Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - défense nationale

Réunion du 3 novembre 2016 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • contentieux
  • culte
  • propagande électorale
  • préfecture
  • électorale

La réunion

Source

commission élargie

(Application de l'article 120 du Règlement)

Jeudi 3 novembre 2016

Présidence de M. Gilles Carrez, président de la commission des finances et de M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente.

projet de loi de finances pour 2017

Administration générale et territoriale de l'État

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Monsieur le secrétaire d'État chargé du budget et des comptes publics, je suis heureux de vous accueillir.

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Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics

Le ministre de l'intérieur, que je remplace aujourd'hui auprès de vous, vous prie de l'excuser : il est en déplacement avec le Président de la République.

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sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

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Si je devais caractériser la programmation des crédits et des emplois que nous propose le Gouvernement pour 2017, je dirais qu'elle forme un budget à la fois important et cohérent dans un contexte pour le moins difficile.

Chacun le sait, le ministère de l'intérieur se doit aujourd'hui de relever une multitude des défis, qui touchent à l'exercice de l'ensemble de ses prérogatives. Évidemment, il lui incombe en premier lieu d'assurer la sécurité de nos compatriotes face à la menace sourde et renouvelée du terrorisme. La mission « Administration générale et territoriale de l'État » y prend sa part qui, dans le cadre du plan de lutte contre la radicalisation, assure le financement de deux mesures de nature à favoriser l'émergence d'un islam de France : d'une part, le développement du réseau des établissements qui délivrent les diplômes universitaires de formation civile et civique, destinée aux imams de France et aux responsables du culte musulman, à hauteur de 0,8 million d'euros ; d'autre part, le soutien apporté à la recherche universitaire consacrée à l'islamologie et à l'islam de France, à hauteur de 0,3 million d'euros.

Mais, en second lieu et surtout, il appartient au ministère de l'intérieur de répondre à une exigence permanente et fondamentale de notre contrat social : celle de garantir la présence de l'État sur l'ensemble du territoire national. En juin 2015, vous avez lancé, monsieur le secrétaire d'État, le plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG), qui vise à adapter au mieux les ressources affectées au réseau préfectoral aux besoins de nos concitoyens et des collectivités en recentrant les préfectures sur l'accomplissement de quatre missions jugées prioritaires : la lutte contre la fraude documentaire et la rationalisation de la délivrance des titres ; la gestion locale des crises ; l'efficacité de la coordination territoriale des politiques publiques ; le renforcement de l'expertise juridique et du contrôle de légalité.

Après la définition, en 2015 et au premier semestre 2016, des modalités concrètes de cette réorganisation, le ministère s'engage en 2017 dans la mise en oeuvre de ce plan. Cette action se matérialise déjà par la mise en place progressive des centres d'expertise et de ressource des titres (CERT), plateformes interrégionales chargées de l'instruction des demandes de titres, c'est-à-dire les cartes nationales d'identité, les passeports, le permis de conduire. Du point de vue du contrôle de légalité, on signalera le renforcement du Pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité et la mise en place prochaine de pôles juridiques spécialisés que les préfectures pourront solliciter dans l'exercice du contrôle de légalité.

Au-delà des tâches qui lui incombent, le réseau préfectoral est également appelé à se renouveler dans son implantation, compte tenu des réalités nouvelles de la décentralisation. Depuis le 1er janvier 2016, la France métropolitaine compte treize régions, parfois très grandes, telle l'Aquitaine ; sept sont issues de regroupements. La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014, puis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015, ont conforté les collectivités territoriales dans leurs domaines de compétences respectifs et ouvert de nouveaux champs de coopération avec l'État. Il en résulte notamment, pour le réseau préfectoral, le besoin de redéfinir son positionnement, ainsi que l'agencement des rapports hiérarchiques et fonctionnels entre ces différents échelons.

Cette vaste réorganisation ne va pas de soi et nous ne saurions ignorer les inquiétudes ou les difficultés que nous signalent les acteurs sur le terrain. Pour autant, elle est nécessaire.

Je parlais tout à l'heure d'un budget important et cohérent. De fait, la première caractéristique de la programmation des crédits pour 2017 réside dans une certaine atténuation de la contribution qu'avaient pu apporter certains de ses programmes à la maîtrise des dépenses publiques. En incluant le montant prévisionnel des fonds de concours et des attributions de produits, le projet de loi de finances initiale pour 2017 propose de consacrer, à l'ensemble de ces actions, la somme de 2,980 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2,997 milliards en crédits de paiement (CP). Ces montants représentent une très forte hausse du financement de 17,42 % en AE et de 17,59 % en CP. Cette croissance des crédits présente, il est vrai, une dimension assez conjoncturelle, car, pour une part non négligeable, elle procède de la nécessité de pourvoir, en 2017, aux dépenses imputables au programme 232, c'est-à-dire aux besoins inhérents à l'organisation des scrutins électoraux. Il convient également de prendre en considération l'impact d'une mesure de périmètre : en l'occurrence, le transfert au programme 216 des ressources attachées au Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), avec une dotation de 80,42 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017.

Toutefois, nonobstant les évolutions de son périmètre et les fluctuations inhérentes au calendrier électoral, la mission dispose de crédits d'un montant supérieur à ceux inscrits dans la loi de finances initiale pour 2016, comme dans celle de 2012. Sur le plan des effectifs, et de manière très pragmatique, les schémas d'emploi des programmes demeurent. Ainsi, pour ce même programme, le projet de loi de finances pour 2017 propose de porter le plafond des emplois autorisés, à 26 346 équivalents temps plein travaillé (ETPT), contre 26 187 ETPT dans la loi de finances initiale pour 2016.

Le budget se caractérise ainsi par une hausse des crédits et une hausse des moyens.

De même, la programmation correspond aux missions prioritaires du plan « préfectures nouvelle génération ». Elle conforte les financements apportés au réseau préfectoral, avec une augmentation sensible des crédits. En ce qui concerne le programme 307, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit de mettre l'accent sur trois actions : au premier chef, l'action n° 2, « Réglementation générale, garantie de l'identité et de la nationalité et délivrance des titres », avec une hausse des crédits de 12 % ; ensuite, l'action n° 4, « Pilotage territorial des politiques gouvernementales », qui voit ses ressources croître de 8,06 % en AE et de 8,04 % en CP ; enfin, l'action n° 3, « Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales ».

Le programme 216 voit également ses crédits augmenter fortement, de 15 % en autorisations d'engagement et de 16,84 % en crédits de paiement, afin de mener à bien les chantiers de modernisation des fonctions supports.

En soi, le projet de loi de finances pour 2017 soutient une démarche cohérente et fructueuse à moyen terme. C'est la raison pour laquelle j'appelle mes collègues à voter en faveur de l'adoption des crédits de la mission.

Je souhaite cependant poser quatre questions à M. le secrétaire d'État.

En dehors des communications destinées aux commissions compétentes des Assemblées, ne serait-il pas souhaitable que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les objectifs, les moyens et le degré d'avancement du PPNG ?

Pourriez-vous préciser la politique de formation déployée par le ministère de l'intérieur afin de permettre les changements d'affectations des personnels et le recentrage des préfectures sur leurs missions prioritaires ?

Pourriez-vous préciser ce qu'implique la dématérialisation de la propagande électorale pour les élections présidentielle et législatives que le Gouvernement propose au parlement avec l'article 52 du projet de loi de finances ?

Enfin, pourriez-vous préciser les modalités et le calendrier de la réforme de la carte des cantons annoncée le mois dernier ?

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En tant que rapporteur pour avis des programmes « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », je me suis particulièrement penché cette année sur les dépenses de contentieux du ministère de l'intérieur,qui ont récemment fait l'objet de travaux d'évaluation par l'inspection générale de l'administration (IGA), puis d'un plan d'action validé par le secrétariat général du ministère.

Très diverses, les dépenses de contentieux peuvent résulter d'une condamnation juridictionnelle, d'un règlement négocié à l'amiable ou de frais d'honoraires d'avocats, d'experts et d'auxiliaires de justice sollicités pour assister l'État dans le cadre d'un contentieux opposant ce dernier à un tiers. Ces dépenses, lorsqu'elles relèvent du ministère de l'intérieur, sont portées par l'action « Affaires juridiques et contentieuses » du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Cinq types de litigessont plus particulièrement concernés : refus de concours de la force publique ; contentieux des étrangers ; protection fonctionnelle des fonctionnaires ; dépenses d'indemnisation liées aux accidents de la circulation ; indemnisations liées aux attroupements.

En dépit d'une volonté d'« amélioration de la prévision et du pilotage des dépenses de contentieux », selon les termes du projet annuel de performance, la tradition de sous-budgétisation des crédits destinés à couvrir le coût du contentieux ne semble pas se démentir : pour 2017, 55 millions d'eurossont prévus à ce titre sur l'action « Affaires juridiques et contentieuses », à comparer aux 63,3 millions d'euros votés en loi de finances, au titre de 2015, pour des dépenses effectives de 97,9 millions d'euros.

Cela m'amène à une première série de questions, monsieur le secrétaire d'État.

Quelles sont les perspectives de dépenses effectives pour 2016 et 2017 ? Comment remédier à cette sous-budgétisation ? Cette situation n'est-elle pas génératrice de dépenses supplémentaires, notamment avec la revalorisation des taux d'intérêt ?

Faut-il envisager un rebasage des crédits de contentieux ? L'inspection générale de l'administration l'avait expressément écarté dans son rapport de 2013, mais il semble que le responsable du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » le demande chaque année lors des travaux de construction du projet de loi de finances.

Notre pays a connu au second semestre 2015 et durant le premier semestre de l'année 2016 beaucoup de débordements violents : manifestations d'agriculteurs, manifestations liées au barrage de Sivens ou à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui ont entraîné de nombreux dégâts, manifestations contre le projet de la loi « travail »… À rebours de ces événements, les indemnisations liées aux attroupements sont stables, avec une dotation de 1,25 million d'euros, pour un tendanciel évalué à 2 millions. Comment expliquer que les indemnisations soient demeurées si faibles en dépit des dégâts que chacun a en mémoire ? Y a-t-il eu un durcissement dans les conditions d'engagement de la responsabilité sans faute de l'État ? Comment sont indemnisés les commerçants ou les professionnels dont l'activité a été paralysée, ou les installations dégradées ?

J'en viens aux réformes récemment mises en oeuvre. Au terme de trois années, les effets du plan d'action, élaboré en 2014 par la direction des libertés publiques et des affairesjuridiques(DLPAJ) du ministère, sur la base des recommandations de la mission de l'IGA, n'ont pas permis de compenser complètement l'insuffisance budgétaire en matière de dépenses de contentieux. Grâce à ces efforts, il a toutefois été possible de diminuer significativement le socle des dépenses récurrentes. Une expérimentation a ainsi été conduite dans deux zones de défense, Lyon et Bordeaux, afin de supprimer le recours systématique aux avocats dans le cas d'outrages simples des agents de la police nationale. Faut-il envisager une généralisation de cette mesure à l'ensemble des secrétariats généraux de l'administration de l'intérieur ?

En matière de contentieux des étrangers, les actions conduites sous l'impulsion de la DLPAJ sont essentiellement à visée préventive. Elles consistent à sécuriser les actes juridiques et à augmenter le taux d'affaires gagnées par les préfectures devant les juridictions, grâce à la mise en ligne d'une veille jurisprudentielle ou à des formations.

Où en est-on de la réorganisation, qui avait été annoncée lors des débats sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France, pour permettre la professionnalisation des agents et la mutualisation des ressources existantes ? Ne peut-on envisager un recours accru aux réservistes en vue d'améliorer la défense de l'État, pour un moindre coût ?

Dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération » ont été créés des pôles d'appui juridique, pilotés et animés par la DLPAJ, qui, à terme, doivent permettre des économies en prévenant le contentieux et en assurant une défense contentieuse optimisée. Ces pôles d'appui interviendront pour le compte de l'ensemble des préfectures souhaitant faire appel à leurs services, en conseil juridique comme en contentieux. Les deux premiers pôles d'appui seront mis en place cet automne à Dijon et à Orléans.

Quel est le calendrier de déploiement prévu pour les prochains pôles d'appui juridique ? La DLPAJ va mettre à disposition de ces pôles, des bibliothèques de paragraphes argumentés pour la défense contentieuse, voire des mémoires types, dès lors quele thème s'y prête, comme elle le pratique déjà, pour l'ensemble des préfectures, en matière de contentieux des étrangers.

Au-delà de ces évolutions bienvenues, ne faudrait-il pas mettre en oeuvre une politique systématique d'appel et de cassation afin de prévenir le développement des contentieux les plus coûteux ?

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Je rapporte le programme « Vie politique, cultuelle et associative » qui comporte en particulier les crédits consacrés aux élections. L'année 2017 sera évidemment marquée par l'organisation de trois scrutins nationaux – les législatives, les sénatoriales et la présidentielle –,mais aussi des élections territoriales dans plusieurs collectivités d'outre-mer ainsi qu'en Corse, à la suite de la fusion de la région et des deux départements, qui ne formeront plus qu'une seule collectivité.

Les moyens prévus pour l'an prochain sont donc très atypiques : 307,6 millions d'euros pour le programme, dont 229 millions d'euros pour les dépenses strictement électorales. C'est respectivement trois et dix fois plus qu'en 2016, année il est vrai dépourvue d'échéances électorales.

Ma première interrogation porte sur la dématérialisation de la propagande électorale. L'article 52 du projet de loi de finances gage une partie de ces dépenses par la suppression de l'envoi aux électeurs, par la poste et sur papier, des bulletins de vote et des professions de foi des candidats aux élections législatives. À plusieurs reprises, l'Assemblée nationale a rejeté des propositions analogues du Gouvernement concernant les élections européennes, régionales et départementales. À titre personnel, j'ai refusé de voter ces mesures, aux motifs, d'une part, que nombreux sont les électeurs qui n'ont pas accès à internet, et, d'autre part, que la proposition du ministère ne me semblait pas répondre aux besoins.

Interrogé, l'an dernier, par notre collègue Sergio Coronado sur les intentions du Gouvernement, vous ne nous aviez pas caché votre soutien à une telle dématérialisation. Cependant, vous aviez conditionné celle-ci à une concertation préalable avec la commission des lois et avec les associations d'élus locaux : à ma connaissance, ce travail n'a pas eu lieu.

J'ajoute que les économies attendues sont surestimées : l'évaluation préalable les estime à 169 millions d'euros, mais ce chiffre ne prend pas en compte les éventuels coûts supplémentaires, liés à la conception et à l'entretien du site internet ou aux campagnes de communication visant à compenser l'absence de propagande sur papier.

Enfin, je veux insister sur un dernier point d'ordre juridique : le dispositif qui nous est proposé – et que plusieurs amendements visent à supprimer – ne concerne que les élections législatives. En effet, pour les élections présidentielles, les modalités de la propagande sont fixées par décret, ce qui laisse une grande liberté au pouvoir réglementaire.

Par conséquent, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous en dire plus sur les intentions du Gouvernement en vue de l'élection présidentielle de 2017 ? Dans l'hypothèse où l'article 52 serait supprimé, la dématérialisation de la propagande électorale serait-elle tout de même mise en oeuvre pour ce scrutin ? C'est ce que souhaitent nombre de collègues.

J'en viens au thème auquel je me suis intéressé cette année dans mon avis budgétaire : le financement public des cultes. Notre ordre juridique admet effectivement sept régimes cultuels différents, auxquels la loi du 9 décembre 1905 ne s'applique pas nécessairement. Sans esprit de polémique, il m'a semblé utile d'interroger, au-delà des modalités d'exercice des cultes en Alsace-Moselle ou dans les outre-mer, le rôle de la puissance publique dans l'organisation des principales religions de France.

Ma deuxième interrogation porte sur les canaux multiples du financement public des cultes. Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » finance en effet plusieurs types de dépenses liées aux cultes : les crédits dits de « subventions aux cultes » – il s'agit de dépenses d'intervention destinées d'une part aux communes pour la réalisation des travaux sur les édifices cultuels et, d'autre part, aux cultes catholique, protestant et israélite pour leurs frais d'administration – ; les crédits destinés à l'immobilier des cultes – ce sont des crédits d'investissement destinés à financer les travaux relevant de la responsabilité de l'État, propriétaire des quatre implantations cultuelles : grands séminaires et palais épiscopaux de Metz et Strasbourg. Dans ces deux cas, les crédits sont destinés aux départements concordataires d'Alsace et de Moselle.

Le programme comprend également les crédits du plan de lutte antiterroriste : cette enveloppe est consacrée au financement de diplômes universitaires et de recherches en islamologie sur l'ensemble du territoire national.

Plusieurs autres programmes contribuent également à financer les cultes au travers des dépenses de rémunération des ministres du culte en Alsace-Moselle et des aumôniers militaires, pénitentiaires ou hospitaliers sur l'ensemble du territoire, sur les missions « Défense », « Justice » et « Santé ». Enfin, des mécanismes dérogatoires d'exonération ou d'exemption fiscale participent aussi d'un effort financier important. Compte tenu de la diversité des financements mis en jeu et de la multiplicité des régimes juridiques applicables, l'effort financier de l'État en faveur des cultes ne devrait-il pas faire l'objet d'une annexe budgétaire spécifique – par exemple sous la forme d'un jaune ?

Ma troisième interrogation porte sur la formation des ministres du culte musulman. Confronté à la multiplication d'imams autoproclamés et, plus généralement, à l'hétérogénéité des formations et des compétences des animateurs du culte musulman, le ministère de l'intérieur participe depuis 2008 au financement de diplômes universitaires sur le fait religieux et la laïcité.

Ces formations universitaires sont ouvertes à un large public : agents publics, personnels des cultes, étudiants, représentants de la société civile. À l'occasion des auditions, j'ai entendu des retours d'expérience globalement positifs. Plusieurs difficultés ont cependant été portées à mon attention : la maîtrise insuffisante de la langue française par certains étudiants, impliquant des abandons, l'attractivité limitée de ces formations sur les imams autoproclamés en marge des instances représentatives de l'islam en France, ou la mobilité géographique de certains imams.

Comment le Gouvernement envisage-t-il le développement de cesformations universitaires ? Comment, en particulier, davantage attirer les imams autoproclamés ? Jusqu'où la puissance publique peut-elle s'investir dans la formation de ministres du culte ?

Le financement des édifices du culte musulman constitue ma quatrième interrogation. Eu égard à leur régime fiscal et patrimonial, la création de fondations peut constituer un outil adapté au financement des lieux de culte. Une fondation pour les oeuvres de l'islam de France (FOIF) a ainsi été créée par décret du 31 mai 2005 et reconnue comme établissement d'utilité publique le 25 juillet 2005, afin d'améliorer les conditions d'exercice du culte des musulmans français. Sa principale mission était la construction et la gestion des lieux de culte musulmans, en accord avec les maires des communes concernées.

On le sait, cette tentative s'est soldée par un échec. Interrogé en 2010 quant à la pérennisation de la FOIF, le gouvernement de l'époque avait reconnu que les associations musulmanes n'avaient pas entendu faire de la Fondation « le vecteur privilégié de leur action ».

M. le ministre de l'intérieur avait annoncé une réflexion sur une nouvelle structure lors de la première réunion de l'instance de dialogue avec l'islam ; un haut fonctionnaire avait d'ailleurs été nommé directeur de projet chargé de la préfiguration d'une fondation de l'islam de France.

Où en est-ce projet ? Pouvez-vous nous dire comment vous envisagez la construction de ces lieux de culte ?

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Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics

Avant de répondre aux questions des rapporteurs, je voudrais dresser moi aussi un rapide portrait de la mission telle que proposée par ce projet de loi de finances. Dans le champ de cette mission, ce projet de loi de finances propose deux réformes structurelles de l'action de l'État. Je connais l'attachement de tous au caractère structurel des réformes que nous menons et cette mission en donne deux bons exemples.

C'est d'abord le plan « préfectures nouvelle génération », qui est une réforme majeure pour la modernisation des préfectures. Après plusieurs reports, il entre enfin dans sa phase opérationnelle de mise en oeuvre, puisque le premier centre d'expertise et de ressources des titres sera lancé dans quelques jours à la préfecture des Yvelines. Ce plan vise à adapter les missions du réseau des préfectures, en particulier en matière de production et de délivrance des titres. En allégeant certaines de leurs missions, il doit permettre de renforcer leurs quatre missions prioritaires : la lutte contre la fraude, précisément en matière de titres ; le contrôle de légalité et la fonction juridique ; la sécurité et la gestion locale des crises ; enfin, l'animation interministérielle des politiques locales, et en particulier l'ingénierie territoriale, qui doit permettre de mieux accompagner les projets portés par les élus locaux sur le territoire. L'objectif de ce plan est donc de concentrer les moyens sur les missions prioritaires de l'État : c'est bien là une réforme structurelle de l'action publique.

L'année 2017 sera également marquée par l'organisation de trois élections majeures, présidentielle, législatives et sénatoriales pour la moitié des représentants. Pour la troisième fois dans cette législature, le Gouvernement vous propose de mettre en oeuvre la dématérialisation de la propagande électorale : je sais que, cette année, les réticences ne sont pas moindres que les années précédentes, et je voudrais m'y arrêter un instant. Je ne suis pas certain de tous vous convaincre, mais je crois utile de rappeler les raisons pour lesquelles le Gouvernement est aussi insistant sur cette réforme.

Il s'agit de substituer à l'envoi des circulaires des candidats leur mise en ligne sur un site internet public. D'un point de vue budgétaire, cette réforme permettrait de mieux maîtriser les coûts liés à l'organisation des élections avec une économie attendue de 170 millions d'euros, et, pour le secrétaire d'État au budget, c'est déjà une bonne raison de tenter sa chance une troisième fois en quatre ans, en plein accord avec le ministre de l'intérieur. Mais cette réforme a aussi un impact environnemental positif, puisqu'elle éviterait de gaspiller des tonnes de papier dans des envois dont on ne mesure pas toujours complètement l'utilité. Et, en un sens, elle permet aussi un meilleur accès à l'information puisqu'elle s'accompagne d'une mise en ligne de ces informations, ce qui est souvent un accès plus pratique pour beaucoup, notamment pour les plus jeunes.

Nous avons désormais rodé nos dispositifs techniques, lors des départementales puis lors des régionales de 2015. Surtout, la consultation relative au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, réalisée en juin dernier, a bien démontré l'absence de lien entre participation électorale – elle a été forte – et dématérialisation de la propagande – elle a été totale.

Par ailleurs le Gouvernement propose d'entourer la réforme de garanties : une importante campagne de communication, la mise à disposition pour consultation, dans chaque mairie et dans chaque préfecture, d'une circulaire de chaque candidat.

Bien entendu, l'Assemblée est libre d'adopter ou de rejeter la réforme : s'il y a rejet, le manque à gagner pour l'État sera simplement compensé par des économies supplémentaires sur l'ensemble des ministères.

J'en viens plus précisément aux questions posées par les rapporteurs.

Monsieur Habib, vous avez rappelé la progression des crédits et celle des plafonds d'emplois. Je m'interroge moi-même sur l'augmentation des plafonds d'emploi en termes d'équivalents temps plein travaillé, mais aussi sur la réduction des schémas d'emplois dans un certain nombre d'actions, notamment celles relatives aux préfectures.

S'il y a bien une réduction des schémas d'emplois, qui nous fournissent une photographie en fin d'année budgétaire, il y a néanmoins une augmentation des ETPT. Ces variations sont significatives : elles représentent 500 emplois en moins grâce à la mise en oeuvre du plan « préfectures nouvelle génération ». J'avoue que, depuis plusieurs années, c'est un point discuté, de manière régulière et assez vive, entre le secrétaire d'État au budget et le ministre de l'intérieur. Le PPNG m'avait été présenté comme étant source d'importantes économies, notamment en termes d'emploi. J'ai évoqué les reports successifs, que l'on peut comprendre. Il est vrai que, en termes de schémas d'emplois, le PPNG conduira à une diminution de 500 emplois. Mais les ETPT sont calculés quant à eux en fonction des départs et des arrivées. Tandis que les premiers se font de façon uniforme et continue tout au long de l'année, les secondes ont lieu de manière groupée et parfois plus tôt, en termes de moyenne. En calculant la moyenne pondérée, nous arrivons donc au paradoxe que les emplois augmentent de 180 unités dans les plafonds d'emplois, malgré une diminution nette de 500 postes. J'ajoute que les plafonds d'emplois incluent les modifications d'emplois qui ont eu lieu en 2016, notamment relativement aux opérations de sécurité ou aux effectifs nécessaires à l'accueil des migrants. À la lecture des documents budgétaires, le résultat peut étonner.

Pour 2018, le mouvement de réduction des emplois au sein de la mission sera beaucoup plus significatif, puisqu'on observera un effet en année pleine de la diminution du schéma d'emplois intervenue en 2017.

Monsieur Habib, vous avez demandé la rédaction d'un rapport sur la mise en oeuvre du PPNG. Le Gouvernement est bien entendu à la disposition du Parlement, mais un rapport n'est peut-être pas nécessaire : les documents budgétaires et votre propre rapport constituent des sources d'information de nature à répondre aux attentes des parlementaires en la matière.

S'agissant de la formation, je tiens à préciser que, depuis le début de 2016, 2 300 agents des services des titres d'identité ou de circulation ont suivi un programme certifiant de huit modules portant sur des thématiques nécessaires à une remise à niveau et à une évolution des missions : droit public, budget, rédaction administrative, bureautique, collectivités territoriales, déontologie, etc. Cet effort inédit sera poursuivi et amplifié en 2017 avec trois types de formation : des formations pour tous les agents qui prennent de nouvelles fonctions, y compris pour l'encadrement ; des programmes de formation complets pour les agents appelés à exercer les missions prioritaires que vous avez citées ; des formations pour les nouveaux cadres A et B promus au choix ou après la réussite d'un examen professionnel, afin de leur apporter le niveau de connaissances et de compétence nécessaire à l'exercice de ces missions prioritaires.

Concernant la dématérialisation de la propagande électorale, j'ajoute, pour répondre à la question de M. Molac, que les dépenses nécessaires à la mise en oeuvre des nouveaux systèmes, notamment des sites internet, ont bien été prises en compte, à hauteur de 8 millions d'euros, dans le calcul des économies. Le montant de 170 millions d'euros que j'ai cité est donc un solde.

La réforme de la carte des arrondissements consisterait notamment à mettre en cohérence le nombre d'arrondissements avec la nouvelle carte intercommunale, en procédant le cas échéant à des fusions ou à des jumelages. Elle impliquerait en outre une rénovation des missions confiées aux sous-préfets et aux sous-préfectures. Au niveau infradépartemental, nous devons pouvoir faire évoluer la carte des arrondissements – qui n'a pas été remaniée en profondeur depuis 1926 – et les missions des sous-préfectures en fonction des attentes des usagers, en veillant à la présence et à la performance de l'État territorial, en cohérence avec les intercommunalités renforcées, qui prennent force et vigueur.

Le ministre de l'intérieur a souhaité mettre en oeuvre une démarche d'évolution du réseau des sous-préfectures. Celle-ci ne pourra résulter que d'une réflexion conduite auprès des territoires.

Une expérimentation conduite en 2014 dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin a tout d'abord permis de définir la méthodologie de rénovation de la carte : après un diagnostic complet, axé notamment sur l'accessibilité des services et les impacts des moyens humains, les préfets ont organisé une large concertation avec les élus. Plusieurs décisions ont été prises avec les décrets du 29 décembre 2014 : huit arrondissements ont été supprimés et six sous-préfectures ont été fermées, soit un tiers des arrondissements et des sous-préfectures de ces trois départements ; les limites des arrondissements ont été adaptées à celles des intercommunalités.

Le ministre de l'intérieur a décidé de déployer cette méthode de concertation sur l'ensemble du territoire, tout en l'inscrivant dans l'objectif plus large de l'amélioration de l'accessibilité des services publics. Ainsi, par instruction ministérielle du 12 février 2016, l'ensemble des préfets de département ont été sollicités afin de transmettre, après concertation avec les élus et les organisations syndicales, un projet territorial visant à réorganiser l'échelon infradépartemental de l'État à l'échéance du 1er janvier 2017. Je précise que les maisons de services au public et les maisons de l'État jouent un rôle dans le déploiement de ce dispositif.

Monsieur Zumkeller, vous avez soulevé à juste titre la question des dépenses de contentieux à la charge du ministère de l'intérieur, qui a effectivement fait l'objet d'une importante étude de l'IGA, ainsi que d'un article, hier, dans le Canard enchaîné. Vous avez évoqué une sous-budgétisation chronique ou, en tout cas, des dépenses qui sont supérieures aux crédits accordés de manière récurrente. Ainsi que vous l'avez reconnu vous-même, la mission de l'IGA a considéré que le rebasage de ces crédits ne pouvait pas être envisagé sans un réel plan d'action visant à maîtriser la dépense. La DLPAJ se dote progressivement d'instruments permettant un meilleur contrôle de la dépense dans le cadre d'un tel plan d'action, avec des indicateurs de performance, des référentiels de coût relatifs à chacune des thématiques contentieuses et l'identification des bonnes pratiques locales. Cela devrait permettre de poursuivre la maîtrise de la dépense, dont les déterminants sont stabilisés.

Les dépenses d'indemnisation liées aux attroupements ont effectivement été faibles au premier semestre 2016 en dépit des événements que vous avez signalés. Plusieurs raisons peuvent l'expliquer. S'agissant, par exemple, des événements de Sivens, l'indemnisation a fait l'objet d'un protocole : le conseil départemental du Tarn a pris en charge certaines dépenses, et différents ministères ont contribué à l'indemnisation, le ministère de l'intérieur prenant à sa charge 10 % des dommages, soit environ 200 000 euros. Quant aux dommages et aux importantes pertes de chiffre d'affaires subis par certains commerçants lors des manifestations contre le projet de loi « travail », ils sont pris en charge par d'autres mécanismes, qui associent notamment l'État – via les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) –, les collectivités territoriales et les chambres de commerce et d'industrie. Les crédits de contentieux du ministère de l'intérieur ne sont pas sollicités à ce titre.

Dans le cadre du plan d'action du ministère de l'intérieur relatif à la maîtrise des dépenses de contentieux, des analyses approfondies ont été menées pour déterminer les modes d'organisation les plus efficaces du point de vue de la qualité de la défense contentieuse et du point de vue de son coût. De ce double point de vue, le recours aux réservistes de la police nationale, que vous avez évoqué, apparaît comme un mode d'organisation pertinent. Des travaux sont actuellement menés par le ministère – la DLPAJ, la direction générale des étrangers en France (DGEF), la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN) et la direction de l'évaluation de la performance, des affaires financières et immobilières (DEPAFI) – pour examiner les modalités d'un recours accru à ces réservistes, notamment pour le traitement du contentieux des étrangers.

Les deux premiers pôles d'appui juridique, qui seront consacrés à la police administrative, sont effectivement en cours de mise en place. Composés de cinq agents, ils commenceront officiellement à fournir leurs prestations dès le 1er décembre 2016. Un appel à candidatures sera lancé prochainement afin de déterminer la localisation de six nouveaux pôles d'appui : deux pôles supplémentaires consacrés à la police administrative, deux pôles consacrés au concours de la force publique et à la responsabilité de l'État, un pôle consacré au contentieux statutaire et au droit de la fonction publique, un pôle consacré aux contrats et marchés publics. L'analyse des candidatures devra être menée avant la fin de l'année 2016 pour permettre la mise en place de ces pôles au cours du premier semestre 2017.

La DLPAJ, qui est compétente pour l'ensemble du contentieux relevant du ministère de l'intérieur, mène d'ores et déjà une importante politique d'appel et de pourvoi en cassation, afin de prévenir le développement des contentieux les plus coûteux. Les effets de cette politique pourraient être démultipliés par la mise en place des pôles d'appui juridique que je viens d'évoquer : les contentieux les plus sensibles et dont les effets budgétaires potentiels sont importants pourront être détectés plus en amont, les pôles d'appui intervenant en soutien des préfectures, que ce soit en première instance ou en appel, dans les domaines pour lesquels les préfets sont compétents en appel.

Monsieur Molac, s'agissant de la propagande électorale, il est exact que les dispositions pertinentes relèvent de la loi pour certaines élections et du règlement pour d'autres. Le débat aura lieu en séance publique, et nous verrons bien si l'article 52 du projet de loi de finances survit. Le ministre de l'intérieur aura l'occasion de faire part des conclusions qu'il en tirera en ce qui concerne cette seconde catégorie de scrutins.

S'agissant du financement des cultes, l'effort de l'État est assuré, à titre principal, à partir de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », pour un montant qui a été de l'ordre de 2,5 millions d'euros en 2016. Il faut y ajouter 56,8 millions d'euros pour l'Alsace et la Moselle. Ces montants sont certes significatifs, mais relativement moins importants que d'autres dépenses du budget de l'État. Je ne suis donc pas nécessairement favorable à l'élaboration d'un « jaune » budgétaire pour cette politique. Selon moi, les échanges que nous pouvons avoir et les travaux que vous menez en tant que rapporteur pour avis éclairent assez largement le Parlement.

En ce qui concerne la formation des ministres du culte, l'État a engagé depuis plusieurs années une politique qui consiste à offrir des formations civiles et civiques qui soient utiles non seulement aux ministres du culte de toute confession, mais aussi aux responsables d'association à objet cultuel et aux agents publics ayant à connaître des questions de laïcité. Ces formations, qui débouchent sur des diplômes universitaires, incluent des enseignements portant sur les institutions françaises, sur le droit des religions et de la laïcité, sur l'histoire et la sociologie des religions. En 2014, il existait trois de ces diplômes universitaires, à l'Institut catholique de Paris, à Lyon et à Strasbourg. À la suite d'un effort volontariste, ce nombre a été porté à quatorze à la rentrée universitaire de 2016, et il sera de vingt en 2017. En 2015, 273 étudiants se sont inscrits dans l'une de ces formations ; 35 % d'entre eux étaient des cadres religieux musulmans.

Aux termes d'un décret qui sera pris avant la fin de l'année, les nouveaux aumôniers des prisons, des hôpitaux et aux armées devront, quelle que soit leur confession, être titulaires d'un tel diplôme ou s'engager à le passer dans les deux ans qui suivront l'obtention de leur agrément. En outre, des négociations ont été engagées et menées avec des gouvernements étrangers concernés, notamment ceux de la Turquie, de l'Algérie et du Maroc, afin que les imams détachés dans les mosquées françaises s'engagent à suivre une telle formation à leur arrivée en France.

Dans un régime de laïcité, l'État ne saurait bien entendu influencer le contenu de la formation théologique des imams. Cependant, le Gouvernement a souhaité que les universités publiques renforcent leur offre d'enseignements dans le domaine de l'islamologie. Les futurs imams français pourront ainsi bénéficier d'une telle formation en complément de celle qu'ils reçoivent dans les instituts privés de théologie musulmane, au même titre que les autres étudiants intéressés par cette discipline, dans le respect des normes scientifiques de l'université française. La ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministre de l'intérieur ont confié à trois universitaires – Mme Catherine Mayeur-Jaouen, M. Rachid Benzine et Mme Mathilde Philip-Gay – la mission de formuler des propositions dans cette perspective.

La Fondation des oeuvres de l'islam de France, que vous avez mentionnée, avait été créée en 2005, mais n'avait jamais pu fonctionner en raison d'un défaut de gouvernance. Le Gouvernement a donc entrepris de dissoudre cette première fondation et de créer, sur des bases entièrement nouvelles, une Fondation de l'islam de France, reconnue d'utilité publique. Cette nouvelle fondation n'aura pas d'objet directement cultuel : elle sera appelée à soutenir ou à susciter des initiatives à caractère culturel, éducatif ou social favorisant la connaissance de l'islam et sa bonne insertion dans la société française. Le projet de décret lui accordant la reconnaissance d'utilité publique devra être examiné par le Conseil d'État dans le courant du mois de novembre, afin qu'elle puisse démarrer ses travaux avant la fin de cette année.

Le conseil d'administration de cette fondation comptera six membres de droit : trois représentants de l'État – un du ministère de l'intérieur, un du ministère de la culture et de la communication et un du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche ; le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) ; deux représentants du comité des donateurs. Ces membres de droits désigneront cinq personnalités qualifiées. Le conseil d'administration ainsi constitué élira son président en son sein. Le directeur de la fondation sera nommé par le conseil d'administration sur proposition de son président. Ces désignations interviendront lors de la première réunion du conseil d'administration, prévue au mois de décembre prochain.

La création d'une telle fondation ne saurait constituer une manifestation de méfiance à l'égard des Français de confession musulmane ni envers les responsables du culte musulman. Elle vise à leur permettre de se doter d'un outil comparable à celui dont bénéficient déjà d'autres cultes, à travers des fondations d'inspiration confessionnelle telles que la Fondation Notre Dame, la Fondation du judaïsme français ou la Fondation du protestantisme. Cette fondation n'aura pas plus qu'elles pour objet l'exercice du culte.

À rebours, la question du financement du culte musulman – construction et entretien des lieux de culte, formation théologique et rémunération des imams – sera abordée dans le cadre d'une association culturelle nationale, en cours de constitution, dans laquelle l'État n'aura bien entendu aucune part.

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Le plan « préfectures nouvelle génération » est essentiel. D'une part, nous notons une augmentation de crédits assez importante qui permettra un travail de fond sur les titres d'identité – passeports, cartes nationales d'identité, permis de conduire, etc. –, avec la mise en place des CERT et la création, évoquée hier dans l'hémicycle, du système « Titres électroniques sécurisés » (TES). D'autre part, un travail de requalification des emplois et de reconfiguration des missions a été lancé cette année, dans les préfectures et à l'administration centrale. Il prendra de l'ampleur l'année prochaine et se poursuivra encore pendant quelques années. Dans ce cadre, un effort particulier est réalisé en matière de formation des agents, dans le contexte de la réforme territoriale engagée par les lois MAPTAM et NOTRe. Ce travail est, à mon sens, nécessaire et positif. Relevons, à cet égard, un effort significatif : en 2017, les effectifs augmenteront tant à l'administration centrale – de 159 ETPT – que dans les préfectures – de 187 ETPT, avec un accent mis sur le pacte de sécurité et sur l'accueil des migrants.

S'agissant de la vie politique et cultuelle, vous venez de souligner, monsieur le secrétaire d'État, l'effort en faveur de l'islam de France, notamment en faveur des personnes qui sont chargées d'accompagner nos concitoyens musulmans dans leur religion. À cet égard, nous avons fait un choix qui n'est pas anodin : plutôt que de céder aux tendances centralisatrices en créant une grande institution nationale parisienne avec des annexes en province, nous avons décidé de nous appuyer sur le réseau des universités et de faire confiance aux forces vives et à l'intelligence locales.

En ce qui concerne la propagande électorale, un certain nombre d'entre nous au sein de cette assemblée sont attachés au support papier – je crains, monsieur le secrétaire d'État, que ce ne soit pas seulement une question d'opinion. Car ce n'est pas que du papier, c'est un lien très concret : pour avoir mené quelques campagnes électorales, je peux vous dire que la plupart des gens que nous rencontrons lorsque nous faisons du porte-à-porte nous disent avoir lu les professions de foi et en avoir retenu tel ou tel point. D'autre part, le système actuel ne me paraît pas porter atteinte à l'environnement, car ce papier peut être recyclé, voire enfoui. Rappelons que le papier, c'est du bois. Donc, avec le papier, nous stockons du dioxyde de carbone.

Je relève que le budget consacré aux opérations électorales augmentera de manière significative l'année prochaine, du fait de l'organisation de trois scrutins nationaux – l'élection présidentielle, les élections législatives et les élections sénatoriales –, mais aussi de plusieurs scrutins territoriaux – en Corse, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna. Quant au financement des partis politiques, il est stable depuis 2012, autour de 68 millions d'euros. Je salue cette modération. Ce soutien aux partis politiques peut être comparé à l'aide qui est apportée à la presse dans notre pays.

En 2016, le taux d'emploi des personnes handicapées a atteint 6,1 % au ministère de l'intérieur, ce qui est supérieur à l'objectif de 6 % fixé par la loi. Ce beau résultat est le fruit de la mobilisation du ministre, des responsables du recrutement et de l'ensemble des fonctionnaires de cette administration. Je les en remercie.

Enfin, je souligne l'effort remarquable – une augmentation des crédits de près de 20 % – consenti pour sécuriser le système d'information et de communication du ministère de l'intérieur, notamment les serveurs et les réseaux. Je crois que c'était indispensable.

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J'imagine que, lorsqu'on gère l'administration territoriale de l'État, le réseau des préfectures, qui incarne, à bien des égards, la continuité de l'État, on doit avoir le sentiment d'oeuvrer dans ce que Fernand Braudel appelait le « temps long ». Je suis le budget de ce ministère à titre personnel depuis 2012, et le fait est que je commence à trouver le temps assez long : depuis cinq ans, ce sont exactement les mêmes questions qui reviennent sur la table – réforme des préfectures, carte des arrondissements, titres d'identité électroniques –, sans qu'elles aient jamais été tranchées et sans que les choses aient beaucoup avancé, faute de choix politiques volontaires.

S'agissant de la réforme des préfectures, vos documents budgétaires nous vendent une « évolution majeure d'une ampleur inédite » : le plan « préfectures nouvelle génération ». Vous annoncez que cette réorganisation, qui ne concerne en réalité que les services de délivrance des titres et qui est mise en oeuvre depuis cette année, produira ses effets les plus significatifs en 2017 et 2018. On a envie de dire : il était temps !

Depuis 2012, vous avez tout de même procédé à de nombreuses suppressions de postes dans l'administration territoriale de l'État : en trois ans, de 2012 à 2015, vous avez supprimé près de 1 000 emplois – 814 précisément – et cette tendance va se poursuivre, puisque vous annoncez la suppression de 1 300 ETPT dans les deux ans à venir. Or il y a un problème de méthode : vous avez commencé par supprimer des postes avant de vous interroger sur la réorganisation des missions, contrairement à ce qui avait été fait dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), que vous aimez tant décrier. Cela vous fait sourire, monsieur le secrétaire d'État, mais, à l'époque, il y avait un pilotage au plus haut niveau de l'État, assuré par le directeur de cabinet du Premier ministre et le secrétaire général de l'Élysée, et l'on réfléchissait d'abord aux missions de l'État et à leur évolution avant de supprimer les postes. Il aura fallu attendre quatre ans pour que la réflexion rejoigne l'action et que vous nous proposiez enfin une solution !

En ce qui concerne la carte des sous-préfectures, nous aurons subi, là encore, cinq ans de tergiversations. Dès juillet 2012, le ministre de l'intérieur Manuel Valls avait annoncé, avec le volontarisme qu'on lui connaît, une réforme de la carte des sous-préfectures qui semblait très ambitieuse. Un rapport commandé à trois hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur et remis au ministre au printemps 2013 prévoyait la fermeture de quarante-sept sous-préfectures. Or il a été rapidement enterré et, dans la foulée, M. Valls a confié à deux préfets la mission d'expérimenter une méthode pour fermer éventuellement des sous-préfectures. Tout cela n'a, semble-t-il, pas abouti à grand-chose, puisque seules six sous-préfectures ont été supprimées. Quatre ans plus tard, M. Cazeneuve nous annonce à son tour une grande réforme de l'administration territoriale, qui, je le cite très scrupuleusement, « ne [sera] pas le grand soir des sous-préfectures » – on l'avait bien compris –, mais qui se veut néanmoins « historique », la plus importante depuis Raymond Poincaré. Nous attendons désormais de savoir très précisément ce qui va se passer, de quelle manière et selon quel calendrier. Vous nous avez en partie répondu en indiquant que tout devrait être fait avant le 1er janvier 2017, ce qui vous laisse assez peu de temps.

Au nom du groupe Les Républicains, je regrette surtout que ces cinq années n'aient pas été l'occasion d'engager au moins une réflexion sur le rôle du corps préfectoral, des préfets et des sous-préfets, en tant qu'acteurs de la simplification – on avait pourtant cru comprendre qu'il s'agissait d'un des grands chantiers du Président de la République – et du déverrouillage administratif du pays.

Il y avait traditionnellement, dans le « bleu » budgétaire, un indicateur de performance passionnant : le délai d'instruction des dossiers relatifs aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et des dossiers déposés au titre de la loi sur l'eau. Je le citais tous les ans : j'espère ne pas lui avoir porté malheur, car il a disparu ! En tout cas, les chiffres étaient effarants : la dernière fois que nous avons eu connaissance de cet indicateur, il révélait que ce délai était passé de 263 jours en 2012 à 320 jours en 2014 ! En d'autres termes, il fallait désormais presque un an pour obtenir une simple autorisation administrative. Voilà une illustration parfaite de ce que sont les blocages administratifs !

Le fait est que toutes les réformes de l'administration territoriale, y compris celles qui ont été engagées avant vous, se sont traduites par une régionalisation de l'administration, ce qui l'a éloignée des citoyens et des entrepreneurs. Il y a là un vrai problème : un droit qui se complexifie et une administration qui s'éloigne. Un des grands chantiers des années qui viennent doit être de redonner du pouvoir aux préfets et aux sous-préfets pour déverrouiller notre pays. Il faut créer les conditions d'un véritable réarmement juridique du corps préfectoral, quitte à renforcer le pouvoir discrétionnaire des préfets dans notre droit.

Je termine par quelques mots sur la carte nationale d'identité électronique. Le ministre de l'intérieur fait preuve d'une modestie qu'on ne lui connaît guère : depuis quarante-huit heures, il minimise la portée du fameux décret qui prévoit la fusion des fichiers comportant les données relatives aux détenteurs de titres d'identité. Pourtant, ce décret n'est pas rien : au lieu de deux fichiers, il y en aura désormais un seul, qui concernera 65 millions de Français, contre 15 millions actuellement pour le fichier des passeports. Un pas immense a donc été franchi. De notre point de vue, cela va dans le bon sens, mais il est dommage que vous n'alliez pas jusqu'au bout des choses : la carte d'identité électronique ne sera toujours pas mise en oeuvre, ce que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) elle-même a regretté. Dès lors, les Français auront droit au fichage, mais pas à la sécurité des titres.

Quant à la suppression de la propagande électorale, c'est le pire moment pour la faire. De plus, si l'on appliquait la mesure que vous proposez pour 2017, cela créerait une véritable rupture d'égalité devant la loi, dans la mesure où 20 % des Français n'ont toujours pas accès à internet. Cela fait cinq ans que vous hésitez et que vous atermoyez. Je crois que vous pouvez attendre une année supplémentaire.

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Globalement, après avoir diminué l'an dernier, les crédits alloués à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » devraient augmenter de 14,8 % par rapport à 2016, avec un budget de 2,32 milliards d'euros. Cette augmentation s'explique surtout par la tenue en 2017 de trois échéances électorales majeures : l'élection présidentielle, les élections législatives et le renouvellement de la moitié du Sénat. Ainsi donc, les dépenses se rapportant à l'organisation des élections représentent quelque 75 % des crédits demandés dans le projet de loi de finances pour 2017, alors qu'aucun crédit n'avait été ouvert à cette fin en loi de finances pour 2016, en l'absence de scrutin national.

L'évolution des crédits de la mission doit également être examinée en tenant compte du transfert des crédits consacrés au Fonds interministériel de prévention de la délinquance, doté d'un budget de 80,4 millions d'euros qui relevait jusqu'alors de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Voilà pourquoi la hausse du budget doit être interprétée et relativisée.

Outre l'organisation des élections, l'une des priorités attribuées à cette mission est de contribuer aux efforts de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. On peut, à ce titre, saluer les effectifs supplémentaires accordés en 2016 et en 2017 aux préfectures, dans le cadre du pacte de sécurité : 185 ETPT en 2016 et 185 en 2017. On soulignera également la hausse de 16 % des crédits de l'action n° 4 « Cultes » du programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative », intégralement consacrée au financement de nouveaux projets dans le cadre du plan antiterroriste.

Une autre priorité de cette mission est de moderniser et de simplifier les procédures administratives. L'année 2017 sera en effet marquée par une évolution importante du réseau des préfectures, dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération », mis en oeuvre dès 2016. Il prévoit de repenser les modalités de délivrance des titres et devrait produire ses effets les plus significatifs en 2017-2018.

Dans un contexte de réforme territoriale et alors que la nouvelle carte des régions vient d'être mise en oeuvre, la modernisation des services déconcentrés doit se traduire par un renforcement du rôle et de la place de l'administration territoriale de l'État, et sans doute et surtout par une clarification des compétences. Pour le groupe Union des démocrates et indépendants, il importe, dans les années à venir, d'entreprendre une véritable réorganisation de l'État, une requalification de sa présence dans les territoires en concertation avec les acteurs locaux. Nous ne pourrons nous exonérer d'une redéfinition des missions de l'administration territoriale si nous voulons sauvegarder l'efficacité de nos services publics.

J'évoquerai enfin l'article 52 du projet de loi de finances pour 2017 qui prévoit la dématérialisation de la propagande électorale. Une telle réforme avait déjà été proposée dans les projets de loi de finances précédents, s'agissant des élections européennes, régionales et départementales. Vous la proposez à nouveau cette année pour les élections présidentielle et législatives, afin, dites-vous, de réaliser une économie de près de 169 millions d'euros. Or tous les foyers n'ont pas accès au numérique. En 2013, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), seuls 75 % des ménages disposaient d'une connexion internet. Admettons que ce chiffre soit aujourd'hui de 80 % : 20 % n'en disposent donc toujours pas. Par ailleurs, de nombreuses zones rurales sont très mal desservies. Adopter une telle mesure reviendrait ainsi à réduire l'information de nos concitoyens, au risque de faire progresser l'abstention au nom des économies budgétaires.

Vous avez avancé plusieurs arguments, mais fallait-il aller jusqu'à invoquer Notre-Dame-des-Landes au secours de la dématérialisation ? Pour ma part, j'en reste pantois. Nous sommes favorables aux économies de papier – ou, comme on le dit parfois, de paperasse – à condition qu'elles n'équivaillent pas à des économies d'informations. Or, quand on n'a pas de substitut à l'information, la mesure devient indéfendable, à moins de prétendre obtenir très rapidement la couverture numérique intégrale du territoire.

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Nous craignons que le plan « préfectures nouvelle génération » ne soit mis en application au détriment de la proximité et de la qualité du service. Les usagers seront en effet invités à s'orienter vers les téléprocédures, ce qui, en l'absence d'interlocuteurs à qui parler, risque de rendre plus difficile l'accès aux informations. Vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, ce plan répond davantage à des considérations comptables qu'aux besoins des usagers.

Dans la présentation générale de ce budget, il est affirmé que la réorganisation aura lieu sans porter atteinte à la qualité du service rendu. Je me demande bien comment vous allez pouvoir, avec ce plan, assurer le maintien d'une action de proximité. Plus généralement, la question du rôle et du maillage des sous-préfectures demeure posée, tant du point de vue du service rendu à nos concitoyens que du soutien apporté aux collectivités territoriales. Vos propos concernant l'évolution de la carte des arrondissements et du réseau des sous-préfectures ne nous rassurent guère.

D'autre part, les nouvelles modalités d'instruction devraient conduire à réaffecter une partie des effectifs aux missions prioritaires, avec, certainement, une mobilité géographique. Que deviendront les agents du service public qui se retrouveront sans nouvelle affectation ? Pourriez-vous apporter des précisions sur la réaffectation du personnel ?

Vous avez donné plusieurs indications concernant la formation et l'évolution de carrière des agents de préfecture. Le ministère a en effet engagé un plan de requalification permettant à un maximum d'agents de passer de la catégorie C à la catégorie B. Pourriez-vous nous dire combien d'agents sont concernés ?

Je voudrais également vous interroger sur la suppression de la propagande électorale sur support papier – suppression à laquelle le groupe de la Gauche républicaine et démocrate est résolument opposé. Les arguments que vous avez avancés tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, ne nous ont pas convaincus. La réception de la propagande électorale sous format papier permet en effet de mobiliser les électeurs en leur rappelant leur devoir de citoyens. Tous mes collègues savent ici que les professions de foi envoyées aux électeurs sont bien souvent le seul document électoral qui leur parvienne. Je ne parle pas des nombreux électeurs qui préparent chez eux leur bulletin avant de se rendre au bureau de vote. Cette mesure de suppression, qui n'a d'autre logique que comptable, ne peut que favoriser l'abstention. Or il est assez paradoxal de simplifier les démarches d'inscription sur les listes électorales pour diminuer l'abstention et de prendre, dans le même temps, une mesure qui ne pourra que favoriser ce phénomène.

Au regard de la fracture numérique – que le Défenseur des droits évalue à 20 % –, comment le Gouvernement compte-t-il garantir une réelle égalité d'accès à l'information politique ?

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Nous examinons aujourd'hui le budget alloué à la mission « Administration générale et territoriale de l'État », en augmentation d'environ 300 millions d'euros par rapport à 2016, que ce soit en autorisations d'engagement ou en crédits de paiement, pour revenir à peu près au montant alloué en 2015. De plus, la ventilation des crédits entre les missions partenaires entraîne un report de crédits d'environ 525 millions d'euros alors qu'il était de 484 millions en 2016.

Cette mission comporte plusieurs volets, dont le programme 307 « Administration territoriale », ayant pour objectif de garantir la présence de l'État sur l'ensemble du territoire de la République et la mise en oeuvre des politiques publiques nationales au niveau local grâce aux crédits alloués aux préfectures.

Ce budget prévoit aussi la création, au titre du groupement d'intérêt public (GIP) « Réinsertion et citoyenneté » au sein du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », d'une nouvelle action intitulée « Fonds interministériel de prévention de la délinquance », pour un montant de 89,4 millions d'euros – nouvelle action que nous soutenons et qui explique l'augmentation des plafonds de cette mission. Je tiens à saluer le travail accompli par les préfectures dans le domaine de la déradicalisation.

L'action « Réglementation générale », qui garantit la délivrance des titres d'identité, est en augmentation de quelque 35 millions afin d'accompagner les préfectures et les sous-préfectures. Un autre objectif est assigné à celles-ci : délivrer plus rapidement les titres afin d'arriver à 90 % de passeports biométriques mis à disposition dans un délai de quinze jours. Il faut aussi saluer le partenariat avec les communes et les collectivités, et le fait que 90 % des permis de conduire aient été délivrés dans un délai de dix-neuf jours, ce qui est un réel progrès.

Enfin, le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » est celui qui bénéficie de la plus importante augmentation. Je veux insister surtout sur les 210 millions d'augmentations consacrés à l'organisation des élections. Paul Molac a rappelé l'organisation d'élections présidentielle et législatives en 2017, mais il faut aussi parler des élections sénatoriales, sans oublier les élections territoriales de Corse, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna.

Je reviendrai plus précisément sur le budget de la propagande électorale qui se voit allouer 53,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit 31 % des crédits de fonctionnement. J'ai exprimé pendant trois ans – et ce sera aujourd'hui la troisième fois en quatre ans – ma crainte et notre opposition totale à la dématérialisation de cette propagande, prévue à l'article 52 du PLF. Les promoteurs d'une solution « tout dématérialisé » soulignent que cette réforme, aujourd'hui techniquement possible, permettrait une meilleure information des électeurs et s'avérerait utile pour améliorer le taux de participation aux élections, notamment auprès des jeunes électeurs. Permettez-nous d'en douter. Des sociologues comme Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen, qui étudient le phénomène de l'abstention, montrent que ce sont d'abord les catégories les plus fragiles de la population – jeunes, chômeurs, précaires et peu diplômés – qui s'abstiennent. Votre projet ne va donc pas dans le bon sens, monsieur le secrétaire d'État.

Vous exprimiez un satisfecit concernant Notre-Dame-des-Landes. Or le bilan de l'expérimentation de la propagande électronique dans cinq départements, entre le 9 et le 29 mars 2015, à l'occasion des élections départementales, est contrasté. Il confirme la faible appétence des électeurs pour cette pratique. Le site internet en question a reçu 48 002 visites pour un total de 343 621 documents, professions de foi et bulletins de vote consultés. Ce sont donc, si l'on fait le décompte des visites uniques, 1,92 % des électeurs inscrits qui ont consulté ce site – ainsi que le souligne dans son rapport pour avis notre collègue Sergio Coronado sur le PLF 2016. En comparaison, selon l'enquête réalisée par l'institut Mediaprism en décembre 2013, la propagande électorale envoyée par courrier est excellemment mémorisée : 86 % des personnes interrogées disent s'en souvenir.

Plus de 17 % de la population ne bénéficient toujours pas d'une connexion internet. Dans les communes rurales, il n'y a pas de très haut débit. N'oublions pas non plus que la consultation sur internet permet au gestionnaire du système informatique de savoir, par le biais des cookies, quelles professions de foi ont été consultées sur quel territoire et de connaître les évolutions entre le premier et le second tours. La détention de ces informations pose un problème de protection de la vie privée dans la mesure où elle est susceptible d'indiquer une préférence politique.

Enfin, sans rappeler ici les fausses allégations concernant l'environnement, permettez-moi de vous demander le coût d'une telle mesure à long terme. Nous ne disposons d'aucune étude d'impact quant au rapport coûts-avantages de cette dématérialisation. On nous parle de 215 millions d'euros d'économie : sur quoi repose une telle estimation ? La démocratie, si elle a un prix, n'a pas de coût. Ces 215 millions ne représentent rien quand elle est menacée. N'oublions pas, comme le disait Jean de La Fontaine dans sa fable « Le renard et le bouc », qu'« en toute chose il faut considérer la fin ».

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Je souhaiterais vous interroger sur l'emploi du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, créé par la loi du 5 mars 2007 et dont les crédits sont ventilés en trois volets distincts : l'aide au déploiement de la vidéoprotection, le financement d'actions de prévention et, plus récemment, au titre du combat que nous menons contre le terrorisme, la prise en charge des mesures de lutte contre les phénomènes de radicalisation. Sans mésestimer l'importance ni la pertinence de ce dernier volet, je voudrais consacrer ma question aux deux autres.

Je veux d'abord témoigner de l'utilité des crédits destinés au financement de la vidéoprotection, particulièrement appréciés et attendus par les collectivités bénéficiaires qui peuvent ainsi se doter d'équipements dont elles n'auraient pas nécessairement pu assumer seules la charge. Le niveau de consommation de ces crédits atteste de l'ampleur des demandes. Deux dossiers relatifs à la circonscription dont je suis l'élu – pour les communes de Montfermeil et du Raincy – demeurent toujours en attente.

Pourriez-vous nous fournir davantage de précisions sur les conditions de la répartition, la destination et l'efficacité de ce qui est regroupé sous l'appellation de « financement des actions de prévention » ?

Enfin, je comprends le souci d'économies et la préoccupation environnementale ayant présidé à la volonté de supprimer l'envoi des circulaires électorales sous format papier. Au vu des interventions précédentes, cette mesure rencontre néanmoins peu de succès. La suppression de cet article étant probable, je propose une solution de compromis : les circulaires étant essentiellement un moyen d'informer les électeurs, elles sont indispensables à la tenue des scrutins territoriaux. En revanche, elles le sont moins à celle des scrutins nationaux. On pourrait donc se passer de ces circulaires à la seule élection présidentielle, ce qui permettrait de concilier économies et bonne information des électeurs.

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Dans le cadre du PPNG, il est prévu de confier aux 2 088 communes qui sont dotées de 3 526 dispositifs de recueil l'instruction des cartes nationales d'identité de tous les citoyens, pour mieux sécuriser ces titres. Des expérimentations sont en cours depuis quelques jours dans certains départements et la généralisation de la mesure est prévue pour mars 2017. Les communes s'inquiètent aujourd'hui face au risque d'un calendrier tendu, tant en ce qui concerne ces expérimentations que ladite généralisation. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, soutenir le report des délais d'application de la mesure pour que soit mieux appréhendée la mise en place du nouveau dispositif ?

En ce qui concerne la dématérialisation des supports de propagande électorale, vous avez évoqué une expérimentation, menée dans le cadre du référendum de Notre-Dame-des-Landes, qui a donné lieu, selon vous, à un résultat satisfaisant. Vous nous accorderez qu'il ne s'agit pas d'un exemple adéquat.

À chaque élection, nous déplorons que le taux d'abstention soit trop important. Nous regrettons aussi régulièrement qu'un fossé se creuse entre les citoyens et le monde politique, entre les électeurs et les élus. Ce serait donc un très mauvais signal que de diminuer la communication à l'égard de nos compatriotes. Notre démocratie doit être fondée sur une démarche proactive à destination des citoyens, à qui doit être transmis un document papier.

Je rappellerai enfin le problème de la fracture numérique. Il existe, en matière d'offre numérique, une inégalité territoriale importante, que vous ne pouvez nier, entre les villes et les campagnes. Les infrastructures ne sont pas toutes équivalentes et de fortes disparités demeurent. Par ailleurs, tout le monde n'a pas la même formation : certaines personnes âgées sont beaucoup moins à l'aise avec internet que le reste de la population. Il est inadmissible de supprimer le support papier, lien fondamental unissant les électeurs à leurs représentants. Ce lien est non seulement un symbole, mais aussi un vecteur fort de l'exercice de la citoyenneté – un outil dont l'État n'a pas le droit de faire l'économie.

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Je ne détonnerai pas par rapport à nombre de nos collègues. Je voulais vous interroger sur deux points, mais le premier a largement été abordé précédemment. J'ai déposé un amendement de suppression de l'article 52, considérant que l'information électorale concourt à l'expression du suffrage et que s'en priver ne ferait que nourrir l'abstention. Je veux bien me rallier, le cas échéant, à la suggestion de Pascal Popelin, en distinguant entre l'élection présidentielle et les autres élections. Mais ce serait une erreur grave pour la démocratie que de renoncer à l'envoi de ces circulaires.

Un débat a été engagé concernant le décret relatif aux titres électroniques sécurisés. J'attire l'attention du ministère – car, me semble-t-il, les dispositions en cause relèvent du domaine réglementaire – sur la nécessité d'être plus ferme dans la mise à jour des adresses et le renouvellement des cartes d'identité périmées depuis plus de dix ans. Les scrutateurs d'un bureau de vote sont parfois consternés de voir des électeurs qui ne ressemblent plus du tout à la photo figurant sur leur carte d'identité ou qui n'habitent plus depuis longtemps à l'adresse qui y est inscrite. On imagine la pertinence et l'utilité d'un fichier fondé sur de tels documents. Il faut mettre un terme à cet usage et ne plus tolérer que les cartes d'identité périmées soient prolongées.

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Ma première question porte sur la dématérialisation de la propagande électorale. Il n'est d'ailleurs pas question à l'article 52 de dématérialisation, mais bien de réforme, et le Gouvernement insiste sur le fait que les documents seront disponibles en ligne, mais aussi consultables en mairie. Il n'en reste pas moins que la lecture des documents ne pourra se faire qu'avec une connexion internet. Nous y sommes donc à nouveau opposés. Comme cela a été répété lors de l'examen de la loi sur la montagne il y a quelques semaines, nous sommes loin d'un accès à internet en tous points du territoire. Tant que la fracture numérique ne sera pas résorbée au minimum, cette mesure devra être reportée, même si nous ne doutons pas qu'elle finira par être appliquée un jour. J'ai du mal à comprendre pourquoi le Gouvernement s'obstine à la proposer quasiment à chaque projet de loi de finances, alors que l'Assemblée nationale l'a rejetée à plusieurs reprises.

Ma deuxième question concerne les crédits alloués à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), en forte hausse, notamment à cause des échéances de 2017. Au-delà, il semble que la CNCCFP manque cruellement de moyens techniques. Dans L'Obs, en février dernier, un rapporteur expliquait ainsi que le matériel informatique de cette commission était lent et insuffisant et que seul un poste sur trois était relié à internet pour des questions de sécurité. Qu'avez-vous prévu de faire, compte tenu de l'urgence de la situation ?

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Je souhaiterais revenir sur les conséquences de la réforme territoriale issue de la loi NOTRe. Le secrétaire d'État à la réforme territoriale de l'époque, André Vallini, avait annoncé que la fusion des régions devait permettre entre 12 et 25 milliards d'euros d'économies. On sait bien que ces chiffres étaient excessifs, mais a-t-on aujourd'hui une vision des lieux d'implantation choisis pour ces treize grandes régions et des économies en perspective au titre du budget de 2017 ? Je veux bien entendre que ces économies ne sont pas significatives en 2016, mais les effets de la réforme territoriale devraient déjà se faire sentir l'an prochain – notamment ceux qui sont liés à la mutualisation des achats et au choix des lieux d'implantation des nouvelles grandes régions.

S'agissant de l'article 52, je ne reviendrai guère sur la fracture numérique – même si, ayant moi aussi été élue dans une circonscription montagnarde, je confirme que l'accès au réseau internet – et même à la téléphonie mobile – n'est pas possible partout. J'insisterai en revanche sur le problème de la maîtrise de l'outil informatique par les personnes âgées. Ce sont elles qui votent le plus dans les communes rurales, et ce sont celles-là mêmes que l'on va priver de la réception d'informations à domicile. Il y a certainement des gisements d'économies à trouver, monsieur le secrétaire d'État, mais cette mesure risque encore de décourager l'électorat. Ce n'est pas le moment !

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Cela fait six ou sept ans que l'administration essaie, avec ténacité, de nous faire voter la même mesure d'économie. À l'époque où Brice Hortefeux était ministre de l'intérieur et où j'avais l'honneur de servir à son cabinet, la direction de la modernisation et de l'action territoriale (DMAT) et Bercy nous la proposaient déjà. Systématiquement, lorsque nous en sommes saisis à l'Assemblée nationale, nous la refusons. En tant qu'élus de terrain, nous estimons que la possibilité d'informer les citoyens français des projets et des profils des différents candidats est une nécessité vitale à notre démocratie. Nous appartenons tous à des partis de gouvernement aspirant à faire des économies structurelles de la dépense publique. Mais nous pensons aussi que la démocratie a un prix et qu'il est absurde de ne plus envoyer de propagande électorale ou de professions de foi, en particulier dans les territoires ruraux. Je suis révolté que cette proposition revienne année après année – tel le « canard qui est toujours vivant » – alors que la crise démocratique est extrêmement préoccupante.

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Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics

Voulez-vous, monsieur Larrivé, que je vous fasse le coup du canard à chaque amendement redéposé huit fois – en loi de finances, en loi de finances rectificative, en première lecture, en deuxième lecture, chaque année ? Je vous ferai désormais la même réponse dans l'hémicycle lorsqu'on reviendra sur le taux de TVA applicable au bois de chauffage ou sur d'autres amendements qui, régulièrement repoussés par le Parlement, sont ensuite régulièrement représentés, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Sur chaque texte financier, un millier d'amendements sont déposés, et la plupart d'entre eux sont des « marronniers ». Je me souviendrai donc de votre intervention, monsieur Larrivé. Vous ne participez pas tellement à ces débats budgétaires, ce dont je ne vous fais pas le reproche : chacun s'investit dans les domaines qui sont les siens, je le sais en tant qu'ancien parlementaire. Mais venez donc un jour sur l'allée des marronniers que nous traversons à chaque débat budgétaire, plusieurs fois par an…

D'autre part, je n'ai pas plus que Bernard Cazeneuve l'habitude de ne pas assumer les propositions que nous faisons : elles sont formulées par le Gouvernement et non par l'administration. Nous sommes à peu près assurés de ne pas faire un triomphe avec une telle proposition. Si nous vous la soumettons, c'est que je suis constamment relancé par des parlementaires et, plus largement, par des usagers qui nous demandent de mettre en oeuvre, au sein de l'administration, des moyens modernes de fonctionnement – pour le paiement des amendes, pour la déclaration et le paiement des impôts, etc. Nous nous félicitons généralement de pouvoir proposer à nos concitoyens des moyens de communication dématérialisés, d'emploi facile et rapide, accessibles de chez soi, pour la délivrance de documents et la consultation de certaines informations.

Je comprends tous les arguments qui ont été développés, mais on peut se demander s'il est très bon, pour le bilan carbone, de couper des arbres pour faire du papier, puis d'enfouir le papier, comme on l'a proposé. Pascal Popelin suggère une solution de compromis, sur laquelle on pourra réfléchir. Quoi qu'il en soit, le débat aura lieu dans l'hémicycle. Toutes les positions sont respectables et le Gouvernement en tirera les conséquences.

Notre objectif n'est pas seulement de faire des économies. Les entreprises, les citoyens ont le droit d'exiger de l'État qu'il permette d'effectuer certaines démarches sur internet. Mais lorsque c'est l'État qui tente de modifier les procédures, que n'entend-on pas ? Rappelez-vous le débat qui s'est développé autour de l'obligation de télédéclarer ses impôts – qui n'est pas très contraignante.

Monsieur Marleix, j'ai en effet souri quand vous avez comparé la RGPP à certaines des réformes structurelles que nous avons engagées, notamment celle qui concerne les préfectures, le PPNG. En 2011, François Cornut-Gentille – qui, je crois, n'est pas un extrémiste de gauche et qui, à l'époque, ne combattait pas le gouvernement – et moi-même avons produit un rapport parlementaire sur la RGPP : nous y montrions qu'elle avait eu le tort de ne pas faire ce que vous avez prétendu qu'elle a fait, c'est-à-dire de ne pas avoir préalablement clarifié les missions de l'État pour en tirer les conséquences en termes d'investissements, de personnels, et pour développer certains outils. Un fonctionnaire sur deux partant en retraite n'était pas remplacé, quelle que soit sa mission, sa fonction, l'endroit où il travaillait. Et, comme la plupart des économies réalisées ont été recyclées dans des mesures catégorielles, le gain a été quasi nul. Je vous renvoie à ce rapport, qui nous a demandé beaucoup de travail et qui se fondait sur d'innombrables auditions.

Monsieur Marleix, notre stratégie est complètement différente. Reste que je n'ai pas très bien compris votre message. Regrettez-vous que le PPNG aille trop vite et qu'il supprime trop d'emplois ? Ou regrettez-vous qu'il aille trop lentement ? Je crois savoir que certains veulent « économiser » 300 000 fonctionnaires, voire davantage. De votre côté, vous avez pointé le fait que 813 emplois ont été supprimés de telle année à telle année. Était-ce un reproche ? Souhaitez-vous qu'il y en ait davantage ?

En 2014, quand je suis arrivé à Bercy, la première conférence budgétaire que j'ai organisée l'a été avec Bernard Cazeneuve. Il venait de quitter le bureau que j'occupais alors, pour se retrouver au ministère de l'intérieur. Nous avons débattu du sujet suivant : à quel rythme peut-on réduire les effectifs, notamment dans le cadre des missions des préfectures, telles qu'elles ont été décrites ? Nous nous sommes un peu chamaillés. Bernard Cazeneuve défendait les crédits dont il estimait avoir besoin pour mettre en place des plateformes pour la délivrance des titres, ainsi que des pôles spécialisés, par exemple, dans le contrôle de légalité ou les affaires complexes, et pour faire du dialogue social avec les personnels. Aussi n'avons-nous pas suivi la trajectoire de réduction des effectifs que nous avions prévue dans notre loi de programmation des finances publiques. Au ministère de l'intérieur, il y eut à cela deux raisons : la première est liée aux efforts que nous avons dû faire pour assurer la sécurité des Français et lutter contre le terrorisme ; la seconde est liée à l'argumentation du ministre. Bernard Cazeneuve estimait que c'était incompatible avec la situation sociale des personnels, et avec la démarche constructive qu'il entendait engager afin de garantir, dans la durée, une meilleure efficacité.

Monsieur Marleix, votre propos me semble caricatural, plutôt erroné et en pleine contradiction avec la démarche qui a été suivie. Quelques ministères ont réduit les effectifs sans engager de réforme structurelle ; je n'en citerai aucun, mais les résultats ont pu être décevants. Ce ne fut pas le cas du ministère de l'intérieur, et il faut reconnaître que la mise en oeuvre des réformes qu'il a engagées a de quoi rassurer.

Madame Dalloz, vous êtes revenue sur les conséquences de la réforme territoriale issue de la loi NOTRe et sur les économies qu'avait annoncées un secrétaire d'État de l'époque, André Vallini. Les choses mettent du temps à s'organiser dans les nouvelles régions, aussi bien au niveau des conseils régionaux que de l'administration. Il se trouve que, sur deux points au moins, j'avais travaillé avec les nouveaux préfets – à l'époque préfets préfigurateurs. Notre analyse était plutôt de nature budgétaire. Selon nous, les implantations des nouvelles directions régionales étaient liées non seulement à des questions d'organisation, mais aussi à des questions d'ordre immobilier. Lorsqu'un site se prêtait à accueillir une direction régionale, il y avait lieu d'en tenir compte. L'inverse était tout aussi important : parfois, il pouvait être impossible d'accueillir, en tout cas à moindres frais, certains services dans certaines villes, futures ou anciennes capitales régionales. Certes, l'immobilier de l'État se modernise et sa gestion s'améliore. Mais nous devons reconnaître que, depuis quelques décennies, elle n'a pas toujours été exemplaire, du point de vue strictement financier comme du point de vue de l'entretien des bâtiments.

Vous avez également soulevé la question des achats. Il est vrai que le service des achats de l'État obtient aujourd'hui des résultats assez impressionnants – renégociation des baux de location, passation de marchés en commun par plusieurs ministères, au niveau national comme au niveau régional.

En conclusion, il me paraît aujourd'hui prématuré de chiffrer les économies liées à la loi NOTRe ou à tout autre texte concernant les administrations territoriales. Certaines économies apparaîtront au cours du temps, qui ne sont pas forcément perceptibles dans l'instant.

Dominique Baert a évoqué la question de la délivrance des titres sécurisés, notamment la prise en compte d'éventuels changements d'adresse sur les cartes nationales d'identité. Je transmettrai votre point de vue à Bernard Cazeneuve. Peut-être pourra-t-on réfléchir à la question, qui relève, selon moi, plutôt du domaine réglementaire.

Marc Dolez a lui aussi parlé du PPNG. S'agissant des personnels, il n'y a eu aucune mobilité contrainte. La rotation des effectifs a eu lieu à l'issue d'une grande concertation : 4 000 agents travaillaient sur les titres concernés par ce plan ; à compter de 2017, 1 500 vont intégrer les CERT ; 200 vont gérer des missions de proximité ; 1 000 seront effectivement redéployés ; et 1 300 contribueront à la réduction des schémas d'emplois de 2017 et de 2018. Avec les 1 000 emplois qui seront redéployés dans d'autres fonctions sur l'ensemble du territoire national, on devrait pouvoir absorber ces évolutions en évitant toute mobilité contrainte.

S'agissant des formations, j'ai déjà donné quelques précisions : 2 300 agents sont déjà entrés en formation ; 1 000 agents de catégorie A et 900 agents de catégorie B le feront d'ici à 2020, tout en réalisant le schéma d'emplois. Cela permettra le repyramidage des services, et l'on ouvrira des places aux concours pour assurer les évolutions de carrière. Je pense que, là aussi, les choses seront gérées avec souplesse.

Monsieur Marleix, vous avez parlé des délais d'instruction des ICPE, qui ont en effet tendance à s'allonger. Cela s'explique par la place que l'on accorde à la consultation du public. On nous reproche parfois la brutalité des décisions concernant les ICPE. Mais, aujourd'hui, le Gouvernement entend développer la concertation et la consultation citoyenne.

Dans le même temps, je le rappelle, d'autres délais ont été réduits. En effet, certaines procédures ont été regroupées dans un système d'autorisations unique. Il n'en reste pas moins que les différentes formes d'appel ou de procédures contradictoires allongent les délais à l'excès.

Madame Louwagie, les maires qui vont délivrer les cartes nationales d'identité s'inquiètent du calendrier et du nombre de dispositifs de recueils biométriques dont ils seront équipés, ainsi que de l'indemnisation dont ils bénéficieront. En accord avec l'Association des maires de France, présidée par M. Baroin, le Gouvernement a accepté de satisfaire les demandes portant sur le nombre des dispositifs de recueils biométriques, et un accord a été trouvé sur la question de l'indemnisation. Malgré tout, le Gouvernement s'en tient au calendrier prévu qui, d'ailleurs, conditionne la mise en oeuvre de l'ensemble du programme PPNG auquel les agents de l'État sont formés individuellement.

Des questions ont été posées sur la réforme des arrondissements et le nombre de sous-préfectures. J'aimerais que M. Marleix nous dise combien de sous-préfectures il souhaite supprimer, tout en accordant davantage de pouvoirs aux préfets et aux sous-préfets. Nous devons tous nous engager à être plus clairs : on ne peut pas nous reprocher de supprimer trop de postes de fonctionnaires, tout en annonçant qu'on a l'intention d'en supprimer 300 000 !

Le président Carrez a remarqué que, pour chaque mission du budget, les demandes de crédits supplémentaires se multiplient, notamment du côté droit de l'hémicycle. Quand j'entends que certains veulent faire 100 ou 150 milliards d'euros d'économies, j'ai du mal à ne pas sourire. Il y a des cohérences qui m'échappent…

La mise en cohérence des limites des arrondissements dans soixante-douze départements, avec les nouvelles limites des établissements publics de coopération intercommunale, se fera par arrêté des préfets de région. C'est une procédure simple et qui pourra aboutir dans des délais plutôt rapides.

J'ai répondu tout à l'heure sur les 8 millions de la dématérialisation. Mais chacun a compris que l'article 52 avait une durée de vie limitée…

La question de la création des fichiers a été évoquée hier par le ministre de l'intérieur, à l'occasion d'une question d'actualité. Je pense que tout a été dit et qu'il n'est pas utile de vous relire le contenu de la réponse de Bernard Cazeneuve. Là aussi, la schizophrénie nous menace : les uns disent que l'on en fait trop en matière de surveillance et de sécurité, et les autres, qui sont parfois les mêmes, que l'on n'en fait pas assez. La CNIL est là, qui surveille. J'observe que cette question se pose dans d'autres domaines, dans d'autres ministères, sur l'utilisation des fichiers, des numéros d'identification personnalisée, s'agissant notamment des impôts.

Monsieur Popelin, vous m'avez interrogé sur le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, qui a été transféré au ministère de l'intérieur. Ce ne sont pas forcément des crédits nouveaux, mais des crédits majorés : 17,4 millions d'euros sont consacrés aux actions en faveur des jeunes – actions de prévention de la récidive, insertion professionnelle – ; 9,6 millions d'euros sont consacrés à la prévention des violences faites aux femmes, des violences intrafamiliales et à l'aide aux victimes ; 16,2 millions sont consacrés aux actions visant à améliorer la tranquillité publique, à soutenir l'ingénierie de projets et aux autres actions de prévention de la délinquance – dont la vidéoprotection.

Quelles sont les méthodes utilisées pour retenir les dossiers ? Vous avez évoqué deux dossiers en souffrance – s'il n'y en avait que deux dans ce pays, cela se saurait… Mais le ministre de l'intérieur vous répondra directement sur la façon dont son ministère travaille pour classer les dossiers qui lui sont présentés selon un ordre de priorité.

Le plan de lutte antiterroriste bénéficiera quant à lui de 15,1 millions d'euros, notamment pour l'équipement des polices municipales avec les gilets pare-balles et les terminaux radio portatifs, et de 22 millions d'euros – il n'y avait d'ailleurs rien en 2016 – pour le GIP « Réinsertion et citoyenneté » qui doit assurer le pilotage des nouveaux centres de déradicalisation.

Enfin, M. Tardy m'avait interrogé sur la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne. La réponse, que je n'ai pas, lui sera transmise.

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Fin 2013, dans le cadre de cette mission, j'avais auditionné le président de la CNCCFP. Celui-ci m'avait assuré que la commission avait les moyens de fonctionner. A priori, donc, il n'y avait pas de problème.

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Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics

Toutes les demandes ont été prises en compte dans le projet de loi de finances, et quatre ETPT ont été accordés à la CNCCFP en 2017. Je ne sais pas si c'est beaucoup ou peu, mais il semblerait que cette autorité indépendante ne se plaigne pas de ses crédits de fonctionnement, et qu'elle ait les moyens d'effectuer son travail.

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La dématérialisation des comptes de campagne fait l'objet d'un débat, et le ministre aura l'occasion d'y revenir en séance. Il est incontestable qu'il faut dématérialiser les comptes de campagne. La commission est confrontée à un problème de stockage, d'archivage. Or elle doit pouvoir gérer plus rapidement les dossiers des candidats, qu'ils aient ou non bénéficié de soutiens extérieurs de campagne – je fais allusion, vous l'aurez compris, à un dossier que l'actualité a évoqué à plusieurs reprises. Il faut notamment éviter qu'il y ait un décalage entre les décisions que pourrait prendre une instance administrative ou judiciaire, et la Commission de contrôle. Le problème est réel, même si ce n'est pas à moi de revenir dessus.

Je rejoins les propos de M. Marleix sur les délais d'instruction des dossiers dans les préfectures. Je le dis sans polémiquer – nous sommes tous concernés, car nous sommes tous des élus locaux, nous sommes tous, ou avons été, responsables d'exécutifs. Si j'en crois les interventions, le problème n'est pas lié à l'éloignement par rapport à Paris. J'avais toujours pensé que l'élu d'un département situé à 800 km de Paris mettait plus de temps pour obtenir des autorisations. Mais, à l'évidence, il ne les obtient pas plus vite s'il est proche de la capitale. Il faut engager une réflexion sur les délais d'instruction.

Enfin, M. Marleix a compris que l'on devait attendre que la carte des intercommunalités soit établie pour pouvoir procéder à une harmonisation avec la carte des sous-préfectures. C'est faire un mauvais procès au Gouvernement de prétendre qu'il aurait attendu que les élus eux-mêmes aient pris leurs responsabilités. Si le Gouvernement avait agi autrement qu'il ne l'a fait, je suis persuadé que M. Marleix serait intervenu pour le déplorer.

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Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics

Je souhaite dire un mot sur les comptes de campagne et sur le principe de la dématérialisation, qui peut paraître contraignante. Mais tout ce qui est transmission dématérialisée permet un traitement beaucoup plus rapide. Nous avons imposé à de très grandes entreprises la transmission dématérialisée d'un certain nombre de comptabilités. Vous ne pouvez savoir combien nos contrôleurs s'en réjouissent ! Il leur est bien plus facile de vérifier une comptabilité sur un fichier électronique que sous la forme de 3 mètres cubes de papier : c'est le jour et la nuit ! Tous nous disent que ce genre de dispositions apporte un gain de productivité, mais surtout une bien plus grande efficacité.

Je remarque que les grandes entreprises, comme les parlementaires qui auraient à transmettre des comptes de campagne, sont en général reliées à internet.

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C'est vrai, cela ne posera pas de problème !

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Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics

Reste qu'il faudra revoir la loi de 1988, qui ne le prévoit pas. Or on ne peut pas le faire sans l'avis préalable de la CNCCFP. Je ne sais si c'est envisageable avant les prochaines élections.

La réunion de la commission élargie s'achève à onze heures vingt-cinq.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON© Assemblée nationale