Séance en hémicycle du 24 mai 2016 à 15h00

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

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L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. À l’heure où s’ouvre à Paris le Salon Innorobo, événement robotique international, et alors que la France, dans ce domaine, occupe une place de choix, nous aimerions savoir comment le Gouvernement accompagne cette évolution inéluctable.

Grâce aux robots, les tâches pénibles ont diminué, les coûts de production ont chuté en quelques années – le prix d’une voiture a été divisé par deux, et ce tout en en améliorant la sécurité et le confort. Et ce n’est pas fini, la robotisation devrait encore s’accélérer.

Une étude de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, estime que 9 % des emplois sont automatisables, dans l’industrie comme dans les services. Mais l’OCDE nous dit aussi que la robotisation, dans les années à venir, entraînera la perte de millions d’emplois.

Comment concilier l’emploi et la compétitivité de nos entreprises ? Avec le chômage de masse que nous connaissons, c’est une première préoccupation, sans oublier les conséquences de la robotisation que sont la diminution de l’assiette des salaires, donc des recettes sociales. Cette perte supplémentaire de recettes pénalisera notre couverture sociale, affaiblira nos retraites et notre sécurité sociale.

Monsieur le ministre, n’est-il pas urgent, pour préserver l’emploi et pérenniser notre système social, d’envisager une fiscalité spécifique sur les robots ou les produits issus de leur fabrication ? Plus que jamais, comme l’écrivait Jean de la Fontaine, né à Château-Thierry, dans la fable Le renard et le bouc, « En toute chose il faut considérer la fin ». Pour nous, la finalité doit être l’emploi et notre protection sociale.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

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Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Monsieur le député, vous raison de souligner l’importance du sujet des robots et plus largement de la transformation de notre économie, de sa modernisation et de sa numérisation.

Dans ce débat, il faut éviter certains raccourcis, en particulier les erreurs que nous avons pu commettre par le passé.

La France, dans les années 1990, a nettement moins robotisé son économie que ses voisins – cinq fois moins que les Allemands, deux fois moins que les Italiens du nord. Avons-nous pour autant préservé l’emploi ? Non ! Le robot n’est donc pas l’ennemi de l’emploi, il est l’un des instruments de sa transformation.

Plus largement, la numérisation de notre économie et sa transformation imposent une mobilisation collective, tout d’abord en matière d’investissements. C’est ce que nous faisons pour accompagner cette transformation. La BPI, Banque publique d’investissement, a ainsi mis en oeuvre une série de prêts pour accompagner nos entreprises vers cette transformation, et des fonds ont été libérés – jusqu’à 8 milliards d’euros de prêts ont été accordés par la BPI, ce qui contribue à l’industrie du futur que nous sommes en train d’accompagner.

Vous avez raison, la numérisation menace des emplois à compétences moyennes, qui sont le coeur de la classe moyenne de notre économie et, historiquement, le socle du financement de notre modèle social. C’est cela notre défi.

La réponse est double.

D’abord, il faut repenser la base fiscale et sociale. Nous avons commencé à le faire avec la CSG et d’autres fiscalités, environnementales ou sur le capital. Il faut poursuivre en ce sens.

Ensuite, il faut une politique de formation volontariste. Notre défi, c’est que celles et ceux qui aujourd’hui exercent des fonctions productives parfois pénibles puissent être accompagnés et suivre une formation continue afin de transformer leur emploi, de les qualifier davantage et de développer des emplois beaucoup plus qualifiés dans notre économie. C’est cela le vrai défi ; c’est cela la vraie réponse.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, il ne vous aura pas échappé que le mouvement engagé contre votre projet de loi est entré dans une phase nouvelle.

Il a débuté par des manifestations dans les rues de nos villes rassemblant des salariés du privé, du public, des lycéens, des étudiants, par l’émergence des « Nuit debout ». Aujourd’hui, la mobilisation s’élargit à des secteurs industriels entiers : les routiers, les dockers, les salariés des raffineries, ceux des transports.

Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que le gouvernement est sourd. Non seulement il ne veut pas entendre le mouvement social,…

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…mais il ne veut pas non plus entendre les députés privés de débat.

Et les propos du Premier ministre, tenus hier et relayés depuis, contre les mobilisations et contre la CGT ne sont pas de nature à calmer le jeu. Vous ne vous en sortirez pas en faisant croire que vous avez face à vous des jusqu’au-boutistes isolés. C’est le contraire qui est vrai : vous êtes les jusqu’au-boutistes !

Le mouvement en cours est populaire : sept Français sur dix continuent de le soutenir, tout simplement parce que chacun mesure de mieux en mieux le danger que représente votre loi pour ses droits et que M. Hollande n’a pas été élu pour cela.

Devant la mobilisation des salariés routiers, vous avez dû opérer un premier recul en maintenant le paiement des heures supplémentaires à 25 % et non à 10 % par l’accord d’entreprise. C’est bien là l’aveu que l’inversion de la hiérarchie des normes de votre loi-programme constitue une régression sociale.

Madame la ministre, c’est le Gouvernement qui s’isole, et le recours à la force, comme ce matin, dans les Bouches-du-Rhône, ne peut qu’accroître cet isolement. Nous en avons vu le développement aujourd’hui.

Il est encore temps d’en sortir dignement en retirant votre projet de loi. Madame la ministre, écoutez les salariés, écoutez les chômeurs ! Cela vaudra beaucoup mieux !

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, je respecte profondément l’engagement syndical, l’engagement de ces femmes et de ces hommes qui choisissent à côté de leurs heures de travail, souvent dans des conditions difficiles, de défendre leur conception du travail, et tentent d’améliorer le sort de leurs collègues.

Nous respectons et nous respecterons toujours la liberté syndicale, la liberté de manifester.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Nous l’avons prouvé. À cet égard, je salue le ministre de l’intérieur, car c’est grâce à la mobilisation des forces de l’ordre que des manifestations ont pu avoir lieu, ces dernières semaines, en plein état d’urgence.

Mais ce que nous n’acceptons pas, et je pense qu’il faut vraiment différencier les choses, ce sont les violences,…

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…par exemple celles que subissent des permanences parlementaires. Nous ne supportons pas non plus qu’on puisse bloquer l’économie de notre pays. De ce point de vue, il est essentiel que nous restions particulièrement mobilisés.

Je vous l’ai dit : la loi travail poursuivra son processus législatif. Le 13 juin, je serai au Sénat pour défendre cette loi, qui donne plus d’heures de délégation aux représentants syndicaux.

Cette loi, en effet, tend à développer une forme de syndicalisme de proximité en donnant plus de confiance aux acteurs de terrain…

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…pour qu’ils trouvent les voies et les moyens de trouver un accord majoritaire, un accord à 50 %, ce qui correspond à ce que préconisaient certains représentants syndicaux.

Monsieur le député, nous sommes bien sûr attachés aux libertés syndicales, mais nous devons rester fermes lorsqu’il s’agit de bloquer des ronds points, car ça ce n’est ni le droit de grève ni le droit de manifester.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais on me dit qu’il n’est pas sur le territoire national, ce qui est un peu surprenant en ces périodes compliquées.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Je souhaite alerter le Gouvernement sur la pénurie de carburant qui risque de gagner tout le pays. Progressivement, les stations d’essence ferment. C’est déjà le cas pour un quart d’entre elles. Et devant celles qui sont encore ouvertes, les files d’attente s’allongent.

Deux mots dominent les conversations de nos compatriotes : pénurie et chienlit. Cette pénurie impacte la vie quotidienne des Français, des familles, de celles et ceux qui veulent aller travailler. Cette pénurie impacte déjà la vie de nos entreprises qui sont, non pas à l’arrêt, mais déjà ralenties. C’est le cas pour les commerciaux, les transporteurs. Et cette situation risque de s’accentuer du fait de la grève dans les raffineries. Comment cela est-il possible, alors que nous sommes en plein état d’urgence ?

Dans ce contexte, le propos du Président de la République – « Ça va mieux ! » – paraît déconnecté de la vie des vraies gens.

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Il apparaît quasiment comme un propos extraterrestre. Il ajoute à l’anxiété de nos compatriotes, qui ont le sentiment que nos dirigeants vivent dans un autre monde que le leur.

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Ce n’est pas un sentiment. C’est une réalité !

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Notre Premier ministre met fréquemment en avant la liberté de manifester. Ici, avec mon groupe, je voudrais mettre en avant la liberté de circuler, d’aller et venir, la liberté d’aller à son travail, la liberté d’en revenir.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le Premier ministre, quand cette liberté deviendra-t-elle réelle ? Quand la pénurie de carburant cessera-t-elle ? Quand la chienlit s’arrêtera-t-elle ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

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Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche

Monsieur le député, vous le savez parfaitement, il n’y a pas si longtemps, en 2010, la France a été confrontée à une situation identique.

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Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche

Il y avait à l’époque à peu près deux fois plus de stations en difficulté : pratiquement 5 000, soit 40 %, contre 20 % aujourd’hui.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche

Et je n’aurai pas la cruauté de rappeler la teneur des questions d’actualité et des réponses à cette époque.

Là où vous avez raison, c’est quand vous demandez au Gouvernement comment il répond à cette situation. Il y avait deux problèmes.

Le premier concernait le mouvement des chauffeurs routiers. J’ai adressé une lettre.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche

Vous pouvez constater que ce mouvement, qui est à l’origine des difficultés, est aujourd’hui apaisé, parce que le Gouvernement a maintenu le dialogue.

La deuxième question concerne la liberté d’accès au stock. Aujourd’hui, le Gouvernement s’est engagé à libérer l’ensemble des dépôts. Je partage votre appréciation : nous devons avoir la possibilité de desservir les stations. Tous les dépôts qui sont occupés, notamment par d’autres personnes que les grévistes, sont libérés. Cela a été le cas hier et ce matin. Ce sera encore le cas cet après-midi. Donc l’ensemble des camions disponibles fonctionne.

Je veux le dire simplement à tous ceux qui nous écoutent : on parle de pénurie, mais la vérité – c’était déjà un peu le cas en 2010 – c’est que, ces trois derniers jours, nous avons aussi – c’est sans doute normal – battu tous les records de consommation. L’augmentation atteint 500 % dans certains secteurs, en raison des approvisionnements de précaution. C’est ce que nous disent les pétroliers que nous avons réunis ce matin.

Je pense que la situation est aujourd’hui stabilisée. Le Gouvernement tient bon sur ces deux objectifs : liberté d’accès aux dépôts et desserte de l’ensemble des stations-service.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La République, notre République, est riche – et même très riche – de ses serviteurs. Elle est riche de ses soldats, qui se battent courageusement sur les fronts extérieurs, comme avec Barkhane dans le Sahel. Elle est riche de ses gendarmes qui oeuvrent chaque jour, comme celui du GIGN qui a été tué il y a quelques jours au cours d’une intervention visant à maîtriser un forcené, ou comme les quatre gendarmes du peloton de gendarmerie de haute montagne qui ont payé de leur vie, dans notre massif du Vignemale, un exercice d’entraînement au service de leurs concitoyens. Elle est riche – très riche – de ses policiers,…

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Ils en prennent plein la gueule !

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…qui protègent nos manifestations et les encadrent…

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…comme ce commandant de police que certains ont voulu lyncher ou comme ces deux policiers qui ont été sauvagement et lâchement agressés alors qu’ils patrouillaient dans un véhicule de police.

Ces serviteurs de la République ont un point commun : ils servent la République…

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…pour la protection de nos concitoyens et au péril de leur vie

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, sur les bancs du groupe Les Républicains et sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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C’est pourquoi ils ont besoin de notre estime, de notre solidarité et de notre affection

Mêmes mouvements.

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La République qu’ils servent est fondée sur l’ordre, l’ordre des lois de la République qui, contrairement à ce qu’allèguent certains, ne sont nullement répressives, mais protectrices et émancipatrices. Ces lois de la République, il faut en faire la pédagogie chaque jour, à l’école comme ici, dans le débat public.

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Et nous voulons vous dire que nous comptons sur le Gouvernement de la République pour appliquer ces lois de la République fermement et sereinement

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, je voudrais d’abord m’associer à l’hommage que vous venez de rendre aux forces de sécurité qui depuis plusieurs semaines, et même plusieurs mois, sont mises à rude épreuve. La semaine dernière, cinq gendarmes ont trouvé la mort : quatre dans votre département, dans le cadre d’un exercice conduit par le peloton de gendarmerie de haute montagne, qui paie chaque année un très lourd tribut pour sauver la vie de certains de nos compatriotes en danger, et un autre, membre du GIGN, dans le cadre d’une opération destinée à neutraliser un forcené.

Depuis le début du mouvement social, et par-delà ce mouvement, dans le contexte de la très forte menace à caractère terroriste qui pèse sur notre pays, les gendarmes, les policiers, mais aussi les pompiers payent un lourd tribut pour assurer la protection des Français. Je veux leur rendre un vibrant hommage. Lorsqu’on se retrouve derrière le cercueil de ceux qui ont perdu la vie, aux côtés de leurs enfants, comme j’ai pu le vivre au cours des derniers mois, ces enfants qui portent parfois l’anorak de leurs parents en témoignage du travail accompli et en hommage à leur sacrifice, on éprouve une émotion considérable, mais aussi une réalité : les forces de l’ordre sont victimes de violences qui devraient conduire tous les théoriciens de la consubstantialité de la violence à la police à changer de registre.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Dans ces circonstances, nous devons bien sûr aux forces de sécurité de leur donner des moyens.

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C’est d’un ministre qu’elles ont besoin !

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

C’est la raison pour laquelle nous créons 9000 postes dans la police et dans la gendarmerie, pour qu’elles aient les moyens de remplir leur mission. C’est cela, l’autorité de l’État : donner à la police et à la gendarmerie les moyens de conduire leurs missions – une augmentation de 17 % de leurs crédits de fonctionnement, l’équipement des brigades anti-criminalité, les BAC, et des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, les PSIG, mais aussi de nouveaux moyens pour leur permettre de se protéger lorsqu’elles sont victimes d’agressions. Voilà ce que nous faisons, et cela implique du respect !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à M. Patrick Weiten, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Ma question s’adresse au Premier ministre. La semaine dernière, la ministre de l’environnement annonçait vouloir fermer, parmi les six centrales nucléaires frontalières, celles de Fessenheim, de Bugey et celle de Cattenom, en Moselle.

Outre le fait que cette annonce a été faite au détour d’un petit déjeuner avec des ambassadeurs, je m’étonne qu’une telle nouvelle n’ait pas fait l’objet d’une concertation locale préalable, d’autant que c’est bien la première fois que le Gouvernement mentionne la fermeture de Cattenom.

Mais cette attitude est-elle réellement surprenante au vu de la cacophonie qui entoure déjà le dossier de Fessenheim ?

Une nouvelle fois, le ministère de l’environnement a préféré camper sur des positions idéologiques, n’hésitant pas à contredire et le Président de la République, qui a pourtant rappelé lors de la Conférence environnementale que « fermer des centrales n’est pas une décision qui s’improvise », et le groupe EDF, qui a déjà engagé le chantier du grand carénage, estimé à 3,5 milliards d’euros et dont l’un des objectifs est de prolonger l’exploitation de la centrale de Cattenom au moins jusqu’en 2042.

Il y a un mois, Mme Ségolène Royal affirmait que les fermetures ne concerneraient pas les réacteurs en bon état de marche ou ayant fait l’objet d’investissements importants. Le 28 février, elle se disait même « prête à donner le feu vert » au prolongement de la durée de vie des centrales françaises, « sous réserve de l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire ».

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Cette même Autorité qui rappelait le 5 avril dernier, par la voix de son président, qu’il n’y avait pas de problèmes spécifiques à Fessenheim, à Bugey et à Cattenom.

Sur ce dossier, comme sur beaucoup d’autres, nous n’en sommes malheureusement plus à une improvisation et à une contradiction près. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous donner la position claire et précise du Gouvernement sur l’avenir de Cattenom, et plus généralement sur le devenir du parc nucléaire français ?

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

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Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Vous en conviendrez avec moi, monsieur le député : les sujets énergétiques, et en particulier celui de l’énergie nucléaire, ne justifient ni les polémiques ni les clivages partisans.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Ce sont des sujets suffisamment sérieux pour que les différentes prises de position ne s’appuient pas sur les seules rumeurs, mais sur des déclarations en bonne et due forme.

Mêmes mouvements

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Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Il y a eu ici un débat approfondi sur l’avenir énergétique de la France ; l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté le nouveau modèle énergétique français. Il y a donc des règles claires, et ce n’est pas sur des rumeurs qu’il faut fonder de telles polémiques.

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Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Cela dit, il est vrai – vous le savez, ce n’est pas une surprise – que nous avons un certain nombre de centrales nucléaires le long de nos frontières – Cattenom, Bugey, Fessenheim – et que nos amis des pays limitrophes nous interrogent régulièrement à ce propos. Nous leur avons d’ailleurs donné partiellement satisfaction, puisque la loi de transition énergétique intègre les élus de l’autre côté des frontières dans les commissions locales d’information. C’est la raison pour laquelle le dialogue continue. C’est dans un esprit de dialogue,…

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Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

…alors que les pressions sont très fortes…

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Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

…qu’un état des lieux a pu être dressé. Celui-ci est parfaitement clair. Vous savez que les centrales françaises ont des autorisations de durée de vie de quarante ans, dont un certain nombre arriveront à échéance à partir de 2017. Suivant l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, elles auront oui ou non la possibilité de prolonger leur durée de vie. D’autres devront en effet fermer. C’est dans le cadre de cet équilibre, en toute transparence, que les décisions seront prises avec l’entreprise EDF.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le ministre de l’intérieur, le désordre s’est installé dans le pays.

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Un député du groupe Les Républicains

Eh oui !

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Les forces de l’ordre en paient le prix, et l’image de la France à l’international s’en trouve une fois de plus affaiblie. En laissant les casseurs et les incendiaires s’emparer de la rue, aidés en cela par le laxisme d’une justice désarmée après le passage de Christiane Taubira,

Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen

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vous laissez le pourrissement s’installer au coeur de nos cités.

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Jour après jour, la loi est bafouée et les forces de sécurité se savent condamnées par la faiblesse du Gouvernement et l’absence d’autorité au plus haut sommet de l’État.

Deux événements d’une gravité extrême symbolisent votre échec.

Tout d’abord, à Nantes, terrain de jeu de toutes les violences des zadistes de Notre-Dame-des-Landes, où un CRS a été littéralement lynché, François Hollande est coupable d’avoir conforté la présence de ces barbares en refusant d’engager les travaux de construction du nouvel aéroport. Maintenant, il s’agit pour le Président de la République non seulement de condamner ces violences, mais également d’en assumer la responsabilité.

Ensuite, à Paris où, pour éviter une tentative d’homicide par incendie, un policier courageux s’est défendu à mains nues parce qu’il sait qu’en utilisant son arme, il aurait été accablé par les prétendues bonnes consciences de gauche,…

Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.– Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains

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…dernier soutien de ce gouvernement à la dérive.

Il est grand temps de rappeler à tous ces délinquants que nos policiers et nos militaires ont le droit d’utiliser leur arme de service quand leur vie est menacée, pour que force reste à la loi.

Ces derniers jours, la situation s’est considérablement dégradée, et le mitraillage scandaleux d’une permanence PS en est une illustration supplémentaire.

Monsieur le ministre, les Français n’en peuvent plus de cette chienlit. Allez-vous enfin prendre vos responsabilités en demandant la dissolution des groupuscules d’extrême-gauche, qui profitent de la faiblesse du Président de la République pour imposer leur violence et l’anarchie dans les rues de nos villes ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, je pense que l’excès de nuance vous guette.

Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je voudrais reprendre, un à un, chacun de vos propos.

J’ai rencontré ces policiers, notamment celui, extrêmement courageux, qui se trouvait dans la voiture et qui, par ses gestes, a fait montre d’une maîtrise qui fait honneur à la police. Vous auriez pu souligner à quel point il donne une belle image de la police de France

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

là où, par votre question, vous avez donné une bien vilaine image de ce qu’est la politique lorsqu’elle dérape.

Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Lorsque je me rends – ce que je fais systématiquement – aux côtés des policiers de France qui ont été frappés, ils me disent qu’ils sont désolés d’entendre un certain nombre d’acteurs de l’opposition expliquer, avec outrance, que l’autorité de l’État est remise en cause alors qu’ils ont perdu 13 000 emplois, que leurs crédits ont été diminués de 17 %,

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

que les brigades anticriminalité et les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie – PSIG – ont été désarmés faute d’avoir été rééquipés pendant des années.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.– Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Un député du groupe Les Républicains

Répondez à la question !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Les policiers et les gendarmes de France me disent qu’il sont particulièrement sensibles, alors qu’ils sont agressés, au fait que l’on ait pu interpeller près de 1 500 personnes, placer 1 000 personnes en garde en vue, et un certain nombre en détention, notamment celles qui ont agressé les policiers dans la voiture, ce que vous avez oublié de rappeler, oubliant ainsi de rappeler à quel point nous faisons preuve de fermeté.

Les policiers et les gendarmes de France sont capables de constater par eux-mêmes que c’est dans une loi présentée par le Gouvernement que des dispositions ont été adoptées pour leur permettre de faire face à des tueries de masse. Les policiers et les gendarmes de France sont capables de voir que c’est ce gouvernement qui corrige les manquements du gouvernement que vous avez soutenu.

Mmes et MM les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen se lèvent et applaudissent. – Huées sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, je tiens à saluer la victoire de l’écologiste Alexander Van der Bellen à la présidence autrichienne,

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen

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une victoire certes relative au regard du score bien trop élevé de son concurrent d’extrême droite, qui ne doit pas nous faire oublier l’exigence du rassemblement.

Je poserai ma question à Mme Ségolène Royal au nom des députés écologistes.

Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Il n’y en a plus !

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Madame la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, depuis le 20 mai dernier, les tarifs sociaux de l’énergie ont disparu pour laisser place au chèque énergie. Ce dispositif permet aux ménages aux revenus les plus modestes – disposant d’un revenu annuel inférieur à 7 700 euros – de payer une partie de leur facture énergétique. Ce chèque permet d’élargir les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz, puisque son montant est progressif, à l’avantage des personnes les plus démunies.

En tant qu’écologistes, nous saluons cette mesure qui se veut solidaire et équitable. Véritable avancée d’une gauche sociale et écologiste, ce nouveau dispositif permet de lier les combats qui nous sont chers : la justice sociale, en débloquant des fonds supplémentaires à destination des plus modestes, et l’écologie, car cette mesure, qui s’inscrit dans le cadre de la loi de transition énergétique, permet d’aider à rénover les logements les plus énergivores.

Aujourd’hui, les Français dépensent en moyenne 1 697 euros pour les énergies domestiques. Mais près de 8 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique : elles connaissent de grandes difficultés pour disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à leurs besoins élémentaires. Le chèque énergie se veut l’une des réponses à cette précarité énergétique.

Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les suites que va connaître ce dispositif, aujourd’hui encore expérimental ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Madame la députée, comme vous l’avez indiqué, le chèque énergie a d’ores et déjà été créé. Il est actuellement expérimenté dans quatre départements : l’Ardèche, l’Aveyron, les Côtes-d’Armor et le Pas-de-Calais. Je remercie d’ailleurs les élus de ces territoires, qui se sont portés volontaires pour l’expérimentation de ce chèque énergie qui va concerner 170 000 personnes et introduira deux changements par rapport aux tarifs sociaux de l’électricité et du gaz. Premièrement, ce chèque permettra de payer toutes les formes d’énergie. Je pense en particulier aux retraités résidant en milieu rural et disposant de très petites pensions, qui sont encouragés à utiliser, par exemple, des chaudières au bois. Deuxièmement, le chèque énergie permettra de réaliser des travaux d’isolation du logement.

Vous le voyez, il s’agit d’une expérimentation de bon sens, concrète, qui permettra de lutter contre la précarité énergétique et d’aider les ménages modestes à entrer dans la transition énergétique, en leur permettant d’accéder aux travaux d’économie d’énergie. Une fois cette expérimentation évaluée, nous la généraliserons, à partir de l’hiver prochain, dans tous les départements volontaires, puis à la totalité du territoire.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le ministre de l’intérieur, beaucoup de Français sont heureux de voir arriver en France le championnat d’Europe de football, l’un des événements sportifs les plus importants de la planète, et beaucoup se préparent à vivre cet événement comme une fête. Cependant, après les incidents extrêmement graves qui ont été constatés samedi dernier au Stade de France à l’occasion de la finale de la Coupe de France, il ne faudrait pas que la fête tourne au drame.

À l’occasion du débat qui a eu lieu ici même jeudi dernier sur la prorogation de l’état d’urgence, mon collègue Philippe Goujon et moi-même avons fortement insisté sur le fait que, compte tenu des pressions exercées sur nos forces de police non seulement par l’Euro, mais aussi par le terrorisme et les mouvements sociaux, notamment, il n’était pas raisonnable que les pouvoirs publics érigent des fans zones dans les grandes villes de France, en particulier autour de lieux emblématiques tels que la Tour Eiffel, dans lesquels pourraient se réunir tous les soirs jusqu’à 92 000 personnes derrière un grillage. Nous vous avons demandé d’organiser ces fans zones dans des lieux mieux protégés, à l’intérieur de stades.

Or, samedi dernier, il s’est passé des choses très graves au Stade de France. Toutes sortes d’objets interdits ont été introduits dans le stade, des feux ont été allumés, des spectateurs ont témoigné que les fouilles n’étaient pas effectuées correctement, et le préfet de Seine-Saint-Denis lui-même, qui avait mis en place un système de sécurité inédit, a dû constater publiquement que celui-ci avait « cédé ».

Dans ces conditions pour le moins inquiétantes – vous en conviendrez, monsieur le ministre –, je voudrais vous poser calmement…

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… la question suivante, en souhaitant que vous y répondiez calmement, sans vous énerver, sans faire de mauvaise politique, sans démagogie éhontée : comment comptez-vous remédier aux failles béantes que la finale de samedi dernier a révélées ? Pensez-vous maintenir à Paris les fans zones, qui représentent un risque majeur pour la sécurité de la ville ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député Lellouche, je réponds toujours calmement, notamment à vos questions, car elles sont toujours posées avec une extrême amabilité.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Et lorsque les questions sont ainsi posées, il n’y a aucune raison d’y répondre autrement.

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Un peu moins de condescendance et un peu plus d’efficacité, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Que s’est-il passé samedi dernier ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Samedi dernier, à l’occasion du match qui s’est tenu au Stade de France, un certain nombre de problèmes sont apparus. Le premier élément sur lequel je voudrais insister est que l’organisation de ce match n’est pas celle qui prévaudra durant l’Euro 2016. Les organisateurs ne sont pas les mêmes, les dispositifs de sécurité qui ont été mis en oeuvre ne sont pas les mêmes que ceux que nous mobiliserons.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

En revanche, les dysfonctionnements qui ont été constatés doivent être pris en compte pour l’organisation de l’Euro 2016.

Pourquoi y a-t-il eu ces dysfonctionnements ? Parce que le nombre d’entrées et de zones de préfiltrage prévues pour ce match était insuffisant, ce qui a posé un problème de fluidité des entrées, et par conséquent d’efficacité des contrôles.

Constatant que les structures en charge de la sécurité dans le stade, au nombre desquelles la Fédération française de football, n’avaient pas signalé correctement les entrées et n’avaient pas rempli leurs obligations, j’ai réuni l’ensemble des organisateurs hier, au cours de trois réunions. L’ensemble du dispositif de sécurité a été réexaminé pour atteindre trois objectifs : fluidité des entrées, efficacité des fouilles et des palpations de sécurité, fluidité des sorties. Le dispositif sera ainsi totalement revu à partir du retour d’expérience et des préconisations d’hier.

J’ai également demandé aux préfets de zone, que j’ai convoqués hier, de bien vouloir superviser l’ensemble du dispositif dans chaque ville. Je me suis enfin entretenu avec Alain Juppé

Mouvements divers.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

hier soir, et nous sommes convenus ensemble que, ces mesures prises, les fans zones seraient maintenues.

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La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le ministre des affaires étrangères, en proie à une conjonction de crises sécuritaire, migratoire, économique voire culturelle, l’Europe ne va pas bien. Alors que ces crises exigeraient une convergence des objectifs nationaux, ce sont au contraire les divergences qui s’accroissent, entre le Nord et le Sud, et au sein du couple franco-allemand.

Faute d’avoir respecté ses engagements européens sur les plans économique et budgétaire, la France a perdu sa crédibilité et son influence auprès de nos partenaires. Où est la France quand Mme Merkel exhorte seule l’Europe à mettre en oeuvre un mécanisme de répartition pour l’accueil des migrants, contredite le lendemain par notre Premier ministre, lui-même contredit le surlendemain par le Président de la République ? Les résultats de l’élection présidentielle en Autriche ne devraient-ils pas nous mener à nous interroger ?

Que dit la France quand l’Europe, oubliant ses valeurs, confie la gestion de ses frontières extérieures à la Turquie ? Où est la France quand M. Obama se rend en Europe mais ne s’arrête qu’en Allemagne et au Royaume-Uni ? Qui représentait la France lors de la remise du prix Charlemagne, en présence d’Angela Merkel, Matteo Renzi, Jean-Claude Juncker, Martin Schulz ?

À l’heure où ce monde incertain attend des Européens qu’ils affirment un projet commun, monsieur le ministre, nous vous le demandons à nouveau : avez-vous encore une politique européenne ?

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député Michel Piron, oui, la France est évidemment au coeur de toutes les décisions qui sont prises en Europe.

Rires sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Quand il s’agit de négocier avec la Russie et l’Ukraine en présence de l’Allemagne pour que le conflit entre ces deux Etats cesse, c’est le Président de la République qui prend l’initiative ; cela s’appelle le « format Normandie ». Quand il s’agit de décider de l’avenir de la zone euro, de la question du maintien de la Grèce en son sein, c’est le Président de la République qui convainc l’ensemble des membres de la zone euro de ce maintien, en accord, évidemment, avec l’Allemagne.

Quand il s’agit de faire face à la crise des réfugiés et de dire que l’espace Schengen, cet acquis qu’est la liberté de circulation à l’intérieur de nos frontières extérieures communes, ne pourra pas être préservé sans que soit instauré un véritable contrôle de ces frontières, c’est le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, et le ministre allemand de l’intérieur, Thomas de Maizière, qui proposent la révision du code Schengen, la mise en place d’un corps européen de gardes-frontières et le rétablissement d’un vrai contrôle de nos frontières extérieures communes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Et même lorsque, comme vous venez de le rappeler, le prix Charlemagne est remis à une haute autorité morale, le Pape François, la France est évidemment représentée par un membre du Gouvernement, en l’occurrence Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui a remis à cette occasion au Pape François une invitation du Président de la République à venir en France.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Et le Pape accepte bien évidemment cette invitation, je peux vous le confirmer.

Oui, l’Europe est confrontée à des crises. Nous y ferons face ensemble, avec les autres Européens, en particulier avec l’Allemagne, qui est notre principale partenaire. Sur tous les bancs de cette assemblée, nous devrions plutôt nous unir afin que soit entendue la voix de la France, qui défend une Europe fondée sur des valeurs, valeurs qui ont permis de battre l’extrême droite hier en Autriche, une Europe fondée sur la solidarité et dont l’ambition est de peser dans le monde de demain.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Guénhaël Huet, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur l’abandon du secteur de la recherche par le Gouvernement.

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Vous vous étiez engagé, monsieur le Premier ministre, à sanctuariser le budget de la recherche. Or un décret d’annulation de crédits publié la semaine dernière prévoit la suppression de 256 millions d’euros sur le budget de la recherche. Une fois de plus, votre gouvernement ne tient pas ses engagements et sa parole perd le peu de crédit qu’il lui reste !

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À l’opposé, nos voisins allemands ont augmenté leurs dépenses de recherche et développement de 75 % en dix ans et le gouvernement américain a décidé de doubler son effort en matière de recherche sur l’énergie. Vous prenez donc le chemin strictement inverse de deux puissances économiques particulièrement compétitives. Vous sacrifiez la recherche française et l’avenir des générations futures alors que nos principaux concurrents font, eux, le choix de la recherche et de l’avenir.

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Sept prix Nobel l’ont d’ailleurs très bien compris et ont dénoncé publiquement, ce qui est suffisamment rare pour être souligné, ce recul de l’investissement de l’État dans la recherche.

Par cette décision, vous pénalisez le secteur industriel français et la recherche médicale, qui n’ont pourtant pas besoin de cette nouvelle sentence. Vos décisions, qui manquent clairement de vision à long terme, accentueront le départ des meilleurs chercheurs français à l’étranger. La France fait donc un pas de plus vers la médiocrité en renonçant à faire les efforts nécessaires pour rester une nation d’excellence.

Monsieur le Premier ministre, quand comprendrez-vous que l’intérêt de la France réside plus dans le développement de la recherche que dans l’augmentation de l’aide médicale d’État ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.– Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, la France est au cinquième rang des pays de l’OCDE en matière d’efforts de recherche. Nous en sommes fiers. Ce gouvernement a toujours soutenu la recherche et continuera à le faire.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Vous avez évoqué les annulations de crédits d’un montant de 134 millions d’euros en effet prévues dans le cadre des mesures de régulation budgétaire qui touchent chaque ministère, sauf exception. Ces annulations de crédits ont éveillé l’inquiétude de la communauté scientifique, comme vous l’avez rappelé à juste titre. Je vais y répondre en réaffirmant l’engagement total de ce gouvernement, depuis le début du quinquennat, en faveur de la sanctuarisation des fonds pour la recherche, quel que soit le contexte budgétaire.

« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Les annulations prévues dans le cadre du décret d’avance n’auront aucun impact sur l’activité des organismes de recherche.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Il s’agit de recalibrer les fonds de roulement et les trésoreries de ces organismes sans que ni leurs dépenses, ni l’exécution de leurs budgets, ni les conditions de travail des chercheurs ne soient affectées. Les recrutements de chercheurs ne le seront pas non plus et seront maintenus au niveau prévu.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Vous croyez que les chercheurs ne savent pas lire ?

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Aucun programme de recherche ne sera altéré par ce dispositif de régulation budgétaire.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Je m’engage même ici, si ces 134 millions d’euros venaient à manquer aux organismes dans la conduite de leurs projets, à prendre les mesures nécessaires pour abonder à nouveau leurs crédits.

Les chercheurs, en particulier les prix Nobel que vous avez évoqués, qui appellent notre attention et nous incitent à être ambitieux pour la recherche en matière budgétaire, ont parfaitement raison.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

C’est parce que ce gouvernement l’a parfaitement compris qu’une enveloppe supplémentaire de 65 millions d’euros permettra dès le mois prochain à l’Agence nationale de la recherche de retenir davantage de projets en 2016. Cet effort sera porté à 120 millions d’euros l’année suivante. C’est parce que nous l’avons compris que le Président de la République vient d’annoncer qu’au moins 5 des 10 milliards d’euros du PIA 3 seront consacrés à la recherche.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Anne-Christine Lang, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, la politique de refondation de l’école menée depuis 2012 s’est fixé l’objectif ambitieux d’accompagner tous les élèves vers la réussite, quels que soit leur situation, leurs difficultés et leurs handicaps, rompant avec la logique de l’entre soi et de l’exclusion qui a trop longtemps prévalu dans le système éducatif français.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour lutter contre les inégalités d’accès à l’enseignement dues au handicap, l’école inclusive est devenue une priorité en 2012. Les élus, les parents et citoyens que nous sommes savent combien la scolarisation des enfants porteurs de handicap en milieu ordinaire est cruciale pour leur développement, mais nous savons aussi combien leur parcours est encore trop semé d’embûches, de déceptions et souvent de blessures. C’est la raison pour laquelle, conformément aux engagements du Président de la République, un effort considérable a été entrepris depuis 2012. Il se traduit par la scolarisation de 280 000 élèves porteurs de handicap, soit une augmentation de 25 % depuis le début du quinquennat. Dès lors, la situation des auxiliaires de vie scolaire chargés de l’accompagnement de ces enfants en classe ainsi que la qualité de cet accompagnement revêtent une importance déterminante.

Pourtant, la précarité des AVS et la non-pérennité de leur présence auprès des élèves sont encore la règle dans la plupart des établissements scolaires. Jeudi dernier, le Président de la République a annoncé la fin de la précarité des AVS, la pérennisation de leurs postes et la transformation des contrats aidés en CDD, puis en CDI. À terme, 32 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap seront créés.

Au lieu de se gausser et de ricaner sur les réseaux sociaux devant tel ou tel acronyme, certains feraient mieux de penser aux familles concernées et de convenir qu’il s’agit là d’une avancée sans précédent en faveur de la scolarisation des enfants handicapés !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pouvez-vous préciser, madame la ministre, comment ces nouvelles mesures se traduiront concrètement dans nos écoles pour les enfants en situation de handicap ?

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La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Merci pour votre question, madame la députée. Je n’étais pas encore ministre en charge de l’éducation nationale lorsque vous avez adopté ici la loi de refondation de l’école, mesdames, messieurs les députés, mais je dois avouer que j’ai ressenti une vraie émotion lorsque vous avez inscrit pour la première fois dans la loi, dans le code de l’éducation, la notion d’école inclusive. Nous avons fait franchir à notre pays une vraie étape qui se traduit pratiquement dans les décisions que nous prenons depuis 2013. Ainsi, nous avons décidé de régler la situation de certains personnels embauchés en CDD pour accompagner les enfants en situation de handicap et de faire en sorte qu’ils obtiennent un CDI au bout de six ans. C’est déjà le cas de 6 000 d’entre eux et 28 000 personnes sont concernées à terme.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Cette année comme l’année dernière, nous avons créé 350 postes supplémentaires d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, ce qui constitue un progrès. L’annonce très importante faite la semaine dernière par le Président de la République, que je vous remercie d’évoquer, consiste à prévoir que tous les postes d’AVS dont sont titulaires des adultes accompagnant les élèves en situation de handicap dans les écoles, embauchés en contrat aidé non pérenne, seront transformés en de véritables postes pérennes d’AESH - accompagnant d’élèves en situation de handicap - avec une vraie reconnaissance, une vraie valorisation.

C’est évidemment une excellente nouvelle pour ces personnels. Dès la rentrée prochaine, 6 000 personnes seront concernées et 50 000 le seront à terme. C’est aussi une excellente nouvelle pour les enfants qu’ils accompagnent, car l’accompagnement sera de meilleure qualité en raison de la formation prévue. C’est une excellente nouvelle enfin pour les équipes enseignantes dans les établissements scolaires, qui n’en pouvaient plus de voir passer des contrats aidés pour deux ans dont elles ignoraient tout de la pérennité. C’est donc une grande avancée.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Georges Clemenceau disait qu’« il est plus facile de réformer autrui que soi-même ». Vous démontrez que vous ne savez faire rien de cela : ni réformer la France ni apprendre de vos échecs.

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Après Alstom Energy, Alcatel et Lafarge, Technip se jette dans les bras d’un industriel étranger et transfère son siège social à Londres. Les fleurons de notre économie continuent de quitter la France. L’an dernier, 150 nouveaux sièges sociaux se sont installés au Royaume-Uni. Dans le même temps, la France en a attiré onze.

Les chiffres de l’attractivité de la France font froid dans le dos : ils confirment qu’elle est tout simplement en décrochage par rapport à ses voisins européens. Les investisseurs internationaux reviennent en Europe, mais pas en France ! Ils vont en Allemagne, au Royaume-Uni ; la France est exclue de la compétition. Pourquoi ?

Interrogés, les investisseurs pointent évidemment le niveau des charges et des coûts salariaux. Ils redoutent le poids de la fiscalité des entreprises. Ils regrettent l’absence de flexibilité d’un droit du travail qui apparaît chaque jour un peu plus obsolète.

Ce recul de la France commande de vraies réformes, pour ne pas laisser le décrochage s’installer. Ces chiffres révèlent votre échec patent : un quinquennat pour rien ! Le Président de la République a raison : ça va mieux… mais en Europe, chez nos voisins !

Ça ne va pas mieux pour les Français qui, aujourd’hui, ne peuvent même plus aller travailler du fait de la pénurie d’essence, de la grève des cheminots et bientôt des transports en commun ! Monsieur le Premier ministre, comment oser dire que ça va mieux, quand moins d’un quart des investisseurs envisagent des projets en France en 2016 ? Prendrez-vous enfin les décisions qui s’imposent ou continuerez-vous à laisser la France devenir la risée de l’Europe ? À persister dans votre petite musique du « ça va mieux », prenez garde que le peuple ne conjugue le verbe « aller » sur un tout autre refrain : « Ah ! ça ira, ça ira, ça ira » !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Monsieur le député, votre question couvre beaucoup de sujets. Sur Technip, il est faux de dire qu’il s’agit d’une délocalisation.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Ni même du siège, monsieur le député. Technip a fusionné avec FMC Technologies, l’un de ses partenaires, pour créer un champion du secteur parapétrolier. Quelle était la solution alternative ? Que Technip et FMC Technologies soient rachetés par les champions anglo-saxons ou norvégiens du secteur.

Il s’agit donc d’une bonne opération, que nous avons accompagnée par le truchement de la BPI, qui est actionnaire de Technip : le président exécutif du nouveau groupe est un Français ; le directeur exécutif des opérations est un Français, basé en France, l’autre siège étant à Houston. Je rappelle qu’aujourd’hui, le dirigeant de Technip partage son temps entre la France et Houston, l’unique siège en Europe – siège juridique – se trouvant à Londres. Voilà la réalité !

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

En plus de l’esprit de géométrie, il faut avoir l’esprit de détail !

Comme le dirigeant de Technip l’a expliqué dimanche, il s’agit d’un Airbus du parapétrolier. C’est une bonne chose, et créer un tel groupe était nécessaire.

Puisque vous parlez d’attractivité, monsieur le député, je vous invite, là encore, à la prudence et au détail. L’attractivité des sièges sociaux est une chose, mais ça n’est pas la forme d’attractivité qui crée le plus d’emplois. Pourquoi est-elle supérieure au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas ? Pour des raisons d’optimisation fiscale ou de gouvernance.

La France est plus attractive en matière de recherche et développement.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Nous l’avons démontré lors d’opérations récentes : nous sommes plus attractifs grâce aux dernières décisions en matière de production. L’attractivité française existe, et elle crée de l’emploi.

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La parole est à M. Thomas Thévenoud, au titre des députés non inscrits.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et porte sur la situation de Mezzo France, entreprise de pointe dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Son site de Mâcon, dans ma circonscription, regroupe 415 salariés et produit des machines de concassage et de broyage pour l’exploitation minière.

Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Dans ce secteur d’activité très mondialisé, la concurrence est forte. Cela n’empêche pas le site français d’être reconnu pour son savoir-faire et de continuer, malgré la baisse d’activité dans le secteur du BTP, à réaliser des bénéfices importants – 7 millions d’euros en 2015.

Mouvements persistants sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Il ne s’agit donc pas d’une entreprise en difficulté, mais d’une entreprise compétitive. En 2014, le groupe Mezzo minéral, détenu à 10 % par l’État finlandais, a versé 217 millions d’euros de dividendes. Et pourtant, cette entreprise s’apprête à licencier 89 salariés.

Mêmes mouvements.

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À l’heure où l’on débat de l’évolution du code du travail, cette situation montre bien qu’il est tout à fait possible de licencier dans notre pays. Il est même possible de le faire quand on gagne beaucoup d’argent…

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…et que l’on a bénéficié d’aides publiques. Depuis sa mise en oeuvre, le CICE a rapporté 500 000 euros par an au site de Mâcon, sans aucun effort de modernisation de l’outil de production, puisque le dernier investissement date de 2009. En vérité, la remontée s’est faite directement au bénéfice des actionnaires finlandais.

Mêmes mouvements.

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Il est honteux qu’il puisse poser une question !

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Monsieur le ministre, vous avez dit ce matin dans une interview aux Échos qu’il fallait que les entreprises favorisent l’investissement et l’emploi formation, plutôt que les dividendes. Mezzo est malheureusement un contre-exemple parfait.

Mêmes mouvements.

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Comment protéger l’emploi industriel en France ? Comment garantir l’investissement productif ? Comment éviter que les économies européennes se fassent concurrence entre elles ? Par ma voix, les salariés de Mezzo France vous interrogent !

Bruit sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Mesdames et messieurs les députés, il n’y a aucune raison de se mettre dans cet état !

La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Monsieur le député, la meilleure façon de protéger l’emploi industriel, c’est…

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

…de mener une stratégie de compétitivité coût et hors coût, tout en conduisant une politique en faveur de l’investissement et de l’emploi. C’est ce que nous faisons, en restaurant, grâce au CICE, une meilleure compétitivité coût et en s’assurant qu’elle est redéployée dans l’emploi et l’investissement. Aujourd’hui, la mère des batailles, c’est la bataille pour l’investissement productif.

C’est ce qui a présidé à nos décisions en matière de réforme du code du travail – avec le projet de loi défendu par Myriam El Khomri – et de fiscalité, avec le suramortissement fiscal mis en place dès avril 2015. C’est aussi ce qui a inspiré nos choix en matière de politique industrielle, qui ne peut s’appuyer que sur une bonne politique macroéconomique : c’est la Nouvelle France Industrielle, avec ses neuf solutions, et sa matrice, l’Alliance pour l’industrie du futur. La montée en gamme, l’investissement dans l’appareil productif et la formation sont la clé pour une France industrielle, aujourd’hui et demain.

Lors de mon déplacement à Mâcon, j’ai reçu en votre compagnie les représentants des salariés de Mezzo France, une entreprise historique du Mâconnais, au savoir-faire reconnu. Si cette entreprise connaît des difficultés, liées en partie à la crise du secteur minier, il apparaît que les motifs qui ont présidé à la décision du groupe sont plus que fragiles.

Aussi, avec le cabinet de la ministre du travail, en votre présence et avec les élus qui le souhaitent – Marie-Guite Dufay, la présidente de région, est aussi très mobilisée – nous procéderons prochainement à l’audition des salariés et nous questionnerons les motifs soulevés par le groupe. Nous les jugeons peu solides et estimons que d’autres décisions, comme le chômage partiel, peuvent être prises.

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La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre de l’intérieur, aujourd’hui, à quelques pas d’ici, des juges d’instruction commencent la session d’information à destination des familles des victimes des attentats du 13 novembre. Nous compatissons tous aux épreuves qu’elles traversent.

Le souvenir de ces drames renforce la nécessité de protéger nos concitoyens au regard du contexte, celui d’une menace terroriste qui reste élevée. Notre pays, heureusement, n’a pas renoncé à ces rendez-vous culturels, sportifs ou festifs qui font son identité et son attractivité, et auxquels la population est très attachée.

Ma question concerne la sécurisation des événements sportifs : Roland Garros en ce moment même, le Tour de France et l’événement footballistique qui occupe tous les esprits, l’Euro 2016.

Le samedi 21 mai s’est tenue, au stade de France, dans mon département, la finale de la Coupe de France opposant le PSG à l’OM, rivaux historiques. À près de deux semaines du début de l’Euro 2016, le dispositif de sécurité encadrant ce classique du football français qui a accueilli 80 000 spectateurs a subi des dysfonctionnements notables, alors que nous accueillerons 2,5 millions de spectateurs et 7 à 8 millions de supporters dans les fans zones de dix grandes villes.

Il ne s’agissait pas vraiment d’une répétition générale du dispositif de sécurité de l’Euro puisque le match était organisé par la FFF et non par le comité d’organisation de l’UEFA, qui sera en charge de la sécurité de la compétition. Néanmoins, plusieurs éléments de sécurisation doivent être revus.

Samedi soir, une configuration restreinte des accès a provoqué des goulets d’étranglement devant les grilles et des mouvements de foule. Les fouilles se sont révélées insuffisantes, puisque fumigènes, pétards et bombes ont pu être introduits dans le stade et lancés pendant la rencontre. Il est donc évident que le dispositif de sécurité entourant cette rencontre a été défaillant.

Monsieur le ministre, quelles dispositions et quelles collaborations prévoyez-vous pour assurer la sécurité…

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Merci, madame la députée !

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Madame la députée, je compléterai la réponse que j’ai apportée à Pierre Lellouche en vous donnant des précisions sur le dispositif destiné à assurer la sécurité de l’Euro 2016. Cette manifestation est organisée, y compris en termes de sécurité, avec deux acteurs : l’UEFA et l’association des villes pour l’Euro 2016 qui organisera les fans zones. Bien entendu, le ministère de l’intérieur est lui-même hautement mobilisé. Pas moins de 43 000 policiers, gendarmes et acteurs du ministère de l’intérieur seront en effet mobilisés pour cette manifestation.

Pour que la sécurité soit pleinement garantie, il faut maîtriser tous les aspects de cette manifestation. Des lieux de séjour des équipes aux lieux d’entraînement, en passant par les stades et les fans zones, toutes les dispositions doivent être prises pour assurer la sécurité de cette manifestation.

La répartition des compétences entre l’État et les organisateurs est simple. L’État assurera la sécurité à l’extérieur des fans zones et des stades ; les collectivités locales et les agents de sécurité privés assureront la sécurité dans les fans zones ; l’UEFA, qui mobilise elle-même des agents de sécurité privé, assurera la sécurité dans les stades.

Même si la manifestation de samedi dernier n’était pas un test grandeur nature, car son organisation était très différente de celle qui sera mise en place à l’occasion de l’Euro 2016, les événements qui se sont produits nous ont amenés à passer en revue la totalité des dispositifs en insistant sur certains points : anticipation des risques par contrôle aux frontières et mise hors d’état de nuire des hooligans, travail en commun des services de renseignement, mobilisation de toutes les forces de sécurité, recrutement des agents de sécurité 20 % au-delà des effectifs nécessaires et respect de la totalité des clauses par l’ensemble des acteurs. C’est pourquoi j’ai appelé les acteurs du football à leurs responsabilités.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe Les Républicains.

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Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, il y a six mois, vous êtes venue à Vesoul en grande pompe avec vos collègues du Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République pour nous parler de ruralité.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Six mois plus tard, le conseil départemental socialiste fermait quatre collèges ruraux (Huées sur les mêmes bancs), en particulier le collège Gérôme, juste devant la Préfecture, et le collège de Champlitte qui fermera dès septembre prochain. Voilà un bel exemple d’escroquerie politique de la part de ce gouvernement !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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De belles phrases dans les colloques et les conférences, mais une réalité bien différente sur le terrain !

Partout en France, des collèges ruraux ferment et vous ne dites rien. Est-ce par complaisance ou par complicité, surtout lorsqu’il s’agit d’élus locaux socialistes ? Aux demandes des élus locaux, vous n’avez même pas daigné répondre.

Madame la ministre, un peu de cohérence. Si l’on défend la ruralité, on demande aux élus locaux, y compris et surtout socialistes, de maintenir les collèges en milieu rural. Êtes-vous prête à vous battre aux côtés des parents d’élèves, des enseignants qui souhaitent le maintien de leurs collèges ruraux ?

À Champlitte comme ailleurs, êtes-vous prête à vous opposer à la fermeture des collèges ruraux ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, ce serait vous faire injure que de vous rappeler qui est compétent pour construire les collèges, les entretenir et organiser la carte scolaire les concernant ! Ce sont les conseils départementaux.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Le conseil départemental que vous évoquez a, pour des raisons que j’imagine d’ordre démographique, décidé de fermer un certain nombre d’établissements. S’il faut ouvrir un dialogue, je pense que c’est avec ce conseil départemental qu’il faut le faire, mais peut-être l’avez-vous déjà engagé.

Le ministère de l’éducation nationale veille à ce que, dans ce type de décision, les calendriers respectent la scolarité des élèves et la gestion des personnels. Vous pouvez vous assurer que le recteur de Besançon y est attentif. La question de la mixité sociale doit également être prise en compte.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Maintenant, puisque votre question était plus générale, je peux vous parler de ce sur quoi j’ai compétence. En effet, l’État, le ministère de l’éducation nationale, a compétence pour les écoles. Je peux vous citer les efforts importants que nous consentons en faveur des territoires ruraux, complétés par le tout dernier comité interministériel à la ruralité qui s’est tenu en Ardèche vendredi dernier.

Je vous confirme ainsi que, comme je vous l’ai souvent annoncé, nous avons proposé à tous les départements ruraux de France qui se trouvaient jusqu’à présent piégés à chaque rentrée scolaire par des effectifs en baisse et donc des fermetures de classe, voire d’école, de s’engager dans un conventionnement avec le ministère de l’éducation nationale, qui nous conduit à neutraliser ces fermetures de classe ou d’école pendant trois ans durant lesquels, avec les élus locaux de ces départements, nous travaillons à une réorganisation territoriale intelligente, dans le sens de l’intérêt des enfants, notamment par des regroupements pédagogiques intercommunaux.

Ils sont déjà quinze départements ruraux, de tous les bords politiques, à avoir signé ces conventions. Ils seront vingt-cinq de plus à le faire à la rentrée prochaine. À terme, il ne nous en restera plus que vingt à couvrir. Je ne doute pas que vous nous rejoigniez à votre tour.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.

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L’ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur le projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature (nos 3200, 3716) et sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de la justice du XXIe siècle (nos 3204, 3726).

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Dans les explications de vote communes, la parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle avait de multiples ambitions. Certains ont pu parler de fourre-tout, d’autres de cabinet de curiosités, les derniers de patchwork. C’est tout cela en même temps, car il est bien vrai, monsieur le ministre, que la justice est sinistrée. Comment pourrait-il en être autrement, alors qu’elle ne dispose que d’un budget étriqué et que les magistrats sont aussi nombreux que les médecins généralistes en milieu rural ?

Or la soif de justice est immense. Les Français, les justiciables, s’en remettent de plus en plus à la justice. Leur déception n’en est que plus forte car, faute de moyens, la justice est longue, complexe, compliquée, et de surcroît coûteuse. Trouver des solutions pour la justice relève des douze travaux d’Hercule, certains allant jusqu’à parler de tonneaux des Danaïdes – au moins les travaux d’Hercule ont-ils été, eux, réalisés !

Monsieur le garde des sceaux, avec la majorité et en particulier avec notre groupe, vous avez relevé l’essentiel du défi.

Il fallait d’abord rapprocher la justice du justiciable : d’où le recours à la médiation obligatoire pour les contentieux sociaux et familiaux.

Il fallait prendre en compte les impératifs d’éducation et de formation : d’où la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, reprenant un de nos amendements qui tirait les conclusions de l’inutilité d’une juridiction créée par idéologie et sans souci véritable des mineurs.

Il fallait réformer les contentieux de masse en prenant en compte la véritable fonction du magistrat, qui est de juger, de décider, de donner gain de cause ou de débouter, et non de prendre acte ou d’authentifier. Un magistrat n’est ni un greffier ni un conservateur des hypothèques. Ainsi, le magistrat pourra se recentrer sur sa mission – celle de décider – et s’y consacrer.

Vous avez donc eu raison de supprimer, en matière de consentement mutuel, la présence d’un juge qui n’intervenait, d’après les statistiques, qu’une fois pour mille et après quelques minutes d’entretien au cours desquels les époux n’avaient que rarement le temps de déposer leur manteau ou, en Normandie, leur imperméable.

Sourires.

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Vous avez eu raison de supprimer l’exigence de collégialité pour l’instruction, exigence inutile car on ne voit pas en quoi, dans l’affaire d’Outreau, la chambre de l’instruction, composée de trois magistrats et qui a confirmé toutes les ordonnances du juge d’instruction, a pu démontrer les bienfaits de la collégialité.

Vous avez eu raison de renforcer le rôle des officiers d’état civil, notamment avec l’enregistrement des PACS – pactes civils de solidarité – en mairie, mesure que nous n’avions pas pu faire passer en 1999 compte tenu de la fronde des féodaux et des élus de droite.

Vous avez fait preuve de bon sens dans la répression des conduites sans permis et sans assurance.

L’action de groupe a vu son champ d’action précisé afin d’éviter, autant que faire se peut, toute insécurité juridique. Je pense néanmoins que le dispositif réservera de nombreuses et de graves surprises.

Notre groupe RRDP a été écouté tant par les rapporteurs que par vous-même, monsieur le ministre. Plusieurs de ses amendements ont permis des enrichissements du texte que j’évoquerai ici pour l’Histoire : ainsi la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs ; ainsi s’agissant de la protection des mineurs, puisque la peine de réclusion criminelle à perpétuité ne pourra être prononcée qu’à l’encontre de personnes de plus de dix-huit ans : c’est un acquis essentiel !

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Ainsi s’agissant de la présence obligatoire d’un avocat pour un mineur de treize ans ; ainsi concernant la facilitation du changement d’état civil pour les transgenres ; ainsi pour ce qui est du maintien de la Cour de cassation comme juridiction de cassation et non pas comme cour suprême, même si l’on doit lire avec grande attention les propositions de son premier président, M. Louvel.

Nous aurions aimé être entendus sur l’obligation que nous souhaitions voir reposer sur les avocats en matière de consentement mutuel, afin que ceux-ci écoutent les enfants et leur précisent les incidences du divorce en ce qui les concerne. Vous avez rejeté notre proposition sans trop nous entendre, préférant ne prendre en considération que le rôle des parents. Vous vous trompez, monsieur le ministre, et j’espère que la navette sera l’occasion de vous amener à une plus grande sagesse.

L’Histoire retiendra que la droite conservatrice n’a que peu ou pas participé à la réforme,…

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…et je l’en accuse : pendant de très nombreuses heures de débat, il n’y avait aucun député des groupes Les Républicains et UDI.

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Plusieurs députés du groupe socialiste, républicain et citoyen

Eh oui !

