Commission des affaires économiques

Réunion du 5 juillet 2016 à 17h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission a organisé une table ronde réunissant des PME exportatrices, avec la participation de Mme Shirley Billot, présidente de la société Kadalys, Mme Bernadette Dodane, coprésidente de la société Cristel, et Mme Juliette Rapinat-Freudiger, présidente de la société Loxos.

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Dans la première partie de nos travaux de ce jour, la commission des affaires économiques a auditionné Mme Muriel Pénicaud, directrice générale de Business France. Nous avons dressé un bilan des résultats de la fusion d'Ubifrance et de l'Agence française pour les investissements internationaux, et des actions menées par Business France. Nous avons également obtenu des précisions sur l'activité actuelle, le nombre d'entreprises concernées et les liens entre Business France et les conseils régionaux, dans le cadre des nouvelles compétences attribuées par la loi et dans le contexte du nouveau découpage territorial. Nous avons enfin évoqué les enjeux que représente le Brexit pour les entreprises françaises. Dans cette seconde partie de nos travaux, nous avons le plaisir de recevoir trois chefs d'entreprise « au féminin ». Ceci est rare, nos tables rondes étant le plus souvent masculines, et il est satisfaisant de constater que nous avons des femmes dirigeantes d'entreprises. Nous accueillons Mme Shirley Billot, présidente de la société Kadalys, Mme Bernadette Dodane, coprésidente de la société Cristel, et Mme Juliette Rapinat-Freudiger, présidente de la société Loxos. Mesdames, nous sommes ici pour vous entendre et vous questionner sur les difficultés rencontrées dans votre parcours à l'export, sur votre évaluation de la pertinence des dispositifs existants et de leur coordination – ces outils n'étant pas toujours suffisamment connus ni suffisamment exploitables – ainsi que sur ce qu'il conviendrait d'améliorer par le biais de la loi.

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Shirley Billot, présidente de la société Kadalys

Merci de me recevoir aujourd'hui. Ma société est basée en Martinique. Mon activité consiste à valoriser les coproduits de la filière banane française en Guadeloupe et en Martinique. L'idée initiale était de valoriser les déchets, dans le cadre d'une économie circulaire, pour en faire des ingrédients à haute valeur ajoutée, que j'emploie dans des soins cosmétiques sous la marque Kadalys. Nous avons deux activités. La première est une activité de recherche et développement : nous travaillons sur les ingrédients, nous déposons des brevets, et nous avons des partenariats avec le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Notre objectif de court terme est de créer un centre industriel en Martinique ou en Guadeloupe afin d'y fabriquer l'ingrédient. La seconde activité est celle de la marque de cosmétique, qui sert de vitrine à nos activités de recherche, et qui me permet d'exporter depuis plus d'un an et demi. Ma marque est actuellement distribuée en Corée, au Japon, à Taïwan, en Australie, en Chine, en Iran – nous sommes en cours de validation des formules dans ce pays – au Canada et en Europe. Mon activité s'inscrit dans le développement de la région, au sein d'un secteur ambassadeur des bonnes pratiques françaises.

J'ai identifié plusieurs problématiques, dont certaines sont propres aux outre-mer. Moins de 2 % des entreprises d'outre-mer exportent, contre une moyenne nationale d'environ 20 %. Plusieurs freins expliquent cela. En effet, du point de vue de l'outre-mer, la vente en France métropolitaine constitue déjà une forme d'export. Pour ma part, j'ai, dès le départ, conçu ma stratégie d'entreprise – et adapté la formule de mes soins – dans le but d'exporter : j'estimais que le marché français était trop petit pour moi et il me semblait plus facile de chercher un développement à l'export. Le produit sur lequel je travaille, la banane, est, en effet, un fruit à haute valeur ajoutée, commun à tous les pays du Sud, et très bien perçu en Australie, en Corée ou au Japon.

Le premier problème que j'ai constaté est l'absence de numéro de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) intracommunautaire pour les entreprises des Antilles, qui sont considérées comme des marchés d'export pour la France. Ceci est gênant, car les entreprises qui n'ont pas de numéro de TVA intracommunautaire doivent payer la TVA. Or, en ce qui me concerne, je sous-traite l'ensemble de ma fabrication : j'achète des packs en Europe, et les conditionne en métropole. 95 % de mon stock est ensuite destiné à l'exportation et à la France métropolitaine. Après plusieurs mois de discussion avec le ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, il m'a été demandé de délocaliser ma société en métropole – ce qui arrive à beaucoup d'entrepreneurs ultramarins, et fausse les statistiques. J'ai insisté pour que mon entreprise reste en Martinique, et ai finalement créé un établissement secondaire en métropole, auquel a été attribuée une forme de faux numéro de TVA intracommunautaire. À l'époque, j'avais posé la question à des députés guadeloupéens et martiniquais, qui m'avaient expliqué – sans que je sache si cette justification était fondée ou non – que l'absence de numéro de TVA intracommunautaire permettait d'obtenir un meilleur solde du commerce extérieur français, notamment en raison des nombreuses exportations de la France métropolitaine vers l'outre-mer. Ceci pénalise les entreprises des Antilles. Nous devrions pourtant avoir accès aux mêmes dispositifs que les entreprises nationales qui ont recours à la sous-traitance. J'ai obtenu gain de cause car j'ai appelé Bercy, expliqué que j'étais française et que je ne trouvais pas normal de ne pas avoir de numéro de TVA intracommunautaire, mais tous les entrepreneurs n'ont pas ma ténacité. Il faudrait créer un mécanisme qui permettrait de générer un numéro de TVA pour les entreprises d'outre-mer.

