Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 12 octobre 2016 à 9h45

Résumé de la réunion

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  • CESE
  • justice climatique
  • réchauffement

La réunion

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu Mme Agnès Michelot et M. Jean Jouzel, rapporteurs au nom de la section de l'environnement du Conseil économique, social et environnemental, de l'avis « Justice climatique : les perspectives post COP21 », et M. Allain Bougrain-Dubourg, rapporteur au nom de la section de l'environnement de l'avis « Contribution des emplois de la biodiversité à la transition écologique ».

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Nous accueillons ce matin des représentants du Conseil économique, social et environnemental (CESE), en particulier Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de sa section de l'environnement. Nous entendrons trois rapporteurs, Mme Agnès Michelot et M. Jean Jouzel qui ont élaboré un avis sur la justice climatique et sur ses enjeux pour la France, et M. Allain Bougrain-Dubourg, auteur d'un avis sur la contribution des emplois de la biodiversité à la transition écologique.

Ce n'est pas la première fois que notre commission auditionne des rapporteurs du CESE. Depuis près de quatre ans, nous avons noué avec cette institution, et avec sa section de l'environnement, de vraies relations.

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Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement du Conseil économique, social et environnemental

Nous vous présentons aujourd'hui les deux premiers avis adoptés dans la nouvelle mandature, où les trois quarts de l'effectif de la section de l'environnement ont été renouvelés. Il nous importe beaucoup de partager les enjeux avec tous les acteurs. Aussi est-ce avec grand plaisir que je puis vous annoncer que ces deux avis, qui formulent des propositions fortes, ont été adoptés sur la base d'accords très larges. L'un comme l'autre résultent d'autosaisines.

Nous avons pris le parti d'envisager la question de l'environnement sous les deux aspects social et économique. Les deux thèmes retenus, « justice climatique : les perspectives post COP21 » et « contribution des emplois de la biodiversité à la transition écologique », l'illustrent bien, car ils relient l'environnement et le défi climatique à la question de l'emploi et des inégalités sociales.

L'emploi est une question majeure : or nous montrons que la biodiversité peut contribuer à la solution du problème. La justice climatique, qui a fait son entrée dans le préambule de l'accord de Paris, mériterait d'être reprise à la COP22. Avec les rapporteurs, je m'emploierai à le faire.

Nous allons bientôt produire un avis sur la bioéconomie, qui recèle des potentialités, mais fait naître aussi des interrogations. Nous travaillons aussi en ce moment sur la qualité de l'habitat comme condition du bien-être.

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Allain Bougrain-Dubourg, rapporteur au nom de la section de l'environnement du CESE

À l'occasion des sommets de la Terre, notamment celui de Nagoya, la France s'est engagée à stopper le déclin de la biodiversité. Il est en effet essentiel de protéger celle-ci, et la mobilisation de l'emploi peut aider à respecter ces engagements. La biodiversité peut en effet contribuer à la lutte contre le chômage. Or, en la matière, malgré la récente loi sur la biodiversité, le constat est affligeant : adoptée le 20 juillet 2016, elle n'a fait que les derniers titres de l'actualité, devancée par l'aménagement des voies sur berge et le Tour de France.

Le déclin de la biodiversité est pourtant plus grave que prévu. Les rapports de l'Union internationale pour la conservation de la nature confirment l'hémorragie. La semaine dernière, en association avec le Muséum national d'histoire naturelle, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et la Ligue pour la protection des oiseaux, elle a encore fait le constat de ce déclin, qui se mesure à travers la situation des oiseaux : sur 284 espèces nicheuses, 92 – soit un tiers – figurent désormais sur une liste rouge. Or leur condition est un indicateur de l'état plus général de la biodiversité. Quand l'oiseau est présent, l'ensemble du vivant l'est également.

Grâce à un état des lieux réalisé avec l'Atelier technique des espaces naturels (ATEN), nous avons pu distinguer deux cercles d'emplois spécifiquement dédiés à la nature et à la biodiversité : d'abord, les vingt-sept métiers directement liés à la préservation de la biodiversité, tels les chargés d'études, les gestionnaires d'espace, les gardes natures et les juristes, pour un total de 22 000 emplois, auxquels s'ajoutent 6 000 emplois dans l'enseignement supérieur ; ensuite, quinze métiers exploitant et valorisant les connaissances liées à la biodiversité, et contribuant à sa préservation, comme les techniciens agricoles ou forestiers, les bureaux d'étude, les animateurs nature, pour un total de 48 000. Globalement, il s'agit donc de quarante-deux métiers et de 76 000 emplois.

Nous comptons également 30 000 agents chargés des espaces verts, 73 000 conseillers agricoles, potentiellement engagés dans la lutte pour la biodiversité, et 91 000 emplois des entreprises du paysage. Ainsi, nous arrivons à 200 000 emplois concernés. Entre emplois liés, directement ou indirectement à la biodiversité, et emplois potentiellement concernés par elle, le total s'élève donc à près de 300 000 emplois.

Certes, on ne peut faire le compte avec précision des emplois liés à la biodiversité ni prétendre que telle action créera automatiquement un nombre déterminé d'emplois. Le rôle du CESE est plutôt d'analyser et de formuler des recommandations. On voit bien, toutefois, que les métiers d'intégration représentent un potentiel colossal. Prenons l'exemple des toitures végétalisées, dont l'élaboration associe un couvreur et un botaniste, ou du biomimétisme, activités qui sont en plein développement.

Le budget de la biodiversité s'élève à 2 milliards d'euros. Parent pauvre, la connaissance n'en récolte que 1,3 %, soit 21 millions d'euros, qui vont au Muséum d'histoire naturelle, vaisseau amiral de la connaissance de la biodiversité. Les financeurs se répartissent comme suit : les collectivités territoriales à 46 %, l'État à 18 %, les agences de l'eau à 11 %, les entreprises à 17 %, l'Union européenne à 4 % – ce qui me semble étonnamment peu – et les ménages à 4 %.

Notre premier constat est que les métiers de la biodiversité sont mal identifiés. Ils ne sont pas présents en tant que tels dans les formations, dans les référentiels ou dans les accords de branche, mais sont plutôt dispersés dans la catégorie plus vaste des métiers verts. Il n'existe pas non plus de référentiel européen commun. Ainsi règne une certaine confusion.

Comment développer ces emplois ? Nos trente recommandations s'ordonnent autour de trois axes. Il convient de poursuivre l'identification et la structuration de ces emplois, l'Agence française pour la biodiversité (AFB) pouvant établir cette cartographie, car l'ATEN sera intégré à cette agence. Les régions ont aussi un rôle essentiel à jouer à travers leurs stratégies de développement durable et d'innovation.

Le deuxième axe est de développer les compétences et connaissances nécessaires. Il faut impérativement des recrutements dans la recherche publique. Le président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité – organisme regroupant des institutions publiques de recherche, telles que l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou le Muséum – a constaté un déficit. Il n'est pas possible de relever les défis qui se posent à nous sans se doter de moyens techniques et en ressources humaines.

Enfin, la formation continue en biodiversité est indispensable, en y intégrant les associations. Nous avons également constaté un déficit de l'accès des femmes à ces métiers.

Pour conclure, nous recommandons de promouvoir les emplois de la biodiversité, notamment dans le secteur agricole, car les 91 000 conseillers agricoles représentent un formidable potentiel. Il faut aussi intégrer la biodiversité dans la formation initiale des architectes et des urbanistes, ou encore la valoriser dans le secteur touristique.

Notre avis a été adopté par 166 voix et n'a recueilli que 9 voix contre. Ces voix sont celles des représentants au CESE de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). En mon nom personnel, je regrette vivement leur position. J'ai appris qu'ils prenaient ainsi en otage la loi sur la biodiversité, qui n'avait pas eu l'heur de leur plaire. C'est dommage. Avec les représentants de la FNSEA siégeant dans notre section, nous avons cependant beaucoup travaillé sur le sujet.

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Jean Jouzel, rapporteur au nom de la section de l'environnement du CESE

Je vous parlerai quant à moi de notre avis sur la justice climatique, dont Agnès Michelot, juriste, fut la cheville ouvrière.

Certes, l'accord de Paris sur le climat a été un succès, mais il ne faudrait pas que se creuse un fossé entre ce qu'il faudrait faire et ce vers quoi l'on va. On reconnaît déjà que, en 2030, les émissions de gaz à effet de serre excéderont de 40 % ce qu'il faudrait. Nous allons ainsi vers un réchauffement de la planète compris entre 3 °C et 3,5 °C. Même si l'on réussit à contenir ce réchauffement à 2 °C, les conséquences s'en feront sentir.

Les pays les plus vulnérables sont ceux qui émettent le moins de gaz à effet de serre : l'Afrique, les régions côtières de l'océan Pacifique et de l'océan Indien. Mais, parmi les populations les plus vulnérables, nous trouvons les populations pauvres des pays riches, comme l'ont montré chez nous la catastrophe de La Faute-sur-mer et la canicule de 2003. En termes de revenus, leurs victimes se répartissaient de manière bien éloignée de la moyenne nationale.

Dans ce contexte, quelles mesures peut-on prendre pour éviter que le réchauffement climatique n'aggrave les inégalités ? Une hausse comprise entre 3 °C et 3,5 °C se traduirait par des canicules deux fois plus importantes que celle de 2003. Le déficit en précipitations accroîtrait l'assèchement et l'évaporation, ce qui aurait des conséquences sur le pourtour méditerranéen, et partant sur le rythme d'arrivée des réfugiés climatiques. Sont aussi affectés l'emploi, l'agriculture, le tourisme, les ressources en eau.

Nos recommandations reposent sur l'idée que la justice climatique est une stratégie de lutte contre les changements climatiques adossée à des principes et à des objectifs de justice climatique. Elles s'appuient sur des principes de droit de l'environnement et des principes économiques de sécurisation de l'accès aux ressources élémentaires, de concurrence équitable, de justice sociale et d'égalité entre les hommes et les femmes.

Notre avis est animé par une ambition territoriale au-delà de la métropole, car les territoires ultramarins peuvent être eux aussi extrêmement sensibles au réchauffement climatique.

Nous rappelons également les engagements internationaux de la France. Sur ce volet, nous préconisons que notre pays désigne un représentant spécial pour la sûreté climatique, et défende, à la COP22, le statut de réfugié climatique. Nous voulons aussi définir l'investissement international en y intégrant la justice climatique avec des mécanismes de contrôle et de suivi en concertation avec la communauté locale. Les investissements internationaux ne doivent pas s'exonérer des règles de la justice climatique, mais peuvent au contraire lui servir de levier.

Dans le domaine de la recherche, nous sommes à l'aube du développement de services climatiques, capables, sur le modèle des services météorologiques, de mettre, à la disposition de tous, des projections à moyen et à long terme du changement climatique. La France est bien présente dans le développement de ces services, qui méritent simplement d'être soutenus.

Nombre d'études portent sur le lien entre la pauvreté et le changement climatique. Elles ont souvent été conduites par des Français, tel Stéphane Hallegate, à la Banque mondiale, mais peu portent sur notre pays. Les régions pourraient se pencher sur les trajectoires de vulnérabilité des territoires les plus exposés, en particulier outre-mer.

Une autre catégorie de nos recommandations porte sur l'intégration des inégalités climatiques dans les politiques publiques. Nous disposons déjà d'un outil, grâce à la mise en place du plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC), qui va être rediscuté dans une nouvelle phase. Il est important que la notion de justice climatique y soit inscrite, voire qu'elle en soit la colonne vertébrale. Nous recommandons que le PNACC prévoie une évaluation des mesures prises pour lutter contre le changement climatique, en prenant particulièrement en compte leurs effets sur les 20 % de personnes les plus pauvres.

Les programmes d'investissement doivent eux aussi être évalués, non seulement en fonction des conséquences globales, mais aussi de leurs effets sur différentes catégories de population. Il convient de développer des politiques assurantielles adaptées. Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs doit favoriser les démarches de prévention.

À l'échelle régionale, il convient d'opter pour des modèles de développement respectueux de la justice climatique. Pour cela, le PNACC devrait, dans une perspective d'aménagement du territoire, être élaboré en concertation et en symbiose avec les collectivités, puisque les conséquences du réchauffement climatique ne sont pas les mêmes dans les Alpes ou sur les régions côtières de la France. À cet égard, le travail d'Hervé Le Treut, en Aquitaine, est tout à fait remarquable.

Il faut encore un soutien à l'innovation technologique et sociale, ainsi que des politiques sociales engagées tenant compte de ces aspects climatiques. La santé est aussi au coeur des problèmes, d'où notre souhait d'inscrire les objectifs de réduction des inégalités environnementales dans les plans régionaux de santé, qui doivent intégrer la dimension climatique. La justice climatique passe aussi, dans le monde du travail, par l'anticipation grâce à des instruments d'investissement adaptés, par l'association des salariés aux réflexions stratégiques et par le soutien aux entreprises fondant leur business model sur la lutte contre le réchauffement climatique.

Ces recommandations sont très simples et se déclinent aux niveaux international, national et régional – puisque, nous le rappelons, les territoires ultramarins sont particulièrement vulnérables. La recherche doit assurer la prise en charge des aspects transversaux de la question, notamment pour mieux évaluer l'impact du changement climatique sur l'emploi, ce qui n'est pas fait aujourd'hui.

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Le thème de la justice climatique a été trop peu développé dans les réflexions de la COP21, où le débat portait de manière plus générale sur les enjeux climatiques. Votre constat est pourtant alarmant, tant au niveau international qu'au niveau national. Vous confirmez les inquiétudes exprimées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) en 2014, qui considérait que les risques auxquels auront à faire face les populations sont inégalement répartis et sont généralement plus importants pour les personnes et les communautés défavorisées à tous les niveaux de développement. La question climatique recouvre donc bien des enjeux de développement, d'inégalités sociales et territoriales.

La justice climatique n'est pas un concept reconnu en tant que tel par la COP21 et par l'accord de Paris qui en est issu. Mais peut-être le sera-t-elle à la COP22 qui va se tenir au Maroc ? N'y a-t-il pas d'ailleurs un risque de confusion avec l'idée de justice appréhendée de manière institutionnelle, avec les sanctions et avec la responsabilité et l'indemnisation éventuelle qu'elle comporte ?

La justice climatique ne doit-elle pas être associée à d'autres droits, tels le droit à la vie, le droit à la santé, le droit à la sécurité alimentaire ou le droit d'accès à l'eau ? J'ai déposé une proposition de loi visant à la mise en oeuvre effective du droit humain à l'eau potable et à l'assainissement, mais elle peine à faire son chemin au sein du Parlement.

Vous recommandez la mise en place d'un fonds pour la justice climatique au niveau international. Quelles sources de financement proposez-vous pour l'alimenter ? Par ailleurs, quels outils de gouvernance et de régulation envisagez-vous pour la puissance publique, sur le plan international ? Il me semble que la lutte des conséquences du réchauffement climatique sur la pauvreté doit passer par des politiques publiques transversales, qui touchent au transport, à l'habitat, au logement, à l'énergie, si nous voulons éviter le cloisonnement des politiques publiques traditionnelles.

Au plan national, quel rôle la transition énergétique peut-elle jouer dans la lutte contre les inégalités ? Les politiques publiques qui l'accompagnent doivent toucher, de manière transversale, aux transports, à l'habitat et au logement, ainsi qu'à l'énergie. La mobilité et l'habitat sont le socle de la vie de chacun, la garantie de l'épanouissement individuel et collectif.

S'agissant de l'outre-mer, leurs territoires concentrent 90 % des enjeux de la biodiversité. Quelles propositions formulez-vous pour qu'ils puissent faire face aux menaces qui pèsent sur elle, et faire face aussi au réchauffement climatique ?

Monsieur Allain Bougrain-Dubourg, vos propositions ne risquent-elles pas de favoriser le développement de formation pour des offres de métier qui sont, à ce jour, encore trop réduites ? Je conviens pourtant avec vous que la lutte en faveur de la biodiversité peut être génératrice de croissance et d'emplois.

Enfin, comment envisagez-vous que l'Agence française pour la biodiversité participe à la structuration des filières de métier et à la formation ?

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Au fond, messieurs les rapporteurs, nous vous entendons régulièrement, mais voyez-vous vraiment les choses avancer sur les sujets qui vous préoccupent ? Je suis par exemple inquiet de vous entendre dire que l'augmentation de la température sera, non de 2 °C, mais peut-être de 3 °C. Les eaux vont-elles monter de 80 centimètres seulement, ou de un mètre ? Dans les îles concernées, il me semble que l'on devrait prévenir la population qu'elle doit se préparer à des changements à l'échelle du siècle. Il ne faut plus attendre !

De même, pour l'Afrique, que fait-on ? Certes, c'est un plaisir de se réunir, mais, pendant ce temps, les vignobles du Bordelais sont promis à une émigration vers le nord, nos rivières changent aussi. Pendant ce temps-là, nous continuons de nous réunir… Les rapports produits et l'organisation des conférences sur le climat apportent naturellement quelque chose, même si, au stade de la réalisation des milliards d'investissements prévus, cela risque de bloquer.

Monsieur Allain Bougrain-Dubourg, vous annoncez des chiffres toujours plus importants relativement à l'emploi dans le domaine de la biodiversité : 300 000 aujourd'hui, mais peut-être, si vous revenez nous voir l'an prochain, direz-vous 400 000 ? (Murmures sur divers bancs). Vous comprendrez nos interrogations, même si nous croyons aussi que la biodiversité doit constituer un pilier majeur de la transition énergétique, moteur de la croissance verte.

Votre proposition d'impliquer architectes et urbanistes est une bonne idée. Mais les approches professionnelles de la biodiversité sont encore loin d'arriver à maturité. Dans vos recommandations, vous préconisez de soutenir l'emploi public, les délégations de service public, le bénévolat et le volontariat. Ma crainte est qu'il ne s'agisse cependant que d'emplois précaires, financés par des subventions publiques dont l'état de nos finances nous laisse penser qu'elles seront réduites. Que deviendront alors ceux qui ont choisi d'en vivre ?

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La COP22 se tiendra à Marrakech du 7 au 18 novembre prochains. Je souhaite donc profiter de la présence de nos invités pour recueillir leur avis sur les réflexions qui seront à développer au Maroc, dans la continuité de ce qui a été accompli.

Si la COP21 a permis de tracer des objectifs à atteindre et de définir une philosophie répondant aux enjeux auxquels le monde a à faire face, il n'en est pas moins vrai qu'il manque toujours un véritable volet d'actions concrètes. Il est temps de passer de la théorie à la pratique, du constat partagé à l'action individualisée.

Il y a quelque temps, lors de l'une de nos réunions de commission, j'évoquais l'action menée par Jean-Louis Borloo au service de l'électrification de l'Afrique. Elle est un modèle de ce que nous pouvons accomplir si nous unissons nos forces autour d'une volonté commune.

Il n'y a aujourd'hui plus aucune déclaration d'intention à faire. Le temps est venu d'imposer un cadre juridiquement contraignant pour les États signataires et de fixer un certain nombre d'applications concrètes aux grandes annonces déjà faites. Je pense notamment aux politiques de coopération, chères à ma famille politique, qui devront contribuer à mettre l'Afrique au coeur du processus de lutte contre le dérèglement climatique. Le fonds vert pour le climat doit ainsi prendre une ampleur beaucoup plus importante, car il peut constituer un puissant outil d'action à condition d'être doté comme il se doit. Aujourd'hui, il ne bénéficie pas d'un financement visible et fiable sur le long terme. La COP21 n'a d'ailleurs pas permis aux États de se mettre d'accord sur une logique durable de financement. Dans ce cadre, quels outils pouvons-nous envisager pour prendre le relais ?

Le fait que la COP22 se tienne sur le continent africain est en lui-même un symbole qui doit nous inciter à être ambitieux et à la hauteur de l'attente des habitants de ce continent. Au lieu d'un accord vaste et flou comme nous avons pu déjà en obtenir, oeuvrons plutôt sur une thématique précise et obtenons des engagements concrets de la part des États.

La question se pose notamment de la participation des pays en voie de développement, mais pleins de ressources. Nous pouvons par exemple penser à la Chine ou à l'Inde, mais aussi aux pays du Maghreb. Un mécanisme de différenciation des financements est peut-être à imaginer. Si chaque pays participe, à son niveau, cela permettra une prise de conscience généralisée.

Je souhaiterais ainsi connaître la position de nos invités sur ces axes de travail, au regard des travaux qu'ils ont menés dans le cadre de la rédaction de leurs rapports.

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Si la justice climatique est aujourd'hui au centre de nos débats, c'est pourtant l'injustice qui demeure au niveau mondial puisque les inégalités ne cessent de s'accroître, surtout depuis 1980. Nous n'avons donc pas fini de débattre des inégalités sociales au travers de l'augmentation de la pauvreté dans le monde. Même si l'on parvient à limiter le réchauffement global à 2 °C, les inégalités entre les pays qui disposent de moyens et ceux qui n'en ont pas risquent encore de se creuser. Monsieur Jean Jouzel, vous avez rappelé avec force que les pays les plus vulnérables sont souvent les moins émetteurs de CO2 et que le changement climatique aura un impact plus grand sur les populations pauvres des pays les plus riches.

Si le dérèglement climatique a dès aujourd'hui pour conséquence, en France et dans le monde, la déforestation, l'acidification des océans et l'avancée des déserts, il ne faut pas oublier qu'il pourrait causer jusqu'à 100 millions de morts. Regardons la réalité en face plutôt que de verser des larmes de crocodile : chaque seconde, dans le monde, une personne déménage pour des raisons climatiques, ce qui représente 19,3 millions de réfugiés climatiques pour la seule année 2014 – chiffre à comparer aux 30 000 réfugiés syriens, irakiens, que la France a déjà du mal à accueillir. Bien sûr, la France doit être consciente de cet ordre de grandeur et oeuvrer à la création d'un statut du réfugié climatique. Nous ne devons jamais cesser de rappeler cette réalité. Derrière l'enjeu écologique, il y a d'abord un enjeu humain. Militer pour une justice climatique, c'est d'abord prendre cela en considération.

Les actions de coopération qui ont été mises en place hier entre les pays du Nord et les pays du Sud sont vraiment insuffisantes. N'oublions pas ce qu'écrivait Jean de La Fontaine dans la fable « L'Âne et le Chien » : « Il se faut entr'aider, c'est la loi de Nature. » Cette morale devrait nous habiter. Certes, je ne nie en rien les difficultés de la France et de l'Europe, mais que sont-elles par rapport à tous ces engagements ? Quelles actions de coopération faudrait-il renforcer avec l'Afrique et tous ces pays du Sud ?

Comme l'a rappelé Michel Lesage, on ne peut pas oublier que des millions de personnes n'ont pas accès à l'eau potable, et le phénomène va encore s'accentuer avec le dérèglement climatique. Quelles propositions concrètes et précises faire lors de la COP22 à Marrakech pour que cette problématique de l'eau puisse être vraiment au coeur des débats ? Nous sommes à vingt-cinq jours de cette conférence. Comment concrétiser quelques-unes des nombreuses recommandations que vous faites ? Vous dites que la taxe carbone va monter en puissance jusqu'en 2020. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Lors de la COP21 à Paris, il avait été question de la mise en place d'un système d'alerte aux crues pour les pays situés en bordure des océans. Savez-vous si ce dispositif a pu être généralisé ?

Vous l'aurez compris, nous devons souscrire à vos recommandations en souhaitant qu'elles puissent se concrétiser.

Enfin, je veux saluer la qualité des rapports du CESE que nous devrions davantage prendre en compte.

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Je tiens à remercier la présidente de la section de l'environnement et les rapporteurs du CESE. Ces avis sont particulièrement bienvenus, et je les félicite pour leur autosaisine : les sujets importants qu'ils abordent sont peu connus du grand public.

Monsieur Jean Jouzel, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages prévoit un principe de solidarité écologique et un principe de non-régression du droit de l'environnement qui ont, bien évidemment, été validés par une majorité de parlementaires, mais pas par l'opposition (Murmures). Dans votre avis, vous faites référence à ces deux principes qui peuvent nous conduire à traiter des inégalités sociales, humaines et territoriales par rapport aux évolutions du climat. Comment ces deux principes que nous avons voulu inscrire dans la loi peuvent-ils être utiles pour l'avenir ?

Monsieur Allain Bougrain-Dubourg, l'Agence française pour la biodiversité est en train d'être mise en place. Si l'on sait qu'il est urgent de préserver et de reconquérir la biodiversité, ceux qui le disent, y compris dans notre commission, ne font pas toujours ce qu'il faut pour la préserver. L'AFB peut être impliquée en matière d'emploi, en particulier en ce qui concerne l'identification des métiers. Pensez-vous, au regard des moyens humains et financiers actuels de l'Agence, qu'elle sera en mesure de traiter rapidement cette question, car les urgences sont telles que je crains que ce soit peut-être l'une des dernières roues de la charrette ?

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La notion de justice climatique est récente et soulève des thèmes d'analyse divers. S'agissant des inégalités entre le Nord et le Sud, il faut reconnaître que les pays du Nord et ceux du Sud ont des responsabilités communes, mais différenciées et des moyens financiers différents pour faire face au changement climatique.

En 2009, les pays du Nord ont promis de mobiliser 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 pour aider les pays du Sud à faire face aux conséquences du dérèglement climatique – sécheresses, inondations, cyclones, montée des eaux – et éviter des migrations climatiques qui ont des impacts considérables, notamment en Europe. Cet objectif de 100 milliards de dollars est loin d'être atteint. Peut-on espérer un financement durable ?

L'autre pan de la justice climatique concerne les inégalités sociales. Il s'agit d'éviter que le réchauffement climatique ne frappe davantage les personnes les plus démunies, qu'elles soient d'ailleurs dans les pays du Sud comme dans les pays développés où, vous l'avez dit, il y a des sources d'inégalité très fortes.

Par ailleurs, je voudrais évoquer le secteur agricole, déjà cruellement frappé par différentes crises. Les agriculteurs font face, eux aussi, aux aléas climatiques qui se multiplient depuis ces dernières années. Considérez-vous que les mesures d'adaptation sont suffisantes aujourd'hui ?

Enfin, il est nécessaire de mettre davantage en avant la rénovation énergétique des bâtiments. Alors que ce sont des travaux lourds et que les plus défavorisés vivent souvent dans les logements les plus énergivores, alors que nos territoires ruraux comptent de plus en plus de logements abandonnés ou en mauvais état, il convient d'accentuer nos efforts pour favoriser la rénovation énergétique.

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L'année 2015 restera une année historique pour la justice climatique, d'abord en raison de la COP21 qui a abouti à un compromis porté par le principe de justice climatique, ensuite parce que, pour la première fois, deux juridictions, l'une d'un pays développé, les Pays-Bas, l'autre d'un pays en voie de développement, le Pakistan, ont condamné leurs États respectifs à prendre des mesures plus efficaces en termes de lutte contre le changement climatique.

Nos agriculteurs sont victimes du changement climatique dont les conséquences sur leurs exploitations sont graves. Pourtant, la gestion des aléas climatiques fait partie de leurs contraintes de production et ils ont développé de multiples dispositifs pour les anticiper, les atténuer et les réparer, mais aussi pour tenir compte de la diversité des situations. L'enjeu n'est pas uniquement économique, il est aussi et surtout de garantir une production alimentaire de qualité pour l'ensemble de la population. Cependant, le monde agricole ne peut lutter seul. Aussi, parallèlement aux dispositifs privés mis en place par ce secteur économique pour limiter l'impact des activités agricoles sur le climat, mais aussi pour anticiper et gérer les changements climatiques qui fragilisent les exploitations, des engagements publics ont-ils été pris afin de lutter contre le réchauffement climatique. Selon vous, les mesures d'adaptation envisagées sont-elles suffisantes pour empêcher un affaiblissement supplémentaire de notre agriculture et permettre aux agriculteurs de faire face par exemple à la montée des eaux et à la submersion fréquente des terres agricoles ?

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L'écologie est, par essence, humaine. La question de la justice climatique est liée à ses impacts sur l'espèce humaine ainsi que sur les espèces animales et végétales. Nous avons le plus grand mal, depuis des années, à nouer entre eux tous les fils de ce sujet global, à relier la problématique du climat avec les pratiques agricoles, forestières, industrielles, etc.

Pourquoi les choses n'ont-elles pas progressé davantage ? La FNSEA, qui a été citée, n'est pas seule à s'opposer à ce changement de paradigme dans le développement économique et humain. Les blocages proviennent d'autres acteurs, dans le domaine du bâtiment, de l'éducation et de la formation. Comment analysez-vous les raisons de ces blocages multiples, alors que la biodiversité représente un gigantesque vivier de métiers et des centaines de milliers de créations d'emploi ?

Un sujet me préoccupe plus particulièrement, celui de la formation. L'éducation nationale, les organismes de formation des agriculteurs, des architectes, des urbanistes, des paysagistes, sont-ils impliqués ? Comment la fonction publique va-t-elle et doit-elle s'adapter à ces nouveaux métiers et produire des agents de la fonction publique qui exerceront demain les métiers de la biodiversité ? La problématique varie suivant les territoires – littoral, zones humides, fleuves, villes –, ce qui induit une différenciation dans les formations.

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Je souhaite évoquer un projet de très grande ampleur vieux de dix ans et qui concerne onze pays africains. Il s'agit de la Grande Muraille verte dont l'objectif est de créer, de la Mauritanie à Djibouti, une bande plantée de quinze kilomètres de large afin de lutter contre la désertification due essentiellement à la surexploitation des ressources naturelles et à une forte densité de population et du bétail.

La couverture forestière envisagée contribuera à la régénération des sols qui sont actuellement presque morts. Les arbres, on le sait, aident le sol à augmenter sa capacité à garder l'eau. Cette muraille verte contribuera à augmenter l'humidité et la pluviométrie locale grâce à l'évapotranspiration des arbres. Elle devrait avoir un impact sur le climat et rendre possibles les activités agricoles – élevage, maraîchage, etc. Croyez-vous à l'efficacité économique et écologique de ce projet ? Savez-vous où en est sa mise en oeuvre ? Quels enseignements peut-on tirer, y compris pour notre propre pays, de ce qui a déjà été réalisé ?

Enfin, nous savons que l'agriculture sera au coeur des travaux de la COP22. Cette conférence sera-t-elle l'occasion de remettre ce projet sur les rails ?

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La COP21 a indiscutablement été un succès, car elle a permis une prise de conscience nationale et internationale de ses enjeux. Cela suffit-il à faire agir nations et citoyens ? Monsieur Allain Bougrain-Dubourg, vous avez rappelé à juste titre la part du financement de la biodiversité par les collectivités territoriales, ce qui signifie que la prise de conscience est probablement plus forte à la base qu'au sommet. Or il se trouve que, y compris pour les collectivités territoriales, les enjeux du climat comme de la biodiversité et, de façon générale de l'environnement, ont rarement une portée contraignante. Par exemple, le respect d'une certaine superficie d'espaces verts dans un territoire n'est pas contraignant, pas plus que ne le sont, dans les documents d'urbanisme, le respect de la faune et de la flore, la place de la rivière ou du fleuve, les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Cette absence de caractère contraignant des accords, au niveau supranational comme au niveau infranational, n'est-elle pas le coeur du problème ?

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Vous avez parlé de 300 000 emplois liés à l'environnement, et j'ai cru comprendre que vous souhaitiez que cette « armée » soit encore plus nombreuse. Leur action est-elle efficace et cohérente ? Lorsque deux PLU frontaliers sont organisés par deux cabinets d'études distincts, les préconisations peuvent être sensiblement différentes, voire contradictoires. Il en est de même des commissions sur les risques sanitaires et techniques : suivant les experts, les opinions seront très différentes – c'est particulièrement vrai pour tout ce qui a trait aux nappes phréatiques. Comment renforcer la cohérence dans ce domaine ?

En matière de coopération nord-sud, nous devons être assez modestes en ce qui concerne l'aide au développement, qui a pu conduire certains pays à mener des actions qui ne leur étaient pas vraiment utiles, mais qui l'étaient pour le commanditaire. En matière d'environnement, comment éviter que l'aide ne soit pas, une nouvelle fois, à l'origine d'un contrôle des pays du Sud par les pays du Nord ? L'accaparement des terres par certains pays, en particulier en Afrique, peut être considéré comme une manière de développer la capacité à produire des aliments en Afrique. Toutefois, cela ne bénéficie moins aux habitants qu'aux investisseurs. On en revient alors au schéma bien connu, où c'est l'investisseur qui bénéficie le plus de l'aide au développement. Comment parvenir à sortir de ce dilemme ?

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L'accord de Paris est assez laconique sur la définition de la justice climatique. Plusieurs théories se sont développées : certains la définissent en fonction de deux critères, d'autres selon quatre critères. Cela ne prouve qu'une chose : la définition de cette expression est soumise à des considérations subjectives, voire culturelles. Sur quels critères de définition avez-vous basé vos travaux ?

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Monsieur Allain Bougrain-Dubourg, comme vous, je déplore que l'adoption de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages soit presque passée inaperçue au mois de juillet dernier, masquée par d'autres événements beaucoup plus populaires, mais ô combien moins importants. Ce texte apparaît pourtant comme un nouvel élan, une réponse ambitieuse et concrète, et fait de la France un véritable exemple en la matière.

Cette loi promet une vision nouvelle de la biodiversité en soutenant les économies vertes et bleues créatrices d'emplois. Parmi les grandes avancées du texte figure la création de l'Agence française pour la biodiversité qui devient l'opérateur central dédié à la biodiversité, outil d'expertise et de pilotage unique. Cette agence sera mue par une volonté de concertation et de coopération pour une participation active et concrète de l'ensemble des acteurs.

Votre avis évoque à plusieurs reprises cette agence qui se verra confier des missions de structuration des métiers, de l'emploi, des qualifications et certifications, en vue de l'insertion de la biodiversité. Pouvez-vous préciser à nouveau le rôle de l'AFB sur ce sujet ? En quoi pourra-t-elle participer à la dynamique de transition écologique ? De quels moyens devra-t-elle disposer pour mener à bien ses missions ?

Votre avis mentionne les emplois liés à la connaissance, à la protection de la biodiversité et à la gestion d'espaces naturels, et ceux appartenant à d'autres secteurs d'activité qui intègrent dans leur stratégie et leurs pratiques des fonctions et connaissances issues de la biodiversité. Pensez-vous en définitive que tout emploi, quel qu'il soit, puisse entrer dans cette seconde catégorie ?

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Lors du sommet de la Terre à Rio, en 1992, plusieurs conventions ont été signées, dont une sur le changement climatique et une autre sur la biodiversité. Force est de constater que, depuis vingt-cinq ans, ce qui a avancé c'est la prise de conscience sur le changement climatique bien plus que sur la biodiversité. Il n'est pas étonnant que cette loi ait été promulguée dans un total désintérêt médiatique, car les médias reflètent la prise de conscience de toute une société.

Aujourd'hui, il y a un quasi-consensus sur le changement climatique et la nécessité d'agir, même si les moyens d'action ne sont pas à la hauteur des objectifs et des politiques mises en place, alors que la biodiversité reste un sujet polémique. Vous avez vous-même indiqué, monsieur Allain Bougrain-Dubourg, que l'avis du CESE sur la biodiversité n'avait pas été adopté à l'unanimité, la FNSEA s'y étant opposée. Ce sont les agriculteurs qui expriment les plus grandes résistances, alors qu'ils sont les premières victimes de la perte de la biodiversité. Comment sortir de cette situation ?

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Je souhaiterais revenir sur le lien entre justice climatique et égalité entre les femmes et les hommes. À cet égard, la COP21 a été un catalyseur formidable qui a permis d'imposer cette problématique dans nos politiques climatiques et environnementales et de dégager une grille de lecture pertinente.

Une lecture des conséquences du réchauffement climatique fondée sur le genre permet de révéler que les femmes représentent 70 % des populations considérées comme pauvres, que, assumant majoritairement les tâches domestiques en ayant un moindre accès aux ressources, à la terre, au crédit, elles sont les premières touchées par la désertification ou les inondations, et qu'elles subissent encore plus durement les mouvements de migration des réfugiés du climat.

L'avis du CESE recommande la généralisation de l'usage de données désagrégées femmes-hommes dans nos documents d'analyse, comme le font certaines ONG, pour pouvoir prendre en compte les vulnérabilités de chaque sexe dans les différents contextes économiques, sociaux et culturels en cas de catastrophe. Cela permettrait une meilleure représentation des femmes dans la prise de décision. Bien entendu, je partage ce point de vue. Quels seraient les champs d'application concrets de telles données ? Je pense, par exemple, au monde agricole qui est de loin le plus vulnérable au dérèglement climatique et qui, par ailleurs, se féminise. Quels autres exemples concrets pourriez-vous nous donner ?

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Comme M. Jean-Paul Chanteguet, je trouve que l'on devrait s'appuyer davantage sur les rapports du CESE qui sont toujours de qualité, quel que soit le sujet.

Nombre de questions pertinentes ont été posées par les membres de la commission, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, en ce qui concerne les logements mal isolés, qui sont de véritables passoires thermiques et aggravent les inégalités en zone urbaine comme en zone rurale, et sur les réticences de certains syndicats agricoles, alors que les agriculteurs sont les premiers touchés par les cancers liés à l'utilisation des pesticides.

Monsieur Allain Bougrain-Dubourg, vous avez montré votre colère à propos du décalage qu'il y a entre la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et cette incompréhension, ces inactions. Comment peut-on expliquer ces blocages de la part des lobbies, et leur impact que nous avons tous ressenti jusque dans l'hémicycle lors de l'examen du projet de loi sur la biodiversité ? Il est important de savoir comment y résister et comment on peut faire notre travail de politiques.

Le mouvement Villes en transition a pris le contre-pied des lois et des grands traités internationaux tels que l'accord de Paris. Aujourd'hui, dans le monde entier, des communes décident de se prendre en main et s'engagent avec d'autres pour lutter contre les injustices climatiques et le réchauffement. Permettez-moi de citer les propos de Rob Hopkins, responsable des Villes en transition, qui déclarait, dans Sacré village, documentaire de Marie-Monique Robin consacré à Ungersheim, cette commune qui est un modèle pour ceux qui veulent savoir ce que l'on peut faire concrètement au plan local : « Quelque chose d'extraordinaire et d'historique a déjà eu lieu et notre message aux Obama, Cameron et Merkel de ce monde est que cela a déjà eu lieu sans eux. Ils ont besoin de nous soutenir et de favoriser ce mouvement, mais, même s'ils ne font rien, cela continuera de croître parce que c'est l'avenir. »

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Allain Bougrain-Dubourg, rapporteur au nom de la section de l'environnement du CESE

Si, en France, la prise de conscience en matière de dérèglement climatique existe bien – notre pays a été admirable en portant la COP21 –, nous sommes un peu en retrait en matière de biodiversité. Pourquoi un tel décalage, me demandez-vous ? C'est que, même si l'on confond parfois météorologie et climat, la question climatique offre une lisibilité des événements avec, par exemple, la multiplication des sécheresses ou des inondations, et que des réponses sont apportées par le citoyen et l'État – économies d'énergie, isolation des bâtiments, covoiturage, lutte contre les gaz à effet de serre… S'agissant du climat, les problèmes sont donc identifiés, et des solutions sont mises en place. Ce n'est pas le cas pour la biodiversité. Le fait que l'outarde canepetière, le vison d'Europe, ou la tortue d'Hermann disparaissent nous laisse complètement indifférents. Même si nous n'en savons rien, nous croyons que nous pouvons parfaitement vivre sans ces espèces. Nous n'identifions donc pas vraiment les problèmes, et nous n'avons pas davantage de réponses pour sauver la biodiversité.

Je rends souvent hommage à Jean Jouzel, qui s'attache à ce que la biodiversité ne soit pas exclue de la grande réflexion sur le climat. Lors de la COP21, la France a considéré que la question du climat ne pouvait pas être traitée sans intégrer celle de la biodiversité.

Des questions ont été posées sur l'Agence française pour la biodiversité. Nous sommes, pour l'instant, dans l'incapacité de vous répondre. Nous devons prochainement rencontrer le préfigurateur. À ce stade, nous savons que cette agence disposera d'argent – même si nous ne savons pas d'où il vient –, et que son action se déclinera au travers de celle des agences régionales pour la biodiversité. Certaines des structures existantes, comme l'Écopôle de la région Centre, deviendront peut-être des agences régionales ; d'autres, comme Natureparif, pour l'Île-de-France, garderont leur forme actuelle. À titre personnel, je regrette la grande disparité que l'on peut constater entre les agences régionales – elle résulte souvent de la volonté d'intégrer toutes les sensibilités présentes. À mon sens, l'État devrait établir un cadre afin d'éviter que chaque entité ne se laisse finalement aller à préférer l'inaction. La création de ces agences générera en tout cas un dialogue entre l'État et les régions, ce qui favorisera l'usage rationnel des budgets.

Nous avons aussi été interrogés sur la façon dont il serait possible de s'abstraire des lobbies. Je crains qu'il ne nous revienne pas de vous donner des conseils en la matière, même s'il est vrai que des pressions s'exercent aussi dans la « cathédrale du dialogue » qu'est le CESE. Vous vivez avec les lobbies au quotidien ; vous êtes mieux à même que nous d'expliquer leur existence. J'ai le sentiment qu'ils sont motivés par une peur souvent légitime. Nous nous livrons par exemple à des parties de bras de fer avec les agriculteurs ou avec les chasseurs, malgré notre volonté de faire de la pédagogie, démarche fréquemment vouée à l'échec. Je peux comprendre que les chasseurs aient peur lorsque nous nous battons pour faire cesser le braconnage des ortolans, ou pour imposer le respect des règles relatives à la protection de certaines espèces fragiles. Ils réagissent en affirmant : « Après cela, ils voudront tout nous interdire ! » Les agriculteurs, qui étouffent déjà sous les contraintes et subissent des sanctions dramatiques sur le plan économique, peuvent avoir peur que l'Europe n'en rajoute sur le terrain environnemental. Pour mettre fin à la peur, il est nécessaire d'instaurer un dialogue et de restaurer une confiance mutuelle. À la fin du Grenelle de l'environnement, Jean-Louis Borloo nous incitait à préserver « la magie du Grenelle » ; je crains qu'elle ne se soit estompée parce que nous avons tous eu peur.

Je tiens à préciser que certains membres de la FNSEA ont voté en faveur de l'avis relatif à la contribution des emplois de la biodiversité à la transition écologique.

En Afrique, même si, globalement, elle ne donne pas de résultat, la Grande Muraille verte constitue une initiative admirable, car les questions de climat et de biodiversité ne peuvent pas être abordées dans le seul périmètre de nos propres territoires. Il faut certes les prendre pleinement en compte, mais une vision mondiale est indispensable. En la matière, il n'y a pas de frontières. Le projet pâtit en particulier d'un manque de moyens, et de la situation d'une zone confrontée à des conflits multiples, mais, localement, par exemple au Sénégal, les initiatives prises génèrent une réelle forme de solidarité entre les peuples. Sur le terrain, ils se disent que l'on flirte avec le possible, et cela vaut également au niveau de la coopération. En tout cas, l'idée est belle, à l'instar de celle de Jean-Louis Borloo de fournir de l'électricité à l'Afrique.

Monsieur Jacques Kossowski, comment passons-nous de 76 000 emplois cités dans l'avis du CESE, aux 300 000 emplois que j'ai évoqués dans mon propos liminaire ? Le premier chiffre ne prend en compte que les emplois directs, contrairement au second qui comptabilise aussi les très nombreux emplois indirects, comme ceux des conseillers agricoles, ou ceux créés dans les métiers du paysage. Sachez que ce chiffre de 300 000 emplois est inférieur à celui avancé par le ministère de l'écologie !

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Jean Jouzel, rapporteur au nom de la section de l'environnement du CESE

La justice climatique est entrée dans l'accord de Paris, issu de la COP21, par la petite porte. Elle figure dans le préambule de l'accord où elle correspond davantage à une approche en termes de civilisation et de culture qu'à un véritable concept opérationnel.

La judiciarisation des actions commence à se mettre en place, mais ce n'est pas le sujet principal abordé par notre avis. Le risque d'accroissement des inégalités est en revanche au coeur de notre travail. Je le dis souvent, la première conséquence du réchauffement climatique est de réduire le nombre d'endroits où il fait bon vivre, et il est clair que certains trouveront toujours ces endroits alors que cela sera moins facile pour d'autres.

Où que l'on regarde, le droit à la santé, l'accès à l'eau et à certaines ressources, la sécurité alimentaire constituent des droits essentiels qui posent cependant de façon exacerbée des problèmes au regard du réchauffement climatique ou du recul de la biodiversité.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué l'Afrique. Si le développement du continent n'est pas fondé sur celui des énergies renouvelables, nous ne parviendrons pas à gagner la bataille contre le réchauffement climatique.

S'agissant de la montée du niveau de la mer qui risque d'affecter certains pays, l'avis émet une recommandation ainsi rédigée : « Le CESE recommande par ailleurs que la France demande au Conseil de sécurité, en application de l'article 96 de la Charte des Nations Unies, de saisir la Cour internationale de justice d'une demande d'avis consultatif sur l'avenir juridique des États menacés de disparition du fait des changements climatiques. »

Notre avis concerne principalement la France, même s'il comporte un volet relatif aux problèmes internationaux. En matière de financement, précisément, il semble important qu'une taxe carbone se mette en place au niveau mondial. Par ailleurs, 100 milliards de dollars sont promis par les pays développés aux pays en voie de développement pour les aider à lutter contre le réchauffement climatique et à s'adapter. Il est essentiel que ce montant soit véritablement dégagé et qu'il ne se confonde pas avec ceux consacrés à l'aide au développement. Il faut assurer l'additivité des financements et éviter absolument le déplacement très facile des sommes d'un chapitre à l'autre.

Les fonds en question sont publics, mais aussi privés. Leur gouvernance est assurée par le Fonds vert pour le climat. Ce fonds démarre lentement avec seulement six projets l'an dernier.

Le système d'alerte au niveau international, prévu lors de la conférence de Sendai, se met progressivement en place. Il s'agit d'un outil indispensable au niveau national et mondial, qui doit être renforcé pour permettre le développement des services climatiques.

Pour revenir à l'Hexagone, nous pensons qu'il faut donner plus de visibilité au PNACC avec ses déclinaisons territoriales. Ce plan doit assurer l'indispensable cohérence des diverses actions menées en matière de climat.

L'avis traite de façon assez détaillée de l'outre-mer qui connaît des problèmes spécifiques.

Je regrette que certains membres de la FNSEA aient voté contre notre avis. Cette position me touche d'autant plus que je suis personnellement très proche du secteur agricole – mon frère est aujourd'hui encore dans la ferme familiale. Je sais bien les difficultés rencontrées ; elles ne justifient cependant pas de voter contre la justice climatique.

L'avis traite de l'habitat spontané, de l'amélioration des logements, mais aussi du confort d'été qui ne doit pas être oublié dans un contexte de réchauffement climatique et de développement des canicules

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Agnès Michelot, rapporteure au nom de la section de l'environnement du CESE

Plusieurs principes ont guidé nos travaux. Nous nous sommes fondés sur le principe de non-régression du droit de l'environnement, et sur le principe de solidarité écologique, tous deux issus de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, mais aussi sur d'autres principes plus classiques du droit de l'environnement, comme le principe de prévention ou le principe de précaution.

Nous n'avons fait qu'entériner au niveau national le principe de non-régression, déjà bien connu dans le droit international et européen, et dans d'autres systèmes juridiques. L'apport de ce principe en termes de justice climatique peut jouer dans trois champs d'action.

En matière d'urbanisme, d'abord, assurer un développement conforme à la justice climatique signifie que l'on tient compte des plus démunis et des risques d'exposition. Cependant, à ce jour, ces critères ne sont pas du tout pris en considération. Le principe de non-régression peut être utile parce que la protection de l'environnement participe de celle des écosystèmes, et qu'elle vise tout ce qui peut permettre à l'homme de vivre dans un environnement sain et durable. La prise en compte de ce principe doit constituer une priorité lors des choix majeurs qui mettent en jeu l'intérêt général – dont la protection des plus démunis est l'une des composantes.

Ce principe pourrait d'ores et déjà justifier des actions en justice, car nous sommes aujourd'hui en pleine régression alors que les conflits entre droit de l'urbanisme et droit de l'environnement se multiplient – cet aspect n'a toutefois pas constitué un volet majeur de notre travail. Il faut simplement reconnaître que les conflits existent, et que le droit de l'environnement est protecteur de l'intérêt général : il joue en faveur de la justice climatique et il protège les plus exposés aux risques climatiques. Il peut donc avoir très rapidement un rôle à jouer en matière de politique d'urbanisme.

Ce principe peut ensuite jouer en cas de risques climatiques, qu'ils soient extrêmes ou non. Il permet de protéger les lieux de vie dans l'intérêt des populations : en zone littorale surexposée aux risques climatiques, il joue en faveur des populations, car le droit de l'environnement protège le cadre de vie des humains. Le principe de non-régression du droit de l'environnement s'applique de façon directe, en termes de prévention et de précaution, au champ des risques qui mettent en jeu la sécurité civile.

Enfin, le principe de non-régression joue en matière de biodiversité. La protection des écosystèmes implique un certain nombre de flux et une gestion du territoire particulière. Le principe de non-régression s'articule parfaitement avec le principe de solidarité écologique.

Ce dernier principe, franco-français – on ne le trouve nulle part ailleurs –, est issu de la loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux. Il comporte deux volets potentiels relatifs, d'une part, à la solidarité territoriale, et, d'autre part, à une solidarité plus humaine et sociale. Le premier axe est privilégié par la loi pour la reconquête de la biodiversité, ce qui n'est déjà pas si mal. Cela permet d'envisager la justice climatique de manière cohérente dans le PNACC, dans les plans de santé publique ou d'aménagement. Ce principe nous renvoie donc à des réalités territoriales qui prendront en compte les objectifs de justice climatique.

Monsieur Jean-Pierre Vigier, je vous garantis que notre approche de la justice climatique est fondée sur des travaux préparatoires très soignés. Nous sommes sortis des débats philosophiques, au cours desquels s'affrontent de nombreux courants de pensée, pour privilégier une approche en termes de stratégie d'action, d'efficacité opérationnelle et de protection de l'intérêt général et des plus démunis.

Madame Marie Le Vern, la problématique de l'égalité entre les hommes et les femmes peut être envisagée sous l'angle du droit des citoyens à l'égalité aussi bien dans l'accès à certains services que dans la protection contre la surexposition aux risques climatiques. Il est vrai que la situation sociale et économique des femmes leur donne moins de possibilités d'adaptation, par exemple en matière de transformation d'emploi. Nous disposons de peu de données sur ces sujets. La recherche constitue l'un des piliers de la justice climatique, car seule la connaissance précise des situations permet de prendre des décisions adéquates. La problématique fondamentale de l'égalité entre les hommes et les femmes peut également se poser sous l'angle des secteurs d'activité.

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Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement du Conseil économique, social et environnemental

Les deux sujets dont nous avons traité arrivent au bon moment. Comment avancer en la matière, et comment dépasser les forts blocages que nous avons tous constatés ?

Le CESE et l'Assemblée nationale constituent deux assemblées très complémentaires, vos questions le montrent bien. Nous avons espoir de voir que vous vous saisissiez de nos recommandations, car, dans le rôle qui est le vôtre, vous pouvez leur faire faire un chemin sur lequel le CESE, qui n'est qu'une assemblée de conseil, ne peut pas les mener. Nous prenons néanmoins toute notre part aux efforts nécessaires. J'ai par exemple porté l'idée, lors de la Conférence environnementale, que le principe de justice climatique devait désormais permettre d'orienter le processus de renouvellement du PNACC. Je vous invite d'ailleurs à assurer un suivi de cette Conférence et du processus qui doit se mettre en place, car, à ce jour, il n'a pas évolué, et il ne prévoit rien en la matière.

Dans le cadre de la préparation de la COP22, nous rencontrons aujourd'hui l'équipe de négociation pour défendre un projet visant à réunir, pour une journée entière, les conseils économiques et sociaux francophones et européens. Nous travaillons à la mobilisation de la société civile organisée afin que les avis, souvent convergents, soient présentés en commun, ce qui renforcerait leur portée.

Nous avons cosigné deux tribunes dans la presse avec les rapporteurs : l'une relative à la justice climatique dans La Croix, et, l'autre, hier, dans le Huffington Post. Cette dernière publication était également signée par le groupe des entreprises du CESE, et par le groupe CFDT, preuve de l'alliance possible de plusieurs groupes s'agissant des enjeux de l'emploi et de la biodiversité.

Nous aurons des rendez-vous à l'Élysée, à Matignon, au ministère de l'écologie, au ministère de l'enseignement supérieur, à celui de l'éducation nationale. Nous portons notre avis pour le faire connaître.

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) et l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) organisent une journée consacrée au rôle du GIEC et de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Nombre de nos avis, au-delà de ceux que nous vous présentons aujourd'hui, militent pour qu'un lien soit établi entre GIEC et IPBES, c'est-à-dire entre la question de la biodiversité et celle du climat, ce qui n'avait rien d'évident à l'origine.

Quels que soient les sujets abordés, ils donnent lieu à de très longs débats au sein de la section de l'environnement du CESE. Ne pensez pas que les recommandations que nous produisons soient le résultat d'une sorte de « consensus mou » ! Ce n'est pas du tout le cas : nous discutons à la virgule et au mot près. Chaque acteur a la possibilité d'amender chacun des termes que nous adoptons. Dans ce contexte, comment expliquer que ceux qui sont les plus touchés soient ceux qui opposent le plus de résistance ? Sans stigmatiser personne, je constate que les groupes qui émettent un vote défavorable sont ceux qui sont les moins impliqués dans le débat : ils n'ont pas fait de proposition écrite, ils sont les moins présents… Il faut que tous acceptent de faire des propositions et des contributions.

Le CESE est un lieu de dialogue où l'on peut dépasser les intérêts particuliers, mais il faut que tous les groupes participent au débat, qu'ils acceptent de remettre leurs convictions en question. Lorsque ce n'est pas le cas, et que le groupe en question vote contre un avis ou s'abstient, nous ne savons même pas pourquoi il le fait, car nous n'avons partagé aucun débat. Les groupes concernés s'isolent ainsi du reste de la société. Cette attitude est néfaste pour le débat, pour le fonctionnement du CESE, et pour le fonctionnement de la démocratie. Je souhaite que chacun accepte de rentrer dans l'arène du débat avec l'esprit ouvert afin de faire bouger un peu les lignes.

À mon sens, il faut également clarifier notre relation à la régulation, car, en la matière, nous exprimons à la fois une demande et un refus. Il n'est pas possible de demander en même temps une simplification des normes et un fort appui de l'État. Si nous voulons mettre en avant des recommandations qui nous tiennent à coeur, elles doivent d'abord être claires et cohérentes.

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Mesdames, messieurs, nous vous remercions tous vivement.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 12 octobre 2016 à 9 h 45

Présents. - Mme Laurence Abeille, M. Yves Albarello, M. Julien Aubert, M. Guy Bailliart, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, Mme Marine Brenier, Mme Sabine Buis, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Luc Chatel, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Alain Leboeuf, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Franck Marlin, M. Gérard Menuel, M. Yves Nicolin, M. Rémi Pauvros, M. Philippe Plisson, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, Mme Béatrice Santais, Mme Suzanne Tallard, M. Thomas Thévenoud, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - Mme Sylviane Alaux, M. Serge Bardy, Mme Chantal Berthelot, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Florence Delaunay, M. Julien Dive, M. David Douillet, M. Christian Jacob, Mme Viviane Le Dissez, M. Bertrand Pancher, M. Napole Polutélé, Mme Catherine Quéré, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Gabriel Serville

Assistait également à la réunion. - Mme Isabelle Attard