, que vous êtes très attentive au travail de notre délégation.

Nous avions promis de ne pas dépasser vingt heures trente. Les femmes sont à l'heure, car elles savent ce que c'est que d'avoir des contraintes !

J'en profite pour dire que je suis très favorable, madame la ministre, aux accords de méthode qui figurent dans votre texte. Il faut en finir avec le présentéisme, les négociations de nuit et tout ce qui convient aux hommes mais pas aux femmes – à moins que les hommes ne se transforment en baby-sitters toutes les nuits pendant que leurs femmes négocieront ! Le présentéisme et la longueur des réunions sont un réel facteur d'exclusion des femmes qui voudraient s'élever dans la hiérarchie.

De la même façon, dans notre mode de fonctionnement, les congés parentaux pris par les hommes sont mal vus. Il faut changer tout cela, peut-être par la négociation, mais les mentalités ne changeront pas sous le seul effet de la négociation.

Je vous remercie, Madame la ministre, de votre écoute et de vos réponses.

La séance est levée à 20 heures 30.