Commission des affaires économiques

Réunion du 5 avril 2016 à 18h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • EDF
  • RTE
  • hinkley
  • président-directeur général
  • renouvelable
  • réacteur
  • électricité

La réunion

Source

La commission a auditionné M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe Électricité de France (EDF).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, dans le prolongement de l'audition du 22 mars 2016 de M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, sur la situation d'Électricité de France (EDF), nous avons le plaisir de recevoir M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe EDF, que nous avons déjà auditionné le 25 novembre 2014 dans le cadre de sa procédure de nomination à la tête de l'entreprise.

Monsieur le président-directeur général, nous souhaitons faire le point sur plusieurs dossiers concernant EDF : la stratégie industrielle, la trajectoire financière, la baisse des prix de l'énergie, la reprise d'activité des réacteurs d'Areva – à propos de laquelle vous vous êtes exprimé lors de votre audition par notre commission le 15 juillet 2015 –, le « grand carénage », dont le coût a été estimé par certains à 100 milliards d'euros –, et bien sûr le projet de construction de deux EPR à Hinkley Point au Royaume-Uni. Sur ce dernier dossier, nous souhaitons vous entendre pour plusieurs raisons. D'abord, le directeur financier d'EDF, M. Thomas Piquemal, a démissionné début mars ; ensuite, dans un rapport rendu public le 10 mars 2016 sur « la stratégie internationale d'EDF », la Cour des comptes estime que « l'endettement d'EDF, conjugué à la persistance depuis 2010 d'un flux de trésorerie disponible négatif, limite fortement les capacités de développement du groupe à l'étranger, à plus forte raison dans un contexte de besoin d'investissements massifs dans le parc français » ; enfin, un article paru dans la presse internationale le 29 mars fait état du même diagnostic établi par des ingénieurs de votre groupe.

Je vous indique, chers collègues, que, à la suite de plusieurs demandes, notre commission va auditionner le mercredi 27 avril 2016 les syndicats d'EDF sur la situation de cette entreprise. Au regard de la demande formulée auprès de M. Emmanuel Macron sur la mise à disposition du rapport de M. Yannick d'Escatha, je suis en lien avec le ministre pour réfléchir à l'organisation de cette réunion, qui pourrait éventuellement se tenir à huis clos, afin de permettre à la représentation nationale de disposer des éléments nécessaires sur le dossier Hinkley Point.

Permalien
Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe électricité de France, EDF

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux d'avoir la possibilité de m'entretenir à nouveau avec vous sur la situation d'EDF. L'entreprise évolue actuellement dans un contexte européen de l'électricité très déprimé : le graphique que nous vous avons distribué montre que les prix de marché ont été divisés par deux ces deux dernières années, atteignant aujourd'hui 26 à 27 euros. Cela est dû essentiellement à la baisse du prix des matières premières énergétiques et à une consommation atone du fait, en particulier, de la crise économique, alors que de nouvelles capacités de production se déploient de façon soutenue en France et plus largement en Europe occidentale. Je reviendrai plus tard en détail sur ces points.

De nombreux énergéticiens sont dans des situations financières très difficiles, qui les ont amenés à des résultats déficitaires et, pour certains d'entre eux, à des mesures drastiques – je pense à des scissions de grands groupes en deux ou plusieurs entreprises indépendantes. Tel n'est pas le cas d'EDF. Parmi les grands énergéticiens européens, EDF est le seul à être resté chaque année bénéficiaire. Grâce à la compétence et à la mobilisation des salariés, et grâce à notre choix historique en faveur de l'électricité d'origine nucléaire, nous sommes un électricien performant bas carbone et nous mettons à la disposition de nos clients, en particulier en France, une électricité bien moins chère que chez tous nos voisins, une électricité abondante qui assure la sécurité d'approvisionnement du pays, et qui nous permet d'exporter et donc de créer ou de maintenir des emplois de haute qualification en France. Ainsi, notre situation est singulière dans un contexte européen de l'énergie très déprimé.

Peu après mon arrivée à EDF, nous avons défini notre stratégie pour le long terme, Cap 2030, que désormais nous mettons en oeuvre. Cette stratégie vise à faire d'EDF le leader de la production bas carbone.

Grand opérateur intégré avec une forte culture de service public, EDF, comme on a coutume de le dire, est le service public préféré des Français, et ce n'est pas une réalité du passé : l'image d'EDF est très positive dans toutes les catégories de la population française. Cela nous oblige à être à la hauteur des attentes des Français, de nos clients qui nous sont fidèles, des riverains de nos ouvrages qui nous font confiance, des jeunes qui souhaitent nous rejoindre. Cette image, nous la devons aussi à la compétence ainsi qu'au sens du service public et de la responsabilité des salariés du groupe, qui sont légitimement très fiers de leur entreprise.

Premier exploitant nucléaire au monde, EDF s'appuie sur l'ensemble d'une filière industrielle, qui comprend de grandes entreprises, mais aussi de nombreuses PME présentes dans pratiquement toutes les régions françaises, actives à l'exportation, et qui représente, après l'aéronautique et l'automobile, la troisième filière industrielle de notre pays. Prochainement, l'intégration de l'activité réacteurs d'Areva au sein du groupe EDF contribuera à donner une parfaite cohérence à notre filière d'excellence.

Leader européen dans les énergies nouvelles renouvelables (EnR), le groupe EDF a inscrit au coeur de sa stratégie le développement de nouveaux moyens de production d'énergie renouvelable en complément de sa production hydraulique. Notre filiale spécialisée EDF-EN est présente partout dans le monde et connaît une forte croissance, en pleine cohérence avec la logique de diversification du mix dans le cadre de la transition énergétique.

EDF est bien implantée dans les services énergétiques. Les attentes des entreprises, des collectivités et des particuliers sont de plus en plus fortes en matière de services énergétiques, afin de pouvoir mieux piloter leur propre consommation, de l'adapter à leurs rythmes et d'en optimiser le volume. Le groupe EDF accélère son développement dans ces services d'efficacité énergétique, notamment depuis la reprise de Dalkia.

Nous avons de fortes capacités d'innovation. Point singulier par rapport à nos principaux concurrents, nous faisons un gros effort en matière de recherche et développement, avec un budget de 600 millions d'euros, 2 000 chercheurs principalement situés en France, mais aussi présents en Allemagne, en Chine, en Californie, ainsi que le pôle de Saclay où des personnes de la R&D d'EDF sont arrivées ces dernières semaines. Nous avons de nombreuses et positives interactions avec l'écosystème de l'innovation – startups, incubateurs, acteurs du monde scientifique et académique.

Cap 2030 est une stratégie de long terme. Elle est fondée sur une conviction de ce que sera le monde de l'énergie demain. L'énergie sera bas carbone, tant sur le plan du climat que sur le plan géopolitique – je pense aux engagements de la COP21. C'est un monde où les consommateurs seront aussi des acteurs : ils voudront être producteurs, piloter eux-mêmes leur consommation. C'est un monde dans lequel de nombreux moteurs de croissance auront besoin de davantage d'électricité : les véhicules électriques, les industries de la communication au sens large avec internet, etc. L'électricité est donc la solution pour ceux qui recherchent un monde décarboné, dans un modèle où la production décentralisée se superposera – elle ne se substituera pas – au modèle centralisé et hiérarchisé actuel.

Notre objectif est la proximité avec nos clients. Les services, le développement d'outils numériques, des propositions pour améliorer l'efficacité énergétique, voilà comment nous allons innover, nous rapprocher de nos clients et développer les usages performants de l'électricité.

Le kWh français étant désormais très largement décarboné, le recours à l'électricité pour le chauffage des logements permet de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, de préserver le pouvoir d'achat des ménages, et de mieux maîtriser les coûts de construction. Or une réglementation récente aboutit paradoxalement à exclure les solutions électriques au profit des énergies fossiles pour le chauffage des logements. Cette réglementation calcule les objectifs de consommation non pas sur la quantité d'énergie effectivement consommée dans le logement, mais sur la quantité d'énergie primaire où, par une convention datant des années quatre-vingt, 1 kWh électrique pèse 2,58 fois plus qu'un kWh produit à partir des énergies fossiles. Résultat : dans le logement collectif neuf, la part de l'électricité est passée en quatre ans de 70 % à 10 %, et celle du gaz de 30 à 73 %. Voilà l'effet de la RT 2012 : le remplacement massif d'une énergie décarbonée par une énergie fossile. La loi prévoyait bien de prendre en compte également les émissions de C02, mais elle n'est pas appliquée.

En matière de bas carbone, nous avons soutenu ardemment la COP21, et nous nous sommes réjouis de son succès. EDF dispose d'un parc de production qui n'émet que 15 g de CO2 par kWh produit, soit 20 fois moins que la moyenne de ses voisins européens. Ce chiffre exceptionnellement bas correspond à un parc de production reposant essentiellement sur des énergies renouvelables et sur le nucléaire.

Comme vous le savez, les ambitions du groupe EDF en matière de développement des énergies renouvelables sont très grandes. La production renouvelable d'EDF repose d'abord sur l'hydraulique, première des énergies renouvelables, source d'énergie puissante, stockable et disponible, et sans laquelle les chiffres que je viens de citer sur le C02 ne seraient pas atteignables. La production renouvelable d'EDF repose également, et de plus en plus, sur l'éolien, le solaire et la chaleur renouvelable.

Le groupe EDF est devenu le premier producteur d'énergie renouvelable en Europe et l'un des premiers dans le monde, derrière les Chinois. Nous investissons chaque année un peu plus de 2 milliards d'euros pour produire de nouvelles capacités de renouvelables, soit un peu plus que notre investissement dans le nouveau nucléaire. Notre objectif est de doubler la capacité du parc renouvelable d'ici à 2030, en passant de 28 à 50 GW dans le monde.

Nous sommes convaincus que l'avenir repose sur un mix de renouvelables et de nucléaire : le nucléaire apporte une excellente disponibilité et un coût très compétitif ; les renouvelables apportent un complément décarboné très puissant lorsqu'il vente ou qu'il fait soleil. EDF a donc mis en oeuvre des méthodes de gestion du parc qui nous permettent de moduler la production nucléaire de façon à ce qu'elle complète la production renouvelable. Le résultat est d'une grande efficacité au service de la transition énergétique.

Il nous faut donc conforter le parc nucléaire existant, et faire le grand carénage. Ce programme dont le principe a été approuvé par le conseil d'administration d'EDF en janvier 2015, peu de temps après mon arrivée, est indispensable. C'est un programme de grande ampleur pour l'ensemble de la filière nucléaire en matière d'emplois. C'est un programme très rentable et très utile pour la collectivité nationale. Il s'agit de prolonger la durée de fonctionnement de nos centrales, tout en augmentant encore leur niveau de sûreté. Il se fera naturellement sous réserve de l'accord de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Le coût du grand carénage s'établira à environ 51 milliards d'euros courants sur la période 2014-2025 – soit 15 % de moins par rapport à notre évaluation initiale à la faveur de l'optimisation de nos dépenses. Environ 40 % de nos investissements annuels seront ainsi consacrés à ce programme pour prolonger nos centrales d'au moins dix années – sans doute de vingt années pour une bonne partie d'entre elles. De nombreuses centrales américaines de même technologie ont obtenu leur autorisation de prolongation à 60 ans, et certaines ont déposé des dossiers, en cours d'instruction, pour aller jusqu'à 80 ans.

Il faut aussi préparer l'avenir du nucléaire, avec les EPR. Nous venons de franchir à la date prévue – et j'en félicite les équipes – le premier jalon clé de la mise en service de l'EPR de Flamanville, conformément au calendrier mis à jour à l'été 2015 et prévoyant un démarrage du réacteur au quatrième trimestre 2018. La nouvelle organisation, que j'ai mise en place peu après mon arrivée pour garantir la maîtrise industrielle du chantier avec nos partenaires, s'avère donc plus efficace.

Vous m'avez interrogé sur le projet Hinkley Point, Madame la présidente. En quoi ce projet est-il important et pourquoi faut-il le faire maintenant ?

D'abord, ce projet est rentable pour le groupe EDF. Après avoir négocié ces dernières années avec le Gouvernement britannique, nous avons obtenu un prix de vente de l'électricité produite par les deux réacteurs qui est un prix garanti sur une période de 35 ans, de 2025 à 2060. Ce prix est indexé sur l'inflation. Le taux de rentabilité de l'investissement est d'environ 9 % par an, et 95 % de cette rentabilité sont réalisés pendant les 35 années où le prix est garanti. Ce contrat, qui a été validé par la Commission européenne, est robuste. Il ne s'agit pas d'une loi ou d'un décret, qui pourrait être modifié à l'avenir par le Gouvernement britannique, mais d'un contrat entre l'État britannique et la filiale d'EDF qui construira et exploitera les deux réacteurs. EDF n'investit pas seule, mais avec China General Nuclear Power Group (CGN), son partenaire chinois de bientôt trente-cinq ans, qui portera un tiers de l'investissement total, soit environ la même proportion que celle portée par EDF dans la construction des deux EPR de Taishan en Chine. Cette confiance de nos partenaires chinois qui, comme nous, connaissent bien ce produit EPR, nous rend particulièrement satisfaits.

Ensuite, le projet est mûr, et tout est prêt pour le lancer. Les accords avec l'État britannique et les accords avec notre partenaire chinois CGN ont été approuvés par la Commission européenne. Les contrats avec les principaux fournisseurs et prestataires sont finalisés ; bien sûr, ils pourraient être remis en cause, ce qui ferait augmenter le devis, en cas de retards, mais ces contrats sont aujourd'hui finalisés dans des devis serrés, et les équipes sont prêtes à démarrer. Le projet Hinkley Point intègre le retour d'expérience de la construction des trois réacteurs de Flamanville 3 et de Taishan : c'est déjà le cas pour l'essentiel, l'ingénierie et la conduite des chantiers ; ce sera également le cas lorsque le premier béton de sûreté à Hinkley Point prévu en 2019 sera coulé, puisque nous aurons mis en service Taishan et Flamanville. Les deux réacteurs d'Hinkley Point seront donc la suite logique des quatre premiers EPR construits dans le monde.

Bien évidemment, un projet d'une telle ampleur et d'une telle durée présente des risques. Une revue des risques, conduite à ma demande fin 2015, a établi que les risques sont bien identifiés et sont surmontables, moyennant la mise en oeuvre d'une série de recommandations. J'ai décidé d'appliquer la totalité de ces recommandations. Sur la base de mon expérience industrielle, je puis vous assurer que ce n'est qu'une des revues de risques qui interviendra lors du chantier : d'autres analyses de risques auront lieu tout au long du projet, ce qui est une pratique habituelle et normale pour des projets de cette ampleur.

J'ajoute que le report du projet Hinkley Point n'est pas opportun. Certains évoquent la nécessité de reporter le projet après la mise en service de Flamanville et de Taishan. Cela n'est ni nécessaire, ni faisable. Pourquoi ? Premièrement, un tel report – je ne sais de quelle durée, trois ans, cinq ans, six ans ? –, n'est pas une option pour le Gouvernement britannique et l'amènerait à se tourner vers des solutions alternatives. Le contrat pour différence deviendrait caduc, et nous devrions tout renégocier. Le partenariat avec CGN serait remis en cause, or il nous apporte 8 milliards d'euros. Les contrats avec les principaux fournisseurs, qui permettent de sécuriser 70 % des coûts, devraient également être renégociés. Les dépenses déjà engagées sur le projet seraient en grande partie perdues. Nous entrerions dans une zone d'incertitude majeure. Deuxièmement, Hinkley Point est un bon projet. La construction de ces deux réacteurs ouvre des perspectives majeures pour l'ensemble de la filière nucléaire française, filière d'excellence. Ce projet nous permettra de disposer d'une offre plus compétitive lorsque, dans quelques années, la question du renouvellement du parc se posera en France.

Vous m'avez également interrogé sur Areva, Madame la présidente. L'apport de l'activité réacteurs d'Areva, en cours de finalisation, sera pour nous un atout pour garantir la performance de notre production bas carbone, la mise en cohérence de la filière, ainsi que la préservation des emplois et des perspectives d'exportation.

Je voudrais maintenant revenir sur le contexte économique. Vous le savez, le prix des combustibles et le prix du C02 sont historiquement bas, et la demande d'électricité en France et en Europe est durablement stable. L'efficacité énergétique fait de grands progrès, et nous nous en réjouissons, mais ses effets associés à ceux, plus massifs, de la faible croissance économique et surtout de la désindustrialisation de la France et de l'Europe induisent une baisse de la demande d'électricité qui n'est pas encore compensée en volume par la hausse induite par la démographie et le développement des nouveaux usages de l'électricité – véhicules électriques, data centers, etc. Il en résulte une demande stable depuis plusieurs années, alors que l'offre augmente chaque année en raison des politiques volontaristes de financement public des énergies renouvelables partout en Europe – en France, le parc d'énergies renouvelables a augmenté de 2 000 MW en 2015. Ce phénomène est vraisemblablement durable : les marchés montrent que, sur les trois prochaines années, les prix seront au niveau très bas atteint ces dernières semaines.

Or la situation d'EDF a changé en quelques années. EDF est maintenant fortement exposée au prix de marché, en raison principalement de la fin des tarifs jaunes et verts, dont nous subissons les effets depuis le 1er janvier 2016. Simultanément, nous avons un programme d'investissement important : le grand carénage, qui vise à prolonger nos centrales nucléaires existantes ; le développement des énergies renouvelables, avec un doublement de la puissance installée d'ici à 2030 ; le développement du nouveau nucléaire et la préservation de la filière, ne serait-ce que pour renouveler notre propre parc, préserver les compétences et les emplois ; l'adaptation du réseau d'ERDF aux énergies renouvelables, au numérique – aux smart grids –, ainsi qu'au déploiement des compteurs Linky, conformément à une directive européenne, programme que nous avons commencé à mettre en oeuvre à grande échelle depuis quelques mois. Ainsi, notre équation financière est sous tension. Néanmoins, dans cet environnement dégradé, nos résultats sont restés positifs chaque année, alors que tous les énergéticiens européens ont connu des pertes de valeur massives qui ont conduit beaucoup d'entre eux, certaines années, à connaître des pertes comptables majeures.

Face à cette situation nouvelle, née de la baisse à 26 ou 27 euros des prix du marché de gros, les réponses apportées par EDF visent à renforcer notre structure bilancielle et à poursuivre dans nos missions de long terme les missions de Cap 2030, les missions de la loi relative à la transition énergétique, et d'une façon générale la préservation du service public et des emplois directs chez EDF et de toute la filière qui bénéficie des commandes d'EDF.

Premièrement, nous avons un programme de cessions. Notre dette est importante – elle a malheureusement crû chaque année de façon significative – depuis trop longtemps. Nous devons réduire le périmètre d'EDF, l'objectif étant de nous concentrer sur nos actifs clés, tels que définis dans la stratégie Cap 2030. Nous allons donc céder des participations minoritaires, ainsi que des actifs de production qui émettent beaucoup de dioxyde de carbone ; et nous envisageons de céder jusqu'à 50 % du capital de RTE dans le cadre de la stratégie mise au point par le directoire de celle-ci.

Deuxièmement, nous mettons en place un plan d'économies. Dès 2015, nous avons commencé à renverser les tendances précédentes. Pour la première fois depuis bien longtemps, nos charges d'exploitation ont baissé de 1,4 %, soit de 300 millions d'euros en 2015. Cette situation nouvelle va se prolonger.

Nous avons aussi à ajuster nos effectifs. Après une augmentation significative de 2009 à 2014, les effectifs d'EDF ont – là aussi pour la première fois depuis longtemps – légèrement baissé en 2015. Dans la mesure où les départs en retraite seront nombreux dans les années à venir, nous préparons une baisse des effectifs plus accentuée qui nous permettra à la fin de la décennie de rapprocher le niveau des effectifs d'EDF à celui du début de la décennie.

Ce plan d'économies prévoit également la mise en place d'une plus stricte régulation de nos investissements. Nous voulons baisser d'environ 2 milliards d'euros nos investissements à l'horizon 2018 par rapport au niveau atteint en 2015. Cela sera possible grâce à la fin de plusieurs programmes importants – les systèmes électriques insulaires, le terminal gazier de Dunkerque, le programme immobilier de Saclay – et par une concentration de nos efforts sur les investissements réellement stratégiques. Les nouveaux investissements de développement seront financés par des cessions.

Troisièmement, nous avons ouvert un dialogue avec l'État qui est à la fois notre actionnaire majoritaire – puisqu'il détient 85 % de notre capital – et le régulateur du secteur. M. Emmanuel Macron vous l'a expliqué : l'État a modifié la manière dont il applique la politique de dividendes, en décidant pour l'exercice 2015 de ne pas toucher le dividende versé par EDF sous forme de cash, mais de le laisser dans l'entreprise en étant rémunéré sous forme de titres.

Nous discutons aussi avec l'État sur l'adaptation du modèle de marché, qui pourrait être envisagé dans le cadre de la réglementation.

Nous parlons également de consolidation du bilan et de renforcement des fonds propres. Là aussi, M. Emmanuel Macron s'est exprimé devant vous, et je n'ai rien à ajouter puisqu'il s'agit bien d'une prérogative de l'actionnaire.

Pour terminer, je dirai que nous sommes préoccupés par le cadre de régulation européen mis en place. Le modèle actuel de marché n'est pas durable : tous les énergéticiens sont en grande difficulté, et plus aucun investissement ne se réalise sans subvention – sans mécanisme artificiel pour que les prix soient payés in fine de façon garantie par les consommateurs. Il existe des possibilités pour améliorer cette réglementation, et je me rends fréquemment à Bruxelles pour évoquer ces sujets.

Tout d'abord, nous souhaitons que soit donné un prix minimum au carbone pour la production d'électricité, comme l'ont fait la Suède et le Royaume-Uni. Or dans certains pays voisins, de nouveaux investissements, qui viennent renforcer le surcroît d'offre par rapport à la demande, sont fortement polluants et générateurs de CO2 – politique totalement à l'opposé des engagements pris dans le cadre européen ou de la COP21. Nous considérons qu'un prix minimum de la tonne de carbone, de 30 à 40 euros, permettrait de remettre dans le bon ordre de mérite les moyens de production en fonction de leurs émissions de CO2, notamment en faisant passer le charbon derrière le gaz.

Ensuite, nous souhaitons faire reconnaître la valeur des capacités de production nécessaires à la sécurité d'approvisionnement. Nous avons connu ces derniers temps des hivers peu rigoureux, mais en cas de grand froid durable – comme en 2012 –, l'absence de black-out n'est pas garantie, selon nos experts, au vu des fermetures de centrales non rentables que tous les électriciens mettent en oeuvre.

Enfin, nous souhaitons que soit examiné un nouveau cadre régulatoire permettant aux investissements d'être fondés sur un marché. Car aujourd'hui, tous les investissements ne sont justifiés que par des garanties sur le prix de vente, c'est-à-dire par une augmentation automatique de la facture des clients finals.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, nous nous trouvons à un tournant. La transition énergétique, les nouvelles technologies, les prix de marché, la situation générale des énergéticiens en Europe, tous ces paramètres imposent à EDF de prendre des mesures différentes de celles qui ont fait son succès pendant 70 ans. L'entreprise, qui fête en effet cette semaine ses 70 ans d'existence, est donc devant un grand chantier de transformation que j'ai l'honneur de conduire. Ainsi, EDF est en train de s'organiser pour répondre à ces défis avec la même réussite que celle qui lui a permis d'être aujourd'hui l'entreprise de service public la plus performante et l'entreprise de service public préférée des Français.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avant de donner la parole aux représentants des groupes et aux autres députés pour les questions, je vous pose moi-même une question : la décision concernant la cession de 50 % du capital de RTE est-elle prise, Monsieur le président-directeur général ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, au nom du groupe Socialiste, Républicain et citoyen, je vais commencer par un sujet qui me tient particulièrement à coeur, la mise en demeure adressée à la France par la Commission européenne, le 22 octobre dernier, qui vise à activer la mise en concurrence des ouvrages hydroélectriques. La direction de la concurrence de la Commission européenne persiste dans une vision passéiste d'EDF comme étant en situation de fort monopole, ce qui à mon sens n'est plus le cas, et je pense que vous ne me contredirez pas. Depuis 2004, en effet, la production est soumise à la concurrence, et plus les ENR se développeront, plus ce sera le cas. La fin des tarifs réglementés contribue également à l'ouverture de l'aval à la concurrence, mais il semble que la Commission européenne considère que cette ouverture de l'aval ne peut se faire sans une ouverture de l'amont. Néanmoins, à ce jour, aucune infraction n'est constatée par la Commission, qui semble ouverte à la discussion avec l'État et votre entreprise pour envisager des dispositifs de renouvellement plus raisonnables et progressifs. Le ministre Emmanuel Macron, que j'ai interrogé lors de sa dernière audition, nous a confirmé que le Gouvernement cherchait les voies et moyens pour construire un compromis qui doit également protéger notre filière d'excellence, cette première énergie renouvelable – vous l'avez rappelé dans votre propos introductif.

Dans le contexte contraint que nous connaissons, et que vous avez rappelé, comment comptez-vous engager l'entreprise en matière d'investissements, qui pourraient être importants notamment dans le cadre de la prolongation des concessions sous condition de travaux ? Ces investissements vous paraissent-ils suffisamment « stratégiques », pour reprendre votre propos ?

Le programme de cession d'actifs de RTE repose-t-il sur un véritable projet industriel ? Si oui, lequel ?

Fondée sur un service public, EDF est une entreprise industrielle particulière en France, à laquelle les Français sont profondément attachés. Ce service public fournit une électricité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sur l'ensemble du territoire, avec un coût et une qualité que beaucoup d'Européens nous envient, ce dont les Français et les agents qui assurent ce bon fonctionnement sont très fiers. Le projet Hinkley Point, le prix du marché historiquement bas – qui fragilise nombre d'énergéticiens –, le « mur d'investissements » auquel l'entreprise doit faire face, le grand carénage, le développement des ENR, tous ces éléments démontrent que le contexte actuel d'EDF est manifestement difficile. Comment envisagez-vous la trajectoire de l'entreprise et l'évolution des contraintes qui pèsent sur EDF, notamment le prix du marché sur les dix années à venir ? En clair, comment voyez-vous l'entreprise EDF dans dix ans ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, le ministre Emmanuel Macron que nous avons auditionné le 22 mars nous a déclaré que, pour un meilleur fonctionnement d'EDF : « il faut absolument arriver à un alignement parfait des salariés, des dirigeants et de l'actionnaire ; or historiquement, lorsqu'il y a eu de mauvaises passes, on a vu les dirigeants jouer le jeu de l'entreprise contre l'État : "l'État paiera, nous n'avons pas à faire d'efforts", ou bien l'État jouer le jeu des salariés contre les dirigeants : "il faut les protéger à tout prix, les dirigeants ne doivent pas demander d'efforts". Seule la théorie des efforts partagés permettra d'adopter une pratique juste. Elle seule nous fera sortir des difficultés que nous connaissons. Le rôle de l'État actionnaire est d'accompagner les dirigeants dans cette tâche complexe qui consiste à demander des efforts à tous. »

Au nom du groupe Les Républicains, je vous pose donc deux questions. En tant que premier dirigeant de cette belle entreprise, comment vous situez-vous par rapport à cette déclaration ? Où en êtes-vous dans vos relations avec l'État, les salariés, les syndicats pour réaliser la transformation indispensable d'EDF ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, vous nous avez présenté un diagnostic de la situation d'EDF, qui aujourd'hui produit à perte. Pour le groupe Écologiste, cette situation est due à une mutation profonde dans le secteur de l'énergie dans le monde, qui voit le remplacement global des vieilles énergies de stock par les nouvelles énergies de flux – les énergies renouvelables –, d'où des surcapacités conjoncturelles qui génèrent des prix bas. Or vous ne tirez pas les conséquences de cette situation, en expliquant que vous allez continuer comme avant, c'est-à-dire prolonger les vieilles installations, en construire de nouvelles, etc.

