Séance en hémicycle du 11 juillet 2016 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature (no 3870).

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La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure de la commission mixte paritaire.

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Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le projet de loi organique dont notre assemblée est aujourd’hui saisie pour la dernière fois vise à adapter le statut de la magistrature aux exigences de notre temps.

Je voudrais en préambule remercier très sincèrement les deux rapporteurs de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, Jean-Yves Le Bouillonnec et Jean-Michel Clément – nous avons tous une pensée pour lui en ce moment –, pour leurs précieux conseils, ainsi qu’Yves Goasdoué et Colette Capdevielle pour leur implication dans l’élaboration de ce texte.

La commission mixte paritaire, qui s’est réunie au Sénat le 22 juin, est parvenue à un accord tout à fait satisfaisant : les avancées du texte les plus importantes ont été préservées et les points les plus délicats ont été retravaillés conjointement. Je salue, à cet égard, l’excellente qualité d’écoute et l’esprit de coopération de mon homologue du Sénat, M. François Pillet, et de M. Dominique Raimbourg, président de notre commission des lois.

En première lecture, sur les quarante-trois articles votés par le Sénat, l’Assemblée nationale en avait adopté dix conformes et il y avait ajouté onze articles. La commission mixte paritaire était donc saisie de quarante-quatre articles : un accord a pu être trouvé sur chacun d’entre eux. Dans de nombreux cas, c’est le texte issu des travaux de notre assemblée en première lecture qui a été retenu par la commission mixte paritaire.

Il en va ainsi, par exemple, de l’élargissement de l’accès aux concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature et de l’enrichissement des perspectives de carrière des magistrats, au travers notamment de la création de nouvelles fonctions hors hiérarchie, destinée à renforcer les postes d’encadrement intermédiaire et supérieur dans les plus grandes juridictions, ainsi que de la revalorisation des fonctions de magistrat placé. Il en est de même de l’extension de la procédure dite de la transparence, de l’article consacrant le droit syndical des magistrats ou encore des dispositions réformant les procédures disciplinaires.

Dans d’autres cas, la commission mixte paritaire a, au contraire, opté pour le texte du Sénat, notamment en matière d’assouplissement de l’obligation de résidence des magistrats et de déclarations de patrimoine des membres du Conseil supérieur de la magistrature – CSM –, lesquelles relèveront de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – HATVP.

Enfin la commission mixte paritaire a, d’un commun accord entre ses membres, modifié certaines dispositions qui restaient en discussion. S’agissant de l’extension du recrutement sur titres des auditeurs de justice, qui concerne au premier chef les docteurs en droit ayant exercé les fonctions de juriste assistant pendant au moins trois années, la CMP s’est entendue pour réduire au moins de moitié la durée de la scolarité des personnes concernées à l’École nationale de la magistrature. Nous espérons que le Gouvernement, généreusement et utilement, ramènera par voie réglementaire la durée de leur scolarité très en-dessous de cette barrière législative. Je n’oublie pas de rappeler que les députés avaient suggéré de limiter cette dernière formation à un an, pour le bien de tous, non seulement en considération de la compétence et de la pratique professionnelle acquise pendant trois ans mais aussi pour soulager les deniers publics et rendre plus rapide l’affectation de ces nouveaux magistrats dont la justice comme les justiciables ont tant besoin.

Pour ce qui concerne le statut du juge des libertés et de la détention, la commission mixte est convenue, comme le souhaitait l’Assemblée nationale, d’en faire une fonction spécialisée, avec les conditions de nomination et de rémunération que celle-ci implique, tout en précisant que le juge des libertés et de la détention doit être un magistrat du premier grade au moins.

À propos des modalités d’évaluation des magistrats, la CMP a également décidé que les chefs de cour d’appel devront tenir compte, lors de l’élaboration de leur bilan d’activité biannuel, des rapports remis par l’inspection générale de la justice depuis leur installation. Elle a par ailleurs supprimé l’obligation de transmission au futur collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire des déclarations d’intérêts du premier président et du procureur général de la Cour de cassation. Elle a préféré retenir un mécanisme de déclaration interne au Conseil supérieur de la magistrature, applicable à chacun de ses membres, y compris au premier président et au procureur général.

Nous avons également supprimé la publicité des avis individuels du collège de déontologie, afin d’éviter toute interférence avec les missions dévolues au Conseil supérieur de la magistrature

La commission mixte paritaire a étendu les compétences des magistrats à titre temporaire au contentieux des contraventions et à la composition pénale, en cohérence avec le projet de loi ordinaire dont Jean-Yves Le Bouillonnec et Jean-Michel Clément sont les rapporteurs. Nous avons enfin complété les dispositions relatives au Conseil constitutionnel, en prévoyant en particulier une entrée en vigueur différée de six mois des nouvelles règles de recevabilité des questions prioritaires de constitutionnalité en matière pénale.

L’ensemble de la sphère publique sera désormais couverte par des exigences déontologiques renforcées. Les lois sur la transparence de la vie publique de 2013 avaient ouvert la voie s’agissant des principaux acteurs politiques et responsables publics. La récente loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a étendu ces exigences aux agents publics, y compris aux membres des juridictions administratives et des juridictions financières, pour lesquels ont été créés un collège de déontologie de la juridiction administrative et un collège de déontologie des juridictions financières.

Le projet de loi ordinaire de modernisation de la justice du XXIe siècle, que nous examinerons à la suite de celui-ci, soumet les juges des tribunaux de commerce à l’obligation de déclarer leurs intérêts auprès du président du tribunal et à déclarer leur patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Cette dernière obligation incombera également aux présidents et aux vice-présidents des conseils de prud’hommes.

Quant au projet de loi organique dont nous débattons présentement, il étend à tous les magistrats judiciaires l’obligation de faire une déclaration d’intérêts et de procéder à un entretien déontologique avec leur chef de juridiction, qui pourra, en cas de doute sur une situation de conflit d’intérêts, saisir pour avis le collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire.

En outre, des déclarations de patrimoine devront être adressées à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique par les plus hauts magistrats judiciaires : premier président, procureur général, présidents de chambre et premiers avocats généraux de la Cour de cassation ; premiers présidents et procureurs généraux des cours d’appel ; présidents et procureurs de la République des tribunaux de première instance.

Enfin, les membres du Conseil constitutionnel ne pouvaient être laissés à l’écart de ces évolutions – Yves Goasdoué a beaucoup travaillé sur cette question. Compte tenu de l’éminence des missions de cette institution mais aussi de sa juridictionnalisation croissante, nos concitoyens n’auraient pas compris qu’elle ne soit pas soumise aux mêmes exigences d’exemplarité. C’est pourquoi le projet de loi organique met en place un système interne de déclaration d’intérêts, applicable tant aux membres nommés qu’aux membres de droit ayant siégé au moins une fois, suivant le modèle du dispositif en vigueur pour les membres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et qui est également retenu – je l’ai rappelé – pour les déclarations d’intérêts des membres du Conseil supérieur de la magistrature. L’obligation de déclarer son patrimoine, quant à elle, concernera les membres nommés du Conseil constitutionnel ; leurs déclarations seront transmises à la Haute Autorité, conformément au droit commun en la matière.

Qu’il s’agisse de la sphère publique ou de la sphère privée, le travail nécessaire pour éradiquer le conflit d’intérêts de toute décision publique est devant nous.

Mercredi 6 juillet, mes chers collègues, le Sénat a adopté ce projet de loi organique dans sa version élaborée par la commission mixte paritaire, moyennant l’adoption d’un seul amendement du Gouvernement – un amendement de coordination avec le projet de loi ordinaire. Je vous invite à faire de même aujourd’hui : cela ouvrira la voie à de nombreuses avancées au profit tant des magistrats que des justiciables.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, le succès d’une commission mixte paritaire découle nécessairement d’une volonté de compromis partagée. Celle qui s’est tenue le 22 juin le démontre parfaitement. Il est donc agréable pour le Gouvernement de saluer les instigateurs de ce compromis. Merci donc à tous les députés qui ont permis ce résultat consensuel.

Je vous remercie avec d’autant plus de plaisir que ce résultat ne s’est pas construit contre les opinions du Gouvernement. Vous avez même parfois choisi d’aller plus loin que ses aspirations, par exemple en raccourcissant l’ultime version du texte qui vous est proposé ce soir. En effet, si le projet de loi déposé le 31 juillet 2015 comptait trente-six articles, la version adoptée à l’issue des débats du 24 mai dernier en comptait cinquante-six. Or l’accord de la commission mixte paritaire a permis de ramener leur nombre à une quarantaine. Merci donc de cet effort notable de simplification.

Intervenant après la rapporteure, je ne vais pas à mon tour décrire des travaux que vous connaissez tous fort bien. Comme je l’ai fait au Sénat la semaine passée, je me contenterai de souligner des points auxquels le Gouvernement était attaché.

J’évoquerai tout d’abord la création d’un statut pour le juge des libertés et de la détention – JLD –, qui sera dorénavant nommé comme juge spécialisé. Le Gouvernement était particulièrement attaché à ce point car il est persuadé que cette évolution est porteuse de réels progrès. C’est la suite logique de l’accroissement continu des pouvoirs qui ont été donnés au juge des libertés et de la détention depuis sa création par la loi du 15 juin 2000, tant en matière pénale qu’en matière civile, accroissement auquel nous avons encore contribué par la récente loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Le JLD, qui est le juge protecteur des libertés individuelles, contrôle de plus en plus les actes et les décisions les plus intrusives. La fonction n’étant pas aujourd’hui suffisamment valorisée, il fallait donc, afin d’attirer des magistrats confirmés, l’entourer de garanties statutaires. Le texte de la CMP les prévoit, le Sénat s’étant rallié à votre souhait d’une nomination par décret et obtenant que les magistrats nommés soient au moins du premier grade ou hors hiérarchie.

Deuxième point particulièrement novateur, ce sont les dispositions ouvrant le corps de la magistrature en favorisant le détachement ou l’intégration d’autres profils que ceux recrutés par la voie classique du concours républicain. Ces ouvertures permettront à la magistrature de s’enrichir de personnalités dont l’expérience et les compétences professionnelles sont diverses. L’École nationale de la magistrature est une grande école qui remplit parfaitement son office. Depuis 1958, elle a permis de renouveler le recrutement des magistrats, accompagnant notamment le mouvement de féminisation de la magistrature. En soixante ans, cette école est devenue la pierre angulaire de notre système judiciaire en contribuant à son rayonnement à l’étranger. Parce que rien de ce qui travaille le corps social ne doit être étranger à la magistrature, cette possibilité nouvelle d’accroître sa diversité sociale est un atout. Ces ouvertures favoriseront un brassage qui enrichira beaucoup le corps judiciaire.

La troisième évolution notable est la mise en place, au sein de la magistrature, de règles visant à satisfaire les exigences de transparence de la vie publique, notamment l’obligation de déclaration d’intérêts et pour certains de déclaration de patrimoine. Il ne s’agit évidemment pas d’un signe de défiance à l’égard des magistrats, comme j’ai pu le lire sous des plumes mal inspirées, mais simplement de transposer des outils que le législateur a prévus depuis plusieurs années pour les principaux décideurs publics et, plus récemment, pour les fonctionnaires et les membres des juridictions administratives et financières. Loin de gêner l’exercice des fonctions judiciaires, ces mesures déontologiques sont de nature à renforcer le lien de confiance entre nos concitoyens et le système judiciaire. Je le répète : cette transparence ne peut qu’accroître la confiance.

Comme vous l’avez fait, madame la rapporteure, j’insisterai sur l’enjeu principal de cette commission mixte paritaire : la déontologie. Sous votre impulsion, un vide, qui laissait les magistrats judiciaires en retard sur leurs homologues des juridictions administratives, a été comblé. En effet, comme l’a rappelé la décision du Conseil constitutionnel de juillet 2010, aucun lieu, aucune structure n’était désignée par la loi pour répondre aux interrogations des magistrats judiciaires en matière de déontologie. Ce projet de loi organique tend à créer une telle structure : c’est le collège de déontologie.

Sa composition permet à la fois une bonne représentation de la magistrature et une saine ouverture sur ce qu’on appelle la « société civile ». Sa vocation sera de répondre à toutes les questions d’ordre déontologique posées par un magistrat ou un chef de juridiction. Ce point a suscité beaucoup de réticences de la part du Conseil supérieur de la magistrature, qui revendique une compétence de principe en matière de déontologie des magistrats. Il est vrai que la matière est sensible : la déontologie relève-t-elle du droit ou de la morale ? S’agit-il de conseils ou d’obligations ? D’un code ou d’un guide ?

Il faut sans doute en revenir à l’origine de cette notion, qui est à rechercher dans l’ouvrage de Jérémy Bentham intitulé Déontologie, ou science de la morale, publié en 1834 dans l’Angleterre industrielle de Guillaume IV. L’intention de Bentham était claire : « il est désirable sans doute d’élargir le champ de la morale et de rétrécir celui de l’action publique. La législation n’a que trop empiété sur un territoire qui ne lui appartient pas. » Au fil du temps cependant, la matière s’est affermie au point que l’on peut aujourd’hui considérer que si la déontologie s’abreuve toujours à la morale, elle a bien vocation à être sanctionnée par le droit.

Voilà pourquoi il faut être clair et distinguer ce qui relève de la déontologie – c’est-à-dire les questions de probité, de loyauté, d’indépendance, d’impartialité, tout ce qui a trait au comportement envers les autres magistrats, à l’étude et à la connaissance approfondie des dossiers, à l’écoute au cours de l’audience et au comportement envers les justiciables, etc. – de ce qui relève du travail juridictionnel, c’est-à-dire le déroulement de la procédure et la prise de décision. Ces éléments ne peuvent être soumis qu’à des voies de recours internes. Autrement dit, une prétendue entorse à la déontologie ne doit pas être un moyen détourné de contester une décision judiciaire qui ne satisfait pas une partie au procès.

Or aujourd’hui, les chefs de juridiction – qui sont par ailleurs l’autorité de notation des magistrats judiciaires – sont les seuls à avoir vocation, de manière purement prétorienne, à répondre aux demandes et aux questionnements des magistrats confrontés à des situations individuelles concrètes susceptibles d’interférer avec leurs obligations déontologiques.

Le CSM n’a pas été convaincu par cette argumentation et reste réservé face à votre volonté de créer ce collège de déontologie, estimant, d’une part que ce dernier empiéterait sur ses compétences et d’autre part que sa création porte en germe un risque de contradiction entre les positions du collège et celles du CSM.

Le Gouvernement n’interprète pas de cette façon les lois organiques du 5 mars 2007 et du 22 juillet 2010. Interrogé incidemment sur ces questions, le Conseil constitutionnel avait en effet censuré, à l’article 17 de la loi du 22 juillet 2010, les mots « ainsi que pour se prononcer sur les questions relatives à la déontologie des magistrats. » Il a ainsi limité la compétence du CSM à l’élaboration et à la publication d’un recueil des obligations déontologiques des magistrats – tâche dont il s’est très bien acquitté.

Le Gouvernement estime donc que le collège de déontologie dont vous proposez la création répond à un réel besoin. C’est aussi pour cela que je salue l’excellent travail des parlementaires qui ont participé à la commission mixte paritaire. Je souhaite que ce texte soit adopté par l’Assemblée, en y intégrant, comme le Sénat l’a fait, l’amendement de coordination que le Gouvernement a déposé.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Tourret.

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Il nous faut, monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, saluer le succès de la commission mixte paritaire – et vous méritez, madame la rapporteure, une grande part de ses félicitations – d’autant que ce texte n’est pas que technique : il propose des solutions à un certain nombre de problèmes de fond.

Premier élément, les magistrats ont le droit à une carrière où les nominations et les promotions sont indiscutables. C’est une telle carrière qui permettra la confiance, celle du magistrat comme celle des citoyens que nous sommes.

Deuxième chose, la magistrature, ce n’est pas la grande muette et les magistrats ont le droit d’avoir des syndicats. Il faut le rappeler avec force, surtout depuis l’affaire ridicule du panneau d’affichage, qui a d’ailleurs valu des poursuites contre ceux qui en étaient responsables. Ce droit est absolu et parce qu’il est absolu il doit être maîtrisé et il doit l’être par les magistrats. Qui ne connaît pas le caractère dont a fait preuve celui qui fut, en son temps, président de l’Association professionnelle des magistrats et qui a démontré le bien-fondé du syndicalisme des magistrats ?

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Vous me pardonnerez ce trait d’humour, monsieur Fenech !

Troisième chose, les magistrats doivent être insoupçonnables. En ce sens, les déclarations de patrimoine, qui visent à assurer une plus grande transparence, comme cela nous est imposé, sont indispensables.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout à fait !

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Nous ne pouvons avoir confiance dans notre magistrature que si celle-ci est insoupçonnable, chacun le comprend bien ! Ce n’est donc pas un signe de défiance, mais un signe de confiance au contraire, puisqu’il s’agit de renforcer la confiance du justiciable envers ses magistrats. Je relisais il y a peu Cicéron, qui a beaucoup écrit sur ces sujets.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Saine lecture !

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Il n’est pas seulement l’auteur du traité De senectute, que vous ne manquerez pas de relire, monsieur le ministre, mais aussi du De oratore ainsi que des Verrines et des Catilinaires dans lesquelles il livre ses réflexions quant au contrôle qui doit s’exercer sur les magistrats. Ce que Cicéron préconise pour renforcer la confiance de Rome dans ses magistrats est très intéressant. C’est parce que ses magistrats ont été forts que la République romaine a été forte et c’est pourquoi nous ne pouvons que lire avec le plus grand intérêt les préconisations du plus grand des avocats.

J’ai relu aussi les écrits du chancelier d’Aguesseau, esprit subtil qui a réfléchi à l’organisation des juridictions de l’Ancien Régime, plus particulièrement au sein du Conseil d’État – et Dieu sait que l’organisation judiciaire de l’Ancien Régime était complexe. Je me suis également replongé dans Portalis, qui n’a pas été seulement l’un des rédacteurs du code civil mais aussi un penseur très intéressant – sa figure ne cesse d’inspirer les membres du Conseil d’État.