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Au moment où l’on reproche au Gouvernement de bafouer les droits du Parlement, de refuser la discussion et d’utiliser l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, cette absence, que dis-je, monsieur Geoffroy, cette désertion, est bien étrange,…

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…alors même qu’il s’agit de la justice au quotidien et des droits fondamentaux de tous les justiciables. Oui, vous nous avez manqué,…

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…et vous avez manqué à la République.

Les radicaux, pour leur part, ont pleinement participé à cette réforme qui sera votée par le groupe RRDP.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les deux projets de loi soumis à notre vote ont des objectifs ambitieux que nous partageons. Mais les mesures proposées ne permettront de les atteindre que très partiellement car elles répondent d’abord à des logiques de réduction des coûts. Autrement dit, une justice du XXIe siècle, c’est avant tout une justice qui disposerait des moyens humains et matériels suffisants pour remplir convenablement ses missions.

Lors de la discussion générale, nous avons relevé plusieurs dispositions positives dans le projet de loi organique, comme la mise en place au sein de la magistrature de règles de transparences de la vie publique, l’ouverture du corps de la magistrature par l’élargissement des origines professionnelles permettant d’y accéder, ou encore la création d’un collège de déontologie des magistrats indépendant. Nous regrettons cependant que, d’une manière générale, ce texte n’ait pas été l’occasion d’une rénovation en profondeur du statut de la magistrature, même si nous nous félicitons de la création d’un statut pour le juge des libertés et de la détention.

Concernant le projet de loi ordinaire, nous nous réjouissons tout d’abord de la réintroduction, sur notre proposition, de la notion de service public de la justice, une notion absolument indispensable dans un projet de loi destiné à placer le citoyen au coeur de la justice.

Le texte comporte trois avancées notables.

En premier lieu, la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. Même si la refonte de l’ordonnance de 1945 n’est toujours pas à l’ordre du jour, nous nous félicitons de cette suppression que, pour notre part, nous demandons avec insistance depuis le début de la législature.

Ensuite, l’institution d’un socle procédural commun à l’action de groupe, décliné en matière de discrimination, de discrimination au travail, mais aussi de santé, d’environnement et de données numériques.

Enfin, le transfert de l’enregistrement et de la dissolution des PACS aux officiers d’état civil – à condition toutefois, compte tenu de la situation financière des communes, que ce transfert soit réellement compensé, si possible par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement – DGF.

Nous sommes en revanche beaucoup plus réservés sur le transfert du contentieux de l’indemnisation des dommages corporels et des audiences du tribunal de police vers le tribunal de grande instance, ainsi que sur l’autorisation du recours à une convention de procédure participative même si un juge est déjà saisi du litige. Cette mesure nous semble obéir essentiellement à des considérations gestionnaires.

Nous sommes enfin opposés à la réforme du divorce par consentement mutuel. Ce nouveau type de divorce sans juge, institué pour désengorger les tribunaux, suscite à juste titre de nombreuses critiques. La suppression du passage devant le juge contrevient à la fois à la sauvegarde de l’intérêt supérieur de l’enfant, au consentement libre et éclairé et à l’équilibre de la convention.

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Les garde-fous prévus sont totalement insuffisants pour protéger l’un ou l’autre époux d’un éventuel abus de faiblesse de la part de son conjoint ou pour protéger l’intérêt des enfants.

Pour conclure, si la réforme proposée apparaît bien en deçà de son ambition initiale et si elle sera manifestement insuffisante pour restaurer le lien de confiance de nos concitoyens envers leur justice, elle comprend aussi des avancées réelles. C’est pourquoi les députés du Front de gauche voteront ces deux projets de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, dans quelques minutes, nous allons voter deux textes majeurs pour moderniser et adapter notre justice en la rendant enfin plus accessible et de meilleure qualité.

Le premier texte propose une réforme judiciaire d’ensemble qui concrétise la réflexion lancée en 2012 par Christiane Taubira sur la justice du XXIe siècle. Les nombreuses contributions recueillies dans le cadre de ce vaste chantier ont abouti à 268 recommandations, lesquelles ont fait l’objet d’un débat national les 10 et 11 janvier 2014. Ce texte est donc le fruit d’un authentique travail de consensus. Il s’est considérablement enrichi, étoffé et densifié grâce aux améliorations apportées par Jean-Jacques Urvoas, notre garde des sceaux, par la commission des lois puis, en séance, par les amendements des députés tout au long de la semaine dernière.

Toutes les nouvelles mesures ont finalement une cohérence : rapprocher la justice du citoyen et réconcilier les justiciables avec leur système judiciaire. La politique d’accès au droit est enfin facilitée. Un service d’accès unique du justiciable est créé. Les modes alternatifs de règlement des différends deviennent un préalable à la saisine du juge s’agissant des petits litiges et de la justice familiale.

Nous clarifions également les compétences des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance. Nous étendons l’action de groupe à de nouvelles matières et au tribunal administratif. Nous améliorons au quotidien l’organisation et le fonctionnement de la justice des mineurs. Nous supprimons le tribunal correctionnel des mineurs, juridiction inutile et chronophage.

Nous recentrons les juridictions sur leurs missions essentielles. Nous renvoyons le PACS et le changement de prénom à l’officier d’état civil et les plans de surendettement à la Banque de France, qu’ils n’auraient d’ailleurs jamais dû quitter. Nous responsabilisons le divorce par consentement mutuel – soit 54 % des procédures de divorce, homologuées à 99 % par les juges – en confiant, non pas à un, mais à deux avocats le soin de régler la question du consentement et celle des conséquences du divorce tant pour les époux que pour les enfants, et en confiant au notaire, et au notaire seul, le soin de donner force exécutoire à ces conventions définitives. Cela ne modifie en rien les autres procédures, qui restent dans notre code civil – et qui demeurent d’ailleurs tout à fait possibles.

Grâce à cela, nous laissons du temps aux greffes et nous laissons du temps aux juges pour se consacrer à toutes les procédures complexes et hautement contentieuses.

Grâce à un amendement défendu par nos collègues Pascale Crozon et Erwann Binet – que je salue pour le volontarisme dont ils ont fait preuve pendant des années –, la procédure en changement de sexe sera enfin facilitée et gratuite.

Nous rénovons et adaptons également la justice commerciale aux enjeux de la vie économique et de l’emploi.

Le projet de loi organique, quant à lui, est relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature. J’ai retenu trois points essentiels afin de vous persuader de le voter.

Premier point fort : la diversification du recrutement, l’attractivité de la fonction de magistrat. En diversifiant le recrutement dans le souci de l’excellence, ce projet de loi élargit l’accès aux concours complémentaires et à l’intégration directe. Il ouvre enfin la profession de juge à un plus large public tout en maintenant la qualité du recrutement.

Deuxième point fort de ce projet de loi organique : la création d’un statut pour le juge des libertés et de la détention. Le juge des libertés devient enfin un juge spécialisé, un juge protégé, le juge-orchestre des libertés. Désormais, il sera nommé par décret du Président de la République sur proposition du garde des sceaux après, bien entendu, avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature ; sa durée en fonction sera limitée à dix ans.

Troisième point fort de ce projet de loi organique : la prévention des conflits d’intérêts, la transparence comme fil rouge de notre mandature depuis plus de trois ans. Une République exemplaire, c’est aussi renforcer les obligations de transparence des magistrats afin de mieux prévenir les situations de conflit d’intérêts pouvant survenir. Les magistrats seront soumis à une déclaration d’intérêt et de patrimoine. En l’occurrence, nous sommes allés beaucoup plus loin que le Sénat en créant un collège de déontologie inspiré des collèges créés pour les membres des juridictions administratives et financières dans notre loi du 20 avril 2016.

Nous faisons les mêmes propositions pour le Conseil supérieur de la magistrature et nous les étendons au Conseil constitutionnel. Il va de soi que les magistrats seront protégés par la confidentialité de ces déclarations.

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Je termine.

Face à ces nouvelles obligations de transparence, le droit syndical des magistrats est enfin consacré.

Chers, chères collègues, ces deux textes équilibrés et progressistes amélioreront le quotidien de nos compatriotes. Je vous remercie de bien vouloir les adopter.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Sur l’ensemble du projet de loi organique et du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le ministre, force est de constater l’énorme décalage – qui crève les yeux – entre les intentions de vos projets de loi, leur appellation et la réalité, projets globalement présentés comme définissant la justice du XXIe siècle. Excusez du peu ! Vous-même, monsieur le ministre, très sereinement et directement, assurez en commission puis en séance publique que votre ambition est très modeste ! Ces décalages montrent combien la réalité diffère de vos affirmations et de celles de la majorité selon quoi nous aurions affaire à des textes majeurs qu’il faudrait bien évidemment voter sauf à passer à côté de la chance que nous pourrions donner à la justice du XXIe siècle !

La méthode est toujours la même et le restera, comme le Gouvernement et la majorité l’assurent très tranquillement : pas de navettes et procédures accélérées – car nous n’avons plus de temps à perdre. Je vous renvoie à vous-même et au Gouvernement : que de temps perdu pour des minis réformes, des ensembles mal ou pas du tout coordonnés !

De surcroît – troisième élément devant être rappelé, y compris au donneur de leçons M. Tourret, à qui nous pourrions parfois nous-mêmes en donner : l’engagement que vous avez pris en commission, après que le Gouvernement a déposé pas moins de 94 amendements sur 500, de ne plus en déposer de nouveaux alors que, quelques jours après, lors de l’examen du texte et des derniers amendements dans le cadre de l’article 88, nous découvrions que vous n’en aviez rajouté « que » 14.

Voilà le décor de ces projets sans ambition ni portée réelles alors que certaines dispositions auraient pu bénéficier des faveurs unanimes de cette Assemblée. Compte tenu du caractère disparate et parfois dangereux de certaines d’entre elles, vous l’aurez compris, monsieur le ministre – je vais vous donner quelques exemples – notre groupe ne les votera pas.

Pourquoi ? Nous sommes carrément hostiles à certaines propositions.

Même si vous n’êtes pas à l’origine de cette mesure, vous l’avez soutenue et vous l’assumez donc : vous avez cru bon de décider la mise en oeuvre d’une des promesses du Président de la République – d’autres ne l’ont pas été et celle-ci aurait pu ne pas l’être – tendant à supprimer les tribunaux correctionnels pour enfants. Entre vos mains, c’est là un véritable gadget !

Ces tribunaux ont été créés pour asseoir une véritable chaîne pénale dans la justice des mineurs – juge des mineurs, tribunal des mineurs, cour d’assises pour mineurs dont, curieusement, vous ne demandez pas la suppression. Il y avait donc place, surtout pour les mineurs récidivistes âgés de 16 à 18 ans, pour un tel tribunal correctionnel. Cette suppression constitue une faute à nos yeux inexcusable. C’est l’un des éléments qui explique notre refus de voter ces textes.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Autre exemple, sur lequel nous avons eu jeudi dernier, je dois le dire monsieur le ministre, un échange certes très aimable – comme toujours – mais un peu surréaliste : le transfert de la compétence en matière d’enregistrement et de dissolution du PACS aux officiers de l’état civil, donc, aux communes. Vous assurez que cela coûtait cher aux tribunaux d’instance – il fallait donc faire des économies – mais que cela ne coûtera rien aux mairies ! Miracle ! Cela coûte cher à certains et pas à ceux auxquels vous octroyez le transfert ! Nous avons présenté un amendement – votre majorité aussi – visant à assurer un équilibre financier en tant que tel mais vous avez utilisé des artifices dont il faudra vérifier qu’ils couvrent bien la dépense. Voilà une autre remarque qu’il fallait faire !

Enfin, nous aurions pu être d’accord avec vous quant à certaines dispositions si vous aviez été clairs jusqu’au bout, s’agissant notamment du divorce devant notaires avec la présence d’avocats. Il s’agit d’une question sensible, sur tous les bancs, et elle ne nous semble pas avoir été traitée complètement dans l’intérêt de la famille et des enfants comme il aurait fallu le faire.

Bref, comme d’autres, cette disposition aurait pu permettre éventuellement de voter une partie du texte. Néanmoins, un projet disparate qui contient des dispositions dangereuses ne mérite pas d’être soutenu. Le groupe Les Républicains ne votera donc ni la loi organique, ni la loi ordinaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, « Gouverner, c’est maintenir les balances de la justice égales pour tous », disait Franklin Roosevelt.

Force est de constater qu’aujourd’hui, en France, notre organisation judiciaire est loin de répondre à cette réalité : des procédures longues et onéreuses, une justice complexe qui manque de moyens, des juges qui ont besoin de se recentrer sur leurs missions… Telles sont quelques réalités vécues dans notre pays par les justiciables, bien entendu, et par les professionnels du droit également !

Une évidence s’impose donc à nous depuis de nombreuses années : notre organisation judiciaire doit être réformée en profondeur et, disons-le clairement, à ce jour, aucune majorité – quelle qu’elle soit – n’a su ou n’a pu défendre cette ambition à la hauteur des enjeux.

C’est dans ce contexte, mes chers collègues, que deux projets de loi viennent d’être examinés par notre Assemblée.

Le premier, organique, sur les magistrats et le Conseil supérieur de la magistrature, affiche le double objectif de rendre la justice plus indépendante et de renforcer le statut et les obligations de transparence des magistrats. Nous approuvons l’une de ses mesures phares : la suppression de la nomination des procureurs généraux en conseil des ministres. Il en va de même de la création d’un statut pour le juge des libertés et de la détention, même si nous aurions souhaité conserver sa nomination par le président du tribunal de grande instance.

Pour autant, peut-on considérer que ces mesures soient de nature à renforcer l’indépendance de la justice ? Nous sommes ici bien loin d’une grande réforme de cet ordre, bien loin de l’ambition que nous étions en droit d’attendre d’un tel texte.

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Le second projet de loi, ordinaire celui-ci, prétend rendre la justice plus efficace, moins complexe et plus lisible.

« Justice du XXIe siècle », voilà un intitulé bien ambitieux pour un projet de loi au contenu modeste – de votre propre aveu, monsieur le garde des sceaux. Certes, il contient quelques avancées en matière d’accès au droit, d’action de groupe et de simplification des procédures.

Certaines mesures, comme la création d’un service d’accueil unique du justiciable, pourront faciliter l’accès à la justice. D’autres, en privilégiant les modes alternatifs de traitement des litiges, permettront de désengorger les juridictions.

L’introduction d’un nouveau divorce par consentement mutuel peut également sembler louable mais prenons cependant garde à ce que cette nouvelle procédure ne se fasse pas au détriment de l’intérêt de l’enfant, que la froideur juridique a trop souvent tendance à oublier !

Par ailleurs, le projet de loi entend amorcer une simplification de l’organisation judiciaire et des procédures juridictionnelles en rapprochant, par exemple, les tribunaux des affaires de Sécurité sociale et les tribunaux du contentieux de l’incapacité pour créer un pôle social au sein du tribunal de grande instance.

Cette réforme peut effectivement permettre de recentrer les juridictions sur leurs missions. En revanche, monsieur le ministre, la grande erreur de ce texte est de supprimer la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, basée à Amiens, une juridiction parfaitement spécialisée dans ce contentieux complexe.

Cette mesure n’engendrera aucune économie et n’entraînera aucune simplification. Nous espérons donc que le compromis obtenu lors de nos débats permettra de limiter les dégâts, si je puis m’exprimer ainsi, en conservant une partie du contentieux à Amiens. Nous souhaitons également que la majeure partie du contentieux traité par la cour soit bien transférée à la cour d’appel d’Amiens, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le garde des sceaux.

La réforme proposée laisse sans réponses les questions budgétaires et celle de l’impact pour les justiciables et pour le personnel concerné. Nous serons donc vigilants, vous l’avez bien compris, quant aux textes d’application !

Autre point important : le projet de loi permet de donner à l’action de groupe un socle procédural commun en matière de discrimination au travail, de santé, d’environnement et de données numériques. Si la création de ce bloc semble plus cohérente que les dispositions éparses débattues dans de précédents textes, cette procédure devrait néanmoins être davantage encadrée.

Nous tenons également à exprimer notre opposition à la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs : le fait qu’un système ait dysfonctionné ne signifie pas pour autant qu’il soit mauvais. Il nous semble nécessaire de disposer de deux voies judiciaires : l’une pour les primo-délinquants, l’autre pour les récidivistes.

Enfin, nous nous interrogeons sur l’opportunité de transférer certaines compétences aux officiers de l’état civil. Dans le contexte actuel de baisses des dotations de l’État à nos collectivités locales, nous sommes par principe défavorables à toute mesure qui représenterait encore une charge supplémentaire pour les communes.

Si ces deux textes ont le mérite d’offrir certaines pistes intéressantes pour l’avenir de notre droit, ils sont loin d’annoncer le « Vendôme de la justice » que nous appelions de nos voeux. C’est pourquoi le groupe UDI s’abstiendra.

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Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 527 Nombre de suffrages exprimés: 494 Majorité absolue: 248 Pour l’adoption: 299 contre: 195 (Le projet de loi organique est adopté.)

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 529 Nombre de suffrages exprimés: 499 Majorité absolue: 250 Pour l’adoption: 301 contre: 198 (Le projet de loi est adopté.)

La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.

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La conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine de l’Assemblée du 13 juin :

Proposition de résolution relative à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’octroi d’une autorisation d’émettre à la chaîne numéro 23 et de sa vente ;

Proposition de loi relative au débroussaillement ;

Proposition de loi adoptée par le Sénat visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale ;

Proposition de loi visant à la mise en oeuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement ;

Proposition de loi relative à l’exercice par la Croix-Rouge française de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux ;

Proposition de loi visant à lutter contre les nuisances de certains engins motorisés en milieu urbain.

Il n’y a pas d’opposition ?

Il en est ainsi décidé.

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L’ordre du jour appelle le débat sur l’impact de la modernisation numérique de l’État.

La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

Je vous rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes.

La parole est à Mme Corinne Erhel.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, mes chers collègues, ce débat fait notamment suite aux travaux que nous avons menés ces derniers mois, avec Michel Piron, pour le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.

Le sujet est important et méritait que l’on s’y attarde, puisque l’État est concerné au premier chef par la transformation numérique, dont il est évidemment un facteur-clé. Je suis en effet convaincue que le numérique constitue une formidable opportunité de moderniser l’État, et donc de le renforcer. Pendant trop longtemps, l’informatisation des services de l’État a été perçue uniquement comme un moyen de réaliser d’importantes économies, via une rationalisation des procédures et une réduction de ce que certains appellent la « machine administrative ».

Je pense au contraire que la réforme de l’État, à l’ère du numérique, doit être guidée avant tout par la volonté d’améliorer la qualité du service public et de garantir l’égalité des citoyens. Saluons à ce titre l’ambition dont font preuve le Gouvernement et la majorité depuis 2012, qui permet à la France, traditionnellement à l’initiative sur les questions numériques, d’être également en pointe en matière d’accompagnement de la transformation numérique de l’État. La France investit en effet dans les chantiers de l’open data, des services en ligne et de la dématérialisation. Cela étant, l’État demeure encore trop souvent pris dans des silos administratifs, qui l’empêchent d’agir avec agilité et de muer pleinement vers un fonctionnement 2.0, voire 3.0.

Les efforts de la majorité pour engager et accélérer la conversion numérique du pays, dont le projet de loi pour une République numérique est une nouvelle expression, ont d’ores et déjà porté leurs fruits, comme en témoigne, par exemple, le classement de la France au quatrième rang mondial en matière d’e-gouvernement par l’ONU en 2014.

Le constat est donc positif, mais il importe maintenant d’accélérer. C’est la raison pour laquelle le rapport que nous avons réalisé avec Michel Piron entendait avant tout dégager ce que nous avons appelé les « neuf conditions de la réussite », afin de faire de la transformation numérique un vrai levier de progrès, d’efficacité et d’amélioration de la relation entre État, l’usager – citoyen ou entreprise – et les associations ou les collectivités locales et territoriales.

Sans détailler toutes les dispositions présentées au comité d’évaluation et de contrôle le 4 mai dernier, je souhaite me concentrer sur trois chantiers absolument cruciaux à mes yeux : premièrement, il importe de faire de la numérisation un vrai « plus » pour le service public ; deuxièmement, il convient de reconnaître un droit au tâtonnement ou à l’erreur et d’encourager l’initiative ; troisièmement, il est nécessaire de mieux anticiper et de programmer les ressources humaines.

Il convient donc, premièrement, de faire de la numérisation un vrai « plus » pour l’amélioration de l’efficience administrative et du service rendu aux usagers. Alors que les bouleversements induits par le numérique appellent un renforcement de la place de l’État, aux côtés des citoyens et des entreprises, la conversion numérique de l’État n’a pas pour but de réduire sa place dans la société, mais bien au contraire de la conforter en lui permettant de retrouver efficacité et légitimité. En somme, il ne s’agit pas d’aboutir à un « moins d’État », mais plutôt de contribuer à un « mieux d’État ».

La numérisation et la dématérialisation des relations entre les administrations, les citoyens et les entreprises se poursuivront au bénéfice d’une amélioration des services fournis. Dans ce processus, le travail en amont, avec les usagers eux-mêmes, sera un élément-clé. La conception des téléprocédures devrait être réalisée avec leur concours : elle bénéficierait ainsi de leur expérience d’usager, indispensable à l’adoption de ces nouveaux outils par le plus grand nombre. Impulsons du bottom-up : c’est un élément incontournable pour favoriser le développement des usages.

D’autre part, parce que je suis une fervente adepte de la numérisation, il me paraît essentiel de porter une attention particulière aux populations encore éloignées du numérique, ou qui n’ont pas la possibilité d’avoir des rapports dématérialisés avec la puissance publique. Que ce soit en raison de leur âge, de leur manque d’appétence ou d’habitude, en raison d’un choix personnel ou d’un manque de ressources financières, il faut à tout prix éviter leur marginalisation. Les réticences et appréhensions autour de la dématérialisation automatique de la feuille d’impôt, pour citer un exemple récent, doivent nous conduire à nous interroger plus avant sur cette question.

Ainsi, les politiques publiques de dématérialisation, tant des documents que du lien, ne pourront être pertinentes que si nous menons, en parallèle, un chantier d’envergure sur la médiation numérique et l’accès de tous aux services.

Il me paraît essentiel, et c’est mon second point, d’admettre, en phase de conception, le tâtonnement et le droit à l’erreur. Il faut par ailleurs, car c’est une autre clé de la réussite, encourager l’initiative et l’expérimentation locales. Encore tabou il y a quelques années, le droit à l’erreur durant la phase de conception est au coeur de la réussite de ces nouveaux modèles. Si l’État n’est pas le seul concerné, il est sans doute l’un des acteurs dont on attend le plus d’exemplarité en la matière. Mais il est temps de changer de mentalité car, pour être prescripteur, l’État doit également être disrupteur et innovant, ce qui implique qu’il puisse parfois se tromper.

Dans cette même logique, et pour faire bouger les lignes, pour explorer des pistes nouvelles, sortons de la logique top down classique et laissons de la place aux initiatives locales. À l’ère du numérique, abordons les sujets sous un regard nouveau, en cassant les silos, l’approche verticale et les logiques pyramidales, qui ne sont pas toujours pertinentes. Cette approche aura en plus le mérite de laisser la part belle aux agents, acteurs centraux du déploiement des dispositifs locaux, qui seront des rouages essentiels de la transformation en cours.

J’en arrive donc à mon troisième point, la nécessité de programmer les ressources humaines et techniques. J’insisterai sur l’humain, même si l’anticipation et l’investissement techniques sont bien évidemment des éléments clés. En effet, bâtir un État numérique n’est pas une tâche aisée, tant il s’agit de faire évoluer des représentations souvent solidement ancrées. Pour réussir, il faut s’appuyer sur une pédagogie claire au sein de l’État, d’autant plus que la modernisation de l’État amène à déployer de nouvelles méthodes de conduite des politiques publiques.

Il est donc nécessaire non seulement d’investir de façon significative mais aussi d’associer pleinement les acteurs à cette transition, tant les personnels que l’ensemble des acteurs publics intervenant dans la définition des politiques publiques, au premier rang desquels les collectivités territoriales. Premiers concernés, tant comme employés que comme relais de terrain auprès des citoyens-usagers, les agents publics auront un rôle central dans la réussite de ce processus. Il est de notre responsabilité de leur porter une attention particulière. Il faudra donc former, accompagner, valoriser les initiatives. Sans une conduite du changement efficace, bien pensée, bien appliquée et à laquelle tous sont associés, nous courrons à l’échec.

On l’aura compris, sur ce sujet complexe, l’impulsion et le volontarisme politique sont fondamentaux. Je tiens donc à profiter de cette occasion pour saluer l’engagement successif de Thierry Mandon, d’Axelle Lemaire, de Clotilde Valter et désormais de vous-même, monsieur le secrétaire d’État, pour faire de la transformation numérique de l’État une réalité. Quelques questions subsistent : comment accélérer ? Comment faire la part belle à l’audace et à l’innovation, pour rendre nos services publics plus proches et toujours plus efficaces pour le citoyen ? Nous appelons de nos voeux depuis plusieurs années la mise en place d’un État plateforme. Où en sommes-nous exactement, monsieur le secrétaire d’État ? Quels sont les moyens déployés pour y parvenir ? Enfin, sujet qui m’est particulièrement cher, quelle politique de formation comptez-vous mettre en place pour l’ensemble des agents, quelles que soient leurs fonctions ? Comment la culture numérique leur est-elle transmise aujourd’hui ?

La transformation numérique de l’État est un chantier complexe, passionnant, porteur d’attentes mais aussi parfois d’appréhensions, tant pour les usagers que pour les agents publics, auxquelles il est essentiel de répondre. Je compte donc sur votre volontarisme, monsieur le secrétaire d’État, et sur celui de l’ensemble du Gouvernement pour rassurer et faire du numérique une ambition politique forte, une réelle opportunité pour un meilleur État, au service de tous, dans l’ensemble de nos territoires. La transformation numérique de l’État est un chantier auquel tous les acteurs concernés doivent être associés et qui doit être porté par une grande ambition politique.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat sur l’impact de la modernisation numérique de l’État s’inscrit dans la suite du rapport d’information de Mme Corinne Erhel et M. Michel Piron – que je salue – et de l’adoption par le Parlement européen, le 14 avril dernier, du règlement général sur la protection des données.

Le Gouvernement a souhaité s’engager, en matière numérique, dans la voie de l’innovation. Il veut encourager l’ouverture des données, renforcer la protection des personnes et favoriser l’accès au numérique. Un ensemble de trois textes sur l’open data nous a été proposé, qui doivent permettre une réutilisation automatisée des données publiques et renforcer les droits des utilisateurs. Ce renforcement des règles a pour objet d’encadrer le numérique, ce qui est opportun, mais il est accompagné aussi d’une volonté de dématérialisation des informations publiques produites, collectées ou encore diffusées par les différentes administrations. Cette dématérialisation a fait l’objet de propositions de loi organique et de loi ordinaire, comme celle portant dématérialisation du Journal officiel de la République française, adoptée le 9 décembre 2015 par l’Assemblée nationale. Jusqu’alors, la majorité des publications officielles étaient faites sous format papier et numérique. Ainsi, on veut dématérialiser partout et rapidement.

Certes, les débats sur la dématérialisation ne sont pas nouveaux. Sous l’emprise des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les principes de publication se sont progressivement assouplis et ont abouti au développement de la publication des lois et règlements sous la forme numérique, à tel point que certains actes administratifs sont publiés sous ce seul format. Certains prônent même la dématérialisation complète de l’ensemble des publications officielles !

Le seul argument pour justifier cette dématérialisation est d’ordre économique : il faut dématérialiser pour faire des économies et rationaliser les dépenses publiques, simplifier les démarches et améliorer la rentabilité des publications officielles. Mais ces arguments devraient s’appuyer sur une évaluation de tous les impacts sociétaux, environnementaux, ou encore en matière d’accessibilité pour les administrés. Une vision à court terme des gains obtenus par la dématérialisation ne peut être qu’à déplorer. Il manque une vraie analyse préalable des coûts générés par le passage au tout-numérique parce que, s’il peut y avoir des gains, il y a aussi des coûts. Pourquoi le nier ? Et la différence n’est peut-être pas là où l’on voudrait qu’elle soit.

S’il ne s’agit pas de nier les évolutions et les innovations, nous devons analyser les aspects positifs de cette dématérialisation à l’aune de la globalité de ses effets. Ainsi, qu’en est-il d’une analyse sur le coût de la sécurisation ? C’est un point crucial à l’heure de l’espionnage informatique, même si vous avez vanté le système de sécurité CAPTCHA – completely automated public turing test to tell computers and humans apart – et si toutes les informations personnelles ne seront pas incluses. Par ailleurs, quels seront les coûts du stockage et de la gestion des données ? Et puis, avons-nous pris en compte les coûts de formation du personnel spécialisé ? Enfin, je le répète, où sont les études d’impact concernant le bilan carbone, souvent annoncé comme bénéfique ? Par exemple, la dématérialisation du Journal officiel devrait nous faire économiser 660 tonnes de CO2. Mais comment est évalué ce bilan ? Je rappelle que les coûts induits par le passage du papier au numérique n’ont pas été évoqués par les rapporteurs à l’occasion de l’examen de ces textes.