Aujourd'hui, EDF exporte à perte ; d'après RTE, 12 réacteurs nucléaires ne fonctionnent que pour l'exportation. Ne serait-il pas temps de réduire ces surcapacités, en fermant progressivement de vieilles installations ? Et de faire la même chose de l'autre côté du Rhin, en fermant de vieilles installations au charbon ?

Vous avez dit qu'EDF Énergies nouvelles (EN) se développe partout dans le monde. Si j'étais taquin, je dirai partout dans le monde, sauf en France. Dans vos objectifs d'investissements pour les trois à cinq années à venir en France, quelles sont les parts respectives du nucléaire et des énergies renouvelables ?

Vous qualifiez Hinkley Point de « bon projet ». À propos du partenariat avec les Chinois, vous n'avez pas évoqué les chiffres parus dans Le Journal du dimanche sur la répartition des risques, selon lesquels EDF porterait plus que deux tiers des risques en cas de retards ou d'annulation. Ces informations sont-elles exactes ? En outre, dans une lettre adressée aux salariés, vous indiquez que votre décision de mener ce projet serait conditionnée à des engagements de l'État vous permettant d'y faire face. En l'occurrence, quels engagements attendez-vous de l'État ?

Concernant le grand carénage, vous avez évoqué les capacités financières, mais on peut s'interroger au regard de l'ampleur des coûts. Je m'interroge aussi sur la capacité industrielle. La tête de série du grand carénage est la centrale de Paluel, où un générateur de vapeur est tombé. Pouvez-vous nous en dire plus sur les causes et les conséquences de cet accident incroyable, qui a endommagé des équipements de la piscine du bâtiment réacteur ?

Enfin, pour justifier la prolongation des réacteurs au-delà de quarante ans, vous avancez la situation des États-Unis. Or ce pays n'a pas les mêmes exigences en matière de sûreté nucléaire que la France. Demandez-vous que l'Autorité de sûreté nucléaire s'aligne sur la sûreté nucléaire américaine ? Ou continuez-vous à être fier que la France garantisse une sûreté nucléaire plus exigeante que celle des États-Unis ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, après l'audition du ministre de l'économie, Emmanuel Macron, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste est heureux de vous entendre aujourd'hui, car cette audition nous permet de mieux apprécier la stratégie d'EDF à un moment où il nous semble important de donner une visibilité à l'ensemble des salariés qui sont très inquiets.

S'agissant du projet Hinkley Point, vous expliquez dans une lettre adressée aux salariés que votre groupe négocie avec l'État pour sécuriser sa situation financière avant toute décision définitive sur le projet de construction des deux réacteurs. Ce projet est-il suspendu aux engagements et à la décision de l'État ? Pour quelles raisons n'est-on pas parvenu à trouver d'autres co-investisseurs que le chinois CGN ? J'ai posé cette dernière question à M. Emmanuel Macron, sans obtenir de réponse.

En tant que députée des Hautes-Pyrénées, je partage avec Mme Marie-Noëlle Battistel la préoccupation à propos de la mise en concurrence des concessions hydroélectriques. Comme ma collègue l'a dit, nous pensions que le sujet avait été réglé dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique, mais la Commission européenne a douché nos espoirs en adressant une mise en demeure à la France. Lors de l'audition de M. Emmanuel Macron, nous avons appris qu'un compromis permettant le retrait de la procédure d'infraction était en bonne voie. Pouvez-vous nous préciser votre engagement dans la recherche de ce compromis ? Le ministre a également évoqué une solution alternative. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Enfin, comment percevez-vous la possibilité offerte par la loi aux collectivités locales d'entrer au capital de sociétés d'économie mixte hydroélectriques ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. Le groupe EDF est aujourd'hui confronté, selon l'expression consacrée, à un « mur d'investissements ». À court et moyen termes, il devra investir plus de 50 milliards d'euros pour permettre la prolongation pendant dix ans de l'activité des réacteurs nucléaires construits dans les années soixante-dix. Le groupe s'est engagé à acquérir la branche réacteurs d'Areva dans le cadre du plan de sauvetage. Il s'est enfin engagé dans le fameux projet Hinkley Point, dont le coût de construction excède la valorisation boursière de l'entreprise. Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, j'aimerais savoir si EDF peut vraiment faire face à ses engagements dans un contexte très défavorable, où les prix de l'électricité sont tirés vers le bas par ceux des énergies fossiles.

Pour assurer la soutenabilité de la trajectoire financière et la stratégie industrielle, le groupe a prévu de supprimer 5 % de ses effectifs en France d'ici à 2018. Lors de son audition du 22 mars, le ministre de l'économie évoquait le chiffre de 4 500 suppressions de postes dans tous les secteurs de l'entreprise, y compris la recherche. Quelles seront les incidences de ces suppressions de postes sur l'offre de service public ? Quelles mesures sont prévues pour que ces suppressions de postes n'affectent pas la sûreté des installations nucléaires ?

Deuxième série de questions. Quelles sont les perspectives en matière d'évolution des prix de l'électricité pour les usagers, entreprises comme particuliers ? Le ministre de l'économie souligne que les consommateurs ont été jusqu'ici épargnés, et que le prix de l'électricité reste inférieur de 14 % à la moyenne européenne. Est-ce à dire qu'il faut nous attendre à de nouvelles hausses et, si oui, dans quelles proportions ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce n'est pas la première fois qu'on nous fait part de l'incohérence créée par la RT 2012 qui a abouti à la chute de l'électricité dans les logements individuels, de 70 % à 10 % en quelques années. Cela nécessite une expertise. En tant que président de l'ANRU, qui rénove des centaines de milliers de logements depuis dix ans, je constate que la rénovation des logements n'est pas forcément une préoccupation d'EDF. Or il serait utile qu'EDF participe à l'Institut de la ville durable, créé par l'ANRU. Monsieur le président-directeur général, comment rectifier cette erreur qui a abouti à préférer le gaz à l'électricité, pourtant moins émettrice de CO2 ? Et comment pouvez-vous impliquer davantage votre entreprise dans la rénovation des logements anciens en cours, en particulier dans les quartiers les plus défavorisés ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, dans une publication, vous avez regretté qu'EDF supporte seule l'impact du prix de rachat des énergies renouvelables dans ses comptes. Avez-vous une autre équation à nous proposer ?

Vous avez proposé de faire passer le nombre de jours travaillés par an à EDF de 196 à 209. Outre que l'on peut s'étonner du décalage par rapport au marché du travail en général, vous avez fini par renoncer à faire évoluer cette question. Pensez-vous revenir sur ce sujet ? M. Emmanuel Macron a souligné le niveau de rémunération interne à l'entreprise. Quelle est votre position à ce sujet ?

Concernant le grand carénage, j'ai lu que vous n'excluez pas de viser l'horizon de 60 ans de durée d'exploitation pour les centrales, moyennant les bons investissements. Pouvez-vous nous confirmer ce point ?

En tant qu'Alsacien de service, j'aimerais entendre votre version du scénario de fermeture de Fessenheim qui évolue au gré… on ne sait plus trop de quoi… Votre version pourrait avoir un intérêt pour l'Assemblée nationale.

Enfin, la complémentarité entre une production centralisée et une production décentralisée d'énergie électrique dépend de la qualité du réseau. Or EDF envisage de se retirer en partie de RTE. Cela est-il compatible ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, vous nous avez présenté votre entreprise sous un jour très favorable. Néanmoins, nous avons quelques interrogations. En effet, la concurrence internationale est très forte pour la construction de nouveaux réacteurs ; de nouveaux constructeurs apparaissent, comme la Corée du Sud, la Russie, la Chine. La dette d'EDF est évaluée à 60 milliards d'euros. Les dépassements de coût de l'EPR finlandais ne sont, à ma connaissance, pas financés : est-ce EDF qui paiera ? Il faut bien constater que l'action en bourse d'EDF n'a jamais été aussi basse : elle a été divisée par huit en sept ans. Dans ce contexte, est-il pertinent de se lancer dans le projet Hinkley Point, après la démission du directeur financier d'EDF, le rapport de la Cour des comptes, et les déclarations récentes d'ingénieurs de l'entreprise évoquant des difficultés technologiques non résolues à ce jour pour la construction de deux réacteurs EPR ?

Certaines de nos centrales sont trop âgées ; il serait intéressant de commencer à envisager leur démantèlement. Dans mon département, le démantèlement de la centrale de Creys-Malville n'est pas terminé, cette opération est très compliquée, comme elle l'est pour les autres types de réacteurs. L'Allemagne, qui commence à être performante dans le domaine, envisage le démantèlement comme une opportunité industrielle avec de nouveaux procédés à mettre au point. Quelle est la stratégie d'EDF en la matière ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, je vous remercie de votre présentation sur les difficultés, les objectifs, la stratégie et les perspectives d'EDF, fleuron de l'industrie française. Cette présentation vise à nous rassurer, en tentant de donner une visibilité à plus ou moins long terme de votre entreprise dans un climat tendu. Mais les inquiétudes sont réelles chez les salariés en raison de la succession d'annonces anxiogènes. L'annonce sur fond de désaccord stratégique du projet britannique Hinkley Point, un investissement de 23 milliards d'euros, soit une somme supérieure à la capitalisation boursière de l'entreprise. L'annonce de suppressions d'emplois. Et l'annonce lors du comité central d'entreprise du 18 février dernier de la fermeture anticipée des centrales de Porcheville et de deux des quatre tranches de Cordemais. Ces annonces de fermetures créent des inquiétudes sur d'autres sites.

Dans le département où je suis élue, la centrale thermique du Havre a connu de nombreuses mutations au cours des dernières décennies, mais ses salariés ont toujours fait preuve d'adaptation et d'implication dans l'évolution de leur entreprise. Vous l'avez dit, les salariés d'EDF sont fiers de leur entreprise, même s'ils sont parfois un peu malmenés. En 2014, cette centrale thermique a connu d'importants travaux, pour un investissement de 220 millions d'euros, destinés à renforcer ses performances énergétiques et à prolonger son fonctionnement jusqu'à 2035. Au Havre, le bruit circule selon lequel la fermeture de la centrale interviendrait à l'horizon 2020, alors qu'elle était prévue pour 2035. Est-ce une fausse rumeur ou une possibilité envisagée ? Au regard de ces inquiétudes, je souhaiterais que vous rassuriez les salariés de la centrale thermique du Havre en leur proposant un horizon au-delà de 2020.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, je vous remercie pour les deux annonces que vous avez faites en début de réunion.

Monsieur le président-directeur général, EDF aura soixante-dix ans vendredi prochain. Vous savez mon attachement à l'entreprise publique qui doit être le bras armé de notre sécurité et de notre souveraineté énergétique.

Mes questions porteront sur le projet Hinkley Point, contesté par les tenants de la sortie du nucléaire, mais aussi par ceux qui sont favorables à l'export nucléaire et pour lesquels l'évolution du projet par rapport au montage initial de 2013 pose problème.

Vous qualifiez le projet de « rentable ». Confirmez-vous que, en cas de dérapage du calendrier, le taux de rentabilité atteindra 7,8 % ?

Vous ajoutez qu'« EDF n'investit pas seule ». Pourtant, pour une participation à 66 % dans le projet, EDF doit la consolider à 100 % dans ses comptes. Les relations contractuelles avec la partie chinoise prévoient, en cas de dérive des coûts et de calendrier, qu'EDF porte le risque à 80 %. Et Emmanuel Macron nous a dit qu'il n'y avait plus de garantie du Trésor britannique, puisqu'on n'est plus dans le schéma de déconsolidation, autrement dit, c'est la garantie de l'État français qui s'exerce.

« Le projet est mûr, tout est prêt », affirmez-vous. Or dans la mesure où l'autorité de sûreté britannique demande de nombreuses modifications, les ingénieurs pensent qu'il y aurait encore 18 mois de travail. Considérez-vous le projet comme une nouvelle tête de série ? Je précise que le dispositif prévoit des pénalités faute de disponibilité de 92 % du réacteur, alors que le retour d'expérience d'un EPR en service n'existe pas.

Vous déclarez que « le report n'est pas opportun ». Mais à supposer que tout paraisse solide dans le montage actuel, pourquoi le corps social n'adhère-t-il pas au projet ? L'argument est essentiellement diplomatique. Alors que la Grande-Bretagne organise un référendum sur le Brexit, la France ne pourrait-elle pas prendre le temps de poser un certain nombre de questions ?

Areva est un « atout », dites-vous. Alors pourquoi fabriquer la cuve au Japon ?

Enfin, vous avez écrit à tous les salariés pour leur indiquer que, sans garantie de l'État sur le financement d'EDF, vous n'engageriez pas l'entreprise dans ce projet. La garantie que vous avez obtenue est-elle la cession de 50 % du capital de RTE ? Si c'est le cas, j'exprime mon désaccord sur un tel montage financier.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, j'aimerais vous entendre parler du stockage de l'électricité, domaine où la France a de beaux potentiels notamment grâce à l'hydroélectricité. Je suis une passionnée de l'énergie solaire thermique, mais aussi de l'énergie solaire photovoltaïque où de nombreux projets de nouvelles centrales émergent, parfois de petites centrales villageoises que nous pouvons soutenir dans le cadre des territoires à énergie positive (TEPOS). L'avenir de ces petites centrales photovoltaïques, comme des plus grandes, repose sur l'enjeu qu'est le stockage de l'électricité. La technique permet de faire des choses à petite échelle. Mais comment stocker demain pour de grands réseaux interconnectés ? C'est à mon avis la voie majeure pour une réelle transition énergétique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pardonnez-moi mon retard, mais j'arrive de la commission des affaires sociales qui examine sur le fond la « loi travail » – je regrette que la commission des affaires économiques n'ait été saisie que pour avis.

Monsieur le président-directeur général, nous devons vous interroger sur certains propos tenus par M. Emmanuel Macron le 22 mars dernier devant notre commission. Considérez-vous également que votre actionnaire principal, l'État, a toujours eu une stratégie trop « court-termiste » qui pèse sur les choix de l'entreprise ? Le ministre de l'économie a également déclaré que « si une erreur a été commise ces dernières années, imputable à l'ensemble des dirigeants, c'est celle d'avoir instauré avec l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) une sorte de prix plafond, ce qui a protégé le consommateur, mais privé EDF des bénéfices qu'elle aurait pu retirer de prix du marché à la hausse, tandis qu'en l'absence de prix plancher, l'entreprise est contrainte de supporter les effets d'une baisse des prix ». Considérez-vous l'ARENH comme une erreur ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, EDF, Areva et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ont annoncé la création de la Plateforme France Nucléaire, sorte d'équipe de France du nucléaire, pour améliorer l'efficacité et la vision commune des principaux acteurs du nucléaire en France. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur cette plateforme, tant sur ses modalités d'organisation que sur ses finalités ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, votre groupe s'est félicité en 2014 de l'annonce du plan Juncker, qui pourrait être une opportunité pour obtenir des soutiens financiers pour des projets d'infrastructure ou des filières innovantes. L'an dernier, la Banque européenne d'investissement a pris une participation de seulement 50 millions d'euros dans le fonds d'infrastructure Capenergie 3 qui participe à des sociétés de projet pour créer des parcs d'éoliennes, des fermes photovoltaïques ou des méthaniseurs. Cette somme est-elle suffisante à vos yeux ? Quel bilan faites-vous de ce plan ? Et comment pourrait-il être développé davantage au niveau de la branche énergétique dans les deux ou trois prochaines années ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, la mise en demeure de la Commission européenne pour l'ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques suscitent de vives inquiétudes. L'Aveyron, avec les concessions hydroélectriques de la vallée Lot-Truyère, est directement concerné par cette ouverture à la concurrence. Cette vallée comprend neuf aménagements exploités par EDF avec des dates de concession qui s'échelonnent de 2012 à 2035. EDF envisage de réaliser de lourds investissements qui augmenteront la capacité de production et s'inscriraient dans les objectifs de la transition énergétique fixés par la loi. La prolongation des concessions permettrait d'anticiper la réalisation de ces investissements aux fortes retombées économiques sur les territoires en termes d'emplois et de sous-traitance. Pouvez-vous rassurer les élus et le personnel sur ce sujet ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, pour faire face à ses multiples difficultés, EDF a annoncé des suppressions d'emplois ou pris des décisions qui auront nécessairement un impact sur les salariés. En Loire-Atlantique, la fermeture anticipée en 2018, au lieu de 2023, de deux tranches de la centrale de Cordemais qui fonctionne au fioul menace directement 600 emplois. L'État compte-t-il intervenir dans ce dossier comme dans d'autres où l'emploi local est gravement menacé ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, à l'heure où beaucoup de nos concitoyens doutent du talent français, il faut rappeler, comme vous l'avez fait, qu'EDF est une grande entreprise française de 70 ans, une véritable fierté nationale. Merci donc à vous et à tous vos collaborateurs.

Dans un contexte de baisse des prix des matières premières, de l'énergie, de la consommation, Areva, un de nos fleurons, est attaquée par certaines organisations, ce qui inquiète nos concitoyens. Le nucléaire, énergie bas carbone, est un véritable levier de croissance. Quelle est la stratégie d'EDF pour valoriser davantage le nucléaire, en France comme à l'international, et pour exporter davantage ce savoir-faire ?

La mondialisation montre que les économies trop administrées sont en difficulté. Quelles évolutions souhaitez-vous pour la tarification administrée de l'énergie en France, autrement dit, pour permettre une tarification plus en phase avec le coût réel de production ?

Enfin, quelle politique de ressources humaines mène votre entreprise pour s'adapter aux mutations sociales ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, je voudrais revenir sur les ouvrages hydroélectriques et l'avenir des concessions. L'une des voies ouverte par la loi de transition énergétique afin de prolonger ces concessions est la création de SEM associant les collectivités. Envisagez-vous cette possibilité ? Et de quelle manière entendez-vous associer les élus locaux et les associations à ce débat ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, je vous remercie d'avoir annoncé l'organisation d'une table ronde avec les organisations syndicales, que j'avais moi-même demandée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, Le Journal du dimanche du 28 mars dernier a publié des informations sur les clauses de l'accord négocié entre EDF et CGN pour la réalisation du projet Hinkley Point. Outre le fait qu'EDF assure les deux tiers des financements, et non plus 45 % comme cela était prévu en 2013, et donc la majorité des risques financiers, un certain nombre de clauses apparaissent défavorables. En effet, le risque ne serait pas partagé entre EDF et CGN : un surcoût de 5 milliards d'euros pourrait être couvert à 80 % par EDF qui participe à hauteur de 66 % au projet. Ensuite, des retards dans la livraison auraient pour conséquence le remboursement de plusieurs centaines de millions d'euros à la charge d'EDF. Autre hypothèse : si la Commission européenne ou le Gouvernement britannique invalidaient le contrat pour différence, EDF devrait indemniser CGN à hauteur de 1,6 milliard d'euros. De surcroît, CGN disposerait de droits de veto sur le versement des dividendes, la comptabilité et le budget. Ces clauses sont parfaitement inacceptables : EDF ne peut pas servir de tête de pont à un leader chinois du nucléaire, surtout si cela fragilise l'entreprise nationale tant au niveau financier qu'en termes de crédibilité. Pouvez-vous nous rassurer sur ces points ?

Enfin, 10 milliards d'euros ont été contractualisés et sont considérés comme des quasi-fonds propres. Or une incertitude pèse sur la signature britannique. Par conséquent, ces 10 milliards pourraient se transformer automatiquement en dette, ce qui porterait à 44 milliards l'endettement d'EDF. Comment comptez-vous désamorcer cette bombe à retardement pour EDF ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, je voudrais vous interroger sur votre stratégie en matière de développement des énergies renouvelables, plus particulièrement des énergies marines. Dans votre propos liminaire, je vous ai entendu parler d'un certain nombre de technologies, mais pas de l'énergie hydrolienne, domaine où vous êtes partenaire et investisseur, notamment en Bretagne, au large de Paimpol-Bréhat, et également en Normandie. Votre entreprise poursuit-elle toujours une stratégie d'investissement à long terme dans l'énergie hydrolienne, même si cette technologie n'est pas totalement mature sur le plan économique ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, je vous laisse la parole pour répondre à ces nombreuses questions. Vous le constatez : beaucoup de parlementaires femmes s'investissent sur ces sujets !

Permalien
Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe électricité de France, EDF

La quantité et la qualité des questions prouvent l'intérêt de la représentation nationale pour le groupe que j'ai l'honneur de présider.

Je commence par le sujet des concessions hydrauliques, évoqué par Mmes Marie-Noëlle Battistel, Marie-Lou Marcel et Jeanine Dubié, et sur lequel M. Emmanuel Macron s'est exprimé devant vous. La Commission européenne a mis en demeure la France assez sévèrement, en créant un lien entre l'aval et l'amont : cela nous a beaucoup surpris. L'entreprise, en liaison étroite avec les membres du Gouvernement concernés, combat l'essence même de cette mise en demeure à la fois sur l'hydraulique et les concessions dans les territoires – l'Aveyron, les Hautes-Pyrénées, les Alpes. Nous souhaitons préserver ce lien territorial très fort, mais aussi le modèle intégré d'EDF que les Français chérissent. En clair, le moindre lien entre la situation de telle ou telle concession, ou dans le parc hydraulique français en général, et le modèle intégré d'EDF nous semble totalement injustifié. Pour l'instant, la Commission n'a pas déclaré la France en infraction, et nous avons entendu dire que la voie serait ouverte à une négociation. Je peux donc dire aujourd'hui à la représentation nationale qu'EDF est tout à fait disposée à entrer dans des discussions qui pourraient engager la France ; autrement dit, nous souhaitons accompagner l'État, s'il le décide, dans la recherche d'un compromis. Ainsi, nous allons réfléchir à la manière de protéger la valeur de l'eau, pas simplement parce que l'eau permet de produire de l'énergie, mais aussi parce qu'elle apporte, à travers divers mécanismes auxquels nous sommes très attachés, des bénéfices collectifs aux territoires concernés – je pense à l'irrigation, au tourisme, etc. Nous serons très attentifs à la manière dont les dispositions votées dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pourraient être mises en oeuvre par le ministère : mise en place de sociétés d'économie mixte ; prolongation contre travaux, qui a fait ses preuves dans d'autres secteurs d'activité avec des bénéfices indéniables pour l'économie. À cet égard, nous avons d'ores et déjà entamé des discussions préliminaires très intéressantes avec le ministère dirigé par Mme Ségolène Royal. Ce sujet des concessions hydrauliques figure au premier plan des préoccupations de la direction générale du groupe EDF, et nous serons très attachés à accompagner l'État dans les discussions qui semblent se dessiner avec la Commission européenne en étant en permanence les meilleurs défenseurs de ce trésor national, l'eau qui tombe sur nos montagnes et nos collines.

Je passe au sujet des énergies nouvelles. EDF a une vision très pragmatique des différentes contributions possibles de la nature aux énergies renouvelables. De ce point de vue, nous essayons – à la mesure de nos moyens, réduits depuis quelques années – d'anticiper les grandes tendances en matière d'énergies renouvelables. Je le rappelle : dans le cadre de notre stratégie Cap 2030, nous sommes extrêmement ambitieux en matière d'énergies renouvelables. Nous souhaitons ainsi mener à bien les trois grands projets d'éoliennes en mer qui nous ont été attribués voilà quatre ans, sur la base de décisions de principe prises par le Grenelle de l'environnement il y a…neuf ans. Nos équipes travaillent sur ces dossiers de construction d'éoliennes en mer, de très grands chantiers en termes de construction et de technologie qui permettront la création d'une filière industrielle. Or on me dit que le premier de ces champs d'éoliennes en mer se développera au mieux en 2020 ou 2021. Je dois vous dire que je suis frappé du temps qu'il faut dans notre pays entre une décision de principe prise fin 2007, un appel d'offres conclu début 2012 et une mise en service éventuelle en 2020 ou 2021. EDF souhaiterait aller plus vite et l'accumulation de nos dépenses aujourd'hui pour une production d'électricité à un horizon éventuel de 2020 ou 2021 est un défi très important pour l'entreprise. Je puis donc vous rassurer, Monsieur Denis Baupin : EDF Énergies Nouvelles a de très grands projets en France. Par ailleurs, nous développons des champs d'éoliennes dans un certain nombre de régions terrestres, dès lors que nous gagnons les appels d'offres. Il nous arrive de ne pas gagner des appels d'offres, certains s'en réjouissent, d'autres s'en désolent ; mais il nous arrive aussi d'en gagner, et nous travaillons un peu partout, notamment en Champagne-Ardenne et en Languedoc-Roussillon, sur des projets d'éoliennes dans des conditions qui répondent à nos objectifs de rentabilité financière.

Madame Béatrice Santais, le stockage est le complément idéal des énergies intermittentes. En la matière, EDF procède de plusieurs façons. D'abord, nous stockons de l'énergie au moyen du pompage des installations hydroélectriques, permettant de remonter l'eau une première fois turbinée en haut du barrage et de la refaire passer à l'intérieur du système pour returbiner l'eau quand l'électricité a beaucoup de valeur, en particulier lors de la pointe du matin ou du soir. EDF souhaite que la France puisse améliorer son potentiel de stockage en la matière, et c'est pourquoi nous espérons que des dispositions seront prises dans le cadre de discussions avec la Commission européenne sur le réexamen de la régulation de l'hydraulique, d'autant qu'il y a des projets intéressants dans différents endroits du territoire français. Ensuite, nous stockons l'énergie dans des batteries, domaine où nous sommes très actifs. J'ai moi-même visité début février à La Réunion un dispositif très intéressant et très novateur, non pas une batterie locale de petite échelle, Madame la députée, mais une batterie de grande échelle, mise en place directement dans le réseau. Ce dispositif permet, lorsqu'il y a trop de courant du fait d'un grand ensoleillement, et donc un besoin en énergie modeste, de stocker le courant et de le réutiliser lorsque les Réunionnais rentrent chez eux et ont besoin de davantage de courant électrique pour leurs besoins domestiques. Nous avons mis en place ce dispositif en Guyane, et nous avons d'autres projets de ce type à la Réunion et aux Antilles. J'ajoute qu'EDF a décidé de consacrer une part significative de son budget recherche et développement à cette question importante du stockage, en particulier sur les manières d'optimiser les cellules des batteries.

Madame Corinne Erhel, j'ai parlé de l'éolien offshore – des champs d'éoliennes qui se voient, certains diront malheureusement –, mais il est intéressant aussi de parler des énergies marines qui ne se voient pas, sous la mer. Nous sommes actifs dans un consortium associant un autre grand groupe français, DCNS, pour travailler au large de la Bretagne sur des expérimentations d'hydroliennes placées dans des endroits où les courants marins sont forts, comme à Paimpol-Bréhat au large des Côtes-d'Armor. Notre objectif est d'aider au développement d'une nouvelle filière, si elle fait ses preuves sur le plan à la fois technologique et économique. Il est donc trop tôt pour en parler. La première de ces hydroliennes, que j'ai pu voir dans le port de Brest dans le cadre de mes fonctions précédentes, a été transportée sur place voilà quelques semaines et elle va commencer à produire du courant dans peu de temps. Pour EDF, il s'agit là d'un domaine très intéressant de développement pour l'avenir.

Madame la présidente, vous m'avez demandé si la décision de céder 50 % du capital de RTE était prise. La situation est la suivante : aucune décision n'est prise à ce jour, mais, bien avant mon arrivée, EDF avait inscrit dans le plan d'évolution de son périmètre la possibilité de céder jusqu'à 50 % du capital de RTE. Ce projet, qui existe donc depuis de nombreuses années, n'a pas encore été mis en oeuvre. Dans le cadre de nos discussions avec l'État sur la nouvelle trajectoire financière d'EDF, qui résulte des prix de marché, nous devons réfléchir à la manière d'optimiser le patrimoine d'EDF, en nous concentrant sur les actifs essentiels. RTE est un actif essentiel pour la Nation, mais ce n'est plus EDF qui le gère depuis de nombreuses années. En effet, RTE étant le transporteur de toute l'électricité produite en France, EDF n'a plus aucune influence – en dehors de quelques éléments financiers, comme la fixation du dividende – sur la gestion et les programmes d'investissement de RTE. Ainsi, RTE est une société totalement indépendante d'EDF quant à ses grandes orientations stratégiques, ses choix d'investissement. Il est paradoxal que, du fait de cette réglementation – dont je ne dis pas qu'elle est illogique –, l'actionnaire à 100 % de RTE qu'est EDF ne puisse avoir une influence stratégique sur les choix essentiels de RTE. Quoi qu'il en soit, 50 % du capital de RTE ont été placés dans les actifs d'EDF qui sont dans un compartiment spécial, lequel garantit les ressources qui nous permettront de gérer le démantèlement des centrales nucléaires et la fin du cycle de vie des déchets nucléaires correspondants – ce sont les projets de démantèlement et du centre d'enfouissement des déchets nucléaires Cigeo. Ces actifs dédiés détiennent donc 50 % du capital de RTE, et nous considérons comme une bonne chose que ces 50 % continuent à être logés dans ce compartiment spécial de notre bilan. Quant aux 50 % restants, nous discutons sur des évolutions possibles avec l'État et RTE, dont le président M. François Brottes réfléchit de son côté à un projet industriel. Nous verrons si ce projet industriel permet d'inscrire une évolution du capital de RTE dans le cadre de la stratégie qu'elle va définir, et les décisions seront prises à ce moment-là. Je vous propose d'inviter le président de RTE…

Permalien
Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe électricité de France, EDF

Monsieur François Pupponi, la réglementation RT 2012 est effectivement paradoxale. Les mécanismes de soutien permettent de remplacer des logements chauffés à l'électricité par des logements chauffés au gaz, non seulement dans le neuf mais aussi dans l'ancien, et ce sans aucun lien avec l'amélioration de l'isolation thermique du logement. Je suis très favorable à votre suggestion de rapprochement d'EDF avec l'ANRU. Nous travaillons actuellement avec le ministère du logement, le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, et l'Agence nationale de l'habitat, pour faire en sorte que la prochaine réglementation, RT 2018, n'aboutisse pas à cette situation paradoxale pour les logements neufs.

Monsieur Jean-Jacques Candelier, le temps où EDF avait une influence majeure sur l'évolution des prix de l'électricité est révolu. Conformément à la loi, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) fixe désormais le prix et, si j'ai bien compris, le Gouvernement peut dans les trois mois suivant cette décision s'y opposer. Le rôle d'EDF est d'apporter des informations à la CRE pour qu'elle prépare sa décision dans le cadre de règles du jeu qu'elle établit en fonction des textes en vigueur sur la fixation des prix régulés – EDF n'a pas voix au chapitre. Nous serons bien évidemment attentifs à la décision de la CRE, ainsi qu'à l'approbation ou au rejet du Gouvernement de cette décision.

Monsieur Antoine Herth, Monsieur Jean-Claude Mathis, la cohésion du corps social à EDF est exemplaire ; elle est essentielle au bon fonctionnement du service public de l'électricité et de l'entreprise en général. Mon rôle est de garantir à l'entreprise une vision partagée quant à sa stratégie, et c'est pourquoi nous avons engagé peu de temps après mon arrivée, début 2015, un projet offrant à l'entreprise une trajectoire à dix ou quinze ans, Cap 2030, organisée autour de trois grands chantiers. Premier chantier : la production décentralisée, l'appropriation de l'énergie par les clients. Sujet majeur car, dans le cadre d'une concurrence sur la totalité de nos investissements, nous devons accompagner les services d'efficacité énergétique, la numérisation du foyer, des services publics et des grandes collectivités. Deuxième chantier : notre mix énergétique, grâce aux grandes énergies décarbonées, le nucléaire et le renouvelable, complémentaires. Troisième chantier : notre développement international. Certes, la Cour des comptes a estimé que nous n'avons pas toujours réussi nos acquisitions à l'étranger, en achetant des sociétés au mauvais moment, mais nous devons nous déployer à l'international, car un grand groupe comme EDF se doit de rayonner au-delà de la France, au-delà de l'Europe.

Dans un contexte de prix de marché déprimé, Cap 2030 prend tout son sens. Nous avons partagé durant l'année 2015 cette stratégie avec les salariés et les organisations syndicales d'EDF. Nous devons maintenir cette stratégie dans le cadre d'une situation financière plus tendue, ce qui suppose des efforts partagés entre les salariés, les dirigeants, les organisations syndicales, l'État, sans doute aussi les consommateurs – j'ai envie d'y associer les parlementaires ! –, afin de trouver les moyens qui permettront à l'entreprise de garder sa cohésion. Je suis très attaché à ce que toutes les parties prenantes soient associées à cette nouvelle dynamique de l'entreprise.

Voilà à peine un mois, nous avons réussi à trouver avec les deux principales organisations de cadres un accord qui prévoit le passage au forfait-jours. Cette nouvelle organisation du temps de travail pour les cadres volontaires est basée sur un chiffre moyen de 209 jours de travail, ce qui représentera une hausse des journées travaillées pour un grand nombre d'entre eux. Nous connaîtrons d'ici à quelques semaines le nombre d'agents volontaires pour ce nouveau régime de travail qui porte en germe une amélioration du travail collectif.

J'en viens au projet Hinkley Point. Madame Jeanine Dubié, par définition, l'État étant l'actionnaire majoritaire d'EDF, il joue un rôle très important dans les décisions majeures que prend l'entreprise : toutes les décisions importantes de l'entreprise sont soumises au conseil d'administration d'EDF où l'État est représenté à hauteur de 6 administrateurs sur 18. Sur les chiffres, les contrats, les risques, des rumeurs infondées circulent ; chacun pourra y trouver ses propres explications, et je ne me hasarderai pas dans des conjectures quant à la raison pour laquelle ce projet fait l'objet de tels débats. Cela fait huit ans qu'EDF prépare ce projet qui s'inscrit dans la stratégie, suivie depuis de nombreuses années, d'une forte présence d'EDF en Grande-Bretagne. Dans ce pays, où EDF gère le parc nucléaire et où la poursuite d'une partie importante de la production d'électricité au moyen de l'énergie nucléaire a été réaffirmée par tous les gouvernements, nous bénéficions du soutien indéfectible des autorités en charge de la politique de l'énergie.

Au cours des sept ou huit dernières années, le contrat a évolué. Avant 2013, le régime prévu était celui qui prévaut aujourd'hui. De 2013 à 2015, on a espéré organiser le contrat autour d'un montage dit « déconsolidé », qui n'aurait pas changé l'endettement d'EDF mais par lequel le financement aurait été partiellement assuré par le Trésor britannique. Ce financement posait des problèmes de rentabilité, mais aussi de risque juridique – le Trésor britannique n'était pas prêt à donner une garantie sans réserve sur son financement. Après avoir tenté durant deux ans de mettre en oeuvre ce montage « déconsolidant », nous avons considéré l'année dernière que nous devions revenir à la situation qui prévalait dans les premières années d'étude du dossier Hinkley Point, c'est-à-dire à un dossier porté principalement par EDF.

Les chiffres cités dans cette enceinte ne sont pas tout à fait exacts. Non, nous n'allons pas engager un montant 23 milliards d'euros : nous allons engager entre 15 et 16 milliards d'euros – 8 milliards le seront par nos partenaires chinois. Nous n'allons pas non plus nous retrouver avec un niveau de risques dépassant les possibilités d'EDF. Des contrats complexes ont été conclus avec nos partenaires chinois, aux termes desquels CGN et EDF prévoient de mettre en place des dispositifs d'intéressement, mais aussi des systèmes de risques partagés. Ainsi, sur les décalages éventuels – qui dit qu'il n'y en aura pas ? –, je peux vous assurer que la solidarité s'appliquera entre les deux partenaires chinois et français. De ce point de vue, Madame Delphine Batho, la consolidation n'est pas de 100 % – la dette sera portée à hauteur de 66 % par EDF et de 33 % par notre partenaire chinois. Ce projet répond à l'objectif même de la présence d'EDF sur le territoire britannique. Que serait un EDF qui ne répondrait pas à la demande de son client, l'État britannique, de satisfaire ses besoins en électricité ? Ceux qui croient savoir ou qui font des déclarations anonymes dans les journaux ne disposent pas des bonnes informations. Ces informations, le conseil d'administration en disposera pour se prononcer prochainement sur ce dossier et prendre la décision qui s'impose.

Si les choses se passent mal, nous ne tiendrons pas notre objectif de rentabilité de 9 % – chiffre d'ailleurs critiqué en Grande-Bretagne car considéré trop élevé – et nous ferons alors 8 %. Mais si les choses se passent bien, nous ferons peut-être 10 % ou 11 %. Nous avons arrêté la rentabilité du projet à 9 %, avec des marges pour aléas et des provisions pour retards ou difficultés. Qui peut dire si les experts d'EDF, très mobilisés sur ce projet, ont vu trop court ou trop large ? Je ne porterai certainement pas ombrage à mes excellents collègues d'EDF en disant – comme je l'entends ou que je peux le lire de la part de gens pas assez courageux pour s'exprimer au grand jour – que nous allons être en retard.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'aimerais répondre, Madame la présidente.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je laisse M. Lévy terminer son exposé, avant de donner la parole aux députés qui souhaitent s'exprimer à nouveau.

Permalien
Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe électricité de France, EDF

Monsieur Antoine Herth, la représentation nationale a voté un plafonnement de la production d'électricité nucléaire en France à 63,1 GW. Cela nous oblige à mettre hors du système de production nucléaire français une capacité équivalente à celle de Flamanville lorsque le nouveau réacteur de cette centrale sera mis en service d'ici à deux ans et demi ou trois ans. Le site de Fessenheim a été désigné depuis longtemps : nous devons préparer la fermeture de ce site à cet horizon, dans le cadre des discussions entamées par EDF avec le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Monsieur Denis Baupin, un générateur de vapeur qui devait être extrait du bâtiment réacteur de Paluel est tombé – un peu de travers. Informée rapidement de cet incident, l'Autorité de sûreté nucléaire a fait une communication précise à ce sujet, et je n'ai pas d'informations complémentaires à apporter. Cet incident industriel, dont les causes devront être élucidées et qui nécessitera sans doute des mesures correctives, ne remet nullement en cause les capacités industrielles de notre filière dans le cadre du grand carénage.

Monsieur Antoine Herth, nous prévoyons de porter à 50 ans puis à 60 ans la durée de vie de certaines de nos centrales nucléaires, sous réserve de l'approbation de l'Autorité de sûreté nucléaire. Nous y travaillons activement avec l'ASN de sorte que les premières décisions sur tel ou tel réacteur puissent être prises avant la fin de la décennie.

Madame Catherine Troallic, Monsieur Yves Daniel, la décision ferme n'est pas encore prise, mais nous projetons d'accélérer la fermeture des centrales de Porcheville et de Cordemais – alimentées au fioul et qui ne fonctionnent pratiquement pas. Quant à la centrale du Havre, alimentée au charbon, nous avons engagé de grands travaux de modernisation qui nous conduiront à poursuivre son exploitation : je démens toute rumeur de fermeture de ce site.

S'agissant du plan Junker, Monsieur Hervé Pellois, il est encore un peu tôt pour en dresser le bilan. Ce plan pourrait financer des infrastructures d'énergie ; nous pensons qu'il concerne potentiellement nos collègues de RTE dans le cadre de liaisons transfrontières, l'un des objectifs de l'Union de l'énergie étant d'accroître la circulation du courant électrique entre les pays. Nous notons avec intérêt que ce plan comprend un volet énergétique, notamment pour aider l'écosystème des startups et des nouvelles applications de l'énergie.

Madame Marie-Hélène Fabre, la Plateforme France Nucléaire, dont la création a été annoncée il y a quelques jours, sera une instance de coordination, pas forcément de décisions. La filière française du nucléaire a souvent souffert d'une absence de collégialité dans la préparation des décisions, si bien que l'administrateur général du CEA, M. Daniel Verwaerde, le président d'Areva, M. Philippe Varin, et moi-même avons décidé de nous réunir régulièrement pour dialoguer et préparer les décisions ensemble. Ces rencontres, informelles jusqu'à présent, seront donc formalisées au travers de cette instance tripartite d'échanges sur les principaux sujets transverses de la filière.

Monsieur Lionel Tardy, j'ai rarement entendu chez EDF des voix pour défendre l'ARENH. En effet, ce mécanisme est peu satisfaisant pour l'entreprise : si le prix de l'électricité est élevé, comme c'était le cas il y a trois ans, EDF doit vendre en dessous du prix de marché, d'où un manque à gagner ; si le prix de l'électricité est bas, comme aujourd'hui, les concurrents d'EDF achètent au prix de marché plus bas que l'ARENH, qui ne sert donc pas. L'ARENH est une option offerte à nos concurrents : nous ne défendrons pas ce dispositif, même si nous devons vivre avec, comme avec l'ensemble des dispositions réglementaires et légales.

Voilà, Madame la présidente, j'espère avoir répondu à l'ensemble des questions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je donne la parole aux députés qui souhaitent apporter des compléments ou reposer des questions auxquelles ils n'ont pas eu de réponse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président-directeur général, un grand nombre de questions vont ont été posées, d'où la difficulté à répondre à toutes. J'en repose donc une : quel est le pourcentage des investissements qu'EDF va consacrer aux énergies renouvelables dans les années à venir ?

Permalien
Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe électricité de France, EDF

Je ne peux vous indiquer ce pourcentage, car il dépend des appels d'offres que nous allons remporter. Nous répondons à un grand nombre d'appels d'offres. Récemment, nous n'avons pas réussi à en gagner beaucoup, car les prix de nos concurrents étaient meilleurs que les nôtres. Par contre, nous avons gagné, par exemple, les trois premiers appels d'offres pour les grands champs d'éoliennes en mer, qui représentent des investissements considérables – de plusieurs milliards d'euros.

Je m'aperçois que je n'ai pas répondu à votre question sur les exportations à perte, Monsieur Denis Baupin. Non, nous n'exportons pas à perte : le coût marginal de la production nucléaire est extrêmement modeste – heureusement, le prix de marché est très supérieur. Cette exportation, dont nous nous réjouissons car elle permet de garantir les emplois et des capacités industrielles en France, permet d'améliorer la rentabilité du parc nucléaire d'EDF.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À supposer que vous gagniez tous les appels d'offres auxquels vous répondez, quel est le pourcentage maximum qu'EDF pourrait consacrer aux énergies renouvelables ?

Permalien
Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe électricité de France, EDF

Le chiffre n'est pas gravé dans le marbre, mais le groupe EDF investit chaque année entre 2 milliards et 2,5 milliards d'euros dans les énergies renouvelables, la France représentant le premier pays d'investissement. La part de la France évolue en fonction des appels d'offres, par exemple de l'avancement de ce grand chantier d'éoliennes en mer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je reviens sur le projet Hinkley Point. D'abord, je ne pense pas que l'on soit revenu à la situation antérieure du montage, car un élément change la donne : l'absorption d'Areva, d'où l'augmentation de la part d'EDF.

Ensuite, je m'exprime pour ma part au grand jour, publiquement et de façon transparente. Les parlementaires sont interpellés, non sur de simples rumeurs, mais sur un rapport de la Cour des comptes, une alerte du comité central d'entreprise (CCE) et la démission d'un directeur financier, si bien qu'ils attendent des réponses précises sur les chiffres, les contrats avec les partenaires chinois, etc. Sans doute ces informations sont-elles réservées aux membres du conseil d'administration ; pour notre part, nous nous tournerons vers le Gouvernement, qui représente l'État dans ce conseil d'administration, pour les obtenir. Nos interrogations sur le risque industriel et financier pour EDF sont légitimes : ce n'est faire injure ni à l'entreprise, ni à ses ingénieurs de poser des questions sur les conséquences d'un dérapage de calendrier ou d'un problème de financement dans une telle opération.

Permalien
Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe électricité de France, EDF

Il avait été prévu un temps qu'Areva prenne 10 % du capital, mais cela était irréaliste au vu sa situation financière, si bien que cette partie du montage a été abandonnée. J'avais aussi compris que des discussions préliminaires avaient eu lieu avec tel ou tel partenaire étranger pour permettre à la part d'EDF d'être sous les 50 %, mais une fois ce point du dossier expertisé, il est apparu qu'il n'en était rien – j'ignore pourquoi cela avait été envisagé à ce moment-là. En tout état de cause, nous sommes revenus à la situation dite « consolidée ».

Le directeur financier a démissionné, et je n'ai pas de commentaire à faire à ce sujet. Le CCE a lancé un droit d'alerte, auquel nous avons commencé à répondre. Et la Cour des comptes, en s'attachant à examiner la stratégie suivie précédemment par EDF, a estimé que l'entreprise n'avait pas toujours réussi à l'international dans l'acquisition de sociétés ; or Hinkley Point ne relève pas de l'acquisition d'une société, c'est un projet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Toujours sur Hinkley Point, j'avais posé deux questions sur les risques d'invalidation du contrat pour différence et sur les emprunts hybrides. J'entends que vous allez apporter les éléments d'information au conseil d'administration, mais les parlementaires souhaitent se faire une opinion sur ce dossier, car nous sommes très attachés au maintien de cette entreprise publique – l'un des rares fleurons de notre pays.

Permalien
Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe électricité de France, EDF

Je partage entièrement ce dernier propos, comme beaucoup d'entre vous ici. Soyez convaincus que je me sens porteur de cette histoire, d'autant plus cette semaine où nous fêtons les 70 ans de l'entreprise.

Nous partageons les risques du projet Hinkley Point avec nos partenaires chinois. Mais la dette hybride n'est pas liée à Hinkley Point, elle s'explique par l'état du bilan d'EDF dans un monde où le prix de marché est passé de 50 euros à 26 ou 27 euros. Certes, 10 milliards d'euros représentent une somme importante au regard d'autres énergéticiens européens moins gourmands en dette hybride, et nous avons donc un peu fragilisé notre situation bilancielle, car refinancer cette dette hybride – si cela s'avère nécessaire – impose de garder une notation plus élevée que le strict minimum. Mais, je le redis, ce « talon d'Achille », cette contrainte additionnelle sur EDF, existe en raison d'un contexte de marché très déprimé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ARENH a été créé par la loi NOME de 2010, que la majorité actuelle n'a pas votée.

Nous sommes très attachés à EDF, entreprise capitale dans le paysage énergétique mondial. Nous avons à coeur de la préserver. Les auditions présentes et à venir visent à permettre à la représentation nationale d'obtenir des informations claires et précises.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 5 avril 2016 à 18 h 45

Présents. - M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Christian Franqueville, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. François Pupponi, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic

Excusés. - Mme Anne Grommerch, M. Thierry Lazaro, M. Kléber Mesquida

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Jacques Candelier, M. Guillaume Chevrollier