Séance en hémicycle du 26 avril 2016 à 22h00

La séance

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La séance est ouverte à vingt-deux heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle les questions sur la politique fiscale du Gouvernement.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.

Nous commençons par des questions du groupe Les Républicains.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

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Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur le prélèvement libératoire à la source. Après quatre années d’un matraquage fiscal sans précédent, le Gouvernement tente de faire diversion avec la retenue à la source. Vous justifiez cette réforme en prétendant simplifier la vie des contribuables en lissant le paiement de leur impôt sur le revenu. Pourtant il existe déjà de nombreuses possibilités techniques d’atteindre cet objectif : je pense notamment à la mensualisation, qui est beaucoup utilisée, à la déclaration pré-remplie ou à la possibilité d’ajuster ses mensualités aux variations de ses revenus.

Monsieur le secrétaire d’État, cette réforme est un leurre dont vous n’aurez sans doute pas à assumer les conséquences puisque son entrée en application est prévue pour le 1er janvier 2018. C’est donc une pure manoeuvre politicienne.

Initialement prévue pour l’été, cette réforme sera finalement intégrée dans le projet de loi de finances pour 2017. Ce changement de calendrier atteste bien que cette réforme est d’une complexité inimaginable. Face à l’avalanche de problèmes qu’elle suscite, vous avez déchanté. M. Sapin a d’ailleurs avoué qu’il ne suffisait pas d’appuyer sur un bouton – c’est vous dire !

Cette réforme est une véritable usine à gaz. Elle cache votre volonté inavouée de fusionner l’impôt sur le revenu avec la contribution sociale généralisée – la CSG. Aujourd’hui, seuls 46 % des foyers fiscaux acquittent l’impôt sur le revenu et 10 % représentent à eux seuls 70 % de la recette de cet impôt. On peut donc imaginer les transferts fiscaux massifs que subiraient les classes moyennes et supérieures en cas de fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG.

On peut voir derrière cette réforme votre volonté d’alourdir le rôle des entreprises dans la collecte de l’impôt. De plus, à l’heure où nous devons alléger les charges pour retrouver de la compétitivité, vous les lestez d’un nouveau boulet. Cette réforme pose un problème d’équité. Dans les faits, les jeunes paieront l’impôt dès leur entrée sur le marché du travail, alors que les héritiers d’une personne décédée n’auront pas à s’en acquitter l’année suivant le décès.

Comment pouvez-vous croire, monsieur le secrétaire d’État, que cette réforme pourra masquer vos échecs en matière de redressement budgétaire ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Il est difficile, madame Dalloz, de vous répondre en deux minutes, mais je vais vous donner quelques éléments de réponse, sans avoir la prétention d’être exhaustif.

Tout d’abord vous avez commis une erreur fondamentale : le prélèvement à la source n’a rien de libératoire.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Les mots ont un sens en matière d’impôt. Il n’a rien de libératoire, puisqu’il y aura toujours une déclaration annuelle récapitulative.

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On ne simplifie pas beaucoup la vie des Français !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

De fait, les principes fondamentaux de l’impôt sur le revenu en France – la progressivité et la familialisation, voire la conjugalisation – ne sont pas remis en cause. Je ne cesse de le répéter.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Autre point de désaccord entre nous, vous dites qu’il y a déjà la mensualisation, la possibilité d’adapter ses mensualités ou la déclaration pré-remplie. Vous oubliez une chose fondamentale : le grand changement, c’est que l’impôt s’adaptera aux revenus réels de l’année. C’est parce que ce n’est pas le cas aujourd’hui que des personnes subissant une baisse de leurs revenus, en raison d’un départ à la retraite ou de toute autre circonstance, se retrouvent à devoir payer des impôts « plein pot » au moment où leurs revenus ont baissé. Un impôt contemporain des revenus représentera un gain formidable de réactivité, ce que ne permet pas le système actuel de prélèvement mensuel.

Enfin, vous dites que le calendrier retenu serait dû à nos difficultés à élaborer un projet bien ficelé, précis, achevé.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Fin mai, un projet de texte sera transmis au Conseil d’État, de façon à lui permettre de travailler sur ce qui est effectivement une réforme importante. Vers la mi-juillet un texte vous sera transmis. Certes il ne sera pas examiné avant la fin de session mais il sera intégré dans le projet de loi de finances pour 2017. Vous aurez alors tout le loisir d’y travailler et nous aurons l’occasion d’approfondir les nombreuses questions auxquelles je n’aurai pas eu le temps de répondre.

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D’abord, monsieur le secrétaire d’État, ce que vous dites est faux. En matière de réactivité, le taux de l’impôt à l’année n dépendra du profil du contribuable. Quand bien même ses revenus baisseraient, le taux d’imposition qui lui sera appliqué aura été fixé en fonction de ses revenus passés : il n’y aura donc pas de véritable réactivité.

Deuxième point, comme vous l’avez rappelé, le prélèvement n’est pas libératoire. C’est donc un impôt pour le prix de deux. Cela sera extrêmement coûteux – et je souhaiterais une réponse du Gouvernement à ce sujet –, puisqu’il faudra à la fois gérer le nouveau dispositif et maintenir, si les principes de l’imposition à la française sont préservés, toute la chaîne classique de l’impôt sur le revenu.

Quant à la procédure, elle est un peu curieuse, puisque ce n’est qu’un morceau de texte qui sera présenté au Conseil d’État et aux commissions des finances, et les commissaires que nous sommes devraient s’interroger sur ce point. Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur la nature juridique de la procédure qui sera retenue ? Sur quoi allons-nous délibérer ? Il y a là un vrai risque d’instrumentalisation de la commission des finances.

Enfin, compte tenu de la position de notre groupe sur ce sujet, mais aussi du calendrier électoral, je souhaite que, par loyauté à l’égard des Français, le Gouvernement soit extrêmement clair sur la réversibilité d’une réforme que vous comptez mettre en oeuvre en extrême fin de mandat. L’illusion du calendrier du printemps ne change rien à l’affaire : c’est un vote pour le projet de loi de finances pour 2017. Est-il clair que le Gouvernement et l’administration s’organisent pour que le prélèvement à la source soit réversible et qu’une autre majorité puisse l’annuler de manière opérationnelle et effective, si elle le décide ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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C’est dans le programme des Républicains ?

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

S’agissant de la réactivité de l’impôt au changement de situation d’un contribuable, vous avez tort. Il y a une adaptation mécanique, dans la mesure où, si l’assiette de l’impôt …

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Je vous parle de l’assiette ! Actuellement, rien ne bouge. Si l’assiette devait se modifier, à la suite de la perception d’une prime ou de la perte d’un revenu, le niveau du prélèvement s’adapterait mécaniquement.

Quant au taux, aujourd’huiaujourd’hui, si un enfant arrive dans un ménage en février – pour prendre un exemple simple –, il faut attendre août ou septembre de l’année suivante pour intégrer cette modification dans le calcul de l’impôt. Une fois la réforme votée, il suffira de le signaler à l’administration fiscale qui pourra modifier le taux. Il y a une double adaptation : mécanique pour l’assiette et optionnelle pour le taux, qui pourra varier en fonction de changements significatifs.

Par ailleurs, vous dites qu’il s’agira d’un impôt pour le prix de deux. Je vois bien la manoeuvre : il s’agit de faire peur.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Je l’ai déjà expliqué dix fois, mais je peux le faire une onzième fois : en 2017, l’impôt sera payé au titre des revenus de 2016 et, en 2018, au titre des revenus de 2018, avec deux chaînes de calcul. L’impôt dû au titre de 2017 sera liquidé et fera l’objet d’un crédit d’impôt dont le contribuable bénéficiera en 2018 et qui viendra annuler l’impôt. Les revenus de 2017 ne seront donc pas intégrés dans l’assiette.

Quant à la méthode retenue, c’est par souci de transparence que nous transmettrons ce projet de réforme au Conseil d’État qui rendra son avis. Ensuite, ce projet sera intégré au projet de loi de finances. La commission des finances pourra y travailler immédiatement, si elle le souhaite, ou attendre l’automne pour ce faire. En tout état de cause elle disposera d’un texte finalisé qui lui permettra d’avoir une connaissance du projet et de préparer le travail parlementaire pour l’automne. Pour avoir été parlementaire, je pense que le Parlement n’aurait pas apprécié d’être saisi à l’automne d’un projet déjà ficelé.

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Nous en venons aux questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

La parole est à M. Philippe Vigier.

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Monsieur le secrétaire d’État, dans son engagement numéro deux, le candidat Hollande promettait de faire des PME une priorité du quinquennat. Qu’en est-il quatre ans plus tard ? Les créations d’entreprises ont chuté en 2015. Alors que les PME sont le meilleur vecteur de création d’emplois, elles croulent sous les effets de seuil, les freins à l’embauche et les contraintes diverses et variées telles que le compte pénibilité et bientôt le compte personnel d’activité – on voit au travers du projet de loi El Khomri de nouvelles difficultés s’amonceler sur leurs têtes –, sans oublier le RSI. Chacun voit qu’il s’agit pour elle d’un vrai parcours du combattant.

Il est pourtant crucial de soutenir ces entreprises quand on lutte contre le chômage. Même au soir d’une embellie, dont on verra si elle sera passagère ou durable, nous avons besoin d’elles plus que jamais. Nous vous avons pourtant fait des propositions concrètes pour que l’année 2017 soit utile pour les PME.