Le magistrat doit donc être insoupçonnable, sinon c’est tout notre système qui est remis en cause. Ce projet de loi organique est un texte de confiance dans une magistrature dont nous sommes fiers, qu’il s’agisse des juridictions judiciaires, financières ou administratives. C’est par cette magistrature que les Français sont protégés ; c’est elle qui rend possible l’État de droit, que nous revendiquons.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Notre groupe se félicite que la CMP soit parvenue à un accord sur ce projet de loi organique. En effet, comme nous l’avions souligné lors de la première lecture, plusieurs dispositions vont incontestablement dans le bon sens, en particulier le renforcement de l’obligation de transparence des nominations de tous les magistrats, l’extension à ces mêmes magistrats de l’obligation de déclaration d’intérêts et l’alignement de leur régime de déclaration patrimoniale sur celui qui s’applique aux responsables publics, aux agents publics et aux membres des juridictions administratives et financières.

Autre avancée notable, l’accès au corps de la magistrature sera ouvert grâce à la facilitation des détachements judiciaires et à la diversification de son recrutement. À cet égard, nous sommes favorables à l’extension du recrutement sur titres à l’auditorat de justice aux juristes assistants nouvellement créés dans le cadre du plan de lutte antiterroriste. Dans le même esprit, nous soutenons la réduction de moitié de la durée de la scolarité à l’École nationale de la magistrature pour les docteurs en droit ayant exercé pendant trois ans les fonctions de juriste assistant. Par ailleurs, la création d’un collège de déontologie des magistrats, indépendant et dépourvu de pouvoir disciplinaire, complétera utilement l’action du CSM aux côtés duquel il siègera.

Nous nous félicitons surtout de la création d’un statut du juge des libertés et de la détention, lequel sera nommé par décret du Président de la République, sur avis conforme du CSM, comme juge spécialisé. Cette procédure présente l’avantage, d’une part de prévenir tout changement d’affectation arbitraire et toute tentative d’intervention et, d’autre part, de transformer cette fonction souvent subie en fonction choisie puisqu’elle ne pourra être exercée que par les magistrats qui y auront postulé.

Nous regrettons cependant que les modifications statutaires introduites par ce projet de loi organique soient essentiellement techniques, voire gestionnaires. Alors que 5 % des postes de magistrat étaient vacants en 2014 et que le délai moyen de traitement des affaires ne cesse de croître et compte tenu de la situation des finances publiques, force est de constater que des dispositions concrètes d’adaptation du statut de la magistrature ont été préférées à une rénovation en profondeur, qui aurait permis de donner un nouveau souffle à la justice.

Malgré cette réserve et pour toutes les raisons que j’ai indiquées, les députés du Front de Gauche voteront en faveur de ce projet de loi organique.

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Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, députés et sénateurs se sont accordés pour améliorer les garanties d’indépendance des magistrats, ouvrir leur recrutement à des candidatures plus variées tout en renforçant leurs droits et obligations.

Il s’agit d’un texte assez technique, certes mais chaque mot a été pesé car il porte sur des valeurs essentielles – je suis d’accord avec M. Tourret sur ce point – : la séparation et l’équilibre des pouvoirs, l’indépendance, la transparence et l’impartialité des juges. Ce n’est pas un hasard si l’article 64 de la Constitution impose une loi organique pour toucher à ces matières.

Il s’agit d’abord d’assurer de meilleures garanties d’impartialité. Ce projet de loi organique donne au juge des libertés et de la détention un statut protecteur. Vous avez qualifié vous-même ce statut, monsieur le garde des sceaux, d’Habeas corpus. C’est un mouvement du fond qui se dessine dans beaucoup de domaines, spécialement en matière de justice des étrangers et pour toutes les mesures très intrusives. Ce nouveau statut doit être expérimenté afin de protéger le JLD dans ses décisions.

Ce projet de loi organique transforme le JLD en juge spécialisé – cela a été dit –, ce qui lui permet de disposer des garanties nécessaires à l’exercice de ses responsabilités et revalorise une fonction qui était jusqu’alors assez peu attractive, il faut bien le reconnaître. Vous l’avez dit, madame la rapporteure : ne pourront être nommés à ces fonctions qu’un magistrat du premier grade ou hors hiérarchie. C’est là un progrès que nous devons à la CMP.

Un service d’inspection unique sera créé au sein du ministère de la justice. L’indépendance des magistrats qui le composent sera renforcée : les chefs de cour et les procureurs généraux, qui n’étaient pas jusqu’ici soumis à évaluation, devront désormais répondre aux observations de ce service.

Concernant l’indépendance du parquet, la réforme constitutionnelle est en cours. Le projet de loi organique permettra que les procureurs généraux soient nommés par décret simple du Président de la République. On ne peut pas aller plus loin en l’état. La réforme constitutionnelle devrait institutionnaliser la pratique actuelle, qui fait de l’avis du CSM un avis conforme. C’est ce que nous avons voté, conformément à la demande de la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH. Chacun comprend, dans le contexte d’adaptation du droit à la menace terroriste, que l’indépendance des magistrats du parquet devrait logiquement être inscrite dans le marbre de la Constitution.

Il s’agit ensuite de bâtir une justice moderne. Le projet de loi diversifie le panel des candidats à la magistrature tout en maintenant l’exigence de l’excellence des recrutements. L’accès des docteurs en droit, ainsi que d’autres catégories de juristes, à l’École nationale de la magistrature sera facilité. Je veux insister sur les progrès en matière de mobilité et de résidence des magistrats, qui permettront en particulier aux femmes d’accéder aux postes les plus éminents. Le dispositif de détachement ou de congé parental est amélioré pour faciliter le retour dans la juridiction de départ.

Ce projet de loi vise enfin à assurer une plus grande transparence de l’institution judiciaire. Il étend à la magistrature les obligations déclaratives d’intérêts et de patrimoine telles que définies par les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique : obligation de déclaration d’intérêts et de patrimoine pour les plus hauts magistrats de l’ordre judiciaire et les chefs de juridiction ; entretien déontologique pour tous les magistrats ; création d’un collège de déontologie. Ce mécanisme de prévention des conflits d’intérêts s’aligne ainsi sur celui qui est prévu pour les agents publics et les membres des juridictions administratives et financières. On assiste à la mise en place d’un droit commun de la transparence et de la prévention des conflits d’intérêts.

Il est donc tout naturel que ces dispositions soient étendues aux membres du Conseil constitutionnel. Je dois dire qu’envisager une telle solution nous a d’abord apparu sacrilège avant que les uns et les autres y viennent peu à peu. Nous avons amélioré le dispositif afin de le rapprocher le plus possible des pratiques de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Voilà ce que contient ce texte, mes chers collègues. Il est en cohérence avec les réformes qui l’ont précédé et s’inscrit dans le cadre de la justice du XXIe siècle tel que défini par le projet de loi que nous examinerons ensuite, qui doit permettre une justice plus lisible, plus accessible et plus efficace. Le groupe socialiste, écologiste et républicain le votera donc, bien entendu.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, vous me voyez quelque peu désolé de devoir rompre, au moins en partie, le merveilleux consensus prétendument issu de la commission mixte paritaire.

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Pourtant ceux qui comme moi y ont participé en sont sortis avec le sentiment d’avoir assisté à un jeu de postures et de dupes plutôt qu’à un véritable travail d’élaboration d’un consensus.

Ce texte et celui qui viendra ensuite en discussion ont été étrangement mêlés – je remercie notre collègue Goasdoué de l’avoir rappelé – dans une sorte de jeu de bonneteau : en échange de mon silence sur les mauvaises manières du Gouvernement en ce qui concerne le projet de loi organique, je veux avoir le droit de faire valoir mon profond mécontentement sur le projet de loi ordinaire. J’y reviendrai tout à l’heure à propos du projet de loi ordinaire : peu de dispositions sont vraiment de bon aloi dans ce montage préparé par le Gouvernement avec la complicité malencontreuse de sa majorité et le résultat que l’on sait.

Pour nous, les choses sont claires : depuis le début nous sommes hostiles à ces deux textes. Non que leurs dispositions soient toutes dépourvues d’intérêt mais il s’agit de patchworks, d’un inventaire que je n’oserais qualifier d’à la Prévert car ce serait faire injure à notre ami poète. À côté d’éléments qui pourraient avoir du sens, il y a beaucoup de contresens, beaucoup de choses dangereuses et beaucoup de choses insignifiantes.

Nous nous opposerons donc à ce texte, comme nous l’avons fait lors de la précédente lecture et au sein de la commission mixte paritaire. Les quelques bonnes mesures disséminées dans ce projet de loi organique ne rendront pas la justice plus indépendante.

Arrêtons-nous sur trois sujets, qui suffiront à montrer à quel point tout ceci n’est que de l’affichage et est peu concluant.

Pouvez-vous très sincèrement affirmer devant nos concitoyens que l’article 3 apporte de véritables innovations concernant les missions de l’École nationale de la magistrature ? Vous savez très bien que ces dispositions n’apporteront aucune amélioration véritable.

Que dire par ailleurs de la suppression de la nomination des procureurs en conseil des ministres ? Il faut bien reconnaître qu’elle ne fera pas en elle-même gagner aux magistrats concernés une quelconque indépendance.

Quant à l’article 22, qui vise la consécration législative du principe de liberté syndicale, c’est vraiment le pompon, si vous me permettez cette expression ! La loi est ici instrumentalisée à des fins d’affichage au moyen d’une disposition aussi inutile qu’étonnante, puisque la valeur constitutionnelle, c’est-à-dire supra-législative, de ce principe est depuis longtemps reconnue par nos textes.

À toutes ces mesures en demi-teinte, il faut ajouter l’article 34 sexies, déjà évoqué par certains orateurs, qui ne fait rien de moins que restreindre – j’y insiste, car cette restriction est très dommageable – la faculté de soulever une question prioritaire de constitutionnalité. Vous devrez l’assumer devant les Français car s’il y a bien quelque chose d’important dans la révision constitutionnelle de 2008 – je le dis avec d’autant plus d’aise que je ne l’ai pas votée – c’est précisément la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité.

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Que dire également de votre acharnement – appelons cela ainsi – en matière de transparence, qui vous a conduits à prévoir que les membres du Conseil constitutionnel seront désormais soumis à une autorité administrative ? Excusez du peu !

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Vous avez, et je conclurai sur ce point, une volonté permanente d’affichage mais ne procédez au fond à aucune réforme majeure et les rares modifications que vous proposez risquent de mettre à bas les avancées importantes qui avaient été réalisées auparavant. Pour toutes ces raisons – mais nous aurions pu en citer bien d’autres – le groupe Les Républicains ne s’associera pas à votre consensus bien calculé et votera contre ce projet de loi organique.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, ce projet de loi organique, examiné conjointement en première lecture avec le projet de loi de modernisation de la justice au XXIe siècle, concerne plus spécifiquement le statut et le mode de recrutement des magistrats.

À la différence du projet de loi ordinaire, sur lequel se sont manifestées un trop grand nombre de divergences, le présent texte a fait l’objet d’un accord lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Le double objectif affiché dans ce texte est à la fois de rendre la justice plus indépendante et de renforcer le statut et les obligations de transparence des magistrats. Les intentions sont certes excellentes. Nous ne vous contredirons pas sur ce point, car l’indépendance de la justice est l’un des points cardinaux de notre démocratie. Elle est une condition essentielle du fonctionnement d’une démocratie respectueuse de la séparation des pouvoirs.

Mais ces objectifs trouvent-ils une traduction concrète dans ce texte ? Va-t-on réellement contribuer, par de telles dispositions, à rendre la République plus exemplaire ? Permettez-nous d’en douter.

Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants n’est pas hostile à l’ensemble des mesures de ce projet de loi. Certaines d’entre elles nous semblent même de bon sens. Je pense notamment aux dispositions qui visent à adapter le statut de la magistrature aux exigences de notre temps en ouvrant la magistrature sur la société, en améliorant les perspectives de carrière des magistrats et en assouplissant la gestion. Je pense également à la suppression de la nomination des procureurs généraux en conseil des ministres. Nous l’approuvons mais nous savons tous ici que des mesures de ce type ne suffiront pas à consolider l’indépendance de la justice : nous en sommes loin.

Une partie de ce texte est consacrée au juge des libertés et de la détention. Ce juge a pris une place très importante dans le fonctionnement de notre justice. En quelques années, son rôle est devenu central. Il était donc souhaitable de créer un statut en sa faveur et c’est ce que fait ce texte. Nous sommes, comme le Sénat l’a rappelé, attachés à ce que cette fonction soit exercée par un magistrat d’expérience. Ses prérogatives sont en effet sans cesse renforcées, comme ce fut le cas au travers de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Cette fonction doit donc être assumée par des magistrats d’autorité.

La solution retenue par la commission mixte paritaire semble donc être un bon compromis. Ne pourra ainsi être nommé aux fonctions de juge des libertés et de la détention qu’un magistrat du premier grade ou hors hiérarchie. Pour autant, peut-on réellement considérer, chers collègues, que ces mesures sont de nature à renforcer substantiellement l’indépendance de la justice ?

Dans le même esprit, nous ne contestons pas les mesures de déontologie que prévoit le texte.

Cependant, nous avons le sentiment qu’en élargissant toujours plus le champ des personnes concernées par des obligations de déclaration d’intérêts et de patrimoine, nous nous éloignons de l’objectif visé, sans parler du sentiment de suspicion que ce type de démarche fait peser sur toutes les catégories de nos concitoyens concernées.

Nous doutons de l’efficacité de telles mesures pour renforcer le lien de confiance entre nos citoyens et le système judiciaire. Seule une véritable réforme de la justice saura réaliser cette ambition et nous l’appelons de nos voeux.

Le groupe UDI votera néanmoins ce projet de loi organique.

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J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur l’amendement dont je suis saisi.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Cet amendement, dont j’ai évoqué la teneur en présentant le projet de loi organique, propose une disposition transitoire prévoyant le transfert du contentieux du tribunal de police aux magistrats exerçant à titre temporaire.

Par coordination avec d’autres textes, notamment la loi du 13 décembre 2011, qui avait supprimé les juridictions de proximité et dans laquelle est mentionnée la date du 1erjanvier 2017, ainsi que le projet de loi de modernisation de la justice au XXIe siècle, où il est question du 1erjanvier 2018, il nous a paru plus pertinent de retenir la date du 1erjuillet 2017. D’abord, cette date figure dans la loi du 13 décembre 2011. Ensuite, à cette date les magistrats exerçant à titre temporaire pourront être désignés pour exercer les fonctions de juge du tribunal de police et connaître certaines contraventions dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. Enfin, elle est prévue par le projet de loi organique comme celle à compter de laquelle les juges de proximité qui auront à en faire la demande auront été nommés magistrats à titre temporaire. Il s’agit donc d’un amendement de clarification.

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Cet amendement a été adopté par le Sénat la semaine dernière. Pour toutes les raisons qui ont été données par le ministre à l’instant, il appelle un avis favorable, que je donne à titre personnel puisque la commission ne s’est pas réunie.

L’amendement no 1 est adopté.

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Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement adopté par l’Assemblée.

L’ensemble du projet de loi organique est adopté.

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L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle (nos 3872, 3904).

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La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, si la commission mixte paritaire portant sur le projet de loi organique a été un succès, celle portant sur le projet de loi ordinaire de modernisation de la justice du XXIe siècle ne fut pas conclusive. Cette issue prévisible ouvre la voie à la poursuite du processus parlementaire. Le texte adopté par la commission des lois est donc dénué de surprises, même si vous avez eu à discuter de plus de deux cents nouveaux amendements. Heureusement, la plupart d’entre eux étaient connus pour avoir souvent été discutés deux fois, en commission puis en séance. Dès lors, leur sort était largement prévisible.

Je me souviens d’ailleurs que la discussion de la réforme du règlement de l’Assemblée nationale avait donné lieu en 2009 à un amendement déposé par le président du groupe UMP de l’époque, Jean-François Copé, visant à interdire le dépôt en séance d’un amendement rejeté en commission. Peut-être devrait-on discuter à nouveau d’un tel principe car je ne suis pas certain qu’examiner trois fois les mêmes amendements contribue à faire progresser la compréhension des sujets en cause !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous avez donc confirmé, mesdames et messieurs les députés, la totalité des options intégrées dans la version adoptée par votre assemblée le 24 mai 2016. Je commencerai donc par remercier, tout aussi chaleureusement que sincèrement, pour leur travail remarquable les rapporteurs Jean-Yves Le Bouillonnec et Jean-Michel Clément, qui ne peut être parmi nous ce soir en raison d’un deuil familial et que nos pensées accompagnent. Sa présence aurait été utile car voilà des mois que Jean-Yves Le Bouillonnec et Jean-Michel Clément pensent « Justice XXI », mangent « Justice XXI » et dorment « Justice XXI » ! Il était donc temps d’abréger leurs souffrances et d’avancer vers la sortie !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Qu’ils soient donc remerciés de leur très grande disponibilité ! Vous voudrez bien, monsieur le rapporteur, transmettre à votre collègue Jean-Michel Clément ces félicitations du Gouvernement. Je salue aussi la vigilante compréhension dont vous avez fait preuve à l’égard des attentes du Gouvernement. Je remercie également M. le président de la commission des lois, Dominique Raimbourg, qui a suivi ce texte de très près ès qualités et a su user de son influence autant que nécessaire pour trouver des formules de compromis sur des sujets délicats. Je remercie enfin Cécile Untermaier et Colette Capdevielle, qui ont souvent participé à nos discussions, de leur implication dans ce texte.

Comme il ne saurait être question d’aborder de nouveaux sujets ni de défricher de nouveaux terrains à ce stade de la procédure parlementaire, je me contenterai de rappeler que ce texte poursuit un triple objectif : simplifier et clarifier certaines procédures, recentrer le juge sur sa mission première, qui consiste à décider et trancher les litiges par l’application du droit, et ouvrir de nouvelles conditions d’accès au droit.

Sans revenir à l’excès sur les débats que nous avons eus lors de la première lecture et que sans nul doute nous reprendrons à l’occasion de cette nouvelle lecture, il faut tout de même rappeler l’évolution du divorce par consentement mutuel, désormais prononcé sans passage devant le juge, ce qui est une mesure de bon sens d’ailleurs soutenue par nos concitoyens : interrogés à de multiples reprises depuis que ce débat a eu lieu, ceux-ci ont indiqué qu’ils en étaient satisfaits à 75 %.

J’ai lu et entendu nombre de doutes et de réticences, semblables d’ailleurs à ceux que les précédentes réformes du divorce avaient suscités. Ce sont toujours les mêmes craintes et elles sont légitimes. Il faut veiller en permanence à l’équité, à l’impartialité, au respect des droits des enfants et à la protection des plus faibles. Chacun ici partage ces convictions. Le Gouvernement persiste donc à penser que les époux seront mieux protégés, en particulier la personne la plus faible, financièrement ou psychologiquement, par le fait que deux avocats sont présents au lieu d’un. J’ai d’ailleurs noté que nombre de ces critiques n’étaient pas assorties de propositions, ce qui revient à se satisfaire de l’existant dont il m’a pourtant semblé qu’il méritait quelques critiques.

De même, la simplification de notre organisation judiciaire est un aspect du texte auquel le Gouvernement attache la plus grande importance. La fusion progressive des contentieux de la Sécurité sociale dans un contentieux unique confié au pôle social du tribunal de grande instance améliorera la lisibilité du traitement de ces contentieux actuellement répartis entre plusieurs types de juridiction.

La suppression des tribunaux correctionnels des mineurs allégera le fonctionnement des juridictions tout en garantissant une spécialisation de la justice des mineurs. La forfaitisation de la sanction de certains délits routiers contribuera à améliorer le fonctionnement des juridictions tout en renforçant la répression des délits routiers concernés, le défaut de permis de conduire et le défaut d’assurance. Quant à la création d’un socle commun aux actions de groupe, qui n’existe actuellement qu’en droit de la consommation, elle fera, par l’introduction de déclinaisons en matière de discrimination, d’environnement ou de protection des données personnelles, bénéficier nos concitoyens de nouvelles garanties

Lors de nos précédents échanges, j’ai entendu reprocher à ce texte d’être un « fourre-tout » sans ambition. Ayant eu l’honneur de siéger pendant des années dans cet hémicycle, au titre de responsabilités diverses, j’ai souvent entendu cette critique. Je crois même qu’il m’est arrivé de la formuler !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Sans doute est-ce le destin de ces projets qui sont exclusivement gouvernés par le bon sens. Le bon sens est en effet le fil rouge qui donne une cohérence à toutes ces petites mesures, qui, sans bouleverser l’équilibre du droit existant, changeront cependant grandement la vie de bien des justiciables. Tel est par exemple le cas de la procédure dédiée au changement de sexe à l’état civil que vous avez souhaité faire figurer dans ce texte, mesdames et messieurs les députés. Simplifiée et démédicalisée, elle permettra aux personnes transgenres de bénéficier plus rapidement de papiers en adéquation avec leur identité, mettant ainsi fin à des situations de souffrance et de discrimination.

Au reproche de manque d’ambition de ce texte, je réponds qu’il n’aurait servi à rien d’ouvrir de nouveaux chantiers et de susciter des illusions nouvelles en sachant pertinemment que nous n’aurions ni le temps ni les finances nécessaires pour les mener à bien. Comme je l’ai dit la première fois que j’ai eu l’honneur de m’adresser à vous, je ne veux pas être un garde des sceaux qui bâtit des droits de papier. Ce texte est la manifestation de cette conviction. Les droits nouveaux qui sont ici ouverts sont financés, les progrès qui sont ici forgés sont préparés et les évolutions qui sont ici décidées sont anticipées.

Cela m’amène à profiter de l’opportunité qui m’est offerte pour vous dire un mot du projet de loi finances pour 2017. Vous le savez fort bien, le budget de la justice est un petit budget puisqu’il ne représente que 2 % du budget de l’État, soit en réalité 6,6 milliards d’euros car je ne prends pas en compte l’ensemble des 8 milliards d’euros qui comportent une partie non négociable, le compte d’affectation spéciale « Pensions ». Seuls 6,6 milliards d’euros sont donc consacrés au financement de la justice.

Depuis 2012, sous l’impulsion du Président de la République, les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls ont beaucoup fait, notamment en matière de créations d’emplois. Alors que l’engagement initial du Président de la République était de de créer 500 emplois par an pendant toute la législature, soit 2 500 en tout, nous en avons créé 2 000 de plus soit 4 500 en tout.

Nous avons notamment créé 590 emplois de magistrat, soit une croissance des recrutements de 75 % par rapport à la législature précédente, et 806 emplois de fonctionnaires au profit des juridictions destinés à accompagner les magistrats dans leurs actions.

Mais les besoins sont immenses et je ne cesse, depuis cinq mois et treize jours, de plaider en faveur d’une progression du budget. Il me semble d’ailleurs que cette préoccupation est devenue consensuelle, si j’en crois les déclarations communes faites par les présidents des commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat lors d’un déplacement à Créteil le 2 juin dernier. Vous avez même plaidé, monsieur le président Raimbourg, dans un entretien publiée le 3 juin dernier dans Libération, en faveur d’une loi de programmation pluriannuelle pour la justice. Le Premier ministre a eu l’occasion de vous répondre lors de l’inauguration du nouveau palais de justice de Caen le 13 juin. Il a alors déclaré que, non seulement le budget 2017 s’inscrirait dans la continuité de l’augmentation constante et résolue des dernières années mais qu’il faudrait sans doute faire plus.

Les chiffres sont maintenant connus puisque vous avez eu un débat d’orientation budgétaire. Vous savez donc que je suis un garde des sceaux soulagé. L’an prochain, le budget de la justice progressera de 4,5 %, ce qui constituera sa plus forte hausse depuis 2012. Les crédits alloués à la justice auront donc progressé de 14 % au cours de la législature, dans un contexte budgétaire pourtant contraint par les exigences du redressement de nos finances publiques. Ainsi, vous savez que vous aurez à débattre d’une proposition gouvernementale qui frôle les 7 milliards d’euros. Elle atteint en effet 6,9 milliards d’euros, soit 300 millions de plus que l’an passé. C’est une bonne nouvelle pour tous ceux qui contribuent à l’oeuvre de justice mais aussi et surtout pour les justiciables.

Évidemment, cela ne soldera pas toutes les difficultés mais ce nouvel effort significatif marque la tendance et la constance des gouvernements qui se sont succédé depuis le début de la législature.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je voulais dire à l’orée de nos débats de ce projet de loi ordinaire qui en fin de compte ne l’est peut-être pas tout à fait !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, mes chers collègues, j’adresse d’abord un chaleureux message d’amitié à mon co-rapporteur Jean-Michel Clément. Vous avez souligné, monsieur le ministre, son implication sur ce sujet depuis l’engagement du travail législatif de notre commission des lois. Je tiens à dire combien son absence est difficile pour moi car nous avons formé un duo extraordinaire, surtout lui !

Sourires.

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Les circonstances dramatiques qu’il connaît accroissent la sympathie que nous lui portons.

La commission mixte paritaire qui s’est réunie au Sénat le mercredi 22 juin 2016 n’est pas parvenue à élaborer un texte rassemblant les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. En effet, les divergences entre les deux assemblées se sont avérées trop importantes pour permettre un accord. Elles portent sur des sujets déterminants comme la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, la nouvelle procédure conventionnelle de divorce par consentement mutuel, les modalités de modification de la mention du sexe à l’état civil ou encore l’action de groupe, sur lesquels nous ne pouvions raisonnablement revenir.

Par conséquent, en application de l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, l’Assemblée nationale a été saisie, en nouvelle lecture, du projet de loi de modernisation de la justice du XXe siècle dans la version qu’elle a adoptée en première lecture. Si la commission des lois, en nouvelle lecture, a maintenu pour l’essentiel le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture, elle y a toutefois apporté plusieurs précisions.

Au sujet du regroupement des tribunaux de police au sein des tribunaux de grande instance, de la suppression de la juridiction de proximité et de la transformation corrélative du statut des juges de proximité en magistrats exerçant à titre temporaire, la commission a fixé au 1erjuillet 2017 la date d’entrée en vigueur de ces réformes. Elle a par ailleurs élargi les missions des magistrats exerçant à titre temporaire à partir de cette même date.

La commission a également précisé les conditions de nomination et d’exercice des juristes assistants. Ils devront être titulaires d’un diplôme de doctorat en droit ou d’une formation juridique au moins égale à cinq années d’études supérieures assortie de deux années d’expérience professionnelle dans le domaine juridique. Ils seront nommés, à temps partiel ou complet, pour une durée maximale de trois années renouvelable une fois. Ils seront astreints au secret professionnel et pourront accéder aux dossiers de procédure seulement si l’exercice des tâches qui leur sont confiées l’exige. C’est là l’aboutissement du vaste travail de réflexion mené notamment par nos collègues Cécile Untermaier et Colette Capdevielle.

En matière de justice des mineurs, la commission a décliné, en termes de peine effectivement encourue, les conséquences de l’interdiction de prononcer une peine de réclusion criminelle à perpétuité à l’encontre d’un mineur en précisant qu’elle s’applique également aux peines de détention criminelle. Elle a aussi formulé des précisions visant à rendre obligatoire l’assistance d’un avocat pour les mineurs de treize à dix-huit ans gardés à vue, déjà prévue pour les mineurs de dix à treize ans placés en retenue.

En matière d’infractions au code de la route, la commission a introduit la possibilité, pour les personnes condamnées à une amende forfaitaire applicable aux délits de défaut de permis et de défaut d’assurance, d’être dispensées de consignation en cas de dépôt de plainte pour usurpation d’identité ou de demander un délai de paiement ou une remise gracieuse. Nous visons là des questions concrètes qui se sont posées à nos concitoyens au cours des dernières années.

Elle a également précisé, à l’article 15 bis B qui avait suscité certaines interrogations, que les agents dont la liste sera fixée par décret en Conseil d’État auront accès aux données et informations d’un véhicule uniquement pour s’assurer du respect des prescriptions techniques qui lui sont applicables et pour s’assurer que ce véhicule ou tout ou partie de ses équipements n’ont pas été volés ou recelés. Elle a insisté sur l’impossibilité d’utiliser ces informations et données embarquées comme preuve de la commission d’autres infractions prévues par le code de la route, en particulier les excès de vitesse. En effet, on a beaucoup dit que ce texte instituait une telle possibilité alors que nous n’avons en aucune manière modifié les modalités de constat de l’infraction de l’excès de vitesse ni celles de sa répression.

Quant à la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel, la commission des lois l’a assortie, à notre initiative, de plusieurs précisions importantes. Elle a ainsi ajouté aux mentions devant figurer dans la convention de divorce celle relative au refus de l’enfant d’être entendu par le juge. Elle a également clarifié le rôle du notaire et prévu la possibilité d’un accès au juge en cas de modification de la convention. Elle a enfin précisé, à l’initiative du Gouvernement, les mentions relatives aux avocats qui doivent figurer dans la convention de divorce afin d’éviter tout risque de conflit d’intérêts.

La procédure de modification de la mention du sexe à l’état civil a été introduite dans le texte lors de la première lecture par l’Assemblée nationale à l’initiative de nos collègues Pascale Crozon et Erwann Binet qui ont prolongé leur réflexion sur ce sujet et proposé à la commission des lois d’en simplifier les modalités, ce qu’elle a fait en suivant un avis de sagesse des rapporteurs.

La commission a également précisé, à notre initiative, que le délai de trois mois figurant dans le texte adopté en première lecture s’applique, non pas au tribunal, mais à l’officier d’état civil – et nous ferons encore évoluer le texte –, qui doit procéder au changement de la mention du sexe dans les trois mois suivant l’ordonnance du tribunal. Nous reviendrons sur ces sujets lors de l’examen de l’article 18 quater, dont nous allons encore affiner la rédaction.

Pour ce qui concerne le regroupement des contentieux sociaux au sein des tribunaux de grande instance, la commission a élargi la nature du recours préalable à caractère médical et encouragé le débat contradictoire sur les constats médicaux réalisés auprès de l’assuré. Elle a également regroupé les règles d’assistance et de représentation concernant le contentieux de l’accès à l’aide sociale au sein du code de l’action sociale et des familles.

Des précisions ont par ailleurs été apportées au sujet des actions de groupe thématiques créées dans le présent projet de loi.

S’agissant de l’action de groupe en matière environnementale, la commission des lois a ainsi, à l’initiative du Gouvernement, précisé les dommages environnementaux concernés. Il s’agit de ceux intervenus dans les domaines de la protection de la nature et de l’environnement, de l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de l’urbanisme, des pollutions et des nuisances, de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

La commission des lois a également précisé le champ des associations ayant qualité à agir, en substituant à la condition d’ancienneté celle de la détention d’un agrément et en ajoutant, s’agissant de la condition relative à leur objet statutaire, que celui-ci recouvre, de manière alternative à la défense des victimes de dommages corporels, la défense des intérêts économiques de leurs membres.

Pour ce qui concerne l’action de groupe en matière de protection des données à caractère personnel, la commission a, à l’initiative de vos rapporteurs et en cohérence avec les dispositions du socle commun de l’action de groupe, ajouté un critère d’ancienneté – cinq ans au moins – aux critères requis pour qu’une association ayant pour objet statutaire la protection de la vie privée et la protection des données à caractère personnel se voie reconnaître qualité à engager une action de groupe. Il s’agit d’éviter les abus en matière de recours à l’action de groupe, en particulier, et c’est une préoccupation que la commission avait exprimée, la constitution d’association ayant pour unique objet d’intenter une action de groupe.

La commission des lois a par ailleurs procédé à une série de corrections visant à ajuster les dates d’entrées en vigueur de certaines dispositions, relatives notamment aux nouvelles obligations faites aux juges de tribunaux de commerce en matière de formation ou de limite d’exercice de leurs fonctions. On a aussi fixé l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel au 1erjanvier 2017.

La commission a également adopté de nombreuses mesures de coordination visant à garantir la bonne application de ce texte dans les collectivités d’outre-mer en tenant compte de leurs particularités respectives.

Elle a enfin introduit un nouvel article visant à corriger la censure récente par le Conseil constitutionnel de dispositions relatives au droit de visite des personnes en détention provisoire.

Ces ajustements nous ont permis de clarifier les dispositions que nous avions adoptées en première lecture et ont fait l’objet, pour la plupart d’entre eux, d’une adoption à une large majorité par notre commission.

Tel est, chers collègues, le contenu du travail législatif que nous avons accompli. Bien entendu, ce n’est pas une grande révolution, mais je considère que nous avons traité suffisamment de grandes questions pour penser que ces dispositions feront avancer l’oeuvre de justice à laquelle la République est tenue.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout à fait.

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J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Georges Fenech, pour une durée ne pouvant excéder quinze minutes.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à examiner en deuxième lecture le projet de loi ordinaire dit « de modernisation de la justice du XXIe siècle », la commission mixte paritaire n’ayant abouti qu’en ce qui concerne le projet de loi organique relatif à l’indépendance et à l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que, depuis la première lecture, nous n’avons pas changé d’avis. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai cette motion de renvoi en commission au nom du groupe Les Républicains.

Si cette motion devait être rejetée, nous voterons en fin de compte contre ce texte, même s’il contient quelques bonnes mesures disséminées ici et là, sans aucune vision d’ensemble et dépourvu de l’ambition d’obtenir véritablement que la justice épouse enfin son siècle. Vous en avez d’ailleurs fait l’aveu dans votre propos initial, monsieur le ministre, en reconnaissant que ce texte ne bouleversait pas l’équilibre existant.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

C’est clair.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On peut se demander à quel équilibre vous vous référez, quand on sait que les juges sont contraints de se livrer quotidiennement à un numéro de funambule pour tenir sur la corde avant qu’elle ne rompe, tant la paupérisation de l’institution judiciaire constitue un vrai drame pour nos juridictions.

Même aveu dans la bouche du rapporteur, qui vient de nous dire que « ce n’est pas une grande révolution ».

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Peut-être l’avez-vous ajouté à votre texte, monsieur le rapporteur, mais pour ce qui nous concerne, ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd !

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Ce n’est pas la grande révolution, ce n’est pas le grand soir de la justice : c’est en tout cas ce qui ressort de ce texte dont je demande le renvoi en commission.

Je rappelle à cet égard que selon un sondage CSA de mars 2014, plus des trois quarts des Français, 77 % pour être précis, pensent que la justice fonctionne mal.

J’émettrai au préalable une critique sur la procédure législative qui a été choisie. Pour quelles raisons en effet la procédure accélérée a-t-elle été déclenchée alors que les deux textes étaient en attente depuis novembre 2015 sur le bureau de l’assemblée ? Il est vrai que votre gouvernement, partisan invétéré de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, fait montre de peu de respect à l’égard des parlementaires. J’en veux pour preuve les quelque 94 amendements qu’il a déposés après la lecture au Sénat, certains portant sur des points aussi majeurs que le divorce déjudiciarisé. Ce n’est pas en maltraitant ainsi le travail des parlementaires qu’on arrivera à rendre la justice plus efficace, plus lisible et plus accessible !

Si vous accélérez ainsi le mouvement, monsieur le ministre, c’est sans doute parce que vous savez que votre propre temps ministériel est compté. Mais que diable avez-vous fait depuis 2012 ? Il est vrai que votre prédécesseur, Mme Christiane Taubira,

Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain

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excellait davantage dans un ministère de la parole, avec beaucoup d’éloquence, il faut le reconnaître…

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N’est-ce pas ?

Elle excellait davantage, donc, dans un ministère de la parole que dans un ministère à l’écoute des attentes des magistrats, des acteurs de la justice et des justiciables. Quant à vous, conscient des difficultés concrètes, vous vous faites tout à coup le champion d’un ministère budgétaire de la justice – et vous avez eu raison, ô combien ! de pousser un cri d’alarme, allant même jusqu’à déplorer une justice « en voie de clochardisation ».

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Vous avez obtenu quelques rallonges budgétaires, certes, mais le retard est tel qu’elles n’empêcheront pas un jour ou l’autre le navire de couler faute de véritable volonté politique. Vous avez obtenu une augmentation budgétaire de 300 millions d’euros, ce qui représente, sans le poste des retraites, 4,2 % du budget. Sans doute cela permettra de régler quelques fournitures impayées, de verser leurs honoraires aux experts et de remplir les photocopieurs de ramettes à papier mais on est encore très loin du compte.

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Vous vous félicitez que, sous le quinquennat de François Hollande, le budget de la justice ait progressé de 14 % ?

« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Je rappellerai que sous celui de Nicolas Sarkozy, la progression avait été de 19 %.

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Mais la plus grave erreur de votre majorité est de ne pas avoir pris la mesure de la gravité de la situation pénitentiaire. Vous pensiez, il est vrai, avoir réglé le problème avec la contrainte pénale, cette « prison hors les murs » qui est un véritable fiasco. Sur cette question pénitentiaire, qui n’a pas été sensible au récent cri d’alarme de la directrice de la prison de Fleury-Mérogis, là même où est détenu Salah Abdeslam, l’un des auteurs des attentats parisiens du 13 novembre ?

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Avec un taux d’occupation de 150 %, comment gérer les détenus radicalisés, de plus en plus nombreux, pour éviter le prosélytisme et le caïdat religieux ?

Je profite de cette occasion, monsieur le ministre, pour appeler votre attention sur les préconisations formulées par la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de Paris, que j’ai menée avec le rapporteur Sébastien Pietrasanta. Nous appelons à l’accroissement du parc pénitentiaire – un accroissement indispensable. La semaine prochaine, en commission des lois, nous vous écouterons avec intérêt sur la question de l’encellulement individuel. De même, nous sommes tombés d’accord pour proposer la fin de l’automaticité des crédits de réduction de peine accordés avec une grande générosité aujourd’hui aux condamnés pour faits de terrorisme au même titre qu’aux condamnés de droit commun. N’y a-t-il pas là quelque chose de choquant, notamment pour toutes les victimes de la barbarie ?

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Cependant, je me félicite que vous ayez proposé au rapporteur et à moi-même de vous rencontrer dès la semaine prochaine si possible pour présenter notre rapport et ses conclusions. Cela nous change d’autres postures ministérielles plus radicales et définitives pour jeter notre travail aux orties avant même de l’avoir vraiment étudié !

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Vous avez raison, ma chère collègue, c’est une honte.

Au fond, c’est toute une politique pénale ferme et dissuasive qui fait cruellement défaut à ce projet de loi, et je regrette, monsieur le ministre que vous ayez rejeté tous nos amendements dès lors qu’il s’agissait de renforcer les dispositifs répressifs.

J’en viens maintenant plus directement au texte qui nous est soumis…

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…et sur lequel notre collègue Éric Ciotti avait déjà défendu en première lecture une motion de renvoi en commission – en vain. Ce projet de loi, je l’ai déjà dit, est un texte « fourre-tout », un catalogue à la Prévert – pour reprendre les mots de mon cher Guy Geoffroy –, comprenant des mesures hétéroclites et d’importance diverse.

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S’agissant d’abord de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineur,…

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…croyez-vous vraiment que cette suppression, décidée par pure idéologie fera entrer la justice dans le nouveau siècle ? Quel mauvais signal adressé à toute cette jeunesse ancrée dans une délinquance d’habitude, de plus en plus précoce, de plus en plus violente, de plus en plus radicalisée !

Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Comme le rappelait notre collègue Éric Ciotti, l’étude menée en 2011 par l’Observatoire national de la délinquance établissait que les 14-18 ans sont mis en cause dans 25 % des viols et agressions sexuelles, 34 % des cambriolages et 46 % des vols avec violence. J’ajoute que dans le contexte actuel d’insécurité et de menaces terroristes, il aurait été plus responsable de s’engager dans la voie de la fermeté plutôt que dans celle de la faiblesse et de la perte d’autorité.

Notre position est claire : il fallait refondre la vieille ordonnance du 2 février 1945, devenue inadaptée, en élaborant un nouveau code des mineurs, en abaissant la majorité pénale à seize ans et en faisant du juge des enfants un juge des mineurs, en sorte que toutes ses attributions relatives à la protection de la jeunesse soient transférées aux conseils départementaux et qu’il puisse se consacrer pleinement au traitement de la délinquance des mineurs.

Le divorce déjudiciarisé relève quant à lui d’un débat transpartisan qui aurait mérité d’être soumis à notre assemblée autrement que noyé dans des dispositions diverses. Nous émettons à cet égard une objection qui à elle seule justifie incontestablement un nouvel examen en commission. Elle concerne la prise en compte de l’enfant mineur.

Nous ne sommes pas hostiles par principe à un divorce par consentement mutuel sans passage devant le juge, établi par acte sous signature privée contresigné par un avocat et déposé au rang des minutes d’un notaire. Nous prenons également acte de l’avancée que représente l’obligation, à peine de nullité, pour les avocats de joindre la mention que le mineur a bien été informé par les parents de son droit à être entendu par un juge. Reste que le mode de preuve de cette consultation de l’enfant, ainsi que de la réponse, n’a pas été clairement défini, et nous le regrettons. Il convenait d’éviter des incertitudes, car de cette consultation dépendra l’orientation de la procédure vers la voie judiciaire ou vers la voie extrajudiciaire.

S’agissant de la dissolution du PACS effectuée en mairie et non plus devant le tribunal de grande instance, tout comme le changement de nom ou de prénom, pourquoi pas ? Mais à une condition importante, celle de la compensation budgétaire pour ce transfert de charges.

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En matière d’état civil, le changement de sexe par simple voie déclarative n’est pas sans poser des problèmes de garanties. En nouvelle lecture en effet, la commission a encore assoupli les conditions par une forme de « démédicalisation » de la preuve du changement.

J’en viens à la série de mesures relatives code de la route. Pardonnez-moi de passer du coq à l’âne, mais le projet de loi m’y oblige !

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Oui, c’est le texte lui-même qui passe du coq à l’âne.

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C’est dire la difficulté de cet exercice de haute voltige, qui éloigne à l’évidence d’une vision ambitieuse et globale des réformes tant attendues.

Même si ces mesures suivent les dernières recommandations du comité interministériel de la sécurité routière on ne peut qu’être très réservé face à cette forfaitisation du délit de conduite sans permis et sans assurance, et ce d’autant qu’on aboutit à une incohérence.

Par ailleurs, le Gouvernement a étendu l’action de groupe à toutes les matières, au grand dam des entreprises : santé, environnement, données personnelles, discriminations et discriminations professionnelles. Il a également prévu que les associations ayant qualité pour agir n’auraient plus besoin d’un agrément national mais seulement d’un agrément régional.

De surcroît, contrairement, cette fois, à la volonté du Gouvernement, les rapporteurs sont revenus sur l’exclusion par le Sénat de la réparation des préjudices moraux.

Mes chers collègues, j’arrêterai là cette énumération non exhaustive des points qui font difficulté et à propos desquels la Haute assemblée et notre Assemblée nationale n’ont pas trouvé d’accord, pas plus que la majorité et l’opposition ou, plus étonnant, le Gouvernement, la commission et les rapporteurs. C’est dire l’impréparation et la précipitation qui ont présidé à l’élaboration de ce texte.

Vous en conviendrez, la motion de renvoi en commission se justifie amplement. Au fond, Monsieur le garde des sceaux, malgré votre bonne volonté que nous pouvons tous saluer ici, la grande réforme de la justice que les Français appellent de leurs voeux devra encore attendre quelques mois une alternance que j’espère.

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Que veulent les Français ? Ils veulent que la justice retrouve toute son autorité et son efficacité. Cela passe d’abord par l’effectivité des peines et la construction de quelques 20 000 places de prison manquantes. Cela passe par la nette distinction entre primo-délinquants et récidivistes, ce qui suppose de restaurer les peines planchers que vous avez supprimées.

Les Français veulent des juges vraiment indépendants et débarrassés du poison de la politisation syndicale de la justice. Malheureusement, vous avez refusé tous ceux de nos amendements qui auraient permis de ne plus revivre la pathétique affaire du « mur des cons ».

Les Français veulent des juges qui appliquent la loi et non des juges qui la critiquent, quand ils ne se rendent pas coupables d’un déni de justice en l’écartant par pure idéologie.

Les Français veulent enfin une justice de qualité. Cela suppose d’abord la qualité des hommes qui la rendent – à cet égard, nous approuvons l’ouverture du corps de la magistrature sur la société civile –, mais aussi des moyens pour fonctionner. Je n’y reviendrai pas sinon pour rappeler que la France se situe au trente-sixième rang des pays membres du Conseil de l’Europe en termes de moyens consacrés à la justice – 2 % du budget de la Nation, avez-vous rappelé.

Oui, il faudra bien un plan Marshall de la justice ! Oui, il faudra que ces moyens supplémentaires s’accompagnent d’une redéfinition des missions du juge et du périmètre de son intervention.

À cet égard, nous saluons le développement des modes de traitement alternatifs que vous proposez, tels que la médiation, la conciliation, la transaction, l’arbitrage. Nous devons encourager ces initiatives mais il faudra aller encore plus loin pour que le juge redevienne celui qui tranche les conflits en dernier recours. À d’autres revient la mission de protéger les personnes les plus vulnérables, les mineurs en danger, les majeurs protégés, les ménages surendettés. On a assisté ces dernières années à une dérive de la mission du juge interventionniste, chargé de s’occuper de tous les maux de la société et quittant son prétoire pour revêtir les atours du travailleur social ou de l’éducateur.

Il est temps de remettre les institutions à leur place et de réaffirmer l’imperium du juge. C’est pour toutes ces raisons, mes chers collègues, que je soumets à votre vote cette motion de renvoi en commission.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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C’est toujours avec beaucoup d’intérêt que l’on doit écouter Georges Fenech même si, je l’avoue, mon désaccord avec lui est à peu près complet. S’agissant de la politique pénale, la droite et la gauche défendent deux philosophies différentes, pour ne pas dire antagonistes. Là où la droite veut punir, la gauche préfère prévenir.

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Non, c’est fondamentalement cela, peut-être avec un iota en moins de votre collègue Éric Ciotti.

La droite n’a toujours pas compris que la prison était l’école du crime….

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C’est la société qui est aujourd’hui l’école du crime.

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...et que l’on ne peut pas construire un Guantanamo par canton.

En matière civile, la droite ne comprend pas que le justiciable attend des mesures simples, que le juge veut qu’on lui rappelle quels sont les moyens de son travail, de sa mission. Il doit décider, nous en sommes d’accord, et non pas acter.

C’est vrai, nous aurions pu nous y prendre autrement et mieux respecter les droits du Parlement mais il fallait agir. Discuter, c’est bien, c’est indispensable mais décider c’est mieux. Il est grand temps de modifier la loi. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas accepter votre demande de renvoi en commission.

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La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Au lieu de solliciter le renvoi de ce texte en commission, M. Fenech aurait été mieux inspiré de participer aux réunions de la commission des lois qui se sont tenues à l’occasion des première et deuxième lectures.

Par ailleurs, j’attendais qu’on me dise pourquoi le texte devait être renvoyé en commission et en quoi il nécessitait d’être complété, comme c’est d’usage quand on propose ce type de motion. Je m’attendais à ce que les membres du groupe Les Républicains nous précisent les sujets sur lesquels la commission n’avait pas assez travaillé alors même qu’ils étaient absents des deux réunions consacrées à l’examen de ce texte.

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Cela étant, je suis ravie d’apprendre aujourd’hui que les Républicains en appellent au grand soir et à la Révolution. Malheureusement, s’ils regrettent que ce texte ne révolutionne pas la justice, ils ne nous disent pas pour autant en quoi cette révolution et ce grand soir devraient consister, en-dehors de la construction de prisons et de l’embastillement de tous les jeunes.

Ils critiquent la procédure et reprochent au Gouvernement d’avoir déposé et fait voter, après discussion, quatre-vingt-quatorze amendements. Or tous ces amendements s’inscrivent dans l’esprit du texte, lequel n’est pas tombé du nid mais résulte d’un travail de consensus engagé au sein de toutes les juridictions, d’un travail de réflexion mené depuis des mois, auquel les Républicains auraient été bien inspirés de se joindre.

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Le travail n’a pas dû être bien fait en commission pour que le Gouvernement en arrive à déposer quatre-vingt-quatorze amendements !

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Je ne relèverai pas les propos concernant Mme Taubira mais il faut qu’elle vous manque vraiment, monsieur M. Fenech, pour que vous ne puissiez vous empêcher de l’évoquer.

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Elle a été garde des sceaux, nous pouvons tout de même parler d’elle !

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Sans le moindre respect pour les magistrats, les fonctionnaires et les auxiliaires de justice, vous affirmez que la justice est en voie de clochardisation. C’est faux.

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Je vous conseille de balayer devant votre porte vous qui, pendant des années, avez supprimé des juridictions à l’emporte-pièce, de manière abrupte et sans réflexion. Il est dommage, pour les fonctionnaires de justice, les auxiliaires et les magistrats qui nous écoutent que vous en arriviez à tenir de tels propos.

J’ai relevé, dans votre intervention, pas moins de six minutes de propos hors sujet.

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Bien sûr vous n’avez pas manqué d’évoquer vos oeuvres. C’est une manie, chez les Républicains, de citer ses ouvrages pour en assurer la promotion. M. Lefebvre y succombe souvent, lui aussi.

Vous considérez que la justice se résume à la justice pénale. Vous ne faites aucune proposition, si ce n’est – je vous en donne acte et vous en remercie – de reconnaître le bien-fondé des mesures qui privilégient la conciliation par les magistrats et la médiation par des tiers. C’est l’une des orientations principales de ce texte, et je vous suis reconnaissante de l’avoir souligné.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe Les Républicains.

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Je voudrais tout d’abord m’inscrire totalement en faux contre les propos de Mme Capdevielle. Il est facile et gratuit de nous accuser de ne pas avoir participé aux travaux de la commission des lois, d’autant que c’est invérifiable.

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Si personne ne rectifie vos propos, ils se retrouveront au compte rendu : du pain béni pour ceux qui privilégient la forme au fond, comme vous le faites. Votre procédé n’est ni correct ni convenable. Vous avez beau jeu de vous montrer sentencieuse : cela ne règle rien si c’est pour débiter des contre-vérités.

Si M. Fenech a été hors sujet, comme vous le prétendez, vous êtes, vous, la reine des faux-sens et des contresens, ce qui ne vaut pas mieux sur une copie !

Je voudrais, pour justifier le renvoi en commission, inviter notre rapporteur à être le rapporteur de la commission mixte paritaire, ce qu’il s’est bien gardé de faire. Ce que nous avons vécu en CMP était ahurissant. Dès le début, il était dit par les uns et les autres qu’il ne fallait pas conclure, et notre rapporteure a passé pas moins d’une heure à expliquer qu’il comprenait bien les revendications des sénateurs mais qu’elle n’était pas mandatée par l’Assemblée nationale pour prendre un quelconque engagement quant à ce qui pourrait être repris en séance. Le compte rendu de la CMP en fera foi et Mme Capdevielle pourra alors regarder la réalité en face.

Nous n’avons pas fait, lors de la deuxième lecture en commission, le travail que nous aurions dû faire, tout simplement parce que, à cause de ce Gouvernement qui fait de l’exception la règle, il n’y a plus de travaux parlementaires dignes de ce nom. Les procédures accélérées, plutôt que d’accélérer le calendrier, ne parviennent qu’à le ralentir. Nous savons très bien que ce texte ne sera pas voté définitivement au cours de cette session extraordinaire. Une lecture supplémentaire sera nécessaire parce que nos collègues sénateurs n’accepteront pas ce texte tel que vous nous l’imposerez.

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Il faut prendre le temps de respecter l’opposition, ce que vous ne faites pas en dépit des apparences que vous affichez. Voilà pourquoi nous devons retourner en commission et nous livrer à un véritable examen de ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Tourret.

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Monsieur le garde des sceaux, vous nous avez dit que la justice, c’était d’abord un budget : vous avez raison. Vous avez d’ailleurs obtenu une hausse de 4,5 %, ce qui n’est pas négligeable au regard du budget de l’État. En 2004, après avoir gagné la région de Basse-Normandie avec Philippe Duron, je me suis retrouvé en charge de la culture. Je lui ai expliqué que la culture était l’essence même de la philosophie de l’action de la gauche et en une heure j’obtenais une augmentation de 30 % de mon budget. Je souhaite que vous puissiez en obtenir autant de votre ami le Premier ministre. Vous me direz peut-être que cette requête est un peu excessive mais au rythme de 4,5 % supplémentaires chaque année, au bout de six ans on arrive à une augmentation de 30 %. En tout état de cause je tiens à vous féliciter de cette hausse qui est importante.

La justice n’est pas qu’un budget ; elle est aussi la colonne vertébrale de la vie en société. Dès lors, il y a deux façon de trouver des solutions. Soit on se conforme à l’ambition exprimée par la formule de « justice du XXIe siècle », qui est à mon sens excessive. Elle aurait nécessité d’organiser des états généraux rassemblant l’ensemble des cours d’appel, d’y associer tous les acteurs concernés, y compris ceux qui la vivent ou la subissent au quotidien comme ceux qui sont chargés de l’appliquer. C’est un travail de longue haleine qu’il aurait fallu engager dès 2012 pour plusieurs années.

La volonté de Christiane Taubira était autre.

Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Je la cite parce que je l’aimais beaucoup. Elle a certes lancé un débat mais elle n’y a pas associé toutes les forces vives de la nation. Lorsque l’on veut réformer en profondeur, il faut envisager l’ensemble des domaines de la justice, aussi bien le droit pénal, la procédure pénale, la procédure civile, le droit commercial que le droit social. C’est extraordinairement difficile.

L’autre solution était de proposer à notre vote un texte rassemblant diverses mesures d’ordre social, judiciaire, administratif, comme cela se faisait d’ordinaire en juillet. Ce n’est pas Portalis face à Bonaparte, c’est Urvoas face à Clémenceau, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Que pouvait-on faire alors ? Eh bien, ce que vous nous avez finalement proposé : prendre tout une série de points mineurs et chercher pour chacun d’eux une solution et d’abord une simplification.

Le professionnel que je suis sait que, pour les justiciables, la justice est trop longue et trop coûteuse mais ce qu’ils ont le plus de mal à supporter ce sont les blocages nés d’un défaut de simplification. La vie en société est telle que tout ce qui concerne la justice se complique chaque jour davantage. Il faut donc à longueur de temps et à grands coups de balai simplifier à nouveau ce qui vient d’être compliqué. Parce que le quotidien n’est pas simple, le juge, à chaque fois qu’il rend une décision, apporte sa propre pierre à un édifice de complexité.

Ce qui ressort de ce texte, c’est qu’il redéfinit la mission du juge. Celle-ci n’est pas simple. Prenez le procureur de la République : pourquoi lui imposez-vous de siéger dans 120, voire 150 commissions, monsieur le garde des sceaux ? Lui demander de donner un certain nombre de conseils, d’acter un certain nombre de choses, d’entendre un certain nombre de gens risque de casser toute sa capacité à s’adresser à l’ordre public. Le procureur de la République est là pour requérir, le juge pour trancher. À force de compliquer la vie des magistrats, on a rendu la justice incapable de se prononcer. Voilà le fond du problème !

À l’évidence, le tribunal correctionnel des mineurs a compliqué la situation.

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C’est l’une des premières raisons pour lesquelles il fallait le supprimer.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Et voilà !

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Quant à la justice de la sécurité sociale, elle est totalement sinistrée. Les grands procès de notre temps sont les procès de santé publique, à l’image du procès de l’amiante, qui a commencé dans ma circonscription, en 1997.

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Dix-neuf ans plus tard, le tribunal correctionnel n’est toujours pas saisi et aucune date n’est annoncée ! Voilà ce qui est effrayant ! Voilà pourquoi il était nécessaire de redéfinir le juge du contentieux de l’incapacité ou de repenser le tribunal des affaires de sécurité sociale. C’est ce qu’il fallait faire.

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Deuxième exemple, le divorce. Ce sont 300 000 hommes qui sont concernés, presque autant de femmes – le « divorce pour tous » existant désormais

Sourires.

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Pourquoi est-il plus difficile de divorcer que de se marier ? Ce sont des questions aussi simples que cela que me posent les personnes qui viennent me voir. Le consentement mutuel, par définition, ne nécessite pas la présence d’un juge. Et de fait, les juges en sont totalement absents puisque l’audience ne dépasse pas dix minutes. Comment peut-on en dix minutes résumer toute une vie ? Ce sont les avocats qui peuvent recevoir et écouter. Vous avez bien compris qu’il fallait renforcer leur rôle et supprimer autant que faire se peut le rôle du magistrat lorsque celui-ci n’est là que pour acter. On le voit bien, c’est une autre façon de rendre la justice. Dans un certain nombre de procédures, le juge civil est là simplement pour acter. Or sa mission n’est pas d’acter, mais de décider. C’est la philosophie de ce projet de loi, et je vous en félicite.

Vous avez aussi résolu des problèmes qui nous tenaient à coeur, en particulier en ce qui concerne l’enregistrement des PACS. En 1998, il a été décidé que les PACS ne pourraient être enregistrés que devant les tribunaux d’instance, pour des raisons purement politiques, notamment la prise en compte de la fronde lancée par une dizaine de milliers de maires qu’on avait montés de manière artificielle contre les homosexuels – alors que la plupart des PACS sont signés par des hétérosexuels. Vous rendez ici justice aux personnes pacsées.

Vous rendez également justice à la grande souffrance des transsexuels en proposant des solutions qui me semblent bonnes.

Monsieur le garde des sceaux, vous essayez de faire des ronds avec des carrés. Or il est toujours préférable de tendre vers le rond. Vous essayez de simplifier, de redonner une nouvelle définition à la justice, de donner des réponses aux justiciables, c’est-à-dire à nous tous, et de faire en sorte que cette justice soit celle du XXIe siècle. Voilà pourquoi nous approuvons le texte que vous nous proposez.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire et comme j’ai souligné en première lecture les différents aspects positifs du texte, je n’évoquerai que les principales divergences entre les deux chambres.

S’agissant de l’introduction d’un nouveau type de divorce par consentement sans juge, nous avions très clairement expliqué en première lecture notre opposition au dispositif de l’article 17 ter, que nous jugeons contraire, à la fois à l’intérêt de l’enfant et à la protection du conjoint le plus vulnérable. Nous demandons une nouvelle fois la suppression de cet article car nous considérons que l’intervention du juge est indispensable pour veiller au respect des intérêts des parties en présence.

L’argument selon lequel, dans la quasi-totalité des cas, les juges se contentent d’homologuer le travail des avocats ne nous paraît pas pertinent. Comme le souligne Véronique Léger, secrétaire nationale de l’Union syndicale des magistrats et ancienne juge aux affaires familiales, « à la fin, on homologue, c’est vrai, mais on oublie qu’en cours de route, le juge peut taper du poing sur la table pour faire revoir aux parents leur accord. C’est tout ce travail qui permet de respecter les intérêts des uns et des autres. »

Les amendements adoptés par la commission des lois ne modifient le dispositif qu’à la marge et ne prévoient pas les garde-fous nécessaires pour protéger l’un ou l’autre époux du risque d’être victime d’un abus de faiblesse de la part de son conjoint ou pour protéger l’intérêt des enfants. Nous restons opposés à ce dispositif, introduit sans étude d’impact ni concertation sérieuse, qui répond d’abord à la volonté de gérer la pénurie des magistrats.

Concernant le changement d’état civil des personnes transsexuelles, objet de l’article 18 quater, nous sommes favorables à la simplification des démarches et soutenons les modifications adoptées en ce sens par la commission des lois.

S’agissant de la justice des mineurs, comme nous l’avions souligné en première lecture, nous regrettons le report constant de la refonte de l’ordonnance de 1945. Cela étant, nous nous félicitons de la suppression du tribunal correctionnel des mineurs, que nous avons appelée de nos voeux à plusieurs reprises, notamment dans une proposition de loi déposée dès septembre 2012. Cette juridiction marquait en effet la volonté d’aligner le traitement des mineurs sur celui des majeurs, mettant à mal le principe de spécialisation de la justice des mineurs, consacré par l’ordonnance de 1945.

Nous sommes également satisfaits de l’interdiction de prononcer une peine de perpétuité à l’encontre d’un mineur, conforme à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, entrée en vigueur en 1990.

De même, l’assistance obligatoire d’un avocat pour les mineurs de treize à dix-huit ans gardés à vue, comme c’est déjà le cas pour les mineurs de dix à treize ans placés en retenue, constitue une réelle avancée. En revanche, l’extension de la possibilité pour le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs de cumuler le prononcé d’une peine et d’une mesure éducative ne nous semble pas opportune car ce dispositif risque de conduire à prononcer davantage de peines au détriment des mesures éducatives. Or, conformément à l’esprit de l’ordonnance de 1945, toute réforme de la justice pénale des mineurs doit réaffirmer le principe du primat de l’éducatif. Bien sûr, cela va de pair avec une revalorisation des mesures éducatives, qui dépend avant tout des moyens affectés à la protection judiciaire de la jeunesse pour la mise en oeuvre de ses missions et priorités.

S’agissant du système de collégialité des juges d’instruction, nous sommes hostiles à sa suppression.

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Introduit à la suite de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, le dispositif de collégialité de l’instruction prévoyait le remplacement du juge d’instruction par un collège de l’instruction composé de trois juges dans toutes les informations judiciaires et pour les principaux actes de l’instruction. Ce dispositif n’a malheureusement jamais été mis en place alors qu’il permettrait de renforcer les droits des justiciables et donnerait une approche contradictoire de l’instruction. C’est pourquoi nous déplorons qu’on doive abandonner cette réforme indispensable à la défense des droits et libertés faute d’y avoir consacré les moyens nécessaires.

Si ce projet de loi manque d’ambition, il comporte cependant plusieurs avancées significatives. C’est pourquoi, malgré les réserves que je viens de formuler, les députés du front de gauche voteront une nouvelle fois en sa faveur.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Sourires.

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Monsieur le président, mes collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain n’auront pas à se plaindre de mon propos, au moins sur le registre qu’elles viennent d’évoquer !

Monsieur le ministre, on dit souvent que la pédagogie est l’art de la répétition. Je me répéterai donc, non pour que vous compreniez, car vous avez tout compris depuis le début, mais pour que nos concitoyens saisissent bien ce dont il s’agit.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Très bien !

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Il s’agit d’un projet de loi ordinaire – finalement très ordinaire. Vous l’avez vous-même reconnu en commission, devant laquelle vous avez pris un certain nombre d’engagements sur lesquels je reviendrai. Vous avez dit vous-même à cette occasion que ce projet de loi avait pour seule ambition d’être raisonnable. Pourquoi alors le baptiser pompeusement « justice du XXIe siècle » ?

Ce projet de loi très ordinaire, vous l’avez présenté dans des conditions extraordinaires, dont vous avez décidé de faire l’ordinaire : ce sont celles de la procédure accélérée.

Je me souviens d’un certain Jean-Jacques Urvoas qui, il n’y a pas si longtemps, présidait la commission des lois de l’Assemblée nationale. Il ne cessait alors de dire, au nom de tous les membres de la commission, tout le mal qu’il pensait du recours devenu quais chronique à la procédure accélérée. Devenu Garde des sceaux, il en vient à pratiquer ce qu’il a tant décrié. Il est vrai qu’il a pour le soutenir un président de la commission des lois qui, lui, déclare d’emblée qu’en raison du peu de temps qu’il reste, tous les textes devront dorénavant être soumis à la procédure accélérée.

En conséquence de quoi, en voulant accélérer la procédure, on ralentit l’examen d’un texte. C’est ce qui se passe avec ce texte en raison de vos mauvaises manières, de l’aveu de nos collègues sénateurs unanimes, y compris ceux qui appartiennent à l’opposition sénatoriale, c’est-à-dire vos amis du groupe socialiste de la Haute assemblée. Ce texte, qui était initialement deux fois plus important que lorsqu’il nous a été présenté, a retrouvé sa taille d’origine à l’Assemblée nationale du fait des fameux 120 amendements du Gouvernement.

Je me souviens, monsieur le ministre, de votre déclaration, qui figure dans le compte rendu de la réunion de la commission en cause, selon laquelle, juré, promis, craché, les nombreux amendements que vous avez déposés en commission seraient les derniers. On a vu ce qu’il en était puisque cet après-midi encore, lors de la réunion de la commission qui s’est tenue au titre de l’article 88 – à laquelle tous nos collègues n’ont pas assisté – nous ont été présentés à nouveau trois amendements du Gouvernement ; amendements dont le rapporteur lui-même, soutenu par le président, a indiqué qu’ils n’étaient pas anodins et que leur portée dépassait celle de simples amendements de coordination ou de précision. Voilà un engagement de plus qui n’a pas été tenu ! Il aurait été nécessaire, au contraire, de prendre son temps et d’examiner selon la procédure ordinaire un texte tout aussi ordinaire.

La forme seule justifie donc que nous soyons en profond désaccord avec la manière qui est la vôtre de gouverner et surtout de prendre des décisions qui, quand elles ne sont pas banales, présentent, sous couvert de figurer dans un ensemble difficile à mettre en cohérence, des caractéristiques pour le moins inquiétantes.

Je vais vous livrer quelques raisons supplémentaires de ne pas voter ce texte.

La première est la manière dont vous avez décidé de prendre en compte les propositions faites par votre opposition. Cette manière est claire : on feint de l’écouter et ensuite on décide de n’accepter pratiquement aucun de ses amendements, quel que soit le sujet.

Sans y revenir longuement, je veux quand même dire quelques mots sur la suppression, au cours de l’examen du texte – cette disposition ne figurait pas dans le texte initial – des tribunaux correctionnels pour mineurs. Vous présentez cela comme une évidence qui répond à une attente de nos concitoyens dont elle soulagerait la conscience. Vous vous trompez lourdement. C’est une erreur considérable. Je vous ai d’ailleurs demandé pourquoi ne pas supprimer par la même occasion la cour d’assise pour mineurs, que vous n’avez aucune raison de maintenir. S’il faut instaurer un juge unique, laissons le juge des enfants décider de tout : cela aurait au moins le mérite de la cohérence.

Les tribunaux correctionnels pour mineurs ont été mis en place dans l’optique de traiter avec le plus grand sérieux le problème de la délinquance réitérée des mineurs bientôt majeurs. Vous allez supprimer cette possibilité : vous en porterez longtemps la responsabilité.

Qu’il me soit permis de dire que ce n’est pas à l’enseignant et au maire que je suis, qui pratique régulièrement, à la demande du procureur de la République, le rappel à l’ordre dans le cadre du Conseil des droits et devoirs de la famille, que l’on fera le coup de la prévention qui s’opposerait à la répression. Ceux qui, dans cet hémicycle, ont comme moi exercé des fonctions d’éducation savent très bien que l’une et l’autre sont indissociables et qu’il n’y a pas, d’un côté, les bons qui sont favorables à la prévention et, de l’autre, les méchants qui prônent la répression. Ce serait comme dire que les bons médecins sont ceux qui font de la prévention tandis que les mauvais traitent la maladie lorsque la prévention a échoué.

S’agissant du divorce sans juge, des éléments intéressants côtoient des faiblesses, que nous nous sommes efforcés de mettre en exergue mais qui, malheureusement, n’ont pas été prises en compte. La prise en compte de l’enfant mineur ainsi que le respect de l’équilibre des conventions de partage : voilà des sujets dont il fallait étudier plus en profondeur tant la réalité que les conséquences. Vous ne l’avez pas fait.

En ce qui concerne les infractions routières, nous avons, durant les travaux de la commission – car nous étions présents – tenté de vous faire comprendre qu’un quantum de peine est un quantum de peine et qu’on ne peut pas le comparer avec la durée moyenne des peines prononcées car il ne faut comparer que ce qui est comparable. De ce point de vue la procédure d’amende forfaitaire est tout simplement ahurissante. Nos concitoyens doivent savoir que demain ils encourront une sanction plus lourde s’ils provoquent des nuisances au volant d’un engin motorisé que s’ils conduisent sans permis ou sans assurance. Vous serez responsable de ce signal extrêmement déplorable qui ne contribuera pas à réduire la délinquance et la criminalité routières dans notre pays. Les chiffres de ces derniers mois et de ces dernières années prouvent pourtant que nous devrions nous en préoccuper.

Je conclurai sur la mauvaise manière faite aux collectivités territoriales. Monsieur le ministre, vous m’aviez affirmé, lors de la précédente lecture de ce texte, que ce texte prévoyait bel et bien des compensations aux nouvelles charges qui pèseront sur les collectivités du fait du transfert aux services d’état civil des procédures relatives aux PACS, qu’il s’agisse de leur inscription ou de leur dissolution. Je vous avais indiqué que le nombre de ces PACS équivalait au nombre des mariages célébrés dans les communes de France.

Vous n’en avez pas tenu compte alors que c’est bien une charge supplémentaire qui n’est pas compensée. Certains ont même le culot – que notre rapporteur me permette de le souligner puisque lui-même l’a prétendu – de dire que c’était une chance et pratiquement un cadeau fait aux communes que de leur confier cette nouvelle responsabilité…

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…, oubliant au passage, ce que je me suis permis de faire remarquer en commission, qu’en exerçant les compétences ainsi dévolues à la commune, le service communal agira au nom de l’État. L’État confie donc aux communes une compétence pour qu’elles l’exercent en son nom, sans leur donner les moyens d’assumer les charges supplémentaires qui en résultent. Voilà une raison supplémentaire de l’impossibilité dans laquelle nous sommes de voter ce texte.

S’il était resté modeste dans sa conception, son contenu et son appellation, ce texte aurait pu faire progresser à la marge notre justice. Mais il est disparate, tantôt anodin, tantôt dangereux et pompeux dans son intitulé. Tout cela, sans parler même du choix de la procédure accélérée qui a ralenti son examen, justifie pleinement que nous refusions d’apporter nos voix à un texte qui ne grandira pas la justice du XXIe siècle.

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Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes tous ici conscients des nombreux dysfonctionnements dont souffre notre organisation judiciaire : une justice lente et complexe, des procédures longues et onéreuses, difficilement lisibles pour nos concitoyens et souvent perçues comme inefficaces ; une justice qui manque de moyens et qui, de ce fait, ne peut remplir l’ensemble de ses missions ; une justice qui a besoin de se recentrer sur ses missions essentielles. Une évidence s’impose donc aux députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants depuis de nombreuses années : notre organisation judiciaire doit être réformée en profondeur.

Mais est-ce la priorité des priorités ? Ce ministère a avant tout besoin d’être dirigé. Comment se satisfaire de ce stock irréductible d’affaires en cours de jugement ? Quelles sont les vertus de sanctions prononcées aussi tardivement ? Comment expliquer cette incapacité, depuis tant de temps, à renforcer ponctuellement les moyens pour réduire ce stock ? On le fait pourtant pour des administrations qui connaissent des difficultés aussi importantes que celles du ministère de la justice : ainsi en est-il dans le domaine de la défense, où la réserve a permis de régler ponctuellement des problèmes de ce type. Il est pour nous incompréhensible qu’on n’ouvre pas ponctuellement des moyens supplémentaires pour rendre encore plus exemplaire la façon dont est rendue la justice dans notre pays.

Nous devons en outre cesser de légiférer à tout va, un des plus graves défauts du système judiciaire français. Faites fondre le stock des jugements en cours, réduisez l’instabilité juridique et nous aurons gagné.

Certes, le projet de loi entend améliorer cette situation en rendant la justice plus efficace, moins complexe et plus lisible. Dont acte : l’intention est louable. Cependant, monsieur le garde des sceaux, vous avez vous-même reconnu la modestie de ce texte. Le souci de cohérence imposait de ne pas conserver un titre aussi ambitieux et éloigné de la réalité que celui de « justice du XXIe siècle ». Reconnaissez que c’est quelque peu pompeux, monsieur le ministre !

Sur le fond, le texte issu de notre assemblée, que nous examinons en raison de l’échec de la CMP, est cohérent. Nous le concédons, ce projet de loi contient quelques avancées en matière d’accès au droit, d’action de groupe et de simplification des procédures. Certaines mesures, comme la création d’un service d’accueil unique du justiciable, sont susceptibles de faciliter l’accès à la justice. D’autres, en privilégiant des modes alternatifs de traitement des litiges, permettront de désengorger un peu – c’est déjà ça – les juridictions.

L’introduction d’un nouveau divorce par consentement mutuel aussi est une mesure qui peut sembler louable. Prenons cependant garde à ce que cette nouvelle procédure ne se fasse pas au détriment de l’intérêt de l’enfant ou de l’équilibre indispensable entre les deux futurs ex-époux. Nous craignons que les garde-fous que sont, d’une part, la présence des deux avocats et d’autre part l’écoute de l’enfant ne soient pas suffisants.

Le projet de loi entend en outre amorcer une simplification de l’organisation judiciaire et des procédures juridictionnelles en rapprochant, par exemple, les tribunaux des affaires de sécurité sociale et ceux en charge du contentieux de l’incapacité. Cette réforme peut permettre de recentrer les juridictions sur leurs missions premières en les déchargeant d’autres missions.

En revanche, comme l’a indiqué mon collègue Stéphane Demilly en première lecture, c’est une erreur de supprimer la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, la CNITAAT, basée à Amiens, juridiction spécialisée parfaitement adaptée à un contentieux complexe. Nous craignons que cette réforme, qui n’engendre aucune économie et n’apporte aucune simplification, ne se fasse au détriment des professionnels du droit du département de la Somme.

Certes, le texte a évolué favorablement puisque celui que nous examinons aujourd’hui évoque « une cour d’appel spécialement désignée ». Nous espérons que la majeure partie du contentieux traité par la Cour sera bien transférée à la cour d’appel d’Amiens, comme vous vous y êtes engagé oralement, monsieur le garde des sceaux. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants a donc déposé un amendement afin d’inscrire dans le texte le transfert du contentieux traité par la CNITAAT à la cour d’appel d’Amiens.

En outre, le projet de loi déshabille le tribunal d’instance en confiant au tribunal de grande instance des compétences du tribunal de police. Nous doutons de l’opportunité d’une telle réforme. Que restera-t-il au tribunal d’instance, hors la conciliation ?

Nous nous interrogeons par ailleurs sur le procédé qui a consisté à supprimer en commission, par voie d’amendement, les tribunaux correctionnels pour mineurs. Le fait qu’un système ait dysfonctionné ne signifie pas pour autant qu’il s’agit d’un mauvais système.

L’autre grand axe du projet de loi est l’action de groupe qui permet à un individu de représenter en justice les intérêts d’un groupe de personnes qui ont été victimes d’un même comportement. Il donne à l’action de groupe un socle procédural commun en matière de discrimination, notamment au travail, mais également de santé, d’environnement et de données numériques. La création de ce bloc semble plus cohérente que l’éparpillement de ces dispositions dans des textes divers, notamment dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité ou le projet de loi pour une République numérique.

Cependant, ces procédures pourraient être davantage encadrées. Nous proposons donc, également par voie d’amendement, de réserver aux associations agréées la faculté d’exercer une action de groupe. Si les associations agréées ont, dans la majorité des cas, l’expertise nécessaire pour mener des actions de groupe, nous craignons que celles qui satisfont à la seule condition d’être régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins n’aient pas les mêmes capacités et ne soient pas nécessairement contrôlées.

En outre, ces procédures ne devraient s’appliquer qu’aux actions dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est postérieur à l’entrée en vigueur de la loi. La rétroactivité pourrait avoir des conséquences directes et immédiates, notamment sur la couverture assurantielle des entreprises. Elle pourrait mettre en péril l’équilibre des contrats portant sur des périodes d’assurance échues.

Nous nous opposons également à l’ensemble des mesures qui auraient pour conséquence de transférer certaines compétences aux officiers de l’état civil. Dans le contexte actuel de baisse drastique des dotations de l’État à nos collectivités, nous devons nous abstenir de faire peser des charges supplémentaires sur les communes.

Monsieur le garde des sceaux, chers collègues, si le texte a le mérite d’ouvrir certaines pistes intéressantes pour l’avenir de notre droit, il comporte de nombreuses imperfections, que je viens de détailler. Il est loin d’annoncer le « Vendôme de la justice » que nous appelons de nos voeux depuis plusieurs années.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI s’abstiendra.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cela fait près d’un an que ce projet de loi a été déposé par le Gouvernement. Voilà donc une année que dans cet hémicycle, nous discutons de mesures fortes auxquelles nous sommes profondément attachés, à commencer par la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, instaurés par la majorité précédente, qui avait oublié qu’un enfant ne se juge pas de la même manière qu’un adulte.

J’insisterai sur l’esprit de ce texte et sur ce qu’il peut changer dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Il y a les grandes affaires judiciaires qui agitent les médias, les affaires d’État qui font jurisprudence et touchent à l’essence même de notre société et à ce que la loi en fera demain. Et puis il y a la justice du quotidien, celle à laquelle nos concitoyens font appel parce que leurs droits sont entravés, parce que leur quotidien est perturbé, parce que leur situation individuelle nécessite la protection et la réparation de l’État. Il n’y a pas de hiérarchie à établir entre de grandes et de petites affaires. Seul existe le besoin d’adapter les procédures à la spécificité des litiges, le temps judiciaire à la nature des différends et de conforter les Français dans l’idée que la justice a su s’adapter à l’évolution de la société et à leurs attentes.

Après la disparition de Michel Rocard, il y a quelques jours, plusieurs personnalités politiques ont décrit sa méthode comme la volonté de concilier les valeurs avec le réel. C’est cette même volonté qui a animé Christiane Taubira dès son arrivée au Gouvernement dans les travaux qu’elle a engagés pour valoriser la justice citoyenne. Les valeurs, c’est évidemment la volonté d’aboutir à une justice plus efficace et plus accessible, de faire en sorte que toutes les Françaises et tous les Français soient égaux devant la justice et puissent obtenir protection et réparation rapidement.

Et puis il y a le réel parce que parler de justice, c’est aussi se préoccuper des injustices : des délais d’instruction souvent longs, les freins liés au fait que la justice est encore trop éloignée de certains de nos concitoyens en raison de leur méconnaissance de leurs droits ou de freins économiques qui restreignent leur capacité à être conseillés et orientés.

C’est pour modifier cette réalité que ce projet de loi, ambitieux par son appellation, l’est aussi par son contenu puisqu’il instaure une véritable justice de proximité. En février 2015, Christiane Taubira s’est rendue à la Maison de la justice et du droit de ma circonscription pour dialoguer avec les acteurs de terrain de la justice citoyenne. Elle a notamment rencontré à cette occasion des conciliateurs de justice et des médiateurs. Ces derniers, qui favorisent le règlement des litiges entre les citoyens en évitant une procédure judiciaire longue et souvent coûteuse, sont désormais au coeur du processus judiciaire, puisqu’ils sont devenus un préalable à la saisine du juge pour les petits litiges et la justice familiale.

Complétant ce dispositif, la création d’un service d’accueil unique du justiciable visant à favoriser l’accès au droit constitue une autre avancée majeure et tangible pour nos concitoyens.

Enfin, répondre aux attentes des Français, c’est aussi faire en sorte que la justice prenne en compte l’évolution des liens qui régissent les individus – vous l’avez précisé dans vos propos.

Si l’on ne peut que se réjouir de l’indépendance des magistrats, celle-ci n’est pas pour autant synonyme d’autonomie. Elle doit se traduire par une harmonisation des décisions rendues sur l’ensemble du territoire.

Le désengorgement des tribunaux par le transfert d’actes administratifs permettra un service plus rapide et surtout libérera le temps nécessaire aux acteurs de la justice, qui réalisent un travail considérable – et à qui je rends hommage –, pour qu’ils se concentrent sur leur coeur de mission.

Tel est le sens de ce texte, tel est le sens de la politique conduite par le Gouvernement : se soucier d’améliorer le quotidien de chacun, dans une logique de progrès et de protection.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez dans votre intervention évoqué avec courage la pauvreté de la justice : j’espère que vous avez été entendu. Nous serons vigilants à vos côtés.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mesdames et messieurs mes chers collègues, il valait mieux ne pas rater la séance de cet après-midi et de ce soir ! Nous avons commencé par traiter de la relégation ou du traitement ultime des déchets nucléaires les plus dangereux, puis nous avons enchaîné sur le Conseil supérieur de la magistrature et nous voilà en train de plancher sur la justice du XXIe siècle. Avouez qu’il valait mieux être présents sans quoi nombre de nos compatriotes se seraient demandé à quoi nous servions encore.

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C’est vrai : comme toujours, ou du moins comme souvent.

Monsieur le ministre, je n’ai pas à avoir de bons ou de mauvais sentiments, mais je pense que vous êtes un ministre de la justice apprécié des Français, ce qui est assez rare. Cette situation particulière pourrait bien durer – je vous le souhaite – et c’est la raison pour laquelle vous devez en profiter.

Sans doute ce que j’entends n’est pas très différent de ce que vous entendez vous-même. Quand nous écoutons nos compatriotes – peuple singulier qui se déclara naguère souverain, inspirant la plupart des grands peuples de la planète mais qui désormais se perçoit moins comme un ensemble de citoyens que comme des individus éparpillés aux quatre coins du pays, comme après le passage d’un tsunami –, on ressent l’impression terrible et redoutable pour nous d’un rejet du politique.

Oh ! Bien sûr, ils aiment leur maire ; ils aiment leur député quand il est dans sa circonscription, qu’ils aient ou non voté pour lui. Ils supportent le sénateur, même s’ils ont horreur que le député battu en mars se retrouve sénateur en septembre. Je ne pensais pas qu’ils se méfiaient à ce point de la presse. Habitué à fréquenter mes concitoyens, je connais en effet leurs relations avec la presse locale.

Cependant, alors que j’ai toujours entretenu de très bonnes relations avec la justice, même si j’ai été moi-même jugé en correctionnelle – j’ai même dit que les tribunaux étaient les derniers salons où l’on cause –, je suis effrayé d’entendre ce qui se dit un peu partout, aux quatre coins de notre pays, à propos de notre justice, celle qui est rendue au nom du peuple. D’ailleurs si quelqu’un – pas vous, monsieur le ministre, mais un simple député comme moi – prononce ces mots, les gens tournent immédiatement les talons. C’est le signe qu’il y a là un grave problème.

Ce problème, on le retrouve à tous les niveaux, et d’abord à celui du justiciable. Combien de nos compatriotes vouent une haine mortelle à cette journée fatidique où, selon eux, leur vie a basculé, d’une manière ou d’une autre, parce que la justice s’y est invitée, soit qu’ils l’aient conviée, soit qu’elle ait été conviée par d’autres ! Le moindre divorce, la moindre affaire de famille ou de voisinage, sans aller chercher des complications plus graves, le simple fait d’avoir affaire à la justice apparaît aujourd’hui comme un malheur absolu dont on n’a plus aucune chance de sortir indemne.

J’espère me tromper. J’espère être le seul à entendre ces propos. Si tel est le cas, ce n’est pas grave. Tout passe.

En tout cas, je souhaite de tout mon coeur la poursuite d’une action que vous ne pourrez pas mener tout seul. Le travail est trop important ! C’est un immense chantier à engager auprès du peuple tout entier, auquel il faut redonner confiance. La justice doit permettre à la victime d’être reconnue comme telle. Le coupable doit avoir l’espoir d’obtenir un jour le pardon, s’il le demande. Enfin, ceux qui ont l’obligation de rendre la justice au nom du peuple doivent retrouver une sérénité qui les a quittés depuis longtemps et des moyens financiers qu’ils n’ont plus.

Mais la tâche à mener va bien au-delà : c’est notre organisation tout entière est en cause. Le Conseil supérieur de la magistrature est nommé par l’État. Le parquet nomme les procureurs de la République. Et les citoyens, malheureusement, font le lien entre un monde politique entièrement coupé d’eux, une presse qui ne leur parle plus et une justice qui n’est plus la justice.

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Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chères et chers collègues, il est réellement regrettable que ce projet n’ait pu faire l’objet d’un accord en commission mixte paritaire. Il s’agit pourtant d’un texte de bon sens, fédérateur, concret, consensuel et construit, destiné à rendre notre justice plus efficace, à l’adapter aux évolutions de notre temps et aux nombreuses attentes des justiciables, dont le besoin de droit est aussi le signe d’une société démocratique évoluée. Notre justice doit à la fois se recentrer sur ses missions essentielles et s’ouvrir à la société. C’est là toute la difficulté. Elle doit répondre à la demande sociale d’une justice plus rapide et plus indépendante.

Les expérimentations mises en place dans les juridictions depuis le mois de septembre 2014 démontrent la pertinence des adaptations : accueil unique du justiciable dans les tribunaux, assistance des magistrats par des juristes confirmés afin qu’ils ne perdent plus de temps mais surtout pour améliorer la qualité des décisions rendues. Nous sommes très loin ici de la réforme abrupte de la carte judiciaire qui a fait tant de dégâts dans nos juridictions.

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Le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle remet le citoyen au coeur du service public de la justice, et c’est en cela que cette réforme est une réforme de gauche, radicalement différente de tout ce qui a été fait par le passé.

En étendant la mission des conseils départementaux de l’accès au droit, nous favorisons l’accès au droit des populations les plus défavorisées, les plus démunies, celles qui sont les plus éloignées de la défense de leurs droits. En posant enfin le principe de la tentative de règlement amiable du litige par un conciliateur de justice, en en faisant un préalable obligatoire pour les petits litiges, c’est-à-dire ceux qui empoisonnent notre quotidien, nous faisons le choix d’une justice de paix, le choix de l’apaisement ; nous modernisons tout simplement la justice.

Nous consacrons aussi la confiance et la responsabilité en encourageant les justiciables à régler au mieux et eux-mêmes leurs litiges. Nous savons aujourd’hui, et la pratique nous le démontre, qu’un conflit réglé par la médiation est un conflit qui a toutes les chances d’être définitivement réglé. Une décision de justice, quelle qu’elle soit et aussi motivée soit-elle, laisse toujours un goût amer aux justiciables : celui qui perd est toujours victime d’une injustice, celui qui gagne ne gagne en fait jamais rien.

En déjudiciarisant le divorce, nous répondons à une demande sociale forte : accompagner, guider les époux pour qu’ils évitent de se déchirer, les conseiller au mieux de leurs droits et de leurs intérêts et de ceux de leurs enfants, éviter surtout la comparution devant un juge, au mieux inutile et au pire humiliante. Je comprends très mal les conservatismes – de tous bords, d’ailleurs – qui ont accueilli cette grande réforme du divorce. Au-delà du fait qu’il est préférable de laisser du temps aux juges aux affaires familiales pour se consacrer aux dossiers contentieux, souvent très complexes et très douloureux, la nouvelle procédure renforce le conseil, l’assistance des avocats pour le droit des personnes et celle des notaires pour les aspects patrimoniaux. Elle renforce aussi grandement la responsabilité professionnelle de ces professionnels du droit.

Le groupe socialiste, écologiste et républicain salue les mesures proposées par le texte en faveur de l’indépendance et de l’impartialité de la magistrature, telles que la spécialisation du juge des libertés et de la détention, dont les pouvoirs sont accrus et qui sera désormais nommé par décret après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Autre avancée importante, les parties au procès disposeront d’un nouveau cas de récusation : le conflit d’intérêts. L’inscription sur les listes des experts judiciaires sera limitée dans le temps, favorisant ainsi le renouvellement, le rajeunissement, voire la féminisation de cette fonction.

Nous avons enfin supprimé les tribunaux correctionnels pour mineurs, juridictions inutiles, chronophages et – je le rappelle à la droite de l’hémicycle – bien plus répressives dans les faits que le traditionnel tribunal pour enfants. Nous adaptons aussi le droit des mineurs, en individualisant à la fois les mesures éducatives et les sanctions. Nous excluons – ce qui apparaît comme une mesure évidente – la perpétuité pour les mineurs. Nous favorisons la césure dans le procès pénal des mineurs.

En résumé, ce projet de loi s’inscrit dans la ligne politique définie dès le début du quinquennat et construite sur un vrai consensus : simplifier, démocratiser, redonner confiance dans notre justice – je crois que nous serons tous d’accord ici pour dire que ce n’est pas une mince affaire.

Toutes ces mesures ne seraient cependant rien sans celles que vous nous avez annoncées ce soir, monsieur le garde des sceaux, à savoir l’augmentation substantielle – de plus de 4 % – du budget de la justice pour 2017. Très attendus dans les juridictions, ces crédits supplémentaires viendront donner corps à cette réforme de bon sens, cette réforme réaliste, qui sera votée avec un réel enthousiasme par le groupe socialiste, écologiste et républicain que je représente ici.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

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La parole est à M. Jean Lassalle, premier inscrit sur l’article. Vous avez deux minutes, cher collègue.

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J’ai bien noté que vous m’aviez laissé un temps de parole supplémentaire en discussion générale, monsieur le président. Cette fois-ci, je me calerai sur le chronomètre.

Monsieur le ministre, j’ai proposé la création d’une commission d’enquête sur l’état de la justice et je remercie l’Assemblée nationale et son président d’avoir bien voulu faire imprimer le texte de cette proposition de résolution, ce qui m’a permis d’en assurer une large diffusion. Je doute fort qu’il y soit donné suite mais cela m’a paru constituer la bonne démarche avant d’engager un travail de cette ampleur. Les commissions d’enquête parlementaire, dont le travail est reconnu, permettent de dresser un état des lieux. J’espère que celle dont je demande la création verra le jour avant le vote définitif de ce texte – je ne sais pas comment cela pourra se faire.

Lorsque je me suis exprimé tout à l’heure, ce fut en pensant au formidable gâchis que constituent tant d’efforts : ceux du monde politique, qui n’en est pas moins discrédité, ceux des journalistes, pourtant si peu reconnus, ceux des magistrats et gens de justice, si redoutés et craints. Tout cela vient de ce que nous nous sommes trop coupés du peuple. Le peuple ne sait plus ce que nous faisons ; il n’a plus confiance en nous ; il a peur ; il n’a plus confiance en rien ni en personne.

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N’ayant pas pu prendre la parole lors de la discussion générale, je dirai quelques mots en guise d’introduction pour nous « mettre en jambes » avant de poursuivre nos débats demain.

Permettez-moi de dénoncer à mon tour, comme l’a excellemment fait notre collègue Guy Geoffroy, un texte un peu « fourre-tout » où les bonnes intentions côtoient les moins bonnes et où le meilleur côtoie le pire. Je citerai pêle-mêle la déjudiciarisation du divorce, fausse bonne idée que l’on nous ressert de mandature en mandature, sans en avoir bien pesé les avantages et les inconvénients – pour ma part, j’estime que les seconds l’emportent sur les premiers – ; le PACS, que l’on confie aux officiers d’état civil dans les mairies, sans se préoccuper du surcroît de travail que cela pourra représenter ; l’intangibilité du nom et du prénom, qui certes connaît déjà un certain nombre d’exceptions, mais qui sera demain du ressort des officiers d’état civil – on nous dit qu’il sera loisible de s’adresser directement au procureur en cas de difficulté mais je vois mal comment des services d’état civil qui ne sont pas toujours très bien structurés pourront s’opposer à certaines demandes ; ce seront donc autant de portes ouvertes aux uns et aux autres – ; la suppression de certains tribunaux.

Bref, ce texte apparaît comme une forme de concours Lépine, ou plus prosaïquement un texte « ramasse-miettes » de fin de mandature destiné à faire plaisir aux uns et aux autres ou à réconforter ceux qui auraient subi de plein fouet le 49-3.

L’article premier est adopté.

L’article 2 est adopté.

Article 2

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 238 rectifié .

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Il vise à compléter l’article 2 bis afin de coordonner sa rédaction avec les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Il s’agit de coordonner les deux rédactions pour bien articuler les deux dispositifs législatifs et notamment indiquer que les huissiers de justice, notaires, commissaires-priseurs judiciaires, avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, commissaires aux comptes et experts-comptables sont autorisés à démarcher.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Favorable.

L’amendement no 238 rectifié est adopté.

L’article 2 bis, amendé, est adopté.

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La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article.

Murmures sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Ne vous désolez pas, mes chers collègues : cela ne va pas durer. Je suis très étonné, monsieur le ministre. Je participe très régulièrement à tous les mouvements pour défendre notre tribunal d’instance ou la Cour d’appel de Pau. Je mesure les efforts considérables déployés par les présidents de juridiction, les magistrats et les procureurs. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à vous expliquer les difficultés qu’ils ont à se procurer une agrafeuse ou une rame de papier mais ils évoquent aussi volontiers les grands problèmes de la justice de notre temps, qui s’est beaucoup complexifiée. En même temps, je suis touché au plus profond de moi-même lorsque je rencontre dans ma permanence des hommes et des femmes de plus en plus marqués par la vie, quand ils ne sont pas détruits à tout jamais depuis le jour où un huissier de justice est venu leur signifier qu’une procédure était engagée contre eux.

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La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement no 176 .

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Je souhaitais appeler à nouveau l’attention de M. le garde des sceaux sur le premier alinéa de l’article et demander que l’on supprime la possibilité pour le juge de prononcer d’office l’irrecevabilité. Le prononcé d’office peut même se faire sans observations des parties en l’espèce. C’est une sanction qui m’apparaît excessivement lourde dans le cas où les diligences qui auraient dû être entreprises ne l’ont pas été par l’une des parties.

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Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

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Nous avons déjà beaucoup discuté sur ce thème, cher collègue. Vous redoutez que l’irrecevabilité ne soit pas débattue par les parties mais nous avons encadré le dispositif d’un certain nombre d’items.

Je rappelle que le thème de la conciliation a été abordée par la garde des sceaux précédente dans le grand projet de réforme d’il y a plus de trois ans. J’ai moi-même coordonné à l’UNESCO un atelier sur cette thématique, auquel neuf cents personnes ont participé. Le thème de la conciliation a donc bien été construit dans le cadre d’une démarche d’intense concertation engageant l’ensemble des professionnels et des acteurs. Je tenais à le redire en réponse au dénigrement dont font l’objet les conditions dans lesquelles ce texte a été examiné.

Nous pensons qu’il faut replacer le dispositif de tentative de conciliation dans une forme d’obligation pour les litiges inférieurs à 4000 euros, afin de placer les acteurs du conflit dans une approche différente de celle consistant à recourir immédiatement au juge. Rappelons que celui-ci garde la capacité de traiter le dossier sans conciliation s’il considère que les circonstances – dont celles que prévoit l’article 3 – le justifient. Au-delà de la précaution préalable que vous souhaitiez prendre contre un risque qu’il faudra surmonter par la pratique et l’extension de la conciliation, il me semble que vous pouvez retirer votre amendement, monsieur Tourret.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

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Je voulais simplement appeler l’attention du rapporteur, au cas où des magistrats liraient nos débats, sur la nécessité que ce prononcé d’office reste très exceptionnel. Il ne doit pas être systématique dans toutes les matières. Il ne doit pas être une conséquence obligatoire mais rester une conséquence exceptionnelle. Je retire l’amendement.

L’amendement no 176 est retiré.

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La parole est à M. Guy Delcourt, pour soutenir l’amendement no 241 .

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L’étude d’impact du projet de loi fait état d’une hausse potentielle de 45 000 conciliations supplémentaires, soit un accroissement de 33 % de l’activité des conciliateurs. Or ceux-ci, qui remplissent leurs fonctions à titre bénévole, sont défrayés de manière forfaitaire et non en proportion de l’activité de chacun, alors que les délégués du Médiateur de la République, par exemple, reçoivent une indemnité mensuelle d’un montant nettement plus correct. Par ailleurs, les délégués du procureur sont indemnisés à la vacation.

Il est donc nécessaire d’harmoniser la prise en charge des frais des conciliateurs avec celles des autres intervenants de justice, ainsi que d’assurer leur dotation en matériel informatique. Telle pourrait être l’action des conseils départementaux de l’accès au droit, les CDAD.

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Nous avons émis un avis défavorable, sans pour autant nier la pertinence de la question, déjà soulevée par notre collègue en commission. Le dispositif de la conciliation impose en effet le bénévolat, auquel ces hommes et ces femmes sont d’ailleurs très attachés. L’insuffisance de l’indemnisation est un fait avéré, que vous avez reconnu, monsieur le garde des sceaux ; vous avez en effet indiqué que vous examineriez les conditions du rétablissement d’un défraiement plus constant, même s’il n’atteint pas le niveau d’une juste rémunération. Je vous demanderai de réitérer cet engagement, puisque nous sommes en période de préparation du budget, tout en demandant à notre collègue de retirer son amendement, même si la question soulevée est d’une totale pertinence. Si Jean-Michel Clément avait été présent, il aurait rappelé les observations que nous ont faites les conciliateurs que nous avons rencontrés.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement vous remercie, monsieur le député, pour votre amendement, qui nous permet de dire notre reconnaissance aux conciliateurs de justice, qui sont des collaborateurs d’une très grande qualité, aux compétences affirmées. Il est vrai qu’ils bénéficient aujourd’hui d’un défraiement extrêmement modeste, pour ne pas dire inique : 232 euros par trimestre, somme qui peut être doublée sur justificatif. Je suppute que l’amendement a davantage pour objet d’inciter le Gouvernement à prendre des engagements quant à l’amélioration de cette rémunération qu’à introduire dans le texte une disposition relative à un décret en Conseil d’État. Il existe en effet déjà un décret, en date de 1978, qui est cosigné par le ministre du budget et le garde des sceaux.

De fait, le Gouvernement réitère l’engagement qu’il a pris. Nous travaillons actuellement avec la direction du budget à la revalorisation des plafonds et à la modification de l’arrêté relatif à l’indemnisation des frais de déplacement afin d’en faciliter le remboursement. Le Gouvernement, qui ne se voit pas donner un avis défavorable à un amendement mû par une excellente intention, préfère demander son retrait.

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La confiance est naturellement de mise avec le garde des sceaux. Je retire donc l’amendement.

L’amendement no 241 est retiré.

L’article 3 est adopté.

Les articles 4 et 4 bis sont successivement adoptés.

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La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article.

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Si M. le président de la commission s’installait sous un chêne et rendait la justice, il rendrait confiance à la justice tout entière et aux justiciables.

Sourires.

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Il est de ces hommes qui redonnent confiance et c’est peut-être ce qui nous fait le plus défaut aujourd’hui – je ne parle d’ailleurs pas uniquement de la justice. À l’heure actuelle, 50 % des Français ne votent plus tandis que la moitié de ceux qui votent, votent blanc, nul ou désespéré. Seul un quart de nos compatriotes votent donc encore pour les partis traditionnels que nous représentons. Lorsque je demande aux personnes qui ne votent plus pourquoi elles agissent de la sorte, huit ou neuf sur dix me répondent que cela fait suite à une décision judiciaire. Peut-être le Pays basque, le Béarn, se distinguent-ils à cet égard du reste de la France, du moins je l’espère. Il n’en reste pas moins que cela fait mal au coeur, car, lorsque l’on doute de la justice de son pays, on doute décidément de tout. L’une de ces personnes me disait : « La justice de notre pays est mauvaise, mais elle est lente. Vous n’avez aucune chance de lui échapper. »

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La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 84 .

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Cet amendement a pour objet de permettre une adaptation et une clarification. Il entend d’abord tenir compte de l’évolution du droit du divorce en supprimant le terme « homologué » puisque désormais les conventions de divorce ne seront plus nécessairement homologuées par un magistrat. Par ailleurs les mots « à tout moment » font craindre une évolution : ils peuvent signifier que l’on peut saisir le juge à n’importe quel moment. On ouvrirait ainsi la porte à des recours incessants. Il faut tout de même de nouvelles circonstances, des éléments nouveaux pour justifier une nouvelle saisine du juge.

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Nous avons émis un avis défavorable ; je demanderai donc à notre collègue de retirer son amendement. Je rappelle que l’article 4 ter prévoit une extension du cadre de l’expérimentation qui a déjà été mise en oeuvre dans le cadre de la loi du 13 décembre 2011. Nous pensons qu’il faut s’en tenir à cette extension. Par ailleurs, en cas de démarche amiable entre les parties, la nécessité d’une décision de justice ne s’imposera pas nécessairement, sauf sur des questions techniques. Aussi je vous demande de retirer votre amendement en attendant de connaître l’issue de ces dispositifs d’élargissement de l’expérimentation, conformément à la proposition que nous a faite le Gouvernement et que nous avons acceptée.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur et voudrait rassurer Mme Capdevielle. L’expression « à tout moment » traduit simplement la possibilité pour le juge de modifier sa propre décision ou l’accord parental qu’il a précédemment homologué sans délai de carence. Cette rédaction ne change pas l’obligation pesant sur le demandeur de la modification de justifier du changement des circonstances ayant conduit à la première décision. C’est, de surcroît, une mention qui figure déjà à l’article 373-2-13 du code civil, qui traite précisément des procédures de modification des décisions judiciaires et des conventions homologuées par les juges aux affaires familiales.

L’amendement no 84 est retiré.

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Je suis saisi de trois amendements, nos 186 , 178 et 187 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 178 et 187 sont identiques.

La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 186 .

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Cet amendement vise à substituer aux termes « médiation familiale », la formule de « règlement amiable », beaucoup plus générale.

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La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement no 178 .

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Mon observation est la même : la médiation familiale réduit le champ des solutions que l’on peut donner au litige. Le règlement amiable me semble bien préférable.

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La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 187 .

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Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

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Nous sollicitons le retrait de ces amendements. Nous avons repris l’expression « médiation familiale », qui figure dans la loi de 2011 et qui correspond exactement au contenu actuel du dispositif.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

Les amendements nos 186 et 187 sont retirés.

L’amendement no 178 est retiré.

L’article 4 ter est adopté.

Les articles 4 quater, 5 et 6 sont successivement adoptés.

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La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article.

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Monsieur le président de la commission, votre arrivée nous a redonné espoir.

Quel gâchis de voir des centaines de milliers, que dis-je ! des millions de nos compatriotes totalement défaits à l’idée de parler de la justice, au regard des efforts accomplis par ceux qui s’évertuent à la rendre. Une de mes filles tente de poursuivre des études pour devenir avocate : je ne sais pas si elle les rattrapera ! Je me suis rendu compte combien c’était difficile. La force de caractère, la volonté, le désir de rendre service, de servir, que cela suppose et en dépit de tout cela un si grand divorce !Certes, il n’atteint pas l’ampleur du divorce existant entre le peuple et les représentants que nous sommes, mais on n’en est pas loin. Et, je le répète, les médias ne sont guère mieux placés. J’espère donc, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, que vous ferez tout ce que vous pourrez pour entendre…

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr !

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Il faut entendre toutes ces associations de justiciables, tous ceux qui ont eu affaire à la justice. J’en rencontre partout en France : ils veulent une justice qui panse leurs plaies, qui permette à celui qui a tout perdu d’être reconnu dans un temps de sa vie qui ne l’emporte pas totalement, et, à celui qui est coupable, d’être pardonné si nécessaire. Ceux qui rendent la justice doivent retrouver des moyens, la confiance du peuple et la sérénité qu’il faut pour juger.

L’article 7 est adopté.

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 237 .

L’amendement no 237 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 85 .

L’amendement no 85 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 236 rectifié .

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Cet amendement a pour objet de concentrer les dispositifs relatifs à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française à la fin du texte.

L’amendement no 236 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 86 .

L’amendement no 86 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 87 .

L’amendement no 87 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 88 .

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

L’amendement no 88 est adopté.

L’article 8, amendé, est adopté.

Article 8

L’article 8 bis est adopté.

Article 8

L’article 9 est adopté.

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 228 .

L’amendement no 228 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

L’article 10, amendé, est adopté.

Article 10

L’article 10 bis est adopté.

Les articles 11, 12 bis, 12 ter, 13, 13 bis A et 13 bis B sont successivement adoptés.

Article 13

L’article 13 ter est adopté.

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 52 .

Sourires.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

L’avis du Gouvernement est favorable. En effet, la disposition que cet amendement tend à supprimer figure déjà dans la loi du 3 juin 2016. Elle n’a donc aucune raison de figurer dans ce texte.

L’amendement no 52 est adopté et l’article 14 est supprimé.

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 53 .

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Le présent amendement propose une nouvelle rédaction de l’intitulé du chapitre III dans un souci de coordination avec le reste du dispositif.

L’amendement no 53 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 133 tendant à la suppression de l’article 14 bis.

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Le présent amendement vise à supprimer l’article 14 bis puisque notre groupe, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, est opposé à la suppression de la collégialité de l’instruction au seul motif que, depuis son adoption, elle n’a jamais été mise en oeuvre. Il conviendrait au contraire d’affecter les moyens nécessaires à cette réforme.

S’il n’était guère possible de généraliser la collégialité en raison du coût d’une telle mesure, ne pouvait-on pas imaginer, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, une voie intermédiaire consistant à distinguer entre les affaires, certaines devant être impérativement soumises à la collégialité tandis que les autres ne le seraient que de manière facultative ? Dans cet exercice, la collégialité supposerait que certaines décisions relèvent obligatoirement du collège tandis que d’autres pourraient être déléguées à l’un des juges.

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C’est un avis défavorable, dans le prolongement des débats que nous avons déjà eus. Vous vous rappelez sans doute dans quelles circonstances la collégialité a été mise en oeuvre dans le dispositif législatif. Or elle n’a jamais été appliquée et personne dans cet hémicycle ne peut faire fi de cette réalité, à laquelle nous nous sommes trouvés confrontés.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Eh oui.

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Au demeurant, sa mise en oeuvre entraînerait d’énormes difficultés, notamment en ce qui concerne la préservation du nombre des juges d’instruction dans les juridictions qui ne pourraient pas absorber la collégialité.

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Par ailleurs, le maintien de ce dispositif poserait problème au regard des choix de cursus professionnel à la sortie de l’École nationale de la magistrature,

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Il faut cesser de nier la réalité de ce problème auquel personne n’a été en mesure de remédier. Je rappelle, chers collègues, l’existence de la co-saisine qui permet d’assurer un partage entre juges d’instruction.

Par ailleurs, les délais accordés par le juge pour faciliter la procédure contradictoire permettent de surmonter une partie des aléas que le législateur avait voulu éviter en créant la collégialité. Nous considérons que pour aboutir à une situation claire, il faut supprimer le principe de la collégialité et proposer des dispositifs qui favoriseront l’intervention des juges d’instruction.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement a un avis défavorable, qu’il a déjà exprimé à de nombreuses reprises. J’ajoute aux propos du rapporteur que le maintien de la collégialité aurait pour conséquence la suppression d’un certain nombre de postes juges d’instruction dans soixante-douze juridictions et leur transfert dans d’autres juridictions. Cela ne manquerait pas de susciter l’ire des parlementaires qui écriraient alors au Gouvernement pour demander le maintien des postes de juges d’instruction là où ils existent.

Pour clore ce débat qui dure depuis 2007, le Gouvernement est favorable à la suppression de la collégialité et donc défavorable à l’amendement.

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Pour ma part, je soutiens l’amendement de notre collègue Dolez et des membres de son groupe. Les arguments du rapporteur et du garde des sceaux ne sont pas à la hauteur du sujet. Je rappellerai aux membres de la majorité que c’est Robert Badinter qui le premier avait proposé la collégialité de l’instruction.

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Malheureusement, et lui-même l’a reconnu ultérieurement, les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de cette mesure que le Parlement avait votée à son initiative n’ont pas suivi. C’est un autre gouvernement qui a dû tenir compte de la réalité et c’est ce que vous faites aujourd’hui : comme on n’a pas les moyens de la mettre en oeuvre, on y renonce.

Cette question est revenue de manière forte et douloureuse à l’occasion de l’affaire d’Outreau. Je veux rappeler, en réponse à vos propos, monsieur le rapporteur, que la co-saisine avait alors été refusée par le juge Burgaud. Parallèlement, dans l’affaire d’Angers – affaire dont on a très peu parlé, et pour cause –, beaucoup plus importante par le nombre de personnes mises en cause, la co-saisine avait été accordée et cette affaire n’a pas connu les dérives judiciaires de l’affaire d’Outreau.

C’est à l’unanimité que la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau en avait conclu qu’il fallait impérativement remettre en place la collégialité de l’instruction. Ayant eu l’honneur d’être le rapporteur du texte proposé par Pascal Clément sur ce sujet, je regrette que l’on prenne le problème à l’envers. Soit on estime qu’il est important que l’instruction devienne collégiale et on se fait un devoir de tout faire pour cela ; soit on ne veut pas d’une instruction collégiale et on trouve d’autres arguments que ceux des moyens. C’est un vrai sujet sur lequel nous aurons probablement l’occasion de revenir. Pour l’heure, je soutiens cet amendement.

L’amendement no 133 n’est pas adopté.

L’article 14 bis est adopté.

Les articles 14 ter et 14 quater sont successivement adoptés.

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 239 .

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L’amendement précise les modalités d’application prévues par l’article 14 quinquies au titre de l’article L.228-4 du code de l’action sociale et des familles.

L’amendement no 239 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

L’article 14 quinquies, amendé, est adopté.

Article 14

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La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement no 6 tendant à supprimer l’article 14 sexies.

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Tout ayant été dit sur le sujet, je ne serai pas long. Cet article, introduit en cours d’examen du texte, vise à supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs. Nous sommes totalement opposés à cette mesure très dommageable. Contrairement à ce que vous prétendez, elle ne rendra absolument pas service à la justice des mineurs.

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La commission a déjà par deux fois donné un avis défavorable. Nous nous sommes longuement expliqués sur ce dispositif, qui a été présenté à plusieurs reprises, dans le cadre de divers textes par d’éminents collègues de notre commission, et même par d’anciens membres – n’est-ce pas, monsieur le ministre ?

Le dispositif n’a pas permis d’atteindre l’objectif cherché, le Conseil constitutionnel l’ayant vidé d’une grande partie de son intérêt. C’est la raison pour laquelle nous maintenons un avis défavorable à cet amendement qui cherche à revenir sur la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, approuvée par notre commission.

L’amendement no 6 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.

L’article 14 sexies est adopté.

Article 14

L’article 14 septies est adopté.

L’article 14 octies est adopté.

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La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article.

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Je pensais ne plus intervenir ce soir mais décidément M. Geoffroy m’inspire. Après tout ce que j’ai dit, essayant d’équilibrer mon propos, je veux rappeler qu’il y a des moments de justice qui donne de la perspective et du courage. J’ai eu l’occasion de participer personnellement au jugement d’Angers sur la fin de vie – c’est peut-être de ce rendez-vous qu’il parlait ––, et j’ai trouvé la justice de notre pays grande, très grande, par le temps, les moyens, la patience dont elle faisait preuve. Cela donnait vraiment le sentiment de se retrouver dans le dernier lieu où l’on cause.

Il en était de même, voici quelques semaines, pour le procès des meurtriers du petit Alexandre, à Pau, procès très difficile où l’horreur l’avait emporté sur toute chose mais où la cour d’assises est progressivement parvenue à établir un climat de sérénité qui a d’abord rendu ce moment émouvant puis a permis de surmonter beaucoup de chagrin, de désespoir et de mal de vivre.

L’article 14 nonies est adopté.

Article 14

L’article 14 decies est adopté.

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La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 173 .

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Les dispositions et les amendements votés précédemment ou en première lecture font peser de nouvelles obligations sur les entreprises. À l’alinéa 33 est notamment prévue l’entrée en vigueur au 1er novembre 2016 d’une forme d’obligation de dénonciation par l’employeur de ses salariés indélicats. Sans doute est-il un peu hasardeux de penser que l’Assemblée ou la majorité reviendraient sur cette disposition mais il semble de bon sens d’en fixer au moins l’entrée en vigueur non pas au 1er novembre 2016, mais au 1er janvier 2017, afin de la faire coïncider avec une année civile complète et de donner deux mois de plus aux entreprises pour s’adapter. À défaut de nous bagarrer sur le principe, au moins pourrions-nous adopter des modalités intelligentes.

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Dès lors que le principe est intelligent, les modalités peuvent l’être aussi ! Il me semblait, à la lecture de votre amendement, que vous adhériez au dispositif mais ce n’est pas tout à fait ce qui ressort de vos propos. J’ose cependant penser que s’inscrira peu à peu dans le patrimoine de l’intelligence collective l’idée qu’il n’y a aucune raison qu’un salarié n’encoure pas les mêmes sanctions que tous les autres administrés sous prétexte qu’il travaille pour son employeur. Il s’agit d’un principe d’égalité et de justice.

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C’est très compliqué pour les entreprises !

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La complexité est une chose mais la responsabilité des employeurs, à laquelle nous pouvons aisément souscrire, rendra les choses possibles.

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La commission n’a pas examiné cet amendement, qui propose des modalités présentées comme plus intelligentes encore que celles qui étaient prévues. À titre personnel cependant, je considère – comme du reste mon co-rapporteur Jean-Michel Clément – que cette proposition est une bonne chose et nous sommes tentés de donner à cet amendement un avis favorable, en attendant d’entendre ce que M. le ministre de la justice va nous dire.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Cette mesure est connue de tous ceux que cette question intéresse puisqu’elle a été annoncée lors du comité interministériel de la sécurité routière du mois d’octobre 2015. Depuis lors, les débats et les travaux d’approche ont déjà été conduits…

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Des travaux d’approche avec un casque lourd !

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

…, les entreprises sont informées. Le Gouvernement n’est cependant pas sourd ni hostile à votre demande d’un délai raisonnable. Il émet donc courageusement un avis de sagesse.

Sourires.

L’amendement no 173 est adopté.

L’article 15 A, amendé, est adopté.

L’article 15 bis AA est adopté.

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La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement no 7 , tendant à supprimer l’article.

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Cet amendement vise à supprimer une disposition que j’ai évoquée lors de mon intervention dans la discussion générale. Cet article 15 bis A tend à créer une situation quand même très surprenante. Nous avons en effet voté récemment, à l’unanimité de notre assemblée et avec l’accord du Gouvernement, une proposition de loi visant à lutter contre les nuisances de certains engins motorisés. Elle sanctionne d’une amende pouvant atteindre 1 500 euros, qui constitue donc le quantum maximal de la peine, le propriétaire d’un véhicule exagérément bruyant. Or cet article a pour effet que le quantum de la peine applicable à une personne roulant sans permis ou sans assurance pourra être presque inférieur de moitié à celui prévu par la disposition que je viens d’évoquer. C’est très choquant et totalement incohérent.

On ne saurait, monsieur le rapporteur, comparer un quantum avec une moyenne constatée des peines prononcées. On ne peut en effet comparer que deux moyennes de peines prononcées ou deux quantums. En utilisant cet argument, vous êtes pleinement conscient que les dispositions de cet article sont très gênantes et incohérentes et qu’elles vont exactement dans le sens inverse de ce dont nous avons besoin c’est-à-dire d’une intensification intelligente de la lutte contre toutes les violences routières et tous les comportements déviants au volant. L’amendement tend donc à la suppression de cet article, afin que cette disposition soit revue dans un sens plus compatible avec une échelle intelligible des sanctions pénales en la matière.

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L’avis de la commission est défavorable. Nous avons déjà eu ce débat en séance. Initialement c’est le principe même de l’amende forfaitaire qui était contesté. Nous avons rappelé, avec l’assentiment du président Warsmann, que c’était lui qui, en 2002, avait introduit, par un amendement à la loi Perben, le dispositif de l’amende forfaitaire, lequel n’avait pas été présenté alors comme affaiblissant la répression pénale …

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…mais comme la renforçant bien au contraire parce qu’il la rendait efficace. Depuis lors, le dispositif a été maintenu et fortement élargi.

Pour ce qui est de la sanction proprement dite, l’amende majorée applicable au défaut de permis ou d’assurance est de 1 600 euros, montant supérieur à celui que prévoit le texte présenté par notre collègue Rémi Pauvros.

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Nous maintenons donc notre avis défavorable sur un amendement qui supprime un dispositif dont l’objectif est de rendre plus efficace la sanction applicable au délit de défaut d’assurance ou de permis de conduire.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis défavorable.

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Je regrette que notre rapporteur se contente d’arguments aussi peu satisfaisants. Il est inutile d’invoquer le fait que l’amende forfaitaire ait été instaurée à l’initiative du président Warsmann puisque l’objet de cet amendement n’est pas de critiquer l’existence même de l’amende forfaitaire, mais bien de faire valoir – et c’est en cela que votre réponse partielle et partiale à mes arguments est insatisfaisante – le complet déséquilibre que vous créez.

Vous aggravez votre cas en comparant l’amende majorée à l’amende de 1 500 euros encourue par le propriétaire d’un véhicule exagérément bruyant, oubliant de dire que, dans le cas ordinaire, l’amende forfaitaire est fixée à 800 euros, soit pratiquement à la moitié de celle que je viens d’évoquer, et qu’elle peut même être minorée à 640 euros. Or, vous ne mentionnez que l’amende majorée, afin d’en comparer le montant de 1 600 euros avec celui de 1 500 euros : ayez donc au moins un sursaut d’honnêteté intellectuelle et comparez également l’amende minorée de 640 euros à celle de 1 500 euros ! Je ne veux que vous éviter de commettre une erreur qui sera très mal interprétée par tous ceux qui portent un véritable intérêt à la sécurité routière.

L’amendement no 7 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 230 .

L’amendement no 230 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

L’article 15 bis A, amendé, est adopté.

L’article 15 bis B est adopté.

Les articles 15 ter, 15 quater, 15 quinquies, 15 sexies, 15 septies, 15 opties et 16 quater sont successivement adoptés.

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La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement no 8 , tendant à supprimer l’article.

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Cet amendement porte sur une question que j’ai déjà évoquée lors de la précédente lecture de ce texte et que j’ai également rappelée dans le cadre de la discussion générale, à savoir le transfert de l’enregistrement des pactes civils de solidarité – PACS – aux officiers d’état civil, charge nouvelle qui leur est confiée sans contrepartie financière.

Monsieur le ministre, lors de la précédente lecture du texte, vous avez présenté des compensations dont l’évidence ne nous est pas apparue. Permettez-moi d’évoquer une simple réalité : lorsque j’ai évoqué cette question dans la commune dont je suis maire et que j’ai fait valoir qu’il n’était pas complètement absurde d’envisager le transfert de ces actes à l’état civil, les officiers d’état civil m’ont répondu qu’ils s’attendaient alors à ce que je crée un ou deux postes supplémentaires dans leur service et à ce que je permette en outre à l’ensemble des membres actuels et à venir de ce service de recevoir une formation leur assurant une compétence qu’ils ne possédaient pas spontanément pour l’examen et le traitement de tous ces dossiers. J’ai dû répondre qu’aucune compensation n’était prévue et qu’il n’y avait pas de crédits délégués à cet effet.

J’ai également rappelé que ma commune a perdu cette année 600 000 euros de dotation de l’État, qui s’ajoutent aux 900 000 euros déjà perdus les deux années précédentes, soit un total de 1,5 million d’euros. Sachant qu’un emploi de fonctionnaire territorial représente un coût d’environ 30 000 à 40 000 euros par an, un montant de 600 000 euros représente la rémunération d’une quinzaine d’agents. Il est donc difficile, lorsqu’on supprime ces moyens, d’envisager de créer des emplois sans que l’État nous donne des moyens complémentaires.

C’est de cela qu’il s’agit monsieur le ministre : nous ne nous opposons pas à cette idée, qui est plutôt bonne, mais donnez-nous les moyens de la mettre en oeuvre et ne nous dites surtout pas ce qui serait une provocation très difficile à accepter, à savoir que c’est une chance pour les communes et un hommage rendu à leur compétence que de leur confier, sans un sou de plus, de nouvelles responsabilités.

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… et aucun élément nouveau n’est venu conforter la pertinence de cet amendement de suppression. Je maintiens par ailleurs que pour les villes, les communes et les maires, la capacité de lien entre les citoyens passe par leur état civil – c’est même la chose la plus importante.

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Je note en outre, monsieur Geoffroy, que vous reconnaissez qu’il s’agit d’une excellente idée. Le fait qu’un problème se pose en termes de compensations financières ne saurait justifier la suppression de ce dispositif, que nous entendons défendre.

L’amendement no 8 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.

L’article 17 est adopté.

Article 17

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La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 195 .

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le présent amendement vise à permettre aux futurs époux de s’opposer à ce que le mariage ait lieu dans un bâtiment communal autre que la maison commune. Il vise à renforcer les garanties d’un mariage républicain en réservant aux couples la possibilité de s’opposer à ce que leur soit imposé l’un des bâtiments communaux affectés à la célébration des mariages s’il ne correspond pas à leurs attentes quant à la dimension symbolique de la cérémonie. Ils pourront alors se marier à la mairie, conformément à la règle générale, à laquelle le dispositif introduit à l’article 17 bis permet de déroger.

Le Gouvernement rappelle cependant que le procureur de la République veillera lui aussi à ce que la décision du maire d’affecter un autre bâtiment à la célébration des mariages garantisse les conditions d’une célébration solennelle, publique et républicaine. Il s’assurera également que les conditions d’une bonne tenue de l’état civil sont réunies.

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Tout d’abord, ces choix sont de la compétence du maire – nous le rappelons dans le projet de loi. De plus, ils se font sous le contrôle du procureur qui, comme vous l’avez très bien rappelé, monsieur le garde des sceaux, est susceptible de recevoir des réclamations.

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Nous n’avons pas bien compris la pertinence de cet amendement, si ce n’est la crainte que certaines célébrations soient organisées en dehors de l’espace dédié, solennel et digne, pour des raisons qui ne seraient pas avouables. Nous avons bien compris que c’est cela que le Gouvernement vise. Toutefois, monsieur le ministre, nous considérons que si des personnes ont un tel sentiment, elles ont la capacité de le dire.

En tous les cas, nous avons donné un avis défavorable mais nous avons bien compris que le Gouvernement veut protéger les futurs époux, quels qu’ils soient, de prises de position un peu éloignées des exigences républicaines dans la célébration des mariages.

L’avis est défavorable, mais nous avons une grande compréhension, monsieur le garde des sceaux, pour votre proposition.

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Vous venez, monsieur le rapporteur, d’apporter de l’eau à mon moulin en évoquant le fond de cet amendement pour justifier l’avis défavorable de la commission.

Votre évocation au fond me permet de reprendre mon argumentation sur un problème de fond qui est posé par la forme : il s’agit là de l’un des trois amendements soumis par le Gouvernement cet après-midi à la commission réunie au titre de l’article 88, alors qu’il avait pris l’engagement, par votre intermédiaire, monsieur le garde des sceaux, que les seuls amendements qui seraient présentés seraient ceux examinés par la commission lors de la première lecture. Nous constatons qu’il n’en est rien.

Argument de forme valant fond et argument de fond venant supporter l’argument de forme : voilà deux raisons de ne pas approuver cet amendement du Gouvernement dont, par ailleurs, nous n’avons pas véritablement obtenu d’explication sur le pourquoi du comment.

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Je m’étonne de l’absence de ligne directrice du Gouvernement : alors qu’il avait affirmé qu’il ne présenterait pas de nouvel amendement, nous en avons encore découvert trois autres.

Sur le fond, votre amendement dénote une forme de suspicion à l’égard des maires. Ce fonctionnement est particulièrement curieux : on reconnaît la possibilité aux maires, pour des raisons pratiques que je trouve plutôt bienvenues, d’affecter à la célébration des mariages une autre salle que la salle de la mairie habituellement dévolue à cette cérémonie. Il est vrai que nombre de petites communes ont de petites salles de mariage, faisant également office de salles de réunion et de rencontre. Leur donner la possibilité d’utiliser la petite salle communale adjacente ou la salle des fêtes, le cas échéant, je trouve cela plutôt de bonne politique.

Et voilà que, comme si on était un peu surpris de cette bonne idée, on fait un pas en arrière en jetant la suspicion sur les maires. Je vois bien le débat qui sous-tend tout cela, monsieur le ministre mais faites donc confiance aux élus locaux, faites donc confiance aux maires ! Je rappelle par ailleurs l’existence du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Je trouve que cette façon de donner et de reprendre n’est pas très sérieuse.

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Je souhaiterais que vous nous disiez, monsieur le garde des sceaux, ce qui motive exactement cet amendement. Pouvez-vous citer des exemples précis ? La libre administration des communes n’est pas en cause : le maire est officier d’état civil et il célèbre les mariages.

Je partage l’avis du Gouvernement selon lequel le mariage doit être célébré dans la mairie. De deux choses l’une : soit tous les mariages ont lieu au même endroit, soit un maire décide que certains mariages auront lieu dans un autre endroit que la mairie. S’il s’agit vraiment de discrimination, je comprends pourquoi cet amendement est présenté. Mais il faut que le Gouvernement nous donne de véritables explications à partir d’exemples précis, auquel cas je serai amenée à voter cet amendement.

Je comprends bien en effet ce qu’il y a derrière. Les maires, en tant qu’officiers d’état civil, sont là pour célébrer des mariages. Un mariage, ce n’est pas une kermesse ; ce n’est pas la fête du village mais un acte symbolique qui crée des droits. Il est donc important qu’il ait lieu en mairie.

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Je veux apporter ma voix à ceux qui s’interrogent sur les raisons de cet amendement. Peut-être pourriez-vous, monsieur le garde des sceaux, nous citer des cas d’espèce qui seraient remontés à la chancellerie et justifieraient cet amendement.

Rappelons également que les élus ne choisissent pas forcément un lieu autre que la mairie pour des raisons de facilité mais simplement parce que les salles de mariage…

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…qui sont souvent aussi les salles où se réunit le conseil municipal, ne sont pas toujours accessibles ou n’assurent pas la dignité du mariage, à rebours de l’intention du Gouvernement. Il y a néanmoins une certaine logique à ce que le mariage soit célébré dans les lieux mêmes où les bans sont publiés. Je comprends l’intention du Gouvernement mais j’aimerais que vous nous fassiez connaître les cas d’espèce dont vous auriez pu avoir connaissance, monsieur le garde des sceaux.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Cela m’est impossible puisqu’on ne peut pas se marier aujourd’hui en dehors de l’hôtel de ville : il ne peut donc pas y avoir de cas avéré. Il s’agit simplement pour le Gouvernement d’obéir à un principe de précaution.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

On peut craindre en effet que certains ne cantonnent la célébration de certaines unions dans une grange, pour prendre un exemple à dessein caricatural. Le présent amendement leur permettra de refuser que leur mariage soit célébré dans une grange et d’exiger qu’il le soit en mairie.

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Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Il s’agit d’éviter toute discrimination systématique à l’encontre d’un certain type de mariage qui ne serait pas très bien vu à l’hôtel de ville. Je pense que le propos implicite est désormais suffisamment explicite !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l’amendement no 195 , mis aux voix par assis et levé, n’est pas adopté.

L’article 17 bis est adopté.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Discussion, sur le texte de la commission mixte paritaire ou en nouvelle lecture, du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2015 ;

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.

La séance est levée.

La séance est levée, le mardi 12 juillet 2016, à zéro heure cinquante-cinq.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly