Commission des affaires européennes

Réunion du 1er décembre 2016 à 11h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Jeudi 1er décembre 2016

Présidence de M. Jérôme Lambert, vice-président,

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La séance est ouverte à 11 h 05

Audition, conjointe avec la commission des Finances et la commission des Affaires économiques, de Mme Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence

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Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir, ce matin, dans le cadre d'une réunion commune avec la commission des affaires européennes et la commission des finances, Mme Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, que nous remercions d'avoir accepté notre invitation.

Margrethe Vestager, nous connaissons, et je les salue, votre détermination et votre courage politique, que vous mettez au service de la défense des consommateurs européens. Comme vous, je crois très important d'envoyer un message d'équité et de justice dans le contexte agité qui est actuellement celui de nos démocraties, car le danger est immense face aux extrémismes et aux populismes. L'Europe doit protéger nos concitoyens, nos salariés, nos économies ; elle ne peut avoir pour seule grille de lecture le marché intérieur et la libre concurrence. À cet égard, nous partageons les mêmes préoccupations. Vous l'avez démontré dans le cadre des procédures engagées contre de grands groupes tels que Gazprom, Apple ou Google. Pouvez-vous nous indiquer où en est la procédure visant ce dernier groupe ? Que pensez-vous des réponses qu'il a faites aux trois communications des griefs de la Commission ?

Par ailleurs, la question des concessions hydroélectriques nous tient particulièrement à coeur puisque les questions énergétiques relèvent de la compétence de notre commission. Ma collègue Marie-Noëlle Battistel et moi-même nous sommes rendues à Bruxelles, où nous avons rencontré le directeur général à la concurrence, pour évoquer ce lourd sujet, dont j'ai eu l'occasion de rappeler les enjeux économiques et sociaux pour la population française. Acteurs essentiels d'un secteur stratégique pour l'Europe, les concessions hydroélectriques jouent également un rôle majeur dans l'aménagement de nos territoires et la gestion de l'eau. Aussi la commission des affaires économiques a-t-elle adopté, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, des dispositifs de nature à rendre nos préoccupations compatibles avec les exigences européennes. Les derniers décrets d'application de la loi ont été publiés au mois d'avril, et nous nous employons à les mettre en oeuvre. Je vous sais sensible à cette réalité sociale, comme vous l'avez indiqué à l'intersyndicale, que vous avez reçue le 7 novembre dernier. Je souhaiterais donc connaître votre sentiment sur cette question.

J'en viens à un autre sujet sensible : le cadre tarifaire français applicable aux énergies renouvelables, qui vous a été soumis. Pouvez-vous nous indiquer si la décision de la Commission sera favorable et selon quel calendrier la réponse nous sera fournie ?

Enfin, nous nous félicitons du feu vert que la Commission a donné à la France concernant le plan France Très Haut Débit. Le déploiement du très haut débit est en effet une priorité pour nous, puisque 15 % des Français n'ont pas encore accès à internet, notamment en milieu rural et dans les territoires de montagne. Or, l'accès à internet est un véritable facteur d'intégration sociale et économique.

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Madame Vestager, la commission des finances reçoit régulièrement votre collègue Pierre Moscovici – non pas parce qu'il fut longtemps membre de cette commission, mais parce que celle-ci connaît des questions relevant de sa compétence – et elle a reçu également le vice-président Maroš Šefčovič, mais c'est la première fois que nous accueillons la commissaire à la concurrence. Nous sommes donc très heureux que vous ayez répondu à notre invitation, dont l'initiative revient à notre rapporteure générale, Valérie Rabault.

Nous souhaitions en effet évoquer avec vous nos préoccupations budgétaires et fiscales car, si votre décision d'enjoindre à la société Apple de verser 13 milliards d'euros au budget de l'Irlande est fondée sur la réglementation relative aux aides d'État, elle a des implications fiscales et budgétaires très importantes. Cette approche sera, selon nous, très fructueuse et permettra d'accélérer un dossier qui nous préoccupe beaucoup, celui de l'harmonisation fiscale.

Pouvez-vous nous indiquer où en est la procédure dont fait l'objet la société Apple puisque, je le rappelle, le parlement irlandais a soutenu la volonté du gouvernement de former un recours contre la décision de la Commission ? Par ailleurs, comptez-vous engager des procédures comparables dans les prochains mois ? Enfin, la condamnation d'Apple, si elle devient définitive, n'aura-t-elle pas une incidence positive sur les budgets des États membres ?

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Je vous demande de bien vouloir excuser notre présidente, Mme Danielle Auroi, qui ne peut être présente parmi nous et qui m'a demandé de la suppléer.

Madame la commissaire, vous avez à coeur de moderniser la politique en faveur de la concurrence au sein du marché unique, afin que chacun puisse mieux se l'approprier. Vous vous êtes donc inscrite dans le prolongement de l'initiative, prise en 2012, de moderniser la politique applicable en matière d'aides d'État en publiant des orientations destinées à clarifier le statut de ces aides et à faciliter ainsi l'investissement public. Cette action de simplification accompagne, du reste, le plan d'investissements pour l'Europe.

Vous vous êtes signalée par votre action énergique à l'encontre d'opérateurs économiques majeurs, et votre courage, dans ce domaine, a été très largement salué. À ce propos, pouvez-vous nous dire où en est le dialogue avec Apple et Google ? Ne craignez-vous pas les accusations d'impérialisme juridique, voire les mesures de rétorsion, des autorités américaines ? Sachez, en tout cas, que nous vous soutenons dans toutes les démarches que vous entreprenez dans ce domaine.

Nous comprenons bien qu'une concurrence aussi loyale que possible est nécessaire pour assurer les prix les plus justes aux consommateurs et stimuler l'innovation. Toutefois, certains secteurs méritent une considération particulière, compte tenu des intérêts publics en jeu. Je prendrai deux exemples. Le premier est celui des concessions hydroélectriques françaises, qui ont fait l'objet d'un contentieux récent puisque vous avez adressé à Mme la ministre de l'environnement une mise en demeure d'ouvrir à la concurrence l'exploitation de ces infrastructures. Un décret relatif aux concessions d'énergie hydraulique approuvant le modèle de cahier des charges applicable à ces concessions permet des regroupements et la création de sociétés d'économie mixte. En outre, il existe une option pour qu'EDF, exploitant historique, mette à la disposition des entreprises concurrentes un volume de mégawattheures à prix régulé. Ce système vous paraît-il adéquat ? Comprenez-vous les difficultés liées à la nécessité de concilier le respect indispensable des objectifs de la transition énergétique et la mise en concurrence des concessions ?

Par ailleurs, la commission des affaires européennes et celle des affaires économiques travaillent actuellement sur les orientations de la politique agricole commune après 2020. Les objectifs de cette politique impliquent de déroger parfois aux règles de la concurrence, qu'il s'agisse de la maîtrise des volumes, des indications sur les prix ou des organisations de producteurs qui pourraient passer dans d'autres secteurs pour des ententes. Il règne dans ce domaine une certaine insécurité juridique. Pensez-vous clarifier, en vue de la PAC post-2020, les points d'achoppement entre politique agricole et politique de la concurrence ?

Enfin, assurer la mise en oeuvre d'une concurrence juste et équitable est l'un des fondements de l'intégration européenne. Nous avons donc besoin de lutter contre toute tentation « cartélisante ». Toutefois, il convient de concilier ces nécessités avec celle d'une véritable politique industrielle européenne. L'harmonisation du contrôle des concentrations, par exemple, doit tenir compte de l'émergence souhaitable de géants européens dans des domaines aussi divers que le numérique ou les transports. Nous serions heureux de vous entendre également sur ce point.

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Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence

Je vous remercie pour l'accueil très chaleureux que vous m'avez réservé. Je m'étonne d'être la première commissaire à la concurrence à m'exprimer devant vous, car la politique de la concurrence, celles de la fiscalité, de l'énergie ou de l'agriculture, par exemple, se complètent les unes les autres.

Avant d'entrer dans le détail, il me paraît important de revenir sur les fondamentaux. La crise est intervenue il y a huit ans ; aujourd'hui, la reprise est là, mais elle est très lente. Notre priorité est donc d'encourager les investissements et la création d'emplois. Nous ne devons pas baisser la garde dans ce domaine et poursuivre les efforts très importants consentis, tant au plan européen – par la Commission, le Conseil et le Parlement – qu'au plan national. Mais je crois que nous pouvons consolider ces efforts en faisant respecter les règles applicables en matière de concurrence. De fait, et il est essentiel que les citoyens le sachent, celle-ci contribue à renforcer le tissu social, et non à tout casser et à compliquer les choses, comme on le craint parfois. Bien entendu, nous devons apporter la preuve concrète de ses bienfaits car, abstraitement, il peut être très difficile de comprendre combien elle est nécessaire. Cela est vrai dans tous les pays : dans le mien, le Danemark, comme en France, en Allemagne ou en Italie.

C'est pourquoi nous nous efforçons de souligner l'aspect social de la réglementation de la concurrence, comme le président Juncker l'a fait dans son dernier discours sur l'état de l'Union. En effet, la concurrence permet d'améliorer le fonctionnement de l'économie au bénéfice de tous : elle contribue à accroître le niveau de vie en conduisant les entreprises à baisser les prix, à augmenter la qualité de leurs produits et à en inventer de nouveaux correspondant mieux aux besoins des citoyens. Une étude économique a démontré qu'une politique pro-concurrence non seulement favorise la croissance mais bénéficie aux personnes à très bas revenus, pour qui le niveau des prix est très important. Des prix abordables ont en effet davantage d'impact sur les personnes qui ont moins que sur celles qui peuvent se permettre de payer plus cher.

Mais les règles applicables en matière de concurrence permettent également aux petites et moyennes entreprises, qui forment la colonne vertébrale de l'économie européenne – elles paient des impôts, créent des emplois, embauchent des jeunes… – d'avoir leur chance sur le marché. Or cela n'est possible que si nous appliquons ces règles car, faute de réglementation, seules les plus grandes entreprises sont favorisées.

Dans le domaine fiscal, ces règles permettent de veiller à ce que les entreprises paient les impôts dont elles sont redevables. Lorsque j'ai pris mes fonctions, la tâche la plus importante que m'a confiée le président Juncker consistait à vérifier qu'elles ne percevaient pas d'aides d'État illégales sous la forme d'un traitement fiscal préférentiel. En effet, la fiscalité peut être utilisée comme un moyen d'octroyer un avantage sélectif à une entreprise, un groupe d'entreprises ou à un secteur économique. Ce qui est en jeu ici, ce n'est pas la structure des sociétés ou leur taux d'imposition, qui relève de la compétence de chaque État membre, mais l'avantage fiscal indu que l'un d'entre eux pourrait accorder à une entreprise. D'où les décisions que nous avons prises concernant Fiat au Luxembourg, Starbucks aux Pays-Bas, Apple en Irlande. Les règles de la concurrence doivent s'appliquer à tous, petits et grands, si l'on veut assurer l'égalité des chances. Cela contribue à la croissance et à la création d'emplois.

Le marché unique européen compte plus de 500 millions de consommateurs, de sorte que les entreprises européennes peuvent y devenir suffisamment grandes et compétitives pour affronter le marché mondial. Mais ce marché unique ne fonctionne bien que s'il est véritablement unique, c'est-à-dire s'il est soutenu par des règles communes. C'est pourquoi les traités comportent, depuis le départ, des règles en matière de concurrence, qui incluent la réglementation des aides d'État. En effet, les pères fondateurs de l'Union européenne estimaient que, si les entreprises devaient tirer des avantages du marché, elles devaient aussi respecter des règles communes. Celles-ci n'amoindrissent pas leur compétitivité. Au contraire, elles leur permettent de croître. Ainsi, sur plus de 3 000 fusions qui ont été notifiées à la Commission au cours des dix dernières années, seules six ont été bloquées. Et celles que nous avons approuvées ont donné lieu à la naissance de groupes européens qui sont devenus des leaders mondiaux ; je pense notamment à la fusion de Holcim et Lafarge, intervenue en 2015.

Cependant, et c'est peut-être le point le plus important, nous continuons à faire respecter la concurrence car, pour qu'une entreprise reste dans la course, elle doit pouvoir faire face à ses compétiteurs. Or, la concurrence donne plus de force aux entreprises européennes. On ne peut en effet réussir sur le marché européen que si l'on est innovant et si l'on propose des prix suffisamment abordables pour que les consommateurs choisissent vos produits. Être concurrentielles sur leur marché permet aux entreprises européennes de l'être davantage à l'étranger.

Par ailleurs, toutes les entreprises étrangères qui s'installent en Europe doivent, sans exception, respecter nos règles, y compris les grandes entreprises de l'internet. En Europe, les entreprises ont le droit de se développer et d'acquérir une taille importante, mais elles doivent y parvenir en persuadant les consommateurs de choisir leurs produits, et non en usant de moyens abusifs. C'est dans ce cadre que nous avons engagé contre Google trois contentieux relatifs à un éventuel abus de position dominante concernant son moteur de recherche, son offre de publicité sur internet et son système d'exploitation mobile, qui équipe les téléphones de différents constructeurs. Nous nous intéressons également à Amazon, afin de déterminer si ses contrats avec les éditeurs empêchent les autres fournisseurs de livres numériques de se développer sur le marché européen.

En fait, le principe est très simple mais très précieux : il s'agit de défendre le consommateur, de veiller à ce que chaque entreprise ait sa chance et de protéger le marché unique. Si le consommateur juge le marché équitable, il y a de fortes chances que le citoyen juge la société équitable. Ainsi, l'objectif que nous poursuivons est important pour tous. Il n'est peut-être pas très sophistiqué, mais il est fondamental pour que l'on puisse avoir un emploi, des revenus dignes qui permettent de fonder une famille et de donner leur chance à ses enfants. Nous avons beaucoup à faire en Europe, mais certains objectifs sont peut-être plus urgents que d'autres, à l'heure actuelle.

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Je vous remercie, madame la commissaire, d'avoir répondu à notre invitation. Pour beaucoup d'entre nous, vous incarnez une forme de reprise en main politique qui permet un rééquilibrage du rapport de force, notamment avec les États-Unis. Ce faisant, vous montrez que l'Europe représente une autre voie, ce qui n'est pas si fréquent, et je tenais à vous en remercier.

Je souhaiterais vous poser trois questions. Tout d'abord, vous avez lancé un certain nombre d'opérations concernant notamment Apple. Des discussions sont en cours avec McDonald's. D'autres entreprises sont-elles dans votre viseur ? Si tel est le cas, combien sont-elles et pouvez-vous nous donner une idée des sommes concernées ?

Ma deuxième question porte sur l'économie numérique. Nous travaillons, au sein de la commission des finances, sur la création d'une taxe YouTube. De fait, il est difficile, à l'échelle nationale, de savoir où se loge le bénéfice et de le capter. Je souhaiterais donc savoir si votre direction dispose de pistes de réflexion sur la réglementation de l'économie numérique qui pourraient être utilisées par les parlements nationaux.

Enfin, je vais être directe : les États-Unis, qui ont largement contribué à la crise financière de 2008, voudraient en faire payer la facture au reste du monde. À cet égard, on peut se demander si les normes techniques qu'ils édictent ne relèvent pas d'une forme d'impérialisme qu'ils imposent au détriment de l'Europe. Comment pouvez-vous agir dans ce domaine ?

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Madame la commissaire, votre tableau de chasse est impressionnant : Google, Gazprom, Apple et bientôt, nous dit-on, Volvo, Daimler et bien d'autres. Un dossier intéresse plus particulièrement notre commission des Affaires économiques, celui du rachat d'Alstom par General Electric. Pouvez-vous nous rappeler les motifs pour lesquels vous avez examiné les conditions de cette transaction et nous dire quel a été l'impact de votre intervention ?

Ma deuxième question porte sur l'avenir de la politique agricole commune. Compte tenu de la crise agricole qui frappe l'Union européenne, notamment le secteur laitier, la question de l'étiquetage et de l'origine des produits agricoles revient au premier rang des préoccupations des producteurs. Or, on comprend que cela puisse poser problème au regard de la concurrence au sein du marché intérieur. L'autre question qui se pose est celle du rôle et de la place des organisations de producteurs, lesquels sont en effet contraints de mieux s'organiser face à une distribution qui semble se restructurer et se regrouper sans limites. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?

Enfin, dans l'éloge mérité que vous adresse la presse – vous êtes « Queen Margrethe : l'atout bruxellois » pour Le Monde, « le remède anti-Trump » pour Libération… –, on peut également lire les faiblesses de la construction européenne. L'Europe, qui fait déjà difficilement face aux conflits sanglants qui se déroulent à sa périphérie et à leur cortège de réfugiés, semble également impuissante à contrer la voracité d'entreprises mondialisées qui profitent pleinement des opportunités d'un marché européen largement accessible tout en s'arrangeant pour exfiltrer leurs bénéfices et éviter l'impôt. C'est parfaitement immoral, mais la morale, n'a, hélas, manifestement pas sa place dans les affaires. Pis, alors qu'il est urgent que les États membres renforcent leur collaboration sur les questions économiques, de sécurité et d'immigration, la tendance au chacun pour soi gagne du terrain. Quel est votre diagnostic sur l'état de l'Union ?

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Madame la commissaire, j'évoquerai, pour ma part, un seul sujet, qui me tient particulièrement à coeur, étant une élue de la montagne ; je veux parler des concessions hydroélectriques. Cette énergie particulière, issue d'un patrimoine national cher aux Français, représente près de 80 % de la production d'origine renouvelable. Il s'agit du moyen de production le plus compétitif, le plus flexible et le plus modulable, notamment pour gérer la pointe et l'extrême pointe, et de la meilleure technologie de stockage d'électricité, ce qui en fait un pilier essentiel de la transition énergétique en France. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a en effet défini un nouveau mix ambitieux, dans lequel la part du nucléaire diminue au profit des énergies renouvelables. Vous comprendrez donc, dans ce contexte, notre attachement à l'énergie hydroélectrique, à la sûreté des ouvrages et à la sécurité de notre système électrique, et notre souci de préserver tous les usages de l'eau qui se sont développés au fil du temps avec les collectivités et qui permettent d'offrir aux usagers français un tarif assez bas.

Vous travaillez sur ce sujet avec le Parlement et le Gouvernement français. Vous avez également reçu les opérateurs – EDF, la Compagnie nationale du Rhône (CNR), la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) – ainsi que les syndicats, et je sais que vous avez été attentive à leurs préoccupations. Nous avons inscrit dans la loi relative à la transition énergétique un certain nombre de dispositifs qui nous permettent de respecter la directive européenne. Nous proposons notamment la mise sur le marché de volumes productibles et la création de sociétés d'économie mixte (SEM). Quel est votre avis sur cette question ?

J'ajoute que débloquer cette situation contribuerait à relancer fortement l'économie, puisqu'environ 3 milliards d'euros de travaux sont en projet. Je dois conclure mais nous vous demandons, vous l'aurez compris, d'être très attentive à cette question.

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Madame la commissaire, je tiens d'abord à vous remercier, au nom du groupe RRDP, pour votre engagement en faveur de l'Europe et de ses citoyens. Comme vous, nous considérons qu'il est urgent de bâtir une Europe économique plus forte et plus encadrée, une Europe qui protège les droits des citoyens. Cela nous semble en effet la réponse la plus efficace aux idées populistes et anti-européennes qui se répandent aujourd'hui sur notre continent.

Ma première question concerne l'Irlande. Dans le cadre de votre lutte contre la concurrence déloyale, vous avez exigé d'Apple le remboursement de 13 milliards d'euros d'impôts à l'Irlande. Comment réagissez-vous à la décision du gouvernement irlandais de faire appel de cette décision ?

En matière d'optimisation fiscale, l'Assemblée nationale a renforcé notre arsenal législatif, grâce notamment à un amendement instaurant une « taxe Google », porté par notre collègue Yann Galut. Le ministre du budget nous a néanmoins exposé que la portée de cet amendement était très limitée et qu'une telle mesure relevait de l'Union européenne ou de l'OCDE. Je souhaiterais donc savoir où en est l'Union européenne dans la mise en oeuvre d'une législation permettant de lutter efficacement contre l'optimisation fiscale et contre les GAFA, sans pour autant menacer l'ensemble des acteurs du numérique, secteur particulièrement attractif et prometteur.

Sur le très haut débit, je salue la décision de la Commission européenne, qui reconnaît la compatibilité du plan France Très Haut Débit avec les règles de l'Union européenne en matière d'aides d'État. Vous avez par ailleurs affirmé que l'accès au très haut débit était une priorité essentielle de la stratégie européenne pour un marché unique numérique. Quelles sont vos intentions en la matière ?

Enfin, ma dernière question portera sur le renouvellement des concessions hydroélectriques : avez-vous intégré dans vos réflexions l'importance du modèle énergétique français, qui ne doit surtout pas être déstabilisé par l'ouverture à la concurrence ?

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Pensez-vous que la logique de la concurrence européenne puisse résoudre à terme toutes les problématiques de non-coordination en matière de fiscalité ou en matière de lutte contre la corruption ? Tandis qu'à l'heure actuelle chaque État membre a sa propre fiscalité, et que la France vient, par exemple, de se doter de ses propres mécanismes de lutte contre la corruption, y compris extraterritoriaux, la Commission européenne estime que la logique européenne fonctionne car elle garantit que les mêmes règles soient appliquées à toutes les entreprises. Cette logique peut-elle contraindre les États membres à une convergence de leurs fiscalités, de leurs normes comptables et de leurs législations anti-corruption ?

Il était question que les règles applicables aux aides d'État – sur lesquelles, sauf erreur de ma part, vous vous êtes fondée pour attaquer Apple – soient réformées. Jugez-vous que le mécanisme d'interdiction des aides d'État tel qu'établi aujourd'hui par la Commission européenne est adapté au nouveau contexte économique ou pensez-vous qu'il faille revoir dans chaque pays les procédures relatives à ces aides ?

Le financement des infrastructures en Europe se fait sur le long terme, ce qui, mécaniquement, empêche des mises en concurrence systématiques. Pensez-vous qu'il faille revoir les règles européennes en la matière ?

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Madame la commissaire, je tiens d'abord à saluer votre formidable combat contre l'optimisation fiscale des grands groupes. Après votre action contre Apple, vous menez à présent l'offensive contre McDonald's ? Où en est la procédure ?

Il me semble que si l'Europe veut gagner la bataille contre l'optimisation fiscale des grands groupes, elle doit mettre en place une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés, afin que, en cas de répartition des profits dans plusieurs pays, l'impôt soit levé là où les fonds sont réalisés, ce qui n'est actuellement pas le cas, notamment dans le numérique.

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Il y a un peu plus d'un an la Commission européenne a adressé une mise en demeure au Gouvernement français, le sommant de libéraliser les contrats de concession, qui permettaient jusqu'alors que les barrages hydroélectriques qui appartiennent à l'État et ont été financés par l'argent des Français soient exploités par EDF, l'opérateur historique. Comptez-vous accepter la proposition formulée par EDF et le Gouvernement français de vendre à prix cassé 25 % de la production électrique des barrages à des acteurs privés – proposition pour laquelle je n'ai aucune sympathie – ou préférez-vous persister dans la voie de la libéralisation du marché de l'énergie, malgré les échecs que l'on a constatés depuis une quinzaine d'années ?

En juillet 2015, l'Autriche a attaqué devant la Cour de justice de l'Union européenne, le soutien de la Commission européenne au projet Hinkley Point, et notamment le feu vert donné au contrat qui garantit à EDF un prix d'achat d'environ 90 livres le mégawattheure. Où en est cette procédure et quelle est votre position sur ce sujet ?

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Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence

Vous m'avez interrogée sur la centrale nucléaire d'Hinkley Point, à laquelle nous avons donné notre feu vert. Nous nous intéressons à présent à la construction d'une nouvelle centrale en Hongrie, à côté de celle qui existe déjà. Nous devons examiner si elle bénéficie d'aides d'État afin de garantir que la concurrence soit préservée dans le secteur de l'électricité. Nous l'avons fait pour Hinkley Point, nous le faisons pour la centrale de Paks.

Vous avez là un exemple de cas où le droit de la concurrence peut être considéré comme un outil approprié, du moins pour ce qui concerne la concurrence. Car le droit de la concurrence ne règle que les problèmes de concurrence ; si le problème concerne le nucléaire en tant que tel, cela relève du traité EURATOM. J'y insiste car user de la réglementation antitrust, du contrôle des fusions ou de celui des aides d'État à d'autres fins que ce pourquoi ces dispositifs ont été mis en place reviendrait à délégitimer mon travail. Il est donc fondamental que les États membres intègrent, comme vous le faites, dans leur législation des normes qui pourront ensuite être appliquées pour faire respecter le droit de la concurrence.

En ce qui concerne l'hydroélectricité, à propos de laquelle vous êtes plusieurs à m'avoir interrogée, je considère que l'une de nos tâches primordiales, à présent que l'accord de Paris est entré en vigueur, est de s'assurer qu'il soit bien mis en oeuvre, partout dans le monde. Les États parties à l'accord se sont imposé des obligations ; elles doivent être respectées.

Les énergies renouvelables constituent naturellement une des pièces les plus importantes du puzzle, et l'hydroélectricité a un rôle crucial. En effet, elle est porteuse de promesses non seulement en matière de production d'énergie mais également en matière de stockage, car on n'a pas nécessairement l'usage de toute l'électricité éolienne produite par jour de grand vent, et il est donc nécessaire de la stocker. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est fondamental d'investir dans les infrastructures hydroélectriques.

Dans le domaine du solaire et de l'éolien, nous avons pu constater que la concurrence stimulait les investissements. En ce qui concerne l'hydraulique, la loi française indique depuis 2008, conformément aux règles européennes que, lorsqu'une concession a expiré, son renouvellement doit être soumis à appel d'offres. Or cela ne s'est pas fait, d'où une concurrence qui reste très limitée dans le domaine de l'hydroélectricité.

Si notre rôle est de garantir la concurrence, nous sommes néanmoins conscients que cela doit se faire en prenant en compte les enjeux environnementaux, sociaux – notamment en termes d'emploi et d'aménagement du territoire – qui relèvent de la responsabilité de l'État français. Voilà plus d'un an que nous discutons avec le Gouvernement : la coopération est bonne mais nous n'avons pas beaucoup avancé.

Nous avons le plus grand respect et la plus grande considération pour le modèle français et il ne s'agit pas de le privatiser mais d'ouvrir le secteur à d'autres opérateurs. En effet, certaines concessions sont attribuées pour soixante-quinze ans et sans appel d'offres, ce qui comporte le risque de manquer les offres les plus intéressantes.

Nous n'avons pas encore abouti à une solution définitive, malgré d'importantes contributions d'EDF et des syndicats, avec lesquels j'ai eu, il y a quelques semaines, une réunion très constructive, au cours de laquelle ils ont exprimé leurs préoccupations, non seulement au sujet de la concurrence mais, de manière très légitime, à propos des incidences sur l'environnement, le champ social et le marché de l'emploi.

En ce qui concerne la fiscalité, contrôler les aides d'État est la seule manière de traquer a posteriori les bénéfices illégaux pour les annuler et restaurer une concurrence loyale, ce qui est le mandat que nous ont confié les traités, il y a des décennies. Cela doit être fait, au nom de toutes les entreprises vertueuses qui souffrent depuis des années et qui doivent savoir qu'il y a une justice et que, lorsque des aides d'État ont été versées illégalement, elles seront récupérées.

Mais nous avons besoin pour l'avenir d'une meilleure législation fiscale. Nous pouvons certes proposer des lignes de conduite, ce qu'a déjà fait la Cour de justice, il y a dix ans, il y a vingt ans. Il n'y a donc rien de neuf de ce point de vue. En revanche, si la législation s'améliore, alors nous pourrons être beaucoup plus efficaces.

Il faut d'abord davantage de transparence, des rapports publics étant diffusés dans chaque pays. Il ne s'agit pas de trahir le secret des affaires et nous ne demandons que des choses très simples : le nombre d'employés, la nature de l'activité, le chiffre d'affaires, les profits, le montant de l'imposition. Cela permettra aux sociétés qui sont dans ce cas d'expliquer comment, sans employés et avec une activité nulle, elles réalisent néanmoins un gros chiffre d'affaires ou de gros profits dans tel pays : cela peut s'expliquer de manière parfaitement légitime, mais il se peut aussi que les profits aient été déplacés d'un pays à fiscalité forte à un pays à fiscalité faible, voire nulle. C'est donc en accroissant la transparence que l'on permettra aux autorités fiscales de faire leur travail.

Il faut ensuite systématiser l'échange d'informations et de rescrits fiscaux entre les administrations. Le conseil ECOFIN a adopté sur cette question une norme importante, qui doit maintenant être appliquée : aucune norme n'est efficace tant qu'elle n'existe que sur le papier.

Enfin, nous devons adopter une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés. Non seulement, elle permettra de s'assurer que les grosses sociétés paient leurs impôts, mais elle simplifiera également la vie des petites et moyennes entreprises dont l'activité se répartit dans trois ou quatre États membres : en effet, à partir du moment où ces sociétés connaitront les règles fiscales qui leur sont applicables, elles n'auront plus besoin de se payer des conseils dans chaque État membre où elles sont établies.

Le cas d'Apple est un exemple qui vous parlera sans doute. Si nous avons pu condamner la firme, c'est grâce à des informations qu'il a fallu aller chercher auprès du Sénat américain. Car, si ce n'est un secret pour personne que les commissaires européens contrôlent les aides d'État depuis 1958 et qu'il existe en Europe une législation fiscale, la façon dont est organisée Apple et les rescrits fiscaux dont elle bénéficie sont en revanche totalement secrets ! D'où l'importance d'instaurer en matière de fiscalité une véritable transparence fondée sur l'échange d'informations. Et il me semble essentiel que tous les parlements nationaux s'emparent de ces questions.

En ce qui concerne la réponse de l'Irlande à notre décision, elle est assez courante ; le gouvernement néerlandais, par exemple, a fait appel de notre décision dans l'affaire Starbucks, comme le Luxembourg dans l'affaire Fiat. L'aspect positif de ces réactions, c'est qu'une décision de justice clarifie les choses au plan légal. De notre côté, nous faisons en sorte d'avoir des dossiers très solides pour pouvoir défendre devant les juges nos propres décisions.

Si nous voulons en tout cas que d'autres multinationales paient leurs impôts là où elles génèrent leurs profits, nous avons besoin d'une législation qui aille dans le sens que j'ai exposé. Et cela ne doit pas concerner que les entreprises du secteur numérique, la plupart des produits ayant d'ailleurs de plus en plus partie liée avec le numérique.

Nous devons aussi nous doter de services fiscaux extrêmement performants, capables de diligenter les bons audits pour enquêter dans ces affaires, sachant que, pour ce qui me concerne, mes investigations en matière de corruption et d'optimisation fiscale agressive se limitent à ce qui relève du contrôle des aides d'État.

Au-delà, l'Europe doit accroître la coopération entre ses membres mais surtout rester en pointe de la lutte contre ces pays de la liste noire où le taux d'imposition est très faible voire nul. Pierre Moscovici est très actif en la matière et fait un formidable travail en faveur de la transparence. Et c'est en combinant ce surcroît de transparence, une meilleure coordination entre États et des normes européennes adaptées que nous pourrons être efficaces au plan mondial, puisque les entreprises qui sont dans notre ligne de mire sont le plus souvent des entreprises mondialisées. Pierre Moscovici a dû vous fournir les données concernant la contribution fiscale des PME aux recettes des États membres : imaginons seulement ce que pourraient être ces recettes si les multinationales s'acquittaient de leurs impôts dans la même proportion.

À cet égard, nous disposons pour certaines de ces multinationales d'informations permettant de constituer des dossiers. Les syndicats nous ont notamment fourni des renseignements au sujet de McDonald's, et nous avons ouvert une enquête sur le rescrit fiscal dont bénéficie la société au Luxembourg. Il s'agit certes d'une question qui ne concerne pas directement les syndicats mais, lorsque l'on tire certains fils, des sujets de préoccupation communs peuvent se faire jour.

Nous avons étudié un échantillon de mille rescrits fiscaux, provenant en majorité du Luxembourg, mais également de tous les pays européens qui pratiquent ces rescrits, c'est-à-dire la majorité d'entre eux. Nous pouvons nous réjouir que, pour l'essentiel, ce soient de bons accords, bien documentés, et conclus, pour les ventes intragroupes, d'après la méthode des prix de transfert, qui, dans la pratique, se rapprochent des prix du marché, et non à partir de prix qui minimisent la ponction fiscale. Cela montre que nous avons, partout en Europe des administrations fiscales performantes : plus elles travailleront ensemble, meilleures elles seront.

Quant à la corruption, il faut pour la combattre, renforcer le pouvoir de nos services, grâce à une législation appropriée.

J'ai été interrogée sur la fusion GE-Alstom. Il s'agit de la première grosse fusion – le coût de l'acquisition s'élevait à 12,5 milliards d'euros – dont je me suis occupée, et ma principale préoccupation était qu'elle ne constitue pas une menace pour une des technologies de pointe de l'Europe, à savoir les turbines à gaz de grande puissance. Il était donc important que la nouvelle entité cède cette activité, ce qu'elle a fait.

Par ailleurs, lorsque l'on acquiert une turbine à gaz de grande puissance – qui ne s'assimile pas à proprement parler à un bien de consommation courante –, on prévoit qu'elle aura une durée de vie de plusieurs dizaines d'années, ce qui n'est possible que si elle bénéficie d'un entretien adapté. C'est la raison pour laquelle les producteurs de turbines proposent également des contrats de maintenance. Il était donc tout aussi essentiel pour nous que GE renonce à un certain nombre de ces contrats et les cède à un tiers européen. Ce qui a également été fait.

À cette double condition – la cession de cette technologie de pointe et d'un volume suffisant de contrats de maintenance – qui devait garantir qu'un concurrent puisse exister en Europe face à GE, nous avons finalement pu approuver la fusion.

C'est ainsi que nous travaillons de manière à préserver la concurrence. Sur les 3 000 fusions que nous avons examinées, nous n'en avons interdit que six mais, dans 10 % des cas environ, nous avons demandé à ce qu'il soit procédé à des ajustements afin qu'après la fusion le secteur dans lequel elle avait lieu demeure concurrentiel.

Ces concessions ne sont pas toujours évidentes pour les entreprises concernées car, lorsqu'on achète une société, ce n'est pas forcément pour en abandonner une partie. Pourtant, le cas des industries pharmaceutiques montre que c'est indispensable. Dans ce domaine en effet, il peut arriver que les fusions aboutissent à réunir des laboratoires fabricant des molécules destinées à soigner une même pathologie. Le risque est alors de voir l'un de ces médicaments retiré du marché, pour accroître la part de marché du second. Or une telle pratique n'est pas sans poser problème car si la molécule conservée convient à certains patients, d'autres réagissaient mieux à celle qui a été supprimée. C'est pourquoi nous demandons qu'au lieu d'être retiré du marché, le médicament soit cédé à un concurrent qui continue à la commercialiser. C'est notre manière d'oeuvrer au service des citoyens.

Bien sûr, les fusions que je viens d'évoquer et dont j'ai à traiter sont des fusions transfrontalières ; lorsqu'il s'agit de fusions qui n'affectent que le marché national, c'est aux autorités nationales compétentes de s'en saisir.

En ce qui concerne l'agriculture, le commissaire à l'agriculture Phil Hogan et moi-même avons consacré la première année de notre mandat à réfléchir aux moyens de rapprocher les exploitants agricoles pour qu'ils collaborent davantage. Venant moi-même d'un pays qui a inventé les coopératives, je ne vois pas d'un mauvais oeil ce type de collaboration, dès lors qu'il s'agit bien de coopération et non de cartel ou d'entente. Nous avons un travail de conseil à mener auprès de ces exploitants qui, bien souvent sont des experts en agriculture mais restent démunis pour trouver les structures qui leur permettraient d'être plus efficaces pour produire et vendre leur production.

Il me paraît donc important de donner un plus gros écho au travail que nous avons fait avec Phil Hogan, pour que les agriculteurs sachent qu'il existe des moyens d'être plus fort face aux autres acteurs de la chaîne alimentaire, souvent beaucoup plus gros qu'eux, notamment lorsqu'il s'agit de leurs acheteurs. Cela sera notre priorité dans les deux années à venir.

J'en viens à la question du commerce international, qui est en ce moment au coeur des débats. Nous sommes très heureux d'avoir finalement pu ratifier le traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (CETA), car c'est un traité équilibré qui prend en compte la question des conditions de travail, des droits de l'homme, du bien-être animal, du respect de l'origine des produits, autant de valeurs qui nous sont chères et auxquelles nous ne sommes pas prêts à renoncer au nom du commerce. J'irai même jusqu'à dire que l'Europe doit se donner pour mission d'aider à l'émergence d'un commerce mondial équilibré et respectueux des valeurs, qui soit le reflet de ce à quoi nous croyons. Il faut surtout faire en sorte, même si cela ressortit davantage aux politiques nationales, que les avantages retirés de la mondialisation des échanges bénéficient aux citoyens, qui, bien souvent, ont le sentiment que seuls quelques nantis en tirent bénéfice.

Et si la politique de la concurrence a ici un rôle à jouer, elle ne peut pas tout ; c'est essentiellement à la politique sociale, à la politique de l'éducation et à la politique de l'emploi de contribuer non seulement à ce que la distribution des bénéfices soit équitable mais à ce que l'accès au marché soit le même pour tous.

En ce qui concerne enfin le Plan France Très Haut Débit, je suis d'accord avec vous sur son utilité, car généraliser l'accès au haut débit permettra de créer de l'activité et de nouveaux services, y compris dans des zones faiblement peuplées. Pour l'heure, la procédure suit parfaitement son cours et le plan a été approuvé. Je souhaite qu'il entre en vigueur le plus vite possible, car beaucoup d'habitants des zones rurales estiment avoir été laissés pour compte.

Un mot enfin sur l'accueil chaleureux que vous faites au travail que nous menons. Si nous en sommes capables, c'est que nous travaillons au nom de 500 millions de citoyens et que nous bénéficions du soutien sans faille des États membres pour mettre en oeuvre les traités.

J'ai été ministre de l'économie au Danemark. Si à l'époque j'avais frappé aux portes pour réclamer une concurrence plus équitable pour les entreprises danoises et moins de privilèges pour certains, on m'aurait certes accueillie courtoisement, mais cela en serait resté là. Quand je frappe à la porte au nom de 500 millions d'Européens, non seulement on me reçoit courtoisement, mais les termes de la discussion sont très différents. Car agir ensemble est bien plus efficace.

C'est une chose dont il faut se souvenir en ces jours où les interrogations sont nombreuses sur l'Europe. Être européen, ce n'est pas, selon moi, être moins français, moins allemand, moins danois ou moins italien, mais devenir plus efficace pour atteindre les objectifs que nous avons définis ensemble. Et je ne peux qu'à mon tour vous adresser les mêmes encouragements chaleureux, car ce n'est que grâce à notre collaboration que cela sera possible. (Applaudissements)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci beaucoup, madame la commissaire, de nous avoir ainsi consacré de votre temps. Nous espérons avoir l'occasion de vous réentendre un jour au sein de l'Assemblée nationale.

La séance est levée à 12 h 05