S’il ne s’agit pas de nier, je le répète, certains avantages du numérique, arrêtons néanmoins d’incriminer encore et toujours le format papier. Le papier recyclé a sept vies et la pâte à papier nouvelle est issue de la forêt durable. Qu’en est-il des produits informatiques ? Un courriel accompagné d’une pièce jointe équivaut à une dépense de vingt-cinq watts par heure selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. En une heure, ce sont plus de dix milliards de courriels qui sont envoyés, soit une dépense énergétique équivalente à 4 000 tonnes de pétrole ! En 2011, en France, on a échangé 60 000 courriels par heure. Cent heures de vidéo sont déposées chaque minute et deux millions de recherches sont faites sur Google. N’oublions pas que l’empreinte annuelle, au niveau mondial, serait de 1 037 térawattheures d’énergie, soit l’équivalent de la production de quarante centrales nucléaires ou de la consommation de 140 millions de Français pendant un an ; de 608 millions de tonnes de gaz à effet de serre, soit l’équivalent de la consommation de 86 millions de Français ; de 8,7 milliards de mètres cubes d’eau, soit la consommation annuelle de 160 millions de Français. Et puis, qu’en est-il du maintien de l’emploi des filières bois et papier, importantes pour l’économie française ? Combien d’emplois seront perdus ?

Enfin, permettez-moi de rappeler que préalablement à la modernisation numérique de l’État, il convient précisément de s’assurer que l’accès au numérique est effectif pour tous. Or, aujourd’hui, si des progrès importants ont été faits, nous sommes encore loin du compte. Les exclus du numérique sont trop nombreux. En 2015, 19,3 % des foyers français ne possédaient pas d’accès à l’Internet, soit 5,4 millions d’entre eux. Que fait-on avec ces près de 10 millions d’habitants ? D’après le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie – CREDOC –, les personnes qui n’utilisent pas internet appartiennent aujourd’hui à des catégories de la population bien spécifiques : 78 % d’entre elles ont plus de 60 ans, 90 % n’ont pas le bac et 44 % disposent de revenus inférieurs à 1 500 euros par mois dans leur foyer. Certes, les inégalités numériques se sont réduites, mais les personnes qui n’ont pas accès à internet vont être de plus en plus marginalisées.

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Nous devons nous poser au préalable la question suivante : comment dématérialiser sans exclure ? Et la dématérialisation, c’est exclure !

C’est le cas dans les communes rurales…

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…délaissées par les opérateurs privés, qui doivent mettre la main au portefeuille pour s’équiper en fibre optique. Dans le département de l’Aisne, que je connais bien, les communautés de communes rurales devront dépenser 46 millions d’euros à cet effet, alors que c’est gratuit dans les zones denses urbaines.

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L’égalité républicaine n’est pas respectée, c’est de la discrimination territoriale ! Comment, d’un côté, vouloir la dématérialisation à tous crins alors que, de l’autre, nos agriculteurs, nos viticulteurs, nos artisans, commerçants, TPE et PME ne disposent pas d’un accès internet digne de ce nom ? Dans ma circonscription, certaines communes n’ont même pas accès à internet, ou avec des débits si faibles qu’elles ne peuvent rien télécharger. Allons-nous les ignorer ?

La numérisation telle qu’elle est engagée creuse encore le fossé entre la ville et la campagne. La République n’a pas le droit d’ignorer ces questions. Je ne suis pas rétrograde et je veux vivre avec mon temps, mais je suis aussi très attentif aux discriminations, quelles qu’elles soient. Telle qu’elle est organisée, la dématérialisation, au lieu d’être un levier de modernisation, va aggraver les inégalités territoriales, sociales et économiques, mais aussi exclure une partie de nos habitants les plus fragiles, parmi lesquels les personnes âgées.

Oui, il est encore temps de faire cesser cette discrimination numérique. Sans plus tarder, relançons le financement de l’accès au numérique pour tous, en écoutant les demandes des territoires ruraux. La ruralité souffre de ce sentiment d’abandon, écoutons-la ! Partout, dans tous nos villages, le plus rapidement possible, l’État doit apporter des financements complémentaires en lieu et place des communautés de communes rurales, déjà mises à contribution par la baisse des dotations justifiée par leur participation à l’effort de redressement des finances de la France. Ce soutien de l’État à l’équipement numérique permettrait à la ruralité de voir l’avenir avec optimisme. Et puis, monsieur le secrétaire d’État, ce serait un signe fort avant les échéances de 2017, qui risquent d’être difficiles pour la République. Pour que les habitants de notre ruralité retrouvent confiance, arrêtons de mettre la charrue avant les boeufs et mettons tout en oeuvre pour que le numérique soit accessible à tous. Comme l’écrivait Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, dans la fable Le héron : « On hasarde de perdre en voulant trop gagner. » Oui aux objectifs d’économies, mais nous devons veiller à ne pas perdre nos concitoyens sur le chemin de la dématérialisation.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Rapports, colloques, conférences, débats… Jamais, madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on n’a autant parlé du numérique et de la modernisation de l’État, si bien que les blocages, les solutions et les erreurs commises et potentielles commencent à être largement connus. La volonté politique, quel que soit le gouvernement, fait rarement défaut. Mais le chantier est immense. Comment faire pour que l’État et ses administrations avancent au même rythme que les citoyens et les entreprises, et avec les mêmes outils ?

De mon point de vue, la stratégie de l’État est parfois trop court-termiste et dictée d’abord par l’impératif financier. Un exemple parmi tant d’autres : la déclaration de revenus en ligne. Il est évident qu’il faut la généraliser autant que possible et qu’elle est naturelle pour de plus en plus de concitoyens. Cette généralisation est en cours et sera applicable sans seuil de revenus à partir de 2019. Mais en 2019 tous les contribuables auront-ils un accès convenable à internet ? Même question pour la dématérialisation de la propagande électorale, qui a failli être décidée : avant d’abandonner le papier à 100 %, assurons-nous que tous les électeurs ont accès à internet avec un débit suffisant. Or, nous le savons, c’est loin d’être le cas, en particulier dans certaines zones rurales et les zones de montagne.

La secrétaire d’État au numérique évoque actuellement cette question en commission des affaires économiques : je regrette ce conflit d’agenda car les sujets sont totalement complémentaires. Ces deux exemples montrent que la transformation numérique a lieu non pas là où elle est la plus urgente et la plus profondément nécessaire, mais là où le rapport entre les coûts et les bénéfices est le plus avantageux et les gains les plus rapides à obtenir.

Pour le reste, c’est plus compliqué. Je ne nie pas les avancées très importantes déjà obtenues. Il est aujourd’hui très appréciable de pouvoir faire la quasi-totalité des démarches en ligne pour obtenir, par exemple, une carte d’identité, et de recevoir un SMS lorsqu’elle est prête. Toutefois la France ne s’est pas encore débarrassée de son image de royaume de la paperasse. Des programmes ambitieux de simplification comme « Dites-le nous une fois » ou « le silence de l’administration vaut accord » méritent d’être encore étendus. Je viens d’ailleurs de déposer une proposition de loi, soutenue par une soixantaine de collègues, pour améliorer le « silence vaut accord ». Ces programmes ambitieux de simplification méritent aussi d’être numérisés !

Un seul exemple : s’agissant du « silence vaut accord », le délai, théorique, de deux mois a pour point de départ la réception complète de toutes les pièces, sous forme papier, par l’administration compétente, qui est censée fournir, théoriquement là encore, un accusé de réception papier. Eh bien, si toutes ces démarches étaient possibles en ligne et par courrier électronique – ce qui est loin d’être le cas –, le demandeur gagnerait des jours qui sont précieux lorsqu’il s’agit d’un projet clé, pour une entreprise notamment.

Sans même sortir de cet hémicycle, il faut savoir qu’il y a encore à peine quelques jours les déclarations d’intérêts de patrimoine des parlementaires, adressées à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, ne pouvaient pas être remplies en ligne ! C’est désormais le cas, depuis un décret paru le 11 mai dernier, soit près de trois ans après l’adoption de la loi « transparence » et deux ans après que le rapport Nadal a réclamé cette mesure.

Je n’évoquerai pas le cas de la modernisation du dialogue social, car nous nous éloignerions du sujet, mais quand on voit que le Gouvernement a refusé, sur le projet de loi travail, un de mes amendements visant à faciliter la visioconférence pour réunir les instances du personnel et un autre prévoyant que la synthèse du plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne soit plus obligatoirement diffusée par voie d’affichage, on se dit que des impulsions font encore défaut.

Enfin, l’ouverture des données publiques, l’open data, est un formidable thermomètre de la transformation numérique de l’État. J’ai déjà eu l’occasion de donner plusieurs fois ma position sur le sujet à cette tribune. L’avance prise par la France sur ce point reste à confirmer. Des blocages existent, comme le montre le projet de loi numérique dans sa rédaction issue du Sénat. Nous en reparlerons, bien sûr. Autre preuve, toujours en matière d’open data : le décret d’application relatif aux données de transports publics, prévu dans la loi Macron – je le rappelle de nouveau – a désormais plus de six mois de retard. Les entreprises publiques doivent également, monsieur le secrétaire d’État, entrer dans le champ du débat sur cette transformation.

Face à ces blocages, n’oublions pas de nous placer du point de vue du citoyen, et d’être à l’écoute des solutions innovantes, qui peuvent provenir de l’intérieur, comme le montrent les start-up de l’État : elles mériteraient d’être plus nombreuses et rendues plus aisées. N’ayons pas peur de faire des erreurs ou de tâtonner : ce sera toujours mieux que d’être en retard ou trop peu ambitieux.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Corinne Erhel d’avoir bien voulu rappeler que nous avons travaillé ensemble de manière très constructive sur le thème qui nous réunit aujourd’hui.

La conversion numérique de l’action publique est au coeur d’une mutation profonde qui interroge le rôle même de l’État. Si la transition numérique affecte nécessairement des conceptions anciennes de l’exercice du pouvoir, elle peut également être porteuse de transformations permettant d’améliorer le service rendu aux citoyennes et aux citoyens. Dès lors quelques questions se posent : quels objectifs poursuit la modernisation numérique de l’État ? Á qui doit-elle prioritairement s’adresser ? Jusqu’où ce processus doit-il être mené ? Comment gérer humainement et financièrement la transformation numérique de nos administrations ?

Telles sont, en définitive, les questions centrales soulevées par le rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques portant sur l’évaluation de la modernisation numérique de l’État, dont l’Assemblée nationale est aujourd’hui saisie. Naturellement, ce rapport ne pouvait couvrir la totalité du vaste champ concerné par cette mutation. Aussi bien, s’est-il concentré sur les services publics numériques mis en oeuvre par les ministères économiques et financiers, le ministère de l’intérieur et les services du Premier ministre.

Rappelons d’abord que la modernisation numérique de l’État n’est qu’un moyen : il n’est, en aucun cas, une fin. Ce moyen doit répondre à deux questions : au service de qui et pour quoi ?

Au service de qui, tout d’abord ? Nous pensons naturellement à l’usager et aux citoyens de manière plus générale. Toutefois, comment s’assurer que cette transformation numérique de l’État est bien pensée pour eux ? Comment être certain qu’elle correspond véritablement à leurs besoins comme à leurs attentes ?

Pour quoi, ensuite ? Pour un meilleur service public, plus efficace ? Certes. Mais cela ne va pas de soi puisque, si la modernisation numérique de l’État implique sans doute des standards plus efficients et moins coûteux, elle n’est gage ni de proximité ni, encore moins, de personnalisation du service.

Ces deux questions – Au service de qui ? Pour quoi ? – en soulèvent une autre : celle, délicate, du pilotage de la transformation numérique et, plus largement, de la conception et de la mise en oeuvre opérationnelle d’une politique publique. Si la nécessité de faire disparaître des tâches itératives n’est pas contestable, elle ne dispense pas d’anticiper suffisamment ce changement, voire ce bouleversement, à travers une politique concomitante de gestion des ressources humaines. Il s’agit même d’un préalable qui conditionne l’acceptation du changement.

Quant à l’aval, il faut s’assurer que les usagers bénéficient effectivement d’un meilleur service public. Les sondages y suffisent-ils ? Rien n’est moins sûr. Il convient de s’assurer en permanence que la transformation numérique, qui évolue elle-même, est vraiment conduite avec le souci d’améliorer efficacement le service public rendu à l’usager.

Je voudrais ici insister sur deux points de méthode qui me semblent particulièrement importants. D’une part, l’élargissement du champ des services publics numériques nécessite une évolution profonde des mentalités afin d’admettre plus largement le droit à l’erreur – cela a déjà été souligné – à certains stades de la conception et du lancement des projets numériques. D’autre part, pour être certains que ces nouveaux services publics sont pensés pour les usagers, mettons à profit le rôle, trop souvent négligé, d’interface entre l’État et l’usager que jouent souvent les collectivités territoriales.

À cet égard, les auditions qui ont été menées par le comité ont fait ressortir un manque, voire une absence totale de dialogue entre l’État central et ses services déconcentrés. Pourrait-on en finir avec cette vision descendante, voire condescendante, où tout procède de l’État central ? Si, à Paris, on pense, il nous arrive également de penser en province. La numérisation des services publics conçue dans des cercles trop étroits, fussent-ils spécialisés, et à des coûts parfois considérables, a montré ses limites. C’est déjà vrai s’agissant d’approches où manque l’interministérialité – vaste sujet ! C’est encore vrai s’agissant des attentes locales, car il y aurait beaucoup à gagner à mobiliser les intelligences territoriales et à laisser des marges de manoeuvre plus importantes aux services déconcentrés pour prendre des initiatives et expérimenter de nouvelles procédures et de nouveaux modes d’action dans un cadre évidemment national.

Les outils numériques constituent des leviers formidables pour améliorer des services publics pensés au service de l’usager. Agissons en la matière non seulement de manière réfléchie mais aussi avec le pragmatisme auquel nous invitent les conclusions du rapport.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, s’il est de rares sujets bénéficiant d’une ambition partagée sur l’ensemble des bancs de cette assemblée, celui de la modernisation numérique de l’État et, au-delà, des collectivités et de la société en général, en fait bien partie.

Aussi l’annonce, l’année dernière par le Gouvernement, de sa volonté de relancer ce processus d’accessibilité des services publics, garant de l’égalité des hommes et des territoires, a-t-elle été vécue par tous comme une véritable bonne nouvelle. L’attente est d’autant plus forte dans les territoires dits isolés ou encore insulaires qu’ils subissent lourdement le poids du recul de la présence physique des services publics, quand cette présence physique a un jour existé.

Améliorer et simplifier les prestations rendues aux usagers, trouver un nouvel équilibre entre les fonctions de contrôle et de conseil aux collectivités, améliorer les missions de contrôle des entreprises par les services de l’État, renforcer les dispositifs de prévention et de gestion des risques et de la sécurité, renforcer la cohésion sociale, soutenir les projets des entreprises, des collectivités territoriales et des associations, conforter le rôle et les missions de l’État en matière d’économie et d’emploi, ou encore soutenir la culture dans les territoires sont autant d’objectifs, certes ambitieux et louables, mais qui laissaient malheureusement présager l’éminence d’un échec, ne serait-ce que partiel.

Il faut avouer que nous partions de très loin car le retard accumulé en matière de transition numérique était important. Il était donc urgent que nous nous attelions à user des moyens numériques pour renforcer l’État dans les territoires et le rendre ainsi plus efficace, sa plus grande proximité avec l’usager garantissant à celui-ci l’accès à des services publics de plus en plus absents des bassins de vie. En somme, il s’agit d’user de cette transition numérique comme d’un levier de démocratisation de l’action publique.

Vous aurez compris que mon enthousiasme, devant une telle perspective, ne pouvait qu’être décuplé en raison des caractéristiques du territoire que je représente : plus de 20 % de la population y vit dans des villes et villages dits isolés, et l’accès aux services publics les plus élémentaires, quand il existe, y est très restreint. Malheureusement, cet enthousiasme s’est très rapidement heurté aux réalités budgétaires. Depuis le début, en effet, c’est là que le bât blesse.

C’est vrai, la Cour des comptes a salué, en quelque sorte, le bilan honorable de votre action qui a permis de hisser la France à la treizième position européenne en termes de modernisation numérique de l’État. Mais nous le savons tous, il s’agit en réalité d’un semi-échec puisque les services publics numériques ne jouent pas le rôle de moteur qui leur revient et que les usagers ne font toujours pas du numérique leur mode d’accès privilégié aux services publics, et cela même lorsque l’offre existe.

Se pose alors la question de l’accès à l’offre existante. Je m’explique : si l’idée qu’un Guyanais de l’intérieur vivant à trois heures de pirogue de l’offre physique de services publics puisse faire une grande partie de ses démarches administratives en ligne, voire suivre un cursus éducatif numérisé, est très séduisante, encore faut-il que ce citoyen ait accès à internet. C’est là qu’apparaît tout le paradoxe de notre politique. Pour une partie de nos citoyens, on a mis la charrue avant les boeufs puisque de nombreux Français, en 2016, sont encore maintenus dans des déserts numériques. J’ai d’ailleurs une pensée particulière pour les habitants de Camopi, deuxième commune de France par sa superficie, qui font depuis plusieurs mois les frais d’un réseau de téléphonie et d’internet plus que perfectible.

Monsieur le secrétaire d’État, c’est là tout l’objet de mon intervention. Si je connais votre volontarisme en la matière, les retards accumulés dans le déploiement des réseaux d’accès à internet dans certains de nos territoires d’outre-mer sont tout simplement inacceptables. Comment, dès lors, juger de l’efficacité de la transition numérique de l’État dans cette partie du territoire français ?

C’est d’autant plus dommage que cette transition, cela est parfaitement établi, permettrait de rendre plus supportables les réductions d’effectifs imposées par la politique d’austérité dont les services de l’État comme les collectivités subissent les effets.

Je compte donc sur votre mobilisation, monsieur le secrétaire d’État, afin que cette transition numérique, qu’elle émane ou non de l’État, devienne enfin une réalité palpable dans nos territoires d’outre-mer. D’avance, je tiens à vous en remercier.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cher collègue, il faut tout de suite aller en commission des affaires économiques pour parler de ce sujet !

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification.

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je tiens à saluer l’ensemble des intervenants de ce débat, et plus particulièrement les co-rapporteurs Corinne Erhel et Michel Piron. J’aurai l’occasion de répondre aux uns et aux autres tout au long de mon intervention.

Je tiens donc à vous remercier collectivement pour la qualité de ce débat, très apaisé et globalement consensuel, ainsi que pour ce travail de recension, d’analyse et de proposition qui aborde un sujet trop souvent négligé dans l’ensemble des bouleversements engendrés par la société numérique – je veux bien sûr parler du service public numérique. C’est, d’ailleurs, une expression que je préfère à celle d’« e-administration » ou, plus encore, d’« administration digitale », car elle montre bien l’opportunité qui nous est offerte de renouveler en profondeur et, bien sûr, de renforcer nos services publics, grâce aux technologies, aux outils et aux usages numériques.

Je me suis penché attentivement sur votre travail, et je crois pouvoir dire qu’il est, pour une très grande partie, en phase avec la position du Gouvernement, qui n’a pas ménagé ses efforts depuis 2012 pour utiliser la puissance du numérique comme un levier, comme l’une des forces motrices de la réforme de l’État.

Par son action, le Gouvernement veut, à l’évidence, construire une puissance publique plus accessible : c’est le « choc de simplification » voulu par le Président de la République, dans lequel le numérique a toute sa place, bien au-delà de la seule dématérialisation, comme vous le soulignez vous-mêmes.

Il veut aussi construire une puissance publique plus efficace : je pense ici aux gains de temps et d’argent que permet une administration qui a effectué sa mue numérique. Par exemple, la procédure de marché public simplifié concerne aujourd’hui 300 000 entreprises et permet de dégager 60 millions d’euros d’économies par an pour 100 000 marchés. Bien sûr, c’est encore insuffisant, mais il s’agit tout de même d’une avancée réelle.

Enfin, le Gouvernement veut construire une puissance publique plus à l’écoute des apports de la société civile : c’est ce qu’on appelle parfois le « gouvernement ouvert ». Je développerai ce point tout à l’heure.

Quels sont donc les constats partagés ? Toutes les analyses qu’il m’a été donné de lire, y compris ce rapport, soulignent que l’administration de l’État en France est entrée de plain-pied dans la transformation numérique. J’ai eu la faiblesse de relever, dans le rapport, que la période récente avait plutôt bien contribué à cela.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

Certes, la transformation aurait pu être plus forte. La principale critique, sur ce point, est que les gains de productivité restent en deçà des opportunités offertes par le numérique. Mais dans ce domaine aussi, l’administration progresse : la France a été le premier pays européen à créer la fonction d’administrateur général des données. Permettez-moi d’ailleurs de saluer la présence, parmi les commissaires du Gouvernement, de M. Henri Verdier, administrateur général des données et directeur de la DINSIC, la direction interministérielle du numérique et du système d’information – il n’y a qu’en France qu’on utilise de tels acronymes !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

L’administrateur général des données et ses services ont vocation à favoriser la circulation des données dans l’administration et leur utilisation.

Ces nouveaux outils offrent un potentiel considérable pour améliorer l’efficacité des politiques publiques, mais aussi pour optimiser l’action de l’État dans les territoires – décisions en temps réel, allocation de ressources, recherche d’économies… Ainsi, dès 2015, le service des achats de l’État a pu, avec l’administrateur général des données, analyser la consommation d’électricité et fonder une stratégie d’achat optimisée permettant la réalisation, là encore, de 60 millions d’euros d’économies.

Par ailleurs, si l’évolution des modes de relations avec les usagers vers une dimension dématérialisée est jugée encore perfectible, c’est en partie parce que l’approche retenue en France est souvent plus progressive qu’ailleurs. Chez nos voisins, on préfère généralement obliger les citoyens à utiliser un service numérique, plutôt que de leur laisser le choix. C’est le cas, par exemple, en Estonie, incontestablement championne du numérique. Il est toutefois difficile de la comparer avec la France, car nous sommes cinquante fois plus nombreux.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes aussi un pays plus ancien que l’Estonie !

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

L’administration estonienne, plus récente – j’irai d’ailleurs la voir en juillet –, a justement construit sa montée en puissance sur le numérique. Ce n’est pas notre cas : notre administration est tout aussi puissante, mais un peu plus ancienne.

D’aucuns, sur de nombreux bancs, appellent au maintien d’une dimension humaine, au sens d’une médiation entre les usagers et les services dématérialisés. Je le dis très simplement, et avec la franchise qui peut parfois caractériser nos débats : il me semble qu’il s’agit d’un faux débat. Le numérique ne s’oppose pas à l’humain : il permet de rendre la relation avec l’administration plus rapide, plus simple, plus intelligente, en somme, mais il ne laisse pas l’usager seul face à des machines. Par exemple, il est désormais possible de prendre rendez-vous en ligne dans certaines caisses d’allocations familiales, dans certaines préfectures et dans bien d’autres administrations. Cette option ne remplace pas le rendez-vous lui-même : elle permet simplement d’alléger les démarches pour que l’échange soit plus facile et plus efficace – plus facile parce que vous choisissez l’horaire qui vous convient le mieux, en toute transparence, et plus efficace parce que vous mobilisez moins de temps qu’avant pour un même rendez-vous.

Ainsi, pour le Gouvernement, la transformation numérique de l’État, que j’ai l’honneur de porter, est avant tout un levier de simplification. Lionel Tardy n’est plus parmi nous, mais je suis sûr que sa collègue Virginie Duby-Muller lui transmettra le message, à l’Assemblée ou en Haute-Savoie. J’imagine qu’il a dû partir pour une réunion bien légitime…

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

C’était factuel : je ne voulais pas polémiquer !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

Le député Tardy avait donc dit que la transition numérique était un élément essentiel, comme elle l’est pour moi qui porte le « choc de simplification » voulu par le Président de la République. J’ai bien noté son attention particulière sur ce sujet, et je connais la sincérité de son engagement constant.

Le numérique, entré dans les usages au quotidien, doit pouvoir aider les citoyens et les entreprises dans leurs relations avec l’administration, en offrant à tous un meilleur accès aux services publics. De fait, il permet une qualité inégalée de services, disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, depuis la quasi-totalité du territoire, via un appareil fixe ou même mobile.

Le programme « Dites-le nous une fois » permet aux administrations d’échanger des informations de base sur une entreprise, plutôt que de les demander de multiples fois à l’entreprise elle-même. Elle permet ainsi de supprimer des démarches ou des demandes de pièces justificatives redondantes. Il m’a toujours paru particulier que l’État, qui est justement le détenteur des données, les redemande systématiquement. C’est même tout simplement absurde !

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

La transformation numérique de l’État est aussi un outil pour améliorer l’efficacité des politiques publiques. La méthodologie, c’est bien, mais si elle est inefficace, elle n’a pas beaucoup d’intérêt ! Le développement de l’évaluation, permis par la technologie numérique, rend la décision publique plus pertinente et l’action de l’État plus performante. Il permet aussi de consacrer moins de ressources humaines à des tâches automatisables pour proposer un accompagnement plus qualitatif aux usagers qui en ont besoin, notamment aux publics en difficulté.

Ainsi, le dispositif d’accompagnement « 100 % web » de Pôle emploi permet à des demandeurs d’emploi volontaires de bénéficier d’un suivi intégralement dématérialisé, les contacts avec le conseiller passant par une interaction via une webcam et des tchats. Par ailleurs, des dizaines de milliers d’offres d’emploi sont déposées en ligne, sur le site pole-emploi.fr, par des partenaires de l’emploi, privés comme publics : ainsi, les demandeurs d’emploi bénéficient d’une vision la plus large possible des offres en ligne. C’est particulièrement révolutionnaire !

Le développement de l’offre de services numériques est essentiel. En effet, 40 % de la population active est née après le développement d’internet, et elle ne conçoit pas la relation avec un service public sans passer par une interface numérique.

L’enjeu est aussi économique. J’ai déjà évoqué la mise en place de la procédure du marché public simplifié, qui permet à l’acheteur public de libérer du temps pour étudier le fond des dossiers, qualifier la meilleure offre après une étude approfondie ou développer des aspects commerciaux.

Enfin, la transformation numérique de l’État est un atout démocratique. Le Président de la République a souvent insisté sur la valeur ajoutée du numérique pour « améliorer le débat public, notamment en ouvrant les données publiques », axe fort de la politique du Gouvernement depuis 2012. Sur ce sujet, nous avons la chance d’organiser, en décembre prochain, un sommet mondial qui en sera une parfaite illustration : les pays membres du Partenariat pour un gouvernement ouvert ont choisi la France pour organiser une « COP21 » de la décision publique, une fête de la démocratie qui doit aider à la réinventer de manière collaborative.

Mais nous n’attendons pas décembre pour agir. La mise en oeuvre du plan national « Pour une action publique transparente et collaborative » avance, avec les progrès de l’open data territorial et l’annonce, il y a quelques jours, au sommet de Londres, de la création d’un registre public numérique des bénéficiaires effectifs des trusts. Le recours aux consultations citoyennes se développe dans l’administration, mais de manière encore trop peu lisible et systématique ; nous avons donc vocation à améliorer et simplifier la procédure.

Depuis 2012, l’action du Gouvernement tourne autour de ces trois enjeux, en visant à les rendre concrètement atteignables. J’adresse à mes amis Gérard Charasse et Dominique Orliac un petit message à destination de Jacques Krabal, qui est certainement retenu également par une autre réunion : j’ai bien noté un certain scepticisme dans ses propos, et je souhaite le rassurer en lui apportant quelques précisions quant à la mise en oeuvre concrète des propositions portées par le Gouvernement.

Ainsi, nous avons besoin d’infrastructures capables de porter toutes ces dimensions. Le quinquennat aura été celui du dépassement des logiques purement ministérielles, désormais incompatibles, qui peuvent même constituer un frein à la transition numérique de l’administration. Je pense notamment au grand chantier du réseau interministériel de l’État, qui reliera sur un réseau informatique unique, dès l’an prochain, 17 000 points de service public sur l’ensemble du territoire. Je remercie encore la DINSIC, qui accomplit un travail de titan en recensant ces 17 000 points d’entrée vers les systèmes d’information numériques qui s’étaient créés dans l’administration.

Nous avons également besoin de professionnels du numérique. L’État en compte 18 000. Nous avons créé, au sein des services de l’État, des filières « métiers numériques », afin de permettre le développement de parcours professionnels, l’acquisition de compétences, et d’accroître l’attractivité de ces métiers. Constitution de corps interministériels, mise en place d’un référentiel interministériel des métiers et des compétences, formation en interne des profils clés, recrutement des profils rares… nous avançons sur tous ces chantiers.

La numérisation numérique de l’État suppose des échanges avec l’ensemble des acteurs du territoire. La transformation numérique des administrations dans les territoires est discutée dans le cadre de l’Instance nationale partenariale – INP –, qui a mis au point un programme de déploiement concerté. En mars, j’ai lancé une série d’appels à projets pour l’innovation numérique dans les administrations déconcentrées, qui doivent travailler avec tous les acteurs locaux, notamment avec les collectivités locales. Vous insistez sur ce point qui me semble particulièrement important.

J’en viens aux investissements. Les dépenses numériques de l’État représentent chaque année environ 4 milliards d’euros, dont 50 % en personnel. Sur 2 milliards d’euros de dépenses « hors personnel » annuelles, 1,2 milliard sont consacrés aux matériels, infrastructures et software, tandis que 800 millions sont consacrés à des projets. Grâce aux 86 millions d’euros du programme d’investissements d’avenir consacrés à la transition numérique de l’État et au financement de projets numériques innovants, ce budget a augmenté de 10 %. Ce n’est pas si fréquent, comme l’a justement fait remarquer M. Serville !

Je souhaite d’ailleurs préciser à Michel Piron que nous venons de lancer deux appels d’offres, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, pour soutenir les initiatives des administrations territoriales visant à créer, sur tel ou tel projet économique, social ou environnemental, des communautés numériques entre les administrations et les acteurs du secteur concerné. Ces appels d’offres bénéficient d’une dotation de 25 millions d’euros.

Parlons justement de l’innovation et de l’un des projets qui me tiennent le plus à coeur : le développement de l’open data, dont les progrès en France sont salués dans le monde entier. Ce n’est peut-être pas très modeste de le dire : sur la question de l’open data, nous sommes classés premiers par l’ONU !

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Mais pour ce qui est d’en bénéficier, il faudra revoir les choses !

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

Je répondrai à vos questions ensuite, cher Patrice Martin-Lalande.

L’ouverture des données publiques constitue une ressource pour la société et une chance pour l’administration, parfois amenée à sortir de sa zone de confort. La diversité de l’open data – données budgétaires, statistiques, juridiques, environnementales ou économiques – induit également une diversité des réutilisations.

La plateforme « data.gouv.fr » en recense plus de 1 400. Parmi les plus intéressantes, l’ouverture de données météorologiques a un impact économique évident pour les acteurs comme la SNCF ou EDF, très sensibles aux informations météorologiques. L’ouverture des données budgétaires de l’État permet à des organismes indépendants de faire des évaluations de politiques publiques plus efficaces. L’ouverture des données juridiques permet à des entrepreneurs de créer des services facilitant l’accès au droit grâce à de l’analyse massive de données. L’ouverture des données des entreprises permet de faire des analyses de marché et des études très poussées pour les journalistes et les entreprises – vous avez peut-être vu que les dernières données d’Infogreffe permettent de constater l’explosion au cours des derniers mois, dans des zones spécifiques de la région parisienne, du nombre de sociétés exploitant des voitures de tourisme avec chauffeur – VTC.

Deuxième axe stratégique : la création du fédérateur d’identité numérique France Connect, qui va être inauguré dans les semaines à venir. Ce projet, qui a associé tous les acteurs pertinents, a été conduit d’une main de maître par la DINSIC.

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

Déjà opérationnel pour quelques services – service-public.fr, je fais la publicité de ces sites car ils ne sont pas encore assez connus –, il permettra dans quelques mois à l’usager d’utiliser un de ses identifiants numériques, par exemple celui des impôts, comme « passe-partout » pour se connecter aux services publics numériques. La rénovation de « service-public.fr », opérationnel début mars 2016, est le premier socle de cette offre de service démultipliée.

Quant à l’usage du logiciel libre dans l’administration, il n’est pas le fruit d’un engagement idéologique – ce qui aurait été légitime –, mais le fruit d’un choix raisonné. L’État « promeut une culture d’usage des licences libres dans les développements de systèmes d’information publics » ; ces mots, je ne les invente pas, ils sont issus de la circulaire Ayrault de 2012 ! Dès lors, il convient d’être logique et de faire disparaître la peur du logiciel libre, que l’on imagine moins sécurisé, voire moins performant, alors que ce n’est pas du tout le cas.

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Il ne restera plus qu’à en convaincre l’Assemblée.

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

En effet, et le Sénat.

Les start-up d’État, qui ont été saluées – et cela m’a fait plaisir –, ont vocation à s’élargir à un plus grand nombre encore de porteurs de projets. Ces structures, qui ont permis la mise en ligne de « data.gouv.fr » et « mes-aides.gouv.fr » ou la création de « La Bonne Boîte » sont la preuve que des projets expérimentaux, réalisés avec des ressources financières et humaines très limitées, peuvent apporter un véritable service aux usagers – par exemple les bénéficiaires de prestations sociales, dont les démarches sont simplifiées. Elles ont vocation à se multiplier dans tous les ministères et à accueillir des profils de porteurs de projets plus divers. C’est aussi l’application du fameux droit à l’erreur que Corinne Erhel et Michel Piron ont appelé de leurs voeux, qui ne doit pas cependant conduire à une généralisation – cela serait fâcheux.

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

J’ai noté également, chère Corinne Erhel, votre intérêt pour la formation. Au plan interministériel, nous y sommes très attachés.

J’ai déjà abordé la question du gouvernement ouvert…

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

…et du sommet mondial que la France accueil sur ce thème. Je souhaite y associer l’Assemblée nationale et le Sénat et développer la logique du Parlement ouvert. Claude Bartolone, le président de votre Assemblée, a déjà pris des initiatives en la matière, et je souhaite que le Sénat s’engage dans la même démarche. Bien sûr, le Gouvernement doit se montrer ouvert, mais le Parlement et les collectivités locales aussi. C’est en fait l’ensemble des prises de décisions politiques et des procédures de concertation et de co-élaboration que nous essayons d’améliorer : cela ne peut se faire non de haut en bas, mais de bas en haut, comme cela a été dit, et de façon démultipliée.

Le Sommet mondial du partenariat pour un Gouvernement ouvert rassemblera plus de 3 000 participants. La France jouera donc un rôle phare au milieu des soixante-dix pays participants et des centaines d’ONG présentes.

Je partage donc votre conviction que la transformation numérique de l’État est un chantier absolument déterminant pour parvenir à le réformer – un objectif qui figure également au périmètre de mon portefeuille ministériel. Le nombre de services entièrement ou partiellement dématérialisés, et leur usage, ont connu un bond assez important ces dernières années, comme le montre le tableau de bord des services publics numériques. D’ici à la fin de l’année, et j’y veillerai tout particulièrement, près de neuf formalités administratives, avec signature par voie électronique, seront soit dématérialisées soit numérisées.

Vous avez eu l’amabilité de souligner l’importance du portage politique de cette question. Il convient en effet de donner du sens à la transformation numérique de l’État, et c’est ce que je fais à chacun de mes déplacements, en particulier dans les territoires où elle représente un défi plus important. J’ai bien entendu ce qui a été dit par votre collègue de la Guyane, ainsi que celui de Château-Thierry : on ne peut comparer des distances effectuées en pirogue ou en voiture. Dès ma prise de fonction, j’ai précisé que le numérique ne devait pas contribuer à accroître les inégalités entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas, ceux qui vivent dans des centres-villes bénéficiant d’un très fort débit et les habitants des zones dépourvues de connexion. Le numérique peut certes aider ceux qui sont déjà favorisés à aller encore plus vite, mais il doit surtout compenser les inégalités. Au titre de la cohésion nationale, je porte cette ambition.

La semaine dernière, je me suis rendu à Privas en Ardèche, où je me suis exprimé devant le comité interministériel sur la question de la ruralité. J’ai parlé de justice, d’égalité des territoires, de cohésion, de la nécessité d’associer l’ensemble de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Alors que nous vivons une période assez tendue, le débat de qualité que nous avons aujourd’hui devrait permettre, je l’espère, de nous réconcilier au plus vite avec les Françaises et les Français – pas seulement le Gouvernement, mais aussi la représentation nationale et l’ensemble des acteurs publics et de ceux qui ont des responsabilités dans ce pays.

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Nous en venons maintenant aux questions des groupes. Je vous rappelle que leur durée est fixée à deux minutes, de même que pour la réponse.

Pour les questions du groupe socialiste républicain et citoyen, la parole est à M. Luc Belot.

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Je souhaite remercier Corinne Erhel et Michel Piron pour leur travail. On connaît leurs compétences en ces matières, Corinne Erhel ayant de surcroît une vision extrêmement pointue des sujets numériques, et Michel Piron une vigilance particulière s’agissant des relations entre l’État et les collectivités du monde rural. Nous devons pouvoir tirer parti de leur rapport d’information et des préconisations qu’il contient afin de faciliter l’appropriation de l’outil numérique dans le cadre de la modernisation de l’État.

Ces thèmes rassemblent souvent les mêmes parlementaires : nos collègues Tardy, Martin-Lalande, Laure de la Raudière, Virginie Duby-Muller...

Sourires.

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Je n’oublie pas Marie-Anne Chapdelaine ni Corinne Erhel. Je ne doute pas que nous rayonnons, chacun, dans nos groupes respectifs.

Sourires.

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Mais je pense que nous avons encore besoin « d’évangéliser », pour reprendre un mot cher aux start-up.

Nous pouvons nous féliciter, monsieur le secrétaire d’État, de l’ambition dont vous faites preuve, sur le plan national mais aussi international, concernant des sujets comme l’open data ou l’open governement. Il suffit de rappeler l’organisation, en France, au mois de décembre, du Sommet mondial du partenariat pour un gouvernement ouvert, qui constituera un moment important de la démocratie citoyenne.

De même, tout à l’heure, Claude Bartolone nous conviera à un « mardigital » pour parler de la manière dont les start-up peuvent faciliter, grâce au numérique, la relation entre les administrations de l’État et les citoyens.

Michel Piron l’a rappelé, la modernisation est avant tout un moyen, et nous devons nous poser la question de savoir au service de qui et pour quoi elle doit être engagée. Tel est bien l’enjeu, qu’il s’agisse de l’open data – évoqué dans cet hémicycle au moment de la transposition de la directive PSI – ou de la dématérialisation du Journal officiel. Sur ce dernier point, on peut reconnaître à notre collègue Krabal une certaine constance dans ses propos, notamment lorsqu’il compare les mérites respectifs de la dématérialisation et du papier.

L’open data est une réalité, et la plateforme « data.gouv.fr » fonctionne bien, mais de nombreuses interrogations demeurent, à commencer par celle des redevances, sur laquelle je me suis souvent exprimé.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué dans votre conclusion le comité interministériel sur la ruralité qui s’est tenu à Privas vendredi dernier, et je souhaite justement vous interroger sur le lien entre la modernisation numérique et les collectivités locales, en particulier les communes. Les smart cities représentent en effet unenjeu de taille pour nos entreprises et nos territoires, mais qui a été quelque peu délaissé par l’économie et le pouvoir politique. Je souhaite que l’on puisse aller de l’avant sur ce sujet.

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Monsieur Belot, je vous rappelle que la durée d’une question est de deux minutes et non de trois minutes vingt.

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J’en prends bonne note, madame la présidente.

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Je fais ce rappel à l’intention des orateurs suivants.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour deux minutes.

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

Les smart cities, monsieur le député, ne correspondent pas tout à fait au sujet dont nous débattons aujourd’hui. Je sais toutefois qu’elles vous passionnent : Angers, où vous êtes élu, accueille une communauté très active sur ce sujet, et j’ai appris que vous aviez entrepris – tel un compagnon du Devoir – une tournée des villes de France et d’Europe afin d’étudier les initiatives prises en ce domaine.

Ce qui se passe autour des smart cities – les villes intelligentes – est extrêmement intéressant, notamment vu par le prisme de la transformation numérique. Différentes collectivités locales organisent ainsi des concertations entre les agents et les usagers. À Lyon, à Saint-Denis, à Issy-les-Moulineaux – j’essaie d’être oecuménique – dans diverses communes, existe une volonté d’associer davantage l’ensemble des acteurs, d’utiliser l’outil numérique pour optimiser leurs relations et porter une vision d’innovation publique pour des services publics locaux plus efficaces.

Ce n’est pas – je l’ai dit dans mon propos liminaire – la méthode en elle-même qui fait la différence, mais l’efficacité. Barcelone, par exemple, s’est engagée dans la voie des services connectés, notamment pour ce qui concerne les politiques d’énergie, de déplacement ou d’aménagement urbain, dans le but d’optimiser les relations entre les usagers et les services publics.

J’espère que nous pourrons poursuivre la discussion – avant que Mme la présidente ne me coupe le sifflet (Sourires) – au Salon des maires, la semaine prochaine, où j’interviendrai sur ce sujet qui, comme vous, me passionne. Et peut-être même nous retrouverons-nous à Dubaï en 2020 pour l’exposition universelle dont les smart cities sont justement un des thèmes !

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Rendez-vous est pris !

Pour l’instant, la parole est Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour deux minutes.

Sourires.

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Afin de rester brève, je me joins aux remerciements exprimés à l’instant par M. Belot.

Le numérique constitue une formidable opportunité pour que l’administration territoriale de l’État puisse relever les défis auxquels elle est confrontée. L’ouverture des données publiques s’est imposée comme une transformation majeure au cours des dernières années. Par ailleurs, la dématérialisation dans les relations entre les administrations et les citoyens ou les entreprises s’accélère. Elle couvre aujourd’hui près de neuf démarches administratives sur dix.

Néanmoins, comme le soulignent nos deux collègues Erhel et Piron dans le chapitre de leur excellent rapport intitulé : « une propension encore limitée des usagers à recourir aux services numériques », certaines personnes subissent la fracture numérique de plein fouet. Or, celle-ci ne doit pas être considérée comme un obstacle à l’extension des usages mais comme une inégalité qu’il faut résoudre.

Près de 18 % de la population n’est pas considérée comme « internaute », tandis qu’entre 12 et 18 % souffre d’illettrisme numérique. Pour ces usagers qui éprouvent des difficultés à utiliser des outils digitaux ou à y avoir accès – pas nécessairement pour des raisons d’ordre géographique, mais parce qu’ils n’ont parfois pas les moyens d’acheter un ordinateur –, la question de la généralisation de la numérisation de certains services publics pose un vrai problème. Car si les démarches et services en ligne se multiplient, ils ne sont néanmoins pas à la portée de tous. Certes, certains dispositifs ont été mis en place, comme les maisons de services au public ou les espaces publics numériques,…

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…mais ils ne suffisent pas à s’assurer, en vertu du principe d’égal accès aux services publics sur tout le territoire, qu’aucun individu ne restera abandonné, quelle que soit sa situation.

Dès lors, afin de répondre aux besoins de tous les types d’usagers, et pour pallier les disparités dans l’équipement et la maîtrise du numérique, ma question est la suivante : comment l’État va-t-il continuer à favoriser une plus grande médiation numérique sur l’ensemble du territoire national ?

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Jean-Vincent Placé

Madame la députée, j’ai déjà répondu dans mon propos liminaire à certains éléments de votre question. Il n’est pas évident d’inciter davantage à l’utilisation du numérique les publics que vous évoquez. Nous avons donc prévu des mesures incitatives – car, en la matière, des démarches coercitives ne seraient guère utiles –, avec notamment un processus dénommé « nudge », consistant à guider l’usage vers le numérique, une campagne de communication et une démarche de dématérialisation et de simplification.

Nous nous efforçons de faire en sorte que les choses soient jolies, ce qui n’est futile qu’en apparence car, en améliorant le design et l’ergonomie des services en ligne et en prenant mieux en compte l’expérience des utilisateurs dans la construction des services publics numériques, on contribue encore à l’utilisation du numérique, ce qui est notre fonction.

Vous avez, comme d’autres parlementaires, rappelé qu’un cinquième de la population n’est pas équipé de matériel informatique. La fracture numérique existe donc bien et il ne s’agit pas de la nier.

Au-delà du plan très haut débit que j’ai évoqué tout à l’heure, il existe plus de 10 000 lieux de médiation numérique où des ordinateurs – et, parfois, des personnels d’accueil et d’accompagnement – sont à la disposition du public, ce qui me semble particulièrement important. Nous menons également une action en faveur de l’accessibilité des personnes handicapées aux services publics numériques. Un référentiel général d’accessibilité à la labellisation des sites met des outils à la disposition des développeurs de services en ligne. Nous veillons par ailleurs, comme vous l’avez rappelé, dans les maisons de services au public, les maisons de l’État et tout ce qui contribue à la proximité, à pallier la distance qui sépare le citoyen du numérique à l’aide d’écrivains publics, notamment dans le cadre du partenariat que nous avons avec La Poste sur les territoires ruraux.

Il faut citer enfin les services itinérants, évoqués dans le rapport de M. Nicolas Bays et que nous avons l’intention de développer dans l’Aisne, dans le Pas-de-Calais et dans un troisième département dont je retrouverai le nom d’ici à la fin de cette séance.

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Nous en venons à une question du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à Mme Dominique Orliac.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement développe des processus de dématérialisation au sein des services publics, dans une logique de réduction des dépenses publiques. C’est très bien, mais force est de constater que cette stratégie connaît des limites, car l’essor de la dématérialisation se fait au détriment des services de proximité, qui sont indispensables dans les territoires ruraux.

En effet, dans ces territoires – et pour un moment encore –, le numérique n’est pas assez développé pour garantir à tous un accès à internet, et donc à ces services dématérialisés. En outre, une grande partie de la population vieillissante n’est pas formée pour utiliser de telles technologies.

Dans le cas particulier de la fiscalité, la priorité donnée par le Gouvernement à la dématérialisation des procédures entraîne déjà la fermeture de deux trésoreries dans le Lot, à Saint-Géry et à Luzech, ainsi que l’expérimentation d’une trésorerie sans caisse numéraire à Cazals. Les usagers vont donc devoir parcourir des distances conséquentes pour se rendre dans des trésoreries de proximité, dont les horaires ne sont pas forcément adaptés.

Par ailleurs, alors que les petites communes rencontrent de plus en plus de difficultés tant financières que techniques, leurs besoins en matière de conseils fiscaux vont croissant. Or, ces fermetures vont les obliger à s’adresser à des trésoreries voisines, déjà débordées. Ainsi, au premier trimestre 2016, le délai de paiement des trésoreries qui vont être supprimées est de 4,18 jours, contre 11,7 jours en moyenne pour celles en direction desquelles aura lieu le transfert. Le taux de recouvrement suit le même mouvement : le caractère de proximité est supprimé, mais également la qualité du service.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous donc prendre pour adapter la politique gouvernementale en matière de numérique aux réalités des territoires ruraux, afin d’éviter toute discrimination territoriale et de garantir l’égalité républicaine ?

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Jean-Vincent Placé

Madame la députée, vous avez évoqué à juste titre la rationalisation que connaissent les services de la Direction générale des finances publiques – DGFIP – dans chacun de nos territoires. Elle n’est du reste pas sans raison, car les contacts au guichet ne représentent plus que 55 % des contacts, le reste se répartissant entre 35 % par téléphone et 10 % par courriel. La DGFIP a donc considérablement renforcé son offre de services en ligne et professionnalisé ses services téléphoniques, en développant notamment des centres d’appels.

Dans le même temps, elle veille à offrir une qualité de service élevée à tous ses usagers, tout en améliorant les conditions de travail de ses agents. Elle doit donc notamment tenir compte, dans l’organisation de ses services, de la segmentation grandissante de ses différents publics, qui requiert une plus grande spécialisation. Seules des équipes plus concentrées et d’une taille plus significative sont donc à même d’assurer ces services tout en offrant aux agents de meilleures conditions de travail.

Ainsi, comme vous le savez particulièrement dans votre beau département du Lot, le resserrement du réseau des trésoreries en milieu rural vise précisément à constituer des équipes plus étoffées en multipliant les moyens des postes concernés et en spécialisant les équipes dans l’exercice des missions, de façon à renforcer leur expertise.

Je savais que cette partie de la réponse ne vous plairait pas beaucoup mais, dans chacun des deux cas évoqués – il s’agit en effet de la fusion de deux sites –, on trouve un agent et un comptable. C’est dans cette perspective que la Direction générale des finances publiques a jugé utile de recourir à une méthode douce – même si elle ne l’est peut-être pas assez à votre gré –, avec la généralisation de la déclaration en ligne, laquelle ne répond pas à une simple logique comptable, mais est aussi la résultante d’une démarche de service vis-à-vis de l’usager.

En revanche, puisque vous m’interpellez et que j’ai moi-même saisi la Direction générale des finances publiques et le cabinet du ministre Michel Sapin, je leur demanderai de se rapprocher de vous pour voir dans quelle mesure il est possible d’étudier à nouveau ce dossier.

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Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes tous convaincus que tous les aspects de la vie en société sont transformés par l’internet, qui permet à chacun d’être récepteur et émetteur d’un nombre illimité d’informations et d’expertises et tend à faire du « collaboratif » le mode normal d’organisation du travail.

Cette révolution met en cause toutes les médiations, y compris politiques. Le partage de l’information conduit au partage du pouvoir. Nous allons donc devoir inventer la démocratie qui va avec le numérique – un nouvel équilibre entre la démocratie représentative et la démocratie directe, une « démocratie collaborative » où la fabrique de la loi sera plus ouverte aux contributions citoyennes. Le vrai enjeu, pour le Parlement, consiste à choisir ou à subir le changement.

J’ai donc déposé en avril, avec une cinquantaine de collègues députés, parmi lesquels Nathalie Kosciusko-Morizet, Virginie Duby-Muller, Laure de La Raudière, André Santini et Lionel Tardy, une proposition de loi organique généralisant la consultation publique en ligne, par l’internet, sur les textes de loi avant leur examen par le Parlement – à l’instar, du reste, de ce que la Commission européenne organise déjà très régulièrement.

Cette proposition de loi doit permettre un enrichissement des débats en amont de la discussion parlementaire, une connaissance et une prise en compte par le Parlement du point de vue et de l’expertise des citoyens internautes dans une démarche de co-préparation de la loi et une transparence accrue du processus d’élaboration des normes – étant entendu que le vote doit continuer de relever, sauf référendum, des seuls représentants du peuple. Le Gouvernement a, du reste, et il faut l’en féliciter, entrouvert la porte dans cette direction en organisant deux consultations en ligne pour deux textes récents.

Je suis convaincu que, sur tous nos bancs, nous partageons la volonté que le Parlement organise la concertation préparatoire au vote de la loi. Il ne s’agit en aucune manière de contester les autres formes de concertation à l’initiative du Gouvernement, des réseaux sociaux ou de certaines plateformes, mais le Parlement a un rôle irremplaçable à jouer dans la mutation numérique de la vie politique et il doit le jouer sans attendre : attention à « l’ubérisation » de la démocratie représentative !

Pour toutes ces raisons, j’espère que nous parviendrons à voter un texte en ce sens avant la fin de la législature, avec le soutien du Gouvernement et des députés siégeant sur tous les bancs de l’Hémicycle.

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Jean-Vincent Placé

Monsieur le député, vous êtes élu du Loir-et-Cher et vous ne vous plaignez pas. C’est une bonne entrée en matière !

Sourires.

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Jean-Vincent Placé

Plus sérieusement, je souscris à l’essentiel de votre intervention et de vos préoccupations, comme je l’ai dit, du reste, à propos du gouvernement ouvert. Nous sommes la patrie des droits de l’homme, de la liberté et de la République et, comme je lis le dis souvent, le gouvernement ouvert doit être « l’esprit des Lumières avec le Wifi » – cette volonté de collaborer, de construire, d’évaluer, d’expérimenter et d’avoir un autre mode de gouvernement, totalement différent du pouvoir que nous avons pu connaître dans une tradition très monarchique et bonapartiste, y compris sous la cinquième République – mais ce débat nous entraînerait trop loin.

Vous l’avez dit : la collaboration et la consultation citoyenne, c’est formidable ! C’est ainsi qu’a notamment procédé Axelle Lemaire pour la rédaction de son projet de loi pour une République numérique, avec près de 25 000 contributeurs et, au terme de cette consultation, cinq articles introduits dans la loi et près de quatre-vingts amendements. De même, une consultation de la jeunesse a été menée par Patrick Kanner sur le projet de loi Égalité et citoyenneté. Nourrie par différents acteurs de la transparence, de l’éthique et de la morale, la loi sur la corruption qui sera prochainement présentée au Parlement par Michel Sapin repose également sur cette vision. C’est un enjeu fondamental.

Le gouvernement ouvert est à la fois une réponse éthique et morale à la corruption telle que l’illustrent les « Panama papers », une ouverture propositionnelle de concertation et de dialogue participatif et une réponse à Nuit debout – même si je ne suis pas un thuriféraire de ce mouvement.

Pour ce qui est de votre proposition de loi, à la philosophie de laquelle je suis pourtant favorable et sur laquelle je suis certain que nous aurons des échanges, je ne vois pas bien comment on pourrait procéder dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Il me semble en effet difficile de généraliser entièrement cette démarche.

Sous cette réserve, et en envisageant notamment des amendements, votre proposition me semble très intéressante. Je porterai donc la bonne parole avec vous sur ce sujet, notamment dans la perspective de notre sommet, afin d’en renforcer la logique.

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Monsieur le secrétaire d’État, alors que la France s’apprête à prendre la direction de l’Open Government Partnership en octobre 2016, nous sommes bien en deçà des ambitions affichées quant à la modernisation numérique de l’État. Nous occupons en effet, selon l’indice de développement numérique mis en place par la Commission européenne, la peu glorieuse seizième place sur vingt-huit. Le numérique ne nous attendra pas.

Si l’État n’est évidemment pas une start-up et si nos services publics ne doivent pas être « ubérisés » de la sorte, nous avons néanmoins beaucoup à faire et, dans nos territoires, l’action publique évolue encore trop lentement. J’en veux pour exemples le faible remplissage des formulaires et des téléprocédures ou le fait que l’inscription en ligne sur les listes électorales, que nous attendons de pied ferme, ne soit encore disponible que dans 4 100 communes.

Le récent rapport de mes collègues Corinne Erhel et Michel Piron sur l’évaluation de la modernisation numérique de l’État montre d’ailleurs ces insuffisances dans la coordination des collectivités territoriales pour le déploiement des services publics numériques. Ainsi, les acteurs locaux reçoivent bien souvent des injonctions venant de l’État, sans concertation ni valorisation des expérimentations et initiatives locales.

Le rapport souligne également les problèmes de mise en oeuvre de la numérisation des services locaux : si le programme de développement concerté de l’administration numérique territoriale propose de bons axes stratégiques, peu d’entre eux sont déjà mis en place. À l’heure où la situation des finances publiques nous impose pourtant la rationalisation, le numérique n’est pas réellement intégré comme un levier pertinent pour gérer cette situation.

Plusieurs pistes sont envisagées et proposées avec beaucoup de pertinence dans le rapport de mes collègues. C’est notamment le cas de la conception d’agendas numériques nationaux et régionaux, avec des stratégies concordantes ou convergentes, ou de la conception des réseaux de connexion.

Monsieur le secrétaire d’État, la défiance de nos concitoyens envers les institutions n’a jamais été aussi forte et le numérique est un élément de la modernisation de l’État qui apporte de vrais éléments de réponse. Les obstacles à la modernisation numérique des collectivités territoriales restent encore nombreux, alors que les bénéfices pour les usagers en sont réels en termes de gain de temps, d’économies et d’efficacité.

Que comptez-vous faire pour valoriser davantage le numérique au niveau local, accompagner nos administrations dans leur digitalisation et atteindre enfin nos ambitions ?

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Jean-Vincent Placé

Madame la députée, je vous remercie de cette question, qui m’intéresse particulièrement. J’ai en effet eu le grand plaisir, au lendemain de ma nomination, d’effectuer mon premier déplacement ministériel pour assister à une belle cérémonie organisée à Montrouge par Villes et villages internet, association que connaissent, je l’espère, tous les parlementaires qui sont aussi élus locaux et à laquelle j’espère aussi qu’ils invitent à adhérer. Il s’agit en effet d’une belle association qui complète la communication de l’État auprès des collectivités locales pour leur faire prendre conscience de la nécessité d’entrer de plain-pied dans la révolution numérique, la révolution de l’open data, de la dématérialisation et de l’ensemble des outils que cette révolution peut leur offrir pour, comme vous l’avez souligné, rapprocher le citoyen usager de l’administration territoriale.

J’ai ensuite rencontré, à mon initiative, l’ensemble des grandes associations d’élus – François Baroin pour l’Association des maires de France, Dominique Bussereau pour l’Assemblée des départements de France et Philippe Richert pour l’Association des régions de France. J’ai rencontré également France Urbaine, la nouvelle structure réunissant les métropoles.

C’est l’une des priorités du gouvernement ouvert, ainsi que je viens de le dire à Patrice Martin-Lalande. C’est aussi et surtout par les collectivités locales – car je suis extrêmement décentralisateur – que nous réussirons à diffuser et à amplifier la dynamique que nous souhaitons promouvoir au niveau de l’État.

Le cadre général sera chapeauté par France Connect au niveau national, en espérant que cela se déclinera. Lorsque vous cliquerez sur France Connect, vous indiquerez d’où vous êtes, par exemple de la quatrième circonscription de Haute-Savoie... Vous verrez alors tous les services se trouvant autour de vous : votre mairie, votre conseil départemental, la région Auvergne-Rhône-Alpes, etc. C’est en disposant d’outils spécialisés localement que nous réussirons à améliorer le service.

Par ailleurs, au regard de cette préoccupation importante pour le Gouvernement, la clôture de notre sommet mondial, qui se tiendra les 7, 8 et 9 décembre, aura lieu à l’Hôtel de ville de Paris. Ce sera le temps des collectivités locales, en présence de la maire de Madrid, du maire de Séoul, de la maire de Paris, bien sûr, ainsi que d’autres collectivités locales. J’espère que vous serez présents pour nous aider parce que nous avons besoin de tout le monde pour développer cela sur le terrain.

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La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le secrétaire d’État, j’ai déjà évoqué la nécessité de concilier approche stratégique et pragmatisme. Puis-je appeler votre attention sur le fonctionnement du modèle allemand, et plus particulièrement sur l’exemple du Conseil de planification des technologies de l’information, auquel le rapport d’information dont nous débattons consacre une partie ?

Ce Conseil n’est ni plus ni moins que le comité de pilotage politique de l’État fédéral, des Länder et des communes dans le domaine des technologies de l’information et de l’administration en ligne.

Il assure la mise en oeuvre pratique – je dis bien « pratique » – du dialogue entre État et collectivités territoriales en matière de décision, de coordination, de gestion et de suivi des projets d’administration en ligne.

S’il est vrai que, contrairement à la France, l’État allemand est doté d’une organisation fédérale, il n’en demeure pas moins que le contraste entre le mode d’association des collectivités à la réflexion et à la décision dans nos deux pays est saisissant.

J’en veux pour preuve les pesanteurs qui plombent l’exécution du programme de développement concerté de l’administration numérique territoriale, pesanteurs mises en lumière par les auditions que nous avons menées avec Mme Erhel.

Nous avons la conviction que les possibles progrès ouverts par la modernisation numérique de l’État ne se concrétiseront pas si l’ensemble des acteurs n’accompagnent pas ce changement profond et nécessaire.

Ma question est donc simple : le Gouvernement entend-il adopter une méthode – j’insiste sur le mot – de gouvernance et de pilotage permettant d’associer plus étroitement les acteurs de terrain aux projets de numérisation des services publics, et laquelle ?

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Jean-Vincent Placé

Monsieur le député, vous citez l’Allemagne : cela ne me pose pas de problème car elle est souvent un modèle de gouvernance, tant dans ses modes de scrutin que dans sa tradition de discussion avant la constitution des gouvernements ou dans la programmation des politiques publiques.

Nous pouvons nous en inspirer en matière de numérique ; cela étant, les Allemands s’inspirent aussi de nous. Ainsi, nous coopérons avec eux en matière d’ouverture des données publiques. Concernant les échanges de données, ils sont venus travailler dans nos services du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique sur le fameux processus « Dites-le nous une fois ».

Vous avez raison, la force de l’Allemagne tient à son habitude de la discussion – syndicale, fédérale, régionale, avec les entreprises –, qui se pratique de façon plus habituelle que chez nous. Les Allemands sont ainsi extrêmement actifs sur la question du numérique.

Quant à nous, notre gouvernance numérique représente 18 000 acteurs. Nous avons une direction, la DINSIC, au niveau national, qui est intellectuellement une direction d’élite, mais qui est encore modeste sur le plan des effectifs – une soixantaine d’agents. Nous avons vocation à mettre en oeuvre des structures comme l’Instance nationale partenariale, au sein de laquelle nous réunissons régulièrement l’ensemble des personnes intéressées par notre révolution numérique.

Pour les entreprises, une structure originale, le Conseil de la simplification pour les entreprises, a été mise en place sous la houlette de Thierry Mandon, avec Guillaume Poitrinal et Françoise Holder, chefs d’entreprise. Nous essayons de développer tout cela.

Notre réponse passe également par le gouvernement ouvert, auquel nous avons fait adhérer l’Allemagne lors du sommet franco-allemand de Metz, il y a quelques jours. Il nous importe en effet de diffuser cette doctrine en Europe et au-delà, dans les pays francophones.

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Nous en venons à la dernière question, posée par M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le secrétaire d’État, en janvier dernier, la Cour des comptes dressait le bilan de la numérisation des documents administratifs. Elle faisait le constat que les services publics numériques ne rencontrent pas le succès escompté auprès des usagers. Ainsi, même si l’usage des services en ligne augmente, il ne s’est pas généralisé, tant s’en faut.

La réforme générale des politiques publiques, en revanche, poursuit son chemin, avec son lot de suppressions de postes et de fermetures de services publics de proximité.

Pour prendre un exemple, dans mon département, et plus généralement en France, semble-t-il, nous avons été récemment informés de la suppression prochaine de la délivrance des certificats d’immatriculation des véhicules dans les sous-préfectures et préfectures.

Déjà, dans un bassin rural enclavé comme celui d’Ambert, dans le Puy-de-Dôme, au coeur de ma circonscription, marqué par le vieillissement, des revenus modestes et des transports publics réduits, la population a dû en assumer, à titre expérimental, les conséquences, qui n’étaient pas que virtuelles.

La seule modernisation numérique de l’État ne peut prétendre porter remède à la réduction à marche forcée des dépenses publiques. En réalité, elle n’intéresse pour l’essentiel que les territoires couverts par le haut débit, les ménages équipés de terminaux suffisamment performants, et laisse sur le bord du chemin nos concitoyens les plus âgés.

La Cour des comptes se contente, dans son rapport, de regretter que la plupart des formulaires proposés sur internet ne soient pas assez connus des usagers et appelle de ses voeux de nouvelles suppressions de postes de fonctionnaires. C’est un raisonnement hors sol ! Que devient, dans ce contexte, le respect des principes de continuité, d’égalité et d’adaptabilité du service public ?

Que compte faire aujourd’hui le Gouvernement pour que la numérisation ne soit pas à l’avenir un simple moyen de faire des économies, mais davantage un moyen d’améliorer la qualité du service public dans nos territoires ?

Plus précisément, monsieur le secrétaire d’État, confirmez-vous que les cartes grises seront, dans quelques mois, délivrées par cinq plateformes numériques réparties sur le territoire ?

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Jean-Vincent Placé

Monsieur le président Chassaigne, très synthétiquement, les certificats d’immatriculation, que nombre de nos concitoyens appellent les « cartes grises », sont aujourd’hui en effet délivrés par les préfectures et certaines sous-préfectures. Cette délivrance fait suite à l’accueil de l’usager, soit dans les services déconcentrés de l’État, soit – cela se sait peu – par les concessionnaires automobiles habilités à saisir les demandes dans le logiciel mis au point en 2009 par le ministère de l’intérieur.

Monsieur le président Chassaigne, vous posez des questions dont vous connaissez les réponses – c’est tout un art ! M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, a décidé le 9 juin 2015 d’engager une réforme en profondeur de la délivrance de ces titres comme des trois autres principalement délivrés en préfecture, à savoir le passeport, la carte nationale d’identité sécurisée et le permis de conduire.

Le plan « Préfectures, nouvelle génération » prévoit en effet, dans une logique que nous assumons, de numériser les démarches de demandes de titres afin d’éviter autant que possible à l’usager – lequel en est satisfait – de se déplacer et de subir l’attente au guichet. Ainsi, il sera possible, à partir de 2017, d’effectuer de chez soi sa demande de certificat d’immatriculation. Cela sera généralisé, représentant un progrès notable pour l’usager.

Debut de section - Permalien
Jean-Vincent Placé

Par ailleurs, et même si l’on peut toujours tout critiquer, la Cour des comptes note que les inégalités numériques se réduisent.

Enfin, vous l’avez entendu, notre volonté n’est pas d’être dans l’austérité ou dans la rigueur, mais dans le sérieux budgétaire pour rationaliser l’utilisation de nos services.

En ce sens – c’est particulièrement le cas en Auvergne et dans le Puy-de-Dôme –, nous avons la volonté de retrouver et de redynamiser nos services publics de proximité – les maisons de services au public, les maisons de santé, les maisons de l’État, la carte des sous-préfectures que nous allons revoir pour la première fois depuis 1926 –, et également les services itinérants. Vous verrez que vos électeurs seront très contents de la politique du Gouvernement !

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Le débat sur l’impact de la modernisation numérique de l’État est clos.

La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.

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L’ordre du jour appelle maintenant les questions sur la politique agricole du Gouvernement. Je vous rappelle que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.

Les deux premières questions seront posées par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

La parole est à M. Franck Reynier.

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Monsieur le ministre, notre agriculture française traverse une crise sans précédent.

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Une crise qui ne touche pas uniquement les filières de l’élevage mais aussi notre arboriculture, patrimoine souvent méconnu de notre territoire, et pourtant au coeur du dynamisme de nos régions.

Depuis le début des années 1990, on observe une baisse constante des surfaces arboricoles. Ainsi, entre 1990 et 2013, nous sommes passés de 192 500 hectares à 145 700 et la production globale a baissé de 31 % entre 2000 et 2012.

La pêche et la nectarine sont certainement les filières les plus représentatives de cette crise, avec une baisse de production de 59 % entre 1990 et 2012.

Ces difficultés économiques sont en grande partie causées par la concurrence espagnole qui s’est accrue depuis une dizaine d’années. Nos arboriculteurs sont ainsi confrontés à un dumping économique absolument insoutenable, pratiqué par l’Espagne sur de nombreux fruits.

Ainsi, le kilo de pêche espagnole est vendu entre 1,10 et 1,20 euros à Madrid, tandis qu’il se retrouve à 50 centimes d’euro en France. Comment nos exploitants peuvent-ils lutter contre des prix aussi bas ?

Devant une telle situation, les arboriculteurs français ont été contraints de multiplier les crédits bancaires, de diminuer leur masse salariale ou encore de se désengager de certaines assurances, alors même qu’ils sont confrontés à des virus de plus en plus violents, comme la sharka, et qu’ils ont dû faire face à des périodes de gel particulièrement rudes.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous accompagner ces exploitations et les milliers d’emplois directement menacés par cette crise d’ampleur ? Et comment allez-vous faire entendre la voix des arboriculteurs français auprès de l’Union européenne ?

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La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, vous m’avez déjà interrogé ce matin sur les questions liées au gel dans votre département. Je vous ai répondu que nous mobiliserions le Fonds national de gestion des risques en agriculture – FNGRA – comme c’est légitime.

Vous avez à juste titre rappelé ce qu’avait été la chute de la production arboricole dans les dix dernières années. Vous avez examiné la situation de 2000 à 2012 et vous avez donc été d’une honnêteté parfaite. Je souhaite d’ailleurs que toutes les questions soient sur le même ton, ce qui nous donnerait un débat d’une grande portée.

Sourires.

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je regarde Antoine Herth en effet.

Vous avez évoqué un certain nombre de sujets, comme la compétitivité. On le sait, le coût du travail dans les différents pays européens et en particulier en Espagne – mais nous n’avons pas à désigner en particulier un pays – a été un élément qui nous a fait perdre une partie de notre production. Nous devons maintenant relever la tête, nous réorganiser et structurer l’ensemble des filières.

C’est ce que nous avons fait en ouvrant le débat sur le renouvellement de notre verger, qui a perdu une grande partie de sa surface et continue de se réduire. Des moyens spécifiques ont été mis en place au niveau de FranceAgriMer. C’est un sujet dont j’ai débattu avec l’interprofession à mon arrivée : c’était une vraie demande. Dans ma région, s’agissant des pommiers, nous avons beaucoup perdu de notre production.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Guy-Michel Chauveau me rappelle qu’il en est allé de même dans la Sarthe. Nous essayons donc, à travers le pacte de responsabilité, les baisses de charges, les exonérations sur le travail saisonnier qui ont fait l’objet de nombreux débats, de maintenir notre compétitivité et, surtout, d’accompagner la restructuration des filières, le positionnement de nos fruits sur l’ensemble des marchés, pour être en capacité de résister à la concurrence.

L’Espagne a fait des choix pour un certain nombre de productions, à des moments où nous étions sur des marchés captifs. L’entrée de l’Espagne sur le marché européen a bouleversé la donne. Maintenant, la qualité de notre production nous donne toute capacité de structurer et d’organiser ces filières et les redresser. Mais le premier point, c’est le renouvellement du verger, qui constitue une condition du redressement de notre production à l’échelle nationale et européenne.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre, mon collègue François Rochebloine souhaitait vous interroger : je vais vous poser sa question.

Lors de ma précédente intervention, je vous interpellais sur la crise de l’arboriculture, causée en grande partie par la concurrence espagnole mais aussi par des décisions publiques parfois incompréhensibles, à l’image de l’interdiction récente de l’insecticide au diméthoate, qui était utilisé pour protéger les cerises d’un nouveau fléau : la drosophile Suzukii, aussi appelée « moucheron asiatique ».

L’interdiction de ce produit, à quelques jours de la récolte, a laissé les producteurs dans une inquiétude profonde.

Comme cela s’est passé pour les néonicotinoïdes, le Gouvernement est semble-t-il allé trop vite et n’a pas mesuré les conséquences dramatiques de ses annonces sur les arboriculteurs.

Avec de telles décisions, notre pays ne cesse de créer des distorsions de concurrence insoutenables au niveau européen.

Au groupe de l’Union des démocrates et indépendants, nous ne sommes pas opposés à une interdiction, à terme, de ces produits. Pour autant, nous pensons que la transition doit être préparée.

En effet, avant d’interdire toute substance, il faut être certain qu’il existe des alternatives aussi efficaces et surtout moins nuisibles.

Ce n’est aujourd’hui pas le cas pour le diméthoate. Si des alternatives dites « douces » sont connues, comme les pièges englués ou les macérations d’ail diluées, pulvérisées sur la production tardive, elles ne représentent absolument pas une garantie à 100 %.

Vous avez demandé à la Commission européenne l’interdiction immédiate du diméthoate dans toute l’Union européenne. Une nouvelle fois, Bruxelles est resté sourd à vos demandes, laissant présager des prix de vente astronomiques pour nos cerises françaises.

Vous avez donc pris un arrêté suspendant l’importation de cerises provenant de pays utilisant du diméthoate. Pour rappel, la France importe actuellement un cinquième de sa consommation.

Tout d’abord, monsieur le ministre, quels pays utilisent encore ce produit ? Et une telle décision signifie-t-elle que nous ne retrouverons aucune cerise de ces pays sur nos étals ?

Ensuite, vous vous êtes engagés à indemniser les dommages causés par la drosophile Suzukii : pouvez-vous nous éclairer sur les moyens financiers alloués ? Et à long terme, avez-vous des pistes pour aider nos producteurs à combattre ce moucheron ?

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

La question était posée par M. Rochebloine que je salue, même s’il n’est pas présent.

L’an dernier, j’ai pris une décision, contre l’avis de mon administration, en accordant une dérogation pour l’utilisation à demi-dose du diméthoate, afin de faire face à la drosophile Suzukii.

Je l’ai prise et c’était ma responsabilité qui était engagée.

Il se trouve que ce n’est pas moi qui ai interdit le diméthoate : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – l’ANSES –, qui avait pour mission, conformément à la loi d’avenir pour l’agriculture, de donner une autorisation de mise sur le marché, ne l’a pas accordée en début d’année.

C’était au mois de mars et c’est l’ANSES qui n’a pas donné d’autorisation de mise sur le marché.

Je l’ai déjà dit à l’Assemblée au cours d’un débat : si j’ai pu accorder une fois une dérogation, comment aller à l’encontre de cette décision prise sur des bases scientifiquement étayées, quand on sait la dangerosité du diméthoate, en particulier pour les enfants ? Qu’est-ce que j’aurais pu expliquer aux consommateurs de cerises ? Vous connaissez les débats qui ont lieu sur les phytosanitaires, je ne vais pas y revenir. Sur le sujet qui nous occupe, ne pas suivre l’ANSES était indéfendable.

Je suis dans cette situation non parce que j’ai décidé d’interdire le diméthoate, mais parce que l’autorisation de mise sur le marché n’a pas été donnée.

J’ai parfaitement entendu l’argument des producteurs, selon lequel la décision prise en France va se traduire par des importations de cerises traitées au diméthoate. J’ai donc porté le problème au niveau européen et nous avons pris le 22 avril un décret par lequel nous avons mis en oeuvre une clause de sauvegarde pour empêcher l’entrée de cerises provenant de pays qui utiliseraient le diméthoate.

Que s’est-il passé ? L’Espagne, l’Italie, la Pologne et, je crois, la Belgique ont suivi la position de la France en ne donnant plus l’autorisation d’utiliser ce produit.

Pour faire face à la drosophile Suzukii, les alternatives commencent à être efficaces, sans parvenir au niveau du diméthoate. Nous devons aider la recherche à trouver des alternatives au diméthoate, à travers le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes – le CTIFL : j’ai vu son président tout à l’heure. Tel est l’enjeu maintenant.

Comme cette décision a été prise tardivement, encore une fois suite au refus d’autorisation de l’ANSES, j’ai pris un engagement devant toute la profession. Nous aurons une réunion le 12 juin pour fixer les critères sur lesquels nous allons compenser les pertes liées à la non-utilisation du diméthoate en cas d’attaque de la drosophile Suzukii, mouche apparue il y a une dizaine d’années et très virulente, comme toutes les mouches.

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Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à Mme Dominique Orliac.

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Monsieur le ministre de l’agriculture, le vide sanitaire destiné à éradiquer le virus de l’influenza aviaire qui a sévi dans le Sud-Ouest a été effectif à compter du 1er mai.

Je tiens à saluer la mise en place des mesures visant à indemniser les pertes subies par les professionnels situés en amont de la filière, même si nous attendons bien entendu d’en voir les résultats concrets.

Cependant, je tenais à souligner l’absence totale de mesures en ce qui concerne les professionnels situés en aval de la filière tels que les abatteurs, découpeurs, conserveurs, transporteurs. Alors que ces professionnels ont également subi des pertes dues à l’instauration du vide sanitaire, il semblerait qu’aucune aide ne soit prévue pour combler le manque à gagner dont ils ont été victimes.

Dès lors, monsieur le ministre, quelle mesure indemnitaire allez-vous mettre en oeuvre pour indemniser l’aval de la filière ?

Par ailleurs, un arrêté du 8 février 2016, applicable le 1er juillet 2016, va édicter les mesures de biosécurité auxquelles les éleveurs devront se conformer pour reprendre leur activité. Ce texte sera suivi d’une instruction ministérielle qui fera référence à des guides de bonnes pratiques d’hygiène en élevage.

Ces textes, qui visent à instaurer l’exigence d’une conduite en bande unique, sont pourtant totalement incompatibles avec la poursuite de l’activité des petites et moyennes exploitations de nos départements ruraux, comme le Lot, et favorisent plutôt les grands groupes. En outre, ces textes vont entraîner une baisse de production, due à l’obligation d’installer des vides sanitaires réguliers, et nécessiter de lourds investissements pour les professionnels.

Je partage la nécessité d’éradiquer ce virus, mais les mesures de biosécurité doivent d’abord être en cohérence avec la réalité du terrain et s’accompagner de soutiens, indispensables pour les professionnels concernés.

Monsieur le ministre, entendez-vous prévoir des mesures financières destinées à accompagner la mise en place de ces mesures ?

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Madame la députée, je vais être extrêmement clair. Vous ne pouvez pas dire qu’aucune mesure n’a été prise en direction de l’aval de la filière. Je me suis déplacé dans les Landes et dans le Gers pour apporter des précisions, pourtant j’ai entendu dire que des mesures avaient été prises, mais uniquement pour l’amont de la filière et non pour l’aval.

Madame la députée, j’ai déjà répondu tout à l’heure à cette question. Des mesures ont été prises : ajout de 60 millions d’euros au budget de FranceAgriMer pour répondre à toute demande de report de charges de la part des entreprises concernées ; possibilité pour celles-ci de demander immédiatement, sans attendre les difficultés, des reports fiscaux et sociaux qui pourront être transformés en suppressions de charges et en aides ; possibilité de demander des avances sur le CICE pour renforcer leur trésorerie ; mise en place du chômage partiel pour toutes les entreprises qui ont été affectées.

Madame la députée, il est très compliqué pour un ministre de gérer une crise sanitaire. Je ne suis pas responsable de l’influenza aviaire, mais, parce que son existence mettait en danger la totalité de la filière, j’ai été obligé de prendre ces décisions. Vous ne pouvez pas dire que nous n’avons rien prévu car des mesures ont été prises.

En matière de biosécurité, selon vous, les mesures que j’ai prises consistent à mettre en place la bande unique et à essayer de gérer la filière. Mais le vrai sujet, c’est l’influenza aviaire et le risque qu’elle fait peser sur toute la filière ! Si nous laissions la maladie se répandre et ce problème sanitaire empirer, que croyez-vous qu’il arriverait ? Nous assisterions à la fin de cette belle filière de foies gras et de volailles dans le Sud-Ouest.

Je ne veux pas faire courir ce risque à la filière. Je prends donc des décisions qui, certes, vont nécessiter des investissements. L’État, je le répète, est prêt à engager 220 millions, sur deux ans, pour aider les exploitants à faire les investissements nécessaires.

Les mesures de biosécurité que prend le ministère sont destinées à éviter la propagation du virus de l’influenza aviaire. Je vous rappelle que trois virus – H5N1, H5N2 et H5N9 – ont été constatés dans l’ensemble de la zone et que ces virus étaient en train de muter. C’est pourquoi j’ai pris la décision d’imposer le vide sanitaire, afin d’enrayer ces mutations et sortir la filière d’une situation sanitaire catastrophique, à terme, sur le plan économique.

Bien sûr, il y aura des adaptations ; bien sûr, certaines mesures ne sont pas faciles à prendre ; bien sûr nous serons là pour aider la filière, en amont comme en aval, pour aider les entreprises et les exploitants agricoles.

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Monsieur le ministre, au cours des dix derniers jours, de nombreux éleveurs du Puy-de-Dôme m’ont fait part, une nouvelle fois, de leur exaspération devant les nouveaux reports du calendrier de versement des paiements PAC suite aux annonces du Président de la République.

Tous les syndicats agricoles, sans exception, ont fermement dénoncé les conséquences de ce nouveau calendrier, qui prévoit des versements qui s’échelonneraient désormais de septembre 2016 à décembre 2016 – pour la campagne 2015 !

Monsieur le ministre, ces annonces interviennent alors que, depuis l’automne 2015, les informations sur les délais de versement leur sont données au fur et à mesure, les reports se succèdent, la gestion des avances de trésorerie devient toujours plus complexe…

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…et, finalement, les engagements portant sur le versement des soldes en juin 2016 ne sont pas tenus.

Alors qu’ils remplissent leurs déclarations PAC pour la campagne 2016 et que les contrôles sur les exploitations se poursuivent, ils découvrent que la même situation devrait se reproduire en 2017 !

Acculés par la crise, par l’absence de politique publique, européenne ou nationale, pour enrayer la baisse des prix d’achat, leur colère est légitime. Je vous le dis, monsieur le ministre, nos agriculteurs sont à bout.

Vous avez, au cours des derniers jours, justifié cette situation en évoquant les imbroglios administratifs et relationnels entre vous et la Commission européenne concernant l’apurement des aides passées. Mais les agriculteurs en ont assez de servir de variable d’ajustement aux caprices des libéraux de Bruxelles !

Surtout, cette situation pose de nouvelles incertitudes.

Ainsi, monsieur le ministre, comment comptez-vous prendre en compte la situation des agriculteurs qui n’ont pas sollicité d’avances de trésorerie et qui pensaient bénéficier de leurs aides avant juin 2016 ?

Quelles garanties êtes-vous à même d’apporter dès maintenant aux agriculteurs pour accompagner la prolongation des prêts et avances de trésorerie déjà en cours, notamment quant au recul des échéances de remboursement ou de paiement des intérêts d’emprunt ? Je vous remercie.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, je connais ces questions : elles me seront posées plus d’une fois au cours de la soirée. Je suis ministre de l’agriculture et comptable – c’est une question de gestion et de responsabilité – de ce qui s’est passé avant mon arrivée au ministère.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

J’assume toutes les responsabilités de l’État vis-à-vis de la Commission européenne. C’est en 2014 que nous avons été saisis de la procédure d’apurement. Monsieur le député, je ne sais pas pourquoi les règles européennes ont été négociées – ce n’est pas, là non plus, moi qui les ai négociées…

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

…mais la Commission a adressé une demande de correction assortie d’une sanction financière à l’encontre de l’État français d’un montant de 3,5 milliards d’euros pour les orthophotographies qu’elle jugeait contestables.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Toutes les surfaces éligibles aux aides sont orthophotographiées. La Commission a contesté nos orthophotographies, considérant qu’elles contenaient des erreurs de l’ordre de 0,5 à 1 %, et nous a sanctionnés à hauteur de 3,5 milliards d’euros.

Nous avons réduit la sanction financière à un milliard d’euros en prenant l’engagement devant la Commission européenne de refaire toutes les photographies. Mais la France n’est pas la Tchécoslovaquie, la France, ce sont vingt-cinq millions d’hectares !

Ces vingt-cinq millions d’hectares ont tous été photographiés, non pas par hectare mais par mètre carré ! Ce travail que j’ai accompli, qui me vaut les critiques que vous venez de m’adresser et que m’adressera aussi la partie droite de cet hémicycle, je l’ai fait pour l’État, pour la France et pour le futur. Chacun aura désormais à sa disposition une photographie de toute la France qui sera conforme à ce que souhaite la Commission européenne, et cela vaut pour toute l’année 2015.

Cet apurement survenu en 2014 nous a obligés à photographier une fois encore vingt-cinq millions d’hectares et nous avons passé l’année 2015 à gérer ce problème.

Nous n’avons pas pu, je le dis et je l’assume, régler le problème de la PAC comme il aurait dû être réglé, mais nous avons fait des avances.

Auparavant, lorsqu’on versait des aides aux agriculteurs, ils percevaient, en octobre, une avance égale à 50 % de la totalité de l’aide qui devait leur être versée à la fin de l’année, en décembre. Nous avons, avec les ATR, les apports de trésorerie remboursables, tenu les mêmes engagements : pour 2015, nous avons accordé une avance, en octobre, à hauteur de 90 % des aides potentielles calculées sur la base des aides de 2014, cela afin que les agriculteurs perçoivent des aides.

À la fin de l’année 2015, le parcellaire graphique était terminé. Nous avons traité toutes les photos qui nous étaient revenues afin de permettre aux agriculteurs, en 2016, de faire la déclaration Telepac sur la base des photos officielles, ce qui nous amène au moment où nous sommes. Le solde des aides de 2015 sera versé avant le 10 septembre de cette année.

Oui, nous sommes en retard. Et pour rattraper, en un an, la totalité de ce retard et tout ce que nous avons perdu en 2015, nous établirons le solde de 2015 en décembre, avec une avance en octobre à hauteur de 90 % pour aider les éleveurs et l’ensemble des agriculteurs à faire face à leurs problèmes de trésorerie, et nous verserons la totalité du solde au début de l’année 2017.

Le calendrier est clair. Pour ma part, j’assume, en tant que ministre d’un État qui s’appelle la France, mes responsabilités par rapport à ce qui s’est passé. Je les assume devant la Commission européenne et je fais tout mon possible pour éviter aux agriculteurs des difficultés de paiement.

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Je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que l’exercice veut que le Gouvernement ne dispose que de deux minutes pour répondre à chaque question.

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Monsieur le ministre, comme vous le savez, la Guyane est la seule région de France qui connaît une augmentation de sa surface agricole utile. Toutefois, cette croissance n’étant pas proportionnelle à la croissance démographique, la perspective d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dans ce département, qui importe la majeure partie de ses biens d’alimentation de l’hexagone, au prix d’un trajet de 7 000 km, semble bien lointaine.

Pourtant, la validation récente du schéma d’aménagement régional par le Conseil d’État laisse entrevoir une lueur d’espoir. En effet, celui-ci prévoit de dédier 50 000 hectares supplémentaires à l’activité agricole. Mais quid de la gestion et de l’attribution de ce foncier ? C’est l’une des questions les plus inquiétantes.

Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux recommande la création en Guyane d’un opérateur foncier rural de type SAFER – société d’aménagement foncier et de développement de l’espace rural –, à l’image de ce qui a été fait dans toutes les autres régions de France. Ce n’est cependant pas la voie empruntée par les gouvernements successifs, qui ont préféré renforcer les compétences agricoles de l’EPAG, l’établissement public local d’aménagement.

Aussi, le constat est sévère : la gestion actuelle du foncier ne favorise pas l’installation puisque l’agriculture est en compétition avec l’habitat. C’est d’autant plus vrai que les agriculteurs ne sont pas équitablement représentés au sein de l’EPAG. Cela ne risque d’ailleurs pas de s’arranger avec le rôle prépondérant qu’est appelé à jouer l’établissement dans la mise en place de l’opération d’intérêt national récemment lancée dans notre territoire.

Aussi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir nous éclairer sur les intentions du Gouvernement dans le but d’assurer une gestion juste et équitable du foncier dédié à l’agriculture en Guyane et surtout de permettre une représentation équitable du monde agricole dans la gouvernance foncière locale. Je vous en remercie.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Le foncier en Guyane est un sujet dont nous avons beaucoup discuté lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Je m’en souviens parfaitement.

Historiquement, sur les questions de cadastre, d’organisation de la propriété foncière en Guyane, nous avons pris beaucoup de retard – et il n’y avait pas de SAFER…

La question du foncier est complexe, vous l’avez souligné : entre la forêt qu’il faut préserver et la bande littorale très urbanisée, où est la place de l’agriculture ? C’est un sujet majeur.

Il nous faut trouver une solution qui soit à la fois adaptée et efficace pour la gestion de ce foncier : le décret est en préparation. Un établissement public foncier sera chargé de gérer le foncier agricole en Guyane, et de manière précise, pour mettre fin à la situation que nous avons connue dans le passé et mettre en place une politique foncière qui assure la viabilité des terres agricoles et permette aux agriculteurs de s’installer.

Le décret portant création de l’établissement foncier paraîtra dans les prochains mois. Je propose qu’avant l’été nous ayons pris ce décret, mis en place l’établissement foncier et engagé une vraie politique foncière, avec les collectivités locales et les élus, qui laisse l’urbanisme se développer tout en protégeant les terres afin de développer l’agriculture, dont nous savons qu’en Guyane elle a du potentiel.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, ma question se rapproche de celle de M. Chassaigne. J’ai bien entendu votre réponse et je ne voudrais pas vous lasser, mais je souhaite tout de même poser ma question.

Au cours de la séance de questions au Gouvernement du 26 janvier, j’avais appelé votre attention sur les difficultés rencontrées par les agriculteurs lors de l’instruction des dossiers pour l’obtention des aides versées dans le cadre de la PAC. Il me semble que ces problématiques ne sont toujours pas réglées.

En effet, l’instruction des dossiers pour l’ensemble des dispositifs d’aide n’est toujours pas terminée, ce qui implique un retard dans le versement des aides alors même que les déclarations pour 2016 sont en cours.

Il en va de même pour les visites dites « visites rapides » visant à valider les prorata déclarés pour les surfaces peu productives. Celles-ci ont commencé en février 2016 au lieu de septembre 2015.

Certes, des avances sont versées aux agriculteurs concernés par ces retards, mais elles ne sont pas suffisantes et le solde des dispositifs d’aide est nécessaire, voire vital, pour ces professionnels au vu des difficultés économiques qu’ils rencontrent.

Dès lors, monsieur le ministre, quelle mesure comptez-vous prendre dans ce domaine ?

En outre, je souhaite vous interpeller sur les pénalités appliquées aux agriculteurs en cas d’écart entre les surfaces déclarées et la réalité. La note technique destinée à fournir aux déclarants les informations essentielles pour remplir le formulaire est intervenue plus de six mois après la date de remise. Du fait des modernisations des modalités d’admissibilité et du retard dans la parution de la note, les agriculteurs ont effectué leur déclaration à l’aveugle.

Ainsi, des agriculteurs se voient appliquer des pénalités dans le cadre de l’instruction de leur dossier pour 2015. Pire encore, étant donné que toutes les instructions ne seront pas effectuées avant la clôture du délai d’inscription pour 2016, de nombreux agriculteurs vont répéter, sans le savoir, les mêmes erreurs, donc être pénalisés deux fois pour les mêmes faits : au titre de leur déclaration de 2015 et de 2016.

Monsieur le ministre, allez-vous renoncer à appliquer ces pénalités lorsque la bonne foi du déclarant n’est pas remise en cause ? Allez-vous reporter la date de fin de déclaration pour l’année 2016 afin de permettre l’instruction de l’ensemble des dossiers et éviter ainsi aux agriculteurs de répéter les mêmes erreurs dans leur déclaration ?

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

La question porte sur deux sujets.

Tout d’abord, je répète que, si le versement des aides a pris du retard, c’est parce que nous avons engagé une remise à plat qui nous a été demandée.

Venons-en à présent au sujet des surfaces peu productives, qui est très intéressant. Jusqu’à la réforme de la PAC, le calcul des aides pour l’agropastoralisme – ces aides légitimes, que tout le monde défend, comme je l’ai fait moi-même à l’échelon européen – s’effectuait sur la base d’un régime juridique insécurisant, puisque les mesures que nous avions prises en France étaient pratiquement condamnables à l’échelon européen.

On courait le risque qu’un jour ou l’autre, les agriculteurs se retrouvent sans aide ou qu’ils voient remettre en cause celles qui leur auraient été versées. Afin d’éviter ce piège, j’ai fixé un cadre à la négociation.

Pour intégrer au dispositif global les aides concernant les surfaces agropastorales, il fallait les justifier auprès de la Commission sur la base du calcul de leur capacité productive. Les zones agropastorales produisent, même en faible quantité, du gland pour les cochons, en Corse, par exemple, ou de la châtaigne, dans les sous-bois ou les causses. Nous avions mis en place près de 200 photos pour pouvoir justifier ces aides.

Vous annoncez d’ores et déjà, madame la députée, qu’il y aura des pénalités – non sans rappeler que j’ai reporté le délai de déclaration. Mais qui parle de pénalités ? Citez-moi un seul exemple en la matière. Le moment venu, nous verrons si une déclaration erronée entraîne le versement de pénalités, mais pourquoi anticiper une telle situation, alors que le dispositif n’est pas mis en oeuvre ?

Les uns et les autres, nous faisons de la politique. La suspicion existe. On veut toujours montrer que l’on anticipe ce qui va se passer. Mais j’aimerais bien que, dans les questions, on évite d’annoncer qu’il y aura des pénalités, quand ce n’est pas le cas.

D’ailleurs, je ferai tout pour qu’il n’y en ait pas, et pour que soient attribuées des aides aux surfaces peu productives, parce que, derrière les dossiers, il y a des agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Très bien ! Il faut vous titiller, monsieur le ministre, pour que vous lâchiez !

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Nous en venons à des questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à Mme Pascale Got.

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Monsieur le ministre, ma question aborde deux axes : l’agroécologie et l’agroforesterie, toutes deux mises en avant, par divers dispositifs, dans la loi agricole et forestière.

Quel bilan tirez-vous des première mesures que vous avez prises pour promouvoir l’agroécologie ? Votre volonté concorde-t-elle avec la réalité du terrain ? Comment appréciez-vous la situation phytosanitaire de la viticulture en Gironde ?

La ministre de l’environnement a annoncé un prix plancher au carbone pour l’électricité. De votre côté, dans la perspective de COP21, vous aviez annoncé l’engagement de la France dans l’initiative « 4 pour 1000 » et mis en avant le plan de développement de l’agroforesterie pour 2015-2020, afin de limiter l’empreinte carbone des agriculteurs.

Comment ferez-vous pour que la forêt française bénéficie aussi d’une partie des ressources issues de la vente des quotas de carbone ? Vous conviendrez qu’elle ne pourra pas en être totalement privée.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Madame la députée, vous me posez en fait deux questions.

La première concerne la Gironde. J’y reviendrai.

L’autre est plus essentielle : qu’en est-il de l’agroécologie et de l’agroforesterie ? Aujourd’hui, quelque 300 groupements d’intérêt économique et environnemental – GIEE – commencent à mettre en pratique, sur un peu plus de 300 000 hectares, les objectifs collectifs d’agroécologie que nous leur avons fixés. Je vous renvoie à la discussion que nous avions eue ici même.

À cela s’ajoute toutes les fermes qui travaillent – fort bien – dans le cadre du plan Écophyto afin de diminuer leur consommation de produits phytosanitaires. Les résultats, recensés depuis deux ans, montrent que celle-ci a baissé de 20% à 25%. Nous allons poursuivre dans cette logique.

Parce que la nuit est propice au débat, le 23 juin 2016, à l’occasion de la nuit de l’agroécologie, j’ai proposé que le sujet soit posé clairement sur la table, lors d’une discussion avec des spécialistes.

J’ai avancé le chiffre de 300 000 hectares. Il prouve que nous progressons. D’ailleurs, nous allons continuer. L’agroforesterie se développe assez rapidement, surtout dans le Sud-Ouest.

En ce qui concerne la production et le stockage de carbone, c’est à l’échelle mondiale que nous enregistrons le plus de succès et de reconnaissance. Le projet de la COP21 a trouvé un écho dans près de cent pays. Tout le monde a conscience que la forêt, ainsi que l’agriculture et ses sols, sont seuls capables d’externalités positives ou d’émissions négatives, pour parler le jargon des experts. En d’autres termes, ils stockent du carbone.

Le projet mondial est en cours. Il devrait normalement être finalisé, au moins en partie, lors de la COP22, à Marrakech.

En Gironde, des progrès ont été réalisés. Des coopératives exploitent des systèmes évitant de recourir aux herbicides et utilisant des couvre-sols. M. Farges a pris l’engagement de mettre fin à l’utilisation des phytosanitaires dans la filière viticole. Ce sont des progrès importants, mais il faut encore accélérer la mutation de l’agriculture.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, les éleveurs sont confrontés à des problèmes de trésorerie qui les rendent vulnérables et dépendants des banques et des fournisseurs.

Vous venez de répondre à ma première question. J’ai entendu qu’en 2016, les aides de la PAC seraient versées, sous forme d’avance, à 90 % des agriculteurs, au plus tard en octobre. Dont acte.

Ma seconde question porte sur la mise en place d’une année blanche bancaire. C’est une bonne mesure qui devrait permettre aux exploitants de retrouver de la trésorerie. Elle a d’ailleurs été prolongée jusqu’au 30 juin 2016.

Toutefois, elle est loin d’avoir tenu ses promesses et son application rencontre de sérieux problèmes. Dans mon département, le Morbihan, seuls seize dossiers ont pu être proposés. Seulement trois ont abouti.

Cela tient principalement au fait que les banques rechignent à proposer le dispositif de prise en charge, chacun pour un tiers, par l’État, par la banque et par l’éleveur.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Celles-ci préfèrent vendre leurs propres produits, financés seulement par les éleveurs. Les exploitants agricoles se retrouvent alors démunis face à leurs interlocuteurs du secteur bancaire.

Quelles solutions comptez-vous prendre pour débloquer la situation et faire que cette année blanche soit réellement proposée par les banques ?

On dit que, dans votre département de la Sarthe, beaucoup d’éleveurs ont pu bénéficier de ce dispositif. On avance même le chiffre de 500 dossiers…

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, je ne vais surtout pas opposer la Sarthe et le Morbihan, auxquels je suis également attaché. Mais il est vrai qu’au moment où nous parlons, les cellules d’urgence de la Sarthe ont fait aboutir plus de dossiers « année blanche » que celles d’autres départements, comme le Morbihan.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je ne sais pas pourquoi, mais c’est également le cas dans l’Aveyron, ce qui me dédouane : je n’ai exercé aucune pression amicale sur les établissements bancaires.

Il faut que nous prenions encore du temps. C’est pourquoi j’ai reporté la date de remise des dossiers de demande au 31 octobre. Nous devrons sûrement regarder la situation. S’agissant de l’élevage laitier, le pic de difficulté arrive aujourd’hui. Le niveau de prix que nous connaissons se maintient, dans une situation européenne que nous connaissons aussi.

Par conséquent, il faut aussi pousser sur l’année blanche pour que cela fonctionne. Si cela a réussi dans un certain nombre de départements, il n’y a aucune raison pour qu’on n’obtienne pas le même résultat dans les autres.

J’avais même imaginé – vous vous en souvenez –, alors qu’on parlait d’une année blanche totale, un dispositif partiel là où les immobilisations sont plus importantes, ce qui permettrait de reporter les annuités à la fin du tableau.

Tous ces dispositifs sont sur la table. Seulement, il faut aussi – vous l’avez indiqué, d’ailleurs – qu’auprès des banques, particulièrement de celles qui sont spécialisées dans l’agriculture, j’ai tout de même un peu d’allant pour résoudre les problèmes.

On nous dit que les agriculteurs ne déposent pas de demande ou que les taux et les annuités ayant déjà été modulés, il n’y a pas lieu de travailler sur l’année blanche. Il me semble que si. C’est pourquoi j’ai reporté la date de dépôt de dossiers au 31 octobre. D’ici là, il faudra que le Morbihan ait rattrapé la Sarthe.

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Il faudrait un ministre de l’agriculture par département !

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Nous poursuivons avec des questions du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Antoine Herth.

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Monsieur le ministre, vous avez peut-être lu comme moi ce titre dans la presse agricole : « Aides PAC : situation calamiteuse ». Derrière cette phrase choc, il y a malheureusement une réalité inédite : les cafouillages à répétition de l’administration chargée de verser les aides publiques finissent par accroître les difficultés des agriculteurs. C’est le monde à l’envers !

Malgré les annonces que vous nous avez faites, vos services sont toujours dans l’incapacité de solder les aides européennes pour 2015.

Quant aux aides destinées à soutenir les contrats environnementaux et la production bio, elles sont tout bonnement repoussées à la fin de l’année 2016, soit un retard de plus d’un an. Pour un ministre qui veut promouvoir l’agroécologie, voilà qui fait vraiment désordre !

Rappelons quand même que, lorsqu’il est question de leurs obligations fiscales, sociales ou encore de leurs engagements bancaires, les paysans doivent payer rubis sur l’ongle à la date prévue.

La dérive administrative a des effets dévastateurs sur l’équilibre économique des fermes et sur le moral des agriculteurs. Une ferme française sur sept est à la limite du dépôt de bilan et cette situation risque de donner le coup de grâce à bon nombre d’entre elles. À présent, j’entends même dire que des associations d’agriculteurs se forment pour engager des actions de groupe contre l’État. On croit rêver.

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Nous lisons le même journal !

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Quelles mesures envisagez-vous pour corriger d’urgence un système kafkaïen, qui part à la dérive ?

Les agriculteurs ont jusqu’au 15 juin pour déposer leurs nouvelles demandes d’aide pour 2016. Pouvez-vous cette fois vous engager fermement sur un échéancier de paiement ?

Enfin, allez-vous reconnaître vos erreurs et en tirer les enseignements pour reconstruire une politique européenne digne de ce nom ?

Vous vouliez aider les petites exploitations agricoles et les éleveurs. Au final, ce sont eux qui souffrent le plus.

Vous nous parlez des orthophotoplans pour réduire les marges d’erreur. Soit ! Mais en photographiant plus de détails, on crée aussi la possibilité de relever plus de sujets de contentieux. La bonne réponse, monsieur le ministre, ne peut pas être technique ; elle doit être politique.

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, j’ai bien compris que cette question viendrait dans le débat. Je l’ai d’ailleurs indiqué après l’intervention de M. Chassaigne. Vous dites qu’elle est non technique, mais politique. C’est votre responsabilité.

J’ai répondu sans jamais mentionner la situation dont j’ai hérité, mais il faut bien constater qu’elle m’a rattrapé. La directive Nitrates n’était pas appliquée, quand je suis arrivé aux responsabilités. On a constaté manquement sur manquement. « Que fait la France ? » demandait-on. Pas le ministre, non : la France. Mais qui m’a laissé ces sujets ?

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On se demande qui était au pouvoir avant vous !

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Avec vous, c’est toujours de la faute des autres !

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Ce soir, nous sommes dans un débat politique : vous faites de la politique et je vais aussi en faire.

Je le répète : j’ai essayé de rattraper la situation et d’agir pour notre pays. On parle de réaliser des économies importantes. Pour ma part, j’ai réduit des sanctions de 3 à 1 milliard. Nous avons tout refait.

Avons-nous perdu du temps ? Oui. L’administration a fait ce qu’elle pouvait. Est-il supportable qu’il existe un pareil retard ? Non. Fallait-il faire autrement ? Non. Ou alors expliquez-moi comment il aurait procéder. Pensez-vous que j’aurais dû payer 3 milliards et réfléchir ensuite à la conduite à tenir, en laissant à mon successeur des problèmes que je n’aurais pas traités ?

Politiquement, j’aurais pu choisir de les laisser sous le tapis. Mais je ne suis pas comme ça. Je le dis franchement.

Le calendrier, monsieur Herth, vous le connaissez à présent. Il est sur le site du ministère. J’ai lu comme vous La France agricole, à laquelle vous faites référence. J’ai lu le titre que vous avez cité, et les commentaires qu’il a suscités. Je suis là pour vous dire ce que j’ai fait et que j’assume.

J’entends les critiques. Je sais qu’elles perdureront – vous aurez au moins là quelque chose à me reprocher. En ce qui me concerne, ce n’est pas ce que vous dites qui m’intéresse, mais ce que demandent les agriculteurs ; et c’est la seule chose dont je vais m’occuper.

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Monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise agricole se poursuit dans le domaine du lait, dans celui du porc et dans bien d’autres. Nous avons certes connu une accalmie en termes d’ordre public, mais ne nous faisons pas d’illusions : la crise continue.

Qu’avez-vous fait pendant cette accalmie, monsieur le ministre ? Faisons le point.

Je prends ici acte de la baisse des charges. Elle était nécessaire ; elle est intervenue. Sachons malgré tout la relativiser, puisque les agriculteurs ne bénéficient pas du CICE. Si nous avions appliqué la baisse des charges depuis 2012, nous aurions gagné de précieuses années. En termes de calculs, cette baisse s’établit – je tiens mes chiffres du CER, le comptable du monde agricole – à 1600 euros pour une exploitation moyenne. En fait, c’est aussi 300 euros d’impôts en plus, puisque qui dit baisse des charges dit augmentation du revenu fiscal…

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Pour ceux qui dégagent un revenu.

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…pour ceux qui payent l’impôt. Mais ceux dont la trésorerie est aujourd’hui nulle n’acquitteront pas de charges, puisqu’ils n’auront pas de revenus. La baisse des charges n’a donc pas d’effet immédiat. J’en prends néanmoins acte.

Au passif, je voudrais insister sur deux ou trois points.

La question de la PAC a été évoquée sur tous les bancs. Chacun convient qu’il y a un retard. Ne cherchons pas les responsables dans le passé : vous êtes au pouvoir depuis quatre ans, les choses sont claires.

Je m’attarderai sur deux catégories très précises. Tout d’abord, les agriculteurs en difficulté qui n’ont pas bénéficié des avances parce que les banques n’ont pas voulu en verser. J’ai dans mon ancien canton une exploitation agricole qui détient sur l’Europe une créance de 40 000 euros qui n’a toujours pas été versée. Ensuite, la situation particulière des agriculteurs qui ont changé de raison sociale, par exemple ceux qui ont constitué un groupement agricole d’exploitation en commun – GAEC – , évolution que vous avez encouragée. Ceux-là non plus n’ont pas bénéficié des avances.

Toujours au titre du passif, vous aviez insisté – j’entends encore vos propos lors des séances de questions au Gouvernement – sur ce fameux fonds de 100 millions qui devait soutenir la production porcine. Cela va encore être la faute des autres ! Quoi qu’il en soit, cette perspective dont vous vous étiez félicité n’est pas intervenue. C’est autant de moins pour notre production porcine.

Autre élément que je mets à votre passif, ou plutôt à celui du Gouvernement : la question des sanctions imposées à la Russie et de l’embargo. La crise a commencé par la Russie. Il faut absolument trouver les moyens de rouvrir ces marchés. Nous avons voté une délibération le 28 avril…

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…pour vous y aider. Là aussi, que faites-vous ?

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je vais vous répondre point par point, monsieur le député. Vous avez salué la baisse des charges, ce qui est un pas important de votre part.

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Honnêtement, jamais il n’a été fait autant pour l’agriculture en termes de baisse des charges. Nous allons atteindre 1,8 milliard d’euros.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Nous pouvons comparer entre tous les gouvernements ! 1,8 milliard d’euros de baisses de charges pour les exploitations agricoles, c’est du jamais vu, et tant mieux !

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Avec ces mesures, les exploitations qui dégagent un revenu payeront donc moins de cotisations. Vous évoquez – à juste titre – le cas de celles qui ne dégagent pas de revenu. Encore faut-il être scrupuleux jusqu’au bout : vous oubliez que pour ces exploitations-là, j’ai mis en place l’année blanche sociale.

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Qui ne marche pas, on l’a vu dans le Morbihan et ailleurs !

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Non : vous confondez avec l’année blanche bancaire. L’année blanche sociale consiste à annuler les cotisations à la MSA pour les exploitants qui ne dégagent pas de revenu. En effet, ils n’auraient pas bénéficié de la baisse des cotisations.

Vous avez par ailleurs évoqué l’apport de trésorerie remboursable – ATR – pour les exploitations en difficulté. Il y avait là un vrai sujet, que j’ai réglé : nous verserons l’ATR aux exploitations en difficulté. C’était un problème européen, et il convient d’être très attentif sur ce point, mais nous le ferons. En principe, nous ne pouvions pas faire d’avance à des exploitations en difficulté ou en redressement ; mais ces avances seront versées. J’ai pris un engagement et je le tiendrai, puisqu’elles le seront dans les semaines qui viennent.

Venons-en au fonds porcin. Bien sûr qu’il aurait été intéressant de constituer un fonds financé en partie par l’interprofession, sur la base de ce qu’elle avait décidé, à savoir de la collecte de la taxe sur l’équarrissage. Que s’est-il donc passé ? Ce n’était pas le ministre qui négociait, sans quoi il se serait agi d’une aide d’État. Il s’agissait d’une contribution volontaire, c’est donc le président de la FNSEA qui a négocié. Or il est tombé sur un os : les industriels ont refusé de collecter cette taxe pour le fonds porcin. Je le dis tranquillement : ce n’est pas ma responsabilité. J’essuie suffisamment de critiques ; je les entends et les assume. Mais je le répète, ce n’était pas au ministre de négocier, puisqu’il s’agissait d’une contribution volontaire, mais au président de la FNSEA – et il est tombé sur un os. Cela avait d’ailleurs déjà été le cas lorsqu’il avait voulu instaurer, au moment où le prix des céréales était élevé, une contribution volontaire pour l’élevage, qui n’avait pas non plus été payée.

Malheureusement, ce fonds porcin ne sera donc pas mis en place. Je le regrette, mais ce n’est pas du tout de la responsabilité du ministre, même si je pense que cela aurait été une bonne mesure. Je ne m’y suis d’ailleurs jamais opposé, même si j’avais alerté sur ses difficultés de mise en oeuvre.

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En 2015, les prix des produits agricoles ont accusé une baisse globale de 2,4 %, alors que les prix à la consommation, eux, augmentaient de 0,5 %. C’est dire la déconnexion qui existe entre les prix payés au producteur et ceux payés par les consommateurs.

Un certain nombre d’acteurs politiques incriminent des défaillances ou des manquements de la loi de modernisation de l’économie, dite loi LME. Nous sommes interpellés sur deux aspects. Le premier est d’ordre éthique. Vous conviendrez avec nous que la guerre des prix crée un vrai préjudice pour les producteurs, notamment pour les plus fragiles. Le second constitue une faute juridique. En 1970, il y avait 120 centrales d’achat ; en 1990, il y en avait 30 ; depuis 2008, il n’y en a plus que 4.

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C’est le libéralisme ! On n’est pas au pays des soviets !

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Il y a là une vraie situation de monopole et une non-concurrence entre ces quatre centrales d’achat qui se partagent le marché et qui représentent un marché d’un peu plus de 65 millions de consommateurs.

Nous examinerons dans quelques jours en séance publique le projet de loi dit Sapin 2. Je vous sais mobilisé sur cette question, mais je voudrais savoir jusqu’où le Gouvernement est prêt à aller pour rééquilibrer les relations commerciales entre l’amont et l’aval, entre la distribution, les industriels et les producteurs. Est-il prêt à soutenir des initiatives qui viseraient à dissiper l’oligopole représenté par les quatre centrales d’achat, notamment en permettant à l’Autorité de la concurrence de fixer un seuil de part de marché au-delà duquel une centrale d’achat ne pourrait aller ?

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Nous avons souvent eu l’occasion de discuter de ces sujets, cher Thierry Benoit. Le premier point, c’est que nous devons faire évoluer la loi de modernisation de l’économie adoptée sous la précédente législature pour éviter ce qui se passe aujourd’hui, à savoir des psychodrames annuels à la veille du Salon de l’agriculture, avec des pressions insensées, et cela dans une phase de déflation dont nous devons tous prendre la mesure. Je l’ai dit aux grands distributeurs : dans une phase de déflation, on ne peut plus espérer gagner des parts de marché en faisant baisser les prix. Ce n’est plus vrai : en période de baisse des prix, les consommateurs savent que les prix risquent de baisser ; ce n’est donc pas cela qui les fera acheter davantage.

Nous devons donc modifier la LME, comme s’y est engagé le Président de la République. Dans le débat qui s’est engagé, nous avons plusieurs propositions à faire. La première consiste à introduire une pluriannualité dans les négociations commerciales. Arrêtons ces négociations annuelles qui mettent une pression et de la volatilité sur les producteurs ! Ensuite, et j’attends que le débat parlementaire nous permette d’affiner le dispositif, il faut faire en sorte que ce qui est la conséquence de la négociation commerciale entre l’industriel et la grande distribution soit clairement indiqué dans cette négociation en termes de prix au producteur. Aujourd’hui, rien ne fait le lien dans la négociation, dans les fameux box : quand il y a une négociation entre la grande distribution et les industriels, la première dit « cela s’est bien passé » et les seconds « on est écrabouillés » – mais derrière, c’est sur le producteur qu’on va peser. Où est l’information pour le producteur ? Elle n’est pas là. Nous voulons changer cela – c’est un engagement important. Faut-il la faire figurer dans les conditions générales de vente, ou dans les modalités finales de la négociation ? Ce sera l’objet de notre débat, et je compte sur les parlementaires pour faire avancer les choses.

Voilà donc ce qui doit changer : nous voulons rendre pluriannuelles les négociations commerciales et faire figurer dans la loi l’obligation de donner le résultat en termes de prix à la production à l’issue de la négociation commerciale. Cela devrait changer beaucoup de choses. Prenons l’exemple de l’interprofession laitière ; aujourd’hui, elle n’est pas capable de discuter, car elle refuse de discuter de prix. Cela figurera dans la loi, il n’y aura donc plus lieu de s’inquiéter et l’on pourra gérer les choses de manière plus collective.

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Le secteur agricole a connu ces dernières années de fortes mutations, avec pour conséquences une modification du métier d’agriculteur et une fragilisation d’un grand nombre d’entre eux. Aux difficultés d’ordre économique se greffe maintenant une souffrance psychique manifeste, avec en particulier un nombre de suicides particulièrement important dans ce secteur d’activité.

Solidarité Paysans, qui accompagne 3000 familles chaque année, a mené une étude qualitative auprès de 27 exploitants agricoles ou proches d’exploitants, dans trois régions françaises, montrant ou ayant montré des signes de souffrance psychique. Les entretiens qui ont été menés avaient pour objectif de mettre à jour les mécanismes psychosociaux en jeu chez les familles d’agriculteurs en difficulté.

Il ressort de cette étude que la souffrance exprimée par les agriculteurs est multifactorielle, avec plusieurs formes de pressions : l’endettement et le manque de revenu, les contraintes de travail et la pression familiale empêchant de faire ses propres choix de vie.

Les acteurs de première ligne que sont les associations d’aide, mais aussi les conjoints et voisins, ont bien sûr un rôle important dans la prévention de l’aggravation des troubles de santé mentale des agriculteurs, mais ils ne peuvent lutter seuls contre les drames humains qui se jouent dans ces exploitations – je le vois malheureusement régulièrement dans mon département de la Mayenne.

Les aides que vous avez instituées ne bénéficient pas aux agriculteurs les plus en difficulté, monsieur le ministre. Les exploitations bénéficiant d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire sont exclues des aides à la trésorerie remboursables. Les agriculteurs ayant un revenu nul ou négatif en 2015, notamment ceux au RSA socle, ne sont pas concernés par la baisse des cotisations sociales annoncée en février dernier par le Premier ministre. Enfin, la mesure de report des cotisations pour les agriculteurs ayant un revenu inférieur à 4 248 euros risque de reporter le problème, voire de l’aggraver.

De nombreuses exploitations en difficulté ne pourront plus continuer leur activité dans les mois qui viennent. Les agriculteurs qui sont dans ces situations dramatiques doivent être mieux accompagnés, en tous les cas soutenus.

Quelles mesures comptez-vous donc prendre pour soutenir les agriculteurs les plus en difficulté et pour accompagner le cas échéant la reconversion professionnelle de ceux qui seront dans l’obligation de cesser leur activité et qui ont besoin de portes de sortie honorables et dignes du métier qu’ils ont exercé avec passion ?