Par ailleurs, je pense que l'on sous-estime beaucoup l'importance de la protection des marques et des brevets. Cela représente un enjeu et un coût significatifs, auquel les entreprises – en particulier les petites – qui souhaitent exporter sont peu sensibilisées. Les sites internet de conseil à l'export ne mentionnent que très peu la question des marques et des brevets. En ce qui me concerne, je n'avais pas du tout imaginé que cela représentait un coût si élevé. Je protège ma marque, progressivement. En revanche, je ne peux pas protéger tous mes brevets au niveau international, parce que cela coûte trop cher et que je n'ai pas un budget suffisant. Or nous ne pouvons pas exporter si nos marques et brevets ne sont pas protégés. Certaines marques françaises, même importantes, doivent parfois racheter leurs propres brevets sur des marchés où des sociétés malhonnêtes les ont copiés. D'autres marques françaises se servent de ce problème au détriment de leurs concurrents français, pour s'implanter et se développer sur des marchés à l'export.

J'ai beaucoup regardé les outils mis à disposition par BPIfrance, la COFACE, et Business France et je travaille avec Business France et la chambre de commerce et d'industrie (CCI) martiniquaise. Il existe un accord avec le ministère des outre-mer, qui permet d'obtenir des aides supplémentaires. Ceci est important parce que nous sommes beaucoup plus loin et que tout nous est plus coûteux qu'aux entreprises de métropole : choisir d'exporter implique, pour nous, de prendre d'abord un billet d'avion de la Martinique vers Paris, avant de pouvoir aller à l'étranger. J'ai trouvé que l'« Assurance prospection premiers pas » (A3P) de la COFACE fonctionnait relativement bien. Malheureusement, ce dispositif, comme ceux de BPIfrance, s'appuie sur un critère unique de fonds propres. Il est regrettable de ne retenir que ce critère. Aujourd'hui, en effet, les petites sociétés avec lesquelles je discute ne peuvent pas bénéficier de l'A3P parce qu'elles n'ont pas de fonds propres suffisants, alors même qu'elles se développent très rapidement et pourraient prospérer à l'étranger. J'ai, pour ma part, signé des contrats pour près de 18 millions d'euros en un an et demi, qui se mettront en place sur 5 ans. Ces chiffres sont incomparables avec ceux que je réalise en France. En Corée, par exemple, ma marque est vendue en grand magasin à côté de Dior et de la première marque coréenne. Je n'ai pas cette image en France. L'export est un moyen de nous développer très rapidement, de générer du chiffre d'affaires, et de créer de l'emploi, mais nous devons être aidés dès le départ. Cela contribuerait à ce que plusieurs petites sociétés émergent. Dans le secteur de la cosmétique, la plupart des entreprises sont des petites startups, qui peuvent ouvrir de nouveaux marchés. Il me semble que les outils sont davantage adaptés aux moyennes et aux grandes entreprises qu'aux petites. En particulier, pour les petites sociétés, le critère des fonds propres est très préjudiciable.

Nous avons beaucoup de success story avec Business France. Certains des outils de l'agence, pourtant, ne sont pas tout à fait adaptés. En Chine, par exemple, où l'enregistrement des formules chimiques est payant – environ 2 000 à 3 000 euros par formule – une aide de BPIfrance prend en charge 50 % de ce coût, mais il nous faut travailler avec des entreprises listées par Business France, dont les prix sont deux fois supérieurs à ceux du marché. Les aides sont intéressantes, mais il est parfois tout aussi intéressant de ne pas y avoir recours, car il revient moins cher d'agir « en direct ».

Le volontariat international en entreprise (VIE) est un sujet passionnant. Je pense toutefois qu'il serait nécessaire d'augmenter le portage des VIE par les grands groupes. Pour ma part, je prendrais un VIE avec plaisir, mais je n'ai pas un budget suffisant : il faudrait qu'il soit accueilli dans un bureau d'un groupe présent dans le pays concerné. Il serait intéressant que ces groupes puissent, occasionnellement, porter le VIE d'une ou plusieurs petites sociétés, pendant une durée d'un an. Cela se fait déjà de temps en temps, mais ce n'est pas encore suffisamment connu : nous ne savons pas comment y avoir accès. Il serait utile d'avoir une information ou un point d'accueil pour les entreprises qui accepteraient de porter un VIE et celles qui souhaiteraient se faire porter.

Une autre difficulté est l'obligation, pour les entreprises qui exportent, de légaliser les documents nécessaires à l'export. Cela représente déjà un coût en soi, et il est regrettable que le ministère des affaires étrangères et du développement international demande que les documents lui soient transmis en français pour les valider, alors qu'ils sont, le plus souvent, établis initialement en anglais. Le coût de la traduction en français d'un contrat de trente-cinq pages, établi en anglais, par un traducteur assermenté qui facture à la page est un coût important. Il faudrait faire en sorte que les entreprises puissent ne travailler qu'en anglais. Pour cette raison notamment, dans mon développement en Iran, je ne suis pas passée par le ministère des affaires étrangères, mais j'ai traité directement avec l'ambassade d'Iran et la chambre de commerce et d'industrie de Paris, où l'anglais est accepté.

En ce qui concerne les mesures d'accompagnement pour le développement à l'export, l'implication des banques dans la période correspondant au préfinancement ou au délai de paiement doit être évoquée. En ce qui me concerne, je n'ai pas de problème de délai de paiement, car je suis payée cash. En revanche, il est plus compliqué de faire financer la période de fabrication d'un produit, qui demande plusieurs mois de travail. C'est sur cette période qu'il est difficile de trouver des fonds de roulement, pourtant indispensables à la préfabrication du stock, en particulier pour les petites sociétés.

J'ai vu sur les sites internet des organismes publics d'aide à l'export qu'un accompagnement personnalisé était prévu en matière d'internationalisation. Je ne l'ai pas encore constaté.

Par ailleurs, les douanes nous demandent de faire, tous les mois, une déclaration des ventes que nous réalisons pour l'Union européenne, à des fins statistiques. Cela représente un temps et une contrainte pour les petites sociétés, d'autant plus qu'il faut entrer toutes les informations manuellement. Nous n'y pensons pas toujours. Il faudrait trouver un moyen d'alléger cette contrainte, en rendant la déclaration trimestrielle, ou annuelle.

Enfin, ma dernière remarque concerne le coût de l'accès à l'information. Pour aller à l'export, il nous faut de l'information détaillée sur un marché, en fonction des pays et des secteurs. En matière de cosmétique, nous avons besoin, par exemple, de connaître avec précision le cadre réglementaire. Toutes ces informations, qui sont nécessaires à la préparation de notre stratégie, sont payantes. Je suis adhérente à une fédération de cosmétique, mais je dois payer pour avoir une information, un certificat… Cela représente un coût significatif. Il faudrait garantir l'accès à des informations qualifiées, de façon simple et gratuite – au moins jusqu'à un certain niveau, et à titre consultatif – pour préparer une stratégie et inciter les entreprises à aller à l'export.

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Bernadette Dodane, coprésidente de la société Cristel

Cristel est une entreprise issue du groupe Japy, fondé en 1826, qui, après des décennies prospères, a traversé des périodes difficiles aboutissant à ce que la faillite soit prononcée en 1979. Après trois années de fermeture, Cristel a redémarré par la volonté des ouvriers qui ont créé une coopérative ouvrière de production, laquelle a duré trois ans. Les nombreuses difficultés ont néanmoins conduit une nouvelle fois cette entreprise, ou plutôt ce qu'il en restait, à la faillite et, sur proposition du tribunal de commerce, nous avons fait, mon mari et moi, une reprise avec les salariés en 1987. Le concept Cook and serve, à poignée amovible, une innovation dont Paul Dodane est l'auteur, a été mis en avant, ce qui a permis le redressement de cette entreprise.

Aujourd'hui Cristel est le premier fabricant français d'articles culinaires inox haut de gamme, avec un taux d'intégration en fabrication de 89,87 % sur le site de Fesches-le-Châtel en Franche-Comté. Cristel est également leader sur le marché du culinaire inox haut de gamme en France, avec 80 % du marché, et au Japon. Les produits Cristel sont labellisés Origine France garantie (OFG) depuis 2013, label certifié par le Bureau Veritas. Cristel est également reconnue entreprise du patrimoine vivant depuis 2009 et est entrée dans la famille des marques de luxe françaises en 2007.

Cristel réalise entre 10 et 11 millions d'euros de chiffre d'affaires par an, dont 25 à 30 % à l'exportation. Or, pour assurer le développement normal de l'entreprise, il faut inverser ces pourcentages et se développer à l'export. En effet, pour passer d'une petite et moyenne industrie (PMI) à une entreprise de taille intermédiaire (ETI), il faut exporter dans des proportions importantes. Lorsque l'on a le produit, le savoir-faire et les moyens modernes de production, il faut absolument réussir son développement à l'exportation.

Pour Cristel, comme toutes les entreprises de cette taille, la problématique est la même : la mobilisation des moyens humains et financiers nécessaires à la réussite est disproportionnée par rapport à nos capacités propres. C'est courir un risque énorme que de prendre, seuls, la décision de se développer à l'international.

Les enjeux sont pourtant fondamentaux car il s'agit bien de l'avenir de notre industrie et de celui de tous ceux qui en vivent. Il s'agit de redonner un équilibre acceptable à notre balance commerciale, qui s'améliore, mais dont les chiffres, comparés à ceux de nos voisins, restent difficilement acceptables. Or, nos entreprises françaises et nos articles fabriqués en France, sont tout aussi valables que les entreprises et les articles allemands.

Aujourd'hui, c'est l'ouverture et le savoir-faire à l'exportation qui nous manquent à tous. Il me semble donc nécessaire de créer des structures adaptées aux PMI, autres que celles existantes, qui coûtent cher à l'État et aux contribuables. Elles sont peut-être efficaces pour le développement des petites et moyennes entreprises (PME) artisanales ou pour l'accompagnement des grands groupes, mais ne semblent pas adaptées aux PMI.

Il faut un accompagnement pragmatique et efficace. Cela passe par des pépinières de filières pour les PMI s'engageant dans le développement à l'exportation, c'est-à-dire un espace d'accueil dans chaque pays, avec un potentiel d'accueil sur place ou à proximité pour les PMI débutantes. Cela passe aussi par la présence de personnes compétentes, qui accompagnent et orientent efficacement dans les démarches administratives toujours longues et compliquées : dépôt de statuts, enregistrement auprès des tribunaux compétents, ouverture de compte bancaire, obtention de carte bancaire, recherche de partenaires sur le plan comptable, juridique et commercial, etc.Les premiers pas étant assurés, un accompagnement est nécessaire pour une meilleure connaissance du marché avec, par exemple, la remise de fichiers clientèle par secteurs de marché, la remise d'adresses de centres logistiques performants, la rédaction de projets de contrats de partenariat à faire valider ensuite par un cabinet compétent au regard du droit du territoire, le recrutement éventuel d'un ou de plusieurs collaborateurs et la recherche d'une autonomie physique et morale pour cette filiale qui devient mature et peut s'installer dans de nouveaux locaux. Enfin, un soutien financier est nécessaire pour faire connaître et promouvoir la marque et le produit, souvent inconnus sur le marché à conquérir. Cela représente du travail, bien sûr, mais dont les coûts ne sont pas nécessairement très élevés. Les employés en poste dans les ambassades doivent avoir une obligation de réussite dans l'aide au développement à l'export, qui doit devenir une priorité dans leur action. Ils doivent, pour un certain nombre, devenir extrêmement compétents et référents dans ce domaine. Réussir challenge après challenge à ce que la France soit de plus en plus présente sur le marché mondial, vaut bien des buts marqués dans les stades des compétitions sportives internationales. On pourrait d'ailleurs penser à intéresser ces champions du développement des marchés de la France à l'international, en fonction du volume d'accroissement d'activité lié à leur action sur tel ou tel territoire.

Lorsque nous laissons les PMI seules pour tout apprendre à leurs dépens, le coût financier et l'énergie exigés absorbent tout ce qui aurait dû être consacré au développement de leur marché pour le faire fructifier rapidement. C'est parfois, et même très souvent, épuisées de toutes parts qu'elles abandonnent la partie sans recueillir les fruits de leurs investissements.

Les grands groupes d'aujourd'hui ont bénéficié, eux, à une certaine époque, d'aides et d'accompagnements à l'exportation, comme nous, au Japon, où nous avons réalisé depuis 1992, très exactement 29 694 706 euros de chiffre d'affaires. L'accompagnement n'a pourtant pas coûté très cher à l'État mais il a été très efficace.

Ainsi, pour le marché japonais, nous avons bénéficié à Tokyo de trois jours d'accompagnement gratuit par un attaché d'ambassade qui avait pris tous les rendez-vous avant notre arrivée, en particulier avec notre futur distributeur sur ce territoire. Nous avons également bénéficié de l'aide d'un cabinet de protection industrielle et intellectuelle pour le dépôt des brevets, des marques et des modèles, et d'un cabinet juridique pour une relecture du projet de contrat de partenariat. Nous avons enfin pu effectuer une tournée dans les grands magasins pour repérer le marché et rencontrer le directeur de la banque de notre futur partenaire, pour être informés sur sa solvabilité. Toutes ces prestations ont été fournies gratuitement et je suis extrêmement reconnaissante envers cet attaché d'ambassade, grâce à qui nous avons pu nous développer au Japon, ce qui a sauvé l'entreprise.

Malheureusement, les temps ont bien changé : l'an dernier, nous avons posé quatre questions à Business France, avant de nous rendre au Japon où notre distributeur était en difficulté. La réponse fut un devis de 3 600 euros et un développement général sur les marchés, sans lien avec les difficultés que nous traversions alors. Nous avons dû nous adresser à un cabinet de consultants privé qui nous a facturé 2 000 euros en répondant très précisément à toutes nos questions, en y associant un accompagnement d'une journée auprès de notre distributeur par une personne compétente, qui nous a présenté ensuite des axes stratégiques et fourni des conseils qui nous permettent de sortir de la crise.

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Juliette Rapinat Freudiger, présidente de la société Loxos

Je m'inscrirai quelque peu en faux avec ce qui vient d'être affirmé. Je ne suis pas d'accord avec la gratuité et il me semble normal de payer pour un service. L'entreprise Loxos est spécialisée dans la fabrication de mobilier destiné aux crèches et aux établissements de santé. C'est une société qui a maintenant 25 ans et que j'ai reprise, il y a huit ans, après une longue carrière dans des grands groupes de luxe. L'entreprise réalise 4 millions d'euros de chiffre d'affaires, essentiellement en répondant à des marchés publics. Nous équipons aujourd'hui une maternité sur deux et près d'une crèche sur trois en France, grâce à des produits plutôt haut de gamme. Ce secteur étant arrivé à maturité en France, il faut aller chercher la croissance à l'export.

Or, pour aller à l'export, nous avons effectivement besoin des services de Business France, pour peu que ces services soient à la hauteur et, qu'en particulier, les VIE – qui, bien souvent, terminent tout juste leurs études – soient correctement encadrés pour être performants dans les réponses qu'ils apportent aux entreprises qui viennent chercher des marchés.

Cependant, la première condition, pour aller à l'export, est de dégager suffisamment de marges. Or, aujourd'hui, il me semble que l'on nous prend d'un côté ce que l'on nous donne de l'autre. À titre d'exemple, je fabrique aujourd'hui mes produits à Orbec, dans le sud du Calvados, où il n'y a quasiment plus d'industrie, et je paie 29 000 euros de cotisation foncière des entreprises. Nous devons payer beaucoup trop d'impôts alors que nous ferions mieux d'investir cet argent à l'export pour développer nos entreprises. En effet, aller à l'export suppose de s'inscrire dans le temps long ce qui nécessite des ressources internes importantes.

Par ailleurs, les règles du code des marchés publics sont assez contre-productives : elles ont tendance à tirer les prix vers le bas. Les entreprises allemandes dégagent plus de marges car elles peuvent vendre plus cher.

Pour réussir à l'export, nous avons embauché des VIE, un en Angleterre, un autre en Allemagne et le dernier à Dubaï. Mais nous ne sommes pas assez aidés pour convaincre d'autres PME de notre écosystème de partager cet accès aux marchés. Un VIE, même aidé, coûte cher, autour de 70 000 € par an aux Émirats arabes unis. Seules des marges solides en France permettent de financer une croissance à l'export. En revanche, quand les marges commencent à s'éroder en France, le développement international devient extrêmement compliqué. Je déplore que nous ne réussissions pas à fédérer les PME en France. C'est un mal national : on parle souvent de « chasser en meute », mais les chefs de PME françaises ont beaucoup de mal à concevoir de travailler en commun. Business France fait beaucoup d'efforts en ce sens, mais cela va prendre beaucoup de temps. Travaillez donc à fédérer les PME ! À cet égard, les régions et les pôles de compétitivité sont des notions parfois contre-intuitives. Il existe, par exemple, un pôle de compétitivité en matière de santé, Eurasanté, situé à Lille, qui refuse de travailler avec nous car nous ne sommes pas dans la même région ! Les Hauts-de-France ou la région Rhône-Alpes sont très puissantes, et travaillent exclusivement pour elles, alors qu'en matière de santé, les compétences sont réparties sur l'ensemble du territoire. Les compétences devraient donc être fédérées au niveau national. Par ailleurs, nous avons obtenu une subvention de la région Basse-Normandie pour un VIE – à hauteur de 50 % de notre ticket modérateur – mais toutes les régions ne donnent pas de telles aides, ce qui crée une concurrence déloyale entre les régions. Une articulation nationale est nécessaire pour éviter cette concurrence inutile.

De plus, notre entreprise fabrique des équipements à destination du secteur médical, mais non des dispositifs médicaux à proprement parler. Or, dans les pays fortement administrés comme le Vietnam, la Russie ou l'Ukraine, il nous est demandé un marquage « CE », qui n'est pourtant pas requis pour nos produits. Les autorités douanières ne comprennent pas cette absence de tampons ou de labels, tant elles y sont habituées. Le marché peut rester fermé à cause de cela.

Il faut avoir la foi chevillée au corps pour faire de l'export pour une PME. Mais le véritable enjeu est celui du financement. Les entreprises exportatrices sont très entourées – quand je me suis installée à Orbec, toutes les organisations consulaires et territoriales sont venues vers nous pour nous aider – et l'on se démène pour leur trouver des subventions. Mais l'export devrait d'abord être financé par les résultats de l'entreprise.

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Vos témoignages montrent que pour une PME dont le chef veut aller le plus loin possible dans l'exportation, souvent d'ailleurs parce que c'est une nécessité en raison des marges réduites en France, l'export est une aventure, qui peut fragiliser l'entreprise. Vous avez indiqué qu'un accompagnement existait, mais qu'il pouvait y avoir aussi des incompréhensions. Une rencontre avec la directrice générale de Business France, que nous venons d'entendre, aurait pu permettre de confronter l'expérience des PME avec les dispositifs de l'État, parfois perçus comme impersonnels.

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Nous entendrons demain M. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, et pourrons lui demander de réagir à ce que nous aurons entendu au cours de cette table ronde.

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Le travail de Business France manque parfois de proximité. Pourtant, M. Laurent Fabius a fait des ambassades les instances de conseil des entreprises. Y avez-vous trouvé les conseils et soutiens nécessaires dans les pays où vous exportez ? Par ailleurs, vous avez évoqué des manques de fonds propres et de fonds de roulement. BPIfrance et la COFACE ont une mission en ce domaine. Quelles difficultés rencontrez-vous dans le financement de votre fonds de roulement et dans le renforcement de vos fonds propres ? Enfin, la question douanière, la couverture de change et l'assurance-crédit sont-elles de réels problèmes pour vous, ou bien l'ouverture du marché, les contacts et le marketing de vos produits constituent-ils l'essentiel de vos difficultés ?

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Mme Shirley Billot a conduit un projet avec le Cirad. Une entreprise de ma circonscription a fait de même pour travailler sur la valorisation des déchets issus de la vigne dans le domaine des cosmétiques. Quelle part de vos revenus consacrez-vous à la recherche et développement (R&D) pour rester innovants à l'export, ce qui constitue un facteur clé de compétitivité ? D'autre part, vous avez, toutes les trois, mentionné un isolement des chefs d'entreprise face aux difficultés de l'export. Nous avons évoqué avec Business France la structuration par filière pour adosser les PME aux grands groupes à l'export. Travaillez-vous avec les acteurs de vos filières respectives ?

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On tente de renforcer la cohérence entre les acteurs, y compris au niveau des régions. En Bretagne, la région se concerte beaucoup plus qu'avant avec la chambre de commerce et d'industrie pour l'export. Avez-vous perçu des améliorations en ce domaine depuis un an ? Par ailleurs, vos entreprises s'intéressent-elles à l'e-commerce, qui connaît un important développement ? Le travail des douanes a été facilité par la dématérialisation : est-ce une piste que vous envisagez pour votre développement à l'international ?

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Madame Juliette Rapinat-Freudiger, vous avez évoqué la difficulté de chasser en meute, ce qui est, à l'opposé, une force des PME allemandes. Dans le passé, vous avez été soutenu par le groupe Total, via une subvention…

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Juliette Rapinat-Freudiger

Non, il ne s'agissait pas d'une subvention, mais j'y reviendrai.

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Vous avez bénéficié de ses infrastructures. Comment cela s'est-il passé ? Total peut en effet servir de « porte-avions » à des PME.

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Je suis chargée du rapport spécial sur le commerce extérieur pour la commission des finances. Je rends hommage à cet entreprenariat au féminin ! Avez-vous déjà été approchées pour proposer votre offre dans d'autres pays ? Inversement, vos produits répondent-ils à une demande étrangère ? Une équipe de trente personnes de la région Catalogne se situe à Paris et se concentre sur l'analyse des besoins français, pour le compte de leurs entreprises espagnoles. C'est une démarche différente.

Je crois que le sujet de la TVA communautaire est essentiel, et je vous remercie de l'avoir évoqué. Comment pourrait-on faire évoluer les choses ? Cela doit être abordé à chaque loi de finances.

Il faut des bases à l'international, vous l'avez dit. Mais j'ai observé, dans vos propos, une forme d'incompréhension entre les attributions de Business France, des chambres de commerce et d'industrie à l'international, des ambassades… Ressentez-vous une telle illisibilité dans d'autres pays ? Je note cependant que la France a fait des efforts de simplification en la matière. Est-ce suffisant selon vous ?

Nous n'avons pas beaucoup parlé des opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI). Connaissez-vous ce réseau qui accompagne, juridiquement et financièrement, les entreprises à l'international ? Sur le sujet du pacte PME, nous avons beaucoup d'entreprises, moyennes ou plus petites, adossées à des bureaux chez Total, voire qui partagent des VIE. Ne vous sentez-vous donc pas accompagnées par nos grandes entreprises ? Enfin, les régions n'ont pas toutes les mêmes politiques et c'est normal. Je viens d'une région où 100 % du VIE était remboursé par la région la première année. Certes, vous convenez ne pas avoir besoin de moyens, mais cette politique est utile, car elle oblige à une forme d'accompagnement fructueux des entreprises à l'exportation.

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Juliette Rapinat-Freudiger

Pour ma part, j'ai bénéficié de beaucoup de subventions et d'aides diverses – COFACE, VIE, etc. J'ai été contente de les trouver. Je tenais à signaler qu'il était important de disposer de meilleures marges pour éviter aux personnes publiques d'avoir à accorder trop de subventions. Notre cadre de travail est efficace : je ne venais pas du monde de la PME, mais j'ai appris à faire la différence entre une CCI, BPIfrance et Business France. La lisibilité de l'offre de services publics s'est remarquablement améliorée, même s'il faut toujours faire un effort de compréhension au début. Le transfert de gestion des garanties politiques de la COFACE à BPIfrance est ainsi à saluer.

Au sujet de l'accompagnement de Total, j'ai eu la chance de gagner un prix de la première organisation du service export. Total m'a alors proposé une avance de trésorerie. Comme ma propre trésorerie était suffisante, j'ai refusé, mais le groupe m'a expliqué sa politique de développement régional, et j'y ai adhéré. Par exemple, je souhaitais placer un VIE à Dubaï, mais son coût via l'ancien organisme Entreprises Rhône-Alpes International (ERAI), qui sous-traitait à Ubifrance – des flux croisés de fonds publics d'ailleurs contestables –, à hauteur de 1 200 euros, plus les frais divers, par mois, m'a dissuadé. Total proposait d'héberger mon VIE dans une de ses raffineries pour 600 euros par mois. Total m'a également obtenu un permis de travail très facilement, grâce à ses quotas, les créations d'emplois devant être « sponsorisées » à Dubaï. Total se garde de faire beaucoup de publicité autour de cette politique : cela tient au fait que cette entreprise soutient surtout des territoires où le groupe lui-même se retire, détruisant des emplois, et au fait qu'en tant que grande entreprise française, il est difficile d'apparaître comme un acteur vertueux. Cela ne s'est donc pas fait via le pacte PME. Je n'ai pas trouvé comment interagir avec cette grande entité.

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Bernadette Dodane, coprésidente de la société Cristel

Je précise de nouveau que, pour ma part, l'ambassade du Japon nous a beaucoup aidés. Il y a quelques années, sans la compétence et la disponibilité de ses agents, il aurait été impossible de pénétrer ce marché depuis la Franche-Comté, puis de protéger notre marque et nos brevets. À ma surprise, ce service d'intermédiation, notamment linguistique, était gratuit : je pensais devoir facturer une prestation, ce que j'aurais volontiers fait. Sur la question des financements, nous sommes en autofinancement à l'international. Je comprends que des entreprises aient d'autres stratégies ; toutefois, pour moi, l'aide publique au développement international la plus efficace est l'aide humaine : quand vous n'avez pas le mode opératoire pour vous internationaliser, vous avez d'abord besoin d'être accompagné, indépendamment du montant des subventions que vous dépensez. Les attachés d'ambassade ont, par exemple, beaucoup de ressources : ils rentrent partout, au seul moyen de leur carte bleu-blanc-rouge !

Sur le sujet de l'accès aux marchés, chaque pays a sa propre culture, qu'il faut comprendre, ce qu'aident à faire les ambassades, grâce à leur connaissance du tissu économique. Elles veulent transmettre et partager ces savoirs, car cela leur permet de valoriser leur travail.

En matière de R&D, nous investissons beaucoup. Chez Cristel, la part d'innovation représente 7 % du chiffre d'affaires, ce qui est conséquent. Mais c'est ce qui nous permet de progresser : notre croissance s'appuie sur l'innovation ; une politique d'innovation est également attractive pour les partenariats à venir à l'étranger.

Le regroupement par filières ne fonctionne pas toujours très bien, car les acteurs de filière sont aussi des concurrents : sur le marché américain, il nous a fallu un an pour nous installer. Après une montée en charge très progressive, et coûteuse – 3,5 millions d'euros investis à ce jour, il faut avoir les reins solides ! –, nous avons été attaqués sur ce marché par un concurrent français, un grand groupe, qui a pratiqué des remises de prix, jusqu'à 50 %, sur tous les produits sur lesquels nous avions également une offre. J'aimerais travailler en filière, mais ce n'est pas toujours possible.

Le e-commerce à l'international est très important. Mais il faut le développer avec la compréhension des règles propres à chaque pays. Nous avons essayé aux États-Unis avec les magasins Williams-Sonoma, par exemple, qui ont 258 boutiques et réalisent 58 % de leur chiffre d'affaires sur internet. Nous leur avons donné tous les moyens pour nous développer sur internet. En réalité, nous nous sommes aperçus qu'ils n'avaient pas du tout parlé de notre concept amovible de cuisson-service. Ils ont présenté notre produit comme un autre, sans l'expliquer.

Je pense que c'est à l'État, et non aux régions, qu'il revient de s'engager sur le développement à l'international. La région ne peut pas le faire. Ce matin, par exemple, j'ai téléphoné à la personne qui s'occupe du développement à l'international pour la région Rhône-Alpes-Auvergne. Elle m'a dit qu'elle cherchait, par tous les moyens, à aider les entreprises à se développer à l'international mais que c'était très difficile à l'échelon régional. Ceci doit être de la compétence du ministère des affaires étrangères : c'est au niveau national que nous devons prendre l'engagement de développer nos marchés à l'international. Nous ne pourrons y arriver au niveau régional.

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Nous avons voté des lois de décentralisation qui donnent des compétences à des collectivités territoriales et, notamment, la compétence économique aux régions. Il est évident qu'il faut lier les actions nationales et régionales mais en respectant le cadre de la loi, que nous élaborons ici. Tout doit être coordonné, notamment avec Business France, mais chaque région a la liberté de mettre en oeuvre sa politique.

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Bernadette Dodane, coprésidente de la société Cristel

Je pense sincèrement que le développement à l'international dépasse les possibilités de gestion d'une région. Je respecte la loi. Mais il faut bien reconnaître que, parfois, elle bride. Les mauvais résultats actuels de notre balance commerciale montrent qu'il faut que nous réorganisions notre système. Le développement à l'international doit être conduit en haut lieu.

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Shirley Billot, présidente de la société Kadalys

En Martinique, c'est la chambre de commerce qui s'occupe des offres de Business France et l'Agence française de développement (AFD) qui instruit les dossiers pour BPIfrance. Nous avons donc beaucoup de compétences fusionnées en raison de problèmes de moyens et de marchés. Je n'ai jamais eu de contact avec une ambassade, sauf via Business France qui est hébergée au sein des ambassades. Je reviens du Japon où j'ai fait une conférence de presse avec mon distributeur, à l'ambassade de France. L'image française est réellement très haut de gamme, notamment au Japon. Je me suis inscrite pour participer aux rencontres « Un entrepreneur, un ambassadeur ». Je souhaiterais mieux comprendre la répartition des rôles entre l'ambassade et Business France.

Pour renforcer nos fonds propres par des prêts de BPIfrance, il nous est souvent demandé d'avoir une situation financière positive au sens de la Banque de France. C'est un peu paradoxal. Les critères ne sont pas toujours adaptés et laissent penser qu'« on ne prête qu'aux riches ». Il est très dur d'avoir accès aux produits renforçant les fonds propres. J'ai, pour ma part, réussi à avoir une aide sur le besoin en fonds de roulement (BFR) garantie par BPIfrance à 70 %. Mais il faut alors trouver une banque qui accepte de vous donner la somme ! La banque vous demande des garanties pour les 30 % restants. Or je n'ai pas de fortune personnelle et je n'ai rien à mettre en caution. Mes associés se sont finalement porté caution. Mais sans eux, le produit n'aurait jamais été validé par BPIfrance parce que la banque ne voulait pas prendre de risque sur ces 30 %. Les aides de BPIfrance sont donc très intéressantes sur le papier mais, en réalité, cela ne fonctionne pas très bien.

Je n'ai pas de problèmes douaniers en particulier. Je pense simplement qu'il est dommage que nous devions ressaisir sur l'application douanière sur internet les données sur les quantités ou les montants que nous avons exportés. Cela est inutile car les déclarations sont, de toute façon, faites par les transitaires.

Aujourd'hui, nous ne sommes pas assez forts pour créer des petites sociétés. J'estime que, pour être fort, il ne faut pas être seul. Il m'a donc semblé plus judicieux d'être portée par ma région. M'allier avec le Cirad et les planteurs de bananes me semblait être un moyen d'être plus fort dans mon expansion future à l'international. Nous investissons fortement dans la recherche et le développement. Nous achevons justement un programme cofinancé par la région Martinique et le FEDER. La recherche et le développement nous permettent d'être innovants, de proposer des ingrédients très nouveaux sur les marchés et de créer une différenciation.

Il existe une filière, la Cosmétique Valley, à Chartres. Mais nous sommes aux Antilles. L'éloignement est une difficulté. Les entreprises qui sont sur la zone de Chartres seront privilégiées. À mes débuts, je ne pouvais pas adhérer à la filière car je n'étais pas en métropole. Je n'ai pu le faire que parce que j'ai un établissement secondaire situé en métropole. Par ailleurs, la Cosmétique Valley est une concurrente de Business France, notamment dans les salons, ce qui n'a aucun intérêt. Il faut qu'il y ait une cohérence entre les outils publics et ces filières. La notion de filière n'a de sens que si elle crée une complémentarité, et non une concurrence. Les CCI et Business France se font aussi concurrence. En Martinique, la question ne se pose pas puisque les deux organismes travaillent ensemble. La chambre de commerce de Martinique ne travaille qu'avec Business France au niveau international. En ce qui me concerne, je n'ai aucun intérêt à travailler avec une chambre de commerce puisque les accords sont faits avec Business France. C'est dommage car cela veut dire que je ne peux pas travailler autrement qu'avec Business France. Mon horizon est réduit.

Pour répondre à la question de Mme Monique Rabin, j'ai statistiquement 40 % des pays qui me contactent et 60 % des pays dans lesquels je prospecte soit dans le cadre d'un salon, soit par le biais des rencontres acheteurs avec Business France. Dans 80 % des cas, les missions de Business France sont un succès. Je suis accompagnée par les conseillers au commerce extérieur. C'est intéressant pour ceux qui ne connaissent rien à l'export. J'avais besoin, au début, de comprendre les marchés. Cet accompagnement est gratuit pendant un an, ce qui est très positif. Mais ces conseillers sont souvent des retraités qui cherchent un complément de revenu. Ils ne vous donnent pas beaucoup d'informations et veulent vous facturer une prestation. Nous devrions avoir accès à quelques informations gratuitement pour préparer notre stratégie. J'ai eu la chance d'avoir un ami à Business France qui m'a aidé à définir ma stratégie et m'a indiqué par quels pays commencer. Si j'avais dû, par moi-même, acheter des informations et choisir des pays de destination, cela aurait été beaucoup plus difficile. Il nous serait donc utile, pour préparer une stratégie et un budget de développement à l'export, d'avoir un premier niveau d'information.

Pour en revenir au e-commerce, celui-ci n'est pas simple pour plusieurs raisons. Lorsque, comme moi, vous exercez une activité dans un domaine réglementé, il faut que vos produits soient enregistrés. Il faut également que votre marque soit protégée, ce qui implique que l'on ne peut pas vendre à l'export partout où on le souhaiterait, sauf à se mettre en danger. De plus, nos propres sites de e-commerce ne répondent pas nécessairement aux réglementations des pays dans lesquels nous souhaitons exporter, notamment en matière de droit de rétractation, ou de stockage des données. L'ignorer conduit aussi à prendre des risques. En ce qui me concerne, j'ai un site japonais, un site coréen, un site canadien et un site pour le Royaume-Uni. Mais je m'appuie sur mes distributeurs, qui m'ont parfois dit que mes sites n'étaient pas parfaitement conformes à la réglementation de la vente à distance dans leur pays. Il faut être naïf pour vendre en e-commerce depuis son propre site sans se poser de questions, car l'e-export pose la question de la reverse logistic, c'est-à-dire du service après-vente, de la gestion des retours… et la distance complique beaucoup de choses. C'est pour cette raison que je m'appuie sur des prestataires ou des plateformes de e-commerce. Dernièrement j'ai été sollicitée par La Poste, qui crée une plateforme sur internet pour être une vitrine pour des entreprises françaises. Je trouve que c'est une bonne initiative, qui aide des entreprises françaises à « chasser en meute » sur internet, bien qu'elle soit incomplète – elle nécessite tout de même d'acquitter un droit d'entrée de 50 000 euros.

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Merci Mesdames. Vos témoignages sont importants pour nous, qui auditionnerons demain le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Nous l'interpellerons sur vos problématiques. Cela nous permet de faire évoluer les dispositifs, de façon à ce qu'ils soient les plus performants possibles en fonction de vos activités et de la taille de vos entreprises.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 5 juillet 2016 à 17 h 30

Présents. – Mme Fanny Dombre Coste, Mme Marie-Hélène Fabre, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Frédérique Massat, M. Hervé Pellois, M. Éric Straumann

Excusés. – M. Damien Abad, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Jeanine Dubié, Mme Béatrice Santais, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic

Assistait également à la réunion. – Mme Monique Rabin