S’agissant du taux d’impôt sur les sociétés, vous me répondrez sans doute qu’il baissera d’un point, mais il faut aller plus loin si nous voulons que ces PME soient créatrices d’emploi : il est essentiel que le bénéfice du taux réduit soit étendu, comme nous l’avions proposé, à l’initiative de Charles de Courson, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016.

Deuxièmement, il faut réduire le fameux fossé qui existe entre les PME et les grandes entreprises du CAC 40, dont le taux d’imposition est beaucoup plus faible que celui des petites et moyennes entreprises, qui paient la part la plus importante. L’instauration d’un taux plancher permettrait de supprimer cette différence en défaveur de ces entreprises.

Enfin, je répète qu’il serait plus simple que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – le CICE – soit transformé en une baisse de charges, et je crois qu’à une époque vous étiez sur notre ligne. Le Président de la République lui-même disait il y a quelques mois que c’était certainement la meilleure solution et que le CICE avait vocation à s’éteindre.

Voilà trois propositions simples, autour desquelles nous pourrions nous retrouver. Mais peut-être, monsieur le secrétaire d’État, allez-vous nous annoncer une bonne nouvelle pour ces PME dont nous avons tant besoin, elles qui créent le plus d’emplois ?

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Grâce au pacte de responsabilité et de solidarité et au CICE, le coût du travail a été réduit, notamment pour les très petites entreprises, les TPE, et les PME, le niveau de rémunération de leurs salariés ouvrant le plus souvent droit au CICE. D’ailleurs, contrairement à ce que certains prétendent, ce dispositif n’a rien de complexe et est très utile aux entreprises, qui se l’ont désormais approprié et nous demandent de ne surtout pas le supprimer.

Je vous rappelle en outre les dispositions du plan « Tout pour l’emploi dans les TPE et les PME » lancé en juin dernier, qui visent à agir sur l’ensemble du cycle de vie des TPE. Je ne citerai, faute de temps, que la prime à l’embauche, destinée à compenser les cotisations versées pour un SMIC et qui a déjà fait l’objet de 200 000 demandes. À cela s’ajouteront les dispositions figurant dans divers projets de loi dont vous allez être saisis. Ainsi le projet de loi Sapin 2 prévoit des mesures de simplification pour permettre aux entreprises de passer plus facilement d’un statut à un autre. Ces fameux seuils seront aménagés pour plus de souplesse.

Quant à la transformation du CICE en allégements d’impôts, j’ai bien entendu, comme vous, les déclarations du Président de la République. J’étais aux côtés du Premier ministre quand, sous l’égide de France Stratégie, nous avons eu ce débat avec les partenaires sociaux, représentants des employeurs comme des salariés. Une telle bascule ne se fera pas sans difficultés budgétaires, puisque, faute de retenue à la source, le crédit d’impôt sur les sociétés est versé avec un décalage d’un an.

L’autre difficulté – nous en avons débattu, il y a peu, à propos du CICE – est liée à la faiblesse des charges pesant sur le SMIC. On ne peut pas transformer le CICE en allégement de cotisations quand ces dernières sont insuffisantes pour en restituer l’équivalent, sauf à inventer un crédit de cotisations – des cotisations sociales négatives –, ce qui serait assez incongru !

Le Premier ministre a demandé à France Stratégie de lui remettre un rapport à l’automne pour nous permettre d’étudier cette question.

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Monsieur le secrétaire d’État, le Conseil d’analyse économique, dans sa note de septembre 2013 intitulée « Fiscalité des revenus du capital », a proposé de taxer les loyers implicites, c’est-à-dire les loyers qu’un propriétaire pourrait percevoir s’il louait son logement, déduction faite, le cas échéant, des intérêts d’emprunt. Cette idée est loin d’être nouvelle puisque ce dispositif a existé de la création de l’impôt sur le revenu, en 1914, jusqu’en 1965. À cette date, il été aboli par Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des finances, pour relancer l’accession à la propriété, qui constitue une protection financière et une garantie pour les ménages, comme une forme de retraite complémentaire.

Depuis quelque temps, la nouvelle se répand que cette idée pourrait avoir l’aval du Gouvernement, suscitant l’inquiétude de nombreux propriétaires car une telle mesure fragiliserait grandement leur situation financière. Beaucoup de mes collègues, comme moi-même, ont été interrogés à ce sujet par leurs concitoyens, qui, je le rappelle, sont à 58 % propriétaires de leur résidence principale…

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…et qui attendent une réponse claire et nette de la part du Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : le Gouvernement peut-il rassurer les trente-huit millions de Français propriétaires de leur résidence principale et prendre solennellement position aujourd’hui, devant la représentation nationale, contre un tel dispositif ? Pouvez-vous assurer que le Gouvernement n’a aucunement l’intention de proposer la mise en place de cette mesure et qu’il s’y opposera si jamais elle était proposée par un parlementaire ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Monsieur le député, un grand merci à vous de m’avoir posé cette question, dans cette assemblée. Je vois comme vous se multiplier les alarmes de lanceurs d’alerte plus ou moins bien intentionnés…

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Ne soyez pas impatient, monsieur Mariton ! La patience est une vertu, même à l’Assemblée nationale.

Je vois fleurir des articles d’apparence très sérieuse qui annoncent une telle mesure, alors qu’elle n’est qu’une des hypothèses évoquées par un rapport du Conseil d’analyse économique, que vous avez cité.

À la question claire que vous me posez, ma réponse est claire : c’est non. Jamais…

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

…il n’y a eu le moindre début de commencement d’étude d’une telle mesure par un quelconque service de mon ministère.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Mais je n’y ai jamais pensé, monsieur Le Fur ! Vous êtes vous aussi un lanceur d’alerte et vous méritez notre protection en tant que tel, mais notre réponse est claire. Les économistes et fiscalistes qui réfléchissent, travaillent, imaginent et nous aident à penser par leurs propositions de toute nature – quand ils ne pensent pas à notre place – sont nombreux. Je reçois des courriels et des lettres innombrables qui s’alarment d’une telle mesure qui n’est qu’un élément, repéré par la presse parmi une kyrielle de propositions issues de la créativité débordante du Conseil d’analyse économique.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Non, ce n’est pas louche. Il faut être sérieux si nous voulons, les uns comme les autres, être crédibles : jamais le Gouvernement n’a eu l’intention de faire une telle proposition ; jamais, même si elle venait d’un amendement parlementaire, il ne serait prêt à l’accepter.

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Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à M. Joël Giraud, pour une première question.

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Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite revenir sur la réforme du prélèvement à la source. Comme l’ensemble de mon groupe, je suis favorable à cette réforme, qui figure dans notre programme fiscal de 2012 et s’inscrit dans le choc de simplification. Non seulement elle permettra un allégement considérable de la charge des ménages, mais de plus elle renforcera l’efficacité de notre politique fiscale et atténuera les incertitudes qui minent notre économie. Je rappelle que l’impôt sur le revenu mobilise plus de 20 000 agents pour traiter trente-sept millions de déclarations et plus de dix millions de relances annuelles.

Le décalage important entre perception des revenus et versement de l’impôt n’est pas qu’une source d’inquiétude : il est aussi source de difficultés économiques, un tiers des assujettis subissant des pertes sèches de revenus d’une année sur l’autre, de plus de 30 % pour un sur dix d’entre eux. Ceci les pousse à constituer une épargne de précaution qui n’est pas directement utile à l’économie. Le paiement sur rôle est aussi source d’inefficacité de notre politique, notamment de nos réformes fiscales.

Mieux encore, de nombreux spécialistes avancent que cette réforme pourrait stimuler l’activité en 2017, du fait de « l’année blanche » – qui n’en sera d’ailleurs pas vraiment une –, escomptée par les contribuables et les acteurs économiques. En effet, le précédent islandais, souvent cité, montre que l’année de la bascule, opérée en 1987, avait été marquée par un rebond du taux d’emploi et un pic du PIB à 4 %. Pour la France, certains chercheurs prévoient une hausse d’activité générant trois milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires, soit 0,4 % de point de PIB.

Ma première question porte donc sur l’imposition des revenus de 2017. Vous avez précisé que les revenus exceptionnels de 2017 seraient bel et bien imposés en dépit de la mise en oeuvre du prélèvement à la source en 2018. J’aimerais savoir plus précisément ce que vous entendez par « revenus exceptionnels », outre les rentes en capital, afin de mieux comprendre comment est évalué le regain d’activité attendu de cette réforme.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Merci pour cette question qui me donnera l’occasion de préciser plusieurs points.

Quel est l’objectif, ou plutôt, pour commencer, quels ne sont pas les objectifs du passage au prélèvement à la source ?

Premièrement, il ne s’agit pas de faire un pas vers la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. L’étude des transferts suscités par une telle réforme nécessitera des travaux complémentaires si tant est qu’un jour elle vienne devant votre Assemblée. Deuxièmement, il ne s’agit pas de faire gagner des emplois supplémentaires à mon ministère. Certes, la modernisation de nos services – au travers notamment des télédéclarations et des déclarations pré-remplies – permet de confier à nos agents des fonctions plus nobles, plus valorisantes et plus utiles que la simple saisie informatique de documents papier. Néanmoins des adaptations seront nécessaires : l’accueil devra être renforcé et le contrôle du prélèvement de l’impôt par les employeurs nécessitera également du personnel. Il n’y aura cependant pas d’évolution significative des effectifs, autre que celle que nous connaissons depuis plusieurs années.

Pour ce qui est de l’année de transition en effet, pour un salarié ordinaire, ayant un rythme de vie ordinaire, il y aura une année – 2017 – où les revenus n’entreront pas dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Reste la question des revenus exceptionnels, tels que la perception d’une rente en capital ou d’une indemnité de départ en retraite ou de licenciement. Certaines de ces ressources sont imposables, parfois sur plusieurs années. Il faudra donc envisager le traitement de ce type de cas particuliers. Nous avons déjà élaboré des solutions, que nous vous transmettrons lorsque nous en aurons vérifié la pertinence constitutionnelle et la faisabilité technique.

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La parole est à M. Joël Giraud, pour poser sa seconde question.

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Elle porte également sur le prélèvement à la source. Nous le savons tous, le système français d’impôt sur le revenu est très particulier au sein des pays économiquement avancés. En effet, parmi les trente-quatre pays de l’OCDE, seuls la France, le Portugal et le Luxembourg pratiquent la conjugalisation de l’impôt sur le revenu, qui constitue une véritable incitation au chômage technique du conjoint le moins bien payé. En effet, dans notre système, il est très, voire trop, coûteux de travailler pour le deuxième apporteur de ressources du ménage, qui est malheureusement souvent la femme.

Cette spécificité devient problématique avec le prélèvement à la source et la délicate question du maintien de la confidentialité des données fiscales des salariés vis-à-vis de leurs employeurs. Sur ce point, vous avez argué à plusieurs reprises que l’employeur ne connaîtra qu’un seul taux d’imposition, qui pourra d’ailleurs être différencié au sein du couple, comme gage technique de la préservation de la confidentialité des revenus du foyer, du salarié ou de la salariée. Pourquoi alors ne pas profiter du basculement vers le prélèvement à la source pour achever de moderniser cet impôt en le déconjugalisant ? Cela semble aller dans le sens de l’histoire : celui de la nécessaire homogénéisation fiscale européenne que nous appelons de nos voeux.

Second particularisme, et non des moindres, dont nous avons particulièrement débattu à l’occasion de l’examen, lors de la dernière loi de finances, de l’amendement sur la dégressivité de la CSG, largement adopté : notre impôt sur le revenu est scindé en deux. La CSG, acquittée par l’ensemble des contribuables et non progressive, rapporte plus en volume que l’impôt sur le revenu, acquitté par la moitié des foyers fiscaux aux revenus les plus importants. Ainsi, pour les contribuables qui ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire la moitié d’entre eux, l’apparition d’une ligne « impôt sur le revenu » sur la fiche de salaire n’aura aucune conséquence directe.

In fine, la réforme permet bien une modernisation de forme – que nous soutenons –, mais reste neutre sur le fond. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, les parlementaires pourront-ils proposer des réformes de fond pour accompagner la mise en place attendue du prélèvement à la source, en particulier dans les domaines que je viens d’évoquer ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Monsieur le député, le droit d’amendement des parlementaires est constitutionnel, donc vous pourrez toujours en proposer !

Plus sérieusement, vous soulevez la question de la conjugalisation et semblez suggérer que nous profitions de cette réforme pour déconjugaliser l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas l’intention du Gouvernement. Notre histoire fiscale fait qu’il n’existe pas aujourd’hui de consensus dans ce pays pour conduire une telle réforme.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Certains évoquent la possibilité d’un droit d’option, auquel, à titre personnel, je ne suis pas non plus favorable, un tel droit d’option étant de fait un droit d’optimisation. En effet, dans quelques cas, certes rares, il serait plus avantageux pour certains foyers fiscaux d’établir des déclarations séparées, ce qui se traduirait par une perte fiscale.

Il n’est donc pas dans l’intention du Gouvernement de déconjugaliser l’impôt. Néanmoins appliquer le même taux moyen aux deux revenus pose un problème de confidentialité, en ce qu’il peut donner une information, même vague, à l’employeur. Surtout, il y a le sentiment que le revenu le plus faible – souvent celui de la femme ou du conjoint qui travaille à temps partiel – est davantage touché par le paiement de l’impôt.

Nous prévoyons donc la possibilité d’opter pour un barème simplifié. Par exemple, pour un couple dont un membre gagne le SMIC et l’autre trois fois le SMIC, le salaire le plus faible pourra bénéficier d’un taux de prélèvement individuel, devenant de fait non imposable – aujourd’hui un smicard célibataire n’est pas imposable dans notre pays. Dans ce cas, le taux appliqué à l’autre membre du foyer fiscal serait relevé de façon à ce que l’impôt global soit conforme au montant à prélever sur l’ensemble. C’est une avancée significative s’agissant de la perception de l’impôt pour le deuxième salaire.

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C’est donc bien une étape vers l’individualisation de l’impôt !

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Venons-en à la question du groupe écologiste.

La parole est à M. Éric Alauzet.

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Monsieur le ministre, ma question porte sur l’amélioration des recettes fiscales. Jusqu’en 2013, les gouvernements successifs, pour équilibrer le budget, ont eu recours principalement à l’augmentation de l’impôt, alimentant le mécontentement de nos concitoyens. Au lendemain du scandale des Panama papers, nous constatons que le véritable problème est en réalité celui de la collecte de l’impôt, en raison notamment de l’optimisation fiscale, voire de la fraude fiscale, avec les conséquences que l’on sait sur les impôts de nos concitoyens comme de nos entreprises.

Bien entendu, la fin du secret bancaire, sur laquelle s’est appuyée la loi relative à la lutte contre la fraude de 2013, a permis à l’État français de récolter 2,5 milliards d’euros par an, allégeant l’impôt de douze millions de ménages aux revenus faibles ou moyens. Cependant, c’est dix fois plus qui pourrait être collecté puisqu’on estime que la fraude et l’évasion fiscales, opérées principalement par les multinationales, coûtent entre 25 et 50 milliards d’euros.

Nous aurons l’occasion d’évoquer ces questions lors de l’examen du projet de loi Sapin 2, qui sera débattu dans un mois et traitera notamment de la corruption. Il nous offrira l’opportunité d’améliorer nos recettes fiscales. Seront discutées dans ce cadre des questions comme la protection des lanceurs d’alerte, la généralisation du reporting public ou encore l’instauration d’un registre des bénéficiaires des trusts.

Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous allez me répondre ce que M. Sapin nous a répondu, à savoir que nous allons nous aligner sur l’Europe. Cela signifie que nous attendrons patiemment la transcription d’une directive européenne sur la transparence des trusts et que le reporting public sera incomplet. En outre, concernant les lanceurs d’alerte, l’Europe vient de lancer une pierre dans notre jardin en défendant le secret des affaires. La question n’est donc pas tant celle des mesures qui seront prises que celle de leur efficacité. Si nous ne sommes pas efficaces, nous ne parviendrons pas à équilibrer nos comptes publics, pas plus en France qu’en Europe. Et on sait comment l’histoire se terminera : par un mécontentement profond et un vote pour les extrêmes.

Ma question porte donc sur l’efficacité : se donne-t-on vraiment les moyens d’être efficace pour restaurer nos comptes publics et assurer une meilleure équité ?

À cela s’ajoutera à la fin de l’année une question très concrète à 4,5 milliards d’euros : faut-il exonérer de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, les plus grandes entreprises, c’est-à-dire offrir 4,5 milliards d’euros d’allégements de cotisations à des multinationales dont un grand nombre ne paient pas leurs impôts ? Je sais que ce n’est pas ce qui vous fera trembler, monsieur le secrétaire d’État, mais il s’agit à mes yeux d’une vraie question.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Vous posez de nombreuses questions utiles, mais je ne veux pas empiéter sur les travaux que vous conduirez dans le cadre du projet de loi dit Sapin 2 sur un certain nombre de sujets. Michel Sapin s’est montré ouvert à des améliorations, par exemple sur la question de la protection des lanceurs d’alerte, et il aura l’occasion de travailler avec vous sur ce point. Le texte du Gouvernement comportera des dispositions en sens et si le Parlement souhaite aller plus loin, le Gouvernement est prêt à y travailler.

Il en va de même pour le reporting public, cette question étant aggravée par une difficulté d’ordre constitutionnel. Vous le savez, le Conseil constitutionnel a accepté qu’une obligation de reporting pays par pays soit imposé aux grandes entreprises françaises et à leurs filiales à la condition expresse qu’il ne soit pas rendu public : cela figure très clairement dans sa décision de décembre dernier sur la loi de finances pour 2016. Je le répète, car mes propos ont été mal compris, voire déformés – mais peu importe – nous sommes favorables à une telle mesure. Le seul moyen de contourner l’obstacle constitutionnel est de faire en sorte que l’Europe adopte le reporting public, puisque l’obligation d’appliquer les directives européennes est d’ordre constitutionnelle. Je vous prie de m’excuser pour la technicité de cette réponse.

Il existe déjà un registre des trusts en France. Reste la question de sa publicité. Elle n’est certes pas secondaire mais un tel registre est avant tout utile à notre administration. Un décret visant à le rendre accessible à d’autres catégories est actuellement à l’étude au Conseil d’État, qui statuera d’ici quelques semaines tout au plus. Vous pourrez aller plus loin dans le cadre du projet de loi Sapin 2 ou de tout autre texte.

Avec l’Allemagne, la France a demandé à l’Europe de s’engager pour que l’ensemble des États membres se soumettent à cette obligation d’enregistrer les trusts, les fondations, en précisant leurs bénéficiaires effectifs, ce qui est une vraie difficulté. Ces registres doivent être échangeables et accessibles aux personnes intéressées.

Nous verrons bien le résultat de ces travaux au niveau européen mais pour la France la question des trusts est réglée et je pense que c’est le cas pour l’Allemagne aussi.

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La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, pour deux questions.

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Monsieur le secrétaire d’État, ma première question porte sur le traitement pénal de la fraude fiscale.

Chaque année, la fraude et l’évasion fiscales nous coûtent entre 60 et 80 milliards d’euros, ce qui équivaut peu ou prou au déficit de notre pays pour l’année 2015, qui est d’environ 75 milliards d’euros.

Les révélations récentes du Consortium international des journalistes d’investigation, permises par l’action courageuse de lanceurs d’alerte, obligent les décideurs politiques que nous sommes à la responsabilité et à l’intransigeance. Alors que les atteintes aux biens et aux personnes font l’objet d’une véritable spirale répressive, les sanctionnant de peines de plus en plus lourdes, la délinquance économique et financière reste globalement à l’abri. Ce laxisme à l’égard de la fraude « en col blanc » est devenu insupportable. À l’heure actuelle, avant qu’une irrégularité fiscale, même intentionnelle, n’arrive sur le bureau du procureur, de multiples maillons administratifs doivent le valider. Notre système de répression de la fraude fiscale fonctionne tel un entonnoir, et le nombre de dossiers que l’on retrouve in fine devant un tribunal correctionnel est infime au regard de la fraude constatée.

Par ailleurs, alors que les moyens humains de la direction générale des finances publiques, la DGFIP, se réduisent d’année en année, notre système privilégie la conciliation, l’arrangement. Les gros fraudeurs savent qu’en échange d’une amende, d’une transaction avec le fisc, l’ardoise sera effacée et aucune poursuite ne sera engagée. L’émoi suscité par les Panamaleaks montre que nos concitoyens en ont assez d’une justice à deux vitesses. C’est bel et bien d’une tolérance zéro que nous avons besoin face à cette criminalité fiscale.

Monsieur le secrétaire d’État, que comptez-vous faire encore pour mettre fin au monopole de Bercy et renforcer les moyens de la justice pénale ? Allez-vous soutenir, par exemple, l’amendement en la matière de notre collègue Éric Bocquet, adopté au Sénat ? Enfin quelle réforme allez-vous mettre en oeuvre pour améliorer l’articulation entre le travail de qualité des agents de la DGFIP et la voie pénale ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Monsieur le député Gaby Charroux, vous soulevez là une question essentielle qui mériterait qu’on y passe beaucoup plus de temps. Je présume qu’elle fera l’objet d’amendements au projet de loi Sapin 2 , suscitant une discussion beaucoup plus large. Je voudrais néanmoins donner ici quelques indications.

Premièrement, il n’y a pas d’arrangement ni de négociation. Les pénalités sont fixées la plupart du temps à 80 % ; elles ne sont ni discutées ni discutables et elles ne sont pas négociées. Notre administration applique la loi et rien que la loi.

Il y a des difficultés cependant. Vous le savez, deux affaires font actuellement l’objet d’une question préjudicielle devant le Conseil constitutionnel, les affaires Wildenstein et Cahuzac, au nom du principe du non bis in idem, selon lequel on ne saurait être condamné deux fois pour les mêmes faits. La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ce sujet n’est pas tout à fait celle de la Cour de justice de l’Union européenne et je crois qu’il serait utile d’attendre la décision du Conseil avant d’ aller plus loin.

Aujourd’hui, environ mille affaires sont transmises par notre administration à la justice après avis de la commission des infractions fiscales : on peut juger que c’est beaucoup ou que c’est peu. On constate en tout état de cause que la justice pénale met du temps à traiter ces questions de fraude fiscale, parce que ce sont des affaires généralement complexes, qui impliquent de grandes entreprises ayant des filiales et pratiquant des prix de transfert. On constate par ailleurs que, la plupart du temps, les sanctions pénales sont plus légère que celles que notre administration a déjà elle-même infligées de façon beaucoup plus rapide – et il ne s’agit pas là pour moi de porter un jugement sur le fonctionnement de la justice.

Il y a là une vraie question qui méritera d’être débattue, et chacun y est prêt. Les jugements qui devraient être rendus sur les deux dossiers évoqués à l’instant nous éclaireront probablement sur les possibilités de revenir sur ce qu’on appelle communément quoique de façon souvent impropre le « verrou de Bercy ».

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Ma seconde question, qui fait écho à la précédente, porte sur les sanctions à l’égard de la fraude et de l’évasion fiscales.

Ainsi que je l’évoquais à l’instant, les Panamaleaks révèlent, après tant d’autres scandales financiers, les carences des moyens mis en oeuvre. C’est une évidence, les fraudeurs ont systématiquement un temps d’avance. Ce fait ne doit pas pour autant nous réduire à l’impuissance ; cela nous oblige au contraire à être extrêmement offensifs et à utiliser tous les moyens possibles pour prévenir la fraude fiscale et la sanctionner plus durement.

Prévenir la fraude fiscale à l’échelle internationale, c’est d’abord être intransigeant à l’égard des États non coopératifs, bien sûr. C’est également définir une vraie liste commune, selon de vrais critères et sans faux-semblants. C’est aussi prendre l’engagement fort de travailler à accroître la transparence de l’activité des entreprises elles-mêmes. Cela a bien fonctionné avec l’obligation de reporting pays par pays, qui s’applique aux banques. Il faut étendre cette obligation à toutes les grandes entreprises, avec ou sans l’aval de nos partenaires européens. Les choses doivent bouger car toute l’Europe est salie par ces scandales.

Enfin, il nous faut des sanctions effectives. La fraude des particuliers ne saurait effacer la fraude des entreprises qui, elle, est colossale. Nous proposons d’agrémenter les sanctions pénales de sanctions financières fortes et dissuasives, comme le remboursement des aides publiques en cas d’utilisation des paradis fiscaux, la majoration de l’impôt sur les sociétés, ou encore le remboursement du CICE. Voilà des pistes très concrètes et qui nous semblent efficaces, monsieur le secrétaire d’État. Que comptez-vous faire pour aller dans ce sens ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Il ne faudrait pas donner le sentiment qu’en matière de lutte contre la fraude fiscale et de redressements fiscaux il n’y a ni pénalité, ni amende, ni sanction. En 2015, le contrôle fiscal a permis d’infliger 21,2 milliards d’euros de droits et pénalités, dont 5,1 milliards de pénalités, soit 25 % du total environ. J’aurai certainement l’occasion de revenir sur la répartition des différents impôts concernés par ce type de redressements.

Concernant les entreprises multinationales, j’appelle votre attention sur un chiffre, car il ne faudrait pas, là non plus, accréditer l’idée, certes insupportable – je vous rejoins sur ce point –, que de grandes entreprises habiles, bien conseillées, pourraient échapper à l’impôt sans être sanctionnées. L’an dernier, les cinq plus gros dossiers de redressements fiscaux d’entreprises ont donné lieu à des pénalités d’un montant de 3,3 milliards d’euros. Ce sont donc des volumes très importants qui sont en jeu. Le secret fiscal m’interdit bien évidemment de vous donner des noms, mais je vois dans les journaux… Je ne peux pas en dire plus.

Des pratiques telles que les prix de transferts, les établissements secondaires ou les doubles irlandais avec sandwich hollandais sont aujourd’hui beaucoup plus faciles à déceler pour nos contrôleurs. La transmission automatique des ruling, par exemple, permet à l’administration de vérifier les prix de transfert et de redresser. Malheureusement, ces procédures donnent lieu à de nombreuses contestations et procédures contradictoires – c’est la loi dans notre pays – qui peuvent donner le sentiment que tout ceci dure trop longtemps. Je ne suis pas sûr qu’une sanction par la voie pénale permettrait d’aller plus vite et plus loin. Nous en revenons au débat que nous avions à l’instant.

Tout n’est pas parfait, bien entendu, mais des progrès gigantesques ont été accomplis ces dernières années sur ces questions, qui demeurent évidemment choquantes pour le Gouvernement, pour le Parlement et pour nos concitoyens.

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La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le secrétaire d’État, à l’occasion de ce débat sur la politique fiscale suivie par le Gouvernement, je ne résiste pas à la tentation de faire une comparaison entre la politique fiscale menée sous le précédent quinquennat et celle qui est conduite depuis 2012.

Sous le précédent quinquennat, la politique fiscale a commencé par l’allégement de l’impôt des plus riches – baisse du plafond du bouclier fiscal, baisse de l’ISF, baisse massive des droits de succession dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA – et s’est terminée par une augmentation massive des prélèvements obligatoires sur les ménages modestes et sur les entreprises, au travers notamment du gel du barème de l’impôt sur le revenu ou de la suppression de la demi-part des veuves. La politique fiscale du précédent quinquennat se résume donc à une augmentation massive des prélèvements obligatoires se traduisant par un accroissement des inégalités fiscales.

Depuis le début de ce quinquennat, …

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… nous avons certes dû, dans un premier temps, augmenter les prélèvements obligatoires…

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… pour faire face aux déficits laissés par nos prédécesseurs. Cette augmentation n’était pas d’un montant supérieur à celle à laquelle vous avez procédé, chers collègues de l’opposition, mais a été menée différemment, puisque nous avons commencé par faire appel à ceux qui pouvaient le plus pour combler les déficits que vous nous aviez laissés.

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Dites ça aux ouvriers qui faisaient des heures supplémentaires !

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Ce quinquennat s’achève après avoir massivement effacé les augmentations des prélèvements sur les entreprises menées depuis 2010 et diminué la fiscalité des ménages en portant son attention sur les plus modestes.

Mes questions sont simples, monsieur le secrétaire d’État. Pouvez-vous, au regard de ce que nous avons fait depuis 2012, nous indiquer des éléments très concrets de cette politique consistant à corriger les inégalités fiscales créées par nos prédécesseurs ? En particulier, comment l’impôt des plus modestes a-t-il été levé ? Deuxièmement, pouvez-vous certifier que cette politique de lutte contre les inégalités fiscales sera confirmée et poursuivie d’ici la fin du quinquennat ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Entre 2009 et 2012, la droite a fait passer le taux des prélèvements obligatoires de 41 % à 43,8 %. Ils ont donc augmenté de 2,8 % du PIB. Celui-ci s’élevant à peu près à 2000 milliards d’euros, une simple multiplication vous montrera qu’on est autour de 50 milliards d’euros. Nous avons effectivement poursuivi certaines hausses d’impôt, pour des raisons que j’ai évoquées dix fois et que je rappellerai une onzième fois : un déficit public supérieur à 5 % et la volonté de le ramener en dessous de 3 %. Dominique Lefebvre a judicieusement rappelé que la méthode était différente et que les foyers concernés n’étaient pas les mêmes.

L’année dernière, pour la première fois, le taux des prélèvements obligatoires est passé de 44,8 % du PIB à 44,5 %, soit une baisse de 0,3 % en 2015.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Si, monsieur le député ! Le taux des prélèvements obligatoires a baissé de 0,3 % entre 2014 et 2015.

En 2016, selon le programme de stabilité que nous avons évoqué cet après-midi, ce taux devrait passer à 44,2 %, donc poursuivre sa baisse. Bien entendu, nous souhaitons aller plus loin. Les mesures du pacte de responsabilité y contribuent. Elles ont concerné les ménages à hauteur d’environ 5 milliards d’euros, conformément à nos engagements.

Peut-on aller plus vite et plus loin à l’aune des recettes et de la conjoncture économique ? Il appartient à chacun d’évaluer la situation. En tout état de cause, les chiffres que j’ai donnés sont têtus : pour la première fois depuis 2009, le taux des prélèvements obligatoires a baissé dans ce pays en 2015 et tel sera encore le cas en 2016.

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Je souhaite revenir sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales que vous avez intensifiée depuis 2012, monsieur le secrétaire d’État, et obtenir une précision sur les chiffres afin d’éclairer notre assemblée.

J’aimerais connaître la ventilation des 21 milliards d’euros que vous avez mentionnés tout à l’heure, en particulier en ce qui concerne les ménages, et d’abord ceux qui contribuent par le biais des procédures normales de contrôle fiscal. Quel en est le rendement ? Ils contribuent en outre par la procédure du service de traitement des déclarations rectificatives, ou STDR, qui est une procédure volontaire. Quel montant en résulte pour les caisses de l’État ? Deuxièmement, vous avez mentionné à propos des entreprises des montants assez importants. Quelle proportion des 21 milliards d’euros provient des contrôles fiscaux sur les entreprises ?

Troisièmement, les modes de calcul de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, utilisés pour les contrôles fiscaux dont les entreprises font l’objet, sont susceptibles d’être revus. Quel est le degré de connaissance de vos services en ce qui concerne les divergences d’appréciation en matière de calcul de la CFE ? J’ai connaissance de quelques exemples et j’aimerais savoir s’ils vous sont parvenus.

Enfin, un dernier point me semble très important : les montants dus à l’issue des redressements ne sont pas toujours effectivement perçus car ils peuvent faire l’objet de contentieux qui durent plusieurs années, notamment s’il s’agit de grandes entreprises. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce point ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Je vous remercie de ces questions, madame la rapporteure générale. J’essaierai d’apporter des précisions en vous laissant le soin de reconstituer l’ensemble. En effet, vous donnez tellement de détails que vous n’aurez sans doute aucune difficulté à vous y retrouver !

À propos du service de traitement des déclarations rectificatives, qui s’occupe des repentis fiscaux, les redressements au titre des droits de mutation à titre gratuit, ou DMTG, ont représenté 536 millions d’euros, ceux au titre de l’ISF 848 millions d’euros, ceux au titre de l’impôt sur le revenu 670 millions d’euros et les redressements au titre des prélèvements sociaux 301 millions d’euros, le reste étant constitué d’amendes pour un montant de 298 millions d’euros exactement. Tel est le produit de ces redressements en ce qui concerne les ménages, le STDR n’ayant pas affaire aux entreprises.

Quant à la décomposition des recettes de 21,2 milliards d’euros au titre de l’année 2015, elle est la suivante : 4,8 milliards d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés ; 2,8 milliards d’euros au titre de l’impôt sur le revenu ; 2,2 milliards au titre de la TVA ; 1,5 milliard au titre du remboursement de TVA ; 1,7 milliard au titre des droits d’enregistrement ; 1 milliard au titre de l’ISF ; 0,5 milliard au titre des impôts locaux ; enfin 1,5 milliard d’euros au titre de la catégorie « divers » – ne me demandez pas ce que c’est. Si vous y ajoutez des pénalités à hauteur de 5,1 milliards d’euros, vous retrouvez le chiffre de 21,2 milliards d’euros.

Je n’ai pas de réponse à votre question à propos de la CFE, et vous prie de m’en excuser. Je n’ai pas réponse à tout mais suis prêt à répondre à une question écrite.

Nous tâcherons d’obtenir une ventilation plus précise entre grandes et petites entreprises. Dans cette attente, je ne peux que répéter ce que j’ai dit tout à l’heure à propos des cinq principaux dossiers dont le traitement a généré 3,3 milliards d’euros. La direction des vérifications nationales et internationales, chargée des dossiers les plus importants a redressé pour 5,8 milliards d’euros en 2015.

En ce qui concerne la durée des procédures et les délais de recouvrement, ils sont malheureusement trop longs. Les échanges automatiques internationaux et les accords fiscaux entre pays d’Europe devraient permettre d’accélérer ces procédures évidemment trop longues.

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Nous en revenons aux questions du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Frédéric Reiss.

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Le 31 mars 2015, les ministres des finances Michel Sapin et Wolfgang Schäuble ont signé un avenant à la convention fiscale franco-allemande de 1959. Depuis la réforme fiscale allemande de 2005, la menace d’une double imposition planait sur les retraités frontaliers qui ont dû régulariser, à partir de 2010, leur situation vis-à-vis du fisc allemand de Neubrandenburg, au prix souvent de pénalités de retard. Ces retraités, qui avaient souvent déclaré leurs revenus en France, devaient ensuite demander le cas échéant un crédit d’impôt, ce qui a posé problème à notre administration fiscale en raison des effets rétroactifs de la mesure.

À partir du 1er janvier 2016, la France versera donc une compensation financière à l’Allemagne en contrepartie du droit exclusif d’imposer les anciens frontaliers dans leur pays de résidence. Des contribuables devront encore régulariser vis-à vis du fisc allemand leur situation antérieure à 2016. Le crédit d’impôt continuera-t-il à fonctionner ?

Dans un courrier du 29 mars dernier, le ministre Sapin m’a confirmé qu’à partir du 1er janvier 2016, les pensions légales allemandes seront soumises à la CSG et à la CRDS. En sera-t-il de même des pensions complémentaires ? Dans le cadre de ce nouveau régime, comment vos services procéderont-ils au recouvrement de ces sommes, sachant que certains contribuables ont reçu des formulaires de la caisse régionale d’assurance vieillesse et d’autres non ? Le nouveau dispositif contribue à la simplification mais je crains que le pouvoir d’achat des frontaliers retraités ne s’en trouve réduit.

Enfin, les frontaliers retraités bénéficieront-ils des déclarations pré-remplies comme la plupart des contribuables français ? Le prélèvement à la source est-il envisagé pour eux aussi ? La transmission des données entre l’Allemagne et la France permettra-t-elle une coopération exemplaire dans ce domaine ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Je vous remercie votre question, monsieur le député. Elle est très technique mais je la connais un peu puisque j’ai eu l’occasion de défendre au Sénat la ratification de cette convention, dont le champ d’application couvre d’ailleurs un territoire qui n’est pas très éloigné de mes terres d’origine !

Disons clairement les choses : cette convention est un progrès considérable par rapport à la situation antérieure héritée de l’histoire que vous avez brièvement rappelée – disant cela je ne jette la pierre à personne. Auparavant, la double imposition était possible et souvent effective sur certains revenus de retraités résidant en France et percevant des pensions des caisses de retraites d’Allemagne. Le progrès est considérable mais des ajustements restent à faire. Je ne répondrai pas à votre question relative aux retraites complémentaires faute d’avoir la réponse.

Quant à la nécessité d’une information la plus précise et large possible des personnes concernées, je suis d’accord avec vous. Je l’ai d’ailleurs dit au Sénat lors de la ratification de cette convention. La coopération avec les services allemands est bonne même si elle peut toujours être approfondie.

Vous m’interrogez également sur les déclarations pré-remplies. Je ne suis pas sûr qu’elles seront disponibles. Quant à la retenue à la source, nos services ont travaillé très récemment sur la question des résidents en France percevant des revenus de l’étranger. Il n’y aura pas de difficulté : ceux-ci feront l’objet d’un appel d’impôt issu de l’administration fiscale. Nous ne pouvons évidemment pas demander à des entreprises ou des organismes de retraite basés à l’étranger de procéder à un prélèvement à la source, peut-être possible en Allemagne mais plus difficile dans des pays plus éloignés ou avec lesquels nous entretenons des relations moins étroites et beaucoup moins sécurisées.

En juillet le Parlement sera informée des dispositions retenues. Nous avons veillé et nous continuerons à veiller à ce qu’elles soient sans conséquences sur les frontaliers et je suis prêt à vous associer à cette démarche, monsieur le député. Même s’il est vrai qu’il faudra expliquer les modalités du changement, reconnaissons que celui-ci sera bénéfique grâce au travail de tous, et notamment des associations de retraités de la Moselle, que je connais bien et qui ont milité en faveur de cette convention.

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Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, les expatriés français, dans leur écrasante majorité, ne sont pas des exilés fiscaux. Loin de cette caricature, ils aiment la France et pourraient redevenir un atout pour notre économie, s’ils n’avaient pas l’impression légitime d’être traités d’une façon injuste au point d’en devenir contre-productive. Vous me permettrez de pointer trois exemples qui illustrent cette injustice parfaitement contre-productive pour notre pays.

Premièrement, l’impôt sur les revenus du patrimoine des non-résidents, ex CSG-CRDS, porte préjudice à ceux-ci et les décourage d’investir en France. Concrètement, dans les salons qui proposent dans de nombreux pays une multitude de services aux expatriés, où on leur conseillait auparavant d’investir en France, on leur conseille désormais d’investir ailleurs car leur revenu sera très insuffisant en raison de cette taxe qui ne frappe que les expatriés.

Deuxième injustice, les personnes ayant leur domicile fiscal hors de France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global imposable selon l’article 164 A du code général des impôts. Cela pénalise nos compatriotes établis hors de France pour le versement des prestations compensatoires, pour les pensions alimentaires ou pour les dons. Cela prive également les associations et fondations de revenus supplémentaires, qu’elles pourraient percevoir si une partie des dons était déductible.

De surcroît, depuis le 24 janvier 2012, à la suite du fameux arrêt « Schumacker », il est permis aux non-résidents assimilés aux contribuables domiciliés en France, dits « non-résidents Schumacker », de déduire certaines charges de leur revenu imposable en France, au même titre que les contribuables fiscalement domiciliés en France. Ne sont concernés par cet arrêt que nos compatriotes domiciliés fiscalement dans l’Union européenne ou dans un État faisant partie de l’Espace économique européen.

Constatant cette nouvelle injustice, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, quand vous mettrez fin à cette différence de traitement qui porte préjudice à ces Français, mais aussi à la France. Ainsi, si je réside en Chine et que je perçois une retraite de France, je ne peux pas déduire un don de cinq cents euros à la Croix rouge. Vous pensez franchement que c’est productif pour la France ? Que comptez-vous faire pour changer ce système ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Même si le sujet est connu et que nous en avons souvent débattu ici, je suis prêt à en discuter une nouvelle fois. Les règles et les standards de l’OCDE, qui tendent à se généraliser, posent un principe : les revenus issus d’un placement, quelle que soit la nationalité de la personne qui les perçoit, sont taxés dans le pays où est logé le capital. Je pense notamment aux revenus immobiliers, imposés dans le pays où se situe le bien. Ce sont les standards internationaux.

Que dit l’arrêt « de Ruyter » sur la CSG et la CRDS ? La Cour de justice européenne, contrairement au Conseil constitutionnel, a considéré que la CSG n’était pas contributive, qu’elle n’ouvrait pas droit à une affiliation à un régime de sécurité sociale. Aussi, si l’un de nos compatriotes est déjà assujetti à un régime de sécurité sociale dans un État de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, il ne peut se voir appliquer la CSG ou la CRDS.

Nous avons fait valoir nos arguments ; nous avons perdu. C’est pourquoi la France rembourse actuellement et notre administration doit traiter de nombreux dossiers, parfois difficiles. Le Parlement a depuis modifié la règle, même si vous n’étiez pas tous d’accord. Il s’agit là d’une situation tout à fait normale, conforme aux standards européens.

Quand à la déductibilité des dons, que je ne peux évoquer que brièvement, on ne fait là aussi qu’appliquer le droit. Les « Schumacker » peuvent déduire une partie de leurs dons, puisque plus de 75 % de leurs revenus viennent de France. Les autres ne le peuvent pas. Il est difficile, tout de même, de percevoir des crédits d’impôt lorsque l’on ne paye pas d’impôt !

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S’ils perçoivent une retraite d’une caisse française, ils en paient !

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Monsieur le secrétaire d’État, la réforme du prélèvement à la source est visiblement mal partie. La meilleure preuve en est que vous avez souhaité reporter l’examen du texte, initialement prévu en juillet, à la fin de l’année.

Cette réforme, qui était censée simplifier la vie des gens, va la compliquer sensiblement pour les entreprises, en particulier les petites, et pour les familles, puisqu’il faudra malgré tout établir une déclaration en fin d’année, qui pourra modifier à la hausse ou à la baisse le montant de l’impôt. Enfin, elle posera un problème considérable de confidentialité.

Contrairement à votre d’habitude d’aller au fond des questions, vous n’avez pas répondu à celle que vous a posée Hervé Mariton sur la réversibilité de la réforme. Sera-t-il possible, en 2017, de modifier les choses ? Il me paraît assez logique que la démocratie puisse s’exprimer aussi sur cette question fiscale majeure.

Je voudrais poser une question précise, qui concerne beaucoup de personnes : les 330 000 assistantes maternelles et leurs employeurs, qui sont plus d’un million. Je rappelle que l’assistante maternelle est une salariée, ce qui signifie que ses employeurs devront verser un impôt chaque mois, dans l’hypothèse où le foyer de l’assistante maternelle paie l’impôt. Cela sera d’autant plus compliqué que l’article 80 sexies du code général des impôts permet aux assistantes maternelles de déduire de leurs revenus une somme égale à trois fois le montant horaire du SMIC, par jour et pour chacun des enfants accueillis.

Cette disposition doit bien évidemment être maintenue, et j’espère que vous le confirmerez, monsieur le secrétaire d’État. Mais vous comprenez bien que la vie des familles qui emploient ces assistantes maternelles va s’en trouver compliquée, tout comme celle des assistantes maternelles, qui devront expliquer à chaque fois le fonctionnement de ce système à leurs employeurs potentiels.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Monsieur le député, ayant l’habitude de jouer franc-jeu et je ne veux pas esquiver la question de la réversibilité. S’agissant du calendrier, il ne s’agit pas de répandre l’idée selon laquelle nous serions dans l’incapacité de proposer un texte. Je vous le dis solennellement, et cela figurera au compte rendu des débats : fin mai, nous présenterons un texte au Conseil d’État, qui aura l’allure et la configuration d’un projet de loi, comportant une étude d’impact et des articles. Mais ce projet de loi ne sera jamais présenté ès qualités au Parlement ; il le sera à l’intérieur du projet de loi de finances. Cette méthode n’a rien de honteux : elle vise à donner le temps au Conseil d’État et au Parlement de travailler en amont de la loi de finances. Vous pouvez ne pas l’apprécier, mais du moins aurons-nous offert cette possibilité.

S’agissant de la réversibilité, je l’ai dit tout à l’heure : l’impôt 2017 sera liquidé. Il appartiendra à la majorité issue des urnes de mettre en oeuvre les dispositions que permettront les moyens techniques. Vous avez la réponse à votre question.

S’agissant de la question des particuliers employeurs, qui concernent non seulement les assistantes maternelles mais aussi les employés à domicile, nos services travaillent sur trois options. La première consisterait à utiliser les services de Pajemploi ou du CESU, le Chèque emploi service universel, pour échanger les informations. Je rappelle que la grande majorité de ces personnes ne sont pas imposables. La deuxième option consisterait à envoyer des demandes d’acompte, comme nous le ferons pour les travailleurs indépendants, sans que l’employeur soit concerné. La troisième option est plus ambitieuse et demande que l’on en vérifie la faisabilité technique : il s’agirait d’instituer un paiement direct par le CESU du salaire de l’employé ; le salaire et les charges seraient prélevés sur le compte en banque du particulier employeur. Ces options sont actuellement étudiées par notre administration. Nous en retiendrons uneet travaillerons à livre ouvert.

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Nous en revenons aux questions du groupe SRC.

La parole est à Mme Monique Rabin.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, nos engagements électoraux vis-à-vis du pays et notre responsabilité dans la COP21 nous obligent. Je veux donc vous questionner sur la fiscalité écologique.

Certes, le ministère de l’écologie met en place des politiques publiques mais, comme vous l’avez rappelé à de nombreuses reprises lors des débats budgétaires, l’effort financier en faveur de l’écologie ne doit pas être mesuré à l’aune du seul budget de ce ministère. La fiscalité écologique joue effectivement un rôle crucial, souvent de dissuasion, mais aussi d’incitation au changement des comportements.

Je veux rappeler les impôts déjà existants en faveur de l’environnement : le versement transport, la taxe sur les installations nucléaires, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la contribution au service public de l’électricité, la CSPE.

Au cours de cette mandature, l’effort financier en faveur de l’écologie a progressé de 7,8 milliards d’euros. Une partie de l’augmentation des recettes fiscales liée à l’effort écologique a reposé sur la contribution climat énergie, la CCE, décidée dans le cadre de la loi de finances pour 2014. Les dépenses fiscales à finalité écologique se déclinent entre le soutien à la rénovation, la montée en puissance du crédit d’impôt pour la transition énergétique et la réduction amorcée de l’écart de taxation entre les deux grandes catégories de carburants, le gazole et l’essence. Parmi les incitations, je veux citer les prêts à taux zéro par lesquels la Caisse des dépôts et consignations accompagnent la rénovation thermique des bâtiments publics de nos communes – une bonne manière de financer à la fois l’emploi et l’environnement !

Nous avons progressé, mais il reste des marges de manoeuvre. Je regrette – je m’adresse en particulier à M. Le Fur – que le Parlement ait bloqué des mesures qui auraient marqué notre législature, comme l’écotaxe par exemple, pour laquelle aucune majorité n’était réunie.

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Je souhaiterais vivement que les investissements, petits ou grands, soient soutenus en fonction de leur apport au développement durable ! Une occasion nous est donnée cette semaine où organisations non gouvernementales, élus, patronat, syndicats et Gouvernement se sont réunis à l’occasion de la quatrième conférence environnementale. Quelles perspectives faut-il en attendre en matière de fiscalité écologique, domaine dans lequel la majorité serait heureuse de vous accompagner ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Madame la députée, vous avez raison de signaler que ce gouvernement et cette majorité ont fait beaucoup progresser la question de la fiscalité environnementale durant les premières années de cette législature. Je crois me souvenir que Valérie Rabault a consacré toute une partie de son rapport à une présentation consolidée des dépenses de l’État en faveur de l’environnement, notamment des mesures liées à la transition énergétique.

En fin d’année nous avons, dans une indifférence quasi générale, ce qui, compte tenu de nos débats, ne laisse pas de m’étonner, modifié assez sensiblement la fiscalité environnementale.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Non, monsieur le député, nous avons respecté la trajectoire qui avait été votée par le Parlement. Nous avons décidé que la CSPE ne serait pas alourdie et que la contribution climat énergie porterait sur l’ensemble des énergies, et non pas principalement sur l’énergie électrique, ce qui constitue une avancée significative.

Vous avez raison de rappeler aussi que la majorité précédente avait échoué dans la mise en place de ce qui s’appelait à l’époque la taxe carbone. Nous avons fixé une trajectoire d’évolution de cette taxe. En 2017, la CCE sera calculée sur la base d’un prix du carbone de 30,50 euros la tonne. j’entends beaucoup parler de la fixation d’un prix plancher du carbone. Il est légitime de poser cette question, mais je rappelle que la France a été précurseur dans ce domaine.

N’oublions pas enfin la politique de convergence entre la taxation de l’essence et celle du diesel. Le Premier ministre a rappelé aujourd’hui qu’elle se poursuivrait en 2017. Le Parlement a déjà voté l’augmentation de la taxe sur le gazole d’un centime et la baisse équivalente des taxes concernant l’essence pour 2016 et pour 2017. Il lui appartiendra de décider s’il veut aller plus vite et plus loin dans cette voie.

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La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Non décidément : la droite et la gauche, ce n’est pas la même chose et c’est encore plus vrai sur le plan fiscal.

En effet, quand la droite crée le bouclier fiscal, c’est pour alléger l’impôt des plus riches. Quand la gauche crée une tranche d’impôt supplémentaire à 45 % pour les revenus excédant 150 000 euros par part fiscale, elle taxe plus les riches.

Quand la gauche limite le quotient familial à 1 500 euros par demi-part fiscale, elle introduit de la justice dans l’impôt.

Quand la gauche abaisse le plafond des niches fiscales à 10 000 euros, elle limite l’avantage des plus riches.

Quand la gauche limite l’abattement sur les droits de succession à 100 000 euros par ascendant et par enfant, elle taxe les gros patrimoines.

Quand la gauche rétablit l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, revalorise la décote et relève de 4 % le seuil du revenu fiscal de référence, elle favorise les plus bas revenus. Quand la gauche impose les revenus du capital comme ceux du travail, elle taxe la rente.

Quand la gauche permet une baisse d’impôt de cinq milliards d’euros pour près de douze millions de foyers fiscaux, les plus modestes mais aussi une partie des classes moyennes, elle lutte contre les inégalités et les injustices sociales. Elle offre du pouvoir d’achat aux plus modestes.

Ce sont bien là des choix et une politique fiscale de gauche, diamétralement opposés à ceux de la majorité précédente, qui réservait ses largesses aux plus aisés.

Renforcer la justice fiscale passe aussi par l’impôt local. La suppression de la demi-part des veuves pour l’impôt sur le revenu, décidée en 2008, avec une application progressive et différée, aurait eu des conséquences dramatiques pour les personnes âgées modestes, qui auraient dû pour la première fois acquitter des impôts locaux. C’est ce qui m’avait amenée à réagir l’an dernier par un amendement. Le Gouvernement est allé encore plus loin et je l’en remercie. J’en profite toutefois pour vous signaler, monsieur le secrétaire d’État, quelques effets d’aubaine liés au mécanisme retenu et qu’il conviendrait de corriger.

La dernière année du quinquennat sera mise à profit pour moderniser l’impôt avec le lancement du prélèvement à la source. Le renforcement indispensable du consentement à l’impôt ne peut pas en effet se limiter à une baisse des prélèvements obligatoires.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que le Parlement sera associé dès le mois de juillet à ces travaux ? Quels sont les principaux bénéfices à attendre de cette réforme ?

Je terminerai par la dématérialisation des déclarations de revenus. C’est une bonne chose quand c’est possible, mais sur les sept communes de ma circonscription que j’ai visitées hier, cinq n’ont pas de couverture numérique. Si rien ne change, ces habitants ne peuvent et ne pourront pas faire leur déclaration en ligne. Pouvez-vous les rassurer ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Voilà beaucoup de questions, madame la députée, toutes aussi intéressantes que légitimes.

Depuis 2014, le Gouvernement a décidé de rendre aux Français une partie des efforts qui leur avaient été demandés, plus par les uns que par les autres et plus pour les uns que pour les autres.

Notre priorité fut de restaurer la situation des contribuables aux revenus les plus modestes qui étaient devenus imposables suite à une accumulation de mesures décidées depuis 2011. Nous avons ainsi restitué cinq milliards d’euros de pouvoir d’achat, en particulier aux ménages aux revenus modestes ou moyens. Nous avons même réparé les conséquences de certaines décisions prises par la majorité précédente. Je pense à la suppression de la demi-part des veuves, qui a eu des conséquences sur le montant de leurs impôts locaux. Cette question a été réglée à la fin de l’année dernière, dans les conditions que vous connaissez. Vous y avez d’ailleurs contribué. En effet, sur votre proposition, le produit de la mesure de convergence entre la taxation du gazole et celle de l’essence sera utilisé pour faire baisser les impôts locaux dus par les ménages que j’évoquais à l’instant.

Vous m’interrogez sur les principaux avantages du prélèvement à la source. La situation ne heurte pas vraiment les consciences mais aujourd’hui, le seul impôt systématiquement rétroactif est l’impôt sur le revenu ! Combien de fois les entreprises nous ont-elles dit souffrir de la rétroactivité de cet impôt, qui s’applique sur les revenus d’une année déjà écoulée ? Nous devons être aujourd’hui le seul pays où l’on ne connaît pas les conditions de l’imposition de ses revenus avant que ceux-ci aient été perçus ! Mettre fin à une telle situation est un des avantages importants de la réforme.

S’agissant de l’obligation de télédéclaration à partir d’un certain revenu, qui sera progressivement étendue, il est bien évident qu’elle ne concerne pas les personnes qui seraient dans l’impossibilité de s’en acquitter. J’espère que leur situation s’améliorera grâce à l’action de collègues également installés à Bercy, même si c’est à un autre étage que le mien.

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La parole est à M. Jean-Claude Buisine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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L’engagement no 9 du programme présidentiel du candidat Hollande était le suivant : « Le déficit public sera réduit à 3 % du produit intérieur brut. Je rétablirai l’équilibre budgétaire en fin de mandat. Pour atteindre cet objectif, je reviendrai sur les cadeaux fiscaux et les multiples niches fiscales accordées depuis dix ans aux ménages les plus aisés et aux plus grosses entreprises ». Cet engagement est en passe d’être tenu. On le sait, la réduction des déficits se poursuit. Les cadeaux fiscaux pour les plus riches ont été largement remis en cause pour favoriser les foyers les plus modestes et les classes moyennes.

Je souhaite plus particulièrement vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur le nombre et le volume de nos niches fiscales.

Si certaines sont indispensables, un rapport de l’inspection générale des finances de juin 2011 rappelait que 19 % d’entre elles, représentant un montant de douze milliards d’euros, sont totalement inefficaces. L’IGF rappelait également que ces niches, trop nombreuses, sont souvent trop peu suivies et ne font que compliquer la fiscalité sans atteindre leur objectif initial. En outre, celles visant un objectif de redistribution creusent parfois les inégalités en réduisant l’impôt des plus riches. Celles dont l’objectif est de d’orienter l’investissement participent d’un système de démocratie censitaire, où l’État laisse aux citoyens aisés le droit de décider quelle politique publique sera privilégiée grâce à leurs investissements privés. Surtout, ces réductions et ces crédits d’impôts rendent le système fiscal illisible et renforcent l’aversion des administrés face à un impôt dont le taux affiché est bien supérieur au taux réel.

Il faut reconnaître d’ailleurs que le Parlement est souvent à l’origine de cette multiplication de niches et est parfois réticent à suivre les initiatives du Gouvernement en ce domaine.

Monsieur le secrétaire d’État, quelle a été l’action du Gouvernement, dans le cadre des différentes lois de finances ou de la loi de programmation des finances publiques, pour tenter de rationaliser et de simplifier notre système fiscal en cette matière ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Merci, monsieur le député, pour cette question qui me permettra d’apporter quelques précisions. Ce sont en général ceux qui ne les utilisent pas qui jugent les niches fiscales inefficaces. Vous avez d’ailleurs raison de rappeler que c’est souvent dans le débat parlementaire qu’apparaissent des réticences à en réduire le nombre et le désir d’en créer nouvelles. Cela part souvent d’une bonne intention ; on commence modestement, puis on en étend progressivement le champ pour finir par les appliquer à tout le monde. On a alors bien du mal à s’en débarrasser !

Le Gouvernement a tout d’abord plafonné les niches à 10 000 euros. Cela n’a pas forcément convenu à tout le monde mais je ne pense pas que cela a gêné beaucoup de retraités modestes. Ce n’est tout de même pas une petite somme que 10 000 euros par foyer fiscal et j’ai été surpris par les hurlements que j’ai entendus à cette occasion !

Nous avons également plafonné le bénéfice du quotient familial. Que n’ai-je alors entendu, notamment de la part de M. Le Fur. Ne peuvent pourtant bénéficier de ce dispositif que ceux qui paient déjà l’impôt, ce qui exclut la moitié des Français, les plus pauvres. Il faut en outre, pour être concerné par ces mesures, payer plus de 10 000 euros d’impôt, s’agissant des niches, ou de 1 500 euros, s’agissant du quotient familial. Nous avons par ailleurs barémisé les revenus du capital. C’est là une mesure d’équité, dans le sens du moins que nous donnons à ce mot.

Il faudra sans doute aller plus loin, notamment au travers de crédits d’impôt pour les foyers modestes – un rapport de Martine Pinville contient un certain nombre de recommandations en ce sens. Les réductions d’impôt, en effet, ne profitent qu’à ceux qui paient des impôts, ce qui exclut une très large, trop large pour certains, partie de nos concitoyens ; les crédits d’impôts, au contraire, profitent à tout le monde. Nous devrons y travailler dans les prochains mois et les prochaines années.

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La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur le sujet de la CSG, dont nous avons déjà longuement débattu. Vous avez rappelé que la France avait été condamnée à deux reprises. Pour ma part, je m’étais appuyé sur une jurisprudence du Conseil d’État qui avait condamné la France à traiter de la même façon tous les Français de l’étranger résidant dans l’Union européenne ou hors de l’Union européenne en ce qui concerne la taxation des plus-values, pour proposer un amendement que vous aviez bien voulu soutenir. Je n’y reviendrai pas. Nous attendons aujourd’hui l’issue d’un certain nombre de procédures, engagées notamment au niveau de la Commission.

Aujourd’hui,nos compatriotes expatriés font l’objet de traitements différents selon leur lieu de résidence. Nous en avons déjà parlé ici et vous m’aviez répondu que vous comptiez engager des démarches. Je voudrais vous apporter plusieurs éléments nouveaux.

Tout d’abord, sans doute parce que les démarches ont abouti, les services fiscaux canadiens acceptent désormais la déduction des prélèvements sociaux – j’ai ici un document qui en témoigne. Il n’y a donc pas de double imposition au Canada.

C’est l’inverse aux États-Unis puisque les Américains n’acceptent pas la position de la France, selon laquelle il s’agit d’impôts, et refusent la déduction. Il est donc important pour nos compatriotes, puisqu’il existe une convention en la matière, que nous puissions connaître les démarches entreprises par le gouvernement français en direction du gouvernement américain, afin qu’il accepte la position de la France et que nos compatriotes ne subissent plus une double imposition.

Je voudrais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous éclairiez sur les démarches qui ont été entreprises depuis que nous avons eu cette discussion, il y a quelques mois.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Vous consacrez, monsieur le député, la moitié de votre temps de parole à un sujet que vous ne vouliez pas aborder !C’est votre droit.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Revenons-y, au contraire. Vous soulevez deux questions bien distinctes. Un jugement a été rendu et une décision a été prise. Vous n’êtes pas d’accord, mais celle-ci, prise par le Parlement, s’impose à vous comme à moi. Certains la contestent, comme c’est leur droit, et nous devons attendre l’issue des procédures. Vous avez un avis, j’en ai un autre : c’est la vie.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Qu’il existe des différences de traitement entre les ressortissants de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen et nos compatriotes qui résident au Canada ou ailleurs, c’est incontestable, et d’ailleurs vous ne trouvez pas à y redire, nonobstant votre désaccord de fond, que vous avez exprimé. C’est peut-être étonnant, mais ce n’est pas choquant. Il n’y a pas là d’illégalité, ni une différence de traitement flagrante qui serait contraire à nos principes constitutionnels.

Reste la question de la double imposition.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Je l’entends bien. Pour une personne résidant aux États-Unis, par exemple, les revenus issus de France sont assujettis à la CSG. Or, selon vous, si la CSG est considérée comme un impôt, elle n’est pas déduite pour autant de l’impôt acquitté aux États-Unis. J’avoue ne pas connaître par coeur tous les cas de figure et j’ignore si l’assiette de l’impôt dû par les Français résidant aux États-Unis inclut les revenus issus de France. Si, comme mes collaborateurs semblent me l’indiquer, tel est bien le cas, la question se pose en effet et il nous faudra travailler avec ce pays, comme d’ailleurs avec tous les autres. Pour de nombreuses raisons nous révisons actuellement nos conventions fiscales. Vous avez validé récemment la modification de l’accord avec la Suisse ainsi qu’une convention avec Singapour ; nous avons parlé tout à l’heure de l’Allemagne…

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Ce que je vous demande, c’est où nous en sommes avec les États-Unis.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Vous savez bien que nous connaissons quelques problèmes de réciprocité avec ce pays. Les travaux de l’OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – nous conduisent à réviser et toiletter l’ensemble de nos conventions. Cela sera fait au rythme, malheureusement, des discussions internationales. En la matière, vous n’ignorez pas que c’est parfois assez long !

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Tout cela n’est pas très précis, c’est le moins qu’on puisse dire !

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Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur l’éventualité d’une taxation des loyers implicites ou fictifs.

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Un loyer implicite, vous le savez, est défini comme ce que les propriétaires occupant leur logement et ayant fini de rembourser leur prêt n’ont pas à payer. Cette notion existe depuis longtemps en comptabilité nationale et est utilisée pour calculer le produit intérieur brut. Certains considèrent en effet que le capital immobilisé dans son propre logement constituerait un avantage en nature. Des économistes soutiennent que l’absence de taxation des loyers implicites favorise les propriétaires et participe de la dégressivité de notre système fiscal.

L’idée n’est pas nouvelle puisqu’elle a été appliquée sur notre territoire entre 1914 et 1965, date à laquelle elle a été abrogée pour relancer l’accession à la propriété. Cependant, en septembre 2013, le Conseil d’analyse économique suggérait de restaurer cette taxation. En octobre 2014, votre ministère indiquait que cette mesure n’était pas à l’ordre du jour. Récemment pourtant de nombreux organes de presse – Le Figaro, L’Express, Le Point, La Tribune – ont évoqué à nouveau ce sujet qui suscite l’inquiétude de beaucoup de propriétaires.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer qu’il n’est toujours pas à l’ordre du jour, comme vous nous l’aviez indiqué en octobre 2014, et qu’il ne le sera pas dans les mois qui viennent ? Réintroduire une telle disposition alors que l’État encourage depuis plus de cinquante ans les Français à devenir propriétaires de leur logement, notamment pour faciliter leur entrée dans la retraite, aurait en effet des conséquences désastreuses pour une très grande partie des 57 % de propriétaires français, dont beaucoup sont des retraités qui ont fait de nombreux sacrifices tout au long de leur vie pour acquérir un logement. J’attends de votre part un démenti clair et définitif sur ce sujet, qui semble revenir dans l’actualité depuis quelques semaines.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Si vous aviez été présent en début de séance, monsieur le député, vous auriez entendu M. de Courson poser la même question, dans des termes quasiment identiques.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

J’ai l’habitude, lorsque je prends le train par exemple, de naviguer sur les réseaux sociaux, et j’y vois fréquemment ressortir de vieux articles. Si j’avais, en toute modestie et humilité, à vous donner un conseil, ce serait de vérifier systématiquement la date de ces articles. Ceux du Point, de La Tribune et des autres journaux que vous avez cités remontent à plus d’une année, parfois à deux.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Mais si, monsieur le député ! Et ce sont des personnes malveillantes qui les ressortent.

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C’est bien pourquoi je vous pose la question, monsieur le secrétaire d’État !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

En anglais, on appelle cela des hoax, mot dont j’ai oublié l’origine précise mais qui désigne la diffusion par certains sites de fausses informations. L’annonce de la taxation des indemnités des sapeurs-pompiers volontaires, par exemple, a été reprise des centaines de milliers de fois, au point que beaucoup d’amis sapeurs-pompiers volontaires m’ont interpellé à ce sujet. Il n’en a pourtant jamais été question !

Pour en revenir au sujet que vous évoquez, je le dis encore une fois très clairement : c’est non ! Il n’en a jamais été question. Que des économistes ou des fiscalistes fassent preuve de créativité dans un rapport, c’est leur droit, fussent-ils membres du Conseil d’analyse économique ! Le Gouvernement, pour sa part, n’a jamais même commencer d’étudier cette mesure et encore moins envisagé de la mettre en oeuvre. Je ne me souvenais plus l’avoir dit en 2014, mais j’ai récemment indiqué sur Facebook qu’il s’agissait d’un hoax.

Comme je l’ai dit tout à l’heure à M. de Courson, je vous invite, je nous invite collectivement à tuer ces rumeurs qui empoisonnent les réseaux sociaux et qui portent trop souvent atteinte à la crédibilité des femmes et des hommes politiques que nous sommes.

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Nous avons terminé les questions sur la politique fiscale du Gouvernement.

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Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Questions sur la politique gouvernementale en matière d’emploi ;

Questions sur les projets d’accords de libre-échange.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly