Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du 16 janvier 2013 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président

La Commission poursuit l'examen, sur le rapport de M. Erwann Binet, des articles du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 344).

Après l'article premier

La Commission est saisie de l'amendement CL 139 de M. Jean-Frédéric Poisson.

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Nous avons déjà eu hier l'occasion d'aborder à plusieurs reprises la question de la gestation pour autrui (GPA).

Nous sommes convaincus que si ce projet de loi est adopté, un enchaînement mécanique conduira de l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe à la GPA, c'est-à-dire à la pratique des mères porteuses pour parler dans un langage plus direct. Si, au nom du principe d'égalité entendu dans son acception la plus large, le mariage est autorisé entre personnes de même sexe, à ce même motif, l'adoption et la procréation médicalement assistée (PMA) seront ouvertes aux couples de même sexe, car on ne voit pas pourquoi un régime différent s'appliquerait à eux dès lors qu'on a voulu gommer toute différence entre les couples, quelle que soit leur composition. Et un jour, au nom de l'égalité entre couples homosexuels féminins et masculins, le droit dira que la discrimination à l'encontre de ceux qui ont besoin de recourir à une tierce personne pour pouvoir avoir un enfant ne saurait perdurer et la GPA sera autorisée.

C'est pourquoi cet amendement tend à préciser que la nullité des conventions de gestation pour le compte d'autrui, énoncée à l'article 16-7 du code civil, vaut de la même façon pour les couples de personnes de sexe différent et les couples de personnes de même sexe.

Pour avoir été, sous la législature précédente, membre de la mission d'information sur la révision des lois de bioéthique présidée par notre collègue Jean Leonetti, je me souviens des échanges ayant eu lieu entre certains de nos collègues de l'opposition d'alors sur la PMA. Lors de la réunion de validation du rapport final, il y avait d'un côté Serge Blisko et Patrick Bloche, et de l'autre, Catherine Génisson et, si je me souviens bien, Gérard Bapt et quelques autres. Certains députés du groupe socialiste de l'époque n'avaient pas voté le rapport final au motif que la PMA n'avait pas été ouverte aux couples de même sexe, tandis que Catherine Génisson notamment avait fait valoir qu'étendre le bénéfice de la PMA aurait ouvert la porte à la GPA.

J'accepte, chers collègues, qu'il ne soit pas dans votre intention d'autoriser la GPA et vous donne acte d'y être opposés. Je ne prétends pas que vous vouliez cette évolution ; je dis seulement qu'elle adviendra au nom même des principes que vous défendez.

Je me souviens des déclarations de Mme Elisabeth Guigou, alors garde des Sceaux, lors des débats sur le PACS, jurant qu'il ne serait jamais question d'autoriser un jour le mariage aux couples homosexuels. Là encore, l'intention initiale a été balayée puisque nous voilà, quatorze ans plus tard, à débattre de ce qui n'aurait jamais dû arriver !

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Avis défavorable à cet amendement, déjà satisfait. Il n'est pas nécessaire de compléter l'article 16-7 du code civil, lequel s'applique à tous les couples, quelle que soit leur composition. De surcroît, l'article 227-12 du code pénal prévoit une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende pour toute personne ayant joué un rôle d'intermédiaire entre un couple d'intention et une mère porteuse. Et la Cour de cassation a réaffirmé de manière très forte l'interdiction de la GPA dans plusieurs de ses arrêts. Cet amendement est donc superfétatoire.

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Le rapporteur argue d'éléments de forme mais ne donne pas son avis. Nous aurions aimé l'entendre dire clairement qu'il était opposé à la gestation pour autrui, d'autant que, quand bien même l'aurait-il dit, nous n'aurions pas été pleinement rassurés non sur ses intentions à lui, car je lui donne acte de sa sincérité, mais sur ce qui risque d'advenir. En effet, ne nous assurait-on pas lors du débat sur le PACS que l'on instituait ce contrat précisément parce que jamais on n'autoriserait le mariage homosexuel ? Quelles que puissent être vos convictions, une même logique conduira inéluctablement, après l'autorisation du mariage, à celle l'assistance médicale à la procréation (AMP) puis de la GPA. D'ailleurs, il est indiqué dans l'exposé des motifs que ce qui est aujourd'hui proposé constitue « une nouvelle étape ». C'est donc dire qu'il y en aura d'autres…

La GPA est exclue du débat aujourd'hui, car aucun amendement ne la propose. Sur ce point, je m'interroge. En effet, certains députés, qui siégeaient déjà lors de la précédente législature, avaient, lors de la révision des lois de bioéthique, déposé des amendements sur la GPA. S'ils ne réitèrent pas leur démarche aujourd'hui, c'est parce qu'il y a eu un accord politique au sein de la gauche pour remettre le sujet à plus tard. Il serait important que nous réaffirmions tous être résolument opposés à la GPA. Que vous refusiez de voter cet amendement témoigne qu'il demeure une ambiguïté inquiétante.

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Je crains bien que vous n'ayez jamais satisfaction puisque chaque fois que l'on vous apporte une réponse qui devrait vous rassurer, vous rétorquez que de toute façon, nous aurons changé d'avis dans quinze ans. Il sera difficile dans ces conditions de vous convaincre !

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J'apprécierais que nos collègues de l'opposition, que j'écoute avec grande attention, cessent d'adresser en permanence des piques blessantes au rapporteur. Donnons-lui acte du travail qu'il a accompli. Il répond comme il le souhaite – il le fait d'ailleurs toujours très clairement.

Je suis totalement opposé à la GPA, à la marchandisation du corps, et à tout ce qui peut laisser un soupçon en la matière. Je vous rejoins donc sur ce sujet, chers collègues de l'opposition. Mais ce que vous proposez figure déjà dans le code civil. Des sanctions sont même prévues dans le code pénal pour les contrevenants. N'empilons pas de dispositions redondantes dans la loi. De toute façon, cela ne changera rien à ce qui est susceptible d'arriver dans vingt ans. Je vous donne acte du fait que, lors des débats sur le PACS, il n'était pas question d'ouvrir un jour le mariage aux couples homosexuels. Je comprends la portée politique de votre proposition, mais elle n'apporte rien sur le plan juridique.

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Je ne suis pas certaine que l'on puisse faire de l'orientation sexuelle la justification d'un dispositif juridique différent servant les mêmes droits. La portée sociétale de ce projet de loi est aussi de mettre un terme à l'homophobie et de proposer un espace d'égalité et de liberté à certains de nos concitoyens qui vivent à nos côtés.

Je ne pense pas que la question de la PMA et de la GPA doive être mêlée à celle du mariage pour tous. Ce sujet relève d'ailleurs du code de la santé publique alors que celui du mariage relève du code civil. Je ne pense pas non plus – mais peut-être changerai-je d'avis – que la PMA doive être traitée dans le cadre d'une loi sur la famille, laquelle devra cependant en tirer les conséquences. Cette question importante exigerait peut-être une loi et un débat à part, accompagné d'une étude d'impact, car beaucoup de points restent à éclaircir.

Nous sommes ici plusieurs députés à avoir cosigné une proposition de loi relative à la PMA, ouvrant ce qu'on pourrait appeler la « fécondation assistée » à toutes les femmes. Le désir d'enfant naît chez la femme, qu'elle soit célibataire ou mariée, et quelle que soit la composition de son couple. C'est donc à partir du besoin des femmes, et non des problèmes des couples, qu'il faut traiter de la PMA. Cela permettrait d'ailleurs d'écarter les craintes exprimées autour de la GPA.

Une étude d'impact approfondie est nécessaire, car la PMA telle qu'elle est aujourd'hui proposée aux couples hétérosexuels n'est pas satisfaisante. Le législateur devra aussi se pencher sur la PMA illégale, traiter le sujet de la levée de l'anonymat du don de gamètes – à laquelle je suis, pour ma part, hostile –, aborder la question du choix des donneurs de gamètes sur catalogue…

Les conséquences de la PMA en matière de filiation seront, elles, abordées dans la future loi sur la famille qu'on nous annonce.

Pour le reste, le présent projet de loi ne soulève aucun problème en matière de filiation et ce qui est proposé, notamment en matière d'adoption plénière, va dans l'intérêt de l'enfant en lui permettant d'avoir deux parents ou lieu d'un seul. Je ne vois pas comment on peut prétendre le contraire.

Le parti socialiste a officiellement pris position contre la GPA. Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir. Il faudra en revanche se pencher sur la PMA et, dès lors que la science permet cette avancée, en ouvrir la possibilité à toutes les femmes.

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Vous anticipez le débat. Cet amendement porte sur la GPA, et non la PMA. Je vous invite tous à vous en tenir à l'objet des amendements.

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Monsieur Tourret, vous n'ignorez pas que déposer des amendements est aussi un moyen de soulever certaines questions en espérant obtenir des réponses !

Contrairement à ce que vous avez dit, la question du mariage a bien été abordée lors des débats sur le PACS. Je me souviens même d'un amendement de notre défunt collègue Bernard Birsinger visant à ce que le PACS soit célébré en mairie, ou d'un autre visant à donner plus de consistance à ce contrat de façon à éviter le risque de répudiation. En réalité, la comparaison entre PACS et mariage avait été l'un des éléments centraux des débats de 1998-1999. Il avait été dit qu'il ne serait jamais question d'aligner le PACS sur le mariage, ni d'autoriser deux personnes de même sexe à se marier.

Quelles que soient les intentions des auteurs du présent texte, l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe conduira mécaniquement à leur autoriser la PMA et à légaliser la GPA.

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Ce qui me choque est qu'au nom des sentiments, on fait fi de la raison et des lois naturelles. On passe également outre le principe de précaution, alors que son respect devrait guider notre réflexion. Alors que notre premier souci devrait être de ne pas nuire, les bons sentiments conduiront à élaborer des lois potentiellement nuisibles.

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L'amendement est superfétatoire. L'interdiction de la GPA ne souffre pas d'exception, et des sanctions pénales sont prévues pour les contrevenants. Commencer d'énumérer les catégories de population auxquelles s'applique cette interdiction ne ferait qu'en affaiblir le caractère absolu.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Le Gouvernement est opposé à l'amendement pour les raisons qui ont déjà été exposées. La prohibition des conventions de PMA ou de GPA instituée par l'article 16-7 du code civil, est d'ordre public et s'impose donc à tous. De manière triviale, je dirais qu'il y a là un gros cadenas que vous proposez de renforcer par un tout petit qui nécessairement en appellerait d'autres – en effet, pourquoi alors ne pas préciser que l'interdiction vaut également pour les personnes célibataires ? Pour conserver à l'interdiction toute sa force, mieux vaut ne pas toucher à l'article 16-7 du code civil.

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Le vrai problème, ce sont les contrats de GPA passés à l'étranger, dans des pays où la pratique est autorisée. Pour le reste, l'amendement est intéressant, mais il n'a pas de portée juridique.

La Commission rejette l'amendement CL 139.

Elle examine ensuite l'amendement CL 466 de M. Sergio Coronado.

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Cet amendement ne comporte aucun projet caché de légaliser la GPA et les membres de la majorité ne souhaitent pas ouvrir ce débat. Mais il nous faut aujourd'hui, au nom même de l'intérêt suprême de l'enfant que nous évoquions hier, regarder la situation de ceux qu'on appelle les « fantômes de la République ».

Plusieurs pays, comme l'Angleterre et l'Argentine, mais aussi certains États américains, ont ouvert la possibilité de la GPA aux couples – à tous les couples, je le précise, alors que vous associez cela de manière obsessionnelle aux couples de personnes de même sexe. En France, les premiers à avoir eu recours à cette pratique au début des années 90 étaient des couples hétérosexuels qui avaient fondé, autour du docteur Sacha Geller, une association dénommée « Les Cigognes ».

Cet amendement vise, dans le strict respect de l'article 47 du code civil, à permettre la transcription dans l'état civil français des actes de naissance établis dans des pays qui autorisent la GPA. Établis de manière conforme au droit de ces pays, ces actes ne sont pas attaquables par la France, mais celle-ci refuse aujourd'hui de les retranscrire, laissant des enfants dans une insécurité juridique particulièrement regrettable.

Ce point avait été développé dans un rapport d'information sénatorial, élaboré sous la houlette notamment de Michèle André, et qu'avaient d'ailleurs voté plusieurs sénateurs de l'opposition à l'époque, dont je ne pense pas pourtant que le projet ait été de faire légaliser la GPA en France.

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Chaque année, des couples français, composés de personnes de même sexe ou de sexe différent, recourent à une gestation pour autrui à l'étranger – aux États-Unis, en Inde, en Ukraine… Mais le parquet du tribunal de grande instance de Nantes refuse ensuite la plupart du temps de transcrire les actes de naissance étrangers au motif que cela contreviendrait à l'ordre public français. La Cour de cassation a rappelé dans trois arrêts rendus le 6 avril 2011 qu'en l'état de notre droit positif, il serait contraire au principe d'indisponibilité de l'état des personnes, principe essentiel de notre droit, qu'une convention de GPA produise effet au regard de la filiation car, fût-elle licite à l'étranger, elle est nulle dans notre pays.

Au quotidien, l'absence d'état civil dans notre pays ne pénalise pas les enfants concernés ni leur famille, l'état civil étranger de ces enfants – lesquels ne sont pas privés de filiation, je le souligne – ayant valeur probante dans notre pays et leur permettant d'avoir une vie courante normale. Il est en revanche très compliqué de leur faire établir des documents d'identité français, notamment un passeport.

Pour autant, je ne suis pas certain que la loi soit le meilleur véhicule législatif pour régler le problème. En Espagne, il l'a été par la voie réglementaire.

La GPA est un acte extrêmement grave qui contrevient au principe d'indisponibilité du corps, fortement ancré à la fois dans notre droit et notre culture. Pour autant, les enfants ainsi conçus n'ont pas à être pénalisés du fait des actes de leurs parents. …

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Il faut trouver une solution pour que ces « fantômes de la République » puissent obtenir des papiers d'identité français, mais la loi, en tout cas le présent texte, ne paraît pas l'outil adapté. Je suis donc défavorable à l'amendement.

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Je suis toujours surpris qu'on cherche à habiller de légalité quelque chose de fondamentalement contraire à l'ordre public français. Notre droit réaffirme le principe d'indisponibilité de l'état des personnes comme du corps humain. Accepter la demande des auteurs de cet amendement reviendrait à introduire un cheval de Troie. Il est pour le moins ambivalent – je ne dis pas hypocrite car je ne fais pas de procès d'intention à notre collègue Coronado – de soutenir que la GPA ne doit pas être reconnue, mais que les actes de naissance par GPA à l'étranger, eux, devraient l'être. Pour nous, la GPA, autrement dit la pratique des mères porteuses, c'est une marchandisation du corps, laquelle est strictement interdite en France. Quand bien même quelques pays – ils ne sont que quelques-uns au monde – l'autoriseraient, cela ne doit rien changer à notre droit. Certes, il existe aujourd'hui des « fantômes de la République » – je reprends l'expression à condition de ne pas risquer d'être piégé pour l'avoir fait ! Mais doit-on rechercher des solutions juridiques pour pallier l'inconséquence de certains parents qui savent pertinemment s'être mis hors la loi ?

Lors de la révision des lois de bioéthique, nous avions déjà eu l'occasion de dire notre opposition à la GPA, qui n'est acceptable ni pour les couples homosexuels ni pour les couples hétérosexuels. Dès lors que la PMA aura été autorisée pour les couples de même sexe – si ce n'est pas dans le présent texte, ce sera dans celui à venir sur la famille –, au nom même de l'égalité entre les femmes et les hommes homosexuels, il faudra légaliser la GPA. Et aux demandes des couples hétérosexuels s'ajouteront celles des couples homosexuels. Ce n'est pas là un fantasme de l'opposition, né ex nihilo ; c'est bel et bien une réalité. Il suffit de relire ce qui est demandé dans le rapport sénatorial de Mme Michèle André.

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Nos travaux préalables ont mis en lumière la nécessité de régler cette question d'état civil pour les enfants élevés dans des familles hétéroparentales comme pour que ceux élevés dans des familles homoparentales. Il existe un réel problème pour les enfants nés par GPA à l'étranger, encore plus aigu lorsqu'ils sont nés hors de l'espace Schengen puisqu'ils sont alors soumis à l'obligation stricte de posséder un visa. Députée représentant les Français de l'étranger, je suis sensibilisée aux difficultés de ces familles. Il ne faut pas pénaliser les enfants pour des décisions prises par leurs parents, dont ils ne sont en rien responsables. Quoi que l'on puisse penser des législations autorisant la GPA, il faut savoir que des Français qui ont ainsi construit une famille de manière tout à fait légale dans le pays étranger où ils vivent, s'y retrouvent bloqués car, surtout si les parents ne sont pas mariés et si le parent français n'est pas le parent biologique, il leur est très compliqué de faire reconnaître la double filiation des enfants et leurs droits parentaux dans la perspective d'un retour en France, qui pourtant souvent rapprocherait les enfants de leurs grands-parents.

S'il est important de régler ce problème, ce texte n'est néanmoins pas le bon vecteur. Le sujet sera mieux traité dans le cadre du prochain projet de loi sur la famille qui devrait être présenté en mars.

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Cet amendement me dérange, car il est la preuve qu'on ne souhaite pas se limiter au mariage. Dès lors que l'on présente une telle disposition, on enclenche un processus.

En 1998, je n'avais pas voté le PACS, parce que j'étais choquée qu'il soit possible d'y mettre un terme par simple lettre recommandée – dans la procédure de divorce, est au moins prévue, fût-elle hypocrite, une période de conciliation entre les conjoints. Je trouvais cela irrespectueux à l'égard du partenaire pacsé « renvoyé ».

Le présent projet de loi n'est pas le bon véhicule législatif pour régler le problème soulevé par cet amendement. La question des droits de l'enfant devra être revue lors de l'examen du projet de loi annoncé sur la famille. Ce serait un cavalier dans un projet de loi tendant à ouvrir le mariage aux personnes de même sexe. Limitons-nous à l'objet de ce texte.

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Cet amendement est un bel exemple de jeu sur l'affectif. Pour nous faire accepter une pratique interdite, comme cela n'est pas défendable en raison, on nous prend par les sentiments. Si la France condamne la location des ventres et l'achat d'enfants, comment accepter que des Français y recourent à l'étranger et fassent ensuite légaliser cela dans notre pays ? En réalité, j'admire cet amendement pour son incohérence.

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Cet amendement comporte en lui-même l'élément qui l'invalide. « La filiation ainsi établie n'est susceptible d'aucune contestation du ministère public », y est-il écrit. Comment, dans un État de droit, empêcher le représentant de la puissance publique de contester une filiation ? Souvenons-nous du temps où les docteurs Geller et Dajoux avaient organisé un dispositif de location de ventres – je précise que le docteur Dajoux, qui vit aujourd'hui en Israël, est revenu sur ces pratiques et est prêt à condamner les initiatives qu'il avait prises à l'époque. Ne rêvons pas, notre monde n'est pas idéal : comment exclure avec ce genre de pratique l'hypothèse de pressions de toutes sortes, de chantages, de manoeuvres frauduleuses, d'escroqueries ? Interdire a priori au ministère public d'intervenir, alors qu'il est le garant de l'authenticité de l'état civil, c'est vouloir le priver d'un élément de contrôle indispensable. Que l'on souhaite empêcher toute contestation de sa part est un aveu qui en dit long sur cet amendement inacceptable.

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Cet amendement ne vise nullement à légaliser la GPA, la location de ventres, ou quelque autre des manoeuvres que nous venons d'entendre. Il a pour seul objectif de sécuriser la situation d'enfants qui grandissent sur le territoire français, qui ne sont pas nécessairement nés d'une GPA considérée comme un aller-retour dans un pays pauvre pour y louer le ventre d'une jeune fille afin d'avoir un enfant, mais sont nés parce que leurs parents ont eu recours à la GPA dans un pays qui l'autorise. Certains parents, homosexuels ou hétérosexuels, qui vivent depuis des années dans un pays autorisant la GPA, y ont recouru en toute bonne foi et en toute légalité. Puis, lorsqu'à la faveur d'une mutation professionnelle par exemple, ils reviennent en France, ils s'aperçoivent qu'il n'est pas possible de faire établir de papiers d'identité à leurs enfants. Cet amendement ne vise pas à interdire au juge ou aux services de l'état civil de Nantes de contester un acte de naissance. Il vise seulement, dès lors que l'acte a été régulièrement établi dans un pays qui autorise la GPA et qu'il n'y a pas eu de manoeuvres frauduleuses, à sécuriser la situation des enfants en leur permettant enfin d'avoir des papiers.

J'entends les réserves qui ont été exprimées par le rapporteur sur la pertinence du véhicule juridique. Un arrêt de la Cour de cassation de février 2012 a marqué une avancée. Il suffirait peut-être simplement d'une circulaire, mais nul n'a jamais eu le courage de la prendre. Cet amendement a le mérite de pointer les difficultés que rencontrent ces enfants et leurs familles. Puisqu'il a peu de chances d'être adopté, je pourrai le voter sans remords et sans avoir l'impression de rompre la solidarité avec mon groupe.

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L'interdit dont la GPA fait l'objet se fonde non pas sur des considérations nationales, mais sur des principes universels. La loi ne doit pas encourager à contourner ces principes, ni inciter les parents à aller en Inde, en Ukraine ou d'autres pays où la GPA est organisée par des réseaux de traite, en faisant comme si de rien n'était. Je suis cependant sensible à l'intérêt de l'enfant, qui n'est en rien coupable en cette affaire. Mais, comme la plupart d'entre nous ici, je pense que c'est dans un autre cadre que doit être réglée la question de l'établissement de la filiation.

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Des positions divergentes s'expriment. Pour certains, dont je suis, une question de principe est posée : la gestation pour autrui est contraire à la dignité humaine, notamment à celle des femmes. Pour d'autres, il pourrait y avoir des accommodements dans le cadre réglementaire ou dans une autre loi.

Il s'agirait alors d'une reconnaissance implicite de la gestation pour autrui que nous ne pouvons pas accepter dans notre droit. Laisser planer l'ambiguïté aujourd'hui enverrait un message d'encouragement à aller faire une GPA à l'étranger. Vous nous dites le contraire aujourd'hui, mais vous faites un premier pas vers la GPA, et, dans dix ans, vous nous demanderez de légiférer au nom de toutes ces personnes qui sont obligées de se rendre à l'étranger.

Cela me gêne beaucoup que l'on prenne les enfants en otage. Les adultes responsables doivent assumer leurs actes. Ils commettent un acte illégal que l'on nous demande de couvrir par la loi, mais la société doit avoir le courage de dire non et de ne pas céder à leurs caprices. Je m'oppose donc férocement à cet amendement.

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Il me paraît très difficile d'admettre que, dans certaines situations, l'on puisse tirer profit de sa propre turpide. Selon le vieil adage du droit classique, nemo auditur, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpide. Notre droit est d'une grande sagesse.

D'un côté, tout doit être fait pour respecter les dispositions d'ordre public relatives à la GPA ; de l'autre, il faut que nous sachions comment traiter les enfants concernés. Ces derniers ne sont coupables de rien ; ils ont seulement des parents qui n'ont pas le sens de leurs responsabilités. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi nous devrions prendre le risque d'affaiblir considérablement des dispositions d'ordre public au simple motif qu'il faudrait régler des situations particulières. En l'espèce, l'intérêt général doit l'emporter sur un intérêt particulier.

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S'il n'est pas unanime, le refus d'introduire la gestation pour autrui en droit français fait aujourd'hui l'objet d'une très large majorité. L'amendement de notre collègue revient à contourner l'interdit actuel avec le recours à la GPA dans un pays étranger. Il reste que les enfants ainsi conçus existent et qu'ils n'ont pas à supporter les erreurs de leurs parents. Mesdames les ministres, ne peut-on pas imaginer des solutions à ce problème ?

Nous pourrions d'abord prendre une initiative pour qu'une convention internationale interdise la GPA dans le monde entier. En effet, nous parlons d'exploitation de la misère. Nos collègues partisans de l'amendement de M. Coronado ont oublié de nous dire qui sont les femmes qui acceptent la GPA. Avez-vous vu les émissions de télévision sur la GPA en Californie ? C'est affreux ! Comment des humanistes peuvent-ils accepter cela ? Il faut mener le combat aux États-Unis et dans les pays qui ont autorisé ou toléré une telle pratique.

Nous pourrions ensuite trouver une solution pour protéger l'enfant. Il me semble, par exemple, que l'épouse de l'homme qui a signé un contrat lui permettant d'avoir un enfant par GPA peut adopter ce dernier. À ma connaissance, ce n'est pas interdit en droit français.

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Monsieur Dussopt, les personnes dont vous parlez n'ignorent pas l'état du droit en France. Il n'appartient pas au droit de répondre à toutes les situations qui naissent de sa transgression.

Mme Crozon a très clairement condamné les pays qui ont autorisé la GPA. Il faut toutefois constater qu'ils n'ont pas tous le même niveau de développement. Les conditions sociales et le contexte dans lequel les femmes concourent à la GPA peuvent être très différents selon les pays. Dans certains cas, on peut parler d'oppression mais, dans d'autres, les choses sont différentes. Comment les qualifiez-vous alors ?

Ce n'est pas notre position, ce n'est d'évidence pas la vôtre, mais certains ne considèrent-ils pas que dans certaines conditions la GPA serait une forme de liberté et de droit supplémentaire ? La diversité des pays concernés amène à poser cette question car certains ne sont pas des États barbares. Ils ne connaissent pas tous des difficultés économiques majeures, et les femmes concernées n'y rencontrent pas toutes les pires difficultés sociales.

Certains parmi vous manifesteront le 27 janvier ou soutiendront les manifestations des partisans du projet de loi. Vous vous trouverez alors aux côtés de M. Pierre Bergé. Que pense M. Coronado des propos de celui-ci sur la GPA ?

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Pour ne pas allonger les débats, je ne demanderai pas à M. Mariton ce qu'il partage avec tous ceux qui ont manifesté à ses côtés dimanche dernier, quels qu'ils soient.

L'amendement traite d'une question qui mérite d'être posée. Elle concerne non pas uniquement les couples homosexuels mais, le plus souvent, des couples hétérosexuels. Un couple de diplomates habitant au États-Unis depuis dix ans et ayant choisi de faire usage du droit du pays dans lequel il vit – en fait, la législation relative à la GPA relève non pas du niveau fédéral, mais de chacun des États américains – revient en France avec un enfant qui n'a plus d'identité. Nous ne pouvons pas faire comme si cette réalité n'existait pas. On ne peut pas se satisfaire que ces enfants n'aient pas d'identité en France. Il est donc nécessaire de trouver une solution. La seule question qui se pose est de savoir s'il faut le faire dans ce projet de loi ? Je ne suis pas certain que cela soit le cas.

Cela dit, dans notre histoire législative récente, nous avons su résoudre le cas des enfants de moins de seize ans nés en France de parents étrangers, qui n'avaient pas d'identité dans notre pays. Les consulats concernés ne leur attribuaient pas de papiers d'identité ce qui posait des problèmes, par exemple lors des déplacements à l'étranger organisés dans le cadre de la scolarité. Nous avons créé le titre d'identité républicain pour que ces enfants disposent d'un document d'identité. La situation évoquée par M. Coronado est la même. Tout en réaffirmant notre opposition à la GPA en droit français, nous considérons que le législateur ne peut pas faire comme si la question ne se posait pas.

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En mettant en avant les droits de l'enfant, l'amendement de M. Coronado est habile, mais cette habilité se retourne contre lui.

En effet, le véritable objet de l'amendement n'est pas de défendre les droits de l'enfant. Une simple lecture de celui-ci montre que cet argument n'est pour vous qu'une sorte de caution afin de faire passer autre chose. D'une part, l'amendement précise que « mention est faite de la filiation établie à l'égard du ou des parents intentionnels ». Il s'agit donc non pas de défendre les droits de l'enfant, mais bien d'introduire en droit français la protection de la GPA. D'autre part, nous ne comprenons vraiment pas pourquoi vous voulez interdire au ministère public de contester le droit à la filiation quand il est en cause.

J'ajoute, mais c'est accessoire, que ce projet de loi n'est pas le véhicule adéquat pour un tel amendement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement. Il est toutefois incontestable qu'il s'agit d'un sujet lourd et grave relatif à la fois au principe d'ordre public posant le principe de l'indisponibilité du corps humain, et à la question des enfants issus de la GPA.

Nous sommes attachés au principe que je viens d'évoquer ; il ne doit pas subir la moindre éraflure, si je puis dire. Mais nous parlons aussi d'enfants dont il faut préciser qu'ils ne sont pas sans état civil, ni sans identité. La formule « fantômes de la République » est certes éloquente, mais ces enfants disposent en fait d'une identité attribuée par leur pays de naissance, qui produit des effets en droit français. Les parents de ces enfants étant français, ces derniers ont la nationalité française par filiation.

L'inscription à l'école ne pose aucun problème, pas plus que l'exercice de l'autorité parentale, l'accès aux droits sociaux ou l'obtention d'un passeport. Sur ce dernier point, en pratique, certaines difficultés demeurent toutefois ; j'y reviendrai. Le problème qui se pose est celui de la transcription sur le registre d'état civil et dans les faits, ces enfants rencontrent un certain nombre de difficultés qu'il faut résoudre.

Nous ne pouvons admettre que le choix d'adultes soit imputé aux enfants. Nous avons donc seulement le souci d'être efficaces, et je crois qu'il s'agit d'un souci partagé. Nous voulons en conséquence modifier ce qui doit l'être.

En réalité, ces enfants ont un état civil. Le problème se pose pour la transcription dans le registre d'état civil français lorsque le consulat a une suspicion de GPA. Ces quatre dernières années, seulement quarante-quatre dossiers ont fait l'objet d'une transmission au parquet par un consulat via le ministère des Affaires étrangères. Dans trente-huit cas, il y avait bien eu GPA. Pour l'année qui vient de s'écouler, on ne compte qu'une dizaine de dossiers transmis. Évidemment, il s'agit de ce que nous pouvons effectivement mesurer et pas nécessairement de la réalité des situations.

Si ces enfants sont français et si leur état civil produit des effets, dans les faits, les enfants concernés rencontrent parfois des difficultés quand on demande que leur soit accordé un certificat de nationalité française. Nous avons, en conséquence, donné des consignes. J'ai fait préparer une circulaire qui doit être adressée de façon imminente aux tribunaux d'instance afin de faciliter la délivrance de ces certificats, aucun élément de droit ne justifiant qu'elle soit refusée à ces enfants qui sont français.

L'ambiguïté vient de ce que tous les effets de droit sont réalisés, mais qu'il n'y a pas de transcription dans le registre d'état civil français. Pour la délivrance d'un certificat d'état civil, ils sont donc obligés de saisir le consulat concerné, ce qui complique leur vie quotidienne. Notre réflexion est en cours sur cette transcription. Ces enfants sont français, il faut qu'à un moment donné, ils apparaissent sur les registres d'état civil, par exemple à leur majorité. Cette question est à l'étude : lors de leurs seize ans ou de leurs dix-huit ans, nous pourrions opérer cette transcription de façon automatique ou par une procédure allégée.

La commission rejette l'amendement CL 466.

Elle examine ensuite l'amendement CL 135 de M. Jean-Frédéric Poisson.

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De nombreux élus locaux considèrent que le fait de célébrer le mariage de deux personnes de même sexe est contraire à certains éléments de leur conscience. Ceux, dont je suis, qui considèrent les choses ainsi, ont reçu un soutien dépourvu de toute ambiguïté de la part du président de la République lors de son allocution au dernier Congrès des maires. Au plus haut niveau de l'État, on conçoit donc que célébrer le mariage de deux personnes de même sexe puisse constituer un problème éthique. En effet, cela ne correspond pas à la conception que certains élus ont du mariage, de la filiation, de la place et de l'impact du droit naturel dans notre législation.

En conséquence, nous sommes nombreux à avoir déposé des amendements visant à laisser la liberté aux officiers d'état civil de refuser de célébrer un mariage entre deux personnes de même sexe, sous réserve qu'ils en informent les autorités publiques dans les conditions prévues par la loi. Compte tenu du soutien massif qu'une telle disposition rencontre de la part des officiers d'état civil et de l'importance de la question en jeu, il me semble nécessaire qu'une réserve de cette nature soit inscrite dans notre droit.

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Il est difficilement concevable que la loi puisse reconnaître à un officier d'état civil la faculté de ne pas exercer une compétence qui lui est dévolue par la loi.

Le maire qui célèbre les mariages en sa qualité d'officier d'état civil exerce cette compétence au nom de l'État, en vertu de l'article 165 du code civil. Il exerce ses fonctions sous le contrôle du procureur de la République et ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation personnel. Je rappelle par ailleurs qu'il existe de larges possibilités de délégation pour les adjoints, sans arrêté, et pour chaque conseiller municipal, y compris les conseillers municipaux d'opposition qui sont souvent sollicités.

Alors que la loi autoriserait l'union de deux personnes de même sexe, un maire ou un adjoint au maire qui refuserait de célébrer ce mariage s'exposerait à des sanctions pénales et administratives.

Pour conclure, monsieur Poisson, je crains que la rédaction de votre amendement ne traduise pas vraiment vos intentions. Vous souhaitez que les officiers d'état civil soient libres de refuser de célébrer un « mariage entre couples de personnes de même sexe » : le pluriel au mot couple laisse entendre qu'il s'agirait du mariage de plusieurs couples, soit d'au moins quatre personnes. Cela me semble constituer un argument supplémentaire pour donner un avis défavorable à cet amendement.

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Ce projet de loi très idéologique rencontre l'opposition d'une partie de plus en plus importante du peuple de notre pays.

Vous niez l'altérité sexuelle, vous méprisez la filiation biologique, vous balayez le droit des enfants à avoir un père et une mère. Vous multipliez tout ce qui peut manifestement blesser la conscience des citoyens et celle des élus. Plus d'un million de personnes ont d'ailleurs manifesté dimanche dernier. Certains élus de la majorité les méprisent alors que, par ailleurs, ils s'inclinent quand les manifestants sont beaucoup moins nombreux. On méprise d'autant plus le peuple qu'il se mobilise en nombre.

J'ai lancé une pétition qui a réuni plus de 2 500 signatures de maires, et il aurait pu y en avoir beaucoup plus. Cela montre combien notre demande est importante. Je m'étonne d'ailleurs de l'intolérance qui caractérise vos réponses. L'objet de cet amendement n'est pourtant pas d'interdire aux couples de personnes de même sexe de se marier dans nos mairies ; nous voulons seulement que le maire ou l'adjoint ne soit pas obligé de célébrer un mariage qu'il n'approuve pas, qui heurte sa philosophie et ses sentiments. Il suffit qu'on lui laisse la possibilité de déléguer sa compétence à un autre élu. C'est du bon sens ; c'est de la tolérance.

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Monsieur Poisson, pendant dix ans, vous avez voté des lois avec lesquelles nous étions en complet désaccord idéologique ; nous les avons appliquées. C'est le propre de la démocratie.

La liberté de conscience est une notion essentielle en démocratie. Elle donne toute sa légitimité au droit de vote. Elle justifie notre présence sur ces bancs ainsi que notre mission qui consiste à exprimer, au nom du peuple, notre accord ou notre désaccord avec ce que le Gouvernement nous propose.

Cependant, monsieur Poisson, c'est aussi au nom du peuple que la loi, une fois votée, doit s'appliquer à tous dans les mêmes conditions. Un officier d'état civil n'est pas au-dessus des lois. Il s'agit non pas de nier la liberté de conscience ou de soutenir une idéologie, mais de garantir l'égale application de la loi. Si l'on commence à distinguer entre les lois qu'il faut appliquer même si l'on n'est pas d'accord, et celles que l'on peut ne pas appliquer, c'est la fin de l'État de droit dans notre pays.

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Je suis choqué par les amendements relatifs aux maires. Ces amendements ne sont pas sérieux ; ils sont antirépublicains, dangereux et, d'une certaine manière, assez hypocrites.

Ils sont antirépublicains, car il ne peut y avoir de liberté de conscience du maire quand celui-ci doit faire appliquer la loi, toute la loi – il ne peut pas se contenter de faire appliquer uniquement celles qui lui font plaisir.

Ils sont dangereux, car on peut s'interroger sur le champ d'application de cette liberté de conscience. Est-ce que ce sera à la tête de la future mariée ? Et si le maire n'aime plus les ouvriers ou les employés ?

Ces amendements sont particulièrement discriminatoires et hypocrites.

Un maire peut demander à ses adjoints de célébrer un mariage. L'essentiel est que celui-ci puisse avoir lieu dans n'importe quelle commune de France.

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L'amendement proposé porte gravement atteinte à l'institution que constitue le maire lorsqu'il agit en qualité d'officier d'état civil – il exerce alors ses fonctions sous l'autorité du procureur.

En matière de mariage, le maire doit vérifier un ensemble d'éléments relatifs aux qualités juridiques nécessaires pour se marier, qui relèvent de l'état civil. Il doit également vérifier, d'une part, que le consentement est libre et, d'autre part, l'intention matrimoniale, ce dernier élément ayant été introduit dans la loi par l'actuelle opposition.

Mais, même dans ce cadre, le maire ne peut pas refuser de célébrer un mariage ; il peut seulement transmettre un dossier au procureur de la République, car seule l'autorité judiciaire peut interdire la célébration du mariage. Elle peut aussi enjoindre au maire de célébrer un mariage sachant que ce dernier peut déléguer cette fonction qui est alors exercée sous son autorité.

Votre amendement remet en cause l'institution traditionnelle du maire, officier d'état civil, représentant de l'État, agissant sous le contrôle et l'autorité du procureur de la République. À mon sens, ce dispositif ne peut pas être entamé. En essayant de le faire pour réagir à l'ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, vous portez atteinte à un principe fondamental, et vous ouvrez tous les champs qui rendraient impossible le maintien du système. Tous les amendements portant sur ce sujet sont inacceptables.

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En tant que maire, je ne suis pas nécessairement demandeur pour moi-même de la liberté de conscience. Pour autant, je pense que cette liberté est importante.

Après les propos du président de la République au Congrès des maires, on ne peut pas évacuer le sujet en termes aussi durs que ceux utilisés par M. Pietrasanta.

On nous dit à loisir – il s'agit même parfois de l'argument ultime – que ce projet de loi vise à mettre en oeuvre l'engagement 31 du président de la République : « J'ouvrirai le droit au mariage et à l'adoption aux couples homosexuels. » Au demeurant, ouvrir le droit au mariage ne dispense pas de le faire en adoptant certaines modalités adaptées. Or cette souplesse, qui pouvait se déduire de l'engagement du Président, a totalement disparu de nos débats.

Le président de la République a pris un engagement 31. Mais il s'est aussi exprimé clairement au Congrès des maires et le discours tenu par M. Pietrasanta a insulté ces propos. Comment voulez-vous concrétiser l'engagement pris devant les maires si ce n'est en adoptant un tel amendement ?

Nous proposons la clause qui fait l'objet de l'amendement précisément parce que nous respectons la loi. Et pour ce qui est de son respect systématique, permettez-moi, madame Crozon, de demander si vous avez été exemplaires lors de la mise en oeuvre du service minimum dans l'éducation ou de l'amendement Charasse. La loi était pourtant explicite, mais vous avez milité pour qu'elle ne soit pas appliquée.

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Une fois par an se tient le Congrès des maires. Ces derniers sont les acteurs de terrain les plus pertinents ; ils connaissent leur collectivité et ils ont un contact direct avec leurs concitoyens.

À cette occasion, le président de la République a clairement évoqué un problème de conscience et la possibilité d'une clause visant à résoudre ce problème. L'opposition n'a donc rien inventé : elle se contente de respecter la démocratie et les propos du plus haut personnage de l'État. Parler de propos hypocrites et prétendre que cet amendement est déplacé, c'est donc réellement insulter le président de la République.

Par ailleurs, monsieur Le Bouillonnec, cet amendement ne vise pas à interdire un mariage de la même façon que la loi prévoit aujourd'hui que l'autorité judiciaire peut le faire dans certains cas. Il s'agit de permettre aux officiers d'état civil de plein droit que sont les maires et les adjoints de faire jouer une clause de conscience. Ce n'est pas un appel à la désobéissance civile ou civique, il ne s'agit pas de se mettre hors-la-loi ; nous voulons seulement que la loi reconnaisse une nouvelle possibilité d'invoquer la liberté de conscience, possibilité qui existe déjà par ailleurs.

Ainsi, dès les années 70, les jeunes citoyens majeurs qui refusaient de porter les armes pour des raisons de conscience ont pu accéder au statut d'objecteur de conscience. Ce n'est donc pas tout récent. Les médecins peuvent eux aussi faire jouer une clause de conscience. On peut même remonter à la théorie légalisée des « baïonnettes intelligentes » qui permet de refuser d'exécuter un ordre illégal. Les choses sont un peu parallèles : il s'agit non pas de ne pas exécuter un ordre illégal, mais de donner sa place à la conscience. Une fois ce principe reconnu, nous en organiserons les modalités. Le législateur est parfaitement compétent pour prévoir des dérogations qui n'entachent en rien la loi républicaine puisqu'il s'agirait d'une disposition de la loi elle-même.

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Quelle condamnation dans la bouche de nos collègues socialistes de celui qui, le premier, a parlé d'une clause d'objection de conscience ! Vous avez parlé d'atteinte à un principe fondamental et d'hypocrisie ; vous vous êtes dits choqués ; vous avez évoqué la fin de l'État de droit, et vous avez considéré que nous n'agissions pas au nom du peuple. Le premier concerné est pourtant le président de la République.

Un amendement permettant à un maire de ne pas tenir grief à l'un de ses adjoints de ne pas vouloir célébrer l'union d'un couple homosexuel me paraît souhaitable. En ce qui me concerne, en tant que maire, je ne me défilerai pas si la loi est votée : je célébrerai dans ma commune le mariage de couples homosexuels qui le souhaiteront. J'estime, en revanche, qu'il est tout à notre honneur d'empêcher que nous puissions reprocher à l'un de nos adjoints de ne pas vouloir le faire.

Le premier problème de conscience se posera non pas au niveau des communes, mais plutôt lors des conseils de familles qui devront confier un enfant à un couple homosexuel…

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Nous nous écartons du sujet, mon cher collègue. Vous ne parlez plus de l'amendement !

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À mon sens, les propos de M. le rapporteur constituent une reconnaissance de fait de la liberté de conscience. Celui-ci nous explique, à juste titre, que si la célébration du mariage heurte la conscience du maire, ce dernier pourra toujours déléguer un adjoint ou un conseiller municipal. Ce raisonnement montre que le rapporteur accepte en quelque sorte l'exercice de la liberté de conscience qui n'est pourtant pas inscrite dans la loi. Or, M. Jean-Yves Le Bouillonnec l'a dit de façon très claire : un officier d'état civil ne peut pas s'affranchir de l'application de la loi. N'en déplaise à mon collègue Jean-Frédéric Poisson, il est délégataire de la puissance publique.

Cela dit, nous rencontrons tous dans nos circonscriptions des maires, de toutes sensibilités, profondément hostiles au projet de loi et qui ne célébreront pas de mariages de personnes homosexuelles. C'est un fait qu'il faut prendre en compte. Je le comprends d'autant plus, madame la ministre, que jamais vous ne m'obligerez à vous rendre mon livret de famille sur lequel il est indiqué que je suis le père de mes enfants, qui ont aussi une mère.

Je déposerai en séance un amendement visant à différer l'application du projet de loi à une date postérieure aux prochaines élections municipales. Les candidats aux élections sauront ainsi qu'ils devront appliquer le texte dont nous débattons. En l'état, vous ne pouvez pas imposer aux maires un dispositif qui heurte leur conscience.

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Il ne faut pas se cacher derrière le petit doigt de l'idéologie. Ce projet de loi est aux confins du droit civil et de la conscience. Nous ne pouvons pas faire comme si le maire qui s'apprête à célébrer un mariage n'était pas à la fois dans le droit civil et face à ses obligations personnelles de conscience.

J'estime que cet amendement est sérieux. Il n'est ni discriminatoire ni antirépublicain. Mais il est vrai que, grâce à la nouvelle rhétorique du « je t'insulte donc je ne suis pas… », il est avantageux d'affirmer qu'un propos est antirépublicain, pas sérieux et discriminatoire puisque cela vous rend républicain, sérieux et non discriminatoire.

Si l'on a un peu de respect pour Jean Jaurès, on doit considérer avec beaucoup d'émotion la notion d'objection de conscience à laquelle le Conseil constitutionnel a donné une portée constitutionnelle en 1977.

Noël Mamère, qui sera sans doute le dernier dans ce siècle à s'appeler ainsi, a célébré un mariage entre homosexuels alors que c'était pourtant interdit par la loi. Et vous l'avez tous soutenu au motif qu'il pouvait le faire au nom de sa conscience. Pourquoi les mêmes arguments ne s'appliqueraient-ils pas à un officier d'état civil qui refuse de célébrer un mariage ? Je m'étonne que les partisans résolus de la liberté de conscience ne se lèvent pas aujourd'hui comme un seul homme pour la défendre. L'objection de conscience, d'ailleurs, a fondé un peu de l'âme de la République.

Le président de la République, je le rappelle, a déclaré que « la loi s'applique pour tous, dans le respect, néanmoins, de la liberté de conscience ». Bref, nous ne vous demandons que de prendre en compte les mots « liberté » et « conscience » qui vous animent.

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Le président de la République, devant le Congrès des maires, a reconnu ce principe essentiel qu'est la liberté de conscience avant de recevoir, le lendemain, les associations « LGBT » à l'Élysée. L'Entente parlementaire pour la famille, qui regroupe 213 parlementaires dont je fais partie, demande quant à elle depuis trois mois à y être reçue, mais cette demande est restée sans réponse…

Un tel mépris des élus se retrouve dans les propos de la majorité lorsqu'elle rejette l'objection de conscience, même si celle-ci, nous en sommes d'accord, ne doit pouvoir être invoquée que dans de rares cas : toute la question est de savoir si les principes dont nous parlons – altérité sexuelle et éducation de l'enfant par un père et une mère – en font partie. Il s'agit en un mot, chers collègues de la majorité, de respecter ceux qui ne pensent pas comme vous, s'agissant de principes qui peuvent heurter la conscience.

L'objection de conscience, qui existait pour le service national, existe encore, je le rappelle, pour les médecins, les avocats et les chercheurs qui travaillent sur les embryons humains.

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« Les maires sont des représentants de l'État. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer. Mais je le dis aussi, vous entendant : des possibilités de délégation existent. Elles peuvent être élargies, et il y a toujours la liberté de conscience. La conception de la République vaut pour tous les domaines et, d'une certaine façon, c'est la laïcité, c'est l'égalité : c'est-à-dire que la loi s'applique pour tous, dans le respect, néanmoins, de la liberté de conscience » déclarait, le 20 novembre dernier, le président de la République. L'exposé sommaire de l'amendement CL 135 ne dit pas autre chose.

Quelle traduction législative le Gouvernement entend-il donner aux propos du chef de l'État ? Nous attendons une réponse qui ne se résume pas à un silence méprisant.

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Je note que vous êtes le septième député UMP à citer François Hollande.

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Contrairement à ce que vous soutenez dans l'exposé sommaire de votre amendement, monsieur Poisson, il n'y a aucun « ordre supérieur à la loi », et certainement pas un ordre naturel. Seules les normes constitutionnelles et conventionnelles prévalent sur la loi.

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Monsieur le Président, vous noterez qu'un député UDI citera aussi François Hollande. Le maire que je suis reste sceptique sur de tels amendements. Si d'aventure certains de mes adjoints refusaient de célébrer des mariages entre personnes du même sexe, je le ferais moi-même afin que la loi soit appliquée. Cependant, le texte peut poser des problèmes dans certaines communes rurales, où les adjoints au maire sont peu nombreux. Aussi pensais-je, avec quelque naïveté, que la majorité serait favorable à ces amendements qui donnent une traduction concrète aux propos tenus par le président de la République devant le Congrès des maires. Ces propos étaient-ils de pure circonstance ? Force est en tout cas de constater que, dès le lendemain, le président de la République les reniait devant les représentants d'une extrême minorité de nos concitoyens.

Les adjoints au maire étant en effet des officiers d'état civil, monsieur le rapporteur, ils ne marient pas par délégation, mais de plein droit. En revanche, il faut un arrêté pour autoriser un conseiller municipal à célébrer un mariage, et prouver, pour ce faire, l'empêchement du maire et de tous ses adjoints. Ceux-ci étant au nombre de treize dans la commune dont je suis maire, la chose est évidemment impossible, si bien que ce type d'arrêté, à la limite de la légalité, fait peser une incertitude juridique sur le mariage. Les conseillers municipaux doivent eux aussi être autorisés à célébrer un mariage, quitte pour cela à ce que nous examinions un amendement en ce sens lors de la réunion que notre Commission tiendra au titre de l'article 88 du Règlement.

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Il est évident, comme je l'ai dit dès l'origine, que le maire que je suis appliquera la loi si elle est adoptée ; pour trancher le débat, dans cette hypothèse, je serai même, dans ma commune, le premier à célébrer un mariage entre deux personnes de même sexe.

Si je ne suis donc pas demandeur de cet amendement, je veux le défendre car il permet d'éviter les hypocrisies. Beaucoup de ceux qui défendent la liberté de conscience sont en réalité contre les mariages dont nous parlons ; au demeurant, il suffit de prétexter un empêchement pour éviter d'avoir à les célébrer.

Si le maire n'a heureusement pas à décider de l'opportunité d'une union, il doit veiller à la réalité du consentement des futurs époux ; cela arrive, par exemple – quoique rarement –, quand l'un d'eux se présente devant lui en état d'ébriété manifeste. Cette liberté d'appréciation et de conscience doit-elle être inscrite dans la loi ? Telle est la question posée par l'amendement, auquel je rends hommage. Il permettrait aux maires de dire clairement pourquoi ils refusent de célébrer certains mariages, au lieu de cacher leurs raisons sous de fallacieux prétextes.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Ni l'article 34 du code civil, relatif aux actes d'état civil qui incombent aux officiers d'état civil, ni l'article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales, qui précise les attributions exercées au nom de l'État par les officiers ministériels, ne prévoient la clause de conscience. L'objection de conscience fut instaurée dès les années 60, mais pour des jeunes conscrits refusant d'obtempérer à un ordre de guerre ; elle ne peut être invoquée pour autoriser des officiers d'état civil à s'affranchir de leurs obligations légales. Nous pensons d'ailleurs que les maires responsables et consciencieux respecteront la loi, quelles que soient leurs convictions intimes.

De surcroît, ce que vous voulez ranger sous la « clause de conscience » heurte des droits et libertés constitutionnels, tels que la neutralité du service public, le droit au mariage, l'égalité devant les droits et le principe de non-discrimination. Je ne doute pas que le Conseil constitutionnel, le cas échéant, réagirait.

La future loi s'imposera aux officiers d'état civil. Des sanctions administratives ou pénales sont déjà prévues pour les officiers d'état civil, au premier rang desquels les maires, qui s'affranchissent des obligations légales ; ceux qui feraient ce choix accepteraient donc de s'y exposer. M. Mamère a ainsi été sanctionné après avoir célébré un mariage qui n'était pas prévu par le droit.

Hier, enfin, la Cour européenne des droits de l'homme a confirmé la décision de la justice du Royaume-Uni, qui avait condamné un officier d'état civil à un licenciement après qu'il eut refusé de célébrer un partenariat civil entre deux personnes de même sexe. La Cour, saisie sur le fondement des articles 14 et 9 – relatifs, d'une part, aux discriminations et, de l'autre, à la liberté religieuse et à la liberté de conscience – de la Convention européenne des droits de l'homme, a estimé que le but poursuivi, à savoir la signature du partenariat entre deux personnes de même sexe, était légitime, et que l'effet pénal de la désobéissance de l'officier d'état civil n'était pas disproportionné.

Vous me dites, monsieur Fenech, que vous n'accepterez jamais de me remettre votre livret de famille ; mais il se trouve qu'il ne me viendra jamais à l'esprit de vous le demander, ni à titre personnel ni à titre officiel. Je me demande néanmoins si cet argument ne constitue pas le prochain leurre que vous allez répandre dans l'opinion.

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Je veux vous faire part de ma grande perplexité, me sentant d'autant plus libre de l'exprimer que je fais partie de ces élus républicains qui se font un devoir d'appliquer la loi, même quand elle leur paraît funeste, comme c'est le cas en l'espèce. Le numéro que nous joue la majorité n'en est pas moins ahurissant. Devant le Congrès des maires, le président de la République, face aux inquiétudes et aux résistances, avait promis une clause de conscience, avant de se dédire dès le lendemain sous une pression contraire. Alors que nous vous proposons d'inscrire dans la loi cette proposition qui apaisait les craintes des élus, vous nous opposez les arguments les plus divers, jusqu'à cette décision récente de la Cour européenne des droits de l'homme. Les atermoiements et les ambiguïtés du chef de l'État sur le sujet nous rendent néanmoins très perplexes, et redoublent notre volonté de combattre ce texte.

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Vous êtes le onzième intervenant à reprendre toujours les mêmes arguments.

La Commission rejette l'amendement CL 135.

Elle examine ensuite les amendements CL 164 de M. Jean-Pierre Decool, CL 483 de M. Jacques Bompard, CL 8 de M. Alain Tourret, CL 50 de M. Philippe Gosselin, CL 161 et CL 160 de M. Philippe Goujon.

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L'amendement CL 164, cosigné par vingt-trois collègues, vise à permettre la délocalisation d'un mariage dans une autre mairie que celle où l'un des futurs époux a son domicile ou sa résidence – puisque telle est la condition fixée par les articles 74 et 165 du code civil –, au cas où les officiers d'état civil de cette mairie auraient refusé de célébrer le mariage.

Dans la mesure où le droit au mariage doit être préservé, et puisque les cas seront vraisemblablement peu fréquents, il ne semble pas nécessaire de prévoir des conditions particulières pour le choix de la commune où le mariage sera célébré. Une telle disposition serait d'ailleurs utile pour tous les mariages, y compris hétérosexuels.

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Mon amendement CL 483, qui a le même objet, est de bon sens et témoigne d'un souci de respecter la sensibilité de chacun.

Je m'étonne de l'agressivité « persécutive », si vous me permettez ce néologisme, que l'on manifeste à l'endroit des maires qui refuseraient de célébrer les unions entre personnes de même sexe. Dès lors que la loi est votée, elle doit bien entendu pouvoir s'appliquer ; mais en quoi cela interdit-il de respecter la sensibilité de certains élus ? Je félicite le président de la République de l'avoir compris, fût-ce pendant quelques instants. En tout état de cause, l'amendement que je vous soumets satisferait les maires comme les couples homosexuels, et je ne doute pas de la grande sensibilité de la majorité sur ce sujet.

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L'expression « délocalisation des mariages » me choque. Opposé à une quelconque reconnaissance de la liberté des maires de célébrer un mariage, je suis très défavorable à ces amendements.

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Mes arguments pour défendre l'amendement CL 8 seront d'une tout autre nature : il ne s'agit en aucun cas d'envisager une solution de substitution pour les maires qui refuseraient d'honorer leur mission légale.

Suite au charivari de la droite il y a une quinzaine d'années et à une pétition signée par quelque 10 000 maires, nous n'avons pu obtenir que le PACS soit célébré en mairie. Il a donc fallu trouver une solution par défaut : après avoir envisagé une célébration en préfecture, le choix s'est porté sur le tribunal d'instance, ainsi que je l'avais proposé par un amendement.

Selon le droit actuel, le mariage doit avoir lieu dans la commune où réside l'un des futurs époux ; or, on estime qu'environ 25 000 unions sur 250 000 ne respectent pas cette loi tous les ans. La limitation du choix à deux communes, dans lesquelles les intéressés n'ont pas forcément leurs attaches, est très inconfortable pour eux. Bref, chacun admet aujourd'hui que la loi soit contournée, à commencer par les maires qui acceptent les fausses attestations en toute connaissance de cause. Il faut trouver une solution pour éviter ces très nombreux délits non sanctionnés.

En 2011, une disposition a été votée pour permettre aux futurs époux de choisir entre la commune où ils résident et celle où résident leurs parents respectifs ; mais le Conseil constitutionnel l'a rejetée au motif qu'elle constituait un cavalier législatif. Cette solution, que proposait M. Pélissard, ne me convainc guère car les parents sont parfois loin ou décédés ; d'où ma proposition que le mariage puisse être célébré dans l'une des communes du département où l'un des futurs époux réside. De fait, il faut un lien géographique ; il ne s'agit donc que de l'élargir. Mon amendement, qui s'applique à tous les mariages, ne vise qu'à apporter une solution pratique aux violations systématiques de la loi que nous constatons. J'espère avoir convaincu mes amis, comme je l'avais fait lors des débats sur le PACS.

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Les amendements qui nous sont soumis vont de plus en plus loin dans l'antirépublicanisme. Le maire doit appliquer la loi, quelle qu'elle soit. Les propositions que nous entendons conduiraient à distinguer les « bons mariages » entre couples hétérosexuels des mariages de seconde zone, entre couples homosexuels : les uns pourraient être célébrés dans toutes les communes de France et pas les autres. Imaginez-vous le traumatisme pour les intéressés ? Ces amendements sont choquants et scandaleux.

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L'amendement CL 50 vise lui aussi, monsieur Pietrasanta, à résoudre le problème créé par le président de la République et à éviter les tensions. Il ne faut donc y voir nulle hypocrisie. Lorsque le président de la République promet devant le Congrès des maires un droit à la liberté de conscience, nous le croyons. J'assume mon refus de célébrer des mariages de personnes de même sexe, et remercie le président de la République de me permettre de rester en accord avec ma conscience. S'il y a eu, depuis, des changements de position, ils ne sont pas de notre fait.

Les adjoints au maire sont en effet des officiers d'état civil. Maire d'une commune de 80 000 habitants, je ne puis évidemment célébrer tous les mariages : je suis donc amené à signer de nombreux arrêtés pour accorder une délégation aux conseillers municipaux, « en l'absence [des] » différents adjoints, selon la formule administrative. Le problème est que, dans certaines communes, tous les officiers d'état civil et conseillers municipaux pourraient invoquer une clause de conscience. Dans ce cas – envisagé aussi par le président de la République –, nous vous proposons, avec l'amendement CL 50, que « le représentant de l'État […] désigne, en tant qu'officier d'état civil ad hoc, un agent public relevant de son pouvoir hiérarchique ». Cette mesure d'apaisement et de souplesse permettrait d'éviter les drames de conscience et les déchirements. Vous dites, madame Crozon, que la loi ne prévoit pas de clause de conscience, mais nous sommes précisément là pour l'écrire ! Il ne s'agit que de la sécuriser, dans le respect des convictions de chacun.

Madame la garde des Sceaux a évoqué à propos de ce texte un « changement de civilisation ». Dont acte ; mais c'est précisément ce qui rend nécessaire la clause de conscience, pour ceux qui ne sont pas capables de s'adapter à un changement aussi brutal.

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Je suis un peu choqué que nos collègues socialistes, qui montrent par là leur refus du débat, ignorent les déclarations du président de la République. Est-ce à dire qu'ils nient l'intérêt de la parole présidentielle ? « La loi s'applique pour tous, dans le respect, néanmoins, de la liberté de conscience » : ces propos répondaient aux attentes des maires, puisque pas moins de 17 000 élus, je le rappelle, ont signé la pétition en faveur de la clause de conscience, laquelle est d'ailleurs reconnue, en d'autres domaines, comme un principe républicain fondamental. J'ajoute que ceux qui s'opposent aujourd'hui à cette liberté sont les mêmes qui, autrefois, soutenaient les maires qui célébraient des unions homosexuelles en mairie ou parrainaient des étrangers en situation irrégulière.

L'amendement CL 161 propose une variante : « Un officier de l'état civil n'est jamais tenu de célébrer le mariage de deux personnes de même sexe. Si aucun officier d'état civil de la commune n'accepte de célébrer un tel mariage dans une commune, après en avoir été informé au plus tard 24 heures après la publication des bans, le représentant de l'État dans le département en désigne alors un d'office ». Une telle disposition permet aussi, en ouvrant la possibilité de réquisitions, de garantir l'exigence constitutionnelle de continuité du service public de l'état civil. Il s'agit, en somme, de concilier ce principe avec la clause de conscience.

L'amendement CL 160 a le même objet, mais il prévoit de confier le pouvoir de réquisition au procureur de la République, autorité compétente en matière de contentieux.

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La célébration d'un mariage entre deux personnes de même sexe, que vous louez comme un acte d'objection de conscience, a valu en 2004 une condamnation à M. Mamère, condamnation dont vous vous étiez félicités.

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Les problèmes qui se posent aujourd'hui pour les mariages hétérosexuels se poseront demain pour les mariages homosexuels : les maires ont beau expliquer aux parents des futurs époux qu'ils ne peuvent déroger à la loi, ils finissent par le faire devant leur insistance, par exemple lorsque ces parents habitent loin des villes où leurs enfants sont partis suivre leurs études. On peut réfléchir à une autre rédaction afin de ne heurter aucune sensibilité, mais l'amendement de M. Decool répond à une vraie question.

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L'amendement de M. Decool apporte effectivement des solutions pratiques, les maires étant souvent confrontés à des demandes de dérogation. Compte tenu notamment de l'évolution du marché du travail, les familles sont de plus en plus mobiles. Nous avons là l'occasion de moderniser, en quelque sorte, la célébration des mariages.

La législation actuelle tient à la publication des bans, car on est parti du principe que la contestation d'un mariage était plus facile si celui-ci était célébré dans la commune d'origine. Mais l'apparition des nouvelles technologies rend même possible une modernisation de la publication des bans. Quoi qu'il en soit, je voterai l'amendement de M. Decool.

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Si le président de la République n'était pas intervenu comme il l'a fait devant l'Association des maires de France, nous aurions gagné une matinée entière, car nous n'aurions pas eu à déposer tous ces amendements !

Monsieur Tourret, il fallait assumer jusqu'au bout en 1998 le projet de loi sur le PACS en inscrivant dans le texte la célébration du pacte en mairie.

L'amendement CL 164 de M. Decool est moins restrictif que l'amendement CL 8 de M. Tourret, car il permet d'assurer la liberté de conscience des maires sans se limiter aux départements. C'est pourquoi je le voterai.

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Le mariage est une institution. C'est une affirmation dans la société. Il est important que cette affirmation soit ancrée, enracinée. Cela me rappelle une chanson de pionniers soviétiques : « Je n'ai pas de numéro, je n'ai pas de rue, je n'ai pas d'adresse : j'ai l'Union soviétique ! ». En effet, le mariage s'inscrit dans l'espace, qu'il s'agisse de couples de même sexe ou non. Or tous ces amendements, en déterritorialisant le mariage, risquent de l'affaiblir.

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L'amendement CL 50 vise à organiser, au profit des maires, la clause de conscience, avec ses effets juridiques. La loi prévoyant déjà que le préfet peut se substituer à l'officier d'état civil, cet amendement s'insère dans un dispositif législatif existant.

Je tiens à rappeler que près de 20 000 maires et maires adjoints de grandes et de petites communes se sont regroupés dans un collectif pour refuser la célébration de mariages de personnes de même sexe. Alors que ses auteurs reconnaissent eux-mêmes que le texte opère un « changement de civilisation », comment soumettre les maires à une nouvelle obligation particulièrement grave, et ce en cours de mandat ? Une telle obligation n'était pas prévue lorsqu'ils ont été élus. S'appuyer sur le pouvoir de substitution du préfet est une solution qui permettra la bonne application du texte.

L'amendement CL 8 de M. Tourret fait du mariage une institution hors-sol. Pour des raisons de publication des bans, la territorialisation du mariage doit être préservée.

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Je suis réticent, moi aussi, à toute déterritorialisation du mariage, dont il faut préserver l'enracinement.

J'ai cosigné les amendements CL 50, CL 160 et CL 161 parce qu'ils permettent d'assurer la liberté de conscience des officiers d'état civil, évoquée par le président de la République, tout en permettant une bonne application de la loi.

Le président de la République s'est d'abord fait taper sur les doigts par les militants LGBT, puis aujourd'hui par sa majorité de gauche. Cela montre bien que vous voulez passer en force en imposant ce projet à la fois à la société et aux élus.

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Le président de la République sera certainement très touché des multiples soutiens qu'il reçoit ce matin de la part de l'opposition parlementaire. Je tiens toutefois à rappeler qu'il a précisé, dès le lendemain de son intervention devant l'Assemblée des maires de France, qu'un maire qui ne souhaiterait pas procéder lui-même à la célébration d'un mariage homosexuel aurait toute latitude pour confier celle-ci à l'un de ses adjoints, voire à un conseiller municipal.

Enfin, monsieur Gosselin, si 17 000 élus municipaux ont rejoint le collectif que vous avez évoqué, il en reste 533 000 qui ne l'ont pas fait.

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Vous confondez les maires et maires adjoints avec les conseillers municipaux. Seuls les premiers sont officiers d'état civil.

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Les conseillers municipaux peuvent le devenir par arrêté municipal.

Lorsqu'un maire revêt l'écharpe majorale, il s'engage implicitement et explicitement à assumer toutes ses fonctions. Il serait incongru qu'il y ait une seule commune française où un maire puisse légalement ne pas appliquer la loi, ce qui serait le cas si nous adoptions ces amendements. La loi que nous votons doit s'appliquer aux 36 000 maires de France.

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L'amendement CL 164 de M. Decool résout un problème que nous rencontrons déjà puisque, très souvent, les maires acceptent de domicilier de manière abusive dans leur commune de futurs mariés.

De plus, cet amendement bénéficiera aux couples homosexuels si la loi est votée, car un officier d'état civil qui les marierait contre son gré risquerait de faire le minimum syndical – un mariage, s'il est expédié, peut fort bien ne pas excéder trois minutes.

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Je tiens à revenir sur la portée de l'arrêt rendu hier par la quatrième section de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire opposant Lilian Ladele au Royaume-Uni.

À mes yeux, Mme la garde des Sceaux ne saurait s'appuyer sur cet arrêt pour s'opposer à l'amendement CL 50. En effet, la Cour a arrêté qu'un fonctionnaire ne saurait invoquer l'objection de conscience fondée sur la liberté religieuse pour refuser d'enregistrer des partenariats civils pour homosexuels et a donc validé le licenciement de ce fonctionnaire. En revanche, cet arrêt n'interdit en rien l'instauration d'un dispositif organisant la liberté de conscience des officiers d'état civil tout en assurant l'application de la loi. Ne lui donnons pas une portée qu'il n'a pas.

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Je suis très étonné d'entendre des législateurs souhaiter qu'une loi puisse ne pas s'appliquer sur tout le territoire. Je note toutefois, avec espoir, qu'en deux heures vous êtes passés d'une opposition résolue au texte à la volonté, parfois un peu hypocrite, de l'adapter. Le débat avance.

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L'amendement CL 8 de M. Tourret vise à améliorer les dispositions actuelles du code civil relatives au mariage en général.

S'agissant en revanche de l'amendement CL 50, je rappellerai que la clause de conscience peut être déjà invoquée aujourd'hui par un officier d'état civil puisque cette clause ne concerne pas seulement le mariage entre personnes de même sexe. Elle peut viser des personnes engagées dans des sectes ou être d'ordre politique. Un maire n'est pas contraint de célébrer lui-même un mariage : le président de la République a eu raison de le rappeler. En revanche, un maire, en tant qu'officier de l'état civil, est dans l'obligation d'organiser le mariage. Il peut toujours, en cas de doute sur la sincérité d'un mariage, saisir le procureur au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.

Ce qui me choque, c'est la rédaction de l'amendement CL 50 – « Un officier d'état civil n'est jamais tenu de célébrer le mariage de deux personnes de même sexe. » –, lequel vise à stigmatiser le mariage pour tous. C'est un tour de passe-passe de l'opposition. Je souhaite que la Commission repousse des amendements qui ne visent qu'à défaire ce qui a été adopté cette nuit.

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M. Dussopt se tromperait s'il croyait à une forme d'inflexion de l'opposition à l'encontre du texte.

Je suis surpris des réactions de nos collègues de la majorité. Nos amendements, c'est vrai, modifieraient sensiblement le droit actuel s'ils étaient adoptés. Et alors ? Au nom de quoi seule la majorité de la Commission aurait-elle le droit d'opérer, comme l'a rappelé hier soir Mme la garde des Sceaux, des bouleversements de civilisation dans la loi ? Au nom de quoi serait-il en revanche interdit à l'opposition de chercher, elle aussi, à inscrire des modifications sensibles dans notre arsenal législatif ? La volonté de modifier la loi en profondeur n'est pas l'apanage de la majorité.

Je suis par ailleurs tout aussi surpris d'entendre des parlementaires expliquer que la loi existante interdit les dispositions prévues dans nos amendements. D'autres préfèrent invoquer le fait que ces dispositions ne sont pas conformes à la jurisprudence de la Cour de cassation. Et alors ? C'est le législateur qui, par définition, écrit la loi. Si la jurisprudence actuelle n'est pas conforme aux amendements proposés, eh bien, que le législateur assume sa responsabilité. C'est ce que nous faisons en soutenant ces amendements, qui visent à respecter la liberté de conscience des officiers d'état civil, conformément au souhait émis par le chef de l'État.

Présidence de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président de la Commission

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Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice

Je distingue d'autant plus volontiers l'amendement CL 8 de M. Tourret des autres qu'une confusion est possible sur les motivations de son auteur. Si les bans sont publiés, c'est pour permettre une éventuelle contestation en cas de mariage illicite. Le lieu de leur publication est donc une question de fond qu'il faut analyser indépendamment du contexte des autres amendements qui visent, eux, à instaurer une clause de conscience. Les circonstances sont donc défavorables à l'amendement de M. Tourret, compte tenu du mauvais signal que son adoption pourrait donner.

Le Gouvernement est également défavorable aux autres amendements.

Monsieur Ollier, il faut cesser de ruser avec les principes. Trop souvent les débats révèlent de la part de certains une grande capacité à faire des déclarations vertueuses pour mieux faire adopter des amendements dont la teneur juridique est contraire à ces mêmes déclarations.

Monsieur Bourdouleix, j'ai pris note avec grand intérêt hier de votre détermination à satisfaire aux obligations de la loi en tant qu'officier d'état civil : or, vous affirmez aujourd'hui que, dans l'intérêt des futurs conjoints eux-mêmes, il conviendrait de leur permettre de se marier là où ils seraient le mieux accueillis. Le Gouvernement ne saurait entendre un tel argument, car il a précisément pour devoir de veiller au respect des règles et des valeurs de la République sur tout le territoire. Les futurs conjoints, quels qu'ils soient, devront être accueillis correctement partout avec la même garantie de voir leurs droits respectés. En défendant votre amendement, vous avez vous-même fourni l'argument majeur pour le rejeter.

Monsieur Larrivé, en rappelant que le plaignant était un fonctionnaire, vos propos ne font que conforter l'arrêt, dépourvu de toute ambiguïté, de la CEDH. En effet, les fonctionnaires peuvent à la limite invoquer le droit de retrait. Tel n'est pas le cas des officiers d'état civil.

Par ailleurs, l'opposition ayant rendu au président de la République un hommage aussi appuyé que sélectionné au laser, je tiens à rappeler avec exactitude les propos du chef de l'État : « Les maires sont les représentants de l'État. Ils auront, si la loi […] est votée, à la faire appliquer. La loi s'applique pour tous dans le respect de la liberté de conscience. » Faisons attention à la charge affective ou cognitive des mots.

Le Gouvernement étant défavorable à ces amendements, je rappellerai les deux procédures existantes en cas de refus d'un maire ou de ses adjoints de célébrer un mariage. Il appartient soit au préfet de se substituer au maire ou de désigner un délégué spécial, soit au procureur de la République de faire injonction au maire. Le Gouvernement, qui a saisi le Conseil d'État pour lui demander s'il y avait lieu de privilégier une des deux procédures, souhaite de toute façon que le droit demeure en l'état, car nous savons parfaitement que la nouvelle loi ne posera pas de problèmes graves, les maires étant généralement soucieux de ne pas s'affranchir de la loi. Ce sont en effet des officiers d'état civil responsables. De plus, je ne crois pas à une mobilisation massive des maires contre le texte.

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J'ai déjà émis un avis défavorable aux amendements CL 164 et CL 483.

Je suis également défavorable à l'amendement CL 8 de M. Tourret, même s'il vise à assurer à tous les couples la possibilité de se marier et non, comme les amendements de l'opposition, à permettre aux maires de refuser d'en marier certains. Les effets de cet amendement seraient en effet identiques, car son adoption serait perçue par certains comme autorisant des officiers d'état civil à refuser de célébrer un mariage.

Je suis totalement d'accord avec les propos de M. Mariton sur l'ancrage local du mariage. C'est un argument supplémentaire pour refuser la délocalisation du mariage, laquelle nuirait à la portée symbolique de celui-ci, qui est solennisée par l'écharpe portée par le maire. Il faut lier le mariage à la commune de résidence – tel est le sens de la publication des bans.

Par ailleurs, quel accueil la République réserverait-elle aux couples de personnes de même sexe si elle donnait aux maires la faculté de ne pas célébrer leur mariage ? Un mariage entre deux hommes ou deux femmes célébré par une personne requise par le préfet ou par le procureur aurait une portée symbolique désastreuse. C'est la raison pour laquelle je suis également défavorable aux amendements CL 50, CL 161 et CL 160.

La Commission rejette successivement les amendements CL 164, CL 483, CL 8, CL 50, CL 161 et CL 160.

La séance est levée à douze heures vingt.