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Vous avez évoqué la situation dramatique qui existe dans nos campagnes, liée à la crise, mais parfois aussi à des situations antérieures à celle-ci. Le secteur agricole se caractérise hélas par un taux de suicide supérieur à la moyenne, et cela depuis trop longtemps.

Vous l’avez dit, et je partage votre avis, les facteurs sont multiples. Ils sont économiques, mais ils peuvent aussi tenir à la charge de travail, à l’isolement ou à des problèmes familiaux. Tous ces facteurs se combinent hélas parfois pour conduire au pire.

J’avais poursuivi ce qui avait été engagé par la Mutualité sociale agricole – la MSA – et, sous la majorité précédente, par Bruno Le Maire, notamment le « numéro vert ».

Monsieur le député, je tiendrai une réunion, dans trois semaines, avec Solidarité Paysans et l’ensemble de ceux qui travaillent sur le sujet des agriculteurs en difficulté afin que soient prises en compte ces situations particulières et que soient adoptées des mesures d’accompagnement spécifiques. Aujourd’hui, je m’efforce d’évaluer, avec les préfets de région et de département, la situation des agriculteurs que vous évoquiez, c’est-à-dire ceux qui rencontrent des difficultés telles qu’elles pourraient remettre en cause leur capacité à redémarrer. On ne peut pas laisser ces agriculteurs sans solution, sans accompagnement, sans aide, sans soutien.

Avant de prendre ces mesures, je consulterai les associations – vous avez souligné le rôle et la place de Solidarité Paysans – afin de calibrer au mieux des mesures spécifiques, d’accompagnement, de formation, afin de redonner tout de suite une perspective de reclassement à ces agriculteurs. Comme Thierry Benoit le sait, j’ai demandé que l’on me remette une évaluation – dont je n’ai pas encore la version définitive – du nombre d’exploitations directement touchées en région Bretagne, qui connaît de nombreux problèmes de ce type. Lorsque je disposerai de cette étude, je pourrai revenir vous parler de ce sujet qui me préoccupe tout autant que vous et vous indiquer le montant exact de l’enveloppe ainsi que la manière dont on va traiter ce problème. Je pense en particulier à la formation, notamment à des formations immédiates qui pourront aider les agriculteurs à repartir. Il ne faut jamais qu’ils aient à l’esprit l’idée que tout serait terminé, que tout serait perdu. C’est, je le répète, un sujet très important.

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Monsieur le ministre, la France compte 67 000 exploitations laitières employant quelque 150 000 personnes, auxquelles s’ajoutent 56 000 emplois dans l’industrie laitière. Cela témoigne de l’importance de cette filière. Or, force est de constater qu’avec une valeur moyenne, sur le mois d’avril, de 274,80 euros la tonne, le prix du lait se maintient à un niveau très insuffisant pour assurer la pérennité des exploitations et menace toute la filière.

Le 14 mars dernier, à la suite du Conseil européen des ministres de l’agriculture, était annoncée une série de mesures permettant un début de régulation du marché du lait. Pour information, lors d’une réunion dans ma circonscription, où étaient présents, le 23 avril dernier, de 300 à 400 producteurs laitiers, cette demande de régulation européenne a été martelée par l’ensemble des intervenants. Ont ainsi été actés la réduction volontaire des volumes produits par les acteurs de la filière, le doublement des plafonds d’intervention pour la poudre de lait et le beurre au niveau européen, l’étiquetage de l’origine du lait dans les produits transformés, l’augmentation des moyens alloués aux campagnes de promotion des produits laitiers, mais aussi la réduction des charges pesant sur les exploitations.

De même, le projet de loi dit « Sapin 2 », actuellement en débat, prévoit la mise en place de la non-cessibilité des contrats laitiers, ainsi que la publication des comptes annuels des entreprises.

Pouvez-vous nous dresser, monsieur le ministre, un bilan de l’ensemble de ces mesures ? En envisagez-vous d’autres ? Comment voyez-vous l’avenir de cette filière, tant au niveau français qu’au niveau européen ?

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, vous avez pointé du doigt la crise que traverse la production laitière de manière générale, avec un niveau de prix qui est loin – ou plutôt, devrais-je dire, très loin – de satisfaire les producteurs. Permettez-moi de rappeler la situation. On est confronté, sur le plan européen, au risque d’atteindre d’ici le mois de juin, soit dans un mois, les plafonds d’intervention pour la poudre de lait, qui avaient pourtant été doublés au début de l’année. Autrement dit, alors que l’on a stocké, l’an dernier, environ 48 000 tonnes de poudre de lait, on risque d’atteindre un niveau de 218 000 tonnes en juin. Ce qui est insupportable, c’est que la sortie des quotas a conduit un certain nombre de pays, de producteurs et d’industriels à s’engager en même temps dans la voie de l’augmentation de la production.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Six pays avaient subi des sanctions financières pour avoir dépassé les quotas, qui devaient être augmentés. Tout le monde a dépassé. On se trouve aujourd’hui confronté à une inertie générale, qui conduit à un accroissement de la production sur le marché. Le marché chinois, quant à lui, a quelque peu baissé, pour atteindre un niveau inférieur à ce qui était attendu par l’ensemble des acteurs. Résultat : on va débattre demain au Parlement européen – je demande que l’on suive très précisément cette réunion – de l’application des mesures que j’ai obtenues – le fameux article 222 du règlement sur l’organisation commune de marché – pour maîtriser la production à l’échelle européenne. Le débat va réunir l’ensemble des organisations professionnelles et les industriels laitiers européens. On verra si tout le monde est comptable de l’engagement, pris par un certain nombre de ministres, de définir des outils de régulation de la production. On attend les résultats de cette réunion.

Par ailleurs, je tiens à indiquer à la représentation nationale que j’ai adressé au commissaire européen un courrier lui demandant de m’expliquer les flux de mise à l’intervention concernant la poudre de lait. De fait, cela n’arrête pas, et on ne sait même pas qui met cette poudre à l’intervention. C’est un vrai problème, et il va falloir que l’on remette la pression.

J’espère qu’un esprit de responsabilité se manifestera au niveau européen, en particulier de la part des professionnels. Je l’ai dit au dernier conseil des ministres européens : on a supprimé les quotas mais, aujourd’hui, si la production continue à augmenter de la sorte, on finira par se demander s’il ne faut pas les réinstituer.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

En effet, on est en passe d’atteindre 218 000 tonnes de poudre et, si cela continue, on se heurtera à des problèmes majeurs. Il ne faut pas nécessairement s’attendre au pire – un redressement chinois peut se produire, comme c’est le cas, aujourd’hui, pour le porc. Mais on ne doit plus connaître la situation actuelle, caractérisée par la disparition de la coopération et des règles entre pays européens. Tout le monde part à la conquête de marchés qui, parfois, se ferment : on se retrouve alors avec des productions sur les bras. Je souhaite vraiment que, demain, grâce aux mesures que l’on a prises et aux discussions prochaines, on puisse remédier à ce problème.

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Très bien ! Encore d’anciennes erreurs à réparer, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, ma question porte sur l’action de la France en faveur de la révision de la directive TVA et, plus précisément, sur le régime forfaitaire applicable aux exploitations porcines et l’inégalité que son application engendre pour les agriculteurs français par rapport à des agriculteurs d’autres pays européens, notamment l’Allemagne.

L’article 296 de la directive 2006112CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose que « Les États membres peuvent appliquer aux producteurs agricoles pour lesquels l’assujettissement au régime normal de la TVA ou, le cas échéant, au régime particulier […] prévu au chapitre 1 se heurterait à des difficultés, un régime forfaitaire visant à compenser la charge de la TVA payée sur les achats de biens et services des agriculteurs forfaitaires, conformément au présent chapitre. » En France, le bénéfice du régime forfaitaire est réservé, conformément à l’esprit de la directive, aux petites exploitations – dont le chiffre d’affaires est inférieur à 46 000 euros – pour lesquelles la réalisation annuelle d’une comptabilité TVA engendrerait de fortes contraintes. À l’heure actuelle, aucune exploitation porcine professionnelle n’en bénéficie.

En Allemagne, l’appréciation des difficultés auxquelles se heurteraient les producteurs agricoles, au sens de la directive, ne se fait pas au regard du chiffre d’affaires ou de la taille de l’exploitation mais en fonction du chargement d’animaux par hectare. Cela se traduit par des montages d’optimisation fiscale qui permettent aux éleveurs allemands, d’une part de bénéficier du régime forfaitaire en diluant le chargement, par des montages de sociétés entre cultivateurs et éleveurs, d’autre part, de maximiser l’avantage financier du forfait.

Conscient de cette concurrence déloyale, le commissaire européen en charge de la fiscalité, M. Pierre Moscovici, a lancé en avril dernier un appel à une réforme en profondeur de la directive TVA, afin de prévenir et de contrer de tels usages abusifs du régime forfaitaire agricole. Il s’agirait de défendre des amendements au titre XII de la directive TVA, non seulement pour introduire à l’article 296 une définition plus stricte, plus claire et plus contrôlable de l’éligibilité au régime forfaitaire agricole – par exemple en complétant ou en remplaçant la notion de « difficultés » par des critères précis et objectifs, voire quantitatifs –, mais encore de durcir les garde-fous anti surcompensation.

À l’heure où les articles 30 et 31 du projet de loi Sapin 2 visent à renforcer la transparence fiscale en matière agricole, pouvez-vous nous indiquer la position du ministère quant à la révision de cette directive et le calendrier envisagé des négociations sur ce sujet ?

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, vous avez évoqué un sujet extrêmement technique.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Et important, en effet. Vous avez évoqué la piste sur laquelle on travaille aujourd’hui, à savoir la réforme de la directive sur la TVA. L’objectif est d’harmoniser les systèmes de TVA. Vous me demandez la position du ministère : il soutient sans réserve cette harmonisation. En Allemagne, l’application du régime forfaitaire ou du régime réel peut être liée au fait qu’une exploitation investit ou non. Tel est le vrai sujet. La question n’est pas seulement qu’il existe un système forfaitaire et un système réel, mais aussi que l’on puisse passer de l’un à l’autre en fonction des investissements que l’on réalise. Il y a là, effectivement, un sujet important. Cela renvoie au débat européen sur la renégociation de la directive. Je vous le redis de la manière la plus claire qui soit : le ministère de l’agriculture et le ministre sont favorables à l’harmonisation.

Nous avons nous-mêmes accompli des réformes, que ce soit sur la déduction fiscale pour aléas – la DPA – la méthanisation ou la modification du forfait en France – personne n’évoque ce dernier sujet mais, au terme d’une discussion avec les syndicalistes et les représentants de la profession agricole, on a complètement modifié le système du forfait. On a conservé une partie de l’économie faite par les services fiscaux – le calcul était très compliqué, car il était fait département par département – pour assurer la transition, en particulier dans un certain nombre de départements du sud-est de la France et dans les régions viticoles. Je le répète, on a donc accompli des réformes. Cela étant dit, il faut, sans aucun doute, progresser sur la voie de l’harmonisation fiscale.

Je rappellerai toutefois que, malgré la mise en place de ces systèmes, en Allemagne, vous le savez, des décisions sont prises pour venir en aide aux producteurs, dans la filière laitière comme dans la filière porcine. En effet, des difficultés se sont posées car, quand les prix sont trop bas, ils le sont autant pour les agriculteurs français que pour leurs homologues allemands. Cela montre que l’on a besoin d’une meilleure coopération à l’échelle européenne.

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La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le ministre, ma question concerne la filière laitière. Contrairement à ce que vous annonciez en mars, la spirale des prix à la baisse n’a pas cessé. Les producteurs de lait européens, au premier rang desquels les Français, ont à faire face à une crise sévère. En Bretagne, les liquidations judiciaires du trimestre dernier seront bientôt aussi nombreuses qu’au cours de la seule année 2015. Le désarroi perdure et les suicides d’agriculteurs ne sont pas une vue de l’esprit. En France, le prix du litre est passé de 31 à 26 centimes. En Europe du Nord, ce prix est encore plus bas, entre 20 et 22 centimes. On assiste donc à une concurrence exacerbée entre les grands bassins laitiers européens.

Demain à dix-neuf heures a lieu, à Bruxelles, un débat en plénière sur les mesures exceptionnelles de régulation du marché à prendre pour limiter la production de lait. Nos députés européens Les Républicains interpelleront le commissaire Hogan sur l’efficacité des mesures proposées jusqu’à présent, sur les moyens de renforcer les organisations de producteurs et sur les mécanismes de gestion des crises. Sauf erreur de ma part, monsieur le ministre, vous ne serez pas présent à cette réunion. Le 5 avril, vous avez réuni les acteurs de la filière laitière française. À cette occasion, ils auraient confirmé « leur engagement de stabiliser temporairement la production de lait si l’élan est partagé au niveau européen », indiquait un communiqué de votre ministère. Le commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, attend pour juin de nouvelles propositions des États membres de l’Union pour soutenir le marché du lait.

J’ai trois questions à vous poser. Irez-vous au prochain conseil des ministres de l’agriculture les 27 et 28 juin à Luxembourg ? Quelles propositions ferez-vous au commissaire Hogan ? En attendant la remontée des prix payés aux producteurs, si elle arrive un jour, comment comptez-vous contribuer, à tout le moins, à baisser leurs coûts de production ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Madame la députée, s’agissant des coûts de production, des charges, jamais les baisses n’auront été aussi importantes. Certes, compte tenu de l’ampleur de la crise, ce n’est pas suffisant : avec des baisses de charges qui avoisinent 12 % et 1,8 milliard d’euros, on ne compense pas, par définition, une diminution du prix des produits de 25 à 30 %. Je ne sais pas ce que j’ai dit en mars, mais certainement pas que les prix allaient remonter, car je suis parfaitement conscient de la difficulté de la situation. Si l’on s’apprête à débattre au Parlement européen d’une maîtrise de la production, c’est à la suite d’une initiative française. La Commission a accepté d’appliquer un certain nombre d’articles que nous avons été chercher nous-mêmes, et que nous avons proposé, dans le cadre d’un débat européen, pour dire à tous les acteurs qu’ils ont la possibilité, si la Commission l’autorise – ce qu’elle a fait – de maîtriser volontairement leur production.

C’est le débat qui aura lieu demain au Parlement européen. Vous n’y serez pas, et moi non plus, car je n’ai pas été invité ; aucun ministre ne l’a été, d’ailleurs. La présidence de la commission de l’agriculture et du développement rural a en effet souhaité que la discussion ait lieu entre les professionnels européens, la Commission européenne et le président du Conseil européen, à l’échelle européenne, par conséquent. C’est pourtant le ministre belge de l’agriculture et moi-même qui avions envoyé au président de la commission de l’agriculture du Parlement européen une lettre aux fins précisément de susciter cette réunion. Tous les syndicats agricoles européens seront là, notamment les représentants des professionnels de l’industrie laitière. Nous verrons donc si, sur la base des arguments juridiques que nous avons obtenus de la Commission, chacun se met autour de la table pour prendre l’engagement de stabiliser la production, comme l’ont fait les acteurs de la filière laitière française, industriels et producteurs. La France est à cet égard parfaitement cohérente, puisque sa proposition correspond à ce qui a été mis en oeuvre par les professionnels agricoles.

J’attends de voir notamment la position du COPA – Comité des organisations professionnelles agricoles – et de la COGECA – Confédération générale des coopératives agricoles de l’Union européenne –, car dans un certain nombre de pays, des organisations de producteurs, des organisations professionnelles défendent le marché, tout le marché, rien que le marché. Et cette position est celle non pas de ministres européens, mais d’organisations de producteurs. Pour ma part, je n’y souscris pas. Nous avons fait des propositions qui devraient pouvoir aboutir.

À défaut, des questions se poseront. Pourra-t-on aller vers une maîtrise de la production au moyen de mesures incitatives, ou faudra-t-il avoir recours à des sanctions ? Ce sujet sera abordé juste après la réunion du Parlement européen.

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Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur un problème relatif à l’exportation des vins vers la zone Asie-Pacifique.

Aujourd’hui, l’Asie offre à nos filières viticoles des perspectives importantes en matière d’exportation. En tant que député des Français de l’étranger de la zone Asie-Pacifique, je suis ravi d’y constater la présence très forte de nos vins et l’image dont ceux-ci bénéficient. En termes de chiffre, si je m’en tiens aux seuls vins de Bordeaux, un quart des exportations sont destinées à la Chine continentale.

Cependant, dans cette zone, la concurrence est de plus en plus rude, notamment face aux vins chiliens ou australiens. Surtout, monsieur le ministre, elle est de plus en plus inégale. Vous le savez, des négociations entre la Chine et le Chili ou entre la Chine et l’Australie ont abouti à des accords qui garantissent aux vins chiliens ou australiens des conditions d’accès au marché chinois avec des droits de douane quasiment nuls. On peut y voir l’explication de la récente explosion des exportations de vins chiliens, en particulier en Chine, où le Chili est devenu en quelques années seulement le troisième pays fournisseur de vin en bouteilles.

Ces distorsions de concurrence sur certains marchés, notamment asiatiques, où des pays bénéficient de droits de douane nuls alors que ces derniers s’élèvent à environ 20 % pour les vins français, inquiètent les vignerons et les négociants. On parle beaucoup en Europe du traité transatlantique, mais un accord de partenariat transpacifique a aussi été signé. Des pays comme le Chili ou l’Australie auront désormais dans cette zone accès à un certain nombre de pays de l’ASEAN – l’Association des nations d’Asie du sud-est – avec des droits de douane extrêmement faibles. Un autre exemple est la Thaïlande, où les vins européens sont taxés assez durement par la douane, alors que les taxes sur les vins provenant du Chili et de la zone pacifique sont presque nulles.

Ma question est simple, monsieur le ministre : que comptez-vous faire ? J’ai bien compris qu’une partie des actions dépend des discussions européennes. La situation s’énonce cependant très simplement : nous avons un avantage, mais celui-ci est peu à peu grignoté, non pas parce que nous sommes moins bons, mais parce que nous coûtons plus cher, et nous coûtons plus cher parce que nous ne nous battons pas à armes égales. Je vous demande donc simplement de vous intéresser à ce problème. Je sais que vous êtes convaincus de l’importance des exportations viticoles, quelles que soient les appellations – j’ai parlé de Bordeaux, mais j’aurai pu parler de Côtes-du-Rhône ou de Bourgogne –, pour la filière. Or, nous ne continuerons de marquer des points en Asie que si vous aidez nos viticulteurs à se battre à armes égales.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, au sujet de la politique commerciale, vous avez évoqué de manière assez précise les accords qui lient certains pays et la Chine. Je ne connais pas exactement la teneur de ces accords, mais la question est toujours la même : qu’est-ce qui a été demandé ou fait en contrepartie de ce qui a été donné ? En général, il y a toujours des contreparties, en particulier lorsqu’on signe des accords avec un grand pays comme la Chine.

Je me rends justement en Chine la semaine prochaine pour le G20. Les Chinois ont demandé expressément que le ministre de l’agriculture soit présent. Par conséquent, si je ne suis pas sur les bancs de l’Assemblée la semaine prochaine, ne me reprochez pas d’être absent alors qu’il y a des problèmes.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je serai en Chine précisément pour avancer sur un certain nombre de sujets, par exemple celui de la filière porcine, puisque, vous le savez, le marché chinois est aujourd’hui en train de s’ouvrir à nouveau. J’y serai également pour défendre les vins, et surtout la présence française sur le marché chinois.

La Chine a reconnu en juillet dernier l’indication géographique « Bordeaux », et nous allons poursuivre ce travail sur les appellations pour faire en sorte que l’image des vins français continue d’être synonyme d’excellence. Nous devons maintenir ces bonnes relations avec les Chinois pour contenir le grignotage non pas des parts de marché que nous détenons, mais de celles que nous pourrions gagner grâce à l’augmentation prévue de la consommation de vin. Nous devons être extrêmement vigilants pour éviter que d’autres pays producteurs ne gagnent ces parts à nos dépens. Je me rends donc en Chine, accompagné d’ailleurs de représentants des différentes filières, en particulier de la filière viticole, pour maintenir les bonnes relations que nous entretenons aujourd’hui avec ce pays afin d’assurer la présence et le développement des vins à l’exportation.

Permettez-moi d’ajouter un point sur un sujet plus complexe, monsieur le député. Le nouveau régime d’autorisations de plantation devrait entraîner une augmentation de la production viticole en volume en France. Les discussions en cours avec les professionnels portent notamment sur les stratégies à mettre en oeuvre pour l’ensemble des segments, que les plantations soient en indication géographique ou non, et visent à déterminer où il conviendrait de placer le curseur. C’est aujourd’hui le haut de gamme qui est privilégié à l’export sur les grands marchés, mais nous pourrions également réfléchir à la possibilité d’exporter des vins sanas indication géographique, des vins d’entrée de gamme. Étant donné la circonscription dont vous êtes l’élu, je suis prêt à discuter avec vous sur le fond de ces sujets, qui me paraissent très importants.

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Monsieur le ministre, vous avez apporté des réponses aux questions que je souhaitais vous poser ; je vais donc réorienter quelque peu mon intervention de ce soir.

Je tiens tout d’abord à vous remercier de votre réactivité sur un certain nombre de crises. Les mesures que vous avez prises – je pense notamment à la baisse des cotisations et à l’année blanche – ont apporté une bouffée d’oxygène aux exploitations, qui en avaient bien besoin. Les prix restent toutefois très bas, monsieur le ministre. La crise dure, les trésoreries souffrent et le nombre des dépôts de bilan ne diminue malheureusement pas. Les annonces de report ne peuvent pas être bien perçues, même s’il ne s’agit que de soldes, car les factures, elles, ne sont pas payées partiellement.

Sachez que je ne doute pas une seconde de votre bonne foi, monsieur le ministre. Je souhaite donc aujourd’hui qu’on informe clairement les éleveurs sur le calendrier qui a été fixé, car les messages sont malheureusement souvent brouillés. Vous devez absolument donner des consignes en ce sens à vos services dans les territoires pour que le calendrier, même s’il est imparfait, soit respecté, afin que les éleveurs sachent à quoi s’attendre et puissent s’organiser.

J’aimerais également avoir quelques informations sur les exportations, notamment pour le lait et la viande. La situation a-t-elle évolué ? Monsieur le ministre, j’ai appris aujourd’hui que les ATR, les apports de trésorerie remboursables pouvaient être versés aux exploitations en redressement judiciaire. Ce n’est pourtant pas ce qui se dit dans les territoires, et j’ai pu le constater au cours d’une réunion qui a eu lieu il y a à peine quarante-huit heures. Il faut donc transmettre les bonnes informations.

Par ailleurs, réaffirmer ici votre volonté de rééquilibrer les aides en faveur de l’élevage, comme vous l’aviez annoncé à Cournon-d’Auvergne, serait un message d’espoir adressé aux agriculteurs, qui en ont bien besoin.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, votre département, la Creuse, est touché de façon très spécifique par la crise de l’élevage, plus particulièrement de l’élevage bovin. Cette crise nécessite une mobilisation sur la question des exportations. Les services de l’État ont réagi aussi rapidement que possible en engageant un plan de soutien qui a impliqué notamment les professionnels à l’échelle locale.

Quant aux exploitations en redressement judiciaire, qui ne pouvaient en effet jusqu’à présent recevoir le versement d’une avance, elles peuvent désormais en bénéficier ; c’est ce que nous avons décidé. Il faut donc que ce message soit bien diffusé.

Concernant la gestion des problèmes de trésorerie liés au retard pris dans le versement des aides de la PAC, je vous l’ai dit, j’assume la situation, même si c’est difficile. Nous avons essayé de déployer les ATR de 2015 sur l’ensemble de l’année. Un premier versement coutumier de 50 % a été effectué, ainsi qu’un versement des ATR de l’année, afin que les agriculteurs puissent percevoir 90 % du montant des aides touchées l’année précédente. Il faut à présent que le complément puisse être versé. Je m’engage donc à ce que le reliquat de toutes les aides ait été soldé au 10 septembre 2016, que ce soit pour l’ICHN – l’indemnité compensatoire de handicap naturel –, les aides du premier pilier, les fameux DPB – droits à paiement de base –, auxquels est pour la première fois intégré le paiement redistributif sur les 52 premiers hectares. Aujourd’hui seront par exemple soldées les aides couplées pour le lait. Elles seront d’ailleurs supérieures de 10 % à ce qui était prévu ; tant mieux !

Après le versement des aides en septembre, une avance sera également réglée dès le mois d’octobre à hauteur de 90 % de la totalité des aides versées en 2015. Les agriculteurs n’auront donc pas à attendre la fin de l’année pour résoudre leur problème de trésorerie. Le solde définitif de 2016 sera versé au début de l’année 2017. Le retard de 2015 aura ainsi été rattrapé en une année. Le solde de 2015 aura été versé, 2016 aura été totalement engagée, et nous pourrons reprendre le même rythme en 2017. J’essaie également de faire en sorte que le rythme de versement des aides de trésorerie soutienne les exploitants.

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La dernière question va être posée par M. Sébastien Huyghe.

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Monsieur le ministre, vous le savez, les 430 maisons familiales rurales – MFR – sont des outils d’une remarquable efficacité à l’heure où nous souhaitons développer l’alternance en général et l’apprentissage en particulier, puisque ces établissements forment plus de 12 000 apprentis. Le taux d’insertion dans l’emploi des jeunes qui y suivent une formation démontre la qualité des enseignements qui y sont dispensés et la pertinence de ce mode de formation.

Les MFR sont également des pôles d’animation de nos territoires ruraux, en même temps que des relais dans la transmission des savoirs et des vecteurs d’innovation du monde agricole. J’ai pu moi-même visiter certains de ces établissements et y constater le professionnalisme des équipes encadrantes et l’enthousiasme des élèves. Cette réussite nécessite cependant un investissement sur le long terme afin d’être renforcée et pérennisée. L’État doit être au rendez-vous.

La loi de finances pour 2016 a été marquée par la stagnation du budget de l’enseignement technique agricole à 1,387 milliard d’euros. Cette stagnation en trompe-l’oeil s’est assortie du repli des moyens communs à l’enseignement agricole et à l’aide sociale aux élèves. En outre, le nouveau calcul des bourses touche directement les MFR, dont les élèves sont pour une bonne partie issus de familles modestes. Ces familles perçoivent en moyenne 150 à 200 euros en moins par mois. Se pose par ailleurs la question du financement des MFR. À l’origine, une enveloppe de 215 millions d’euros avait été négociée avec l’État. En 2013, un effort de 8 millions par an a été demandé aux MFR au moyen d’un avenant au contrat de financement. Cet avenant expire à la fin de l’année.

Monsieur le ministre, ces incertitudes budgétaires inquiètent les MFR. Vous avez annoncé, lors de leur assemblée générale qui s’est tenue le 14 avril dernier, la renégociation d’un nouveau protocole permettant de sécuriser le budget des MFR jusqu’aux élections présidentielles. Je vous remercie donc de nous indiquer le cadre que vous souhaitez donner à cette renégociation, notamment l’orientation budgétaire attendue pour l’année à venir ainsi que les délais de la prise de décision. Je souhaite également que vous partagiez avec notre assemblée vos ambitions pour le budget 2017 de l’enseignement technique agricole.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, je ne reviendrai pas sur les maisons familiales et rurales. J’ai participé à leur assemblée générale, qui a eu lieu récemment. J’ai passé mon enfance dans la commune de Longnes, dans le canton de Loué, et il y avait une MFR à Bernay-en-Champagne. Je sais l’importance du rôle de ces établissements, et je connais la qualité de ces enseignements, dispensés en formation professionnelle initiale ou continue. Sur ce sujet, il n’y a pas matière à discussion.

Vous avez rappelé à juste titre que nous avons pris un engagement portant sur 215 millions d’euros. Nous avons demandé des efforts d’ajustement dans un contexte budgétaire que vous connaissez en renforçant à la fois la création de postes et la présence des MFR. L’assemblée générale m’a demandé de renégocier rapidement un avenant pour assurer la sécurité de leurs financements, ce que je ferai d’ici la rentrée de septembre. Il en ira de même, d’ailleurs, pour l’enseignement privé catholique. J’ai pris l’engagement d’assurer par avenant un an de financement aux deux filières d’enseignement.

Tel est le cadre que nous avons arrêté, monsieur le député. Je puis vous annoncer que nous aurons renégocié les deux avenants d’ici la rentrée afin de prolonger les contrats passés avec ces deux filières d’enseignement technique. Je vous rappelle néanmoins que nous avons réalisé des économies de 50 milliards d’euros en matière de dépense publique. Vous prévoyez d’en réaliser à hauteur de 100 milliards, et j’ai cru comprendre que les MFR et l’enseignement catholique s’y attendent, mais je ne sais pas où vous les trouverez !

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je comprends que les responsables de l’enseignement catholique m’aient demandé de renégocier très rapidement les avenants !

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Nous avons terminé les questions sur la politique agricole du Gouvernement.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Questions sur la politique du Gouvernement en matière d’éducation.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly