Commission des affaires économiques

Réunion du 18 janvier 2017 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission des affaires économiques a entendu M. Marwan Lahoud, président d'Airbus Group SAS, directeur général délégué à l'international, à la stratégie et aux affaires publiques d'Airbus Group.

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Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Marwan Lahoud, président d'Airbus Group SAS, directeur général délégué à l'international, à la stratégie et aux affaires publiques d'Airbus Group, que je remercie pour sa disponibilité.

Airbus est le fleuron de l'industrie aéronautique et aérospatiale sur les plans mondial et européen, ce dont nous sommes tous très fiers. Il y a un peu plus d'un an, le bureau de notre Commission s'était rendu à Toulouse ; nous avions alors pu visiter l'ensemble du site et avoir de fructueux échanges avec la direction comme avec les salariés.

Entre 2000 et 2015, le groupe Airbus a connu une croissance exceptionnelle de 663 % ; il est numéro 1 mondial dans le secteur de l'aéronautique civile et les hélicoptères, numéro 2 mondial dans celui des satellites, et numéro 2 européen dans le domaine de la défense. En 2015, le chiffre d'affaires du groupe s'est élevé à 64,5 milliards d'euros, et, il y a deux jours, un contrat pour la livraison de 80 avions A320neo, avec une option portant sur 40 appareils supplémentaires, a été signé avec une compagnie aérienne saoudienne pour un montant de 8,1 milliards d'euros.

Nous avons souhaité vous entendre aujourd'hui en particulier au sujet du projet de restructuration du groupe, dénommé « Gemini », qui fusionnera les services centraux d'Airbus et d'Airbus Group au sein d'une entité unique. Cette opération devrait être effective à l'été 2017.

Cette fusion se traduirait par la suppression de 1 164 postes, dont 640 en France, d'ici la fin de l'année 2018, ce qui n'est pas sans susciter beaucoup d'inquiétudes. Certes, de telles restructurations ne sont pas propres à Airbus : en 2016 Boeing a annoncé la suppression de 4 550 postes, et Bombardier celle de 7 500 postes dans ses activités aéronautiques et ferroviaires. Il n'en est pas moins vrai qu'au regard des résultats de votre groupe et du bilan, qui affiche 731 commandes d'appareils en 2016, ce qui le place au premier rang mondial, nous souhaiterions être davantage informés au sujet de cette restructuration et des suites qu'elle serait susceptible de connaître.

Le rapport final de l'expert du comité sur le plan Gemini devait être remis à la direction d'Airbus le 11 janvier dernier : cela a-t-il été le cas ? La publication de ce document est supposée marquer le départ des négociations formelles relatives aux mesures sociales du plan ; quand pourrons-nous en avoir connaissance ?

Quelles sont les mesures envisagées par la direction : retraites anticipées, reclassement, mobilité ?

La création de 230 nouveaux postes dans le monde a été évoquée : pouvez-vous préciser où se feront ces créations et dans quels domaines ; la France en bénéficiera-t-elle ?

Quels seront les types d'emplois concernés par la suppression annoncée de 640 postes en France ?

Dans la mesure où les intérêts d'Airbus Goup sont très importants au Royaume-Uni : quelles peuvent être les conséquences du Brexit ?

Les syndicats redoutent une plus grande délocalisation vers les États-Unis dans les années à venir : qu'en est-il ?

Les salariés des sous-traitants d'Airbus doivent-ils craindre à moyen terme la concurrence du pôle aéronautique de Casablanca au Maroc, et, à plus long terme, le recours croissant à l'impression en 3D ?

Ce matin, nous avons entendu le commissaire général à l'investissement, M. Louis Schweitzer et nous avons évoqué le troisième volet du plan d'investissements d'avenir (PIA3), au sujet duquel vous avez formulé quelques inquiétudes lors de votre audition récente par la commission de la défense, notamment quant au fléchage des fonds. M. Louis Schweitzer a indiqué qu'il n'y avait pas d'enveloppe fléchée ou sectorielle dans le PIA3 car les enveloppes sont attribuées en fonction de la qualité des projets présentés au terme d'un appel d'offres englobant tous les domaines. L'aéronautique sera donc bien concernée.

Le PIA constitue un important outil de financement pour lequel nous nous sommes tous battus, quelle que soit la majorité ; aussi tenons-nous à vous rassurer en ce qui concerne la place du secteur aéronautique dans le dispositif.

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Marwan Lahoud, président d'Airbus Group SAS, directeur général délégué à l'international, à la stratégie et aux affaires publiques d'Airbus Group

Avant d'évoquer le projet Gemini, je brosserai le tableau de la situation et de l'activité du groupe.

Vous l'avez dit, 2016 aura été une très bonne année pour Airbus, toutefois, dans un monde plein d'incertitudes et de ruptures technologiques, le groupe doit se montrer toujours plus agile, toujours plus innovant et encore mieux organisé.

Airbus demeure un moteur de croissance, et notre réussite est celle de l'ensemble de la filière : Airbus certes, mais aussi ses équipementiers et les PME avec lesquelles le groupe travaille. En tant que président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), je puis attester qu'une mobilisation et une solidarité sont à l'oeuvre afin d'aboutir à un succès collectif.

Entre 2001 et 2015, le chiffre d'affaires du groupe est passé de 31 à 64 milliards d'euros. Depuis de très nombreuses années, nous sommes le fer de lance des exportations nationales. Plus important encore, alors que nous sommes passés du statut de startup dans les années 1970 — bien que le terme n'existât pas à l'époque — à celui de très grand groupe mondial, nous sommes toujours un moteur d'innovation, ce que nous revendiquons haut et fort.

La croissance a entraîné une hausse de plus d'un tiers des effectifs, et nous comptons aujourd'hui plus de 136 000 salariés, dont 51 000 en France : il est important d'avoir ces chiffres à l'esprit pour garder le sens des proportions lorsque l'on évoque les restructurations. Chez nous, chaque individu est extrêmement important, nous traitons nos employés au cas par cas, il n'y a pas de globalisation : c'est ce qui fait le secret de notre contrat social.

Airbus Group est le premier employeur du secteur de l'aéronautique, nous créons des emplois en France ; entre 2009 et 2015, le groupe a embauché dans sa globalité 49 000 personnes ; pour la moitié, il s'agissait de créations de postes. Au cours de la même période, en France, nous avons recruté 20 000 personnes, dont 11 000 sur des créations de postes. Par ailleurs, 2016 constitue une année d'embauches nettes en France pour le groupe.

S'agissant des prises de commandes réalisées au cours de 2016 — et les commandes conditionnent le futur —, les trois segments du groupe : Airbus avions, Airbus Hélicopters et Airbus Defence and Space ont réalisé une excellente année.

Dans le secteur de l'aéronautique commerciale, Airbus a livré 688 avions, ce qui constitue un record absolu dans notre histoire, dont 49 A350, ce qui montre que nous sommes à la fois capables de servir nos clients avec les produits existants, mais aussi d'innover en proposant de nouveaux modèles. C'est là une performance au regard de la montée en cadence : nous avons multiplié par trois fois et demie la production d'A350 entre 2015 et 2016.

Aussi, au cours du mois de décembre dernier, avons-nous livré 111 avions. Lorsque l'on est directeur chez Airbus, on aimerait être un peu plus serein, et mieux étaler les livraisons dans l'année… Je tiens néanmoins à saluer la performance de nos équipes qui ont travaillé d'arrache-pied pour arriver à ce résultat assez unique : livrer 111 avions en trente jours est tout simplement colossal.

En 2016, 731 commandes d'appareils ont été passées ; nous continuons donc d'enrichir notre carnet de commandes qui comporte aujourd'hui 6 874 avions, ce qui représente dix années de production mais aussi autant que ce qui a été réalisé en quarante-deux ans d'histoire : oui, tout va bien !

Dans le domaine spatial aussi, 2016 a été une très bonne année, dans le secteur tant des satellites que des lanceurs. La création d'Airbus Safran Launchers (ASL), avec le nouveau lanceur Ariane 6 décliné en deux versions, constitue l'avenir de cette branche. Toutefois, la difficulté majeure dans le domaine spatial est que les décisions d'aujourd'hui peuvent conditionner quarante ans de stratégie industrielle ; il convient d'y voir clair. À cet égard, le soixante-seizième lancement réussi d'Ariane 5, le 21 décembre dernier, nous donne raison : pourvu que ça dure !

Le secteur des hélicoptères est plus difficile, la situation y est contrastée, le prix du pétrole nous pose problème, et les différences de cycles – une commande militaire demande plusieurs années contre quelques mois pour une commande civile – rendent les choses complexes. Toutefois, grâce à nos dirigeants et à nos équipes, nous faisons face.

Nous y parvenons car – et si je ne devais aujourd'hui ne délivrer qu'un seul message, ce serait celui-ci – il existe au sein du groupe une communauté de vues sur la stratégie et les objectifs qui nous permet d'avancer ensemble. Certes, les négociations et les discussions sont très vives, mais, in fine, nous parvenons à définir des projets, car nous avons en commun la force de notre passion pour notre métier.

Cette passion pour l'aéronautique, qui est partagée par tous, du chef jusqu'au jeune salarié, fait que chacun comprend les situations auxquelles Airbus doit faire face. Obtenir l'adhésion de tous en expliquant pourquoi les évolutions sont nécessaires et en traitant les situations individuelles constitue la meilleure manière de transformer, de restructurer et de réformer.

Les incertitudes géostratégiques et géo-économiques, comme les menaces caractérisant la sécurité internationale, pèsent sur notre groupe et peuvent à tout moment nous faire basculer : une crise économique majeure en Asie, une crise géopolitique majeure dans tout ou partie des zones de tension actuelles, ne pourront qu'avoir des conséquences néfastes sur notre croissance.

Par ailleurs, une concurrence inattendue, non conventionnelle, peut survenir à tout moment. Nous observons Boeing dans le secteur des avions commerciaux ainsi que les hélicoptéristes présents sur le marché et les quelques acteurs du domaine de la défense. Aujourd'hui, les ruptures technologiques sont partout, et la transformation numérique des entreprises nous conduit à étendre notre vigilance au-delà de nos concurrents habituels. L'entrée sur le marché d'entreprises telle SpaceX, fondée par un acteur de l'internet ayant décidé d'investir dans l'espace, a achevé de nous persuader de la nécessité de transformer le paysage spatial ; ce que nous faisons en collaboration avec l'un d'entre eux à travers le projet OneWeb.

Comme je l'ai relevé, cette capacité d'adaptation appelle une bonne organisation : c'est là qu'intervient le projet Gemini, dont la dénomination insiste sur la notion de gémellité. Depuis 2013, le groupe s'est engagé dans une trajectoire stratégique rompant avec nos pratiques passées : il ne recherche plus l'équilibre entre les secteurs civil et militaire, tout simplement parce que celui-ci est impossible à réaliser.

De fait, la progression spectaculaire de la demande de transport aérien constitue un phénomène mondial, et la croissance que connaît le secteur des avions commerciaux ne peut être compensée — loin de là — par des opérations réalisées dans le domaine de la défense. Si elle avait eu lieu, la fusion avec BAE Systems, aurait permis cet équilibre ; cela n'a pas été possible, et nous en avons tiré les conséquences dès l'année 2013.

Les conséquences de notre ancienne orientation stratégique sont que le groupe Airbus est structuré autour d'un état-major central avec trois divisions dont l'une réalise 70 % du chiffre d'affaires total et dispose de son propre état-major. Le choix de regrouper Airbus avions commerciaux et ce qui, jusqu'au 1er janvier dernier, s'appelait Airbus Group permet la constitution de la structure la plus simple. La division Airbus est la plus importante en termes de business ; elle constitue la tête du groupe : c'est la logique du programme Gemini.

Réaliser une opération de cette nature est relativement simple : il s'agit de fusionner les équipes des directions générales de ce qui était Airbus Group et Airbus avions commerciaux dans une nouvelle entité dénommée « Airbus » à compter du 1er janvier 2017. Dès lors se pose la question de la localisation de la nouvelle entité. Aujourd'hui, le siège du groupe se trouve à Toulouse : si l'on pousse le raisonnement à son terme, ce devrait être le cas de toutes les équipes de direction générale.

Airbus est présent en Europe, en France, en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni ; or la mobilité géographique n'est pas une chose simple pour les entreprises, car il faut respecter les desiderata de chacun. Les mesures sociales permettent de proposer des mobilités. Si celles-ci sont refusées, d'autres sont proposées et si, in fine, les transformations ne peuvent pas être réalisées par la manière douce, il faut recourir à l'ultime possibilité que constitue le licenciement. Je connais le groupe Airbus depuis pratiquement trente ans et j'y travaille depuis bientôt dix-neuf ans : sa tradition sociale est telle que je n'ai jamais vu cela se produire mais, au stade où nous sommes, nous ne pouvons pas l'exclure.

Vous avez évoqué, Madame la présidente, 1 164 suppressions de postes, je souhaite préciser que les documents de référence mentionnent « jusqu'à 1 164 suppressions de postes », ce qui en anglais s'exprime par « up to ». Ce majorant est estimé à l'aide d'une formule fondée sur l'expérience, en appréciant le nombre de mobilités souhaitées ainsi que leur taux d'acceptation. C'est ainsi que nos équipes de ressources humaines considèrent que ce plafond garantit la réussite du projet de restructuration.

Vous m'avez interrogé sur les mesures sociales qui sont prévues : je serai peu disert à ce propos, d'une part parce que je ne suis pas au fait de l'état de leur préparation, d'autre part parce que, en vertu des traditions sociales du groupe, elles font actuellement l'objet de discussions avec les représentants de nos personnels, à qui je souhaite laisser la primeur de cette information. Toutefois, je m'engage, avec l'aide de M. Philippe Bottrie et Mme Annick Perrimond du Breuil, ici présents, à tenir à votre disposition tout élément susceptible d'intervenir dans la progression de la préparation et la mise en oeuvre du projet Gemini.

Il est donc prévu de procéder jusqu'à 1 164 suppressions de postes, dont 640 en France, sur un effectif de 136 000 salariés. Cela se traduit par la fermeture du site de Suresnes ainsi que par un transfert d'effectifs du site allemand d'Ottobrunn vers Toulouse, 325 postes étant concernés. Il s'agit de regrouper à Toulouse la direction générale, encore éparpillée sur plusieurs sites aujourd'hui, et d'y créer une zone de concentration de l'activité recherche et technologie (R&T), actuellement répartie entre Ottobrunn, Suresnes, Toulouse, Marignane, Les Mureaux et Élancourt. Cela ne signifie pas que tout sera transféré à Toulouse mais la décision a bien été prise d'arrêter l'activité R&T à Suresnes

La transformation ne se résume pas au déplacement de personnes, elle consiste aussi à vérifier que l'on dispose bien des compétences requises, singulièrement au regard des défis liés aux nouvelles technologies, plus particulièrement au numérique. C'est dans ces nouveaux métiers, comme la numérisation, la cybersécurité ou l'intelligence artificielle, que nous créons 230 postes. Il est toujours délicat de prétendre localiser des emplois s'exerçant dans le numérique qui, par définition, est partout, mais je peux affirmer que ces embauches sont principalement prévues en France.

Dans l'esprit de notre tradition sociale, nous sommes engagés dans des discussions relatives à la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement ; lorsque nous serons plus au clair, je serai en mesure de vous les dévoiler. Nous privilégierons les redéploiements internes, les départs naturels non remplacés, les retraites anticipées ainsi que les départs volontaires avec incitation financière. Depuis que je suis dans le groupe, ce système a toujours fonctionné. J'y ai connu des situations beaucoup plus difficiles, comme le plan de restructuration « Power 8 » ou les plans précédents – qui remontent à un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître – auxquelles la direction du groupe Airbus comme ses salariés ont fait face grâce à leur attachement à notre contrat social.

Enfin, nous préparons l'avenir. Si nous sommes aujourd'hui leader sur les marchés de l'aéronautique civile, c'est qu'il y a des années, nos prédécesseurs ont investi, privilégié une stratégie de l'innovation et pris des décisions difficiles et risquées ; et nous avons conscience de cet héritage.

Vous avez évoqué, Madame la présidente, le PIA3, et je souhaite être très clair au sujet du financement de la recherche aéronautique. Lorsque l'on est le groupe Airbus, et que notre budget de recherche et développement (R&D) excède 3,6 milliards d'euros par an, que notre budget de R&T avoisine 1 milliard d'euros, le soutien public à la recherche, les incitations fiscales, le crédit d'impôt recherche (CIR) sont toujours bienvenus, mais, dans le secteur aéronautique, ce soutien public bénéficie surtout aux équipementiers, aux PME.

C'est pourquoi, en tant que président du GIFAS, mais aussi en tant que responsable du groupe Airbus, je tire une sonnette d'alarme. J'entends pleinement les propos du commissaire général à l'investissement lorsqu'il évoque l'absence de fléchage des crédits et la mise en compétition des projets, dont nous avons démontré que nous ne la craignons pas, car nous en avons l'habitude. J'insiste simplement sur le fait que l'effort d'aujourd'hui conditionnera les résultats ainsi que les livraisons et la croissance d'après-demain. Or, je crains que, dans une conception excessivement financière de l'investissement public, cet aspect des choses soit perdu de vue. Encore une fois, la question n'est pas celle d'Airbus, mais elle concerne l'ensemble de la filière, singulièrement ses petits acteurs, qui sont tellement essentiels.

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Monsieur le président Lahoud, il me semble que vous n'avez pas répondu à la question de notre présidente sur l'impact du Brexit. Pourtant, nous pouvons envisager le scénario de façon plus précise après le discours de la Première ministre britannique, hier.

Dans le même registre, comment analysez-vous les propos du futur président des États-Unis, qui manifeste des intentions protectionnistes ? Airbus a créé dans ce pays une usine il y a quelques années ; j'imagine qu'elle sert surtout une clientèle locale. Le groupe est-il prêt à rapatrier ses effectifs en France ou en Europe si le Président de la République vous en intime l'ordre par tweet ? Au-delà de la boutade, c'est bien la question des rapports avec l'autre pays grand producteur d'avions qui est posée.

L'expérience de Solar Impulse, l'avion électrique, vous inspire-t-elle des pistes pour l'avenir ? Envisagez-vous une collaboration avec le groupe Solvay, au coeur de cette initiative ? J'imagine que vous vous interrogez aussi sur l'hélicoptère électrique : j'ai vu récemment une émission à ce propos : l'appareil vole, avec un passager à bord.

Quid de l'avion chinois, dont on a vu apparaître les premiers prototypes ?

Quelle évolution envisagez-vous pour l'A380 ? Certains clients demandent une remotorisation identique à celle que vous avez pratiquée sur l'A320neo. Est-elle envisagée, et dans quels délais ? Quelles perspectives donnez-vous à cet avion unique en son genre ?

Enfin, pourriez-vous nous dire quelques mots de la rentabilité du groupe ? Quels sont ses résultats, comment évoluent-ils ? J'imagine que vous commencez à avoir des indications quant aux résultats de l'exercice 2016.

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Merci de venir nous faire part de votre stratégie d'entreprise, de votre analyse de la situation économique, de l'évolution liée aux avancées technologiques et numériques, et de la façon dont vous voulez faire gagner Airbus demain.

Mes questions portent aussi sur la situation aux États-Unis. Au vu du marché d'Airbus dans ce pays, comment interprétez-vous les positions du futur président sur le protectionnisme ? De même, la Chine n'hésite pas, dès qu'elle maîtrise une technologie, à recourir au protectionnisme économique pour favoriser ses produits. Anticipez-vous des tensions à venir et à quelle échéance au regard de votre carnet de commandes ?

Vous allez embaucher de façon importante dans le domaine du numérique, mais pour quel type de projets ? Comment envisagez-vous l'utilisation du numérique dans votre métier ? Il est souvent question d'améliorer l'efficacité de la maintenance industrielle en passant d'une maintenance préventive à une maintenance prédictive, grâce aux objets connectés et à une meilleure analyse des données de l'ensemble des éléments d'un avion. À quel stade en sont ces projets, et quel pourrait être leur impact sur le coût de maintenance des avions ? Aujourd'hui, quelle part représentent les services par rapport à la vente dans le chiffre d'affaires d'Airbus ? Nous allons vers une importance croissante des services dans l'industrie. Quel est l'avenir des métiers d'Airbus ? Vous êtes aujourd'hui un industriel de production, quelle part envisagez-vous de donner aux services à l'avenir ?

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Nous vous remercions d'être venu nous informer de ce plan de restructuration, qui inquiètent certains de vos salariés et que nous-mêmes ne pouvons que regretter, surtout sachant que le PDG d'Airbus, Fabrice Brégier, assurait le 11 janvier dernier qu'Airbus avait non seulement atteint, mais dépassé ses objectifs. Vous avez ainsi battu pour la quatorzième année consécutive votre record de livraisons, et nous avons compris à vos propos que tout allait bien pour Airbus.

Si je comprends qu'Airbus doit avoir une stratégie de long terme et prendre en compte le contexte mondial extrêmement concurrentiel, j'espère sincèrement que ce plan de restructuration privilégiera la qualité du dialogue social sans laisser aucun salarié sans reclassement ni solution personnelle.

Élue dans la région Occitanie, comme Mme la présidente, je connais le rôle d'Airbus pour l'attractivité et le maillage économique de notre territoire. Les activités de votre groupe font vivre un certain nombre de sous-traitants, qu'il est nécessaire de prendre en compte. La montée en cadence de la production d'Airbus oblige vos fournisseurs à s'organiser pour répondre à cette demande et pousse vos dirigeants à s'organiser également pour faire face aux retards de livraison des sous-traitants. Quelles relations entretenez-vous avec vos sous-traitants ? Pouvez-vous nous rappeler les grandes lignes de votre politique en matière de sous-traitance ?

Je souhaiterais également revenir sur le déplacement du ministre des affaires étrangères, M. Jean-Marc Ayrault, en Inde. Airbus a signé un accord, en vue d'établir un cluster aérospatial incluant une usine de fabrication d'hélicoptères à Dholera, au Gujarat. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet accord de cluster ?

Enfin, pour me montrer un peu provocatrice, je soulignerai que l'on lit dans la presse que le projet de fusion n'est pas uniquement stratégique, mais qu'il a aussi pour finalité de servir plus de dividendes à vos actionnaires, alors que ces dividendes auraient déjà doublé depuis 2012. Quelle est la réalité de cette hypothèse, et que pouvez-vous en dire ?

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Je souhaite aussi vous interroger sur la concurrence mondiale. Vous avez mentionné Space X et l'arrivée des Chinois sur le marché, avez-vous des craintes à ce propos et à quelle échéance ?

Vous placiez beaucoup d'espoirs dans le gros-porteur A380. Les ventes sont peut-être en deçà de vos espérances. Prévoyez-vous une relance ou des modifications pour que cet avion soit plus compétitif ?

Pouvez-vous enfin nous dire où en est le projet de satellite Merlin, destiné à étudier la concentration de méthane dans l'atmosphère ? Sera-t-il lancé en 2020 comme cela avait été annoncé ?

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Airbus se porte bien en termes de production comme de commandes, dont le carnet est copieusement garni. Airbus est une réussite européenne. Pas de l'Europe qui se dessine depuis quelques années, mais de celle de la coopération interétatique et intergouvernementale, qui a permis la création de votre groupe à quatre pays. Or, cette réussite tranche avec une restructuration qui inquiète les salariés, c'est l'une des raisons de votre présence devant notre commission. La France est au coeur de l'implantation d'Airbus : jusqu'à présent, la recherche et la conception sont basées en France, la production étant partagée.

Cette architecture va-t-elle perdurer ? Je pose cette question car, en tant que député français, je suis préoccupé de l'intérêt national et j'ai en tête le projet d'avion électrique, dont la conception et la réalisation seraient basées en Allemagne. Quelle est la stratégie industrielle globale d'Airbus ?

Pouvez-vous également nous en dire plus sur les projets de nouvelles versions car, vous le savez fort bien, il faut regarder loin ?

Le fait que vous soyez une entreprise mondialisée ne saurait vous empêcher de vous préoccuper de la cohérence territoriale. Comme les Allemands, qui voient d'abord à leur porte et pensent avec une logique d'intérêt national – cela transparaît dans leur action au sein d'Airbus – je souhaite que vous ayez bien en vue notre intérêt national dans votre stratégie territoriale d'implantation de votre beau groupe.

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Je félicite le président d'Airbus Group de ses bons résultats. Je crois que vous allez repasser devant Boeing en 2019. On est toujours heureux qu'une entreprise française se développe de la sorte. Mais il s'agit aussi d'une belle entreprise franco-allemande, dont on ne peut que constater qu'elle n'a aucune présence en Alsace...

Aussi, puisqu'il est souvent question de la fermeture de la centrale de Fessenheim, sachez qu'une centaine d'hectares sont disponibles au nord de Fessenheim, directement accessibles par le Rhin et où l'on peut poser des avions. Si un jour vous deviez chercher un terrain, pensez à l'Alsace, vous toucherez au coeur de vos collaborateurs !

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Député de Haute Garonne et de Toulouse, Airbus est évidemment très présent dans ma circonscription et j'ai donc d'autres préoccupations que mon collègue alsacien...

J'ai bien conscience qu'il vaut mieux qu'une entreprise se restructure quand elle est en bonne santé plutôt qu'attendre d'être en mauvaise santé pour prendre les décisions qui permettent de garantir son avenir. En même temps, chacun voit bien que, du point de vue des salariés, l'annonce de suppressions de postes est parfois difficile à comprendre alors que les profits et les bénéfices sont élevés.

Vous avez rappelé la logique sociale du groupe Airbus telle que la conçoivent ses dirigeants plutôt que les représentants des salariés, et annoncé que vous ne souhaitiez pas nous éclairer à ce stade, car vous êtes en plein dialogue avec eux et ils ont récemment rencontré M. Thomas Enders. Je le comprends, mais vous avez indiqué que vous tiendriez l'ensemble des éléments à notre disposition au fur et à mesure du processus et j'y serai très attentif même si j'ai plutôt cru comprendre que des emplois allaient arriver à Toulouse.

J'aimerais que vous nous en disiez plus sur la restructuration du secteur de la recherche et de la technologie, élément d'avenir. Pourriez-vous mettre cela en relation avec l'aventure qu'Airbus a tentée au coeur de la Silicon Valley, avec le centre d'innovation technologique A3 et la création d'un fonds de capital-risque pour investir dans des solutions d'avenir ? Pensez-vous que cette restructuration doit inclure une part d'externalisation pour saisir des pépites, comme cela a été le cas pour l'industrie pharmaceutique – ce fut un débat au coeur de la restructuration du groupe Sanofi ?

Vous avez évoqué d'un mot l'aventure OneWeb, annoncée il y a un peu plus d'un an lors du salon du Bourget. Le calendrier initial prévoyait le déploiement des premiers satellites au début de l'année 2018, j'ai eu l'occasion d'en parler avec les responsables d'Airbus Defence and Space lors d'une visite récente. Où en est ce projet, qui marque un changement de paradigme pour cette entreprise ?

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La presse se fait l'écho d'un prototype de voiture volante qui serait développé à Toulouse. Pourriez-vous nous en dire deux mots sans trahir de secret, ou au moins nous informer des perspectives et des objectifs alloués à ce projet ?

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Au Consumer electronic show de Las Vegas, un drone dans lequel il était possible de monter, qui ressemblait étrangement à une voiture volante, a été présenté par des Chinois.

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Mais le projet que j'évoque concerne Airbus et serait situé à Toulouse. Peut-être le président peut-il nous en dire quelques mots même si cela semble entouré du plus grand secret ?

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Marwan Lahoud, président d'Airbus Group SAS, directeur général délégué à l'international, à la stratégie et aux affaires publiques d'Airbus Group

Le Brexit, l'élection de Donald Trump et les changements politiques font partie de notre environnement. Je suis un ancien du groupe et j'ai vu, comme toute l'équipe de direction, de tels changements, dans tous les sens.

Par principe, les barrières ne sont pas très bonnes pour l'aéronautique. Si des barrières douanières ou à la circulation des personnes étaient instaurées, je ne peux pas en mesurer l'impact de manière chiffrée, mais nous n'y sommes a priori pas favorables. Nous écoutons donc avec une grande attention et un peu d'inquiétude ce qui se dit autour du « Hard Brexit ».

Quant au président élu Donald Trump, il a dit beaucoup de choses, de toute nature. Là encore, il faut rester sereins et attendre de voir. Le protectionnisme dans les échanges commerciaux n'est pas souhaitable pour une filière exportatrice telle que l'aéronautique, mais j'ai cru comprendre qu'une des caractéristiques du président Trump est de faire des deals. Voyons ce que sera la présidence Trump par rapport à la candidature Trump.

J'en viens à la question de l'avion électrique, et à celle de la « voiture volante ». Dans notre métier, le quotidien consiste à livrer en temps et en heure les avions aux compagnies aériennes qui les attendent, mais n'oublions pas que si nous sommes encore là, c'est d'abord parce que nous avons toujours été innovants. Nous continuons donc aujourd'hui de définir des axes stratégiques d'innovation : l'avion électrique et les mobilités urbaines – nous préférons cette expression à celle de « voitures volantes » – en font partie.

Nous avons fait voler l'E-Fan, prototype d'avion électrique monoplace, et nous projetons de faire de même avec un biplace. L'E-Fan a traversé la Manche, c'est formidable, mais on voit là qu'en matière d'électrification, nous en sommes encore à l'époque de Blériot... Nous persévérerons, car nous serons amenés à renforcer l'électrification afin de respecter les obligations édictées par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) en matière d'émissions de CO2. Non seulement l'avionneur que nous sommes mais toute la filière du transport aérien, des constructeurs aux compagnies aériennes, s'est engagée à atteindre la neutralité des émissions de gaz à effet de serre au-delà de 2020 : quelle que soit la croissance du trafic, leur niveau ne devra plus augmenter en valeur absolue. Différentes solutions seront mises en oeuvre pour y parvenir : l'amélioration de la gestion du trafic sur les sites où il est congestionné, certaines pratiques au sol comme le fait de ne pas utiliser les moteurs pour rouler, la réduction de la consommation…

Sur ce dernier point, nous avons beaucoup progressé depuis cinquante ans ce qui s'est soldé par une baisse des émissions de 75 %. Une telle évolution est économiquement rationnelle pour l'entreprise, mais, avec les décisions prises lors de l'accord de Paris, confirmées par l'OACI, nous devons franchir une étape supplémentaire : nous ne pourrons pas nous contenter de poursuivre à l'identique, il nous faudra adopter des mesures drastiques comme l'électrification.

Cette dernière n'est pas aussi facile pour l'aérien que pour l'automobile car il faut énormément d'énergie pour voler. Aujourd'hui, pour nos ingénieurs, il est compliqué d'imaginer un avion de cent sièges tout électrique. Nous privilégions donc une approche hybride qui fait intervenir à la fois le moteur thermique et le moteur électrique. Nous préparons cependant le tout électrique. Pour demain, le problème n'est pas tant le stockage de l'énergie électrique que la circulation du courant et la dissipation thermique. Tellement d'énergie est nécessaire pour faire voler un avion que les fils de cuivre conducteurs chaufferaient au point que nous serions incapables d'offrir une solution sûre et « certifiable » – et je ne parle pas de la perte d'énergie. Physiquement, nous sommes bloqués par la capacité à disposer de supraconductivité à température ambiante. Pour être un peu technique, avec la supraconductivité, la résistance disparaît et on a longtemps pensé que cela se produisait autour du zéro absolu, température à laquelle il est bien sûr inimaginable de refroidir les circuits d'un avion. Les évolutions de la science fondamentale nous laissent cependant penser qu'il sera possible de parvenir à la supraconductivité à -50°, ce qui constitue la température ambiante pour un avion.

Le développement des mobilités urbaines est l'un de nos autres axes stratégiques d'innovation. Aujourd'hui, la circulation automobile de certaines villes est complètement saturée. C'est par exemple le cas de Singapour où la situation est infiniment pire qu'à Paris. Sommes-nous en mesure de déployer des services de mobilité urbaine utilisant la troisième dimension pour aller d'un point à un autre dans la ville ? Nous avons mené à Sao Paolo une expérimentation, que certains ont abusivement nommée « ubercopter », avec un hélicoptère avec pilote, mais nous imaginons aussi des solutions avec des objets pilotés depuis le sol ou autopilotés. Nous voulons expérimenter à la fois la technologie et la possibilité d'une certification. Dans ce secteur, notre expérience de la certification et de la sécurité fait véritablement notre force par rapport à tous les nouveaux entrants, GAFA ou autres.

Le numérique constitue un autre axe stratégique d'innovation dont nous attendons un raccourcissement des cycles, ce qu'au sein du groupe nous appelons « le rêve de Tom Enders » : le président-directeur général d'Airbus Group ainsi que tous les collaborateurs, rêvent de réduire les cycles de développement et de production grâce à l'utilisation rationnelle des systèmes numériques et des innombrables données liées au développement d'un avion. Cette évolution doit être mise au service des clients pour développer la maintenance prédictive et améliorer la disponibilité des plateformes Airbus. Il est impossible d'avancer un objectif chiffré dans ce domaine, mais il est clair que c'est là que nous pouvons faire la différence.

Vous m'avez interrogé sur la concurrence. L'avion chinois n'a pas encore volé, mais il volera et il sera un concurrent pour nos appareils. Nos scénarios stratégiques prennent cette donnée en compte, et nous savons que nous devrons innover si nous voulons conserver notre position de leader. L'innovation constitue la réponse à la compétition.

Avec l'A380, nous disposons, à l'autre extrémité de l'offre, d'un formidable avion plébiscité unanimement par les passagers, mais ce sont les compagnies aériennes, auxquelles nous ne vendons pas autant cet appareil que nous le voudrions, qu'il nous faut convaincre que l'A380 améliorera leurs performances. Aujourd'hui, étant donné l'état des ventes, des commandes et des besoins, nous ne disposons pas du business case, d'une proposition structurée, qui nous permettrait d'envisager une remotorisation. Elle est possible, et nous y viendrons le moment venu, mais, pour l'instant, nous devons vendre l'A380. Notre priorité, c'est de vendre, vendre et encore vendre !

Je ne suis pas en mesure de vous communiquer des indications sur nos résultats 2016. J'attends que nous y voyions plus clair, notamment que nos auditeurs effectuent les certifications nécessaires. Toutefois, je l'ai dit : l'année est bonne, et je ne parlais pas seulement des commandes et des livraisons.

Je reviens au social. J'y insiste, notre groupe a une tradition sociale à laquelle nous sommes tous attachés, du salarié au plus haut dirigeant. Nous tenons à ce « contrat social » au sein du groupe. Il pourrait paraître étonnant qu'un tel « contrat » existe dans un groupe issu d'une consolidation, car on aurait pu penser que les traditions allemande et française se heurteraient. Ce serait sans compter sur une tradition sociale aéronautique qui nous mobilise tous autour du succès de notre entreprise. Certes, il y a parfois des échanges musclés, mais, in fine, tout le monde va dans le même sens. Le secret de cette réussite, c'est d'abord que nous commençons par nous mettre d'accord sur les objectifs généraux, ensuite que le traitement social est personnalisé et individualisé. Nous sommes très fiers de chacun de nos salariés, nos « compagnons », de chaque homme et de chaque femme qui travaille avec nous. Tous les dirigeants mettent donc un point d'honneur à traiter au mieux chaque situation individuelle. C'est ainsi que j'ai été formé, et je ne sais pas faire autrement.

Mme Jeanine Dubié m'a interrogé sur la chaîne d'assemblage d'hélicoptères installée en Inde. Airbus Helicopters dispose de chaînes semblables un peu partout dans le monde, et il fallait augmenter notre présence industrielle en Inde, dans une optique de conquête de marché. Cette chaîne située dans le Gujarat, État d'origine du Premier ministre indien, s'intègre parfaitement à la chaîne logistique d'Airbus Helicopters.

J'évoquerai maintenant la sous-traitance. Sachant qu'en valeur ajoutée, le contenu proprement « Airbus » de n'importe lequel de nos équipements est d'environ 25 % – ce chiffre est évidemment approximatif –, on peut en déduire que 75 % de la valeur de notre production vient de la chaîne de sous-traitants. Cette dernière va de nos gros sous-traitants de premier niveau jusqu'à la PME de cinquante salariés qui dégage une dizaine de millions d'euros de chiffre d'affaires. Dans de nombreux cas, nous sommes très dépendants de cette chaîne. Rassurez-vous : je ne veux pas dire qu'une défaillance quelconque aurait des conséquences désastreuses, mais seulement que nous avons pleinement conscience que nous dépendons de toute notre filière.

Évidemment notre relation avec les fournisseurs est, elle aussi musclée : nous négocions des contrats, et il y a forcément des rapports de force. Cependant, stratégiquement, nous regardons ensemble dans la même direction. Mon expérience au sein du GIFAS m'a permis de constater que nous étions regardés comme un exemple. J'entends souvent des interlocuteurs regretter que toutes les filières ne soient pas organisées comme la nôtre. Sous-traitants, maîtres d'oeuvre, grands équipementiers, nous nous retrouvons tous les mois autour de la table avec notre médiateur pour poser les bonnes questions et maintenir le cap dans la bonne direction avec un objectif : le succès de l'industrie aéronautique et spatiale. Cela n'empêche pas les frictions, les rapports de force ou les négociations âpres, mais ces épisodes restent localisés : il n'y a pas de conflit généralisé. D'ailleurs, notre médiateur de filière traite un nombre très limité de cas, de l'ordre de deux par an.

Je ne suis pas de ceux qui opposent performances financières et performances industrielles, service des actionnaires et investissement dans l'avenir. Nous n'avons pas le choix : aujourd'hui, une entreprise doit conjuguer tous ces éléments. Pour y parvenir, elle doit être encore plus performante. Elle doit, dans le même temps, investir dans son avenir, sans quoi, à terme, elle disparaîtrait, et servir ses actionnaires qui attendent un retour sur investissement. Nous y parvenons ! L'ensemble des salariés du groupe redoublent d'efforts pour relever ce défi.

La mise en orbite du satellite Merlin est prévue en 2021. L'objectif est de mesurer la distribution spatiale et temporelle des émissions de méthane sur l'ensemble de la planète. Les applications spatiales permettent d'effectuer les mesures les plus précises en matière d'environnement, et le suivi le plus fin. Merlin est le fruit d'une coopération entre le Centre national d'études spatiales (CNES) et le Centre allemand pour l'aéronautique et l'astronautique, en allemand, le Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt (DLR). À l'heure où l'on déplore le manque de projets de coopération franco-allemande, il en est donc qui fonctionnent très bien. La maîtrise d'oeuvre est assurée par Airbus Defence and Space et la réalisation se partage entre les sites de Toulouse et de Friedrichshafen.

Cela m'amène à répondre à la question relative à la production hors de France. Considérer que le coeur d'Airbus, avec la recherche et la conception, se situe en France, reflète une certaine réalité. Toulouse est aujourd'hui reconnue comme la capitale de l'industrie aérospatiale européenne, ce qui entraîne une concentration de cette industrie. Il faut toutefois cesser de raisonner en termes de « cerveau » et de « membres ». Airbus démontre qu'il existe bien une Europe qui marche : celle dans laquelle on accepte l'interdépendance, même si, dans les premiers temps, c'est à contrecoeur. Aujourd'hui, on ne pourrait pas davantage demander à l'Allemagne ou au Royaume-Uni de fabriquer seul un Airbus que décider de tout rapatrier en France : ce serait infiniment long. Oui, l'interdépendance se fait d'abord à contrecoeur, mais, finalement, elle enrichit tout le monde en permettant une réelle optimisation, je le sais : je l'ai vécu ! En tant que citoyen, je suis un européen convaincu de l'importance de cette Europe interdépendante : nous appartenons à un tout petit espace géographique défié par de très nombreux autres espaces géo-économiques dans une compétition mondiale. Cessons de ne regarder que notre voisin ! Plutôt que nous comparer à lui, occupons-nous avec lui du vaste monde !

Il est vrai néanmoins que, depuis 2012, l'évolution de notre groupe vise à concentrer à Toulouse les organes de direction, de conception et de stratégie. C'est le principe du siège, qui entre un peu en contradiction, je le reconnais, avec notre affirmation que l'intelligence est partout. Nous considérons qu'il n'existe en la matière ni monopole, ni supériorité de tel ou tel. Il faut aller chercher les talents où ils se trouvent. C'est le sens de nos investissements hors du pays, par exemple dans la Silicon Valley, avec A3, un fonds de capital-risque à vocation mondiale qui investira dans des startups en Californie, mais aussi en France, en Allemagne, en Chine ou en Israël. Aujourd'hui, la ressource humaine qualifiée est la ressource la plus rare pour l'aéronautique : nous devons aller chercher les intelligences où elles sont.

Si nous sommes mondialisés, nous sommes également très territorialisés. Dirigeants et salariés sont particulièrement attachés au groupe, mais ils partagent aussi un esprit cocardier : chaque établissement, laboratoire ou atelier est fier de son travail là où il est effectué. Chacun des sites est localisé et non mondialisé.

La trajectoire du projet OneWeb n'a pas été modifiée. La deuxième levée de fonds s'est bien passée. Nous avons engagé le cycle de réalisation des satellites. Ce type d'aventure nous ramène à l'esprit pionnier des origines. Airbus a commencé avec quatre personnes dans un bureau, qui rêvaient de fabriquer un avion commercial – ce sera l'A300. Aujourd'hui, l'horizon d'Airbus est dégagé, mais nous devons être prêts, et nous le sommes. Nous sommes motivés et engagés. Nous voulons réussir, et nous en avons les moyens, car, sans fanfaronner, nous avons les meilleurs ingénieurs, que nous recrutons partout.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Marwan Lahoud, nous vous remercions pour l'ensemble de vos propos. Nous avons bien noté que vous nous transmettrez des informations qui nous permettront d'assurer, d'ici la fin de la législature, un suivi des négociations sociales et de l'évolution de votre groupe.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 18 janvier 2017 à 16 h 15

Présents. - M. Yves Blein, M. Christophe Borgel, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Frédérique Massat, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Éric Straumann

Excusés. - M. Damien Abad, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, Mme Michèle Bonneton, M. Yves Daniel, Mme Fanny Dombre Coste, M. Georges Ginesta, M. Jean Grellier, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Catherine Troallic