Séance en hémicycle du 24 novembre 2016 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Christophe Lagarde et plusieurs de ses collègues visant à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie dans les contrats des groupements d’intérêt économique et à interdire toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et jours fériés (nos 4017, 4221).

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La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, chers collègues, la présente proposition de loi a un objectif simple : assurer le respect de la liberté du commerce et de l’industrie des petits commerçants lorsqu’ils exercent leur activité dans un centre commercial.

Le parc français des centres commerciaux comprend aujourd’hui plus de 800 centres accueillant environ 36 000 commerces et employant plus de 450 000 personnes, dont 90 % dans des grandes enseignes nationales.

Les centres commerciaux regroupent en effet à la fois des grandes enseignes nationales, qui leur servent de « locomotives », et des commerçants indépendants. Les uns et les autres ont pris l’habitude de se regrouper dans des groupements d’intérêt économique – – pour élaborer une politique commune d’aménagement et d’animation et en partager les frais.

En adhérant à un GIE, généralement lorsqu’il signe son bail, le commerçant souscrit donc à un certain nombre d’obligations, contreparties légitimes du principe de solidarité qui régit le fonctionnement de ces centres. Il s’engage par exemple, sous peine de pénalités financières, à respecter les horaires d’ouverture communs à l’ensemble des commerces du centre : on comprend facilement qu’il est bénéfique pour tout le monde que toutes les enseignes soient ouvertes au même moment du lundi au samedi, jours travaillés de droit commun au regard du code du travail.

Si le commerçant, en signant son bail, se plie volontiers aux règles qui lui sont imposées parce qu’elles lui assurent une bonne fréquentation, il en est tout autrement lorsque le règlement du GIE lui impose d’ouvrir un certain nombre de dimanches et jours fériés, jours qui ne peuvent être travaillés qu’en vertu de dispositions dérogatoires du droit du travail.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, le maire peut autoriser l’ouverture des commerces de détail douze dimanches ou jours fériés par an, contre cinq auparavant. Ces jours peuvent inclure trois jours fériés au plus, à l’exception du 1ermai, qui est obligatoirement chômé.

L’augmentation du quota de « dimanches du maire », comme on les appelle, a rencontré un succès incontestable : sur soixante-dix grandes villes françaises, 43 % ont augmenté le nombre de dimanches ouverts en 2016 ; près d’un quart d’entre elles sont même allées jusqu’au maximum de douze jours fériés ou dimanche travaillés par an.

Le problème est que de nombreux petits commerçants, pris au dépourvu par ce changement législatif intervenu après leur adhésion au GIE de leur centre commercial, sont désormais contraints par le règlement du GIE d’ouvrir des dimanches ou jours fériés supplémentaires sous peine de pénalités financières – plusieurs d’entre eux se sont déjà vu appliquer de telles pénalités.

Le cas le plus emblématique de ce type de pratiques abusives est incontestablement celui du centre commercial du Grand Var à l’été 2016. Douze enseignes de ce centre, qui avaient refusé d’ouvrir le 14 juillet, se sont vu appliquer par leur GIE des pénalités financières d’un montant exorbitant – 186 000 euros dans le cas de la brasserie Le Phénix, gérée par M. Patrick Brun, soit la moitié de son chiffre d’affaires.

Si ces pénalités furent finalement annulées à la suite de la médiatisation de cette affaire, celle-ci a également permis de constater qu’il ne s’agissait pas là d’un cas isolé. Selon M. Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France, que j’ai auditionné dans le cadre de ma mission de rapporteur, plusieurs dizaines de cas de pénalités excessives lui auraient déjà été signalés. M. Patrick Brun, que j’ai également auditionné, a pour sa part recueilli les témoignages de plusieurs dizaines de commerçants confrontés au même problème et subissant les mêmes pressions des grandes enseignes. Je tiens à souligner que les cas recensés ne prennent pas en compte les nombreux commerçants qui préfèrent ouvrir leur enseigne plutôt que de se voir infliger une amende, même de 3 000 ou 4 000 euros seulement.

En août 2016, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises – CGPME – s’était saisie de ce sujet à la demande de nombreux adhérents qui s’étaient émus de l’affaire du centre commercial du Grand Var. La Confédération avait alors lancé une enquête auprès de ses adhérents afin de prendre la mesure du phénomène. Les résultats de cette enquête me semblent assez nets : dans les galeries marchandes, 62 % des commerçants interrogés adhérent à une structure de type GIE ou association ; pour 92 % d’entre eux cette adhésion est obligatoire. Seulement 10 % des commerçants ont la liberté d’ouvrir ou non leur commerce les dimanches ou jours fériés ; 53 % d’entre eux estiment que ces contraintes ne sont pas justifiées. Enfin, pour 85 % d’entre eux, les sanctions financières de la violation des règles d’ouverture et de fermeture les dimanches et jours fériés sont excessives.

Ces chiffres, mes chers collègues, révèlent un malaise profond. Alors même que l’ouverture des commerces les dimanches et jours fériés est strictement encadrée par la loi et qu’elle repose sur le volontariat dans la plupart des professions, la crainte de sanctions financières oblige nombre de commerçants à ouvrir contre leur gré. Nous sommes donc dans la situation paradoxale où des normes privées, en l’occurrence les règlements des GIE des centres commerciaux, peuvent méconnaître des principes garantis par la loi, tels que la liberté du commerce ou le droit du salarié de ne pas travailler le dimanche et les jours fériés.

Alors que faire ? J’ai procédé à plusieurs auditions. Sans surprise le Conseil national des centres commerciaux m’a dit qu’il était inutile de légiférer : selon lui la liberté contractuelle est totale et le commerçant est censé savoir à quoi il s’engage lorsqu’il choisit de s’installer dans un centre commercial. C’est oublier que les commerçants ne pouvaient pas savoir que le législateur ferait plus que doubler le nombre de dimanches pouvant être travaillés. C’est méconnaître le fait que la signature du bail commercial est conditionnée, dans la majorité des cas, à l’adhésion au GIE du centre commercial. Pour le dire clairement, un petit commerçant ne peut pas s’installer dans un centre commercial sans adhérer au GIE.

C’est également méconnaître le fait que les droits de vote aux assemblées générales des GIE sont proportionnels à la surface des commerces signataires et que, dans la plupart des cas, les grandes enseignes nationales y disposent à elles seules de la majorité. Ce sont donc ces dernières, souvent en application d’une politique déterminée au niveau national, qui décident quels jours seront travaillés ou non. Le petit commerçant n’a rien à dire et on peut aujourd’hui le contraindre à travailler à perte, alors même que son personnel refuserait de travailler ces dimanches et jours fériés.

C’est enfin méconnaître le fait que la plupart des commerçants avaient adhéré au GIE avant l’entrée en vigueur de la loi Macron et qu’ils se trouvent désormais liés par un règlement modifié unilatéralement dans un sens qu’ils n’avaient pas souhaité.

Je pense donc que refuser d’encadrer cette liberté contractuelle c’est accepter l’inégalité du rapport de forces entre les petits commerçants et les grandes enseignes nationales : c’est le « pot de terre contre le pot de fer » selon l’expression de M. Joseph Thouvenel, vice-président de la CTFC, que j’ai également auditionné.

Ce n’est naturellement pas ma vision des choses et c’est pourquoi je vous propose d’adopter un dispositif qui encadre cette liberté contractuelle, qui n’est pas absolue et peut se voir opposée des limitations en cas de déséquilibre entre les contractants, la loi devant protéger le plus faible – encore faut-il que le législateur s’en donne la peine.

Le texte que je vous soumets est très simple : il interdit de faire figurer dans les règlements des GIE des clauses qui imposent aux commerçants d’ouvrir les dimanches et jours fériés.

Il s’agit de rappeler le principe de liberté du commerce et de l’industrie, reconnu depuis 1982 comme un principe constitutionnel sous la forme de la liberté d’entreprendre. Aux termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la liberté d’entreprendre comprend deux composantes : la liberté d’accéder à une profession ou une activité économique et la liberté dans l’exercice de cette profession ou de cette activité. C’est à cette liberté dans l’exercice de son activité économique, qui comprend notamment la liberté d’embaucher, de licencier, de fixer les tarifs ou de faire de la publicité commerciale que le choix d’ouvrir ou non son commerce peut être rattaché. C’est pourquoi je souhaite que ce principe soit rappelé et qu’il s’impose aux contrats des GIE des centres commerciaux ne se trouvant ni dans une zone touristique internationale ni dans une zone commerciale dont l’objet même, selon la loi Macron, est d’être ouverte tous les jours de l’année.

Mes chers collègues, il n’est pas question ici de recommencer le débat sur le travail du dimanche. Il s’agit simplement de corriger un des effets non anticipés de l’application de la loi Macron et de faire en sorte que les commerçants indépendants et leurs salariés disposent d’un verrou pour s’opposer au bon vouloir des grandes enseignes qui cherchent à faire des affaires sur leur dos.

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Cette loi ne réglera naturellement pas tout : il faudra également se pencher à l’avenir sur le statut juridique des centres commerciaux, organisés de plus en plus souvent sous la forme associative, la diversité de l’offre commerciale de ces centres, au sein desquels les indépendants ont beaucoup de mal à exister, et la possibilité pour les indépendants de disposer de minorités de blocage au sein des assemblées générales de ces centres.

Il s’agit là d’un sujet bien plus vaste, qui nécessiterait un travail législatif de longue haleine dont je ne suis pas sûr qu’il commence un jour, ne serait-ce que du fait de l’opposition d’un certain nombre de lobbies.

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Je crains pour ma part que vous ne dépassiez votre temps de parole, monsieur le rapporteur !

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Je croyais, monsieur le président, qu’un rapporteur n’avait pas de temps de parole à respecter. C’est du moins ce que j’ai appris de mes années de vice-présidence.

Sourires.

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Je voudrais faire comprendre cette chose simple : si nous avons considéré que les dimanches et jours fériés devaient être régis par des dispositions particulières, c’est parce que ce ne sont pas des jours travaillés normaux, et cela doit valoir également pour ces centres commerciaux qui n’ont pas vocation à ouvrir tous les dimanches, à la différence des zones touristiques et des zones commerciales, que nous avons exclues pour cette raison du champ de la proposition de loi. Si la loi prévoit que le salarié, comme le commerçant, doit être protégé, on doit faire en sorte que cela soit effectif et qu’il ne s’agisse pas que d’une pétition de principe ou d’une pure déclaration d’intention.

Or nous avons sous les yeux la preuve que la loi ne peut pas être appliquée dans deux cas. Le premier cas c’est celui où les grandes enseignes détiennent une majorité suffisante pour décider d’ouvrir, pour respecter une consigne nationale, totalement étrangère à la gestion du centre commercial et diffusée dans ces prospectus que nous recevons tous dans notre boîte aux lettres. Le petit commerçant qui n’a pas d’intérêt à ouvrir s’y trouve contraint par cette majorité de fait à laquelle il est soumis et que nous avons élargie.

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Je reprends l’exemple de M. Brun du centre commercial du Grand Var. Voilà quelqu’un qui a, de toute façon, perdu son commerce parce que la pression qui s’exerce sur lui s’exercera également sur son bail, voilà quelqu’un qu’on voulait contraindre à ouvrir son restaurant un 14 juillet. Croyez-vous franchement que, un 14 juillet sur la Côte d’Azur, la clientèle attirée par les promotions proposées par de grandes enseignes comme Carrefour ou Auchan va aller manger dans un restaurant de centre commercial ? C’est bien méconnaître la clientèle.

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L’autre cas est celui des salariés de ce commerçant qui ne souhaitaient pas travailler. Lorsque vous avez voté la loi Macron, vous avez fait en sorte que les salariés puissent refuser de travailler les dimanches et jours fériés. Cela ne s’applique pas à ces salariés-là puisqu’ils sont liés par une convention collective qui impose aux salariés de travailler lorsque l’employeur l’exige. Lorsque celui-ci n’a pas le choix de faire autrement, eh bien ils n’ont eux non plus pas d’autre choix que de travailler.

Vous vous rendez compte que, in fine – et ce sera ma conclusion – si vous refusiez de faire évoluer la loi, cela aboutirait à ce que dans le même centre commercial coexistent une grande enseigne qui ouvre le dimanche, des commerces fermés parce que les salariés ont refusé de travailler et des enseignes ouvertes parce que le patron ne peut pas s’opposer à la volonté du centre commercial et que les salariés ne peuvent s’opposer à la volonté de leur patron.

J’employais tout à l’heure l’expression du pot de terre contre le pot de fer. On peut toujours trouver des raisons d’attendre et il est vrai que les navettes parlementaires sont là pour améliorer les textes, mais je considère que refuser d’agir c’est faire la part belle au pot de fer contre le pot de terre. Pour moi ce n’est pas le rôle de l’Assemblée nationale.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d’état chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d’abord excuser Mme Pinville qui ne pouvait absolument pas être libre aujourd’hui et l’a beaucoup regretté. Elle m’a chargé de vous apporter un certain nombre d’éléments en réponse à la proposition de loi que vous venez de présenter, monsieur le rapporteur.

Celle-ci aborde un problème dont chacun ici, j’en suis sûr, reconnaîtra qu’il se pose. À ce vrai problème, elle apporte des réponses qu’il faut regarder précisément et analyser. C’est à travers ce triptyque classique – le problème, les réponses, l’analyse des réponses – que je me propose de vous transmettre les explications que Mme Pinville aurait aimé vous donner elle-même.

En premier lieu, il semble utile de rappeler le contexte qui a conduit à l’initiative parlementaire. La fermeture de certains commerces, notamment le 14 juillet 2016, a entraîné le prononcé de plusieurs pénalités financières par le groupement d’intérêt économique gestionnaire du centre commercial Grand Var, situé à La Valette, dans l’agglomération de Toulon. Une pénalité de 186 624 euros a ainsi été notifiée à un commerçant de ce centre commercial le 19 juillet 2016.

Ces sanctions très conséquentes ont par la suite, heureusement, fait l’objet d’un réexamen. Il a été décidé de réduire leur montant, dans la limite de forfaits compatibles avec la bonne marche des entreprises concernées. Cet événement, qui reste isolé et résultait d’une situation de conflit antérieure au sein du centre commercial, a toutefois eu des répercussions au niveau national : certaines fédérations professionnelles ainsi que des syndicats ont saisi le Gouvernement à ce propos.

Cette proposition de loi, répondant à cet événement, vise donc à interdire, dans les contrats des groupements d’intérêt économique, toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et jours fériés. Votre commission a limité cette mesure aux dimanches du maire et aux jours fériés.

Les conséquences d’une telle proposition sont à analyser de près. Tout d’abord, cette question touche, vous l’avez rappelé, au principe du repos dominical. Sans remettre en question le principe du repos hebdomadaire donné prioritairement aux salariés le dimanche, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a élargi les possibilités d’ouverture dominicale aux commerces de détail. Elle a mis en place des dérogations sur des bases géographiques, avec la création des zones touristiques internationales – ZTI –, des zones touristiques – ZT – et des zones commerciales – ZC –, sans oublier le régime de certaines gares caractérisées par une « affluence exceptionnelle de passagers », précisé par un arrêté du 9 février 2016. Elle a également permis d’augmenter de cinq à douze le nombre des dimanches dits « du maire ».

L’objectif de la réforme était d’assouplir et de rendre plus cohérent le régime du travail dominical, en évitant notamment le recours à de nouvelles dérogations sectorielles. Le respect du volontariat, la nécessité d’un accord et la définition de garanties et compensations sont dorénavant les contreparties à l’ouverture dominicale.

La dynamique enclenchée par la loi étant encore récente, il serait malvenu de briser la cohérence d’ensemble de ces dispositifs. En outre, un Observatoire du commerce dans les zones touristiques internationales, comportant plusieurs collèges, a été créé par arrêté du 20 juin 2016 et installé le mardi 21 juin afin d’évaluer la réforme de l’ouverture dominicale des commerces, d’en suivre la promotion internationale, d’en mesurer les effets sur le commerce, l’activité économique et l’emploi.

Si votre proposition de loi était adoptée, elle s’articulerait difficilement avec plusieurs dispositifs du code du travail concernant l’ouverture dominicale et les jours fériés des commerces. En effet, pour produire des effets, ces dispositifs nécessitent à l’intérieur des zones concernées un effet de masse ou d’entraînement.

Son articulation devrait également se combiner avec les règles du code du travail applicables aux jours fériés, actualisées par l’article 8 de la loi du 8 août 2016, dite « loi El Khomri ». Les règles actualisées prévoient qu’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche définit les jours fériés chômés. À défaut, l’employeur fixe les jours fériés chômés.

Il convient également de rappeler que la mission des GIE de commerçants exerçant au sein d’un centre commercial est d’assister ces mêmes commerçants dans leur développement économique, en adoptant une politique commerciale cohérente à travers des opérations collectives.

L’adhésion au GIE procède d’une démarche volontaire de la part du commerçant, qui fait le choix de s’implanter dans un centre commercial et d’adhérer, afin de pouvoir bénéficier de ces opérations commerciales collectives. Les commerçants sont libres d’adhérer ou non au GIE et nul ne peut les y forcer.

Prévoir, comme le fait la proposition de loi, qu’est réputée non écrite, c’est-à-dire inexistante, une clause qui imposerait l’ouverture le dimanche ou les jours fériés à des commerces d’un centre commercial revient à priver le groupement d’intérêt économique de la possibilité de réaliser des opérations commerciales collectives, démarches qui n’ont de sens que si elles sont partagées par tous : première difficulté.

Seconde difficulté : la mesure proposée n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact ni d’avis circonstanciés. Il nous semble donc nécessaire que cette proposition puisse faire l’objet d’un réexamen approfondi et approprié en commission.

Les questions qui se posent – qu’il s’agisse des baux commerciaux, des règlements intérieurs des centres commerciaux, ou des autres formes juridiques, comme les associations, pouvant jouer le même rôle que les GIE –, méritent une véritable réflexion, peut-être un peu plus large. En tout état de cause, nul n’est obligé de se soumettre à un GIE. A contrario, interdire qu’un GIE librement constitué puisse prévoir ce type de clause constituerait une entorse à la liberté des contrats.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement trouverait utile que la commission réexamine ce texte, pour trouver les solutions qui peuvent être apportées au problème que votre proposition de loi a le mérite de signaler, monsieur le rapporteur.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Zumkeller.

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Nous examinons cet après-midi un texte important puisqu’il s’agit d’assurer le respect de la liberté du commerce et de l’industrie des commerçants indépendants lorsqu’ils exercent leur activité dans un centre commercial.

Un certain nombre de commerces indépendants se voient contraints, du fait de leur adhésion au groupement d’intérêt économique du centre commercial auquel ils appartiennent, d’ouvrir certains dimanches ou jours fériés alors qu’ils n’avaient pas, jusqu’alors, l’habitude de le faire.

Ces difficultés sont principalement apparues avec l’entrée en vigueur de la loi dite « loi Macron », qui a assoupli les conditions d’ouverture des commerces le dimanche.

Rappelons-le, cette loi a porté le nombre de dimanches désignés par décision du maire, que l’on appelle les « dimanches du maire », à douze par an à compter de 2016. Elle s’est traduite par une augmentation significative du nombre de dimanches et de jours fériés travaillés dans le commerce de détail.

Ainsi, de manière assez paradoxale, alors que cette loi a notamment pour ambition de libérer le commerce de certaines contraintes, l’une de ses conséquences indirectes aura été de limiter la liberté de certains commerçants indépendants.

Il est donc proposé, à travers l’excellent texte déposé par Jean-Christophe Lagarde, de rétablir l’équilibre des rapports de force entre commerçants indépendants et grandes enseignes à l’intérieur des centres commerciaux.

Si la liberté contractuelle doit être préservée, le volontariat doit prédominer lorsqu’il s’agit d’ouvrir des commerces les dimanches et jours fériés. On comprend aisément que la plupart des règlements des GIE imposent des horaires d’ouverture communs à toutes les enseignes. Des horaires décalés peuvent nuire à l’activité globale du centre. C’est donc dans l’intérêt de l’ensemble des centres que de telles contraintes sont inscrites dans les contrats.

Cependant, ainsi que l’a démontré l’exemple du centre commercial Grand Var, obliger les commerçants à ouvrir le dimanche lorsque le niveau d’activité ne le justifie pas manque totalement de cohérence.

Quelle est, en effet, l’utilité commerciale, pour le restaurateur d’une galerie marchande, d’ouvrir un 14 juillet ? C’est justement parce qu’il savait pertinemment qu’il n’aurait pas de clients ce jour-là que le restaurateur du centre commercial Grand Var a refusé d’ouvrir. Conséquence de son refus, il s’est vu imposer une pénalité financière représentant la moitié de son chiffre d’affaires annuel.

Cette affaire très médiatisée, notamment en raison du montant excessivement élevé de la pénalité financière, n’est pas un cas isolé : selon la Confédération des commerçants de France, plusieurs dizaines de commerçants seraient dans la même situation. Cette affaire aura eu le mérite de révéler un malaise profond parmi les commerçants indépendants.

Si les pénalités ne sont pas toujours aussi importantes que dans l’exemple précité, elles peuvent représenter une grande part du chiffre d’affaires annuel.

Témoignant d’un déséquilibre entre commerces indépendants et grandes enseignes, ces clauses représentent une menace pour l’avenir des commerces indépendants. Nous devons accorder à ceux-ci la protection qu’ils sont en droit d’attendre. Tel est précisément l’objet de cette proposition de loi qui vise, d’une part, à inscrire le principe de liberté du commerce dans les contrats de GIE et, d’autre part, à interdire toute clause obligeant les sociétés commerciales à exercer leur activité les dimanches et jours fériés.

Dans les situations visées par le texte, le déséquilibre entre les cocontractants justifie une limitation de la liberté contractuelle. Plusieurs facteurs font que le commerçant qui adhère au GIE ne dispose pas d’une totale liberté. Il ne sait pas réellement à quoi il s’engage lorsqu’il choisit de s’installer dans un centre commercial. En effet, la signature du bail commercial est conditionnée, dans la majorité des cas, à l’adhésion au GIE du centre commercial. De fait, cette adhésion n’est pas totalement libre. Selon la CGPME, pour 92 % des commerçants ayant adhéré à une structure type GIE ou association, cette adhésion était obligatoire.

De plus, les droits de vote aux assemblées générales des GIE sont proportionnels à la surface des commerces signataires. Or, dans la plupart des cas, les grandes enseignes nationales y disposent de la majorité. Ce sont donc ces dernières, souvent en application d’une politique décidée au niveau national, qui décident quels jours seront travaillés.

Enfin, la plupart des commerçants avaient adhéré au GIE avant l’entrée en vigueur de la loi Macron. Ils n’ont donc pas adhéré en totale connaissance de cause, ce qui a des conséquences non négligeables. Ils se voient contraints d’ouvrir certains dimanches et jours fériés, sans avoir eu le temps d’adapter leur organisation et sans que cela se justifie nécessairement au regard du chiffre d’affaires espéré.

En outre, une telle obligation est pénalisante, non seulement pour l’employeur qui travaille à perte, mais aussi pour ses employés qui doivent travailler un jour exceptionnel sans être payés davantage.

Afin de rétablir un nécessaire équilibre au sein des contrats de GIE, deux options se présentaient à notre rapporteur : soit réformer la représentativité au sein des GIE des centres commerciaux, soit affirmer le principe de liberté du commerce et de l’industrie.

La première option n’est pas souhaitable. Elle aurait des conséquences difficiles à maîtriser, notamment celle de changer la valeur locative des locaux qui se trouvent dans de tels centres. En effet, modifier la répartition des droits de vote au sein de l’assemblée générale des GIE supposerait de modifier également le régime de répartition des charges.

La seconde option nous semble la plus adaptée et préserve la liberté d’appréciation des commerçants indépendants.

Rappelons-le, la liberté du commerce a été intégrée en 1982 au principe constitutionnel de liberté d’entreprendre. Cette dernière ne peut connaître de limitations que si elles sont liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général.

La liberté contractuelle, quant à elle, peut être limitée en cas de déséquilibre entre les contractants. Nous sommes précisément dans ce cas de figure lorsque l’ouverture le dimanche, imposée par le GIE, se fait au détriment du commerce indépendant, par ailleurs minoritaire au sein du centre commercial.

Nous y sommes d’autant plus lorsque ces contrats menacent l’existence de petits commerces. Au-delà du champ de cette proposition de loi, ainsi que l’a indiqué notre collègue et rapporteur, ce texte doit nous donner l’occasion de nous interroger plus généralement sur l’avenir du commerce indépendant et de la diversité commerciale au sein des centres commerciaux.

Si nous voulons à terme préserver les commerces indépendants, désormais minoritaires, nous serons probablement amenés à légiférer dans un cadre qui dépasse l’objet de cette proposition de loi.

Pour l’heure, celle-ci constitue une indéniable avancée. Elle permettrait de combler utilement un vide juridique pouvant conduire à des pratiques abusives qui portent selon nous atteinte au principe de liberté du commerce et de l’industrie.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe UDI soutiendra cette proposition avec enthousiasme.

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« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. » Ce proverbe bien connu doit nous guider dans l’examen de cette proposition de loi, en ce qu’il illustre très bien la situation problématique que nous cherchons aujourd’hui à résoudre.

Il s’agit en effet ici de parler de liberté, plus précisément du principe de liberté du commerce et de l’industrie, principe qui, rappelons-le, a valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 1982 consacrant la liberté d’entreprendre.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances, dite loi Macron, le maire peut, après avis du conseil municipal, autoriser l’ouverture des commerces douze dimanches par an, contre cinq auparavant. Ces douze jours peuvent inclure, dans la limite de trois, des jours fériés, à l’exception du 1er mai qui reste obligatoirement férié.

Suite à l’entrée en vigueur de cette loi, de plus en plus de groupements d’intérêt économique imposent dans leur règlement intérieur l’ouverture les dimanches et les jours fériés.

Dans les centres commerciaux, les grandes enseignes nationales se réunissent avec des petits commerçants indépendants au sein des GIE, ce qui leur permet d’élaborer une politique commune d’aménagement et de partager les frais. L’adhésion à un GIE entraîne naturellement diverses obligations contractuelles afin d’assurer le bon fonctionnement des centres commerciaux, parmi lesquelles l’obligation de respecter des horaires d’ouverture communs.

S’il n’est pas question ici de remettre en cause cette obligation contractuelle, qui est bénéfique à l’attractivité du centre commercial, la question d’obliger les commerçants à ouvrir les dimanches et jours fériés se pose en revanche avec plus d’acuité qu’auparavant depuis la loi Macron, qui a laissé un vide juridique sur ce point.

Si les possibilités élargies d’ouverture les dimanches et jours fériés bénéficient naturellement aux grandes enseignes – car ce sont elles qui décident in fine d’ouvrir – cela peut porter préjudice aux petits commerces, qui n’y trouvent pas nécessairement d’intérêt économique, voire qui y perdent de l’argent.

Comme cela a été évoqué par notre excellent rapporteur Jean-Christophe Lagarde, cette situation, où le principe de liberté contractuelle s’affronte avec celui de liberté de commerce, a abouti à des absurdités, comme cela a été le cas dans le centre commercial Grand Var où un restaurateur ayant refusé d’ouvrir le 14 juillet s’est vu imposé par son GIE une pénalité financière de 186 000 euros. Ce genre de situation insensée n’est pas un cas unique ; les conflits entre les petits commerçants et leur GIE à ce sujet deviennent fréquents.

S’il n’est pas question ici de revenir sur la loi Macron, nous devons tout de même rappeler que les dimanches et jours fériés ne sont pas des jours comme les autres et doivent faire l’objet d’un traitement spécifique. En France, le dimanche est chômé par la majeure partie des éléments non vitaux de notre économie et ce privilège issu de notre histoire ne doit pas être remis en cause.

Il n’est pas ici question non plus de porter atteinte à la liberté contractuelle, qui découle de l’article 4 de notre Constitution ; il s’agit de rappeler que cette liberté a toujours été encadrée par la loi et par l’existence de clauses jugées abusives.

Dans la mesure où, au sein des GIE, ce sont les grandes enseignes qui détiennent la puissance financière et donc la majorité, ce sont elles qui peuvent imposer des règles d’ouvertures au détriment des petits commerçants. Afin d’éviter toute clause abusive, il convient donc ici de limiter la liberté contractuelle en permettant aux petits commerçants de ne pas ouvrir les dimanches et jours fériés sans qu’ils s’exposent à des pénalités financières. Leur liberté de commerce s’en trouvera ainsi pleinement respectée.

Dans cette situation, où deux libertés à valeur constitutionnelle s’affrontent, il convient de souligner qu’il n’existe pas pour l’heure de jurisprudence du Conseil constitutionnel pour la simple raison qu’aucun commerçant n’est allé au bout de ce rapport de force économique, manifestement déséquilibré, dans lequel les petits commerces sont clairement précaires. La seule exception concerne le restaurateur du Var précédemment évoqué, qui avait la ferme intention de saisir le Conseil constitutionnel : dans ce cas, le centre commercial avait finalement renoncé à la pénalité financière, conscient que la procédure aurait été en sa défaveur.

La proposition de loi du président Jean-Christophe Lagarde que nous examinons aujourd’hui propose un juste équilibre entre liberté du commerce et liberté contractuelle et entre la liberté des grandes enseignes et celle des petits commerçants.

Le travail en commission des lois a été très consensuel et a permis de clarifier le dispositif. Dès lors, je ne comprends pas la motion de renvoi en commission déposée aujourd’hui par le groupe socialiste, en contradiction avec ce qui a été dit en commission. Le groupe Les Républicains, quant à lui, votera avec enthousiasme cette proposition de loi.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, avec l’entrée en vigueur de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, les conditions d’ouverture des commerces les dimanches et les jours fériés ont été considérablement assouplies, voire généralisées. En effet, le nombre de dimanches pouvant être travaillés est passé de cinq à douze par an, auxquels s’ajoutent les dérogations permanentes accordées à certains secteurs ou zones géographiques spécifiques.

Cet assouplissement a eu pour effet de mettre en difficulté de nombreux commerces indépendants, ce qui était évidemment prévisible. À l’occasion des débats, nous avions d’ailleurs alerté sur la situation en l’Italie, qui a généralisé l’ouverture des magasins le dimanche en juillet 2012, généralisation qui s’est malheureusement traduite chez nos voisins européens par la fermeture de 60 000 commerces et la perte sèche de 90 000 emplois.

Au regard du succès rencontré auprès des collectivités par l’augmentation du quota de « dimanches du maire », il y a lieu d’être inquiet pour les petits commerces de centres-villes. En effet, 43 % des grandes villes ont augmenté le nombre de dimanches ouverts en 2016 par rapport à 2015. Le rapport nous apprend que l’on est par exemple passé de cinq à sept ouvertures dominicales par an à Montpellier et à Toulouse, de cinq à huit à Lille et à Belfort ; près d’un quart des villes a choisi d’utiliser le potentiel maximal de douze dimanches d’ouverture.

Le texte qui nous préoccupe aujourd’hui comporte un enjeu plus spécifique. Il se penche sur la situation des commerces indépendants situés au sein des centres commerciaux placés dans l’obligation d’ouvrir plusieurs dimanches dans l’année sous peine de pénalités financières.

Nous avons tous en mémoire le cas très médiatisé de ce restaurateur du centre commercial Grand Var, près de Toulon, qui s’est vu infliger le 31 août dernier une amende de près de 187 000 euros par le centre commercial dans lequel il est installé depuis neuf ans pour n’avoir pas ouvert le 14 juillet. L’arbitraire et le caractère disproportionné d’une telle sanction ont à juste titre soulevé l’indignation.

Nous ne pouvons donc qu’approuver la proposition de loi de nos collègues de l’UDI, qui tend précisément à interdire les clauses visant à contraindre ces commerçants indépendants à exercer leur activité alors qu’ils ne le souhaitent pas et à les pénaliser fortement.

Il apparaît d’autant plus nécessaire de légiférer que la pratique visant à imposer dans les règlements des GIE d’ouvrir un certain nombre de dimanches et jours fériés semble assez courante. La CGPME souligne ainsi que seuls 10 % des commerçants adhérant à une structure type GIE ont la liberté d’ouvrir ou non leur commerce les dimanches ou jours fériés. Cela signifie que 90 % d’entre eux n’ont pas cette liberté et s’exposent donc à des sanctions financières.

Certains collègues – je les ai encore entendus au début de notre discussion – ont indiqué qu’ils ne pourraient voter ce texte, arguant qu’il convenait d’arbitrer entre deux principes constitutionnels d’égale valeur : la liberté du commerce, d’une part, et la liberté contractuelle, d’autre part.

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Nous nous étonnons d’un tel argumentaire car, comme l’a d’ailleurs rappelé le rapporteur, la liberté contractuelle est heureusement encadrée par la loi. Elle est évidemment limitée par la liberté et les droits des parties au contrat et le législateur a le devoir d’intervenir dès lors que ces droits sont mis en cause – je n’ose pas dire piétinés, mais enfin… – par des clauses abusives.

Nous avons tous compris que l’enjeu, pour certains, est de défendre la loi Macron coûte que coûte, y compris et surtout lorsque les faits mettent en exergue ses graves insuffisances. Bien sûr, il n’était pas dans l’intention de nos collègues de l’UDI de rouvrir le débat sur le travail du dimanche, qu’ils ont soutenu. Pourtant, nous ne pouvons pour notre part nous empêcher de voir dans les déboires des commerçants indépendants des centres commerciaux une illustration parmi d’autres des effets pervers de cette loi – je ne reviens pas sur ce qui se passe actuellement avec les transports par cars.

Nous avons évoqué la situation des commerçants des centres-villes, qui témoigne aussi des rapports de force et de la rupture d’équilibre entre commerçants indépendants, d’un côté, grands groupes et franchises, de l’autre. Nous pourrions également évoquer la situation des salariés des grandes enseignes, les pressions et chantages qui s’exercent sur eux, les contreparties très relatives de la loi Macron, la tromperie que constitue la référence à la notion de « volontariat » quand notre droit du travail repose depuis l’origine sur le constat évident de l’existence d’un lien de subordination du salarié à son employeur.

Pour toutes ces raisons, nous continuerons d’agir aux côtés des salariés et des petits commerçants pour le droit de chacun à une vie personnelle, à une vie privée et familiale dont le dimanche est à la fois l’une des garanties et le symbole. Nous continuerons d’agir contre le cynisme qui conduit sans cesse à privilégier les grosses entreprises sur les salariés ou les petits commerces, la consommation sur la vie familiale et le lien social.

Animés de cette volonté, forts de ces raisons, nous sommes favorables à la présente proposition de loi.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, dans le cadre de cette journée dont l’ordre du jour est proposé par le groupe UDI, nous sommes amenés à examiner la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie dans les contrats des groupements d’intérêt économique et à interdire toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et jours fériés.

L’objet de ce texte, comme son intitulé et son article unique le laissent supposer, est particulièrement précis. Notre collègue Jean-Christophe Lagarde, que je remercie pour sa présentation circonstanciée, nous a exposé les raisons qui l’ont amené à le proposer aujourd’hui.

La question nous est donc posée de l’opportunité de voter ce texte qui a déjà fait l’objet d’un examen en commission. À cette étape de nos travaux, nombre de nos collègues avaient fait part de leurs interrogations, non d’ailleurs quant à son opportunité puisqu’il tente de répondre à un cas concret et avéré. L’exemple du centre commercial Grand Var, en raison de l’écho médiatique qu’il a rencontré, a effectivement soulevé de vraies interrogations auxquelles nous sommes aujourd’hui invités à répondre. Le nombre de cas similaires de groupements d’intérêt économique qui auraient appliqué des pénalités à des commerçants refusant d’ouvrir le dimanche en dépit de l’obligation qui leur est imposée par les contrats d’organisation des GIE – en termes plus simples, leur règlement intérieur – reste toutefois sujet à caution.

En commission, monsieur le rapporteur, vous aviez évoqué « de nombreux cas comparables () dans toute la France. » Vous aviez notamment évoqué le fait que la Confédération des commerçants de France estimait à « plusieurs dizaines, sans doute une centaine », le nombre de cas similaires. Cela reste à démontrer. Vous m’accorderez que peu d’entre eux – hormis le cas du centre commercial Grand Var – ont émergé. Nous manquons de données en la matière et les demandes de plusieurs de nos collègues en commission pour une étude d’impact, de ce point de vue, n’étaient pas déraisonnables.

Au-delà de cet aspect, la question de fond reste posée. Nous sommes dans un cas de confrontation entre plusieurs normes juridiques, entre la liberté du commerce et de l’industrie, d’une part, qui découle de la liberté d’entreprendre et qui a été reconnue comme un principe constitutionnel dès 1982, et la liberté contractuelle, d’autre part, dont la reconnaissance constitutionnelle s’est effectuée par touches successives.

Que se passe-t-il en cas de conflit entre elles ? Le Conseil constitutionnel estime plus particulièrement, dans une décision du 13 janvier 2003, que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant, sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ». C’est donc à la loi d’apporter des réponses. Aussi la démarche de notre collègue peut-elle sembler légitime.

La deuxième question à laquelle nous devons répondre est de savoir si la limite qu’il nous est proposé de porter à la liberté contractuelle est motivée par un intérêt général suffisant. Il y a là une question d’opportunité.

J’en reviens à ma question de tout à l’heure sur l’ampleur du phénomène qui a nourri la genèse de cette proposition de loi. Il y en a d’autres. Dans un numéro de la fin du mois d’août du magazine LSA, qui fait référence en matière commerciale, j’ai ainsi pu lire l’analyse d’un cabinet d’avocats spécialisés en baux commerciaux qui estimait que les règles contenues dans le règlement intérieur d’un GIE, même acceptées et votées en assemblée générale, ne sauraient donner prétexte à coercition ou mise à l’amende étant donné que ce règlement intérieur porte sur des critères ponctuels d’intérêt commun et de bon fonctionnement du centre comme l’amplitude horaire, les livraisons, les stocks, etc. Le contrat de GIE ne saurait ainsi en aucun cas modifier l’équilibre contractuel bailleur-locataires sur le plan financier.

Or le passage de cinq à douze dimanches ouverts par an, s’il est imposé, induit sans aucun doute une modification de l’équilibre financier. Selon cette analyse, même pour les commerçants couverts par une convention collective encadrant le travail dominical, une ouverture ne pourrait donc pas être imposée si le commerçant ne le souhaite pas, parce qu’il n’y trouve tout simplement pas d’intérêt.

Dans le même numéro, la Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé, Procos, indiquait avoir amorcé depuis l’été un travail avec le Conseil national des centres commerciaux, dont vous nous avez dit que vous l’aviez auditionné, monsieur le rapporteur, pour faire en sorte qu’un modus operandi intelligent et de bon sens soit trouvé, permettant : le refus de toute facturation de pénalités tant que les ouvertures n’ont pas satisfait les préalables législatifs comme le recueil du consentement des salariés ; la mise en place d’un dialogue entre les grandes enseignes et les commerçants indépendants ; l’instauration, enfin, de périodes probatoires de quelques mois afin d’évaluer l’intérêt des ouvertures pour tel ou tel type de commerce. Les acteurs du secteur commercial semblent avoir trouvé utile de se laisser un peu de temps, ce qui paraît être une bonne idée et la voie à poursuivre.

À la lumière de ce type d’initiatives, nous conviendrons ensemble que ce qui s’est passé au centre commercial Grand Var est l’exemple-type de ce qu’il ne faut pas faire et que cet incident traduit probablement, au niveau local, un dysfonctionnement du dialogue entre les acteurs du centre. Lors de nos travaux en commission, vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la « lutte du pot de terre contre le pot de fer » pour décrire les rapports de force entre les grandes enseignes et les commerçants indépendants dans les centres commerciaux. Je pense que nous sommes nombreux, sur tous les bancs de cette assemblée, à partager avec vous cette appréciation. Il faut nous assurer que nous agissons avec un motif d’intérêt général suffisant. Or, à ce stade de nos travaux, il est difficile d’en être convaincu.

Pour ces raisons, notre groupe appuiera la motion de renvoi en commission qui va être présentée, afin que nous puissions travailler plus sereinement sur un sujet qui est complexe et qui mérite que nous ne fassions pas d’erreur. La majorité a déjà prouvé, et elle l’a fait ce matin encore avec la proposition de loi sur la Polynésie française, qu’elle savait voter avec le groupe UDI quand c’était nécessaire. Aussi, je souhaite que nous puissions reprendre nos travaux en commission pour aboutir à un texte solide, dans l’échange et la co-construction avec les auteurs de cette proposition de loi qui soulève, je le répète, de vraies questions.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous en venons maintenant, dans le cadre de la journée réservée au groupe UDI, à la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie dans les contrats des groupements d’intérêt économique, et à interdire toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et les jours fériés.

L’article unique de la présente proposition de loi vise à compléter l’article L. 251-8 du code de commerce relatif aux contrats des groupements d’intérêt économique, en inscrivant expressément, lorsque l’objet de ces contrats est commercial, le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie. Les contrats des groupements d’intérêt économique concernent notamment les contrats des commerces présents dans les galeries commerciales des grands supermarchés. La nouvelle rédaction, telle qu’issue des travaux de la commission des lois, précise qu’est réputée non écrite toute clause stipulant, pour les sociétés commerciales parties au contrat, une obligation d’ouverture de leur commerce et l’exercice de leurs activités le dimanche ou les jours fériés.

Cette proposition de loi, présentée par le groupe UDI, est le résultat de deux événements : le vote de la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, d’une part, qui a octroyé aux commerces une augmentation – de cinq à douze – du nombre de dimanches et de jours fériés où ils peuvent ouvrir ; d’autre part, l’affaire survenue au cours de l’été 2016 dans le centre commercial Grand Var, à La Valette-du-Var.

Dans ce centre commercial, douze commerces s’étaient vu appliquer de fortes pénalités financières par leur groupement d’intérêt économique – jusqu’à 186 000 euros pour une brasserie – après qu’ils eurent refusé d’ouvrir leur enseigne le 14 juillet, du fait d’une absence de marché suffisant. Le supermarché avait ensuite fait marche arrière en réduisant le montant des pénalités financières demandées, avant de se rétracter complètement et d’annuler toutes les pénalités demandées. Même si nous comprenons qu’il est difficile pour les petits commerces des grandes galeries commerciales de faire face à une décision de leur GIE d’ouvrir un dimanche ou un jour férié, nous nous étonnons du dépôt de cette proposition de loi.

En effet, vous l’avez rappelé vous-même, monsieur le rapporteur, une convention collective peut permettre aux salariés de commerces appartenant à un GIE de s’opposer à l’obligation qui leur est faite d’ouvrir un dimanche ou un jour férié. Mais le droit commun actuel permet en outre à tous les commerçants faisant partie d’un GIE de s’opposer à ces clauses abusives en recourant au juge de droit commun afin de les dénoncer. En outre, le principe de liberté du commerce et de l’industrie, tout comme le principe de liberté contractuelle, a valeur constitutionnelle, et seul un motif d’intérêt général suffisant peut justifier de porter atteinte au second. Or ce motif d’intérêt général ne semble pas justifié et risque d’être sanctionné par le Conseil constitutionnel.

Ainsi, parce que cette proposition de loi ne nous paraît ni nécessaire ni adéquate en raison de l’état du droit positif, et qu’il ne semble donc pas pertinent d’allonger le débat sur ce point, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne soutiendra pas ce texte.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons, dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire du groupe UDI, une proposition de loi de Jean-Christophe Lagarde visant à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie dans les contrats des groupements d’intérêt économique et à interdire toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et jours fériés.

Tout d’abord, je voudrais souligner que l’inscription de ce texte à l’ordre du jour montre que le débat sur le travail dominical reste ouvert et que le sujet n’a pas été épuisé. En effet, la loi Macron a laissé un vide juridique. La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a permis d’assouplir les règles du repos dominical et en soirée dans les commerces. Cependant, cette loi n’a pas répondu à toutes les questions qui se posent dans le débat sur le travail dominical : je pense notamment, dans les centres commerciaux, à la question de la liberté des commerces indépendants d’ouvrir, ou de ne pas ouvrir, le dimanche. Cette question se pose, que l’on soit pour ou contre l’ouverture dominicale des commerces.

Comme cela est souligné dans le rapport, l’assouplissement des règles du repos dominical a eu pour effet indirect de mettre en difficulté de nombreux commerces indépendants qui n’avaient pas l’habitude d’ouvrir plusieurs dimanches dans l’année, mais qui se sont vus obligés de le faire par les centres commerciaux auxquels ils appartenaient. Cette proposition de loi met en évidence un vide juridique, qu’elle vise à combler d’une excellente manière.

Ce texte, composé d’un article unique, vient consacrer le principe de liberté du commerce et de l’industrie, dans la mesure où il interdit aux ensembles commerciaux – centres commerciaux et galeries marchandes – d’obliger les magasins situés en leur sein à ouvrir les dimanches et les jours fériés. En conséquence, si le commerce indépendant décide de ne pas ouvrir les dimanches et les jours fériés, il ne pourra se voir imposer de pénalités financières. Grâce à cette loi, le principe de liberté du commerce et de l’industrie serait garanti. Si l’on veut aller au bout du principe de liberté du commerce, il faut bien admettre que les commerçants doivent être libres non seulement d’ouvrir le dimanche, mais aussi de fermer lorsqu’ils le souhaitent. Cela semble absolument logique.

Lors de l’examen en commission des lois, un amendement du rapporteur a permis de préciser que l’interdiction faite aux groupements d’intérêt économique d’imposer l’ouverture les dimanches et jours fériés dans une galerie commerciale ne s’appliquerait évidemment pas dans les zones touristiques internationales, ni dans les zones commerciales définies dans la loi Macron, et dont l’objet est précisément d’ouvrir cinquante-deux dimanches par an. Je salue bien sûr cette précision puisque, dans ces zones commerciales dont l’objet est d’ouvrir tous les dimanches, il serait surprenant que les touristes étrangers qui souhaitent y faire leurs courses le dimanche voient la porte d’un certain nombre de commerces close.

En tant que député des Français de l’étranger, je constate d’ailleurs que le débat sur le travail du dimanche, vu de l’étranger, paraît quelque peu décalé. De toute évidence, les touristes étrangers dont nous avons tant besoin et qui, à l’heure actuelle, commencent à se faire plus rares dans notre pays, ne comprendraient pas que des commerces situés en zone touristique soient fermés le dimanche !

En conclusion, je voterai évidemment cette proposition de loi, car elle a le double mérite de combler un vide juridique et de réaffirmer ce qu’est la liberté. La liberté, c’est d’ouvrir ou de ne pas ouvrir, en fonction de ce que l’on souhaite. Le groupe Les Républicains votera ce texte.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je suis ravi de l’aspect le plus important de ce texte : la lutte contre l’obligation qui serait faite à certains commerces d’ouvrir le dimanche. Je pense en effet que cette évolution économique et sociale porte les germes d’une dilution aggravée des corps sociaux et d’une incohérence économique évidente.

Notons tout de même cette évolution délirante de notre droit en quelques années ! Sous les coups de boutoir de la marchandisation et du cosmopolitisme, tout ce qui faisait la singularité du mode de vie des Français s’éteint, et le législateur doit combattre pour préserver quelques parcelles de notre liberté et pour que nous restions nous-mêmes.

Pourquoi une obligation de travail le dimanche serait-elle délirante ? D’abord, parce qu’elle sanctionnerait un soutien de nos institutions et de nos lois au matérialisme. En effet, le dimanche non chômé n’est, dans notre culture, que le fait de personnes exerçant des devoirs envers la société. Forces de l’ordre, médecins, personnels hospitaliers, personnes valorisant notre patrimoine et notre civilisation, tous ceux-là sacrifient de leur temps parce qu’ils relèvent d’une obligation sociale, d’un sens du devoir, d’une obligation morale.

À l’inverse, les commerces, s’ils participent évidemment du florissement de notre nation, n’ont pas a priori d’utilité sociale suffisante pour justifier de la pénétration de la sphère marchande dans un temps traditionnellement et heureusement accordé à la famille, l’édification ou la foi. Cette heureuse perpétuation des fondements de notre société est plus qu’un acquis : c’est une chance pour la France et les Français. En effet, dans un monde saturé par les valeurs anglo-saxonnes, capitalistes et libertaires, notre socle commun permet de tenir ensemble les génies propres de notre pays.

Or les groupements d’intérêt économique bénéficient déjà de latitudes spécifiques, avec l’exclusion de l’impôt sur les sociétés et la liberté dans la mise en place des conventions qui les régissent. L’État a donc encouragé une forme assez flexible d’association économique en vue du bien commun, nous en sommes d’accord. Mais le bien commun, et c’est d’ailleurs au coeur de la co-responsabilité qui prévaut dans les GIE, ne peut exclure la responsabilité et les exigences éthiques des parties prenantes. Par ailleurs, le caractère volontairement éphémère des GIE ne peut pas être un prétexte pour amasser un maximum de profits, sans égard pour les conséquences éthiques et sociales afférentes.

En 1819, Joseph de Maistre nous donnait un élément de réflexion intéressant dans son ouvrage Du Pape : « Aucune souveraineté n’est assez forte pour gouverner plusieurs millions d’hommes, à moins qu’elle ne soit aidée par la religion ou par l’esclavage, ou par l’une et l’autre. » Cette réflexion est particulièrement intéressante dans le cadre de cette proposition de loi. Hier, nous discutions en commission des lois des funérailles républicaines. Nous y voyions combien l’État est confronté à des problèmes essentiels du fait de la déchristianisation forcée de notre pays. Nous y voyons que le pays légal n’a plus d’autres ressorts que ceux de l’État pour considérer les harmonies sociales. Tous ceux que l’asservissement des corps sociaux intéresse s’insinuent donc dans nos relations sociales afin d’y maximiser leurs avantages.

Ici, c’est le marché, qui veut envahir encore davantage nos territoires et nos familles. Le système veut diriger par l’esclavage économique, par le salariat forcé de tous les membres de la famille, par le seul horizon financier de la vie, par le refus du loisir comme moyen d’édification de l’homme et surtout par le retour à la barbarie du veau d’or.

Je crois que nous avons besoin d’une politique de civilisation. Je soutiendrai donc totalement ce texte, tout en demandant que nous allions plus loin pour défendre les sphères non marchandes de notre monde.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais revenir, relativement brièvement, sur beaucoup de choses entendues, car je crains que vous n’ayez reçu du président du groupe socialiste, écologiste et républicain une motion de renvoi en commission, comme l’a évoqué Mme Françoise Descamps-Crosnier. D’abord, monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que ce texte nécessitait un réexamen. Vous pouviez tout simplement annoncer que le Gouvernement allait se saisir du sujet et proposer un projet de loi, si vous considériez le sujet suffisamment sérieux. D’ailleurs, vous avez regretté l’absence d’étude d’impact mais, quand bien même nous renverrions le texte en commission, il n’y en aura jamais, car l’Assemblée nationale est bien incapable d’en conduire. Le règlement intérieur de l’Assemblée prévoit, en effet, que c’est au Gouvernement de réaliser les études d’impacts : il faudrait donc que ce texte devienne un projet de loi. Cependant, le secrétaire d’État ne nous annonce aucun projet en ce sens et je ne l’imagine pas autorisé à le faire, d’après ce que j’ai entendu.

Ensuite, je tiens à rectifier l’idée – exprimée à plusieurs reprises – selon laquelle ce texte concernerait un cas particulier. Ce n’est pas un cas particulier ! Mme Descamps-Crosnier, si nous n’avons pas vu d’autres cas et s’il n’y a pas de jurisprudence sur le sujet, c’est tout simplement parce que les commerçants « lâchent l’affaire » – pardonnez-moi l’expression. Un commerçant doit, en effet, faire tourner sa boutique. Il ne peut pas recourir à un avocat et sombrer dans des excès de juridisme ; il cède donc sous la pression de plus gros que lui.

Pour autant, je vous invite à prendre connaissance de l’enquête réalisée par les représentants des commerçants ou à vous rendre dans un centre commercial de votre circonscription : vous vous rendrez compte que cette pression est généralisée. Même si les commerçants ne sont pas toujours menacés de se voir infliger 186 000 euros de pénalités, le risque d’une pénalité de 3 000 ou 4 000 euros suffit pour céder devant la grande enseigne. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un cas unique. Une centaine de cas a été recensée par une association de commerçants – c’est un chiffre déjà significatif –, sans compter ceux qui ne se voient pas appliquer de pénalités, parce qu’ils décident d’ouvrir sous la pression et de contraindre ainsi leurs salariés à travailler.

D’ailleurs, monsieur le ministre, vous disiez, à juste titre, que la loi avait prévu des compensations pour ceux qui travaillent le dimanche ou les jours fériés, car ce ne sont pas des jours comme les autres. Mais ne pas remédier aux dysfonctionnements que je dénonce compromet l’application du droit au refus des salariés. Dans mon rapport, je rappelle que certaines conventions collectives permettent au patron d’obliger le salarié à travailler en cas de nécessité, notamment en cas de forte pression exercée par les grandes enseignes ou les GIE.

Or, mes chers collègues de la majorité, après vous être écharpés pendant des mois – à deux reprises en tout cas, car la loi Macron a mis du temps à être adoptée –, sur le niveau de protection des salariés, en discutant du nombre de dimanche, des compensations, ou de la pertinence d’instaurer des quotas, vous souhaitez maintenant évacuer le problème en renvoyant le texte en commission, au motif qu’il n’y aurait pas de vrai droit au refus des salariés. Plus exactement, à vous entendre, seuls les salariés d’un commerce d’habillement dans un centre commercial, par exemple, auraient le droit de refuser, parce que leur convention collective ne prévoit pas qu’ils puissent être obligés de travailler, mais le salarié d’une boulangerie ou d’un restaurateur sera obligé de travailler. Par là même, vous créez, de façon volontaire, après l’avoir fait involontairement, une inégalité entre les salariés. Tel est, en réalité, le sens de votre opposition.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne crois pas qu’il faille modifier les règles de protection des salariés relatives aux jours fériés, puisque, par nature, il s’agit, pour eux, d’avoir la possibilité de ne pas travailler. Si la proposition de loi conduisait à les soumettre à une obligation de travailler, je comprendrais qu’il faille modifier les dispositions législatives protégeant les salariés lorsqu’ils travaillent pendant un jour férié. Mais elle vise précisément à leur laisser la possibilité de ne pas travailler ! Aucun droit n’est donc remis en cause.

Beaucoup d’entre vous ont indiqué qu’il s’agissait d’un choix relevant de la liberté contractuelle du signataire. Néanmoins, si la liberté contractuelle est valable pour l’avenir, elle ne vaut certainement pas pour le passé. Le commerçant et le salarié savaient, en signant le contrat de travail, qu’ils pouvaient travailler cinq dimanches par an. Jamais on ne leur a expliqué qu’ils pourraient travailler le 25 décembre, le 14 juillet, ou le 15 août. La disposition que je propose permet de préserver la situation de l’immense majorité de ces gens, salariés ou commerçants, qui ont déjà signé des contrats, et qui se retrouvent les uns après les autres contraints à travailler, alors qu’ils ne le souhaitent pas.

Contrairement à ce que vous dites, il n’y a pas de démarche partagée dans ces centres : nous le savons tous ici, et vous aussi, monsieur le secrétaire d’État, car vous avez été parlementaire ! Pire encore, la pression sur le maire s’accroîtra. La seule personne qui pourrait sauver le petit commerçant est, en effet, le maire, qui peut refuser l’ouverture du centre commercial. Mais, ce faisant, il affaiblirait la zone commerciale située dans sa collectivité, au bénéfice de celle d’à côté, qui ne se soucie pas de protéger les salariés. Pardon d’insister sur le sujet, mais il faut souligner la signification et les conséquences en cascade du refus d’agir. Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous demandez une étude d’impact, je suis en train d’en réaliser une grandeur nature. Vous le savez parfaitement, mes chers collègues, car vous avez rencontré dans vos circonscriptions les salariés, les petits commerçants et les maires, qui subissent la pression des représentants des centres commerciaux.

Monsieur Zumkeller, je suis ravi de votre intervention, qui était excellente !

Sourires.

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Vous avez souligné, à juste titre, qu’il s’agissait de rétablir le rapport de forces : c’est finalement ce qui devrait être la pratique courante de notre hémicycle ! La loi est faite pour rétablir l’équilibre du rapport de force. En l’espèce, nous savons qu’il est inégal, et nous ne le rééquilibrerions pas ! L’Assemblée nationale ne doit pas fermer les yeux, pour des raisons qui ne sont pas valables.

D’ailleurs, mes chers collègues, vous disiez que seuls quelques cas étaient concernés, mais connaissez-vous un seul commerçant de France qui refuserait d’ouvrir, si l’ouverture lui permettait de gagner de l’argent et de faire tourner sa boutique ? Si le commerçant refuse d’ouvrir, c’est bien parce qu’il va perdre de l’argent ; ce n’est pas parce qu’il a envie de ne pas travailler ! Je suis persuadé qu’un commerçant désireux de gagner de l’argent pourrait même travailler jusqu’à minuit, voire une heure ou deux heures du matin, parce qu’il sait qu’il aura plus de clients que d’habitude. Si cette proposition de loi est demandée par les commerçants, c’est parce qu’on les oblige à ouvrir à perte, au risque de remettre en cause la pérennité de leur commerce et leur capacité à conserver leurs emplois. C’est très contre-productif. Comme l’a dit M. Mariani, il s’agit de compléter un dispositif qui préserve la liberté, aujourd’hui malmenée, des commerçants comme des salariés.

Au nom du groupe Les Républicains, monsieur Morel-A-L’Huissier a dit fort justement, et presque mieux que je ne saurais le dire, que la fréquence des conflits et la spécificité de la période que nous vivons justifiaient l’adoption d’une législation particulière. Si la motion de renvoi était adoptée, nous serions dans une situation assez paradoxale. La semaine dernière, au Sénat, le Premier ministre a dénoncé le caractère libéral, voire ultralibéral, de certains débats en cours au sein de l’opposition nationale. Or, en l’espèce, le groupe Les Républicains souhaite la préservation des droits des salariés et des commerçants le dimanche, et le groupe socialiste, écologiste et républicain souhaite préserver la liberté des grandes enseignes. Vraiment, les groupes politiques se trouvent en ce moment à contre-emploi, si je peux me permettre ce clin d’oeil ! Je reconnais que cela ne concerne pas seulement cet hémicycle.

En outre, je fais observer à l’ensemble des intervenants que la concurrence entre deux droits constitutionnels ne porte pas atteinte à notre capacité à légiférer. Pardon, mais c’est un prétexte, qui ne sert qu’à évacuer le débat. D’abord, la liberté contractuelle est évidemment encadrée par la loi. Elle n’est jamais totale ou absolue. Tous les contrats se voient encadrés par des lois. C’est le cas, d’ailleurs, du GIE, qui est créé par un contrat. Cette proposition de loi ne fait qu’encadrer davantage les GIE.

Pardon d’insister sur le sujet, mais je ne pense pas avoir l’occasion de présenter d’autres propositions de loi pendant cette législature. En tant que parlementaire, ne pouvons-nous pas considérer, madame Descamps-Crosnier, que le rôle du Conseil constitutionnel est d’arbitrer entre deux droits constitutionnels ? Refuser de légiférer, c’est refuser de saisir le Conseil constitutionnel ; c’est refuser de lui permettre d’arbitrer entre ces deux droits ; c’est devoir débattre à nouveau du sujet dans l’hémicycle, dans quelques années. Qu’est ce qui prime ? La liberté du commerce ou la liberté contractuelle ? C’est au Conseil constitutionnel d’arbitrer et de guider le travail du législateur, en fonction de ce qu’il considère être l’intérêt général, comme vous l’avez dit. En l’occurrence, je considère que l’intérêt général consiste à protéger les plus faibles contre les plus puissants, lorsque le rapport de force est aussi déséquilibré. Si le Conseil constitutionnel en décidait autrement, nous devrions revenir sur le sujet.

Madame Fraysse, je ne comprends pas, moi non plus, la pertinence de la motion de renvoi qui nous sera soumise – mais j’aurai l’occasion d’y revenir. Vous avez raison de dire que cela revient à approuver l’obligation de travailler. Je suis évidemment ravi de la position de votre groupe. Nous avons tant de différences et de désaccords que cet accord vous honore. Je ne reviendrai pas sur vos propos sur la supposée contradiction entre deux principes constitutionnels et sur le rapport de force.

Madame Descamps-Crosnier a eu la gentillesse de dire que le rapport était particulièrement précis, mais il faut dire que le sujet l’est tout autant ! Certes, j’aurais pu proposer, comme le Gouvernement a eu un jour l’intention de le faire – mais le temps lui est compté –, de légiférer sur l’ensemble des rapports de force existants dans les GIE. En l’occurrence, l’urgence était de protéger les petits commerçants et leurs salariés. Je tiens à dire que cela ne suffira pas, mais cela permettra au moins de rééquilibrer le rapport de forces.

M. Brun, par qui le scandale est arrivé, est le seul commerçant a avoir eu le courage d’aller jusqu’au bout : les pénalités infligées par les centres commerciaux étant inconstitutionnelles, la justice lui aurait probablement donné raison. L’administration de son GIE a reculé sous l’effet médiatique, mais surtout sous l’effet juridique : elle avait peur que le Conseil constitutionnel démonte tout le système de pression. Rien que pour cette raison, cela vaudrait le coup de légiférer. À la fin de l’histoire, le commerce de M. Brun sera perdu et il en a parfaitement conscience. Il n’aura pas eu de pénalités, mais son bail a été signé il y a neuf ans et est en cours de renouvellement. Le centre commercial s’oppose tellement à la présence d’une personne décidée à faire respecter ses droits et ceux de ses salariés, qu’il est prêt à payer le fonds de commerce pour que ce gêneur dégage et que les bonnes affaires puissent continuer. Et nous ne ferions rien ! Permettez-moi de m’étonner !

Je remercie M. Bompard d’avoir rappelé que l’obligation de travailler ne doit pas être introduite dans notre droit en raison d’une faille juridique. Nous avons débattu longtemps de la liberté de travailler. Était-elle raisonnable ou non ? L’obligation de travailler est une notion nouvelle, que l’Assemblée nationale finirait par accepter si ce texte n’était pas adopté.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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J’ai reçu de M. Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, écologiste et républicain une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 10, du règlement.

Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. René Dosière.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur et cher Jean-Christophe Lagarde, cette proposition de loi a été déposée à la suite d’affaires, évoquées avec conviction et éloquence par l’auteur du texte, dans lesquelles des groupements d’intérêts économiques ont infligé de lourdes pénalités financières pour non-ouverture certains dimanches ou jours fériés. Ainsi dans le Var, le GIE qui rassemble les commerçants de la galerie marchande Grand-Var, après avoir voté en faveur de l’ouverture de sept dimanches et six jours fériés dans l’année, dont le 14 juillet, a infligé de lourdes pénalités financières à une dizaine de commerces indépendants, notamment une pénalité de 186 624 euros à un restaurateur qui avait refusé d’ouvrir son restaurant le 14 juillet.

Ces sanctions financières ont été heureusement réduites à la suite des réactions qu’elles avaient suscitées et leur montant été ramené à des forfaits plus compatibles avec la bonne marche des entreprises concernées.

Le principe de liberté du commerce et de l’industrie a valeur constitutionnelle, comme l’a reconnu le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 janvier 1982, de sorte que toute convention passée en matière d’exercice d’une activité économique doit respecter la liberté d’entreprendre. La proposition de loi se fonde sur un problème spécifique qui se poserait concernant les contrats déterminant l’organisation des groupements d’intérêt économique dont l’objet est commercial, qui peuvent imposer aux commerces parties au contrat d’exercer leurs activités le dimanche et les jours fériés, sous peine de pénalités financières élevée en cas de fermeture.

L’article unique de cette proposition de loi prévoit donc de compléter l’article L. 251-8 du code de commerce par des dispositions prévoyant que, lorsque l’objet du GIE est commercial, le contrat est tenu de respecter le principe de liberté du commerce et de l’industrie, étant précisé que le contrat ne peut donc prévoir d’obligation pour les société commerciales parties d’ouvrir et d’exercer leurs activités les dimanches et jours fériés. Toute clause contraire serait réputée non écrite.

En réalité, la question relève de l’arbitrage entre la liberté du commerce et de l’industrie d’une part, et la liberté contractuelle d’autre part. En effet, l’adhésion au GIE résulte d’une manifestation de volonté de la part de ses membres. Elle n’est jamais automatique du fait de l’exercice de l’activité commerciale au sein d’un centre commercial et elle ne peut être imposée en application des clauses du bail commercial.

Le Conseil constitutionnel reconnaît la valeur constitutionnelle du principe de liberté contractuelle, estimant, dans sa décision du 13 janvier 2003, que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant, sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ». Une atteinte législative à la liberté contractuelle doit donc être justifiée par un motif d’intérêt général suffisant, afin de préserver la sécurité juridique.

L’appréciation de l’opportunité de cette proposition de loi relève donc de l’existence ou non d’un motif d’intérêt général suffisant pour justifier une atteinte à la liberté contractuelle. Or, des interrogations subsistent et interdisent d’apporter en l’état une réponse favorable à la solution proposée dans le texte qui nous est présenté aujourd’hui.

Il convient d’une part de rappeler qu’en aucun cas de tels contrats ne peuvent s’affranchir des règles légales relatives à l’encadrement du travail du dimanche telles que votées par cette Assemblée, à savoir le volontariat et l’exigence d’un accord social. Ainsi, la liberté contractuelle rencontrant toujours comme limite l’application de la loi relative au travail du dimanche, les situations qui pourraient être concernées par ces difficultés doivent être précisément ciblées.

D’autre part, certaines affaires évoquées ont naturellement trouvé leur solution dans une sanction proportionnée à l’encontre des entreprises n’ayant pas respecté l’obligation du travail du dimanche. N’est-il pas dès lors légitime de se demander si les cas concrets, une fois précisés et circonscrits, ne relèvent pas de résolutions individuelles, voire jurisprudentielles, sans qu’il soit nécessaire de porter atteinte au principe de liberté contractuelle ?

Un des enjeux sous-jacents de cette proposition de loi est bien l’arbitrage entre deux principes constitutionnels d’égale valeur : la liberté contractuelle et la liberté du commerce. Il serait dommageable que, faute d’appréciation plus globale, la solution envisagée ici entraîne de nouvelles difficultés. Dès lors, compte tenu de l’importance de tels sujets et de la nécessité de trouver des équilibres entre des principes d’égale importance, il ne convient pas de légiférer dans l’empressement et sans disposer de tous les éléments nécessaires.

L’ensemble de ces raisons laisse à penser qu’il serait préférable de prendre davantage de recul pour apprécier l’évolution de telles situations au regard de la nouvelle législation. Le texte qui nous est présenté ne permet pas de garantir une réponse parfaitement adaptée et efficace aux problématiques soulevées. C’est pourquoi le groupe socialiste, écologiste et républicain préconise le renvoi de cette proposition de loi en commission, afin que ces problématiques soient examinées avec le recul nécessaire.

À titre personnel, je souhaite que ce renvoi, s’il est voté, ne soit pas un prétexte pour renvoyer aux calendes grecques cette proposition dont l’intérêt n’échappe à personne, ainsi que l’a souligné la porte-parole de notre groupe dans la discussion générale. C’est pourquoi, monsieur le président de la commission des lois, je souhaite qu’elle puisse être réexaminée au cours d’une prochaine réunion.

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La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Cette proposition de loi est incontestablement intéressante : son intérêt est tel, du reste, que nous avons été saisis d’un doute important, qui nous pousse, par-delà l’approche juridique, qui reste parfaitement vraie, de l’opposition entre deux principes, à examiner ce qui se cache derrière cette opposition. Avons-nous à légiférer pour trancher une centaine de cas en France ? Est-il même prudent de légiférer sans prendre en considération les conséquences d’une disposition législative prévoyant que la clause obligeant d’ouvrir le dimanche est réputée non écrite, avec la possibilité pour certains de s’emparer de celle-ci pour nuire à toute une stratégie commerciale ? Avons-nous la possibilité de légiférer alors que nous ignorons les tenants et les aboutissants d’une telle disposition ?

Nous ne nous sommes pas opposés au texte : vos arguments, monsieur le rapporteur, ayant en partie convaincu les membres de la commission des lois, ceux-ci se sont majoritairement abstenus. La question que vous posez est fondée et, je le répète, intéressante au sens où elle vise l’intérêt général.

J’ai une proposition à vous faire. Ce renvoi en commission ne sera pas synonyme d’un abandon du texte, de son renvoi aux calendes grecques ou d’un enterrement de première classe.

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Nous pouvons lancer très rapidement une mission sur le sujet tout en demandant au Gouvernement d’y travailler également. Il convient de savoir si la réalité du problème se limite à quelques abus locaux, qui pourront faire l’objet de jugements par les tribunaux, ou si, au contraire, nous avons affaire à une véritable difficulté.

Vous avez souligné, monsieur le rapporteur, que chacun part de son expérience. J’ai été conseiller communautaire de l’agglomération nantaise. L’accord obtenu fait qu’aucune grande surface n’y ouvre le dimanche parce qu’elles ne le veulent pas : comme me l’ont confié les directeurs que j’ai rencontrés, ils ne souhaitent pas se mettre à dos leurs personnels, lesquels refusent de travailler le dimanche.

L’agglomération urbaine de Nantes n’a autorisé l’ouverture le dimanche que pour favoriser le petit commerce de centre-ville, qui ne concerne que des commerçants indépendants qui n’ouvrent le dimanche que s’ils sont volontaires pour le faire. Telle est la réalité complexe, qu’il nous faut appréhender.

Voici ma proposition : très rapidement, la commission des lois constitue une mission. Certes, je ne veux pas vous vendre du vent. Nous sommes déjà au mois de novembre 2016, ce qui rendra difficile l’inscription du texte, alors que vous espériez, si j’ai bien compris, le voir inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Toutefois, le Gouvernement, loin de faire preuve de fermeture d’esprit, m’a paru tout autant envahi par le doute que la commission des lois : peut-être pourrions-nous trouver ensemble une solution puisque, comme vous l’avez souligné à juste titre, il convient de revoir la législation des GIE pour que le poids des grandes surfaces ne pèsent pas trop sur les petits commerces indépendants.

Ma proposition n’est pas malintentionnée : elle repose sur la volonté de trouver une solution à ce qui semble un véritable problème.

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Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Le malaise est d’autant plus palpable que ce texte, même aux yeux de nos collègues, est une bonne idée, ce dont nous sommes persuadés. Un signe ? Cette motion a été déposée il y a très peu de temps.

Je veux bien vous croire, monsieur le président de la commission, mais chacun sait que si vous votez cette motion de renvoi en commission, la proposition de loi ne sera pas étudiée avant la fin du mois de février, ce qui est du reste compréhensible. Il y aura d’autres textes à étudier d’ici là. Soyons raisonnables. Deux attitudes s’affrontent : M. Dosière, très élégamment, est resté sur un terrain très théorique – je ne prétends pas qu’il ait tort –, alors que nous, nous nous situons sur un terrain très pratique. Tous, nous souhaitons que les GIE et les zones d’activités fonctionnent. Mais nous souhaitons également que le commerce indépendant continue d’exister, en dépit de sa taille et des difficultés qu’il rencontre. Si nous repoussons ce texte, quand sera-t-il examiné ? Il ne le sera pas, en tout cas, avant la fin du mois de février prochain et, au début de la nouvelle législature, nous aurons d’autres textes à examiner...

Cette nouvelle occasion manquée est d’autant plus dommageable que nous avons tous conscience que le commerce indépendant est en danger de mort. Mais, comme d’habitude, nous rendrons un beau rapport qui ne servira à rien, laissant, pendant ce temps, mourir le commerce indépendant. J’espérais que l’Assemblée fasse preuve de sagesse en assumant le vote de ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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René Dosière a développé les arguments justifiant le renvoi en commission de ce texte, comme je l’avais fait moi-même, dans une intervention plus longue que prévue.

C’est pourquoi le groupe socialiste, écologiste et républicain votera évidemment cette motion, tout en rejoignant la proposition du président de la commission des lois. Ce renvoi doit être constructif et utile, puisque la demande est fort légitime.

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La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe Les Républicains.

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Je regrette l’occasion manquée. La commission des lois avait, de manière consensuelle, appréhendé ce texte de M. Lagarde. Il est vraiment dommage de le voir aujourd’hui renvoyé en commission.

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Monsieur le rapporteur, laissez-moi vous rappeler que le règlement de l’Assemblée nationale ne vous permet pas de prendre la parole après les explications de vote. J’en suis désolé.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 26 Nombre de suffrages exprimés: 26 Majorité absolue: 14 Pour l’adoption: 20 contre: 6 (La motion de renvoi en commission est adoptée.)

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S’agissant d’un texte inscrit à l’ordre du jour fixé par l’Assemblée, il appartiendra à la Conférence des présidents de proposer les conditions de la suite de la discussion.

La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.

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L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Philippe Folliot et plusieurs de ses collègues portant modification de la loi no 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton, et visant à donner un statut à l’île de Clipperton (nos 4102, 4219).

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La parole est à M. Philippe Folliot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, je vais vous parler de la France, dans sa grandeur et dans sa diversité.

L’île de Clipperton, seule possession française dans le Pacifique Nord, est très méconnue. Elle a été découverte le 3 avril 1711 par un navigateur français, Michel Dubocage, qui croisait au large de cette île jusqu’alors non répertoriée. Cette découverte est le premier élément ayant permis de donner un cadre juridique à la souveraineté française sur cette île, devenue effective en 1858, quand Napoléon III décida d’en prendre officiellement possession. Dès lors, la situation fut assez complexe, du fait des liens amicaux mais aussi parfois plus conflictuels entre la France et le Mexique. Elle fut clarifiée par un arbitrage international décidé en 1910. Cependant, la justice internationale s’est hâtée lentement, et ce n’est qu’en 1931 que le roi d’Italie Victor-Emmanuel III a reconnu la souveraineté pleine et entière de la France sur l’île de Clipperton – nous devrions d’ailleurs parler de l’île de la Passion, comme elle est appelée dans la région, car le 3 avril 1711 était un Vendredi Saint.

Mes chers collègues, c’est avec passion que je vais vous parler de ce territoire qui est certainement le plus reculé et le plus oublié de la République. Notre planète compte peu de terres éloignées de plus de 1 000 kilomètres d’une autre terre ; c’est le cas de l’île de Clipperton, et cette situation présente d’ailleurs un certain nombre d’intérêts, tant au niveau de son écosystème assez spécifique qu’en matière géostratégique.

J’ai eu l’opportunité de me rendre sur place en 2015. Je remercie le Secrétariat général de la mer et la Marine nationale d’avoir facilité cette visite, la première d’un élu de la République dans cette partie du territoire national malheureusement trop souvent et trop longtemps délaissée, pour ne pas dire oubliée.

Sur place, j’ai eu un choc car j’ai découvert un spectacle de désolation. J’ai vu une île abandonnée, puisqu’elle n’est pas habitée. Au-delà des occupations mexicaines plus ou moins légales de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, qui se sont du reste tragiquement terminées par l’épisode des « oubliés de Clipperton », l’île – la Isla de la Pasión, pour reprendre la terminologie mexicaine – n’a pas été véritablement occupée au XXe siècle, excepté en 1944 par les Américains qui y ont aménagé un terrain d’aviation et laissé un certain nombre de témoignages de leur passage, notamment un dépôt d’explosifs. Ce dernier a été neutralisé quelques décennies plus tard par le Gouvernement, suivant une préconisation que j’avais formulée dans mon rapport. Je mentionne aussi les missions Bougainville, entre 1966 et 1969, qui installèrent sur cette île une station destinée à analyser les éventuelles retombées des essais nucléaires réalisés à Mururoa – il faut dire que Clipperton était judicieusement placée, à mi-distance entre la Polynésie française et les États-Unis.

Ainsi, la situation de l’île est quelque peu particulière, compte tenu de son abandon de fait par les autorités françaises depuis plusieurs décennies. Elle est jonchée de déchets. Il s’agit d’un atoll de treize kilomètres de circonférence, fermé, ce qui n’est pas neutre : l’intérieur de l’atoll ressemble aujourd’hui à une fosse septique, car des tonnes de fientes d’oiseaux s’y sont accumulées depuis des décennies. Aujourd’hui, il n’y a plus de vie à Clipperton. Pour m’y être baigné – au moins jusqu’à la taille – en rejoignant le zodiac qui nous a permis de traverser l’atoll de part en part, j’ai pu constater que l’environnement était corrosif. Nous parlons donc d’un atoll mort, avec toutes les conséquences que cela comporte.

À l’issue de mon déplacement, j’ai écrit à M. le Premier ministre, à Mme la ministre George Pau-Langevin, que je salue, ainsi qu’à M. le Président de la République pour dire ce que j’avais constaté. M. le Premier ministre m’a alors fait l’honneur de me charger d’une mission sur le devenir de cette île.

J’ai beaucoup travaillé. Permettez-moi de saluer le Professeur Christian Jost, de l’université de la Polynésie française, qui est le spécialiste français de Clipperton, ainsi que M. Thomas Pailloux, chargé de mission au Secrétariat général de la mer, qui m’a beaucoup aidé dans le cadre de cette mission. Je voudrais aussi saluer un certain nombre de passionnés, membres de l’association Clipperton-Projets d’Outre-Mer, qui essaient depuis plusieurs décennies de maintenir la flamme de la présence et de l’intérêt français pour cette île.

Force est de constater que les autorités publiques, quels que soient les gouvernements qui se sont succédé, ont toujours quelque peu oublié – pour ne pas dire « délaissé » – cette île. Aussi, nous vivons aujourd’hui un événement historique à bien des égards : c’est la première fois dans l’histoire du Parlement que nous allons consacrer autant de temps à l’île de Clipperton, l’île de la Passion. J’espère, madame la secrétaire d’État, que notre débat sera positif !

Ce sujet n’est pas neutre. La France métropolitaine compte 345 000 kilomètres carrés de zone économique exclusive. L’île de Clipperton en compte beaucoup plus : 436 000 kilomètres carrés.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité

Eh oui !

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Vous pouvez ainsi percevoir les enjeux en matière de ressources halieutiques – je pense notamment aux thonidés –, les enjeux relatifs aux nodules polymétalliques et les enjeux de préservation de l’environnement. Nous y reviendrons dans le cadre de nos débats : c’est un élément particulièrement important.

Aussi, comme je l’ai souligné dans mon rapport, la situation de Clipperton est singulière. Nous avons le devoir de réfléchir à la façon d’occuper cette île à moyen terme. Nos travaux ont mis en évidence la nécessité de créer une station scientifique à vocation internationale, à l’instar de ce que la République a fait il y a quelques décennies dans les Terres australes et antarctiques françaises – TAAF – en décidant d’aménager des bases scientifiques aux Kerguelen, dans l’archipel des Crozet ou sur l’île Amsterdam.

C’est un élément important car l’attente est forte du côté de la communauté scientifique.

De la même façon, il nous paraît important de clarifier la situation juridique de cette île, c’est l’objet de mon rapport. Aujourd’hui, elle ne bénéficie d’aucun statut juridique précis. En fait, c’est le droit métropolitain qui s’applique ou ne s’applique pas, tant celui-ci est totalement inadapté. L’objet de cette proposition de loi est de lui conférer un statut juridique adapté en proposant la création d’une collectivité ad hoc à l’instar de ce qui s’est fait pour les TAAF. Nous aurions pu retenir d’autres options, que nous avons finalement écartées, telle la création d’un nouveau district des TAAF ou d’une réelle collectivité ou encore faire en sorte que Clipperton devienne la quarante-neuvième commune de Polynésie. À nos yeux, la solution la plus sage réside dans la création d’une collectivité ad hoc, ainsi que je vous le propose, sur le modèle des TAAF.

Élément non moins important, le fonctionnement de cette collectivité serait assuré à moyens constants : il n’en coûtera rien à l’État, madame la secrétaire d’État, puisque la fonction d’administrateur supérieur serait exercée par le haut-commissaire de la République en Polynésie française. Comme pour les TAAF, cet administrateur serait assisté d’un conseil consultatif qui pourrait donner des avis.

Le problème fondamental de Clipperton réside dans le fait qu’un certain nombre d’orientations et de décisions sont prises par des personnes qui ne s’y sont peut-être jamais rendues – on peut alors leur trouver des excuses – et qui regardent cela de loin, avec une vision métropolitaine, éloignée du Pacifique et dénuée de pragmatisme, ce que je regrette.

Le Gouvernement a décidé de créer une aire marine protégée dans les eaux territoriales de Clipperton. C’est une bonne idée, mais compte tenu du fait que l’on ne se donne pas les moyens de sa mise en oeuvre, je crains que nous en restions à des déclarations d’intention. En fait, nous nous faisons plaisir par rapport à un certain nombre d’objectifs et d’engagements internationaux, mais rien ne changera sur le terrain. C’est dommage car cela affaiblit la politique de la France et pèsera sur la façon dont elle sera jugée sur la scène internationale.

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Veuillez me pardonner, monsieur le président. Si je parle avec passion de ce texte, c’est parce que cette île mérite que l’on y consacre un peu plus que le temps imparti au regard du peu d’intérêt que nous lui avons accordé ces dernières décennies.

Dans cette partie du monde, notamment par rapport à la gestion des ressources halieutiques, la France laisse faire dans sa zone économique exclusive comme dans ses eaux territoriales ce qu’elle condamne partout ailleurs. C’est de l’irresponsabilité.

Et cette irresponsabilité va perdurer tant que nous n’aurons pas le courage de prendre une bonne mesure aux plans écologique, économique et financier. En 2007, l’État a été trop laxiste en matière d’octroi de droits de pêche – certes, c’était une autre majorité, un autre gouvernement – aux Mexicains, en n’exigeant aucune contrepartie, aucune garantie. La vente des droits de pêche dans cette zone économique exclusive pourrait permettre d’entrer dans un cercle vertueux.

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Ce cercle vertueux, quel est-il ? Disposer de ressources fiscales pour permettre la création de la station scientifique que je propose. Permettre l’autorégulation : lorsque les pêcheurs achètent des licences, ils assurent une autorégulation sur la zone visant à éviter les excès et les pêches illégales et intempestives comme c’est le cas aujourd’hui. Cela assurerait une réelle protection sur un plan physique et pratique. À Clipperton, nous sommes à huit jours de mer de la Polynésie, Maina Sage peut témoigner en ce domaine, car elle connaît les effets d’échelle dans ces territoires. Il faut donc prendre en compte ces éléments et les décisions qui sont prises dans un bureau ministériel doivent pouvoir être appliquées dans ces territoires lointains.

Je vous prie de bien vouloir m’excuser, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, monsieur le président d’avoir quelque peu débordé et de ne pas avoir respecté mon temps de parole. J’espère vous avoir fait partager ma passion pour cette île et d’autres également. Je ne doute pas que nous ferons avancer les choses positivement.

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Vous n’avez pas « quelque peu » débordé, monsieur le député, vous avez beaucoup débordé !

Sourires.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, longtemps, Clipperton n’a pas reçu toute l’attention que cette île stratégique méritait. L’île de 8 kilomètres carrés, dont 2 kilomètres carrés de terres émergées, n’est ni un département ou région d’Outre-mer, ni une collectivité d’Outre-mer et ne compte pas de présence humaine. Pour le dire autrement, Clipperton demeure à certains égards un « territoire méconnu », pour reprendre le titre du colloque que vous avez organisé à l’Assemblée nationale l’an passé, monsieur le rapporteur.

L’État a pu lui-même sembler quelque peu distant vis-à-vis de cette île dont l’importance ne doit pas être négligée. Ce temps paraît bien lointain tant le Gouvernement a voulu s’engager à renouveler l’action de l’État à l’égard de Clipperton. Il s’agit là, je crois, d’une volonté forte de l’exécutif en la matière.

Le Premier ministre Manuel Valls, dont il faut saluer la détermination à cet égard, a en effet nommé M. Philippe Folliot, en qualité de parlementaire en mission pour qu’il établisse un rapport portant sur les voies et moyens de moderniser les dispositions juridiques ayant trait à Clipperton.

Monsieur Folliot – et nous l’avons entendu – vous vous êtes passionnément investi dans cette mission qui était un véritable défi, tant la distance géographique était significative et l’objet d’étude singulier. Je souligne en particulier que vous avez été le premier élu de la République à vous rendre sur l’île en mai 2015. Cette expérience signale l’engagement très personnel que vous avez pour Clipperton, dont vous venez encore de témoigner, et cela vous honore.

Votre rapport est unique dans son contenu. Rarement une étude aura été aussi complète au sujet de Clipperton. Le travail réalisé propose des recommandations originales et ambitieuses. Mais il dresse aussi un triste constat, celui d’un territoire insuffisamment mis en valeur, où les déchets s’accumulent dans l’indifférence et où la faune et la flore se dégradent du fait des actions anthropiques.

Nous voulons ici affirmer avec force que Clipperton fait pleinement partie du territoire français et mérite toute notre attention. Dans la continuité des voeux exprimés par le Premier ministre et le Président de la République, ce Gouvernement entend pleinement investir ce territoire.

Nous tenons donc à vous rassurer : en dépit de son éloignement et de son isolement, l’État entend manifester son plein intérêt pour Clipperton qui lui confère une position unique dans le Pacifique Nord. Il continue à affirmer la souveraineté française – notre souveraineté – sur le territoire. L’exercice n’est pas évident. La plus proche des terres françaises disposant de moyens de surveillance est Tahiti, à 5 400 kilomètres et 11 jours de mer. Malgré ces difficultés, la présence française est assurée par le passage régulier d’une frégate – le Prairial – venue de Polynésie française et par des débarquements occasionnels. Pour le dire autrement, Clipperton n’est pas un territoire sans maître et l’État entend bien le rappeler.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui participe dès lors au rappel le plus solennel de la pleine souveraineté de la France sur Clipperton. Elle participe par ailleurs à cette volonté des pouvoirs publics de s’engager de manière plus directe en faveur de l’île et de la protection des ressources qui y sont attachées. Car, nous le savons, l’affirmation de notre souveraineté sur Clipperton passe aussi par la défense des ressources de sa zone économique exclusive ainsi que par la protection de sa formidable biodiversité.

Avec votre permission, monsieur le président, je souhaiterais, en tant que secrétaire d’État chargée de la biodiversité, insister sur l’importance du point de vue écologique, de ce morceau de terre au milieu de l’Océan. Une mission scientifique menée en 2005 par Jean-Louis Étienne avec le concours du Muséum national d’histoire naturelle, du CNRS et d’autres institutions scientifiques, a réalisé un inventaire de la biodiversité de ce territoire qui est un des systèmes insulaires le moins perturbé au monde. Le résultat est très impressionnant, y compris la découverte de nouvelles espèces. Jean-Louis Étienne a conclu qu’il était indispensable de « protéger le laboratoire de l’évolution ». Je remplace aujourd’hui la ministre de l’Outre-mer, mais je souhaite partager avec vous l’honneur et le plaisir de défendre un des joyaux de la biodiversité.

La pêche incontrôlée et la surpêche constituent, vous l’avez dit, une des menaces principales, en particulier celles constatées aux abords de l’atoll. Si rien n’est fait, il n’y aura plus rien à pêcher autour de Clipperton et cet écosystème unique au monde, dont la France est responsable, sera détruit.

Hier, au Journal Officiel, Mme Ségolène Royal a fait paraître deux arrêtés protégeant cette biodiversité. Une preuve de plus de l’importance que le Gouvernement accorde à cet atoll corallien.

J’en viens sans plus attendre au texte qui nous est soumis aujourd’hui. Je voudrais d’abord remarquer que cette proposition de loi révèle à nouveau votre engagement sans faille, monsieur Folliot puisque vous avez pris l’initiative de proposer un texte à la suite des recommandations que vous aviez formulées. Du projet à sa concrétisation, il n’y a qu’un pas qui est aujourd’hui en passe d’être franchi.

En effet, le Gouvernement est favorable à une modification du cadre législatif qui régit Clipperton. Cette modification doit ouvrir la voie à une meilleure prise en compte de l’île dans notre droit et dans les priorités de notre action publique. Elle doit poser les bases d’une plus grande valorisation de ce petit territoire et d’une meilleure défense de ses ressources.

Afin de donner tout son sens à l’engagement de l’État en faveur de Clipperton, le Gouvernement proposera des amendements à la proposition de loi qui vous est soumise. Il s’agit en effet de rendre les modifications proposées cohérentes avec les priorités du Gouvernement et de les coordonner avec l’état du droit existant.

S’agissant du changement de nom de l’île, nous sommes évidemment sensibles à l’idée de redonner à Clipperton son nom originel. Ce serait la marque de notre attachement à ce territoire. Mais nous avons deux craintes. D’abord, la dénomination de Clipperton est constitutionnelle et figure à l’article 72, alinéa 3 de notre texte fondamental. Ensuite, il nous semble que ce changement de nom, si louable soit-il, serait de nature à brouiller le message qui est le nôtre : le territoire est connu, aux plans national et international, sous le nom de « Clipperton » ; celui-ci fait désormais partie intégrante de son identité. Lui attribuer un nouveau nom pourrait peut-être nuire à l’appropriation de ce territoire par nos concitoyens. Mais donnons-nous le temps de la réflexion à ce propos.

Venons-en maintenant à l’idée de créer une collectivité à statut particulier. Nous partageons tous le même objectif : consacrer un statut de Clipperton et donner les moyens à l’État d’exercer pleinement sa souveraineté sur l’île. Or l’action administrative tend aujourd’hui à se simplifier, à être plus efficace et plus respectueuse des deniers publics. Dans ces conditions, si nous partageons sans réserve la finalité de la disposition proposée, nous pensons que les moyens envisagés ne sont sans doute pas les plus appropriés. Voilà pourquoi nous proposons de nous abstenir de créer une nouvelle collectivité à Clipperton, création qui induirait des lourdeurs administratives et des surcoûts. Le mot même de « collectivité », étymologiquement, renvoie à la notion de « collectif », donc à un groupement d’individus ce qui n’est pas le cas, nous le savons, pour Clipperton. C’est pourquoi Clipperton ne peut pas être qualifiée comme collectivité territoriale.

Suivant la même logique, le passage du régime d’identité législative au régime de spécialité législative pourrait être à l’origine d’une complexification de l’action publique : pour chaque texte, cette modification induirait de devoir s’interroger sur son applicabilité ou non à Clipperton. Compte tenu des enjeux, il nous paraît donc plus simple de s’en tenir au droit existant qui prévoit que les textes adoptés sur le territoire de la République sont applicables de plein droit à Clipperton, sauf mention expresse en sens opposé.

En revanche, la proposition de créer un poste d’administrateur supérieur pour le territoire paraît propre à rehausser la représentation de Clipperton dans la République. Nous y sommes pleinement favorables. Cette même logique nous conduit à soutenir la proposition d’instaurer un conseil consultatif qui assistera l’administrateur supérieur. Le rapporteur sait mieux que quiconque que l’administration de Clipperton est une affaire de spécialistes et de passionnés. Réunir l’expertise disponible sur l’île au sein d’un conseil donnera à l’administrateur supérieur les outils d’une bonne administration du territoire. Ce conseil consultatif remplacera utilement le comité consultatif que prévoit le droit actuel.

Nous devons également nous assurer que le niveau de protection, tel qu’il vient d’être relevé par les arrêtés publiés hier, ne soit pas diminué et un ajustement est nécessaire à cet égard pour ne prendre aucun risque. C’est ce qui explique que nous ayons procédé à quelques modifications de dernière minute. Je prie la représentation nationale de nous en excuser, car je sais combien il importe de respecter les délais pour pouvoir travailler.

Enfin, la défense de notre souveraineté sur Clipperton nécessite assurément la défense des droits de pêche attachés à cette île. L’instauration de sanctions pour les visites effectuées sur ce territoire sans autorisation préalable doit donc permettre un meilleur contrôle des prélèvements qui y sont opérés. C’est là un message fort à l’adresse de ceux qui peuvent être tentés de penser que Clipperton est un bien public ouvert à tous.

Mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui constitue un progrès significatif dans la modernisation de notre politique à l’égard de Clipperton. Grâce à celle-ci, la France s’investit plus directement et plus volontairement auprès de cette île stratégique. Ce bout de France du Pacifique fait partie intégrante de notre territoire national. Cette île proche des Amériques appartient pleinement à la France. Nous sommes déterminés à le rappeler aujourd’hui de la manière la plus solennelle.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Vigier, premier orateur inscrit.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur – cher Philippe –, mes chers collègues, chacun a pu constater la passion qui animait tout à l’heure l’exposé de M. Folliot et j’ai entendu, madame la secrétaire d’État, que vous avez été particulièrement sensible au contenu de cette proposition de loi et au souci de la voir aboutir. Je me félicite en outre que nous rencontrions cet après-midi, à propos de l’outre-mer, plus d’écoute que n’en ont reçu aujourd’hui des textes plus métropolitains.

Philippe Folliot, premier parlementaire à s’être rendu sur place, dès avril 2015, en participant à la fameuse expédition Passion 2015, est l’auteur d’un rapport sur l’installation d’une base scientifique sur Clipperton, remis dans le cadre de la mission consacrée au devenir de cette île. La proposition de loi qui nous est soumise est donc le fruit d’un vrai travail et a d’ailleurs été cosignée par plus de 55 parlementaires issus des différents bancs de cette assemblée. Il s’agit donc, je tiens à le souligner, d’une initiative transpartisane qui a fait l’objet d’un consensus en commission des lois.

M. Folliot a retracé tout à l’heure l’histoire de l’île de Clipperton depuis sa découverte en 1711 par des explorateurs français et plaidé pour que nous reconnaissions dans cette île, constituée de 2 kilomètres carrés de terres émergées, un véritable atout stratégique, scientifique et géographique pour la France.

La zone économique exclusive de la France, qui couvre près de 434 000 kilomètres carrés – à comparer avec la superficie du territoire métropolitain de notre pays – est la deuxième au monde par son étendue, derrière celle des États-Unis et devant celle de l’Australie. Le rapporteur a toutefois indiqué que les atouts de cette île, pour importants qu’ils soient, étaient insuffisamment valorisés, vous venez d’en convenir, madame la ministre.

Située à 4 000 kilomètres des premières terres françaises et à 1 000 kilomètres des côtes mexicaines et de l’île la plus proche, Clipperton est un atoll du Pacifique nord-oriental, ce qui lui confère un caractère stratégique pour la France.

L’île présente aussi un intérêt scientifique majeur, qui a déjà motivé plusieurs expéditions sur place, dont la dernière était Passion 2015, consacrée à un domaine qui relève, madame la secrétaire d’État, de votre département, ministériel : la biodiversité et la connectivité des espèces. On n’aurait pas pu imaginer meilleure rencontre !

Sourires.

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Comme l’a indiqué Philippe Folliot dans son rapport, le fait que Clipperton soit la seule terre émergée éloignée de l’influence du continent américain en fait un « emplacement fixe de très grande qualité pour les relevés et les mesures tant océanographiques, atmosphériques, biologiques que lithosphériques ».

Sur le plan climatologique, par exemple, l’île présenterait un intérêt scientifique particulier, notamment pour l’étude du régime des vents, de la qualité de l’air ou de l’évolution de la ceinture corallienne, trop souvent dégradée. Sur le plan océanographique, elle permettrait de vérifier le niveau des océans et de prévenir les crues, inondations et tsunamis. Il n’est pas une année, en effet, qui ne connaisse des phénomènes de cet ordre et, en 2015, plus de 65 millions de personnes ont dû quitter leur territoire du fait de tels désordres climatologiques.

Elle est, en outre, l’une des zones les plus riches au monde en thonidés et ses fonds marins sont tapissés de nodules polymétalliques, source potentielle de ressources minérales stratégiques. Cette île possède donc de très nombreuses ressources et revêt ainsi un intérêt scientifique confirmé.

Clipperton suscite des convoitises étrangères face auxquelles il nous faut être vigilants, notamment de la part du Mexique. Mes chers collègues, le Pacifique Nord se dessine comme l’un des enjeux géostratégiques majeurs du XXIe siècle. Pourtant, telle que l’a décrite tout à l’heure notre rapporteur, l’île donne l’impression d’un quasi-abandon face aux menaces qui pèsent sur ses espaces, ses espèces et ses richesses environnementales qu’il faut préserver. Nous veillons, sur le territoire métropolitain, à préserver la biodiversité : comment ferions-nous l’impasse sur 2 kilomètres carrés possédant de tels atouts ?

L’écosystème de l’île est en effet menacé par la multiplication des déchets et la croissance exponentielle et non maîtrisée des oiseaux marins. Alors que nous nous efforçons de mettre en place, sur le territoire métropolitain, des plans de gestion durable des espèces, l’absence de gestion durable de l’atoll, notamment en matière de pêche, est également responsable de cette situation.

Par ailleurs, parce qu’elle ne dispose pas d’un statut propre – et c’est là que réside la véritable difficulté –, l’île se trouve aujourd’hui dans un état de précarité administrative. Son régime juridique a été clarifié en 2007 : elle bénéficie d’un statut distinct de celui des Terres australes et antarctiques françaises, qui la place sous l’autorité directe du Gouvernement. Or, faute de dispositions spécifiques, s’appliquent directement à Clipperton, en matière environnementale et de protection du littoral, les règles applicables en métropole. Il faut donc réaffirmer la souveraineté nationale sur cet atoll et valoriser et protéger le milieu naturel en le dotant d’un statut administratif spécifique.

L’article 2 définit ce nouveau régime qui, si j’ai bien entendu vos propos, madame la secrétaire d’État, vous a convaincue. Clipperton serait ainsi dotée d’une personnalité morale et posséderait l’autonomie administrative et financière.

Cette solution permettrait d’une part de conserver l’identité propre de Clipperton, d’autre part, d’autoriser l’affectation de recettes extrabudgétaires à la gestion et au fonctionnement de l’atoll. Cette collectivité serait soumise au principe de spécialité législative. Hormis quelques domaines comme la nationalité et le droit pénal ou civil, les lois et les règlements n’y seraient applicables que sur mention expresse du texte. L’île serait placée sous l’autorité d’un administrateur supérieur, assisté d’un conseil consultatif, qui devrait notamment veiller au maintien de l’ordre public, à l’exercice des libertés et au respect des droits.

J’ai bien entendu, madame la secrétaire d’État, vos réserves face au problème constitutionnel que pourrait soulever l’attribution à ce territoire du nom d’Île de La Passion-Clipperton. Après des expressions telles qu’« expédition Passion » ou « rencontre Passion », nous devrions néanmoins parvenir à une solution intelligente pour trouver à cet atoll une belle dénomination.

La proposition de loi, en prévoyant un encadrement des activités sur l’île pour ce qui est du mouillage dans les eaux territoriales et intérieures, du débarquement, de l’atterrissage, du séjour ou de toute autre activité, permettrait de mieux en protéger la faune et la flore. Un tel encadrement est indispensable à la préservation de l’écosystème et des ressources de l’île qui, je le répète, sont aujourd’hui menacés. Vous aurez compris que nous approuvons sans réserve la très belle initiative de notre collègue Philippe Folliot.

La modernisation du régime institutionnel et administratif de l’île n’est qu’une première étape sur le chemin de la revalorisation de cet atoll. Les réflexions doivent se poursuivre pour envisager l’installation d’une station scientifique à caractère international, autour de laquelle je ne doute pas que nous pourrions nouer des partenariats avec les pays de la région. Une telle installation est souhaitée par nombre de scientifiques et serait de toute évidence la meilleure façon de réaffirmer la souveraineté française dans le Pacifique Nord, de valoriser l’atoll et de protéger ses ressources environnementales et halieutiques.

Dans l’attente de ces prochaines évolutions, le groupe UDI soutiendra et votera bien évidemment cette proposition de loi.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi portant modification de la loi no 55-1052 du 6 août 1955 et visant à donner un statut à l’île de Clipperton illustre l’engagement passionné et de longue date de notre cher rapporteur, Philippe Folliot, qui a été nommé parlementaire en mission, le 1er septembre 2015, par le Premier ministre et avec le soutien de la ministre des outre-mer de l’époque, Mme George Pau-Langevin, ici présente.

Après un travail approfondi comprenant auditions des parties prenantes et déplacement sur place, un rapport a été remis le 9 juin 2016. Il contient des recommandations, dont la valorisation de l’« Île de La Passion » – c’est-à-dire Clipperton – par l’implantation d’une station scientifique à caractère international. Ce travail a entraîné la rédaction d’une proposition de loi portant modification de la loi du 6 août 1955 et visant à donner un statut à l’île de Clipperton, cosignée par le groupe de l’Union des démocrates et indépendantsi, le groupe Les Républicains et le groupe socialiste, écologiste et républicain, ainsi que par mes collègues Jeanine Dubié, Paul Giacobbi, Jérôme Lambert et Stéphane Saint-André pour le groupe RRDP.

L’île de Clipperton, expressément mentionnée au quatrième alinéa de l’article 73-3 de la Constitution, est un atoll corallien inhabité de 9 kilomètres carrés, dont environ 2 kilomètres carrés de terres émergées. Il se situe dans le Pacifique nord-oriental. En vertu des droits souverains sur les eaux et les fonds océaniques, cette île permet de tracer un cercle d’un rayon de 200 nautiques – soit 370 kilomètres – délimitant une zone économique exclusive et contribue ainsi à conférer à la France une surface maritime de 435 600 kilomètres carrés.

Les États du Pacifique Nord devenant des acteurs économiques majeurs, nous ne pouvons négliger l’importance de l’île de Clipperton dans le rayonnement international de la France.

Or, cette île est aujourd’hui délaissée par les pouvoirs publics. En effet, la mission menée par le rapporteur a montré que, faute d’un entretien régulier, Clipperton est une véritable déchetterie à ciel ouvert, le lagon étant jonché de détritus apportés par la mer ou par l’activité humaine illégalement présente – c’est-à-dire sans autorisation – sur le territoire. Des actions ont été entreprises, comme la neutralisation et la destruction du stock de munitions d’armes mexicaines présentes depuis la Seconde Guerre mondiale.

De plus, à défaut de dispositions particulières, le droit métropolitain s’applique sur cette île, pouvant créer des difficultés en matière de poursuites pénales, notamment en raison des excursions et visites non autorisées aux abords de l’île. Afin de prendre en compte ces difficultés et d’affirmer la souveraineté française sur ce territoire, la présente proposition de loi vise à conférer un statut administratif spécifique à l’île.

L’article 1er vise ainsi à modifier la dénomination de l’île de Clipperton pour lui donner celle d’« Île de la Passion-Clipperton », rendant hommage au nom originel donné à ce territoire par celui qui l’a découvert.

L’article 2 vise ensuite à considérer l’île de La Passion-Clipperton comme un territoire à statut particulier. Aujourd’hui, en effet, cette île dépend de dispositions spécifiques ajoutées à la loi du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises. L’île de La Passion-Clipperton serait ainsi reconnue comme un territoire à statut particulier, doté de la personnalité morale, et possédant l’autonomie administrative et financière, placé sous l’autorité d’un administrateur supérieur, bénéficiant d’un régime législatif adapté et faisant l’objet de mesures particulières de protection contre certaines activités nuisibles.

L’administrateur supérieur de l’île de La Passion-Clipperton sera placé auprès du Haut-commissaire de la République en Polynésie française et exercera cinq missions principales, identiques à celles reconnues au représentant de l’État dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Ces missions sont le maintien de l’ordre public, l’exercice des libertés publiques et le respect des droits ; la direction des services de l’État, à l’exception des services juridictionnels et de ceux énumérés par décret ; les missions dévolues aux préfets et préfets maritimes en matière de défense nationale et d’action de l’État en mer ; le contrôle des organismes et des personnes publics ou privés recevant des financements de l’État ; enfin, l’exercice du pouvoir réglementaire dans les matières qui relèvent de sa compétence.

Puisqu’il est de notre devoir et de notre responsabilité de veiller aux intérêts de la France en matière économique, en matière de souveraineté mais aussi en matière écologique et de lutte contre la pollution, vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutiendra le texte que nous examinons aujourd’hui, tout en félicitant son auteur – cher Philippe Folliot – pour cette utile initiative défendue avec « Passion » !

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’île de Clipperton est un territoire français situé dans le Pacifique Nord, à 1 200 kilomètres des côtes américaines et à 4 000 kilomètres du point le plus proche de la Polynésie française. Elle est isolée dans cet océan, comme perdue, presque oubliée, négligée et depuis longtemps délaissée par la France, à laquelle elle appartient.

S’il n’y a pas de vie humaine sur l’île, les visiteurs s’y rendant plus ou moins occasionnellement et le hasard des courants marins y ont déposé des déchets et des objets, parfois dangereux, qui dégradent et polluent gravement l’environnement. L’État n’y faisant pas respecter ses droits souverains, l’île pourrait peu à peu abriter le siège d’activités illicites telles que le pillage des ressources, les atteintes de plus en plus fortes à l’environnement ou, pire encore, devenir une plaque tournante de trafics divers en servant de base arrière logistique aux trafiquants.

Et pourtant, l’île de Clipperton n’est pas dépourvue d’intérêt. Sa zone économique exclusive, qui s’étend sur 435 000 kilomètres carrés – le maximum possible selon la Convention de Montego Bay –, recèle de ressources non évaluées et non exploitées rationnellement – du moins pas par la France, ni sous son contrôle – et occupe une position géographique exceptionnelle.

Du reste, notre expérience dans la mise en valeur des TAAF définit un champ des possibles pour Clipperton : au fond, c’est une affaire de volonté que de définir déjà ce que nous souhaitons faire de ce bout de terre, au-delà de l’affichage d’une surface d’aire marine protégée destinée à conforter notre leadership dans le volontarisme environnemental.

L’île de Clipperton pourrait, à l’instar des TAAF, constituer un point d’appui beaucoup plus vaste dans la poursuite des objectifs mondiaux en termes de surveillance et d’étude du réchauffement climatique et de ses conséquences. La passivité, fondée sur le statu quo, ne peut plus durer dans un monde qui bouge plus que jamais autour de nous et face à la montée d’enjeux nouveaux décuplant la convoitise de ce territoire par les puissances environnantes.

Si le spectre des activités possibles recouvre les activités économiques – y compris halieutiques –, scientifiques et environnementales, il n’est pas mûr, à l’heure où nous examinons cette proposition de loi. Issue d’un travail remarquable mené par notre collègue Philippe Folliot, que je salue, cette proposition expose un dispositif institutionnel maximal, supposant que l’action à court terme à mener sur cette île serait déjà définie et actée.

Elle propose de l’ériger en une collectivité de l’article 74 de la Constitution, sur le modèle des TAAF, par modification de la loi du 6 août 1955 portant statut des terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton, dotant cette dernière de la personnalité morale et lui reconnaissant l’autonomie administrative et financière.

Elle créerait un administrateur supérieur pour gérer le territoire qui pourrait, par délégation de la ministre des outre-mer, dynamiser l’administration de cette île. Un conseil consultatif serait également créé pour assister l’administrateur supérieur.

Elle modifierait le régime législatif applicable en y instituant la spécialité législative, laquelle stipule que les textes n’y sont applicables que sur mention expresse, sauf pour ceux qui le seraient automatiquement en vertu de la présente proposition de loi. Elle instituerait enfin des mesures de coercition à l’égard de ceux qui enfreignent la souveraineté territoriale, notamment pour les mouillages non autorisés.

Ainsi conçue, cette proposition de loi suppose actées les ressources futures d’une telle collectivité : celles-ci proviendraient des droits de pêche qui seraient à renégocier avec le Mexique et à accorder de manière onéreuse dans le futur, ce qui n’est pas acquis à l’heure actuelle. Elle suppose également la création d’une station scientifique à caractère international, dont le financement proviendrait des ressources déjà citées, d’une part, et de contributions privées, d’autre part. Tout cela est prématuré, même si il y a là matière à réflexion pour le futur conseil consultatif, dont la composition et la mission devront être précisément ajustées au vu des attentes qui sont les nôtres.

En conséquence, si nous considérons qu’il convient d’améliorer la gestion de ce territoire, d’y affirmer notre souveraineté et de définir clairement les activités que nous souhaitons voir s’y développer, nous estimons néanmoins que la proposition de loi qui nous est soumise ici est trop ambitieuse au regard de la réalité de ce territoire, et définit un dispositif dont la lourdeur institutionnelle n’est pas, en l’état, justifiée par l’intérêt que nous poursuivons ensemble.

C’est pourquoi nous souhaitons ramener ce dispositif à une dimension appropriée : franchir dès maintenant cette étape nécessaire permettra, sur la base des progrès ainsi engrangés, de laisser les organes créés travailler et définir de manière collective, transparente et pérenne, les étapes futures du devenir de cette île, notamment en termes d’activités appelées à s’y développer. Il sera temps, le moment venu, d’apprécier si les dispositions institutionnelles arrêtées aujourd’hui sont les plus appropriées pour franchir d’éventuelles étapes ultérieures.

Dans l’immédiat, il nous apparaît pertinent de nous limiter à instituer un administrateur supérieur pour gérer cette île et de préciser les voies et moyens par lesquels il exercera ses missions – tel est l’objet de l’amendement no 10 , troisième rectification, à l’article 2 proposé par le Gouvernement – ; de lui adjoindre un conseil consultatif pour l’assister et le conseiller dans ses tâches, le cas échéant ; de mettre en place des dispositifs destinés à réglementer le mouillage, le débarquement, l’atterrissage, le séjour et toute activité sur l’île – à ce propos, je voudrais qu’il soit clair que cette réglementation concerne pleinement les eaux territoriales qui lui sont attachées – ; d’instituer des sanctions pour les contrevenants à ces règles et, naturellement, de s’organiser dans le futur pour faire respecter lesdites règles.

Cet amendement gouvernemental reprend donc l’essentiel des mesures à retenir, à nos yeux, à ce stade. Son adoption, sauf éventuelles modifications rédactionnelles ou de coordination, entraînerait le rejet de tous les autres amendements à cet article. Il exclut l’idée de créer une collectivité ad hoc et les dispositions s’y attachant, et maintient l’identité législative.

Par ailleurs, une disposition, somme toute symbolique, de cette proposition de loi, semble poser difficulté. Elle fait l’objet de son article 1er : il s’agit du nom de ce territoire – actuellement « Clipperton » –, nom repris à l’alinéa 3 de l’article 72 de la Constitution. Le texte propose de consacrer son nom initial, à savoir « La Passion », soit de manière alternative, soit de manière complémentaire – la ministre de l’environnement l’a d’ailleurs fait cette semaine dans son communiqué annonçant la création de l’aire marine protégée dans la ZEE de cette île.

Cette proposition ne me paraît pas soulever de difficultés majeures et, au regard des enjeux réels qui se jouent autour de ce territoire, il serait dommage que nous nous querellions à ce sujet. Adoptons donc cette appellation et laissons chacun libre de l’appeler comme il le souhaite – pour nous, francophones, l’appellation « île de La Passion » est tout à fait bienvenue. Le Conseil constitutionnel n’irait tout de même pas nous chercher querelle sur ce point !

Le groupe socialiste, écologiste et républicain souhaite donc, dans cet esprit, l’adoption de cette proposition de loi avec les modifications apportées par l’amendement gouvernemental à l’article 2 évoqué plus haut. Nous savons pertinemment qu’elle n’épuise pas les débats et que des sujets restent à préciser dans le proche avenir sur au moins deux points : l’aire marine protégée créée par la ministre de l’environnement sur l’île de La Passion, et la renégociation des accords de pêche avec le Mexique, qu’il est naturellement nécessaire d’engager.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes amenés cet après-midi à examiner la proposition de loi de notre collègue Philippe Folliot visant à donner un statut juridique à l’île de Clipperton. Je souhaite rendre hommage à Philippe car la proposition de loi qu’il soumet à notre examen est l’aboutissement d’une intense réflexion, d’un intérêt profond. Je ne peux passer sous silence le livre qu’il a coécrit : France sur mer : un empire oublié. Je n’oublie pas non plus que cette proposition de loi est profondément inspirée du rapport que Philippe a remis en février 2016 à la ministre des outre-mer.

Clipperton, les Terres australes et antarctiques françaises, ces miettes d’empire que beaucoup ne sauraient placer sur une carte du monde, notre collègue Philippe Folliot les connaît très bien pour y être allé. Il est le seul dans cet hémicycle à pouvoir témoigner de la réalité de l’île, pour s’y être rendu pendant cette législature. J’ai moi-même assisté à une réunion sur le sujet avec l’administration des Terres australes et antarctiques françaises, réunion qu’il a animée avec brio, faisant preuve de sa parfaite connaissance du sujet.

Qu’est-ce que Clipperton ? Ce sont 305 années de souveraineté française. L’île de La Passion est française et demeure à ce jour notre seule possession dans le Pacifique Nord. La souveraineté française y a été reconnue en 1931 par la Cour internationale de La Haye. Mais si la France a fait reconnaître ses droits à cette occasion, elle n’a que rarement montré de l’intérêt pour cette île et les eaux qui l’entourent.

L’île doit son nom au flibustier anglais John Clipperton, dont la légende dit qu’il y aurait laissé un trésor de guerre. Le vrai trésor de Clipperton est ailleurs : 435 000 kilomètres carrés de zone économique exclusive, soit un vingt-cinquième des eaux territoriales de notre pays. Admettez que pour un îlot de deux kilomètres carrés, ce n’est pas si mal !

Ce sont surtout 26 % de plus que la zone économique exclusive des trois façades maritimes de la métropole. Cet espace maritime présente un intérêt certain, tant il regorge de richesses potentielles. Ses ressources halieutiques sont importantes : Clipperton est au coeur d’une réserve de thonidés connue et exploitée. Comme le soulignait Philippe Folliot dans son rapport, si la France se lançait dans une politique volontariste d’octroi de droits de pêche, elle pourrait récolter 1 à 5 millions d’euros, dont Clipperton pourrait profiter. En la matière, il convient de s’inspirer de ce qui se fait autour des Kerguelen pour la pêche de la légine et de la langouste.

L’île de La Passion possède des ressources minières insoupçonnées : elle se situe à l’extrémité ouest d’un périmètre du Pacifique Nord particulièrement riche en nodules polymétalliques. Les estimations de l’Ifremer donnent le tournis quant aux réserves potentielles : 34 milliards de tonnes de nodules, dont 7,5 milliards de tonnes de manganèse et 340 millions de tonnes de nickel. Il est probable que les eaux territoriales de Clipperton regorgent d’une partie de ces richesses. À cet égard, l’arrêté pris par la ministre de l’environnement vient a priori geler toute perspective d’exploration et de connaissance du potentiel réel. Il serait intéressant d’entendre le Gouvernement sur ce sujet.

Sa situation géostratégique présente un intérêt grandissant : le Pacifique, bordé par l’Amérique, d’une part, et par l’Asie de l’Est d’autre part, jouera de toute évidence, dans le monde de demain, le premier rôle. Clipperton, en permettant à la France d’être géographiquement présente dans la zone, est et sera demain sa vigie.

Ces trois éléments constituent un potentiel considérable. L’Histoire dira si ce potentiel deviendra richesse ou restera en l’état. Dans cette attente, nous avons aujourd’hui à protéger ce lieu inconnu du peuple de France mais présentant pour notre nation un intérêt certain.

Quelle attention porte la France à ces richesses ? Aucune ! Non seulement nous n’entendons pas profiter de ce trésor, mais, pire encore, nous le laissons stagner dans ce bout du monde.

Car l’île de la Passion est polluée et pillée. Les courants marins y rejettent chaque année les déchets de l’activité humaine. C’est une très grande dépollution à laquelle nous devrions procéder pour redonner à l’île sa vraie splendeur. L’île de Clipperton a servi par le passé comme dépôt de divers encombrants, en particulier de munitions lors de la seconde guerre mondiale. Même si ces dernières ont été déminées, c’est toute une île qu’il faut nettoyer.

Par ailleurs, les ressources halieutiques de l’île de Clipperton sont pillées, notamment ses thons, péchés au mépris des règles que nous fixons. L’enjeu dépasse largement la seule lutte contre la pêche clandestine : c’est la loi française qu’il faut faire respecter dans les eaux de Clipperton, c’est notre souveraineté qu’il faut affirmer.

Nettoyer, dépolluer, assurer la souveraineté française à Clipperton sont les actions prioritaires à mener pour cette île. Ensuite viendra la valorisation des ressources, qui justifiera les efforts que nous aurons entrepris. Alors, pourquoi ne le faisons-nous pas ?

La vérité, mes chers collègues, c’est que Clipperton dérive aujourd’hui sans statut solide. Malgré les efforts et le soin avec lesquels la marine nationale et notre administration en Polynésie française y assurent une présence, à la mesure des moyens qui leur sont alloués, je me dis parfois que c’est Clipperton, non les Kerguelen, que nous aurions dû nommer l’île de la Désolation.

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En vérité, nous devrions rougir de notre indolence ! Quelle structure administrative donner à cette île, qui est aujourd’hui une simple propriété domaniale de l’État ?

Comme mon collègue Philippe Folliot, j’ai pu apprécier à sa juste valeur le travail fourni par l’administration des terres australes et antarctiques françaises.

Les TAAF sont un territoire d’outre-mer depuis 1995. Par extension, elles sont une petite préfecture qui remplit une grande mission, celle d’assurer la souveraineté de la France sur les cinq districts insulaires soumis à son autorité – îles Kerguelen, archipel de Crozet, îles d’Amsterdam et Saint-Paul, îles Éparses ainsi que la lointaine Terre Adélie.

C’est parce qu’elle est pertinente et efficace que l’organisation administrative des TAAF nous donne matière à réflexion : dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, elle dispose d’une liberté qui lui permet d’agir efficacement pour que ces territoires du bout du monde soient connus et valorisés scientifiquement. En cet instant, je tiens à saluer le travail assuré par la préfète administratrice supérieure des Terres Australes ainsi que par l’ensemble de ses équipes et de son administration !

En raison du succès du modèle des TAAF, j’ai personnellement soutenu l’idée de la création d’un sixième district et ce, malgré la distance entre La Réunion et Clipperton. Après tout, 7 600 kilomètres séparent Saint-Pierre de la base Dumont-d’Urville, en Terre Adélie : la distance géographique, à cette échelle, n’est pas un critère pertinent.

D’ailleurs, les rotations qu’organise l’administration des TAAF vers la Terre Adélie ne partent pas de La Réunion, mais de la péninsule de Hobart, en Tasmanie. Cette solution, justifiée par le savoir-faire des TAAF, aurait amené cette administration de mission à se concevoir comme le bras armé de l’État pour l’ensemble des territoires insulaires isolés dont notre pays a la souveraineté.

Si cette solution a eu ma préférence, par souci d’efficacité et parce qu’elle constitue un vrai progrès par rapport au statu quo et au vide actuel, je me rallie avec enthousiasme à la proposition de notre collègue Folliot. Sa proposition d’organisation offre l’avantage de la souplesse et de la simplicité : à Papeete, l’île sera adossée à l’administration existante, sans attribution de moyens supplémentaires ; à Paris, l’administration de l’île de la Passion bénéficierait de la représentation des TAAF. Nous pouvons donc faire le choix aujourd’hui d’une organisation efficace, souple et peu coûteuse. C’est le sens de la proposition de loi, qui crée une collectivité à statut particulier, ouvrant la possibilité d’adapter des éléments de droit français à la réalité locale.

Je me permets d’ailleurs de souligner le caractère innovant de cette proposition pour les collectivités : la tenue des réunions du conseil consultatif par visioconférence me semble relever du bon sens.

Enfin, Philippe Folliot suggère de modifier le nom de cette île. C’est sous le nom d’île de la Passion qu’elle fut découverte ; l’usage seul retint celui de Clipperton. Notre collègue suggère de la renommer Clipperton - île de la Passion. Je n’ai rien à redire à cette proposition de bon sens.

Ce changement de nom semble toutefois soulever des difficultés : Clipperton étant cité dans la Constitution, le nouveau nom devra être enregistré par les Nations unies.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre groupe votera cette proposition de loi qui représente indéniablement un progrès pour Clipperton - île de la Passion à laquelle elle donne une perspective d’avenir. Formons simplement le voeu qu’à l’occasion de cette proposition de loi, une vraie réflexion s’engage pour la restauration écologique de cette île, parallèlement à l’étude de son potentiel économique.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chère Barbara Pompili, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, cher Philippe Folliot, chers collègues, je suis très heureuse de me trouver à cette tribune aujourd’hui, pour discuter un texte, qui est assez étranger aux préoccupations que nous avons souvent dans cet hémicycle.

Je tiens à saluer la ténacité et le travail de notre collègue, Philippe Folliot, qui a su mettre à nouveau un coup de projecteur sur un territoire authentique et unique au monde, dans le prolongement du rapport qu’il m’avait remis en juin 2016. Il sait apparemment partager sa passion puisque tous, sur les bancs de cet hémicycle, voient maintenant l’intérêt que présente ce bout de territoire.

Je crois me souvenir que, lors de notre premier entretien au sujet de Clipperton, Philippe Folliot m’avait confié que son intérêt pour ce territoire très éloigné était venu d’un atlas qui lui avait été offert alors qu’il était enfant. J’encourage donc chacun à offrir des atlas, qui permettent aux enfants de rêver : ils contribueront à ce que notre planète soit parfaitement connue et exploitée.

Cela a été dit, Philippe Folliot est le premier parlementaire a s’être rendu sur l’île de Clipperton, à propos de laquelle il a fourni un rapport assez nuancé : l’île, que tout le monde pense paradisiaque, présente un lagon pollué et les rats y sont nombreux. Exploitée correctement, elle pourrait toutefois être magnifique et d’un grand intérêt pour notre pays. Clipperton pourrait notamment accueillir une station d’observation scientifique internationale et une base météorologique, pour des coûts d’investissement relativement modestes.

Le rapport que M. Folliot a remis sur Clipperton - île de la Passion contient des propositions concrètes, constructives et réalistes, qui ont permis au ministère des outre-mer, avec le ministère de la défense, de prendre immédiatement des mesures conservatoires, comme d’y envoyer des bâtiments de la marine nationale et de commencer le nettoyage de l’île. Ainsi, le bâtiment multi-missions – B2M – D’Entrecasteaux a effectué une mission à Clipperton pour étudier comment neutraliser les stocks de munitions américaines, qui datent de la seconde guerre mondiale, et entreprendre des actions de nettoyage. Quant au B2M Bougainville, il a été chargé des opérations de destruction des munitions, lesquelles ont achevé le travail de nettoyage. Nous avons donc immédiatement commencé à travailler selon les préconisations du rapport.

Le député Folliot, qui est tenace, propose maintenant une nouvelle étape visant notamment à mieux formaliser le statut de l’île de Clipperton. S’interroger sur ce sujet, c’est questionner la place de notre pays dans le monde, en général, et dans le Pacifique Nord, en particulier. Clipperton, petite île assez méconnue voire insignifiante pour certains, représente une partie de la souveraineté de la France : exploiter au mieux ses richesses est pertinent et utile pour notre pays.

Le premier enjeu attaché à cette proposition de loi a donc trait à la souveraineté nationale et au statut de l’île. Il suffirait de réaliser un petit sondage dans la rue pour constater que les Français ne savent pas que Clipperton appartient à la France. Notre pays a cependant un intérêt évident à disposer d’un point d’ancrage dans le Pacifique Nord. C’est pourquoi cette petite île fait l’objet de convoitises : après avoir été découverte en 1711 par deux commandants de frégates françaises, elle a été colonisée par les États-Unis, puis par le Mexique, jusqu’en 1917. Il a fallu l’arbitrage du roi Victor-Emmanuel III, en 1931, pour qu’elle soit définitivement attribuée à la France. Jusqu’à aujourd’hui, cette histoire nous conduit à faire des compromis avec le Mexique, afin que ce pays ne conteste pas notre souveraineté.

Clipperton n’est pas habitée. C’est la raison pour laquelle elle n’est ni un département, ni une région d’outre-mer, mais elle est administrée par le ministère des outre-mer. La présence française est assurée par le passage régulier d’une frégate venue de Polynésie française, et par des débarquements occasionnels. Les terres françaises les plus proches sont les îles Marquises, à 4 000 kilomètres. Quant à Tahiti, qui peut surveiller l’île, elle se trouve à plus de 5 000 kilomètres. Le haut-commissaire de la Polynésie française exerce par délégation l’administration de cet îlot.

Tous les orateurs ont rappelé aujourd’hui la situation des TAAF, lesquelles comptent de nombreux territoires non habités. Sur les îles Juan de Nova ou Tromelin, où nous nous sommes rendus, la présence française est assurée par de petits détachements de l’armée, qui se relaient régulièrement, afin de ne pas trop souffrir de l’éloignement. Cette solution est donc possible.

On peut se féliciter des avancées statutaires de cette proposition de loi visant à doter Clipperton d’une organisation administrative appropriée. Nommer un administrateur supérieur, assisté dans sa mission par un conseil consultatif, comme c’est le cas pour les TAAF, est de nature à permettre à l’île de progresser. En donnant un statut clair à Clipperton, la France s’honorera de réaffirmer haut et fort sa présence, et de balayer ainsi le sentiment d’abandon de ce territoire que les pays voisins peuvent exprimer ou ressentir.

Si Clipperton n’est pas dotée d’une organisation suffisante, elle présente toutefois un réel intérêt pour les scientifiques. J’avais été étonnée, en organisant une réunion sur le sujet, de me trouver face à une salle Colbert pleine de personnalités, toutes spécialistes de Clipperton. Elles avaient rappelé les expéditions menées sur ce territoire afin de l’étudier et d’observer certains phénomènes climatiques et scientifiques – mission de Jean-Louis Étienne en 2005, de scientifiques américains en 2013 et, plus récemment, expédition dirigée par le géographe Christian Jost.

La création d’un conseil consultatif permettra de mieux encadrer ces études, qui pourront être utiles à l’analyse non seulement de Clipperton et du Pacifique, mais aussi d’autres phénomènes qui deviennent préoccupants, telle que la montée des eaux, sujets qui ont été abordés lors de la COP21.

À un moment où l’Atlantique comme la Méditerranée souffrent de surpêche, je voudrais rappeler que Clipperton est entourée d’une zone économique exclusive, de l’ordre de 430 000 kilomètres carré. Ceux utilisent cette zone sous-exploitée ne versent que peu de royalties à notre pays : une base sur Clipperton permettrait de mieux rentabiliser la richesse de l’espace maritime associé à l’île. Aujourd’hui, faute de présence suffisante, nous ne pouvons pas lutter contre la forte pêche illégale, qui est connue.

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Nous pouvons dès à présent instaurer certaines sanctions pour prévenir les activités non autorisées. Il est positif que la proposition de loi le prévoie.

En appelant l’attention sur Clipperton, nous pourrons à la fois garantir la souveraineté française et nos intérêts. Si de plus en plus de Français, tels le député Folliot, se passionnent pour Clipperton, c’est aussi une manière pour nous de rappeler que la dimension mondiale de la France du grand large permet d’asseoir l’autorité de notre pays. Il nous appartient d’y veiller.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur – cher Philippe –, mes chers collègues, mes propos recouperont en partie ceux qui viennent d’être tenus, tout en exprimant la même sympathie pour notre collègue Philippe Folliot – qui, entre nous, m’a fait découvrir des choses que je ne connaissais pas !

Sourires.

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La France est riche de nombreux territoires ultramarins, situés aux quatre coins du monde, qui participent grandement de la diversité de notre nation, de notre culture, et qui sont le reflet de notre histoire. Notre cher collègue Philippe Folliot s’est penché sur l’histoire d’une toute petite île, oubliée de tous et perdue au beau milieu du Pacifique Nord, découverte au début du dix-huitième siècle par un navigateur français, revendiquée au milieu du dix-neuvième siècle par Napoléon III, occupée par les Mexicains au début du vingtième siècle, puis définitivement revenue sous souveraineté française à la suite d’un arbitrage international au début des années 1930.

Profondément isolée, l’île de Clipperton est située à 1 100 kilomètres à l’ouest de côtes mexicaines ; la première île la plus proche se situe, sauf erreur, à 1 000 kilomètres et les terres françaises s’en rapprochant le plus sont les îles Marquises, à 4 000 kilomètres – je m’y rendrai prochainement.

Si cette île inhabitée apparaît dérisoire par sa superficie – 2 kilomètres carrés de terres émergées ! –, elle représente cependant un territoire bien plus important si l’on considère qu’elle procure une souveraineté sur une zone maritime de près de 434 000 kilomètres carrés, soit plus que la zone économique exclusive de la France métropolitaine, qui est de 349 000 kilomètres carrés. Je partage donc totalement l’avis de notre collègue Folliot lorsqu’il dit que l’île de Clipperton représente un intérêt géostratégique évident pour la France.

Je tiens en outre à souligner l’intérêt scientifique de l’île. Sur cette planète Terre où l’on trouve de moins en moins de territoires vierges de toute occupation ou modification humaine, l’île de Clipperton peut être un emplacement fixe de très haute qualité pour les relevés et mesures océanographiques, atmosphériques et biologiques.

Il s’agit de surcroît de l’une des zones les plus riches au monde en thonidés et en nodules polymétalliques – sources potentielles de ressources minérales stratégiques, telles que le cuivre ou le nickel –, ce qui en fait un territoire très convoité par le Mexique, les Mexicains se disant favorables à une restitution de l’île au Mexique, malgré l’arbitrage international de 1931. Si la souveraineté française n’est pas, pour le moment, directement remise en cause par le gouvernement mexicain, il pourrait en aller différemment si le pays connaissait des évolutions politiques.

Face à cette menace potentielle, ou face à des situations inhabituelles comme la présence d’étrangers ou la commission d’une infraction grave sur l’île, nous ne sommes pas suffisamment armés juridiquement. Bien que l’île figure dans la Constitution française à l’article 72, alinéa 3, il existe autour de son administration et des règles qui la régissent un flou juridique, qui ne peut perdurer.

Notre ami Philippe Folliot a largement étudié la question, s’emparant du sujet avec la ferveur que nous lui connaissons. Il a formulé plusieurs propositions concrètes au Premier ministre à travers un rapport très documenté. Certaines de ces préconisations ont d’ores et déjà été mises en oeuvre, comme la destruction du stock de munitions laissées par les Américains en 1944. D’autres doivent l’être dès que possible – c’est l’objet même de cette proposition de loi.

Il s’agit d’abord de créer un statut ad hoc pour l’île, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les terres australes et antarctiques françaises, les TAAF.

Il s’agit ensuite de créer un conseil consultatif, composé de neuf personnalités connaissant bien l’île, et qui pourra se réunir par téléconférence entre la Polynésie et la Métropole.

Cette évolution, en plus de sécuriser juridiquement l’île, ne coûtera rien à l’État puisque la représentation de la nouvelle collectivité sera assurée par le bureau des TAAF à Paris.

Enfin, il s’agit de faire évoluer le nom de l’île, pour lui accoler « La Passion », nom qui lui avait été initialement donné par le navigateur Michel Dubocage et qui illustre bien le combat que mène notre rapporteur pour cette petite parcelle de France au bout du monde.

Je le remercie vivement d’avoir sorti l’île de La Passion-Clipperton de l’abandon dans lequel l’État l’a trop longtemps laissée. Le groupe Les Républicains votera avec enthousiasme cette proposition de loi, qui sera probablement adoptée de manière consensuelle.

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La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

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Tout d’abord, je voudrais remercier l’ensemble des orateurs pour les propos qu’ils ont tenus, notamment sur la passion qui m’anime – mais qui n’est pas, je le précise, une passion personnelle : j’ai d’ailleurs pu constater, au travers des propos des uns et des autres, qu’elle était partagée !

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Je voudrais aussi indiquer, madame la secrétaire d’État, qu’aucun gouvernement ne s’était occupé du devenir de cette île comme le gouvernement actuel s’en occupe – il est vrai que nous avons été quelques-uns à y contribuer, ne serait-ce que par nos déplacements et nos prises de position. Mais un certain nombre de choses ont été faites, et cela mérite d’être souligné. À l’occasion d’une audition par la commission de la défense, il y a quelques années, le chef d’état-major de la marine de l’époque nous avait expliqué que, même si le contrat d’objectifs prévoyait une visite par an sur l’île, vu les moyens qui lui étaient octroyés, la marine ne ferait qu’une visite tous les trois ans. On ne peut pas prétendre assurer de manière efficace et pérenne la souveraineté sur un territoire en ne faisant qu’une visite tous les trois ans ! J’ai toutefois en mémoire l’émouvante cérémonie à laquelle j’avais assisté quand je m’étais rendu sur place ; nous avions hissé les couleurs, chanté La Marseillaise, ce fut un moment émotionnellement fort et intense.

Vous avez bien fait, madame la secrétaire d’État, de rappeler l’importance de la mission accomplie par mon compatriote tarnais Jean-Louis Étienne en 2005. La couverture médiatique dont a bénéficié cette mission a permis une meilleure connaissance de l’île, la vulgarisation des enjeux et des informations.

Vous avez insisté sur les questions scientifiques. L’étude de la connectivité entre milieu terrestre et milieu marin soulève en effet des enjeux tout à fait intéressants, de même que l’étude de la lutte entre les espèces, puisqu’il y eut successivement sur l’île la civilisation du cochon, puis, quand les cochons eurent été tués, celle du crabe et, maintenant, celle du rat, qui est en train de prendre le dessus sur le crabe.

Vous avez fait plusieurs observations relatives au changement de nom. En réalité, il s’agit, non pas de changer le nom de l’île, mais d’accoler « La Passion » à « Clipperton ». Nous sommes tous ici conscients que nous ne pouvons pas prendre une décision qui entraînerait une modification constitutionnelle : on ne va pas réunir le Parlement à Versailles simplement pour changer le nom de l’île de Clipperton ! Cela étant, pour la petite histoire, Clipperton était un flibustier anglais aux moeurs à bien des égards violentes. Imagine-t-on les Britanniques donner le nom d’un pirate français à une de leurs îles ?

Il est essentiel d’avoir à l’esprit les enjeux scientifiques internationaux du statut de l’île. Les nombreuses personnes présentes au colloque organisé à l’Assemblée le 15 octobre 2015 et, au-delà, tous les scientifiques que j’ai rencontrés à l’occasion de la préparation de mon rapport l’ont souligné : il s’agit d’un enjeu scientifique majeur. À un moment où un autre, il faudra que nous y répondions.

Quel contraste saisissant avec la politique de la Chine dans les îles Spratley et, plus particulièrement, sur l’îlot de Fiery Cross ! Cet îlot, qui était totalement inhabité, a été bétonné et aménagé ; les Chinois y ont développé une stratégie de long terme, visant à le transformer en île, ce qui n’est pas anodin par rapport à l’application de la convention de Montego Bay, puisque la différence fondamentale entre un îlot et île, c’est qu’un îlot n’engendre pas de zone économique exclusive, contrairement à une île. On voit aujourd’hui la Chine, presque fière et sûre d’elle-même, transformer des îlots en îles, en vue d’accroître sa zone économique exclusive et son domaine maritime, alors que nous, nous prenons le risque, à terme – parce que, même si la souveraineté française sur les deux kilomètres carrés de terres immergées n’est pas actuellement remise en cause…

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Il s’agit d’un point très important, monsieur le président !

À terme, donc, si nous ne remédions pas à tout cela, le risque est une déclassification de l’île de Clipperton en îlot, avec les conséquences que cela aurait, notamment la perte de la zone économique exclusive.

Je veux remercier rapidement tous les orateurs : Philippe Vigier, qui a insisté sur l’intérêt scientifique de l’île ; Olivier Falorni, pour sa mise en perspective de l’intérêt stratégique ; Ibrahim Aboubacar pour ses remerciements – même si je regrette qu’il nous demande d’attendre : il n’est jamais trop tôt pour bien faire, cher collègue ! Laurent Furst a parlé avec passion, lui aussi, des Terres australes et antarctiques françaises – il assume avec brio la présidence du groupe d’études « Arctique, antarctique et terres australes et antarctiques françaises » – et a fait un parallèle tout à fait intéressant entre ce qui a été fait pour la légine aux Kerguelen et ce qui pourrait être fait pour le thon et surtout pour l’espadon à La Passion-Clipperton. Merci aussi à Mme George Pau-Langevin pour ses propos…

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Monsieur le rapporteur, maintenant il faut conclure !

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Je conclus, monsieur le président !

…et, surtout, pour les échanges particulièrement constructifs que nous avons eus et qui m’ont permis de rédiger mon rapport – ainsi que pour ce petit clin d’oeil à l’atlas.

Enfin, merci à Pierre Morel-à-L’Huissier pour ses propos relatifs à l’intérêt stratégique de l’île et à cette passion que nous avons désormais tous en commun.

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J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

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Monsieur Lassalle, vous êtes-vous réellement inscrit sur l’article 1er ?

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Il est vrai que nous sommes élus de circonscriptions voisines et je comprends fort bien que vous vouliez intervenir sur le statut de l’île de Clipperton, mais j’imagine que vous avez aussi en tête les horaires d’avion pour rejoindre nos territoires…

Sourires.

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Merci, monsieur le président.

J’aime beaucoup le président, j’aime la secrétaire d’État et le rapporteur aussi – pour des raisons différentes –, et je suis heureux qu’ils soient arrivés, grâce au travail exceptionnel réalisé par mon vieil ami Philippe Folliot, qui vient du Tarn, de la montagne, à faire en sorte que l’on s’occupe enfin du statut de Clipperton et qu’un administrateur civil de plein exercice veille, au nom de la France, sur le destin de l’île.

Je profite de l’occasion et de la compréhension des représentants de la République ici présents – et tout particulièrement de la vôtre, monsieur le président –, pour dire que je regrette que nous n’ayons pas, tous gouvernements confondus, une politique plus volontariste en faveur des territoires ultramarins. Ces derniers sont en effet confrontés, de façon générale, à d’énormes difficultés, lesquelles sont amplifiées – comme j’ai pu m’en rendre compte à chaque fois que j’ai eu l’honneur de me rendre dans l’un d’entre eux – par l’éloignement, l’isolement et des problèmes insurmontables, que nous ne connaissons pas ici. Ces territoires permettent pourtant à la France d’être présente sur une très grande partie des mers et océans du monde, et de tutoyer l’Amérique, la Chine et le Japon.

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Nous allons établir, M. Lassalle et moi, une liste de personnes qui pourraient être nommées administrateur civil à Clipperton. Je pense qu’elle sera longue !

Sourires.

L’article 1erest adopté.

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La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement no 1 .

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Cet amendement, nécessaire, assure la coordination avec le nouvel article 16 du titre II de la loi de 1955 – si l’amendement du Gouvernement à l’article 2 est adopté – ou avec son article 20, dans la proposition de loi initiale. Il s’agit d’éviter le double renvoi à des décrets pour l’application du texte. Cet amendement a été accepté par la commission.

L’amendement no 1 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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Nous en venons à l’article 2, sur lequel je suis saisi de plusieurs amendements.

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Pardonnez-moi, monsieur Lassalle, vous avez la parole.

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Merci infiniment, monsieur le président. Je vous souhaite de présider longtemps cette noble assemblée – pour de bon, cette fois.

Je remercie encore M. Folliot et M. Bourvil…

Sourires.

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Vous me pardonnerez d’appeler notre président de la commission des lois par le nom de son père : j’ai tellement aimé cet homme exceptionnel.

Pour aller un peu plus loin, notre grand et si beau pays gagnerait à porter une attention plus clairvoyante à ses formidables territoires, qui nous renouvellent leur confiance depuis tant d’années. Bien qu’ils fassent partie de la grande France, nous nous en occupons si peu…

La politique d’aménagement du territoire a été abandonnée dans les territoires métropolitains, et plus encore dans les territoires ultramarins, pour lesquels la situation est d’autant plus difficile. « Loin des yeux, loin du coeur », dit-on : c’est un peu le sentiment, mêlé d’amertume, qu’ils éprouvent, je l’ai vérifié lors de mes quelques visites.

Au-delà de ce qu’ils représentent pour la France tout entière et pour eux-mêmes, ces territoires sont pourtant une formidable chance. La France, disais-je, est présente sur presque toutes les mers et tous les océans du monde ; elle possède le deuxième territoire maritime du monde. C’est là un atout considérable pour les grands projets qu’elle aura à développer, notamment la transition énergétique.

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Nous en venons aux amendements à l’article.

Je suis saisi d’un amendement no 10 , troisième rectification, qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 12 et 13 .

La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité

L’article 2 tend à créer une nouvelle collectivité sui generis et de lui appliquer un régime de spécialité législative.

Je partage bien entendu l’objectif du rapporteur de consacrer un statut pour l’île de Clipperton et de donner les moyens à l’État d’y exercer pleinement sa souveraineté. Mais nous avons le devoir de la simplicité, s’agissant en particulier de l’administration, de façon à la rendre plus efficace encore, à tous points de vue.

Dans ces conditions, si nous partageons sans réserve la finalité de la disposition proposée, nous pensons que les moyens envisagés ne sont pas forcément les plus appropriés. Aussi ne nous semble-t-il pas souhaitable de créer une nouvelle collectivité à Clipperton, car cela induirait des lourdeurs administratives et, surtout, des surcoûts.

Suivant la même logique, le passage du régime d’identité législative au régime de spécialité législative pourrait être à l’origine d’une complexification de l’action publique : pour chaque texte, cette modification induirait de devoir s’interroger sur son applicabilité ou non à Clipperton. J’en ai personnellement fait l’expérience lors de l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité, où des omissions concernant Wallis-et-Futuna, par exemple, ont été évitées de justesse. Compte tenu des enjeux, il nous paraît donc plus simple d’en rester au droit existant, aux termes duquel les textes adoptés sur le territoire de la République sont applicables de plein droit à Clipperton, sauf mention contraire expresse.

Cela dit, monsieur le rapporteur, l’objectif que vous poursuivez me semble pouvoir être atteint d’une autre manière. C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter l’amendement du Gouvernement tendant à faire préciser, par la loi, et plus que ne le font les dispositions actuellement en vigueur, les éléments essentiels qui contribueront à la dynamisation de la gestion de l’île de Clipperton.

Ainsi, il est proposé d’instituer un administrateur supérieur, assisté par un conseil consultatif. Cet administrateur aura principalement pour mission de veiller à la préservation des différents milieux physiques et au respect des équilibres écologique et du patrimoine culturel.

L’article 2 institue par ailleurs, à son alinéa 38, un régime d’autorisation pour certaines activités, telles que le mouillage, le débarquement, l’atterrissage ou le séjour sur l’île. Ces activités sont déjà interdites depuis 2011 sur la partie terrestre sur l’île, et depuis le 15 novembre 2016 dans les eaux territoriales.

Vous le savez, Mme la ministre de la mer, Ségolène Royal, a annoncé la création d’une aire marine protégée dans les eaux territoriales de l’île de Clipperton lors de la conférence « Our ocean », qui s’est tenue à Washington le 15 septembre dernier.

L’océan, je veux le rappeler, a été le grand absent des négociations internationales sur le climat,…

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité

…alors qu’il est le berceau de la vie sur terre, lui qui a abrité les premiers signes de vie il y a 3,8 milliards d’années, soit bien avant que celle-ci n’apparaisse sur terre.

En ce domaine, la France a une responsabilité particulière. Grâce à ses outre-mer, elle est présente dans toutes les parties de l’océan, avec l’un des domaines maritimes les plus étendus du monde, 11 millions de kilomètres carrés. J’ai donc veillé à ce que la dimension maritime soit pleinement intégrée aux deux piliers législatifs que sont la loi sur la transition énergétique et la loi sur la biodiversité.

L’île de Clipperton est le seul atoll corallien de l’Océan pacifique tropical oriental. Son récif corallien, dont on n’a pas parlé, est le plus grand de la région, avec une superficie de 3,7 kilomètres carrés. Pour protéger cet écosystème unique au monde, dont la France est responsable, Mme la ministre de la mer a créé une aire de protection du biotope de vingt-sept espèces menacées de disparition – tortues marines, requins, coraux, raies et poissons de récifs.

Vous le savez, l’atoll de Clipperton joue un rôle clef dans le fonctionnement des écosystèmes marins de cette région du globe, pour les oiseaux, les tortues, les cétacés, les requins et les ressources halieutiques. La création de cette aire marine protégée sera l’occasion, pour la France, de rejoindre le Corridor maritime du Pacifique tropical est, aux côtés des autres pays déjà engagés, à savoir l’Équateur, la Colombie, le Panama et le Costa Rica. Cela permettra de renforcer les coopérations scientifiques internationales dans cette région du monde, pour mieux connaître le fonctionnement des écosystèmes et pour renforcer le dispositif de surveillance et de recherche relatif aux effets du changement climatique sur la biodiversité.

Ainsi, la partie terrestre et la partie maritime de l’île sont déjà strictement protégées, et la mesure proposée par M. le rapporteur permet de protéger les eaux intérieures. C’est un progrès qu’il faut préserver. En revanche, il ne faut pas atténuer les interdictions existantes en créant un régime légal d’autorisation.

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Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 12 et 13 , à l’amendement no 10 , troisième rectification, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Philippe Folliot, rapporteur, pour les soutenir ainsi que pour donner l’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement.

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Ces deux sous-amendements sont de cohérence avec l’article 1er de la proposition de loi. Cette solution ne soulève aucune difficulté constitutionnelle dans la mesure où il s’agit seulement de la possibilité d’adjoindre au nom officiel de Clipperton celui de « La Passion ».

Les raisons qui ont conduit à donner à cette île le nom d’un flibustier anglais ayant croisé au large de l’île en 1704 demeurent en effet floues et incertaines. Le nom de La Passion est plus exact car il se réfère au jour de la découverte de l’île le vendredi saint 3 avril 1711 par les navigateurs Michel Dubocage et Mathieu-Martin de Chassiron, qui est un fait historique avéré.

Cet atoll est par ailleurs également connu au Mexique sous ce même nom. La commission a accepté le sous-amendement no 12 . Si elle n’a pas pu examiner le sous-amendement no 13 , l’ayant moi-même déposé, je ne puis qu’y être favorable, à titre personnel.

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Quel est l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements du rapporteur, nos 12 et 13 ?

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Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité

Pour les raisons que j’ai exprimées tout à l’heure et qui tiennent à l’article 72, alinéa 3, de la Constitution, qui ne mentionne que le nom de Clipperton, je m’en remets, s’agissant de ces deux sous-amendement, à la sagesse de l’assemblée.

Toutefois, vous venez d’adopter l’article 1er de la proposition de loi, qui introduit cette appellation de « La Passion ». Dès lors qu’elle est simplement accolée au nom de Clipperton, cette proposition me paraît certes présenter un risque, mais un risque mesuré.

J’observe cependant, monsieur le rapporteur, que votre sous-amendement no 12 propose uniquement l’appellation « La Passion », et non celle de : « La Passion-Clipperton. », ce qui me semble plus dangereux.

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Je ne ferai qu’une brève intervention sur l’ensemble des sujets, afin de ne pas rallonger nos débats. Tout d’abord, s’agissant de l’aire de protection, mon sentiment est que nous sommes clairement dans l’effet d’annonce : dès lors qu’aucun moyen n’est engagé, il s’agit tout bonnement de com’ !

J’ai posé tout à l’heure la question des effets réels de cette aire : son existence limite-t-elle la possibilité d’effectuer dans son périmètre des recherches sur les nodules polymétalliques ? Il ne serait pas inintéressant que l’on apporte une vraie réponse à cette vraie question.

Madame la secrétaire d’État, vous avez fait montre d’une réelle opposition à la création d’une collectivité. Je vous dis simplement que, s’agissant des Terres australes et antarctiques françaises, une administration de mission qui prenne en compte l’ensemble des préoccupations des parties prenantes est préférable à une multitude d’intervenants agissant en fonction des thématiques, car elle permet de gagner en efficacité, de manière extraordinaire.

C’est la raison pour laquelle nous restons favorables à la proposition telle que l’a rédigée notre collègue qui en est à l’origine.

S’agissant du nom, garder celui de l’île et y adjoindre celui de « La Passion » pour nommer la collectivité est une solution élégante et extrêmement simple, qui a le mérite de répondre à l’ensemble des préoccupations exprimées.

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J’invite simplement notre collègue Philippe Folliot à modifier son sous-amendement no 12 pour l’aligner, par cohérence, sur la rédaction du sous-amendement no 13 .

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C’est ce que j’allais proposer, afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté. On substituerait donc aux mots : « par l’appellation La Passion » les mots : « par l’appellation La Passion-Clipperton ».

Cette rectification du sous-amendement no 12 ne soulève pas de difficulté et est cohérente avec la rédaction du sous-amendement no 13 .

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Quel est l’avis du Gouvernement sur cette rectification du sous-amendement no 12  ?

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Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité

Je m’en réjouis mais persiste à m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

Monsieur Furst, je voulais par ailleurs vous répondre à propos des recherches. Un arrêté de biotope n’interdit pas les recherches : il impose seulement qu’elles fassent l’objet d’une demande d’autorisation afin qu’elles s’effectueront avec toutes les garanties nécessaires à la protection de la biodiversité.

Le sous-amendement no 12 , tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.

Le sous-amendement no 13 est adopté.

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Je mets maintenant aux voix l’amendement du Gouvernement…

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Je vous ai déjà donné la parole pour exprimer votre avis ! Soyez bref, je vous prie.

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L’amendement qui va être mis aux voix, est essentiel pour la portée de la proposition de loi puisqu’il la vide d’une partie de sa substance et en modifie l’architecture. Il est donc par conséquent important je puisse, en tant que rapporteur, dire ce que j’en pense.

Tout d’abord, madame la secrétaire d’État, le statu quo juridique ne me paraît pas une bonne chose : j’ai eu l’occasion d’y réfléchir dans le cadre de mon rapport. En tout état de cause, des débats ont pu naître : notre collègue Laurent Furst a, par exemple, fait état de sa préférence personnelle pour la création d’un sixième district des TAAF.

Pour un certain nombre de raisons, je n’ai pas choisi d’aller vers cette solution car les logiques à l’oeuvre dans l’Océan indien austral ne sont les mêmes que celles à l’oeuvre dans le Pacifique. Il me paraissait donc essentiel de trouver une solution qui soit efficace sur le plan juridique, dont le coût soit – je l’ai expliqué tout à l’heure – nul, et qui soit calée sur l’existant.

En fait, dans le cadre de cette proposition de loi, nous sommes repartis du dispositif existant dans les TAAF pour l’adapter à l’île de La Passion-Clipperton, puisque tel est dorénavant son nom.

Un certain nombre de points, de principes et d’éléments expliquent que la situation actuelle ne peut pas perdurer. Un exemple : si une loi devrait pouvoir s’appliquer dans cette partie du territoire de la République, c’est bien la loi littoral qui répartit un certain nombre de compétences entre l’État et les collectivités, et notamment les communes.

Or il n’existe pas de commune sur l’île de La Passion-Clipperton. Comment donc y appliquer cette loi ?

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La notion de spécificité législative se justifie donc tout à fait en l’espèce, compte tenu du cadre juridique actuel, totalement inadapté. Autre point : lorsque des personnes débarquent illégalement sur l’île, et que leur présence est due à celle du Prairial, que fait-on sur un plan juridique ?

Aujourd’hui, cette île étant placée sous l’autorité directe du Gouvernement, et plus précisément du Premier ministre, faut-il donc, dans ce cas, amener les personnes concernées jusqu’au commissariat de police du du VIIe arrondissement ou jusqu’au au centre de rétention administrative de Paris pour qu’elles soient ensuite éventuellement expulsées vers leur pays d’origine ? Je pose la question car ce problème ne peut aujourd’hui trouver de solution dans le cadre juridique actuel.

En outre, et il s’agit d’une des préconisations de mon rapport, il me paraît nécessaire que chaque expédition scientifique étrangère sur place puisse comprendre un Français, comme cela a déjà été le cas.

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C’est moi qui préside cette séance et pas vous ! Je vous ai précédemment donné la parole à la fois pour pour présenter les deux sous-amendements et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement, ce que vous êtes en train de faire de nouveau !

Par ailleurs, je vous rappelle, comme à tous nos collègues qui siègent aujourd’hui sur les bancs de l’opposition, que vous avez voté un règlement qui prévoit que le temps de parole du rapporteur est limité à deux minutes par amendement.

En ce qui me concerne, je n’ai pas voté ce règlement. Vous, vous l’avez voté et je vous demande par conséquent de conclure en trente secondes, avant que nous passions au vote.

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Je rappelle qu’un accident a entraîné la mort d’un plongeur de nationalité allemande qui pratiquait la pêche sous-marine près de l’île de La Passion-Clipperton. Que se serait-il passé s’il avait été qualifié d’homicide ? Qui aurait été chargé d’enquêter sur de tels faits, le commissariat de police du du VIIe arrondissement ? Tous ces éléments rendent absolument nécessaire un statut idoine.

Dire que le droit métropolitain doit s’appliquer dans cette île, autant que dans les Îles Éparses et dans les TAAF, est totalement inadapté.

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En ce qui concerne les TAAF, nous avons opté, pour cette raison, pour un statut de collectivité ad hoc. C’est ce que propose cet article et à quoi cet amendement du Gouvernement tend à renoncer.

L’amendement no 10 , troisième rectification, sous-amendé, est adopté, l’article 2 est ainsi rédigé et les amendements nos 2 , 3 , 4 , 5 , 6 , 7 , 8 et 9 tombent.

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Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

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Prochaine séance, lundi 28 novembre 2016, à seize heures :

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly