Séance en hémicycle du 2 février 2017 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de Mme Huguette Bello, M. André Chassaigne et plusieurs de leurs collègues visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer (nos 4348, 4403).

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Ce matin, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur de la commission des affaires sociales.

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Je ferai trois observations. Premièrement, je remercie tous les intervenants, de tous les groupes politiques, pour avoir marqué leur attachement à la revalorisation des pensions agricoles, en dépit des divergences réelles quant au financement de cette revalorisation. Ce matin, des propositions ont été faites à cet égard : je laisserai M. le ministre s’exprimer sur ce point, car je ne peux me faire le porte-voix de la politique gouvernementale.

Je remercie plus particulièrement, parmi tous les députés qui ont suivi ce texte, les membres de la commission des affaires sociales. Il y a eu une bonne mobilisation, un véritable intérêt. Je remercie en outre les services de l’Assemblée nationale, qui ont accompli un excellent travail à mes côtés, en particulier pour la rédaction du rapport. Je tenais à le dire : toute cette mobilisation montre que ce texte répond à une véritable attente.

Deuxièmement, en dépit du renouvellement de l’Assemblée nationale, qui aura lieu au mois de juin prochain – je crois que cela n’a échappé à personne –, et du renouvellement pour moitié du Sénat au mois de septembre prochain, le texte que nous adopterons aujourd’hui continuera son itinéraire parlementaire. Il pourrait très bien être étudié au Sénat dès la reprise des travaux, et revenir à l’Assemblée nationale pour y être de nouveau examiné, dans le cas où le Sénat ne l’aurait pas adopté conforme.

Ce n’est donc pas un texte pour rien : il prend place dans un processus qui restera en mouvement. J’espère aussi, comme certains l’ont dit, qu’il sera pris en compte dans les différentes campagnes électorales, qu’il sera défendu par l’ensemble des candidats aux élections législatives, et même par les candidats à l’élection présidentielle. Tel est le sens de la métaphore que j’ai employée en parlant de « lanterne ». Pour employer une image plus rurale, je citerai un proverbe connu : « Si tu veux tracer ton sillon droit, accroche ta charrue à une étoile. » Si nous accrochons tous notre charrue à la même étoile, il nous sera plus facile d’aller au bout.

Troisièmement, je voudrais donner quelques précisions quant au taux actuel de la taxe sur les transactions financières, car je ne l’ai pas fait lors de mon intervention liminaire. Le taux de cette taxe a été porté de 0,2 % à 0,3 % par l’article 25 de la loi de finances de 2017. Le taux de la taxe additionnelle que nous proposons d’instituer par l’article 2 de cette proposition de loi serait quant à lui fixé à 0,1 % ; de sorte que la taxation des transactions financières passerait de 0,3 % à 0,4 %.

Je vous remercie tous pour votre engagement en faveur de ce texte.

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La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je voudrais réagir aux propos tenus lors de la discussion générale. Premièrement, il faut remarquer que cette question très importante pour les retraités agricoles est examinée à la veille d’une phase électorale où le débat politique sera très vif. Certes, il est normal que, dans nos discussions, chaque camp oppose à l’autre ses arguments. Toutefois, je voudrais corriger certains éléments donnés ce matin par M. Favennec et M. Viala : il n’y a pas 1 point, voire 2 points, comme l’a dit M. Viala, de hausse des cotisations. Ce n’est pas vrai : la hausse est de 0,5 point.

Malheureusement, les retraités qui assistaient à nos débats ce matin ne sont plus présents cet après-midi, mais je tenais à rectifier vos propos sur ce point. Vous pouvez très bien ne pas être d’accord avec nous, opposer votre analyse à la nôtre, mais vous ne pouvez pas dire des choses fausses.

Deuxièmement, vous nous reprochez de ne concrétiser les promesses de M. Hollande qu’à la fin de ce quinquennat, par une proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Je vous rends votre politesse : en quinze ans, la droite a-t-elle a déposé une seule proposition de loi sur la question des retraites agricoles ? Non ! Vous pouvez bien nous donner des leçons ; mais vous vous exposez à en recevoir en retour !

J’ai mis en application ce qu’avait promis le chef de l’État, et les mesures que nous avons prises sont à moitié financées par la solidarité. J’ai parlé de la hausse de 0,5 point des cotisations : il faut rappeler, dans le même temps, que depuis que nous sommes arrivés aux responsabilités, les cotisations familiales et d’assurance maladie ont baissé de 10 points pour l’agriculture, soit 1,3 milliard d’euros de baisse de cotisations. Je tiens à le rappeler : nous ne sommes pas là pour augmenter les charges de l’agriculture, et nous avons traité la question de la compétitivité.

Dernier point : vous avez évoqué tout à l’heure la question des régimes spéciaux qui, il est vrai, figure dans le programme adopté par l’UDI et par le parti Les Républicains. Mais il n’est pas seulement question de cela, dans ces programmes, il est aussi question de l’allongement de la durée de cotisation. Une partie de la revalorisation des petites retraites proposée par le candidat du parti Les Républicains s’appuie en effet sur un allongement de cinq ans de la durée de cotisation. Le débat ne doit donc pas se limiter aux régimes spéciaux ; il doit aussi porter sur ces cinq années de cotisations supplémentaires pour tous !

Par ailleurs, vous proposez de réduire la dépense publique de 100 milliards d’euros, et vous expliquez que cela ne portera pas atteinte à la solidarité nationale. Mais comment ferez-vous ? Ce n’est pas possible ! Je regrette que tous les orateurs ne soient pas présents pour l’entendre, mais je tenais à le dire.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Dernier point, très important : certains d’entre vous ont dit que certains agriculteurs ne percevaient que 350 euros de retraite. C’est faux : s’ils touchent un tel montant, c’est qu’ils n’ont pas cotisé durant une carrière complète.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

La retraite minimale, pour une carrière complète, est en effet de 680 euros. Certes, ce n’est pas suffisant – c’est bien pour cela que la question de la revalorisation se pose – mais je répète qu’un montant de 350 euros ne correspond pas à une carrière complète. Ou alors, il s’agit d’une personne qui perçoit plusieurs pensions, dont seulement une est liée à l’agriculture.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Ce chiffre a été utilisé par le Front national, pour tenter de montrer que les retraites des immigrés seraient supérieures à celles des agriculteurs. Je veux donc le dire ici avec toute la force nécessaire : la somme de 350 euros ne peut correspondre à une retraite agricole pour une carrière complète.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Certes, on peut envisager une retraite agricole de ce montant, mais complétée – et c’est tant mieux – par d’autres régimes. Ou alors, il s’agit d’une carrière incomplète, pour une raison ou une autre. Je rappelle qu’il y a aujourd’hui 1,4 million de retraités agricoles de droit direct, dont 1 million bénéficient d’un avantage retraite dans un autre régime, et dont 500 000 ont eu une carrière principale non agricole. Je le répète : nous devons tous être clairs à propos de ces pensions de retraite agricole de 350 euros, car cela sert d’argument au Front national, avec les conséquences que cela peut avoir.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Voilà ce que je voulais dire pour répondre à la discussion générale de ce matin, qui a pour le reste été de grande qualité. Il y a des promesses d’amour ; maintenant, il faut des preuves. Moi, j’ai mis sur la table des preuves d’amour !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

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Plusieurs députés sont inscrits sur l’article. Je rappelle que le temps maximal pour une intervention sur un article est limité à deux minutes.

La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

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Je n’ai pas pu m’exprimer dans le cadre de la discussion générale, tant les demandes d’intervention étaient nombreuses et le temps limité – ce qui prouve l’intérêt des députés pour cette question, ce dont je me réjouis. Aussi interviendrai-je sur les deux premiers articles de ce texte.

Les retraités agricoles sont parmi les plus mal lotis, aujourd’hui comme hier. Pourtant, je tiens à le souligner d’emblée, depuis 2012, 900 millions d’euros auront été consacrés à la revalorisation des retraites agricoles. Les engagements du Président de la République François Hollande seront tenus à la fin de ce quinquennat.

Mais si nous sommes réunis, aujourd’hui, c’est pour aller plus loin. Je tiens, à cet égard, à remercier M. André Chassaigne, président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et rapporteur de la commission des affaires sociales sur ce texte, pour cette proposition de loi. Je tiens également à rendre hommage à notre collègue Germinal Peiro qui, depuis plus de vingt ans, mène un combat en faveur du monde agricole.

Par l’article 1er, vous proposez de porter la garantie minimale de retraite à 85 % du SMIC à compter du 1er janvier 2018. C’est une bonne mesure, que je soutiens ; elle est très attendue par les retraités agricoles. C’est une revendication forte de tous les syndicats agricoles et de l’ANRAF – l’Association nationale des retraités agricoles de France. Et puisque nous parlons de retraites, je salue aussi le coup de pouce très significatif voté en décembre 2016 à l’initiative de Valérie Rabault en faveur des retraités modestes, qui concerne de facto les retraités agricoles.

Nous avons en effet voté une baisse importante de la CSG à compter du 1er janvier 2017, qui représente un gain moyen de 38 à 46 euros par mois, soit 456 à 552 euros par an : ce n’est pas rien ! Je suis fière de cette décision, votée dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2017.

Vous l’aurez compris : nous devons adopter ce texte, non pas pour nous donner bonne conscience, mais tout simplement parce que nous le devons au monde agricole, nous le devons aux retraités agricoles, nous le devons aux conjoints des exploitants agricoles, nous le devons aux outre-mer.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Je me réjouis, moi aussi, de l’examen de cette proposition de loi dont M. le président Chassaigne a été à l’initiative. Comme l’a rappelé Mme Pires Beaune, ce faisant, il rejoint le combat que mène Germinal Peiro depuis vingt ans.

Comme vous le savez, en matière fiscale, le diable se cache dans les détails : en l’occurrence, il s’agit des modes de revalorisation. Je souhaitais modifier, par amendement, la proposition de loi sur ce point. Toutefois, comme cela a été rappelé ce matin, l’article 40 de la Constitution interdit aux parlementaires d’augmenter les charges publiques. J’ai donc déposé l’amendement no 18 pour que nous soyons sûrs que le montant de 85 % du SMIC sera revalorisé chaque année en fonction de l’inflation. Pour la retraite de base, c’est déjà le cas, mais pour la retraite complémentaire, cela relève du domaine réglementaire ; les ministres de l’agriculture successifs pourraient donc revenir, par décret, sur cette revalorisation.

Je demanderai donc au Gouvernement de s’engager, devant le Parlement, à ce que le montant de 85 % du SMIC soit revalorisé avec l’inflation. Faisons un rapide calcul actuariel : sans revalorisation ni de la retraite de base ni de la retraite complémentaire, compte tenu de l’inflation, au bout de dix ans, le niveau minimal de retraite agricole ne serait plus égal qu’à 72 % du SMIC !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Le montant moyen des retraites agricoles reste très faible, malgré la mise en place en 2002 du régime complémentaire obligatoire. Je rappelle que, tous statuts confondus, le montant moyen des pensions s’élevait en 2010 à 706 euros par mois, et seulement 570 euros par mois pour les femmes.

Cela est nettement inférieur au seuil de pauvreté. Et ce montant est encore plus faible outre-mer. Il s’agit de retraites perçues par des agricultrices et des agriculteurs qui ont pourtant travaillé tout au long de leur vie, souvent 365 jours par an. Nous sommes confrontés à une question qui met à mal la cohésion sociale de notre pays, ce qui conduit des parts toujours plus larges de la société à douter de notre système de protection sociale, et à créer un sentiment d’injustice.

La proposition de loi qui nous est soumise vise à s’attaquer à un problème grave et dont le règlement est urgent, d’une part, en relevant le minimum de la pension de retraite agricole à 85 % du SMIC au lieu de 75 % actuellement, et, d’autre part, en proposant que le minimum de pension agricole en outre-mer soit aligné sur celui de la métropole.

Je note au passage que l’article 2 propose une disposition intéressante sur le financement de ces mesures puisque cela ne demanderait pas un effort nouveau aux actifs agricoles. À ce propos, nous, écologistes, souhaitons vivement que le gouvernement français soutienne au niveau européen la taxe sur les transactions financières à un taux suffisant. Nous soutenons cette proposition de loi et souhaitons qu’elle aboutisse le plus vite possible.

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Cette proposition de loi, que je voterai – je remercie moi aussi Mme Bello et M. Chassaigne –, est une reconnaissance du travail des agriculteurs. On l’a dit à moult reprises ce matin, mais je veux à mon tour le dire. Il s’agit, disais-je, d’une reconnaissance du travail des agriculteurs, mais aussi de celui de leurs femmes ou de leurs veuves qui ont travaillé à leurs côtés et n’ont, pour la majorité d’entre elles, que de faibles ressources. Les retraités agricoles ont été soutenus par la majorité pendant ce quinquennat. En effet, dès 2014, les six engagements pris en ce domaine par le candidat François Hollande ont été mis en place, avec surtout la revalorisation des retraites agricoles qui atteignent aujourd’hui, cela a été rappelé, 75 % du SMIC.

Cette proposition de loi qui prévoit, à l’article 1er, une augmentation des retraites agricoles pour atteindre 85 % du SMIC, s’inscrit dans la continuité du travail accompli par le ministre de l’agriculture, M. Le Foll, que je salue et que je remercie pour sa mise au point au début de cette séance. Ce texte répondra à l’attente des retraités agricoles, dont certains étaient présents ce matin, attentifs à nos décisions.

En Lot-et-Garonne, département rural où l’agriculture est la principale activité et le ferment de l’identité lot-et-garonnaise, nous avons toujours été à l’écoute des retraités modestes, plus particulièrement des retraités agricoles. Les agriculteurs ont été, sont et demeureront toujours ceux qui nourrissent nos concitoyens. Le gouvernement actuel ne l’a pas oublié, contrairement aux gouvernements des deux quinquennats précédents. Nous devons donc soutenir cette proposition de loi : tel sera mon vote.

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Je vous remercie pour cette proposition de loi, monsieur le rapporteur. Le Gouvernement a réalisé de satisfaisantes avancées pour les retraités agricoles depuis 2012, ce qu’il faut saluer. Mais force est de constater que ces efforts n’ont pas été suffisants. La plupart des retraités agricoles, notamment les femmes et, vous le soulignez, les Ultramarins, vivent encore dans une situation de pauvreté extrême. La pension mensuelle moyenne en métropole se situe autour de 760 euros – elle est encore nettement inférieure en outre-mer – ce qui est très inférieur aux pensions moyennes de base tous régimes confondus, et inférieur au seuil de pauvreté et au minimum vieillesse.

C’est avec constance que j’ai proposés, avec mes collègues écologistes, dans tous les textes où cela paraissait opportun, des amendements visant à revaloriser les retraites agricoles pour plus d’équité, en particulier s’agissant des femmes. Je tiens d’ailleurs à saluer le combat de l’ANRAF, spécialement celui de la section départementale de la Dordogne, ainsi que celui de la Confédération Paysanne Dordogne – plusieurs de leurs membres sont présents dans les tribunes.

Je souscris totalement à l’objectif de revalorisation des retraites agricoles à 85 % du SMIC à l’horizon 2018 et à son financement par une taxe sur les transactions financières, parce que c’est bien une décision de raison, monsieur le ministre. Le Gouvernement a lui-même reconnu l’échec de la mise à contribution des montages sociétaires qu’il envisageait. C’est regrettable car 2,2 milliards d’euros de revenus agricoles, tels qu’estimés à l’époque, échappent toujours au prélèvement social via les dividendes versés aux membres de sociétés agricoles hors GAEC – groupements agricoles d’exploitation en commun.

Par ailleurs, il faudra avancer, par voie réglementaire, pour rendre les cotisations plus justes. Aujourd’hui, les faibles revenus paient trop ! Et, inversement, les hauts revenus ne cotisent pas de façon proportionnelle ! Monsieur le ministre, notre coeur demande seulement la justice. J’espère que la majorité du Sénat permettra que cette proposition de loi soit votée conforme avant la fin de cette législature.

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Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je ne sais pas si je vais vous ravir ou vous désoler, mais j’ai constaté qu’il n’y avait pas d’orateur du Front National ce matin, ni pour le moment cet après-midi... Je l’ai dit lors de la discussion générale : il faut absolument soutenir au moins la mesure prévue à cet article car elle permettrait un plus grand bien. Elle ne manque toutefois pas d’inquiéter quand on connaît la situation dont la France est responsable s’agissant des conjoints et autres proches des agriculteurs. J’estime, au passage, que l’augmentation proposée n’est pas suffisante au regard de la générosité de l’État envers ceux qui ne contribuent pas à l’effort national. Je tiens à rappeler encore une fois les niveaux effrayants des retraites de nombreux non-salariés agricoles, pour une bonne part en dessous des 500 euros.

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Il faut agir et vite. J’aimerais en revenir à mes interrogations sur le financement de la mesure,…

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… car le Gouvernement souhaite faire porter l’impéritie de trop de technocrates dans la gestion de ce régime dérogatoire sur la seule augmentation de l’impôt. Cela est inquiétant, car les retraites et les revenus de tout le secteur sont notoirement trop bas, et cela n’ira pas en s’améliorant tant que nous ne ferons pas retrouver au monde agricole de notre pays la place qui devrait être la sienne. C’est à l’État de se dépouiller d’une partie de ses dépenses inefficaces afin de réparer les errements de ce régime, et non aux exploitants déjà écrasés par de trop nombreux prélèvements obligatoires.

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La question des retraites agricoles, chacun le mesure ici, met l’accent sur la précarité persistante et injuste du revenu agricole. C’est le paradoxe d’une profession qui a pourtant contribué considérablement à l’économie française, qui en relève encore les enjeux les plus importants, que ce soit la sécurité et la qualité alimentaires ou encore la ruralité, et dont les revenus restent désespérément au niveau le plus bas.

Le groupe Les républicains soutiendra bien sûr cette proposition de loi, qui s’inscrit dans l’effort qu’ont mené tous les gouvernements. Mais elle reste indubitablement insuffisante car si l’objectif est de porter à 85 % du SMIC le taux plancher, il faut le mettre en perspective avec le montant de ces retraites, encore autour du seuil de pauvreté.

Si la question du financement est essentielle, je voudrais l’élargir, monsieur le ministre, en précisant que le relèvement des pensions est autant une mesure de justice sociale que d’équilibre pour la société, et qu’elle concerne l’avenir d’une profession. je le dis avec gravité car on voit le découragement dans des régions telles que la mienne, le Pays d’Auge. Je pense non seulement aux retraités actuels, mais également aux agriculteurs qui vont, après des années de crise au cours desquelles leurs revenus ont baissé considérablement, prendre leur retraite et être confrontés à une pension en moyenne excessivement basse.

Je souhaite également, à mon tour, élargir le débat aux femmes. C’est très important. Je pense à celles qui touchent 540 euros, à celles qui sont dans le système des polyretraites que vous avez évoqué et qui, après par exemple douze ans de travail dans une exploitation, touchent quelques euros par mois parce qu’elles n’ont pas bénéficié du statut de conjoint collaborateur.

Il faudrait également élargir la réflexion à tout ce qui concerne la convergence des retraites : adaptation du cumul emploi-retraite, maintien à domicile, allégement des contraintes, soit tout ce qui devrait permettre aux agriculteurs concernés de s’en sortir.

Je conclurai en disant qu’il faut penser l’agriculture au regard non seulement de sa compétitivité, mais aussi de l’élément humain. Sinon, on ne pourra pas tenir avec un déséquilibre aussi sensible.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Je veux porter ici la voix du monde agricole. On a souligné, dans la discussion générale, la faiblesse des pensions après le labeur de toute une vie, mais il y a aussi – M. le ministre l’a rappelé – l’enjeu de l’équilibre du régime. Il était à cet égard important de proposer des solutions, mais je note que nous avons tenu nos engagements lors de cette législature en arrivant en 2017 à 75 % du SMIC pour les chefs d’exploitation ayant effectué une carrière complète, et je rappelle que la loi de 2014 a aussi étendu la pension de réversion au conjoint d’un chef d’exploitation bénéficiaire de la RCO – retraite complémentaire obligatoire – à titre gratuit et étendu les droits combinés au régime des non-salariés agricoles.

Toutefois, malgré ces améliorations, il reste encore du chemin à parcourir. Je suis issu d’une famille d’agriculteurs et je sais combien il est difficile, après de longues années de labeur, de bénéficier d’une retraite suffisante. Je pense aussi aux conjointes d’agriculteurs, de même qu’à celles des artisans et des autres travailleurs indépendants, conjointes dont le travail important n’est toujours pas reconnu au regard des sommes qui leur sont versées lors qu’elles touchent la retraite.

Revaloriser les retraites agricoles est bien une nécessité. Nous devons remercier le rapporteur pour avoir défendu cette proposition de loi qui propose, en son article 1er, une revalorisation à hauteur de 85 % du SMIC. Il faudra sans doute aller encore plus loin, mais il faut dès aujourd’hui affirmer notre soutien à la ruralité et au monde agricole, et montrer notre reconnaissance pour le travail fourni au service de l’aménagement des territoires, des territoires eux-mêmes à travers l’aménagement des espaces, mais aussi parce qu’il répond à la nécessité de nourrir nos populations.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Il est vrai que ce texte apparaît opportun alors qu’il intervient dans un contexte particulièrement sordide pour les agriculteurs…

Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain

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… au regard du taux de suicide qui frappe la profession.

Le minimum retraite agricole dans notre pays est en effet scandaleusement bas, d’un montant moyen de 766 euros mensuels, inférieur de 10 % au seuil de pauvreté et trois fois inférieur à la moyenne de celui de l’ensemble des régimes. Une telle disparité constitue une grave injustice à l’encontre d’une profession qui n’est autre que le poumon de notre nation et le garant de son indépendance alimentaire. Il est dès lors bienvenu de rehausser le minimum retraite des agriculteurs à 85 % du SMIC, mais les pouvoirs publics devraient déjà appliquer dans les meilleurs délais l’objectif d’une retraite à 75 % du SMIC puisque je rappelle que ce taux, inscrit dans la loi Peiro du 2 mars 2002, n’a jamais été appliqué, faute de financements dédiés. Il n’y a jamais eu d’efforts budgétaires durant les quinquennats Chirac-Sarkozy pour l’atteindre. Je soutiendrai donc cette proposition, d’autant que des mesures sont aussi prévues pour les non-salariés agricoles d’outre-mer.

Par ailleurs, le déséquilibre entre le nombre d’actifs et de retraités va encore s’accentuer dans les années à venir, amplifié par une crise structurelle subie par l’agriculture française. C’est un sujet que nous devons aborder mais qui ne peut être traité exclusivement par le biais des retraites, car il faut aussi prendre en compte le contexte dans lequel travaillent aujourd’hui nos agriculteurs. Je pense en particulier à la concurrence déloyale à laquelle ils sont confrontés et que les pouvoirs publics devraient évidemment traiter par la remise en cause des institutions européennes.

L’article 1erest adopté.

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Je suis saisi d’un amendement, no 18 , portant article additionnel après l’article 1er.

La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le soutenir.

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N’ayant pas la possibilité en tant que parlementaires d’augmenter les charges publiques, nous ne pouvons décider dans ce texte d’une revalorisation automatique en fonction de l’inflation du montant du taux de pension que nous allons voter. La retraite de base est, elle, revalorisée automatiquement, mais pas la retraite complémentaire dont la revalorisation doit faire l’objet d’un décret. Aussi, je propose que lors de chaque loi de finances, un petit paragraphe figurant dans les documents budgétaires qui nous sont remis précise exactement si cette revalorisation a été, oui ou non, opérée de manière à pouvoir bien maintenir dans le temps l’objectif de 85 % du SMIC.

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Il est bien évidemment favorable, puisque l’adoption de cet amendement permettrait de faire toute la transparence sur la réalité de la revalorisation des pensions agricoles.

En outre, cela permettrait de répondre à une interrogation formulée lors des auditions que j’ai pu mener, en particulier par l’ANRAF, au sujet de l’indexation sur le niveau de l’inflation ou sur le SMIC. Une telle indexation pourrait en effet conduire en fait à un décalage, et donc à une perte de revenu. Il est par conséquent important que, compte tenu de ce risque, on puisse tout à la fois faire toute la transparence, éviter que le revenu des retraités agricoles ne subisse une érosion et retenir la bonne base d’indexation.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Madame la rapporteure générale, par cet amendement vous demandez au Gouvernement d’évaluer l’évolution, par rapport au taux inscrit, de la réalité de la revalorisation des retraites sachant que celle-ci peut varier selon le niveau d’inflation, voire selon l’évolution du SMIC.

Cette question mériterait d’ailleurs d’être posée de manière structurelle. On peut en effet imaginer, compte tenu des calculs liés au SMIC, que celui-ci évolue et qu’après chacune de ses évolutions, il y ait besoin – ou pas, en fonction des coûts induits – de revaloriser les retraites agricoles. C’est un vrai sujet qui mérite une réflexion à cette aune-là : tout coup de pouce au SMIC aurait une conséquence sur la valeur du pourcentage – de 75 % ou de 85 % – de son montant.

Par conséquent, je suis plutôt favorable à cette idée qui consiste à demander au Gouvernement une évaluation régulière afin de pouvoir actualiser, ou pas – en fonction des moyens qu’il faudra mobiliser – le montant des retraites agricoles.

En effet, à chaque fois que l’on rencontre des problèmes de ce type, les conséquences financières peuvent être extrêmement importantes. Donc, avis favorable à l’amendement.

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Cette proposition me paraît également extrêmement intéressante. Elle sera en effet utile au Parlement et à la Conférence annuelle des retraités agricoles que le Gouvernement s’est engagé à convoquer et qui avait été demandée par l’ANRAF comme par la Confédération paysanne. Cette Conférence permettra chaque année de faire le point et nous évitera, à l’avenir, de subir une situation semblable à celle des dix années qui ont suivi la loi Peiro.

L’amendement no 18 est adopté.

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Nous en venons aux orateurs inscrits sur l’article 2.

La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

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La Cour des comptes, dans un rapport relativement récent, écrivait :« La cause de la faiblesse des retraites agricoles réside dans un défaut de cotisants : en cinq ans, le nombre des exploitations agricoles a en effet été divisé par quatre. » En conséquence, le régime agricole compte un actif pour 3,7 retraités, contre 0,7 dans le régime général.

Si l’on ajoute à cette évolution une baisse du revenu agricole, et donc de la base soumise à cotisations, on comprend pourquoi ce régime est déficitaire. Les prix à la production sont tellement bas, sans d’ailleurs que le consommateur en bénéficie, que nombre d’exploitations continuent à disparaître. Pis, le nombre de suicides liés aux conditions de travail est, dans cette profession, dramatiquement élevé.

Pour financer le relèvement du niveau minimum de retraite agricole à 85 % du SMIC, il faut trouver une nouvelle source de financement. Celle figurant dans la proposition de loi originelle n’a finalement pas été retenue. Vous proposez donc, monsieur le rapporteur, une autre piste : la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières de 0,1 %, ce qui me semble tout à fait soutenable. Le monde de la finance participerait ainsi, et de manière tout à fait modeste, au financement des retraites agricoles. Qui s’en plaindra ? Ni moi, ni les très nombreux retraités agricoles, dont ceux du Puy-de-Dôme, et notamment des Combrailles qui ont assisté à nos travaux ce matin dans l’hémicycle.

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Cet article 2 pose la question du financement à laquelle un certain de réponses ont d’ores et déjà été apportées. Lors de la discussion budgétaire de l’automne dernier, la commission des finances avait adopté à une très large majorité un amendement de Joël Giraud qui visait à augmenter la taxe sur les boissons sucrées.

Je regrette, pour ma part, que le Gouvernement n’ait pas souhaité donner un avis favorable à cet amendement qui, même s’il ne couvrait pas la totalité du montant en jeu, aurait généré 80 millions d’euros de recettes fiscales, somme qui aurait été bienvenue dans les caisses de la Mutualité sociale agricole.

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La retraite complémentaire obligatoire a été créée en 2002, sous un gouvernement de gauche – c’est toujours important de le préciser – par la loi Peiro. Cette réforme a permis aux agriculteurs chefs d’exploitation de disposer d’un complément de retraite. Depuis 2014, les conjoints, comme les aides familiaux, ont pu bénéficier de l’extension de cette RCO.

Je profite de mon intervention pour saluer le travail de ces femmes, les conjoints, comme des aides familiaux : peu reconnu par le passé dans le secteur agricole, il est particulièrement intense. Comme vous le savez, ces femmes n’hésitent en effet pas à cumuler deux, voire trois journées de travail, liant travaux des champs et tâches domestiques comme familiales.

Il est important, aujourd’hui, que l’égalité entre les hommes et les femmes ne soit pas un vain mot et que ce texte devienne une belle loi qui nous permettra, précisément, d’agir afin que ces hommes et ces femmes qui se sont hier investis puissent bénéficier aujourd’hui d’une reconnaissance.

Depuis 2013, 285 millions d’euros ont d’ores et déjà été investis dans le cadre du Plan retraites agricoles. La proposition du rapporteur, adoptée par la commission des affaires sociales, consiste à instituer une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières, dont le taux est fixé à 0,1 %. C’est à mon sens une solution équitable : la finance contribuerait ainsi, dans une logique de redistribution, aux retraites agricoles.

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Je salue également la délégation importante de retraités agricoles présente dans les tribunes. Nous sommes amenés à débattre aujourd’hui, avec cet article 2, du sort des agriculteurs et de leurs pensions de retraite. Cela me donne l’occasion de rendre hommage à leur travail, à leurs efforts. Ceux-ci doivent être justement rémunérés : c’est le sens de l’action quotidienne du Gouvernement en vue d’encadrer le prix des matières premières et de réguler les relations commerciales avec la grande distribution.

Ces efforts doivent également être valorisés par la société grâce à des pensions de retraite décentes. De ce point de vue, la proposition de revalorisation du groupe de la Gauche démocrate et républicaine est bienvenue.

L’article 2 vise à réaliser un véritable progrès : assujettir les revenus financiers des sociétés liées au secteur agricole à une contribution d’assurance-vieillesse complémentaire. Il s’agit d’une question de justice : ces sociétés profitent en effet du travail, des récoltes et de l’élevage des agriculteurs. Elles doivent donc contribuer à leur assurer une retraite décente.

Je voterai dès lors naturellement cet article, comme l’ensemble de la proposition de loi. Je rappelle toutefois une réalité : ce texte s’inscrit dans le prolongement d’efforts importants consentis par le Gouvernement.

C’est sous le gouvernement de Lionel Jospin, et grâce à la loi à laquelle notre collègue, que je vais citer une nouvelle fois, même s’il l’a déjà été maintes fois aujourd’hui,..

Sourires.

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…a donné son nom, Germinal Peiro, qu’un système de retraite complémentaire obligatoire fut instauré. Dans un système contributif, c’est en augmentant le revenu des agriculteurs que nous pourrons améliorer durablement leurs pensions de retraite.

Je tiens à rappeler, monsieur le ministre, tous les efforts menés depuis cinq ans par notre majorité pour garantir une rémunération aux agriculteurs et les soutenir en cas de crise. Ce fut notamment le cas, dernièrement, en Dordogne pour les éleveurs de palmipèdes.

Pour conclure, je ne voudrais pas que l’adoption de cette proposition de loi masque les nombreuses avancées déjà réalisées en la matière.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Le déficit structurel lié aux retraites agricoles est le fruit des politiques agricoles menées ces dernières décennies visant à concentrer au maximum les exploitations agricoles et à faire baisser le prix de l’alimentaire dans la consommation des Français, avec une efficacité variable selon les secteurs.

Par ailleurs, le financement des pensions de retraite agricoles par les seuls actifs du secteur est obsolète au regard de la baisse continue, ces dernières décennies, du nombre de cotisants, qui pose d’ailleurs la question du devenir de la Mutualité sociale agricole – MSA.

Il est donc tout à fait légitime de financer ces retraites par d’autres biais que les cotisations des actifs. Cependant, au vu de la crise du secteur, il n’apparaît pas opportun de cibler les entreprises agricoles. En effet, le para-agricole, l’agro-fourniture et l’agro-alimentaire de première transformation pâtissent de la mauvaise conjoncture. Par ailleurs, les productions agricoles destinées à la transformation sont d’ores et déjà assujetties à une forme de prélèvement, via les contributions volontaires obligatoires versées à divers organismes paritaires ou syndicaux.

S’acheminer vers une taxation des transactions financières, conformément au dispositif voté en commission des affaires sociales, me semble une meilleure solution. Nous aurions cependant dû, peut-être, réfléchir à une taxation de la grande distribution.

Enfin, les retraites et la question de leur financement ne doivent pas occulter le véritable problème : celui des salaires des exploitants agricoles. En 2015, un tiers des agriculteurs touchait un salaire de 354 euros par mois et la MSA a reçu, en 2016, 200 000 demandes de RSA concernant un tiers des exploitants et deux tiers des salariés agricoles.

Il serait donc utile de ne pas traiter exclusivement des conséquences et de s’intéresser aussi aux causes en mettant en place une véritable politique nationale agricole et un patriotisme économique protecteur dans un cadre mondial et européen ultra-concurrentiel.

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Nous exportons 40 % de notre production agricole !

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je vais répondre à Mme Marion Maréchal-Le Pen, car j’en rarement l’occasion.

Madame la députée, tout d’abord, s’agissant de l’origine française des produits, ce qui a été mis en place avec « Viandes de France », et maintenant un étiquetage sur les produits transformés, permet au consommateur de faire des choix et d’acheter des produits issus de l’agriculture française grâce à l’existence d’une charte qui précise que les animaux sont nés, élevés, abattus et transformés en France. C’est unique en Europe ! D’ailleurs, seule la France mène aujourd’hui une telle expérimentation : elle sera ensuite copiée par quatre pays. Donc le patriotisme que vous évoquez, on peut toujours s’en réclamer dans les discours, mais, là encore, il y a ceux qui parlent et ceux qui font.

Ensuite, vous dites qu’il suffirait de se protéger, de bien s’enfermer à l’intérieur de nos frontières.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

C’est un très bon exemple ! Vous verrez en effet qu’au bout de quelques mois, un certains d’entreprises commenceront à dire : halte au feu.

Je prendrai l’exemple de la viande porcine : lorsque la crise de 2015-2016 a frappé le secteur, vous semblez dire que les maillons de la transformation connaissaient de nombreuses difficultés. Or, lorsque j’ai fait remonter le prix au marché de Plérin, grâce à des négociations et à un accord inter-professionnel, ce sont des acteurs importants, notamment des abattoirs privés et des coopératives, qui ont remis en cause ce prix. Je m’en souviens très bien.

Aujourd’hui, le cours du porc remonte – tant mieux ! – et cela a deux effets. Premier effet : le label Le Porc Français, qui est lié à Viandes de France, trouve désormais un débouché sur le marché français. Regardez dans tous les rayons de la grande distribution et vous remarquerez ce fameux logo représentant l’Hexagone aux couleurs bleu-blanc-rouge. En deux ans – il a été mis en place, à ma demande et avec le président de l’Association nationale inter-professionnelle du bétail et des viandes, plus connue sous l’appellation d’Interbev –, la plupart des produits concernés arborent ce même logo.

Nous allons poursuivre cette démarche avec les produits transformés, mais une partie de la remontée du cours du porc s’explique par celle de la demande du marché chinois. Madame la députée, faites comme vous voulez, mais ne dîtes pas qu’il suffirait de fermer les frontières pour régler le problème des prix, car vous mentiriez !

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je vous précise que sur les 28 milliards – 25 ou 26 milliards en réalité, la production laitière ayant quelque peu baissé – de litres de lait que produit la France, 7 à 8 milliards sont exportés. Si vous voulez, que ces 7 à 8 milliards de litre de lait soient consommés en France, je vous invite à boire tous les matins un grand bol de lait !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 9 .

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Favorable.

L’amendement no 9 est adopté.

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La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 8 .

L’amendement no 8 est adopté.

L’article 2, amendé, est adopté.

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Je suis saisi d’un amendement no 1 , portant article additionnel après l’article 2.

La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir cet amendement.

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La taxe visée à l’article 1605 nonies du code général des impôts a été créée en 2010. Elle porte sur les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de terres agricoles.

Le produit de cette taxe alimente un fonds destiné à faciliter l’installation des jeunes agriculteurs, et son taux est très faible puisqu’il s’établit à 5 % lorsque le rapport entre le prix de cession et le prix d’acquisition est compris entre 10 et 30, et à 10 % lorsque ce rapport est supérieur à 30.

L’objet du présent amendement est de revoir ces taux à la hausse, comme cela avait d’ailleurs été envisagé, en 2015, lors de discussion parlementaire du projet de loi d’avenir pour l’agriculture. Depuis, trois lois de finances ont été adoptées, mais les taux sont restés identiques.

Selon le service statistique du ministère de l’agriculture, ce sont 71 800 hectares qui ont été artificialisés entre 2005 et 2010, et près de 50 000 hectares par an depuis 2010.

Dans les outre-mer aussi, la diminution du foncier est impressionnante, puisque la surface agricole utile a diminué de plus de 30 % en Guadeloupe et en Martinique, et de 15 % à La Réunion. Ce changement d’usage, souvent passé sous silence, est généralement irréversible. L’une de ses conséquences directes est que, selon une formule des agriculteurs que je reprends bien volontiers, « la terre ne cotise plus pour les retraites ».

Aussi cet amendement était-il suivi, à l’origine, d’un deuxième visant à affecter une partie du produit de la taxe au financement de l’assurance vieillesse complémentaire obligatoire ; mais cette dernière mesure a été déclarée irrecevable au titre de l’article 40. L’articulation entre l’augmentation de la taxe et les retraites ne pourra pas se faire dans l’immédiat. Je vous invite toutefois, mes chers collègues, à franchir la première étape en adoptant d’ores et déjà cet amendement no 1 .

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Favorable : l’augmentation proposée nous semble possible au vu de la faiblesse des taux dans le droit en vigueur – respectivement 5 % et 10 %.

Par ailleurs, la recette générée serait bienvenue au regard de l’enjeu du financement des mesures destinées au secteur agricole, qu’il s’agisse de l’installation des jeunes ou des retraites. Le rendement de cette taxe créée en 2010 est évalué à 12 millions d’euros par le Gouvernement.

Lors des débats sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, en janvier 2014, notre collègue Germinal Peiro – encore lui (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) –, rapporteur du texte, et M. le ministre Stéphane Le Foll avaient souligné la pertinence de cette mesure.

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Laquelle ?

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Celle dont nous discutons à travers l’amendement, monsieur le ministre.

Vous-même et M. Peiro, disais-je, aviez renvoyé son examen à la loi de finances à venir ; or cet examen n’est jamais intervenu depuis. Nous vous rendons donc un service, aujourd’hui, en réglant le problème avec l’amendement en discussion.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je veux revenir sur un point de nos débats précédents. La décision qui a été prise de taxer les flux financiers relève de la loi de finances ou de la loi de financement de la Sécurité sociale. Je ne puis donc, en tant que membre du Gouvernement, vous donner mon accord sur la création d’une taxe dans le cadre d’une proposition de loi relative aux retraites agricoles. Je me dois de le préciser, monsieur le président, car vous aviez mis aux voix l’amendement no 8 en sous-entendant que mon avis ne pouvait qu’être favorable, ce qui ne peut donc être le cas.

Quant à la taxe dont nous parlons, relative à la cession de terrains, elle finance un fonds dédié aux jeunes agriculteurs : si vous décidez de l’augmenter et de l’utiliser à d’autres fins que celle-ci, les jeunes agriculteurs y verront une diminution des ressources finançant la DJA – dotation aux jeunes agriculteurs –, puisque cette taxe finance ces mesures d’aide à l’installation. Il me paraît donc très délicat de toucher à une telle taxe pour l’orienter vers le financement des retraites. Cela pose une question de fond au regard du renouvellement des générations.

Ensuite, le rapporteur a raison de le rappeler, le changement de destination des terres – de l’agriculture vers l’emprise urbaine – est soumis à une taxe, celle dont nous parlons : comme je l’avais dit lors des débats sur le projet de loi d’avenir, c’est un sujet sur lequel nous devons nous pencher. Le relèvement de cette taxe, notamment, permettrait-il de limiter l’artificialisation des terres agricoles ? C’est là un vrai sujet.

Je ne puis toutefois être d’accord avec une augmentation de cette taxe, dont je répète qu’elle sert à financer les politiques d’installation, et le transfert de son produit vers le financement des retraites agricoles. Cela me semble poser problème.

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L’amendement no 8 , monsieur le ministre, était rédactionnel : nous ne sollicitions pas, à travers lui, votre avis sur la création d’une nouvelle taxe sur les transactions financières ; il s’agissait seulement du bon usage de la langue française. La taxe est prévue par l’article 2, mais l’amendement no 8 , lui, était seulement rédactionnel : il traduisait le respect dû à notre langue et à sa beauté, et visait à l’équilibre de la rédaction.

« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Votre avis sur l’amendement no 1 est bien défavorable, monsieur le ministre ?

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Deux amendements rédactionnels ont été précédemment adoptés ; le second portait sur l’affectation d’une partie de la taxe additionnelle sur les transactions financières à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole. C’est bien ce transfert vers un organisme de sécurité sociale et de retraite qui pose problème. Je ne puis émettre un avis favorable à une telle mesure, au regard des règles applicables à un Gouvernement dont je suis membre. Le problème n’est pas rédactionnel : il porte sur le fond.

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C’est bien noté, monsieur le ministre. Et votre avis sur l’amendement no 1 de Mme Bello est donc bien défavorable.

La parole est à M. Michel Issindou.

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Je souscris aux propos du ministre : on ne peut affecter une partie de la taxe qui finance l’installation des jeunes agriculteurs au financement des retraites.

J’ajoute que le produit d’une telle taxe se limiterait à 15 millions d’euros : la somme n’est pas négligeable, mais quand même fort éloignée des financements attendus pour garantir un niveau minimal de pension à 85 % du SMIC.

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J’émettrai quelques réserves sur votre amendement, madame Bello, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, la taxe visée est essentiellement destinée à l’accompagnement de l’installation, non aux aides à l’installation. De plus, des questions se posent sur la répartition de son produit, lequel alimente surtout un syndicat agricole qui n’a pas la primeur en matière d’installation.

La seconde réserve est celle que vient d’exprimer M. le ministre : en visant cette taxe, sur laquelle reposerait alors l’augmentation des pensions de retraite, on risque d’encourager la transformation de terres agricoles en terrains urbains. Cela me paraît très dangereux, et mérite à coup sûr une longue réflexion.

Grâce à une disposition précédemment adoptée, un rapport nous permettra d’observer, chaque année, l’évolution des pensions de retraite : nous aurons donc l’occasion de reparler du sujet.

L’amendement no 1 n’est pas adopté.

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Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 3.

La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.

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L’article 3 prévoit l’attribution automatique de points gratuits de retraite complémentaire agricole pour les non-salariés agricoles ultramarins lorsque le taux de 75 % du SMIC net n’est pas atteint.

La commission des affaires sociales a adopté, sur cet article, deux amendements du rapporteur : le premier tendait à préciser l’application du dispositif pour les seules collectivités ultramarines ; le second, visait à clarifier la portée de l’article, qui n’a donc pas pour objet d’étendre la garantie d’un niveau de pension à 75 % du SMIC à d’autres personnes que les chefs d’exploitation.

S’agissant des niveaux de retraite, inférieurs en outre-mer, il faut rappeler que le régime d’assurance vieillesse a été mis en place en 1964, soit neuf ans après la métropole. Les écarts de pension entre exploitants agricoles ultramarins et métropolitains tiennent principalement au fait que les premiers ont eu des carrières incomplètes. Les règles d’assujettissement et de calcul des cotisations en outre-mer sont différentes de celles appliquées en métropole.

Malgré tout, je tiens à saluer le fait que le plan de revalorisation des petites retraites agricoles s’applique en outre-mer dans les mêmes conditions qu’en métropole. De plus, la mission d’expertise confiée à l’IGAS – Inspection générale des affaires sociales – et au Conseil général de l’agriculture concerne aussi bien la métropole que l’outre-mer.

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Je veux avant tout saluer chaleureusement l’initiative du groupe GDR, et tout particulièrement la proposition de loi de notre collègue Huguette Bello, députée de La Réunion.

Il faut aussi saluer, comme on l’a fait, les avancées obtenues au cours de la présente législature, notamment le plan de revalorisation des petites retraites agricoles pour 2012-2017, qui témoigne d’un véritable engagement du Gouvernement auprès du monde agricole.

Au nom de la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale, je me félicite que les propositions nos 28 et 29 du rapport consacré aux agricultures des outre-mer, que nous avons rendu avec notre collègue Hervé Gaymard en novembre 2013, soient partiellement reprises et trouvent ainsi, aujourd’hui, une première traduction législative concrète.

Pour mémoire, la proposition no 28 préconise de revaloriser, à terme, les retraites des exploitants agricoles ultramarins, de façon qu’elles ne puissent être inférieures au niveau du SMIC. La proposition no 29, elle, insiste sur la nécessité de rendre obligatoire, dans les outre-mer, l’adhésion des salariés agricoles à une ou plusieurs institutions de retraite complémentaire.

La proposition de loi dont nous discutons reprend partiellement ces deux propositions, en garantissant un niveau minimum de pension à 85 % du SMIC pour les chefs d’exploitation dans l’Hexagone, mais aussi et surtout à 75 % du SMIC dans les territoires d’outre-mer.

L’article 4, lui, prévoit d’étendre les régimes de retraite complémentaire aux salariés agricoles à l’ensemble des collectivités d’outre-mer, à l’instar des dispositions déjà applicables en Guyane et en Martinique.

Ces mesures, mes chers collègues, permettront d’améliorer les revenus et le quotidien de nos retraités agricoles ultramarins, et elles faciliteront la transmission et l’installation des jeunes agriculteurs.

Permettez-moi aussi de saluer à mon tour, au nom du monde paysan ultramarin, Germinal Peiro,

« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine

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pour le travail qu’il a accompli en sa faveur : permettez à une élue ultramarine de reconnaître ce travail, car les avancées et le plan dont je parlais profitent aussi aux outre-mer. Merci, donc, et bon vent.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Nous en venons aux amendements à l’article.

La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 11 .

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Sagesse.

L’amendement no 11 est adopté.

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La parole est à M. André Chassaigne, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 10 .

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Il est purement de sagesse.

Sourires.

L’amendement no 10 est adopté.

L’article 3, amendé, est adopté.

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La parole est à Mme Huguette Bello, pour soutenir l’amendement no 3 portant article additionnel après l’article 3.

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Cet amendement vise à offrir aux agriculteurs des régions d’outre-mer la possibilité, s’ils le souhaitent, d’indexer le calcul des cotisations dues au titre du RCO sur les revenus professionnels, comme le prévoit la loi de 1990.

Actuellement, les cotisations de ces agriculteurs sont exclusivement indexées sur la surface réelle pondérée des exploitations, ce qui se traduit à la fois par le versement de cotisations d’autant plus faibles que les superficies sont réduites et par des droits moins importants. Ce mode de calcul spécifique des cotisations contribue à expliquer l’extrême faiblesse des retraites agricoles dans les outre-mer.

Nous proposons donc de laisser aux agriculteurs des régions d’outre-mer le choix de l’assiette de référence pour le calcul de leurs cotisations. J’ajoute qu’il s’agit là d’une demande récurrente de ces agriculteurs concernés.

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Avis favorable. L’inégalité de traitement entre les non-salariés agricoles ultramarins et ceux de l’Hexagone doit être corrigée. À l’heure actuelle, bien que le droit commun dispose que le revenu professionnel sert d’assiette, dans les outre-mer, les cotisations dues au titre du RCO sont calculées en fonction de la surface réelle pondérée de l’exploitation.

Cette mesure de bon sens – permettre aux agriculteurs de choisir l’assiette qu’ils souhaitent, selon leurs revenus effectifs et la taille de leur exploitation – peut selon moi nous rassembler.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Sur le fond, cet amendement pose une question très intéressante, dont il convient d’appréhender les conséquences avant toute décision.

Asseoir les cotisations sur la surface réelle pondérée des exploitations plutôt que sur les revenus dans les outre-mer présentait sans aucun doute un intérêt à l’époque où ce choix a été fait, le niveau de revenus étant certainement considéré comme trop faible pour appeler des cotisations suffisant à financer les retraites.

Il s’agit donc bien de déterminer le niveau des cotisations permettant un tel financement, car choisir l’assiette donnant lieu aux cotisations les plus faibles ne permettra certes pas de revaloriser les retraites.

En outre, madame la députée, les petites exploitations auxquelles vous êtes attachée ayant une surface réelle pondérée plus petite que les grandes, elles produisent a priori un revenu moindre. Il est à mon avis erroné de penser qu’en transférant l’assiette de la taxe de la surface au revenu l’on résoudra une partie des difficultés des petites exploitations et la question de la revalorisation des retraites par l’augmentation des cotisations. Le choix laissé aux non-salariés ne fait en effet aucun doute : chacun cherchera à payer les cotisations les plus faibles.

J’alerte donc sur cette proposition a priori séduisante, qui ne résoudra pas le problème de la faiblesse du niveau des retraites en outre-mer. Elle pourrait au contraire avoir pour conséquence de faire baisser encore celles-ci du fait de la diminution du niveau des cotisations. Et si c’est la solidarité nationale qui doit jouer pour compenser, il faudra estimer le coût d’une telle mesure.

En outre, lorsqu’une règle est posée, elle doit valoir pour tous, surtout si elle entraîne une baisse des cotisations – chacun préfère différer un paiement, se disant qu’il verra bien, une fois la retraite venue. C’est ce qui s’est longtemps produit, conduisant à des retraites faibles.

La solidarité est nécessaire, je le dis clairement, mais je ne peux pas être favorable à votre amendement, madame la députée, car il pose des questions de fond par rapport à l’objectif que nous poursuivons.

L’amendement no 3 n’est pas adopté.

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On suit l’avis du Gouvernement sans avoir mis les pieds dans un champ de canne ! C’est nous qui vivons là-bas !

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Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 4.

La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.

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Cet article prévoit l’extension des régimes de retraite complémentaire des salariés qui travaillent dans l’agriculture à l’ensemble des départements et régions d’outre-mer. Ces salariés relèvant du régime général, une telle extension est donc de la compétence des partenaires sociaux.

À l’heure actuelle, seules la Guyane et la Martinique sont parvenues à trouver un accord sur l’extension de ces régimes – en 1999 et 2014, respectivement. Les salariés agricoles de la Guadeloupe et de La Réunion ne sont en revanche couverts par aucun accord dans ce domaine.

L’article 35 de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les retraites des salariés agricoles de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, notamment sur les modalités de mise en place d’un dispositif de retraite complémentaire au bénéfice de ces salariés : ce rapport n’a pas été remis.

La commission des affaires sociales a adopté un amendement du rapporteur visant à rappeler le principe de la négociation entre partenaires sociaux et prévoyant qu’à défaut d’accord, dans un délai de dix-huit mois suivant la promulgation de la loi, l’État pourra procéder à la généralisation de ce régime. C’est ce que nous attendons.

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Je remercie tout d’abord le rapporteur pour cette proposition de loi qui permet de faire le bilan de ce quinquennat. Le secours du groupe GDR est une bonne nouvelle !

Cet article concerne l’extension des régimes de retraite complémentaire aux salariés agricoles. Les cas de la Guyane et de la Martinique viennent d’être rappelés. À La Réunion, près de 15 000 salariés agricoles attendent d’obtenir une revalorisation de leur pension de retraite.

La question soulevée par Huguette Bello avait été abordée lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer. Je me félicite que l’Assemblée reprenne cet effort collectif, d’autant que le Sénat avait rejeté un amendement du regretté Paul Vergès sur ce sujet. Cet article permet donc, enfin, d’aborder la question des retraites complémentaires pour les salariés agricoles réunionnais.

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La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 12 .

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Sagesse.

L’amendement no 12 est adopté.

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La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 13 .

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Sagesse.

Permettez-moi cependant, monsieur le président, de revenir sur la question posée par le précédent amendement.

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Vos propos, monsieur le ministre, éclaireront l’Assemblée a posteriori.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Donner à l’État la responsabilité d’étendre des dispositions sur les retraites complémentaires, sans qu’un accord ait été conclu, c’est faire fi de la négociation entre les partenaires sociaux gérant les retraites complémentaires.

La Guyane et la Martinique ont conclu des accords ; en Guadeloupe et à La Réunion, les négociations n’ont pas abouti. L’amendement vise à permettre à l’État d’imposer l’extension des retraites complémentaires, lorsque les partenaires sociaux n’ont pas réussi à se mettre d’accord.

Je ne peux être favorable à une telle mesure, qui évite d’engager la négociation entre les partenaires sociaux et qui fait porter à l’État la responsabilité d’une retraite complémentaire gérée, par définition, par les partenaires sociaux.

Sur cette question de fond, les débats sont très intéressants et importants. Et je ne me contente pas d’être défavorable à cette mesure, j’expose des arguments pour expliquer les raisons de mon opposition. Je suis donc défavorable à l’amendement no 12 .

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M. le ministre ne donne pas l’avis du Gouvernement sur cet amendement, qui est purement rédactionnel : il fait un peu de cavalerie, si je puis dire, en l’utilisant pour s’exprimer sur le contenu de l’article.

De plus, monsieur le ministre, vous avez mal lu l’article, qui dispose : « À défaut d’accord dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’État peut procéder à la généralisation de ces régimes dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. »

Ce « peut » ne permet pas de considérer que la généralisation doit être automatique : l’État prendra, ou non, ses responsabilités d’étendre les régimes de retraite complémentaire.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Cette possibilité sera offerte au bout de dix-huit mois, alors qu’à La Réunion et en Guadeloupe, les négociations achoppent depuis une dizaine d’années. Plutôt que « peut » il serait plus juste de dire « doit ». Si la mesure peut avoir un effet incitatif, pour convaincre les partenaires de se mettre d’accord, la durée des négociations et l’absence d’accord laissent penser que l’extension des régimes pose problème. Donner à l’État la faculté de se substituer aux partenaires sociaux mérite réflexion.

Prendre cette décision aujourd’hui, avec l’Assemblée, compte tenu de ce que l’on sait du blocage des négociations, serait faire endosser à l’État une responsabilité qui doit d’abord être celle des partenaires sociaux.

L’amendement no 13 est adopté.

L’article 4, amendé, est adopté.

L’article 5 est adopté.

La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.

Applaudissements sur tous les bancs.

La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.

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L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Marie-George Buffet et plusieurs de ses collègues visant à agir concrètement en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (nos 4347, 4399).

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La parole est à Mme Marie-George Buffet, rapporteure de la commission des affaires sociales.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, l’inégalité professionnelle entre les femmes et les hommes a pour source la domination patriarcale, qui veut cantonner les premières au foyer, les seconds étant en charge de la cité.

Cette vision du partage des tâches a justifié par exemple au fil des décennies la nécessité d’avoir l’autorisation de l’époux pour l’embauche de sa femme, la notion de salaire d’appoint, de temps partiel, ou encore la discrimination à l’embauche.

Ce n’est qu’en juillet 1983, avec la loi de Mme Yvette Roudy, que l’Assemblée nationale s’empare de cette question. Depuis, huit lois au moins se sont attaquées aux inégalités professionnelles. Pourtant, si les femmes représentent aujourd’hui 48 % de la population active, avec un taux d’activité de 66 %, l’égalité professionnelle ne leur est toujours pas assurée.

L’inégalité la plus visible est l’inégalité salariale. La France détient la 134e place sur 144 pays observés, selon le dernier rapport du Forum économique mondial.

La rémunération des femmes est en moyenne inférieure de 24 % à celle des hommes. L’écart est encore de 10 % si l’on tient compte seulement de l’écart « inexpliqué » de salaire, c’est-à-dire à compétences et expériences égales.

Les femmes occupent presque deux fois plus souvent que les hommes des postes peu qualifiés d’employés ou d’ouvriers – 27 % des femmes contre 15 % des hommes. Elles se trouvent donc plus souvent en bas de l’échelle des salaires.

Les femmes sont non seulement moins bien payées que les hommes, mais elles sont également beaucoup plus exposées à la précarité. L’une des principales causes de la précarité des femmes salariées est le temps partiel, une modalité d’organisation du temps de travail au coeur des inégalités, utilisée de façon totalement abusive dans certains secteurs d’activité. Loin d’être un temps choisi, pour concilier vie professionnelle et vie familiale, comme il est trop souvent défendu par ceux qui ne le pratiquent pas, il est le plus souvent imposé, et les femmes sont les premières touchées : huit emplois à temps partiel sur dix sont occupés par des femmes, faute pour elles de trouver un emploi à temps plein.

Temps partiel, cela signifie souvent des horaires atypiques et toujours des salaires et des retraites partiels. Mesurons ce que cela signifie, par exemple, dans le secteur de l’aide à domicile. Une salariée non qualifiée perçoit 972 euros brut par mois pour un temps plein. Or 79 % d’entre elles sont à temps partiel, avec une amplitude horaire de dix à douze heures.

Dans l’ANI du 11 janvier 2013 et la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin de la même année, les partenaires sociaux et la majorité gouvernementale avaient tenté d’agir contre cette spirale de la précarité en instaurant une durée minimale de vingt-quatre heures par semaine pour tout travail à temps partiel, mais, hélas, les trop nombreuses dérogations accordées depuis 2013 ont fait exploser cette durée minimale. Plus de vingt branches professionnelles ont ainsi négocié des durées minimales inférieures à dix-huit heures par semaine, certaines sont tombées à cinq heures.

Le déroulement de la carrière des femmes est également truffé d’obstacles. Ainsi, alors que les femmes sont désormais plus diplômées que les hommes, le plafond de verre, qui empêche les femmes d’accéder aux postes à responsabilités, n’a pas disparu.

L’arbitrage entre vie professionnelle et vie familiale se fait encore, le plus souvent, au détriment des femmes. L’inégal partage des tâches domestiques et du temps parental en est pour partie responsable, mais notre droit du travail ne corrige pas cette inégalité, puisqu’il encourage les hommes à reprendre rapidement le travail après la naissance d’un enfant en ne prévoyant qu’un congé facultatif de onze jours. Or cette situation est aujourd’hui en décalage à la fois avec les aspirations des femmes, qui souhaitent que la maternité ne soit pas un frein à leur carrière, et avec celles des pères, qui voudraient passer davantage de temps auprès de leurs enfants, et ce dès la naissance.

Les femmes sont aussi victimes de discriminations liées au sexe, qu’il s’agisse de discriminations directes, en raison de la maternité par exemple, ou de discriminations indirectes, comme la moindre rémunération des heures complémentaires effectuées par celles qui travaillent à temps partiel.

Enfin, dans la très grande majorité des entreprises, en dépit des incitations ou des obligations annuelles de négocier, la question de l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes est insuffisamment abordée. Seuls 12 % des accords abordent cette question, et seulement 40 % des entreprises assujetties sont effectivement couvertes par un accord ou, à défaut, par un plan d’action.

Bref, le chemin est encore long vers l’égalité professionnelle. Nous ne pouvons rester inactifs face à un tel constat, réitéré année après année, loi après loi.

Nous devons nous interroger sur les raisons qui font que toutes les lois adoptées ne lèvent pas définitivement les freins qui existent en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

J’ai évoqué au début de mon propos la domination patriarcale et, en lien, la question des mentalités. On ne peut ignorer cette réalité. Naturellement, spontanément, le rapport de forces ne s’établit pas en faveur des femmes, c’est vrai dans le travail comme dans d’autres domaines. Nous avons dû légiférer contre toutes les violences faites aux femmes, sur la parité, la place des femmes dans le sport et bien d’autres sujets.

Reconnaissons-le, sur cette question de l’égalité, grâce aux combats féministes, la législation est en avance sur les mentalités. Elle a donc besoin d’être plus incitative. C’est l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

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Aussi, nous proposons de rendre plus contraignantes les mesures prévues par le code du travail et de renforcer les droits des femmes salariées lorsque notre droit n’est pas suffisamment protecteur, en matière de temps partiel notamment.

Avant de vous présenter plus en détail les articles et les amendements que j’ai déposés, je veux préciser que je regrette profondément que la commission des affaires sociales ait supprimé, à l’initiative du groupe socialiste, écologiste et républicain, sept des dix articles de la proposition de loi avant de l’adopter.

De toute évidence, nous partageons le constat selon lequel il existe encore trop d’inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes, mais nous ne sommes pas d’accord sur les moyens d’y remédier. Le groupe socialiste, écologiste et républicain tient aux équilibres mis en place pendant le quinquennat, quand bien même ces équilibres ne favorisent pas les femmes salariées. Par cette proposition de loi, le groupe GDR a souhaité pour sa part agir de façon concrète, afin que les entreprises avancent sur la problématique de l’égalité professionnelle.

Je vous proposerai donc, dans un premier temps, deux amendements visant à rétablir les articles 1eret 2 de la proposition de loi. L’article 1er vise ainsi à inciter les 60 % d’entreprises qui ne sont couvertes ni par un accord ni par un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle à engager les négociations sur ce thème. Il tend à supprimer la réduction de l’allégement sur les cotisations patronales aux entreprises qui ne se saisissent pas de cette question. L’article 2 vise quant à lui à faire réagir les entreprises qui ne renseignent pas la base de données économiques et sociales avec les indicateurs relatifs à la situation comparée entre les femmes et les hommes.

Avant d’être intégralement supprimé par la commission des affaires sociales, le titre II avait pour objectif d’améliorer la protection des salariés à temps partiel. Je vous proposerai donc quatre amendements de rétablissement des articles 3, 4, 5 et 6. Ces amendements ont respectivement pour objet : de limiter le recours au temps partiel, en diminuant la réduction des cotisations patronales pour les entreprises qui y ont recours de manière abusive ; de majorer le taux de rémunération des heures complémentaires et des heures effectuées lorsque le contrat de travail est inférieur à vingt-quatre heures hebdomadaires ; de rendre obligatoire la majoration des heures effectuées dans le cadre d’un complément d’heures prévu par avenant.

Je vous proposerai enfin de relever à sept jours, comme c’était le cas auparavant, contre trois actuellement, le délai pouvant être défini par accord d’entreprise pour informer un salarié à temps partiel de la modification de ses horaires.

S’agissant des articles 7 et 8, qui visent à augmenter la durée du congé de maternité et celle du congé de paternité, je ne proposerai que des amendements de coordination, la commission des affaires sociales n’ayant pas supprimé ces articles.

Enfin, je vous proposerai un amendement de rétablissement de l’article 9 visant à faciliter l’identification des situations de discrimination à l’embauche dans les entreprises et à mieux informer les victimes de discriminations de leurs droits.

Cette proposition de loi vise à une plus grande efficacité de notre action pour l’égalité professionnelle. Je souhaite qu’elle recueille un avis favorable de notre assemblée.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

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Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, l’égalité entre les femmes et les hommes est un combat historique de la gauche, mais aussi plus large. Il est au coeur de notre engagement politique à gauche. Depuis 2012, l’action menée par Najat Vallaud-Belkacem, puis par Laurence Rossignol, et par beaucoup ici, a permis d’avancer de façon très significative.

Je veux saluer particulièrement le travail conduit au sein de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Catherine Coutelle. Cette commission est à la fois vigie et accélérateur des progrès en la matière.

Aujourd’hui, madame la ministre Marie-George Buffet, vous nous proposez d’agir concrètement en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Avant d’entrer dans la discussion, je souhaite saluer votre engagement pour défendre les droits des femmes – combat historique que vous menez de longue date – et rappeler, un peu plus largement que vous, ce qui a été fait depuis 2012, au nom du Gouvernement.

Nous avons tout d’abord agi au niveau institutionnel, avec le premier plan interministériel en faveur de l’égalité professionnelle : 42 millions d’euros ont été dédiés à l’insertion des femmes dans l’emploi, à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le champ du travail et à la mixité des métiers. Nous avons également agi en inscrivant systématiquement l’égalité professionnelle parmi les sujets abordés lors des conférences sociales.

Deuxièmement, nous avons soutenu la mixité professionnelle et mené la lutte contre les stéréotypes avec le plan mixité dans le secteur des services à la personne, avec la formation des professionnels de la petite enfance à l’égalité filles-garçons et à l’implication des deux parents.

Troisièmement, nous avons agi sur l’insertion et l’entrepreneuriat des femmes avec la semaine de sensibilisation à l’entrepreneuriat des femmes, en partenariat avec 100 000 entrepreneures : 452 femmes sont intervenues auprès de 11 200 jeunes en 2016 – il est très important d’agir sur les mentalités. Le Fonds de garantie à l’initiative des femmes – FGIF –, doté de 6 millions d’euros et qui en a garanti 29 millions, a aidé 2 000 femmes chaque année et permis de créer plus de 3 000 emplois.

L’entrepreneuriat au féminin a été soutenu, en apportant des financements aux femmes créatrices ou repreneuses d’entreprises. Entre 2012 et 2015, le nombre de femmes entrepreneures est passé de 38 000 à 82 000. Il a plus que doublé, mais beaucoup reste encore à faire dans ce domaine. Des crèches à vocation d’insertion professionnelle ont été créées, pour permettre aux parents sans activité ou à ceux qui travaillent en horaires décalés d’accéder à l’emploi.

Quatrièmement, nous avons agi pour améliorer l’articulation des temps de vie, avec la réforme du congé parental et l’adoption d’une autorisation d’absence pour le conjoint salarié des femmes enceintes afin de leur permettre de les accompagner aux échographies dans le cadre d’une grossesse.

Cinquièmement, nous avons lutté contre le sexisme au travail. La loi Travail du 6 août 2015 a imposé que l’interdiction de tout agissement sexiste figure dans le règlement intérieur des entreprises et que des actions de prévention du CHSCT soient menées contre les agissements sexistes. La loi a aligné le régime probatoire du harcèlement sexuel et moral sur celui des discriminations, ce qui renforce l’arsenal juridique civil en matière de harcèlement sexuel et facilite l’action concrète des victimes.

Nous avons interdit l’accès aux marchés publics et aux délégations de service public pour les entreprises qui ne respectaient pas la loi sur l’égalité professionnelle. Le nombre d’entreprises disposant d’un accord sur l’égalité professionnelle a progressé : près de 70 % des entreprises de 1 000 salariés et un tiers des entreprises de plus de cinquante salariés en ont désormais un. Nous sommes toutefois tous d’accord, je crois, pour dire que cela n’est malgré tout pas assez.

Sixièmement, nous avons facilité l’accès des femmes aux responsabilités économiques et sociales avec l’obligation d’une représentation équilibrée aux élections professionnelles, à parité, pour les représentants des salariés et des employeurs, dans les chambres de commerce et d’industrie, les chambres d’agriculture, les chambres de métiers et d’artisanat, les organismes de Sécurité sociale et les instances dirigeantes des fédérations sportives. Par ailleurs, nous avons aligné l’obligation faite, en termes de parité, aux conseils d’administration des entreprises publiques sur celle imposée aux sociétés anonymes et aux sociétés en commandite par actions, à savoir de présenter 40 % de femmes dans leur conseil de surveillance.

Ce bref bilan démontre que, depuis 2012, nous avons agi très concrètement pour l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, grâce à la détermination du Gouvernement dans l’ensemble de son champ d’action. Je veux ici remercier le groupe socialiste, écologiste et républicain, qui en commission, par la voix de Marie-Françoise Clergeau, a rappelé cette action ; mais je veux aussi remercier les députés qui, sur tous les bancs, depuis 2012, ont soutenu cette action, en défendant les droits des femmes et en soutenant les textes et leurs avancées. Cela n’a pas seulement été un combat mené par des femmes : je remercie les hommes qui nous accompagnent !

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

S’agissant plus particulièrement, madame la rapporteure, de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, je voulais vous dire, même si cela peut vous décevoir, que la suppression en commission des articles 1er à 6 ainsi que de l’article 9 nous paraissait nécessaire. Le Gouvernement vous proposera de ne pas revenir sur ces suppressions, car les articles en question remettent en cause des dispositions récemment votées. Par ailleurs, ces articles contrediraient des textes qui ont été votés sur la base d’accords entre les partenaires sociaux interprofessionnels. On ne peut sans la concertation nécessaire, sans le respect des partenaires sociaux, revenir sur une construction qui a été longue.

Nous aurons bientôt un débat sur chacun des articles, mais je souhaiterais m’arrêter ponctuellement sur certains d’entre eux. Les articles 3, 4, 5 et 6 reviennent sur des avancées importantes et des accords construits avec les partenaires sociaux depuis 2013, que le législateur a consacrés sans beaucoup de modifications. Les articles 4 à 6, sur lesquels vous avez insisté, madame la rapporteure, portent sur le temps partiel. C’est un sujet très important. Le Gouvernement partage cette préoccupation avec vous. Mais le dispositif actuel résulte de la loi du 14 juin 2013, laquelle a transcrit l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

L’objectif était de lutter contre le temps partiel subi et la précarité induite par la fragmentation des horaires et les durées de travail les plus faibles. Les termes de la loi résultent de cet accord entre les partenaires sociaux.

Sur ces bases s’est établi un nouvel ordre public social qui renforce la protection des salariés à temps partiel en fixant une durée de travail hebdomadaire minimale de vingt-quatre heures, en améliorant le niveau de rémunération du temps partiel grâce à la majoration de 10 % des heures complémentaires dès la première heure, en encourageant le regroupement des horaires et leur prévisibilité comme contrepartie obligatoire en cas de dérogation à la durée de travail hebdomadaire minimale ou aux dispositions relatives aux interruptions d’activité. Il n’est pas souhaitable de revenir sur des dispositions récentes, dont les partenaires sociaux se sont emparés, et sur lesquelles ils ont travaillé dans le cadre de négociations de branche parfois encore en cours.

Les articles 7 et 8 prévoient respectivement l’extension du congé maternité de deux semaines – de seize à dix-huit semaines – et celle du congé paternité de onze jours consécutifs à quatre semaines consécutives pour les naissances simples et de dix-huit jours consécutifs à six semaines consécutives pour les naissances dites multiples. Le Gouvernement a pris des mesures en faveur des femmes enceintes, que ce soit pendant leur congé maternité ou lors de leur retour dans leur entreprise.

Je pense par exemple à la proposition de loi de Mme Orliac, au début de l’année 2016, dont les mesures ont été reprises à l’article 10 de la loi Travail et qui allonge la durée de protection contre le licenciement, ou bien encore à la consécration de la jurisprudence dans le code du travail d’un seuil minimal d’indemnités de six mois allouées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu en méconnaissance des règles protectrices de la grossesse et de la maternité. En outre, notre droit répond déjà à des situations spécifiques que peuvent rencontrer les mères – naissances multiples, prématurées ou présence d’autres enfants dans le foyer – et qui nécessitent un congé supplémentaire.

Mais modifier, comme vous le proposez, la durée du congé maternité comme du congé paternité à l’article 8 sans se préoccuper des conséquences sur les dépenses de Sécurité sociale ne nous paraît pas raisonnable à ce stade. Nous n’y sommes donc pas favorables.

Quant à l’article 9, le groupe de travail, lancé à l’automne 2014 par le ministre du travail de l’époque, sur la lutte contre les discriminations dans le monde du travail a émis, dans son rapport de mai 2015, de fortes réserves concernant la proposition d’instaurer un registre d’embauche, qui serait trop lourd à mettre en place et peu efficace.

Ce même article crée une obligation de notification des droits garantis dans le code du travail en matière de lutte contre les discriminations. Ce code prévoit déjà des dispositions répondant à cet objectif, puisqu’il impose à tous les employeurs d’informer par tous moyens les candidats des dispositions pénales existant en matière de discriminations. Ces articles reprennent l’ensemble des critères de discrimination et les peines encourues notamment en cas de discrimination à l’embauche.

Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement ne peut être soupçonné d’avoir manqué de volonté dans son combat en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour autant, vous comprendrez que nous ne puissions pas revenir sans concertation sur des dispositions récemment inscrites dans la loi suite à un accord avec les partenaires sociaux.

En revanche, et je pense que nous serons d’accord sur ce point, ce combat doit nous conduire à lutter au quotidien pour rendre cette égalité effective. C’est ce que nous faisons. Madame la ministre, j’espère que vous, comme tous vos collègues, conviendrez que beaucoup a été fait pendant cette législature, même si, comme vous l’avez souligné, le chemin reste long. Nous en sommes toutes et tous conscients, mais nous sommes prêts à le poursuivre. Je vous remercie.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Gaby Charroux.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, je prends avec plaisir les remerciements adressés par Mme Valter aux hommes qui s’engagent dans ce débat. Très sincèrement, en étant présent ici, je ne croyais pas réaliser un exploit, mais plutôt faire normalement mon travail !

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Merci donc, madame la secrétaire d’État, pour ces propos.

La question de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes reste, malgré toutes les lois adoptées depuis le début des années 1980, malgré toutes les déclarations d’intention, une question majeure pour notre société tout autant qu’une entorse permanente à la devise de notre République : liberté, égalité, fraternité. Les femmes représentent aujourd’hui 48 % de la population active, dont les deux tiers sont en activité. Ces chiffres témoignent d’une volonté des femmes de se placer de plain-pied dans le monde du travail. Pourtant l’égalité professionnelle ne leur est pas assurée. Chacun le sait, elles perçoivent en moyenne un salaire 24 % moins élevé que les hommes. À niveau de compétence égal et dans une même catégorie socioprofessionnelle, d’âge et d’expérience, l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes – ce que l’on appelle l’écart inexpliqué – s’élève encore à 10 %, ce qui relègue la France à la 134e place sur 144 en matière d’égalité professionnelle selon le dernier rapport du Forum économique mondial.

Derrière ce classement, derrière ces chiffres et ces statistiques, se cachent des réalités sociales et professionnelles difficiles, parfois humiliantes, et des conditions de vie et de pauvreté inacceptables, dont la cause centrale se nomme précarité. Mme la rapporteure le soulignait en commission des affaires sociales : selon les données de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – DARES – publiées en juin 2013, le temps partiel concerne surtout les femmes : 82 % des salariés à temps partiel sont des femmes, et une femme sur trois travaille à temps partiel, contre 7 % des hommes. Au total, les contrats à temps partiel, qui concernent plus de 4,5 millions de salariés, touchent plus de 3,5 millions de femmes.

Le travail à temps partiel est, vous le savez toutes et tous, trop souvent un temps partiel imposé, synonyme de précarité. Dans ma région, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, un salarié sur quatre – je parle bien de salariés – perçoit un salaire inférieur à 850 euros par mois, c’est-à-dire qu’un salarié sur quatre est en situation de pauvreté ; parmi eux, une grande majorité de femmes.

Le temps partiel est un aménagement du temps de travail contraire à l’égalité professionnelle. Lorsque l’on voit le niveau actuel des salaires, le SMIC qui fait du surplace et l’écart infime entre le salaire minimum et le seuil de pauvreté, le choix du travail à temps partiel est la plupart du temps un leurre. N’oublions pas que temps partiel signifie salaire partiel et retraite partielle ! Il faut donc absolument encadrer le recours à ce mode de gestion du temps de travail, qui est devenu la règle dans de nombreux secteurs comme la grande distribution, les entreprises de propreté, les aides à la personne et les services aux entreprises – des métiers souvent exercés par des femmes.

Car la précarité et le temps partiel sont synonymes de pauvreté, voire de grande pauvreté. C’est un constat qui doit attirer notre attention et nous permettre d’analyser, en termes d’arsenal juridique, ce qui est à notre disposition pour y remédier au mieux.

À propos de la négociation annuelle obligatoire relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l’article L. 2242-8 du code du travail prévoit que toute entreprise de plus de 50 salariés doit s’engager dans un plan d’action définissant notamment des objectifs précis de suppression des écarts de rémunération. Or 60 % des entreprises assujetties à cette obligation ne sont couvertes ni par un accord ni par un plan d’action. Ce chiffre s’élève même à 69 % pour les entreprises entre 50 et 300 salariés.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, Mme la rapporteure l’a souligné, ne contient pas de nouveaux dispositifs législatifs. Nous aurions pu en proposer qui aillent plus loin dans notre conception de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et, plus largement, qui renforcent la sécurité de l’emploi et la formation pour tous. Mais ce qui a guidé le dépôt de cette proposition, à l’initiative de Marie-George Buffet, c’est la modeste volonté de se donner les moyens de voir les dispositifs existants s’appliquer. Il s’agit de faire appliquer les mesures prévues par le code du travail, et de renforcer les droits des femmes salariées lorsque ce code n’est pas suffisamment protecteur.

En effet, quel est le constat ? De notre point de vue, nous ne faisons peser que très peu de contraintes en cette matière sur les entreprises. Finalement, après l’adoption d’une loi, la facilité de passer des accords de branche ou d’entreprise, renforcée par les dispositions de la loi travail, fait voler en éclat la philosophie des textes que nous votons ici. Et au regard de cette réalité, les contraintes qui pèsent sur les entreprises – oserais-je parler de sanctions ? – restent finalement un sujet tabou.

Le Gouvernement et la majorité ont souvent tendance à parler d’équilibre trouvé avec les entreprises dans la mise en oeuvre des textes. Derrière cela, se cache la volonté – ou la faiblesse – de ne pas s’attaquer à elles quand elles ne respectent pas les lois votées, afin, prétend-on, de ne pas porter atteinte au développement économique, à l’emploi, à la productivité. Quelle ineptie ! Pour plusieurs raisons : la première, c’est que les victimes de cette philosophie politique sont les salariés et, encore plus fortement, les femmes salariées. Mais par ailleurs, où sont les contreparties de cet hypothétique équilibre, notamment en matière d’emploi, de salaire, de conditions de travail ? Je dois vous avouer que je ne les vois pas et permettez-moi de penser que les Français ne les voient pas non plus !

C’est cette philosophie qui a poussé la commission des affaires sociales à vider cette proposition de loi de sa substance, c’est-à-dire à décider de baisser les bras devant les efforts immenses à accomplir pour aller vers une égalité professionnelle réelle entre les femmes et les hommes. Cette décision intervient à un moment où s’exprime très fortement dans le pays un besoin de gauche, le besoin d’une véritable politique de gauche nourrie de ses marqueurs d’égalité sociale et de lutte contre la précarité et la pauvreté. C’est tout simplement incompréhensible !

S’agissant du temps partiel, alors que la loi relative à la sécurisation de l’emploi prévoit une durée minimale de 24 heures par semaine, les possibilités de dérogations déjà accordées et les effets à venir de l’inversion de la hiérarchie des normes contenue dans la loi travail ont littéralement fait exploser cette contrainte en vol, et ce n’est pas fini. Comment l’accepter ? Comment laisser les entreprises et les branches professionnelles détricoter la loi au prétexte qu’il faut laisser agir le marché ?

Nous soutiendrons avec énergie les amendements proposés par Mme la rapporteure afin de rendre à cette proposition de loi son esprit initial, son efficacité et sa force. En faisant preuve de courage, notre assemblée peut envoyer un signe fort, participer avec conviction à la mise en oeuvre de l’égalité professionnelle réelle, combattre la précarité et l’austérité, et se donner les moyens de faire appliquer les lois qu’elle a souverainement adoptées. Pour y arriver, elle doit avant tout réintroduire les articles relatifs aux accords et aux plans d’action portant sur l’égalité professionnelle au sein des entreprises.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi présentée par le groupe GDR et qui traite d’une priorité majeure de notre action depuis 2012 : l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, et plus particulièrement dans la sphère professionnelle. Avant de revenir précisément sur les dispositions proposées par nos collègues communistes, et même si Mme la secrétaire d’État l’a déjà fait, je voudrais rappeler les mesures concrètes prises par notre majorité depuis 2012.

Nous devons partir d’un constat : celui de la trop lente marche vers l’égalité entre les femmes et les hommes. Depuis une quinzaine d’années, les pouvoirs publics se sont engagés de façon résolue dans la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes. Ces inégalités demeurent toutefois fortes, même si, dans divers domaines, des évolutions doivent être soulignées. En dépit des mobilisations pour l’égalité, dont la gauche a souvent été le moteur, la place des femmes dans la vie économique est toujours marquée par de profondes disparités.

Ainsi, d’après l’INSEE, en 2009, les femmes représentaient 46 % des salariés du secteur privé, mais n’occupaient qu’un cinquième des postes de cadres dirigeants des entreprises. Les femmes cadres dirigeantes sont de surcroît moins payées que les hommes : environ 32 % de moins en moyenne en équivalent temps plein – ETP. En 2009, moins de deux dirigeants de société salariés sur dix sont des femmes. Les rémunérations des dirigeantes sont inférieures à celles des dirigeants de 21 % pour les gérants majoritaires de sociétés à responsabilité limitée et de 33 % pour les dirigeants de sociétés anonymes ou de sociétés par actions simplifiées.

La situation n’est guère meilleure dans la fonction publique : les femmes, bien que légèrement majoritaires – 52 % – sont peu présentes dans les fonctions d’encadrement et les postes à responsabilités. Au 31 décembre 2009, elles y occupent 21 % des emplois de direction. Ces chiffres sont un peu anciens, mais je pense que le ratio est hélas resté défavorable aux femmes. Si la situation est plus égalitaire dans la fonction publique hospitalière, les femmes ne sont pas mieux représentées dans les emplois de direction de la fonction publique territoriale – environ 18 % – alors qu’elles en constituent 61 % des effectifs. Les chiffres sont accablants, madame la rapporteure, vous avez raison de le souligner !

Ces inégalités se reflètent dans les revenus : en 2009, le revenu salarial moyen pour l’ensemble des salariés du public et du privé s’élève à 19 270 euros par an, mais celui des femmes est, là encore, inférieur de 25 % à celui des hommes. Près d’une femme salariée sur trois travaille à temps partiel, contre seulement 7 % des hommes, et pour une part importante d’entre elles, il s’agit de temps partiel subi.

Mes chers collègues, ces inégalités ne viennent pas de nulle part. Elles trouvent leur source dans des schémas sociaux profondément enracinés. Ces situations s’expliquent pour partie par la persistance de schémas de pensée ancrés dans les mentalités, tendant à assigner aux hommes et aux femmes des rôles distincts. Ainsi, alors même qu’elles travaillent, les femmes continuent à assurer l’essentiel des tâches ménagères et de l’éducation des enfants. L’INSEE relève par exemple que les mères passent en moyenne une heure et quatorze minutes par jour à s’occuper de leurs enfants, contre trente-quatre minutes pour les pères ! Réfléchissez, messieurs ! Ce sont aussi davantage les femmes qui accompagnent leurs enfants à l’école ou qui sont présentes à leur retour au domicile. Au total, les femmes consacrent en moyenne, en 2010, quatre heures par jour aux tâches domestiques, contre deux heures et treize minutes – deux fois moins ! – pour les hommes.

Face à ces constats peu réjouissants, notre majorité, consciente du problème, a agi avec force. Comme vient de le rappeler Mme la ministre, nous avons fait de l’égalité entre les femmes et les hommes un principe structurant de l’ensemble de notre action. Et ça marche : entre 2013 et 2015, la France est passée, en matière d’égalité femmes-hommes, de la quarante-cinquième – et peu reluisante – à la quinzième place mondiale.

Je veux revenir ici brièvement sur quelques-unes des avancées très concrètes que nous avons réalisées. Tout d’abord, la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, adoptée en 2014, a permis d’agir de façon globale et coordonnée sur l’ensemble des inégalités pour créer les conditions d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes. Ensuite, nous avons assuré un accès à la retraite plus juste. Nous le savons, les femmes représentent 80 % des salariés à temps partiel. La validation des trimestres de retraite pour les salariés à temps partiel se fait désormais dès la réalisation de 150 heures de travail par trimestre – un beau progrès permis par la loi de 2014. Et les trimestres d’interruption au titre du congé maternité seront mieux pris en compte : depuis le 1er janvier 2014, sont validés autant de trimestres que de périodes de 90 jours de congé maternité.

Nous avons également travaillé à une meilleure articulation des vies personnelle et professionnelle. J’y reviendrai plus en détail, mais je voudrais déjà évoquer le plan pour le développement de solutions d’accueil supplémentaires mis en place au début du quinquennat, qui a permis de créer, entre 2012 et 2014, 42 700 nouvelles places en crèche – une mesure essentielle. Pour les femmes des quartiers prioritaires, le modèle de crèches à vocation d’insertion professionnelle a été développé. Et il faut aussi mentionner l’instauration de l’action de groupe contre les discriminations dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.

J’entends déjà – ou j’espérais entendre – certains collègues de l’opposition s’émouvoir de la suppression du CV anonyme, auquel M. Vercamer par exemple est très attaché. Je lui envoie un signe par ondes interposées…

Je tiens d’abord à rappeler que la majorité de droite, à laquelle il appartient, n’a jamais publié le décret d’application de cette mesure. Et je veux surtout réaffirmer ici que ce dispositif ne fonctionnait pas. Le groupe de travail mis en place par le Gouvernement en 2014 et présidé par M. Sciberras recommandait de ne pas rendre obligatoire le CV anonyme. Mieux encore, il lui préférait la mise en place d’actions de groupe contre les discriminations, conseil que nous avons suivi.

Enfin, l’égalité professionnelle, qui constitue une question centrale, progresse. Près de 70 % des entreprises de 1 000 salariés et un tiers des entreprises de plus de 50 salariés sont désormais couvertes par un accord ou plan d’action pour l’égalité professionnelle.

Le taux d’emploi des femmes de vingt à soixante-quatre ans progresse en France : il a atteint 66,2 % en 2014. Dans notre pays, les écarts de salaires diminuent deux fois plus vite que dans la moyenne de l’Union européenne. Entre 2008 et 2013, la chute atteint 0,9 point en Europe – les écarts tombent de 17,3 % à 16,4 % – et 1,7 point en France selon Eurostat. À caractéristiques d’emploi et d’âge égales, l’écart de salaire entre les hommes et les femmes est passé en 2013 sous les 10 %. La féminisation des instances dirigeantes des sociétés du CAC 40 a aussi progressé. La France se situe ainsi au premier rang européen avec 30,3 % de femmes dans les instances gouvernantes.

Chacun l’aura donc bien compris, notre majorité s’est engagée sans relâche pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Aujourd’hui, notre rapporteure Marie-George Buffet présente devant l’Assemblée une proposition de loi « visant à agir concrètement en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ».

Je veux préalablement dire à notre collègue que nous n’avons attendu ni la fin de la législature ni ce texte pour agir concrètement en faveur de l’égalité. Je crois, après la secrétaire d’État, en avoir fait la démonstration.

Ensuite, je veux rappeler qu’en commission des affaires sociales, nous avons adopté le texte en le modifiant profondément,…

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…et ce pour une simple raison de cohérence.

Cohérence – indispensable – avec des mesures votées récemment. Ainsi, nous avons supprimé du texte les articles visant à remettre en cause les équilibres récemment trouvés soit par les partenaires sociaux dans le cadre des accords nationaux interprofessionnels – ANI – soit par le législateur dans le cadre des dispositions législatives récemment adoptées.

Cohérence aussi au regard de ce que nous avons pu présenter et défendre lors de précédentes législatures. C’est pourquoi, en commission, nous nous sommes abstenus sur les articles 7 et 8 de la proposition de loi.

Le premier vise à étendre le congé maternité à dix-huit semaines. Les femmes salariées bénéficient, avant et après l’accouchement, d’un congé maternité pendant lequel leur contrat de travail est suspendu. La durée de ce congé dépend, le cas échéant, du nombre d’enfants vivant au foyer et du nombre de naissances attendues. Pour le cas général, elle est de seize semaines. Les accords collectifs peuvent contenir des dispositions plus favorables.

Une fois de plus, on pourrait rappeler les mesures importantes déjà prises en faveur du congé maternité. Je ne le ferai pas, car elles sont connues.

L’allongement à dix-huit semaines de la durée du congé maternité a été proposé en 2015 par la Commission européenne. La France a d’ailleurs déclaré ne pas y être opposée. Toutefois, il ne semble pas nécessaire d’allonger la durée légale dans la mesure où la législation actuelle permet de répondre aux différentes situations spécifiques rencontrées par les mères. En outre, nous ne pouvons pas éviter de poser la question du coût d’une telle mesure pour les dépenses publiques et pour les entreprises.

Lors du débat en commission, madame la rapporteure, vous vous étiez engagée à chiffrer le coût supplémentaire de cet allongement.

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Je ne doute pas que vous saurez nous éclairer et que Mme la secrétaire d’État apportera des précisions nécessaires à la bonne décision. Cela dit, je subodore le coût global et je crains que notre réponse ne puisse être positive.

Le second article porte le congé paternité de onze jours à quatre semaines consécutives. Une fois encore, nous nous sommes abstenus en commission. Par respect pour l’engagement pris en commission et par cohérence avec ce que nous avons proposé par le passé, nous présenterons un amendement tendant à porter le congé paternité de onze à quatorze jours, et de dix-huit à vingt et un jours en cas de naissances multiples.

Madame la rapporteure, mes chers collègues, vous l’aurez compris : notre majorité a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes une priorité. Elle l’a prouvé en agissant concrètement pour faire reculer les inégalités persistantes.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui ne s’inscrit pas dans ce chemin. Il vise plutôt à remettre en cause les différents textes votés pendant la législature, à redéfinir des équilibres trouvés dans les différents accords nationaux interprofessionnels et à questionner la méthode que nous employons : le dialogue social.

C’est pourquoi le groupe socialiste, écologiste et républicain votera la proposition de loi si les modifications qu’il présente sont adoptées.

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Madame la rapporteure, votre proposition de loi qui visait initialement à « agir concrètement en faveur de l’égalité professionnelle » est désormais réduite à son titre III relatif à la parentalité. Ainsi, deux mesures restent soumises à notre examen : l’extension du congé maternité de seize à dix-huit semaines et celle du congé paternité de onze jours à quatre semaines.

La question de l’allongement de ces deux congés est parfaitement légitime et mérite d’être posée. S’agissant du congé maternité, la moyenne européenne se situe autour de vingt semaines et, vous l’avez rappelé, l’OIT préconise de porter cette durée à au moins dix-huit semaines. Quant au congé paternité, son extension, si elle s’impose dans les pratiques, ne peut que contribuer à modifier l’image des pères et à rééquilibrer le rôle des parents entre sphère professionnelle et sphère personnelle et familiale.

Au-delà de l’intérêt réel de ces deux articles, notre collègue Isabelle Le Callennec a posé fort opportunément en commission la question de l’impact de la double extension sur les comptes de la Sécurité sociale. Nous sommes parvenus à des chiffrages de l’ordre de 700 millions d’euros, mais la rapporteure nous apportera peut-être d’autres chiffres. Le groupe socialiste propose un congé paternité à quatorze jours pour minimiser l’impact de la mesure, sans pour autant préciser de chiffrage dans son exposé des motifs.

Dans tous les cas, il s’agirait d’une dépense non négligeable pour la branche maladie, qui rembourse les indemnités journalières pendant les congés maternité et paternité. Rappelons-le : la dépense totale des indemnités journalières maladie s’élève déjà à 6,8 milliards d’euros et il s’agit d’un poste de dépense déjà en hausse depuis quelques années, dont la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 souligne qu’il doit à l’avenir être maîtrisé.

Globalement, l’actuel gouvernement n’a pas sauvé la Sécurité sociale, comme il voudrait faire croire, et il nous faut faire preuve de la plus grande prudence face à toute décision créant de nouvelles dépenses. Or, l’initiative parlementaire pouvant se passer d’étude d’impact, nous ne sommes pas en mesure de décider aujourd’hui de manière éclairée si l’on peut faire peser cette nouvelle dépense sur les comptes sociaux.

Naturellement, mes chers collègues, vous avez à l’esprit que le déficit global de la Sécurité sociale devrait encore atteindre 2,5 milliards en 2017 et que la dette sociale cumulée s’élevait à 156,4 milliards en 2015. Notre objectif partagé est d’améliorer les conditions d’arrivée dans la vie des nourrissons, mais si c’est pour alourdir la dette sociale des générations futures, je ne sais pas si celles-ci nous remercieront.

À l’heure actuelle, c’est précisément la branche maladie qui est l’homme malade de la Sécurité sociale. En repoussant les échéances des réformes structurelles qui s’imposent, nous avons gagné du temps sans préparer l’avenir. C’est ce qui nous empêche d’envisager sereinement des mesures comme celles que contient cette proposition de loi. Celles-ci seraient pourtant souhaitables tant pour le bien-être des enfants et des mères que pour imposer une égalité entre les pères et les mères vis-à-vis de leurs enfants comme de leurs employeurs.

Madame la rapporteure, j’ai pu voir que vous proposiez par voie d’amendement de rétablir l’ensemble des articles supprimés en commission par les députés du groupe socialiste, écologiste et républicain. Nous avons eu l’occasion de dire en commission que nous ne pouvions que souscrire à l’objectif initial de la proposition de loi, qui visait à en finir avec les inégalités professionnelles et à lutter contre le temps partiel subi. Toutefois, nous nous interrogeons sur la méthode retenue, qui fait le choix de sortir l’arme lourde en comptant sur sa force de dissuasion pour ramener dans le droit chemin les entreprises égarées.

Notre groupe a toujours agi en faveur de l’égalité professionnelle et soutient le principe de sanctions. C’est d’ailleurs dans la loi Woerth de 2010 qu’a été voté le principe d’une sanction à hauteur de 1 % de la masse salariale, applicable aux entreprises d’au moins 50 salariés non couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à l’égalité professionnelle. Mais nous pensons qu’il ne faut pas opposer entreprises et égalité professionnelle.

Avant de cumuler les sanctions, faisons appliquer celles qui existent et accompagnons les entreprises dans la mise en oeuvre de leurs obligations. Le chiffre de 40 % d’entreprises couvertes par un accord ou un plan d’action est décevant. Il faut le regarder dans le détail pour comprendre le problème.

Premier constat, le taux de couverture varie presque du simple au triple en fonction de l’effectif des entreprises. Deuxième constat, le taux de mises en demeure et de pénalités reste très faible. Une centaine de pénalités ont été prononcées à ce jour par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – DIRECCTE – alors que 60 % des entreprises ne sont couvertes ni par un accord ni par un plan d’action.

Le problème n’est pas tant de multiplier les sanctions que de faire appliquer l’arsenal existant. Or notre dispositif est vertueux puisque 60 % des entreprises mises en demeure se mettent en régularité. Plus que jamais, il faut donc que l’inspection de travail revête sa casquette de conseil aux entreprises et les aide à s’approprier la loi ainsi que leurs obligations en matière d’égalité.

En outre, nous reconnaissons que la proposition de loi est examinée dans un contexte où la suppression récente, dans la loi Rebsamen, du rapport de situation comparée, constitue un mauvais signal en matière de lutte contre les inégalités.

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Pour réduire les inégalités, il faut les diagnostiquer et le rapport de situation comparée était un outil identifié par les entreprises, qui permettait de dresser un état des lieux fiable.

Certes, la base de données économiques et sociale – BDES – est supposée reprendre les mêmes indicateurs que le rapport de situation comparée et concerne le même volume d’entreprises. Mais cette nouvelle formule n’aide pas à identifier les leviers sur lesquels agir. Il faudra être très attentif dans les années à venir sur les conséquences de ce choix, c’est-à-dire veiller à ce que les informations comparées soient bien renseignées dans la base de données unique, et surveiller de près le taux de couverture des entreprises, qui doit continuer à augmenter.

Je terminerai par quelques mots sur le temps partiel. Notre groupe a activement combattu la mise en place du plancher de 24 heures, dont les multiples dérogations révèlent à elles seules les difficultés d’application. Votre rapport ne démontre pas autre chose, puisque vous dites clairement que cette durée minimale de 24 heures a explosé. Les branches ayant choisi de négocier ont majoritairement abouti à des durées de temps de travail bien inférieures à ce volume d’heures, le meilleur contre-exemple restant Pôle emploi, qui a négocié une durée minimale de 3 heures 45 !

Cela prouve à quel point il faut traiter le problème différemment. Plutôt que de majorer les heures de travail, il faut agir sur d’autres leviers, comme le regroupement des heures, le cumul des activités et la formation, pour que ces emplois à temps partiel ne soient qu’un passage dans la vie des salariés concernés – le plus souvent des femmes. Ce sont des chantiers de longue haleine qu’on ne peut régler en une proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Faire avancer la société pour tendre vers une pleine égalité entre les hommes et les femmes, changer la place que celles-ci y occupent, suppose avant tout de changer les mentalités. Cela doit aussi faire partie des raisons fortes de tout engagement politique.

Trop nombreux sont ceux qui ont oublié que les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes sont des principes constitutifs de notre République. En 1946, le préambule de la Constitution proclamait : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. »

Quels que soient les domaines de la vie publique et privée, le législateur ou le juge doivent encore intervenir pour garantir aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes. On ne peut que le regretter et le dénoncer, car le chemin sera encore long pour dépasser une stricte égalité juridique et tendre vers une égalité réelle entre les deux sexes.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui à l’initiative du groupe GDR s’attaque à ce sujet.

La gestion des carrières, le temps de travail, la rémunération, la reconnaissance : nombreux sont les motifs d’insatisfaction dans le milieu professionnel. Le monde du travail est trop souvent le symbole de la domination des hommes. Si les femmes sont surreprésentées dans certaines professions – et cela se concentre sur une douzaine de métiers : aide à domicile, secrétaire, infirmière… – elles sont en revanche quasiment absentes de certains domaines, notamment dans l’industrie.

Les stéréotypes ont également la vie dure en entreprise, où 80 % des femmes disent être régulièrement victimes d’attitudes sexistes sur leur lieu de travail.

Alors que les femmes ont massivement investi le marché du travail et que leur niveau d’éducation a rejoint, voire dépassé celui des hommes, les inégalités professionnelles persistent. Instaurer l’égalité entre les hommes et les femmes reste compliqué pour de nombreuses entreprises. Selon un dernier bilan dressé par la ministre des droits des femmes, 97 d’entre elles ont ainsi été sanctionnées financièrement par l’État pour n’avoir pas respecté la loi pour l’égalité réelle du 4 août 2014. Les femmes représentent 39 % de la population active mondiale, mais gagnent en moyenne 18 % de moins que les hommes. Elles sont seulement 13 % à siéger dans les conseils d’administration et 9 % à occuper des postes de PDG. Enfin, selon le dernier rapport du Forum économique mondial, la France ne se situe qu’au 134e rang mondial – sur 144 pays – en matière d’égalité salariale.

Ces seuls éléments soulignent que l’égalité professionnelle est toujours une question légitime et qu’on ne peut se résigner à l’immobilisme. Il nous faut cependant reconnaître que malgré des intentions louables, certaines mesures de la proposition de loi initiale ne semblaient pas opportunes.

Les dispositions relatives au recrutement apparaissent davantage comme des mesures d’affichage, dans la mesure où notre arsenal législatif permet déjà de condamner les recruteurs si jamais ils se livrent à des pratiques discriminatoires. Il ne semble pas non plus propice de créer de nouvelles obligations pour l’ensemble des entreprises. Il conviendrait plutôt, sur ce sujet, d’encourager les bonnes pratiques et la publication des statistiques en matière de recrutement. Ainsi, l’Allemagne a voté il y a quelques semaines un projet de loi obligeant les grandes entreprises à faire preuve de transparence sur les différences de salaires entre hommes et femmes. Les entreprises de plus de 200 salariés devront introduire un droit à l’information, à la demande, sur les critères de rémunération. Celles de plus de 500 salariés devront en outre publier régulièrement un rapport dressant un état des lieux des écarts salariaux entre hommes et femmes.

S’agissant des mesures relatives au temps partiel, les députés du groupe UDI restent prudents. La crise économique que traverse encore notre pays et le chômage de masse nous obligent à ne pas entraver le marché du travail. Nous estimons qu’il serait davantage opportun de développer la flexibilité du travail plutôt que de multiplier les mesures restrictives à l’embauche.

Si nous partageons la volonté de réduire le recours excessif au temps partiel, nous estimons également que cet objectif ne doit pas mettre une fois encore en danger l’équilibre d’entreprises, de secteurs d’activité, de branches professionnelles pour lesquels le recours au temps partiel est structurel. Notre combat doit se concentrer sur le temps partiel subi, véritable source de précarité pour les femmes.

Sur les dispositions relatives à la parentalité et à l’allongement du congé maternité, il s’agit là encore d’être prudent : aussi intéressantes soient-elles, elles méritent un débat de fond. En effet, il conviendrait d’en analyser les incidences financières, tant dans le privé que dans le public, et sans aucun doute de privilégier la création de crèches, qui est au fond le problème crucial pour bien des femmes.

Le droit en la matière n’est pas figé, comme en témoigne la prolongation de la période légale d’interdiction de rupture du contrat de travail à l’issue des congés liés à la grossesse et à la maternité. Cette mesure, défendue par nos collègues du groupe RRDP et soutenue par le groupe UDI, a été inscrite dans la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

L’équilibre et la conciliation entre grossesse et vie professionnelle n’est pas toujours évident. Ne fermons donc pas la porte aux questions relatives à la parentalité, mais prenons garde à la précipitation. Pour adopter cette disposition, il conviendrait de disposer d’une évaluation précise de son coût tant pour le privé que pour le public, ainsi que pour la Sécurité sociale.

La question de la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale ne doit pas être réservée aux femmes. Nous constatons en effet que les inégalités de partage des tâches ont des répercussions directes sur la vie professionnelle des femmes, parce qu’elles délaissent davantage leur carrière pour se consacrer à l’éducation de leurs enfants. Au-delà du sujet de l’allongement du congé maternité et du congé paternité, il nous faut apporter des réponses concrètes à une question simple, que je viens d’évoquer : où et comment placer son enfant, une fois effectué le retour à la vie professionnelle ? Aujourd’hui, faire garder un enfant de moins de trois ans relève trop souvent du parcours du combattant, et cela est d’autant plus vrai pour les familles monoparentales, bien souvent des mères, qui cumulent les difficultés.

Mes chers collègues, nous l’avons dit, cette proposition de loi est imparfaite ; elle ne lève pas les obstacles que rencontrent les femmes dans leur quotidien. Certes, madame la secrétaire d’État, le chemin reste encore long pour atteindre l’égalité parfaite, mais nous préférons ne pas prendre part au vote.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été largement modifiée en commission, par le biais d’amendements de suppression déposés et adoptés par les commissaires du groupe SER et auxquels notre groupe s’est opposé.

Comme l’a rappelé ma collègue Dominique Orliac lors de l’examen du texte en commission la semaine passée, la problématique des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes n’est pas nouvelle. Certes, la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes votée par notre majorité lors de cette législature a renforcé de façon non négligeable, ainsi que Mme la secrétaire d’État l’a rappelé, notre arsenal législatif visant à lutter contre les inégalités, dans le domaine professionnel mais aussi de manière plus générale. Mais au sein de notre formation politique, nous estimons que des mesures plus coercitives doivent être prises pour atteindre la plus parfaite égalité entre les femmes et les hommes au niveau professionnel et salarial.

Pour nous, l’égalité femmes-hommes doit être consacrée sur le terrain des salaires. Les dispositifs de sanctions financières à l’encontre des discriminations salariales doivent, sous réserve d’ajustement des barèmes, être étendus à toutes les entreprises. Cette proposition de loi, qui formulait initialement des propositions et politiques publiques très concrètes en faveur de l’égalité salariale, nous semblait donc très intéressante – je dirais même plus : pertinente et toujours bienvenue.

Dominique Orliac les a mentionnés en commission, mais il me semble important de rappeler des faits témoignant de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. D’après l’Observatoire des inégalités, le salaire mensuel net moyen des hommes pour un poste à temps plein était d’environ 2 410 euros en 2014, alors que celui des femmes n’était même pas de 2 000 euros, atteignant péniblement les 1962 euros seulement. Notons que cet écart de 448 euros est presque l’équivalent d’un demi-SMIC. Toujours d’après l’Observatoire des inégalités, les femmes percevaient en 2014, en moyenne et en équivalent temps plein, un salaire inférieur d’environ 20 % à celui des hommes, selon les diverses méthodologies employées pour le calcul. En outre, les inégalités de salaires ne s’arrêtent pas là. On pourrait penser que plus le salaire est important, plus l’écart se resserre. Il n’en n’est rien. Cette différence est notamment due au fait, en partie, que les femmes sont beaucoup moins nombreuses en haut de l’échelle salariale.

La proposition de loi pointe justement, dans son exposé des motifs, une autre réalité : aujourd’hui, les entreprises ont souvent recours au temps partiel. Mme la rapporteure a été très claire sur ce sujet. Si l’on peut effectivement admettre que des accords de branche sont venus compléter des dispositions législatives – nous parlons là des accords signés au 31 décembre 2015 – force est de constater que la durée minimale hebdomadaire de travail à temps partiel définie par accord de branche reste pour certaines branches largement en dessous des 24 heures fixées par la loi. Les exemples sont légion, je ne vais pas les énumérer. Ces accords sont des accords a minima. L’activité à temps partiel subie par les femmes doit être évitée par des incitations au télétravail et au travail à domicile, tant auprès des entreprises que des administrations.

L’article 1er, qui supprimait la réduction générale de cotisations patronales lorsque l’employeur ne s’engage pas à supprimer les écarts de rémunération, a été supprimé. Nous le soutenions.

L’article 2, qui proposait de sanctionner sur la base de la pénalité existante, à savoir 1 % de la masse salariale, les entreprises de plus de 50 salariés qui ont l’obligation de négocier un accord ou de produire un plan d’action mais qui ne produisent pas les informations sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise, a été supprimé. Nous le soutenions.

L’article 3, qui visait à sanctionner les employeurs qui recouraient de manière abusive au temps partiel en réduisant les allégements généraux de charges sociales sur les bas salaires auxquels ils pouvaient prétendre ; l’article 4, qui rendait pleinement effective la durée hebdomadaire minimale de 24 heures pour les contrats à temps partiel instaurée par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 ; l’article 5, qui prévoyait que la majoration des heures complémentaires soit de 25 % dès la première heure ; et enfin l’article 6, qui encadrait la pratique des compléments d’heures permise par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 : tous ont été supprimés en commission, et notre groupe les soutenait tous.

L’article 7, qui étend le congé maternité à dix-huit semaines en citant les recommandations de l’OIT et de la Confédération européenne des syndicats, s’inscrit dans le prolongement d’une idée que notre groupe avait portée, notre collègue du groupe UDI l’a rappelé à l’instant, lors de sa niche parlementaire il y a tout juste un an, puis lors de la discussion du projet de loi travail : une meilleure protection des femmes à l’issue d’un congé maternité par la prolongation de la période légale pendant laquelle elles ne peuvent être licenciées. Là aussi, nous nous félicitons de ces dispositions et nous les soutenons.

Quant au partage de la parentalité, nous sommes totalement ouverts sur la question, et bien évidemment d’accord avec la proposition de nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine qui vise, à l’article 8, à porter le congé paternité de onze jours à vingt-huit, voire à trente-cinq jours en cas de naissance multiple.

Enfin, nous déplorons que l’article 9, qui visait à instaurer un registre d’embauche en imposant à l’employeur de remettre à chaque candidat une notification des droits, ait été supprimé en commission.

Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP attend de voir la tournure que prendront nos débats aujourd’hui ; il espère que ce texte pourra retrouver ses dispositions initiales via des amendements de rétablissement. Notre groupe rappelle son soutien de principe au texte initial, certes coercitif mais bienvenu, tant les disparités salariales n’arrivent pas à être réglées dans notre pays, et ce malgré bientôt quarante ans de lois sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, l’ampleur de l’inégalité salariale entre les hommes et les femmes, dans notre pays, est intolérable et insupportable. Il est intolérable qu’une femme gagne, en moyenne, 27 % de moins qu’un homme, et insupportable que les femmes représentent les deux tiers des personnes touchant le SMIC et les deux tiers des personnes touchant le RSA. Bien que l’accès à l’emploi progresse, la vulnérabilité plus forte des femmes est bien réelle. Nous l’avons constaté au sein de la délégation aux droits des femmes, où toutes les auditions – menées, notamment, dans le cadre de l’évaluation de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes – ont rappelé cette réalité. Je vous remercie, madame la rapporteure, d’appeler notre attention sur cette situation, qu’il faut transformer en profondeur.

On constate ainsi que les femmes restent une variable d’ajustement privilégiée, dans un contexte de libéralisation et de crise économique : plus souvent au chômage, elles encourent aussi un plus grand risque de perdre leur emploi. De fait, dans de nombreux pays, elles sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à estimer courir ce risque au cours des six prochains mois : en Finlande – 17 % contre 11 % pour les hommes –, au Danemark – 11 % contre 7 % –, en Belgique – près de 10 % –, en Espagne, ou encore en Autriche. Par ailleurs, les entreprises recourent de plus en plus aux emplois à temps partiel, qui sont actuellement occupés aux deux tiers par des femmes, le plus souvent à l’initiative de l’employeur. De fait, les contrats à temps partiel représentent 18 % des emplois, alors que leur part n’était que de 7 % il y a trente ans. Ce type de contrat s’accompagne d’ailleurs, en général, d’une intensification de la charge de travail…

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…ou d’une amplitude des horaires de travail largement supérieure à la durée légale d’une journée de travail, alors qu’un grand nombre de femmes, parfois seules avec des enfants, vivent dans une grande précarité. En 2015, 1,2 million de femmes salariées étaient ainsi en situation de temps partiel subi.

Ces écarts s’expliquent en grande partie par le parcours académique et professionnel des femmes. En France, les filles représentaient, en 2015-2016, 57 % des étudiants à l’université, alors qu’elles n’étaient que 43 % en 1960-1961. Leur situation s’est donc nettement améliorée au cours des cinquante dernières années, mais les écarts persistent dans le choix des filières. En effet, les filles représentent 75 % des étudiants en lettres et en sciences humaines, mais seulement 25 % des étudiants en sciences fondamentales, qui mènent aux carrières les plus prestigieuses. Déjà, au lycée, les filles sont moins nombreuses à passer le bac en série scientifique. Les modes de vie, l’éducation ou encore le fonctionnement du système éducatif expliquent ces choix d’orientation différenciés. Il existe de ce point de vue un réel travail à effectuer sur les vocations professionnelles, afin d’éviter de projeter des représentations stéréotypées à caractère essentialiste. Alors que, dans ces derniers jours de la législature, nous sommes en train d’évaluer l’application de la loi de refondation de l’école, je pense que cette question doit être soulevée, car les conséquences sociales en sont extrêmement importantes.

À la sortie du système éducatif, les femmes et les hommes sont, comme on le voit, titulaires de diplômes différents, dans des spécialités différentes. Et, même lorsque ce n’est pas le cas, les femmes se retrouvent à exercer des métiers différents, souvent moins rémunérés. Elles peuvent, en outre, être freinées dans leur carrière – lorsqu’elles n’ont pas été discriminées à l’embauche ou licenciées du fait même de la possibilité d’une maternité. Mais cela n’explique évidemment pas tout : à caractéristiques de contrat, de diplôme, d’expérience et de responsabilités égales, une femme gagne en moyenne 13 % de moins qu’un homme. Cette différence est directement liée au sexe des salariées : c’est parce qu’elles sont femmes qu’elles sont moins payées que les hommes. Tous temps de travail confondus, les hommes gagnent 35 % de plus que les femmes, selon les données 2012 du ministère du travail. Et plus on s’élève dans l’échelle des salaires, plus les écarts sont importants.

En équivalent temps plein, les femmes cadres touchent en moyenne 26,3 % de moins que leurs homologues masculins. À l’inverse, l’écart le plus faible se trouve parmi les employés – 9,3 % –, une catégorie majoritairement féminisée. Même si les écarts de salaires ont nettement baissé depuis les années 1950, le rattrapage s’est ralenti depuis les années 1990, en partie parce que les femmes demeurent à l’écart des postes à responsabilité les mieux rémunérés, ou qu’elles sont plus souvent employées dans des secteurs où les salaires sont faibles, tels que les services, le commerce ou l’aide à la personne. Ces inégalités ont une même cause : la domination masculine et la reproduction des schémas de domination patriarcale, au travail comme dans la sphère domestique. Pas moins de sept lois spécifiques ont déjà été adoptées. Les discriminations à l’embauche, dans le déroulement de la carrière ou portant sur le montant des salaires sont formellement interdites. Les négociations entre les salariés et les employeurs sont désormais tenues de transformer les relations professionnelles en faveur de l’égalité. Mais, peu contraignante, la loi n’est pas appliquée et la France demeure au 131e rang mondial sur 134 en matière d’égalité salariale.

Rappelons simplement qu’en 2014, le taux d’activité, c’est-à-dire la part des actifs exerçant un emploi et de ceux et celles en recherche d’emploi, dans la tranche d’âge de 15 à 64 ans, était de 75,5 % chez les hommes, contre 67,5 % chez les femmes. Cette différence s’accentue au fur et à mesure que la famille s’agrandit : avec un enfant, le taux d’activité des femmes est de 82,4 % – 96,2 % chez les hommes – et seuls 43 % des femmes ayant au moins trois enfants ont une activité salariée, contre 88 % pour les hommes.

Dans ce tableau, il ne faut pas oublier des catégories parfois invisibles. Nous avons ainsi évoqué, à plusieurs reprises, au sein de la délégation aux droits des femmes, le cas des femmes isolées en zone rurale, que nous avons abordé lors de l’examen du texte précédent et qui est un angle mort des politiques publiques. Notons également que les femmes ne représentent que 28 % des créateurs d’entreprises.

Le temps est donc venu de passer des bonnes intentions à des obligations de résultat. Depuis 2012, le Gouvernement, grâce, notamment, à l’action de Najat Vallaud-Belkacem et Laurence Rossignol, s’est mobilisé pour remplir un objectif : dépasser l’égalité formelle et atteindre l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. La loi du 4 août 2014 a mis en place des mesures concrètes, des leviers d’action pour lutter contre les inégalités, où qu’elles se trouvent : du travail à la sphère familiale, de la culture et des sports jusque dans l’espace public. Par ailleurs, 42 millions d’euros ont été consacrés au plan en faveur de l’égalité professionnelle, qui vise à l’insertion des femmes et à la mixité professionnelle dans les métiers où les femmes sont sous-représentées. Grâce au soutien à la création d’entreprises depuis 2012, le nombre de femmes créatrices d’entreprises est passé de 38 000 à 82 000. Cet objectif anime l’ensemble des politiques publiques, et tous les ministères sont engagés pour lutter contre les discriminations et les violences faites aux femmes, pour faire disparaître les stéréotypes sexistes et pour promouvoir la parité et l’égalité professionnelles.

La sphère politique n’échappe pas au constat de déséquilibre entre hommes et femmes : même si l’on y trouve de plus en plus de femmes, on est encore très loin de l’égalité. La force de la loi reste supérieure aux prétendues habitudes. Lorsque les Grecs évoquaient la notion de nomos, ils se référaient à la fois à la loi et aux moeurs. Il nous appartient à présent de favoriser une inversion des moeurs et de faire en sorte que la loi puisse corriger et contraindre davantage pour que cette parité existe. De fait, au niveau local, seules trois femmes sont à la tête d’une région – sur les treize existantes –, alors qu’elles représentent près de la moitié des conseillers de ces instances, et seuls 16 % des maires sont des femmes, alors qu’elles représentent 40 % des conseillers municipaux.

Dans ma circonscription – celle des Français établis dans dix pays d’Europe du Nord – certaines sociétés sont tendues vers l’effort paritaire. Je pense notamment à la Suède, qui a presque réalisé cette parité au Parlement – le taux de féminisation s’élevant à 45 % – et dispose d’un gouvernement qui, depuis dix ans, va au-delà de la parité – je rappelle que notre gouvernement, quant à lui, respecte la parité depuis 2012. Malgré cette visibilité de la parité et des politiques encourageant la parentalité et le partage des tâches, l’égalité professionnelle est loin d’être assurée dans cette société, puisque les conseils d’administration des grands groupes sont à majorité masculine, le taux de femmes représentées ayant baissé drastiquement. Une réflexion sur les temps de vie et sur l’équilibre des carrières est constamment en discussion, dans les pays nordiques, pour permettre l’épanouissement des individus. De fait, un meilleur partage des congés parentaux entre le père et la mère serait l’une des conditions à remplir pour permettre une plus grande égalité professionnelle, même si elle n’est pas suffisante.

Au-delà des mesures adoptées, l’égalité professionnelle pourra progresser plus rapidement si le genre devient un indicateur central des politiques publiques, et si, notamment, on recoure davantage à des budgets genrés – comme nous l’avons évoqué au sein de la délégation aux droits des femmes. Une autre étape, plus globale, devra être franchie à l’avenir. Il faudra surtout veiller à ne pas régresser et à ne pas sortir du cadre équilibré mis en place au cours de ce quinquennat.

Cette proposition de loi, qui ne prétend pas épuiser le sujet, propose autant de lutter contre le sexisme qui s’exprime directement ou indirectement dans les relations de travail que de renforcer le pouvoir des salariés face aux logiques du marché, qui s’en nourrissent. Le Forum économique mondial estimait, en octobre dernier, qu’il faudrait 170 ans pour atteindre l’égalité. Faisons en sorte de poser les jalons pour une loi future réaliste, mais veillons, au préalable, à bien évaluer l’application de la loi du 4 août 2014, les privilèges n’étant pas encore abolis dans les faits. Pour toutes ces raisons, si certaines réflexions me paraissent pertinentes, j’attends les discussions à venir pour faire évoluer mon point de vue sur cette proposition de loi, qui ne me paraît pas pouvoir être votée en l’état.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, les droits des femmes ne s’opposent jamais au développement : ils en sont la condition, comme l’illustre l’autonomie professionnelle. Je voudrais le dire en vous remerciant, madame la rapporteure, d’avoir contribué à nouveau à ce débat si important. De fait, l’autonomie des femmes est le défi de nos sociétés modernes et, sans aucun doute, le défi de ce siècle. Les Nations unies l’ont d’ailleurs très bien compris : dans les récents « objectifs du millénaire », l’égalité entre les hommes et les femmes est érigée en condition du développement durable. A contrario, chacun reconnaît aujourd’hui que ces objectifs n’ont pas été atteints jusqu’à présent, parce que l’égalité entre les hommes et les femmes n’est suffisamment entrée ni dans le droit ni dans la réalité.

Naturellement – je me réfère à la remarquable intervention de Dominique Nachury au nom de notre groupe –, ce texte apporte une contribution très positive, quoique très limitée, que nous soutiendrons. Je voudrais, pour ma part, ajouter quelques éléments au débat.

Tout d’abord, sur l’urgence. L’autonomie des femmes, l’égalité professionnelle doit absolument s’imposer dans un contexte français où la précarité, le chômage ont malheureusement fait reculer les droits. Nulle part dans le monde le progrès n’est inéluctable, et l’on constate que les crises font reculer les droits des femmes. Pour les huit millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté, dont une majorité de femmes, il est tout à fait essentiel que l’égalité soit non seulement une forme de soutien à la sortie de crise, mais aussi un atout pour le retour de la croissance et le progrès de l’ensemble de l’économie. Je vous le dis, madame la secrétaire d’État, car je vous sais sensible à ces questions, les femmes vulnérables sont victimes de discriminations cumulatives, intersectionnelles. Je souhaiterais que ce débat s’inscrive dans le cadre plus général de la lutte contre les discriminations – permettez-moi de citer, à ce propos, la convention CEDAW sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il est en effet tout à fait essentiel de lutter contre l’ensemble des freins à l’égalité, sous toutes leurs formes. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble d’entre eux, je ne parlerai pas du temps partiel, qui a été excellemment évoqué. Je crois simplement pouvoir dire qu’un effort de structuration des parcours s’impose, au moyen, évidemment, d’un appui aux modes de garde des enfants et d’un accompagnement des femmes.

Madame la secrétaire d’État, je profite de votre présence pour évoquer le numérique, car je vous sais également attachée à ce sujet. De fait, on peut s’interroger sur la place et le rôle des femmes dans la conception, la construction, la gestion d’un monde nouveau, caractérisé par l’importance des sciences, de l’innovation, des technologies. Imaginons un instant qu’elles ne soient pas suffisamment présentes aux postes décisionnels : nous risquons de connaître un monde qui les exclue à nouveau. Nous avons donc tous un devoir à cet égard.

S’agissant des méthodes, je voudrais revenir sur le rapport de situation comparée. Nous avons besoin de stratégies opérationnelles, d’outils d’analyse objective. L’égalité ne peut pas se décréter dans une entreprise, surtout dans une petite entreprise, sans une feuille de route. Aussi faut-il, naturellement, rétablir ce rapport, faire confiance à des indicateurs. Sans vouloir évoquer mon expérience personnelle, je rappellerai que nous avons créé un indicateur aujourd’hui utilisé par les plus grandes entreprises du monde, dont il faut aussi faire une référence pour les PME. Il est essentiel que chaque entreprise puisse disposer d’une méthodologie dans la gestion des ressources humaines…

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…et, surtout, se voir démontrer qu’aider les femmes à occuper tous les niveaux de responsabilité et d’emploi sert l’entreprise, autant qu’elle est une réponse en matière de justice sociale.

Nous avons un devoir et une responsabilité…

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…dans l’application des textes et le respect d’un certain nombre d’obligations. L’égalité est une obligation. C’est non seulement un atout économique, un atout pour la démocratie, mais aussi une obligation éthique. Cette responsabilité doit se concrétiser par une mobilisation de tous les acteurs, car la France doit exprimer aussi, aux yeux du monde, une capacité à donner à l’égalité une dimension réelle.

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Nous avons également un devoir d’exemplarité : qui va dire le droit, si ce n’est la France, aujourd’hui, dans le monde ? Nous avons besoin de porter ce message, qui est si important, en Europe ; l’Europe, quant à elle, doit aussi retrouver cette exemplarité dans le monde actuel.

Nous avons un troisième devoir : celui de la solidarité.

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Des femmes se battent, partout dans le monde, pour leur vie, pour leur liberté, pour l’égalité. Nous avons à leur adresser ce message pour nous-mêmes et pour elles.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, madame le rapporteur, si la femme est l’avenir de l’homme, le moins que l’on puisse dire, c’est que le socialisme lui aura fait perdre beaucoup de temps.

Chacun comprend bien que la marche vers la fin des discriminations sexuées et des abus parfois présents est une obligation de principe, mais chacun entend aussi qu’utiliser cette cause pour faire la guerre à la société ne provoquera rien d’autre qu’un délaissement populaire pour cette problématique, considérée comme une occupation d’élus déconnectés des réalités du peuple et, surtout, comme un prétexte à l’organisation de séminaires pour grandes écoles.

Ce texte a été partiellement vidé de son contenu. En témoigne le nombre d’articles supprimés ! En témoigne aussi l’instrumentalisation de la cause des femmes au cours de tout le quinquennat. Une instrumentalisation qui alla de la grande commisération d’État pour les groupuscules financés par M. George Soros comme les Femen jusqu’à la lutte à mort contre les écoutantes d’associations comme Choisir la vie. Oui, c’est bien vers une lutte des classes déplacée dans la lutte culturelle que se sont tournés nombre d’idéologues oubliant quelquefois de prendre en compte les situations concrètes.

Le rapport aborde la question du temps partiel subi. C’est une question lourde, parfaitement documentée, à la fois dans ses causes – divorces de masse, monoparentalité, impossibilité pour le couple de survivre avec un seul salaire, exploitation d’une main-d’oeuvre soumise à des conditions insupportables – et dans ses conséquences – phénomènes d’épuisement, maladies chroniques, maladies du travail. Je pense qu’il faut bien entendu punir sévèrement ceux qui profitent de ce système sans vergogne. À ce titre, les propos du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, reproduits dans le rapport, sont édifiants : « pour nombre de femmes, il en résulte une précarité accrue à la fois plus grande que celle des hommes et qui s’est amplifiée dans le temps. Cette précarité prend la forme d’instabilité et de discontinuité de l’insertion sur le marché du travail – c’est la définition traditionnelle de la précarité –, mais aussi, de plus en plus, de stabilité dans le sous-emploi ».

Je pense qu’il faut aussi prendre en compte des données démographiques éternellement exclues des débats. Si l’on cherche en effet une mesure de la France, le manque d’accompagnement des femmes enceintes, l’éclatement d’un mariage sur deux en divorce, la disparition des continuums générationnels impliquent évidemment une rupture réelle dans la sphère de protection naturelle qu’est la famille. La société est une famille de familles : quand la famille est détruite, quand l’État lui préfère l’individu, ce sont les plus fragiles, les femmes, qui en subissent les conséquences ; les enquêtes sociologiques montrent que ce sont les femmes et les enfants qui pâtissent en premier de cette situation. Je rappelle qu’on leur vendit cette évolution comme un progrès ; là est le grand tort des progressistes, ils diminuent les protections du pays réel pour essayer de le conformer à leurs utopies.

Je salue l’initiative de l’article 7, mais regrette qu’elle se glisse dans un titre qui marque une nouvelle intrusion de l’État dans la société. Le Parlement n’est pas un outil d’émancipation, la représentation nationale est la délégataire des pouvoirs que lui donne la société pour assurer le bien commun de la nation. Nous ne sommes pas là pour faire la guerre à la société. Je crédite toutefois cet article de donner plus de droits aux femmes enceintes et je ne peux que vous en féliciter. Je ne peux que saluer également la possibilité donnée au père de famille de consacrer un temps précieux à son jeune enfant et à sa conjointe. Je pense que l’ouverture d’un droit ne doit pas déboucher sur une persécution d’État au travers d’une augmentation de l’impôt ou d’une nouvelle obligation pour les familles qui ne fonctionneraient pas comme le fantasment les tenants d’une société des genres indifférenciés.

Il n’y a pas d’inégalité dans le choix de prendre ou non son congé parental, simplement une décision du couple. À ce titre, les considérations du rapport sont effrayantes de jugements et d’un nouveau moralisme niant les différences entre le rôle d’un père et celui d’une mère. Plus encore, il souligne qu’il ne s’agit pas là de parler d’égalité réelle, mais du glissement culturel du marxisme. Je note à ce titre les propos très pertinents de Mme Gabrielle Cluzel : « défendre les femmes a un sens, celui d’assumer leur identité avec assurance et fierté, dans toutes ses acceptions et, pour cela, d’envoyer valdinguer toutes les burqas qu’on veut leur faire enfiler de force pour masquer leurs attributs : burqa physique de l’islam, bien sûr, mais aussi burqa chimique de la contraception qui vient éteindre leur fécondité…

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…, burqa psychologique du genre qui vient nier leur féminité. Et la liste est longue ! »

Je soutiens totalement l’allongement du congé de maternité, ainsi que la liberté laissée aux hommes de passer davantage de temps à accueillir la vie – ce serait d’ailleurs une solution bienvenue pour lutter contre la baisse du taux de fécondité dans notre pays. Mais je m’oppose fortement aux dérives idéologiques ; les femmes vous en tiendront rigueur demain, comme elles viennent de montrer aux États-Unis que leur instrumentalisation comme communauté d’électrices progressistes ne leur convenait en rien.

Vive la différence entre les hommes et les femmes, portée par La Manif pour tous durant tout ce quinquennat !

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés socialistes écologistes et républicains

Ah, nous y voilà !

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Vive les libertés accrues et les intrusions de l’État limitées ! Et vive la femme, si souvent supérieure à l’homme !

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Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi est une preuve supplémentaire que l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est plus qu’un objectif, ce doit être une évidence. Une évidence qui a pourtant du mal à trouver des applications dans le monde du travail. La persistance d’écarts de salaire, le fait que les femmes soient moins nombreuses aux postes à responsabilité et qu’elles connaissent plus le chômage et le temps partiel subi nous rappellent tristement que la France a encore du chemin à faire avant d’atteindre cette égalité. Il y a quelques minutes, nous avons débattu et adopté une proposition de loi visant à revaloriser les pensions de retraite agricoles, et la précarité financière des femmes d’exploitants ayant liquidé leur retraite a encore été mise en lumière.

Parmi les derniers textes marquants, la loi Zimmermann-Copé du 27 janvier 2011 a permis de faire un grand pas vers plus de mixité, en imposant progressivement la parité dans la composition des conseils d’administration ou de surveillance des sociétés anonymes cotées. Les femmes représentant plus de 50 % de l’humanité, il est normal qu’elles soient autant présentes que les hommes dans les instances décisionnaires.

Nous discutons aujourd’hui d’un texte qui a été considérablement allégé en commission des affaires sociales ; les travaux ont en effet abouti à une conclusion : en matière d’égalité professionnelle, il n’est pas nécessaire d’imposer de nouvelles normes, encore faut-il faire évoluer les mentalités, et compter sur ces changements. Faisons d’abord appliquer les lois qui existent. Évaluons la pertinence et l’efficacité des dispositifs déjà mis en place, et améliorons-les en cas de dysfonctionnement.

Les règles auxquelles sont assujetties nos entreprises sont suffisantes en l’état pour faire respecter l’égalité entre les femmes et les hommes. Par exemple, pour les entreprises qui ne remplissent pas leurs obligations en termes d’accord ou de plan d’action relatif à l’égalité professionnelle, notre collègue Isabelle Le Callennec a rappelé que 60 % des entreprises mises en demeure se mettaient en conformité avec la loi. Depuis 2013, plus d’une centaine ont même payé des pénalités ; le nombre de procédures reste faible mais les sanctions fonctionnent.

J’en reviens au texte en débat. Parmi les dispositions votées par la commission, figure l’allongement du congé de maternité, qui passerait de seize à dix-huit semaines, et du congé de paternité, étendu à quatre semaines au lieu de onze jours. Nous vous rejoignons dans l’idée que chacun, homme ou femme, doit pouvoir mener sa carrière comme il le souhaite et que chacun doit avoir la possibilité de conserver un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Allonger la durée des congés prévus lors de l’arrivée d’un enfant est l’un des meilleurs moyens de garantir cet équilibre et d’assurer un meilleur partage des tâches entre les femmes et les hommes. Il n’y rien à redire à ce constat.

En revanche, je m’interroge sur la faisabilité des mesures proposées par cette proposition de loi. Puisqu’elle vise à agir concrètement en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, parlons de choses concrètes. En ce qui concerne les congés de maternité et de paternité, le coût des indemnités journalières est assumé par la branche maladie de la Sécurité sociale. Je souhaiterais donc avoir des éclaircissements sur certains points pratiques : quel serait le coût de l’allongement de la durée de ces congés ? Avez-vous réussi à chiffrer vos objectifs ? Et quelles seraient les sources de financement ?

Cette proposition de loi va évidemment dans le bon sens pour promouvoir l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais les options examinées jusqu’ici se confrontent toutes à la question de leur mise en oeuvre concrète.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La discussion générale est close.

La parole est à Mme la rapporteure.

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Le sujet de l’égalité entre les hommes et les femmes dépasse souvent les sensibilités politiques. Nous sommes plusieurs, sur tous les bancs de cette assemblée, à mener ce combat depuis plusieurs années. Je dis cela, car ce sujet est bien une question de mentalités et de regard de la société sur la place de la femme, lié à la domination patriarcale qui a marqué notre civilisation. C’est à cela que nous nous heurtons.

Je ne discute pas le bilan de la majorité au cours des cinq dernières années et j’ai voté plusieurs lois présentées par les ministres chargées des droits des femmes. Le but de cette proposition de loi est de corriger le problème suivant : pour que la nécessaire négociation entre les partenaires sociaux soit favorable à celui qui est victime de l’exploitation, qu’il soit un homme ou une femme, il faut que la loi donne des droits. Le code du travail, c’est la loi qui confère des droits.

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C’est seulement ensuite que se tiennent les négociations. Je sais que cela est discuté, et cela l’a été ces cinq dernières années, mais c’est encore plus nécessaire pour les femmes à cause de ce problème des mentalités. Si la loi ne garantit pas de manière contraignante des droits aux femmes, les mentalités font que la loi ne s’applique pas, ou trop lentement, ou de façon inégale. Voilà le problème auquel nous sommes confrontés !

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Je ne discute pas la pertinence des textes qui ont été adoptés, mais leur caractère non contraignant fait que l’on peut les ignorer. Quand je dis cela, je ne pense pas qu’aux patrons ou aux directions des ressources humaines, mais également au monde syndical. En effet, la volonté de discuter de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes s’avère encore insuffisante ; cela est dû à des problèmes de formation et de capacité de faire comprendre aux militants syndicaux, hommes et femmes, qu’il s’agit d’une question première qui ne vient pas après celle des salaires et des conditions de travail en général. Cette question doit être abordée dans les toutes les négociations. Or que constate-t-on ? Que dans beaucoup d’entreprises – les chiffres ont été donnés par plusieurs oratrices et orateurs –, cette question n’est pas négociée, notamment, comme vous l’avez souligné madame Nachury, dans les entreprises de cinquante à mille salariés ; dans les plus grandes, traditionnellement, on avance un peu plus vite, mais ces entreprises de cinquante à mille salariés constituent de ce point de vue un trou noir. Il y a là un vrai problème.

Lorsque des négociations se tiennent, on s’aperçoit qu’elles ne sont pas naturellement favorables aux femmes. La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 fixait une durée hebdomadaire minimale de vingt-quatre heures pour les contrats à temps partiel – excellente idée –, mais permettait à la négociation de déroger à ce principe. Le secteur de l’aide à domicile n’est pas seul concerné : des accords ont fixé le seuil entre deux et seize heures pour les agents généraux d’assurance, à dix-huit heures dans l’édition et à douze heures pour la location et la maintenance de matériels – la liste est longue, et je la tiens à votre disposition. Dans de très nombreuses branches, la négociation a donc complètement remis en cause la règle des vingt-quatre heures. Or, on connaît les ravages que provoque le temps partiel : salaire partiel, retraite partielle – j’insiste sur ce point – et horaires atypiques – il est impossible d’avoir un deuxième emploi si l’on travaille un peu le matin et un peu le soir.

Je propose de revenir à sept jours de prévenance pour les changements d’emploi du temps et d’horaires, car s’il n’est prévenu que trois jours avant, comment le salarié peut-il s’organiser ? Toute sa vie est chamboulée – et cela concerne principalement les femmes qui s’occupent davantage des enfants que les hommes.

L’objectif de cette proposition de loi est de rendre effectives les mesures prises dans de précédents textes.

La recommandation d’allonger le congé de maternité de seize à dix-huit semaines n’est pas récente, et plusieurs organismes en défendent l’idée depuis longtemps. Cela a un coût, bien évidemment, mais l’instauration puis l’allongement du congé de maternité en ont également eu un. Tout progrès social a un coût.

S’agissant du congé de maternité, différentes études ont estimé ce coût à 250 millions d’euros.

Quant au congé de paternité, le fait de porter sa durée de onze à quatorze jours n’aura aucun impact sur les mentalités. Cela ne changera rien ! Il faut vraiment que le congé de paternité montre que le père est autant en responsabilité que la mère. Bien sûr, la mère a besoin d’un congé plus long, puisque c’est elle qui a porté l’enfant et qui a accouché, mais nous devons faire évoluer les mentalités et faire en sorte que le père se sente en responsabilité. D’après le rapport Grésy, le coût d’une telle mesure oscillerait entre 250 et 300 millions d’euros, en fonction de la prise réelle de ces congés.

Enfin, nous avons tous constaté dans nos interventions que les inégalités professionnelles perduraient. Chacun et chacune d’entre nous a donné des exemples en la matière. Madame la secrétaire d’État, vous avez relevé à juste titre que nous étions tous d’accord pour continuer la lutte contre ces inégalités. J’ai simplement envie de vous répondre : « Continuons aujourd’hui ! »

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

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La commission a supprimé l’article 1er.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 3 tendant à rétablir cet article.

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En effet, cet amendement vise à rétablir l’article 1er de la proposition de loi tout en clarifiant sa rédaction par rapport au texte initial.

Le code du travail dispose que toute entreprise de cinquante salariés et plus est tenue d’engager chaque année une négociation relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et à la qualité de vie au travail. Si la négociation échoue, l’employeur doit élaborer un plan d’action visant à fixer des objectifs de progression et des indicateurs chiffrés pour réduire les écarts salariaux ou les inégalités entre les femmes et les hommes dans l’entreprise. Or, nous l’avons dit, 60 % des entreprises de cinquante salariés et plus dérogent à cette obligation.

L’amendement no 3 vise donc à rétablir un article qui incite les entreprises n’ayant pas élaboré de plan d’action et encore moins conclu un accord à entamer les négociations ou le travail, faute de quoi elles seront privées de la réduction des cotisations patronales.

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Quel est donc l’avis de la commission sur cet amendement ?

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Avis défavorable de la commission mais avis favorable de la rapporteure, bien évidemment.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Même avis que la commission : défavorable.

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À l’occasion de l’examen de cet amendement et donc de l’article 1er, je souhaite exprimer mon sentiment sur l’objectif poursuivi dans le cadre de la présente proposition de loi.

Les chiffres ont été rappelés et égrenés tout au long de la discussion générale. Ils sont effectivement effrayants. Sur les 20 % de salariés français travaillant à temps partiel, quatre sur cinq sont des femmes : c’est effrayant ! Sur dix travailleurs pauvres dans notre pays, sept sont des femmes : c’est effrayant ! En France, en 2017, une femme gagne en moyenne 25 % de moins qu’un homme : c’est effrayant ! Même avec un contrat, une qualification et un diplôme équivalents, la rémunération des femmes est inférieure de 10 % à celle des hommes : c’est encore plus effrayant ! Dans une telle situation, on se demande si nous sommes bien au XXIe siècle, en France, dans un pays civilisé qui se bat depuis plus de trente ans pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Pourtant, c’est bien de notre pays que nous parlons…

Nous trouvons-nous dans un no man’s land juridique ? Non. Cela rend la situation encore plus effrayante ! Un dispositif existe : les entreprises de plus de cinquante salariés sont obligées de négocier un accord, même s’il ne s’agit pas d’une obligation de résultat. Si aucun accord n’est conclu, un plan d’action doit être adopté au sein de l’entreprise. À défaut d’accord ou de plan d’action, une sanction disciplinaire significative pouvant atteindre 1 % de la masse salariale peut être prononcée ; de même, l’entreprise peut se voir frapper d’une interdiction de soumissionner à des marchés publics. Cependant, le rapport ne contient pas d’éléments permettant de mesurer l’impact de cette mesure.

Il existe donc bien un dispositif juridique permettant de sanctionner le non-respect des obligations fixées par la loi. Pour autant, les chiffres que j’ai cités montrent à quel point nous n’avons pas atteint l’objectif. J’ai bien entendu que 100 sanctions financières avaient été prononcées : quelle gloire ! De même, 2 000 mises en demeure ont été notifiées : là encore, quelle gloire, d’autant que nous ne parlons que des entreprises de plus de cinquante salariés, les autres étant exclues du dispositif ! Il existe donc des trappes à précarité féminine et des trappes à sous-rémunération féminine.

Je souscris à l’objectif de cette proposition de loi, qui consistait à donner davantage de corps aux sanctions afin d’obliger les entreprises à s’inscrire dans ce mouvement légitime. Hélas, je regrette que la sanction proposée ne semble pas adaptée à l’objectif poursuivi. Nous aurions dû sortir du champ spécifique des sanctions existantes pour mettre en place un dispositif plus global qui aurait obligé de manière quasi mécanique les entreprises à conclure des accords ou à adopter des plans d’action.

Ainsi, je regrette de ne pouvoir voter cet amendement, même si je partage l’objectif poursuivi par la proposition de loi.

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Mon intervention porte sur les six premiers articles, puisque la commission a maintenu les articles 7 et 8 du texte initial.

Mme la rapporteure a rappelé la position de la commission, qui a rejeté les articles 1er à 6, sans être pour autant défavorable à l’objectif qu’ils poursuivaient – l’égalité entre les femmes et les hommes est très clairement un objectif partagé par tous les groupes politiques de notre assemblée.

Ces articles ont été rejetés par la commission pour deux raisons.

D’une part, la loi existe parfois : il faut alors la faire appliquer. C’est ce que vient de dire M. Gomes : quand les textes existent, ils doivent être appliqués plus régulièrement. Les sanctions sont prévues par la loi et doivent pouvoir être prononcées. La loi est là pour être appliquée !

D’autre part, l’accord national interprofessionnel repris par la loi du 14 juin 2013 prévoit le dialogue social.

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Les différences d’opinion entre la rapporteure et notre groupe tiennent à notre divergence sur le dialogue social. À travers l’ANI et tous les textes adoptés au cours de cette législature, nous avons souhaité privilégier le dialogue social à la loi. Ces accords ont été conclus entre les partenaires sociaux, avec les syndicats ; dans un souci de cohérence, nous tenons à ce qu’ils soient respectés.

C’est pour ces raisons, et non pour des raisons de fond, que la commission a rejeté les articles 1er à 6. Je m’exprimerai ensuite sur les articles suivants.

L’amendement no 3 n’est pas adopté et l’article 1er demeure supprimé.

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La commission a supprimé l’article 2.

Je suis saisi d’un amendement no 4 tendant à le rétablir.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement.

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En effet, cet amendement tend à rétablir l’article 2 de la proposition de loi, lequel vise à sanctionner les entreprises qui ne produisent pas les informations et indicateurs relatifs à la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise.

Depuis la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, ces informations et indicateurs doivent être renseignés au sein de la base de données économiques et sociales alors qu’ils figuraient jusqu’alors dans le rapport de situation comparée. Le défaut de production de ces données ne fait l’objet d’aucune sanction spécifique, alors même que l’élaboration d’un état des lieux exhaustif des inégalités existant entre les hommes et les femmes doit être un préalable à toute négociation.

Bien souvent, les entreprises raisonnent « toutes choses égales par ailleurs » et excluent des variables de leur diagnostic. Par exemple, elles ne prennent en compte que les temps pleins, excluant les temps partiels, les métiers comparables à ceux effectués par les hommes, excluant les métiers exercés principalement par les femmes, et le salaire de base, excluant les primes et les éléments variables de la rémunération. Elles passent alors à côté des causes structurelles des inégalités.

Aussi l’amendement no 4 vise-t-il à rétablir l’obligation de réaliser un diagnostic exact des inégalités dans l’entreprise.

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J’imagine que cet amendement a également reçu un avis défavorable de la commission et favorable de la rapporteure.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Le Gouvernement partage le souci de consultation du comité d’entreprise. Ce point ne pose pas de difficulté, et les textes que nous avons adoptés récemment peuvent aller dans ce sens. Pour autant, l’article 2 créerait une nouvelle sanction alors qu’une sanction pénale existe déjà : en effet, la non-transmission des informations, assimilable à un délit d’entrave, est punie d’une sanction financière de 7 500 euros, si mes souvenirs sont bons. Avis défavorable.

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Madame la secrétaire d’État, je tiens à apporter une précision. Vous avez raison : le défaut de transmission par l’employeur des informations destinées aux représentants du personnel est déjà sanctionné.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Tout à fait.

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Cependant, l’article 2 porte non sur le défaut de transmission, mais sur le défaut de production de ces informations. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

En effet.

L’amendement no 4 n’est pas adopté et l’article 2 demeure supprimé.

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La commission a supprimé l’article 3.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 5 tendant à rétablir cet article.

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Nous entamons l’examen des articles relatifs au temps partiel. Nous avons rappelé le nombre de femmes concernées par cette organisation du travail contraire à l’égalité professionnelle : 82 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes.

Afin de limiter le recours abusif aux contrats à temps partiel par les entreprises, l’amendement no 5 propose de rétablir l’article 3 de la proposition de loi, lequel vise à dissuader les entreprises d’avoir recours de manière excessive au travail à temps partiel en diminuant de 20 % la réduction sur les cotisations patronales prévue par le code de la Sécurité sociale lorsque l’effectif moyen par catégorie d’emploi compte en moyenne, sur une année civile, plus de 15 % de salariés à temps partiel.

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La commission est donc défavorable à cet amendement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Je souhaite relever l’avis de la commission, qui a repoussé cet amendement, et ajouter un argument pour étayer l’avis défavorable du Gouvernement. Il me semble que la rédaction de l’amendement pose un problème de nature juridique tenant à la disproportion des sanctions proposées au regard de leur objet.

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J’aimerais réagir à un argument que j’ai entendu tout à l’heure, lors de la discussion générale, et qui justifie l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement, que je ne partage pas.

Au printemps, nous avons eu dans cet hémicycle un début de discussion sur ce que l’on avait appelé « l’inversion de la hiérarchie des normes ». Nous n’étions évidemment pas d’accord sur le niveau de négociation qui devait l’emporter sur l’autre à l’intérieur de l’entreprise. Cependant, nous étions au moins d’accord sur le fait qu’en matière de droit du travail, le législateur a le droit de fixer des règles, des seuils ou des planchers qui bornent la discussion des partenaires sociaux.

Ce qui me gêne dans les arguments que j’ai entendus tout à l’heure, c’est qu’on a l’impression qu’à partir du moment où une négociation aurait eu lieu entre les partenaires sociaux, le législateur devrait s’interdire d’en changer les paramètres, quand bien même plusieurs mois voire plusieurs années se seraient écoulés sans que les discussions aient avancé. Cela me gêne énormément ! Je ne vois pas pourquoi nous nous arrogeons tous les ans le droit de modifier la législation fiscale, par exemple, lorsque nous constatons qu’un certain nombre de problèmes fondamentaux ne sont pas résolus, alors qu’en matière de droit du travail, au motif que nous aurions voté une loi de circonstance visant à transposer l’ANI de 2003, il serait interdit de constater plusieurs années plus tard que les choses n’avancent pas en matière d’égalité entre les hommes et les femmes ou de lutte contre le temps partiel subi, par exemple. Pourquoi serait-il interdit au législateur de prendre ses responsabilités ?

Il s’agit d’un problème de concept et de principe. Nous devons distinguer, d’une part, la nécessité de nous autolimiter, à un moment donné, pour tenir compte d’une négociation qui vient d’avoir lieu, et d’autre part, le principe selon lequel le Parlement ne peut pas s’abaisser au point de considérer que son pouvoir législatif doit s’effacer définitivement devant ce qu’on appelle « dialogue social ». En matière de dialogue social, d’ailleurs, nous parlons ici d’accords n’ayant pas fait l’objet d’un consensus de l’ensemble des organisations représentatives des salariés.

L’amendement no 5 n’est pas adopté et l’article 3 demeure supprimé.

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La commission a supprimé l’article 4.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 6 , qui tend à le rétablir.

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Cet amendement de rétablissement de l’article 4 propose d’améliorer la protection des salariés à temps partiel, qui ne bénéficient pas de la durée minimale de vingt-quatre heures de travail par semaine prévue par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013. En effet, de nombreuses dérogations prévues depuis 2013 ont pénalisé les salariés en permettant aux entreprises de proposer des emplois à temps très partiel sans compensation salariale ou avec de faibles niveaux de compensation. Cet amendement propose donc de majorer la rémunération des heures effectuées dans le cadre des contrats de travail à temps partiel dès lors que la durée hebdomadaire de travail à temps partiel est inférieure à vingt-quatre heures.

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Cet amendement a fait l’objet d’un avis défavorable de la commission.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

L’avis du Gouvernement est défavorable. J’en ai expliqué les raisons tout à l’heure. Une négociation entre partenaires sociaux a eu lieu et a débouché sur un accord. Un projet de loi a ensuite été voté au Parlement. Nous ne souhaitons donc pas remettre en cause le dispositif en nous affranchissant du processus qui l’a précédé et qui a permis l’accord des partenaires sociaux puis le vote de la loi.

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Je soutiens cet amendement. S’agissant de la durée minimale du travail à temps partiel, la loi du 14 juin 2013 formule certes un principe mais permet de déroger par accord de branche à la durée minimale de travail de vingt-quatre heures. Il en est résulté des négociations ayant abouti à des temps de travail dérisoires d’une ou deux heures, proches des contrats zéro heure mis en place au Royaume-Uni qui placent les salariés concernés dans une forte précarité.

Parmi les dix-sept branches ayant structurellement recours au temps partiel, seules trois ont prévu des durées de travail égales à vingt-quatre heures et une seule a prévu une durée supérieure. En l’absence de garanties solides fixées par le législateur, on assiste à une négociation de régression et non d’acquisition de droits sociaux pour les salariés. Nous avons à présent le recul nécessaire sur la loi du 14 juin 2013 pour affirmer que l’encadrement proposé n’est pas à la hauteur des espérances.

En outre, la loi Travail du 8 août 2016 a fragilisé un peu plus l’édifice en confirmant le caractère supplétif de cette durée qui n’a vocation à s’appliquer qu’à défaut d’accord de branche. Ainsi, l’article 4, qui ne remet pas en cause la négociation de branche, propose opportunément de renforcer le principe d’une durée minimale de travail hebdomadaire de vingt-quatre heures en majorant les heures à temps très partiel de 25 % si le temps de travail est inférieur à vingt-quatre heures et de 50 % s’il est inférieur à quinze heures. Il nous semble constituer un cadre législatif protecteur et respectueux des salariés mais aussi de la négociation collective. Il faut vraiment rétablir cet article si l’on veut sincèrement aider les femmes à accéder à l’égalité.

L’amendement no 6 n’est pas adopté et l’article 4 demeure supprimé.

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La commission a supprimé l’article 5.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 7 tendant à rétablir cet article.

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Il s’agit de mettre un terme à une discrimination. Je souligne une fois de plus que la législation est faite pour encourager le temps partiel, surtout celui qui est mal rémunéré. En effet, les premières heures complémentaires peuvent être majorées de 10 % si un accord de branche le prévoit, mais tous les accords de branche ne le prévoient pas. Seuls onze de ces accords prévoient une majoration des heures complémentaires supérieure à 10 % ! Il y a là une illustration supplémentaire que le cadre législatif encourage une négociation de régression des droits sociaux plutôt que d’acquisition de nouveaux droits.

Outre la précarité qu’entraînent ces dispositions pour les femmes travaillant à temps partiel, elles entraînent aussi une rupture d’égalité vis-à-vis des salariés à temps plein qui bénéficient d’un taux de majoration des heures supplémentaires supérieur. En effet, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la moindre majoration des heures complémentaires par rapport aux heures supplémentaires crée une discrimination indirecte à l’égard des femmes travaillant à temps partiel. Nous proposons donc de majorer toutes les heures complémentaires de 25 %.

L’amendement no 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté et l’article 5 demeure supprimé.

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La commission a supprimé l’article 6.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 8 tendant à rétablir cet article.

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La loi du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi a créé un nouveau dispositif de compléments d’heures par avenant au contrat de travail en vertu duquel une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité d’augmenter temporairement, par un avenant au contrat de travail, la durée de travail prévue par celui-ci. La convention ou l’accord de branche étendu détermine le nombre maximal d’avenants qui peuvent être conclus dans la limite de huit par an et par salarié.

Les heures effectuées dans le cadre de cet avenant peuvent faire l’objet d’une majoration, mais il ne s’agit pas d’une obligation. Or les données de la direction générale du travail montrent que la majoration est loin d’être systématique. En 2015, seuls dix-neuf accords étendus ont prévu une majoration alors que la très grande majorité des accords étendus a organisé le recours à ce nouveau dispositif de compléments d’heures. Cet amendement propose donc de rendre obligatoire la majoration et précise qu’elle ne peut être inférieure à 25 %.

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Cet amendement a fait l’objet d’un avis défavorable de la commission.

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Je lui donnerai la parole après avoir entendu l’avis du Gouvernement, cher collègue, que je demande à présent à Mme la secrétaire d’État.

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Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Je serai brève : l’avis du Gouvernement est défavorable pour les raisons que j’ai évoquées tout à l’heure.

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Nous avons craint un instant que vous n’entendiez pas bien de l’oreille gauche, monsieur le président !

Sourires.

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Allons, monsieur Chassaigne, vous savez que tel n’est pas le cas ! Je pourrais même vous confier un détail personnel prouvant que j’entends mieux ce qui est dit à gauche que ce qui est dit à droite !

RSourires.

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Nous vous souhaitons d’entendre des deux oreilles, monsieur le président !

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Tel n’est malheureusement pas le cas, chère collègue, mais c’est ainsi, et depuis ma naissance !

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Encore récemment, les compléments d’heures étaient considérés par la Cour de cassation comme des fraudes visant à contourner la législation relative au travail à temps partiel. La loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 a légalisé ce dispositif. À l’évidence, ce genre de mesure vise à éviter aux employeurs le paiement d’heures complémentaires. D’ailleurs, plusieurs branches ne prévoient aucune majoration des compléments d’heures.

Ceux-ci ont pourtant des conséquences dramatiques. Ils placent les salariées dans une situation de précarité psychologique car elles ne connaissent pas leurs horaires de travail d’une semaine sur l’autre. On imagine ce qui en résulte en matière d’organisation de la vie, en particulier la vie familiale si elles ont des enfants !

Cette précarité psychologique est accentuée par la réduction des délais de prévenance de sept à trois jours en cas de changement d’horaires, prévue par la loi Travail votée en 2016, ce qui en est un aspect pervers supplémentaire ! Nous proposons donc de majorer les compléments d’heures au taux de 25 %, qui est cohérent avec le taux de majoration des heures complémentaires que nous proposons.

L’amendement no 8 n’est pas adopté et l’article 6 demeure supprimé.

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Je suis saisi d’un amendement no 9 portant article additionnel après l’article 6.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le soutenir.

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Cet amendement porte sur le délai de prévenance, sur lequel je souhaite m’arrêter. En lieu et place du délai de sept jours qui existait auparavant, la loi Travail du 8 août 2016 permet de négocier, dans le cadre d’un accord d’entreprise, un délai très inférieur, à savoir trois jours. Imaginons ce que cela signifie, dans la vie d’un salarié, qu’être prévenu avec trois jours d’avance que ses horaires et son temps de travail seront modifiés ! Être prévenu aussi tard de modifications de leur temps et de leurs horaires de travail constitue pour les salariés une souffrance. Le retour au délai de prévenance de sept jours constitue à mes yeux un minimum qui devrait rassembler toutes les forces de progrès de cet hémicycle !

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Cet amendement fait l’objet d’un avis défavorable de la commission.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

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Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Même avis que la commission.

L’amendement no 9 n’est pas adopté.

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La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 11 .

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Cet amendement fait l’objet d’un avis favorable de la commission.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

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Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Avis défavorable.

L’amendement no 11 n’est pas adopté.

L’article 7 est adopté.

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La parole est à M. Michel Issindou, pour soutenir l’amendement no 1 rectifié .

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Les pères bénéficient d’un congé de paternité de onze jours, qui s’ajoute au congé de naissance de trois jours, accordé et rémunéré par l’employeur. Nous partageons l’objectif poursuivi par cet article. Toutefois, il n’est pas raisonnable de porter ce délai de onze jours à quatre semaines sans se préoccuper des conséquences qui en résulteraient sur les dépenses de la Sécurité sociale.

C’est pourquoi cet amendement propose de donner aux pères une possibilité légèrement accrue de participer concrètement à l’accueil de l’enfant au cours des jours qui suivent sa naissance en portant le congé de paternité et d’accueil de l’enfant de onze à quatorze jours en cas de naissance d’un enfant et de dix-huit à vingt-et-un jours en cas de naissances multiples, ce qui nous semble constituer une avancée significative. Quelques jours, c’est toujours bon à prendre pour les pères dont nous espérons qu’ils les prendront et qu’ils nous en seront reconnaissants !

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Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la mesure consistant à augmenter de quelques jours la possibilité pour les pères de prendre un congé de paternité ne créera aucun choc sur les mentalités ni aucun changement d’attitude en matière de responsabilité des pères et des mères. Je ne peux émettre un avis défavorable, car il s’agit tout de même de trois jours supplémentaires, mais cette mesure n’a pas beaucoup de sens ni de portée.

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Il faut néanmoins que l’avis de la commission soit clairement exprimé.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Sagesse également. Je souscris à l’argument selon lequel cette mesure est un pas supplémentaire. Même si elle ne va pas plus loin, tout ce qui constitue une avancée doit être mentionné et souligné comme tel.

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Il me semble que les dispositions que nous proposons doivent être fonction du degré de gravité des constats que nous faisons. Il a été dit en discussion générale que les inégalités salariales entre les hommes et les femmes ne venaient pas nécessairement de discriminations de droit mais étaient liées souvent à des différences de carrière ou d’accès aux emplois, elles-mêmes liées à des problématiques culturelles, au partage des tâches domestiques – au fait, par exemple, que les femmes sont plutôt enclines à s’occuper de leurs enfants quand les hommes se soucient davantage de leur carrière. À partir du moment où ces constats ont été faits, il paraît nécessaire de traiter les problèmes à la source, et de façon plus radicale.

En l’occurrence, il est clair – beaucoup ici en ont fait l’expérience – que les premiers jours qui suivent l’arrivée d’un enfant sont décisifs dans la façon dont le partage des tâches s’effectuera au sein du couple. Je rejoins la thèse de Mme Buffet : il faut provoquer un choc, imposer une modification substantielle plutôt que de prendre une mesure homéopathique.

L’amendement no 1 rectifié est adopté et l’article 8 est ainsi rédigé.

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Je suis saisi de deux amendements, nos 12 et 2 , portant article additionnel après l’article 8 et pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 12 .

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La parole est à M. Michel Issindou, pour soutenir l’amendement no 2 .

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À titre personnel, avis favorable à l’amendement no 12 , défavorable à l’amendement no 2 .

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Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Avis favorable à l’amendement no 2 , défavorable à l’amendement no 12 .

L’amendement no 12 n’est pas adopté.

L’amendement no 2 est adopté.

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La commission a supprimé l’article 9.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 10 tendant à rétablir cet article.

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Dans la lutte contre les discriminations, le premier problème est d’apporter la preuve de la discrimination. Cela explique le faible nombre de plaintes enregistrées. Les discriminations, inacceptables, sont encore trop nombreuses et il faut pouvoir les combattre grâce à une meilleure information des citoyennes et des citoyens ainsi que des salariés. C’est pourquoi nous proposons que l’information collective, sur panneaux d’affichage, soit complétée par une information individuelle. Chaque candidat à l’embauche doit se voir notifier ses droits.

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J’imagine que cet amendement a fait l’objet d’un avis défavorable de la commission.

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Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Même avis défavorable.

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Lors de la discussion générale, beaucoup d’orateurs ont souligné la gravité du phénomène des discriminations à l’embauche, qui mine la promesse républicaine d’égalité des droits. Cela n’est pas sans lien avec le sentiment que peuvent avoir beaucoup de jeunes de ne pas être pleinement intégrés à notre communauté nationale.

Bien sûr, il est difficile de lutter contre des phénomènes qui ne sont pas assumés, qui passent par les représentations. On sait aussi que les mesures que nous prenons risquent d’être inefficaces et que derrière chaque mur que nous ferons tomber, un autre peut-être se dressera. Mais ne rien faire, ou donner le sentiment – car je ne dis pas que rien n’a été fait – que le législateur ne cherche pas à avancer plus concrètement dans ces domaines, me paraît une faute. Or la mesure proposée par Mme Buffet ne semble pas exorbitante, elle ne complique pas de façon inutile et considérable la vie des entreprises.

Par conséquent, je ne comprends pas le réflexe qui consiste à s’opposer ici à ces avancées simples et pragmatiques.

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Je veux moi aussi m’étonner du refus du Gouvernement d’accéder à cette demande très simple que les personnes concernées reçoivent une information individuelle. Enfin, c’est le b.a.-ba ! On nous dit qu’il existe un affichage collectif – très bien ! Cette notification individuelle ne pourra qu’améliorer l’information du candidat. Je ne vois vraiment pas pourquoi une proposition aussi simple, de bon sens, est refusée par le Gouvernement.

En outre, cet amendement propose d’instaurer un registre des candidatures adossé au registre unique du personnel. On sait qu’apporter la preuve d’une discrimination est difficile. Cette demande est tout à fait légitime puisqu’un tel registre conserverait une trace écrite, serait accessible aux délégués du personnel et à l’inspection du travail. Cette disposition va dans le sens de la limitation des abus et de la défense des droits des femmes.

Les droits des femmes, tout le monde s’en réclame ici, mais lorsqu’il faut passer à l’acte, c’est plus compliqué !

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Monsieur le président, il faut mieux regarder ce qui se passe dans les travées, surtout lorsque l’on est malentendant !

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Monsieur Carvalho, je vous invite à respecter la présidence, comme le font tous vos collègues dans cet hémicycle. La remarque que vous venez de faire sera notée au compte rendu ; elle ne vous honore pas !

Sur l’amendement no 10 , je suis saisi, à l’instant, par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

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M. Chassaigne, président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, a le droit de demander ce scrutin public jusqu’au bout. Je respecte bien évidemment sa demande.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Et nous allons bien entendu respecter le délai réglementaire de cinq minutes avant de procéder au vote.

………………………………………………………………………………….

Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 10 .

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 17 Nombre de suffrages exprimés: 17 Majorité absolue: 9 Pour l’adoption: 7 contre: 10 (L’amendement no 10 n’est pas adopté.)

L’article 10 n’est pas adopté.

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En application de l’article 101 du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 7 de la proposition de loi.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 1 , tendant à supprimer l’article 7.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Je voudrais tout d’abord assurer la représentation nationale de mes regrets d’avoir demandé cette seconde délibération mais il me semblait nécessaire de clarifier les débats. Peut-être nous sommes-nous décidés un peu trop vite, sans prêter suffisamment attention à l’argument, avancé par Michel Issindou au cours de la discussion générale, du coût de cette mesure, évalué à 281 millions d’euros. Nous souhaitons une seconde délibération de cet article 7 auquel nous sommes défavorables.

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Sur l’amendement no 1 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme la rapporteure.

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J’avoue être très étonnée ! Si la commission avait en effet adopté des amendements visant à supprimer les articles relatifs à l’égalité professionnelle, elle avait en revanche adopté l’article 7 qui prolonge de seize à dix-huit semaines la durée du congé maternité. Elle avait également adopté l’article 8 en sachant qu’un amendement serait déposé en séance publique pour porter de onze à quatorze jours la durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant.

Et soudain, l’on nous annonce un amendement de suppression, qui vide de sa substance cette proposition de loi. Il ne restera donc plus rien de cette proposition de loi relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ! Il ne restera rien non plus sur les congés de maternité et de paternité ! C’est une belle image de notre Assemblée que nous donnons aujourd’hui !

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Je comprends bien votre réaction, madame Buffet, mais il faut rester calme.

Cette seconde délibération n’est pas incohérente par rapport au vote en commission. La commission a rejeté cet article 7 car nous avons estimé que l’allongement de seize à dix-huit semaines représentait un coût manifestement élevé – entre 267 et 280 millions d’euros. C’est une charge pour la Sécurité sociale et c’est pour cette unique raison que nous l’avions rejeté.

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Je le reconnais, nous avons tous été débordés par l’effervescence des votes, tout à l’heure. Cela étant, je préfère que l’on rejette cet article 7 et que l’on conserve l’article 8 qui porte de onze à quatorze jours le congé de paternité et d’accueil de l’enfant pour la naissance d’un enfant et de dix-huit à vingt et un jours en cas de naissance multiple. Certes, l’avancée qu’il représente ne vous paraît sans doute pas significative, mais elle demeure importante pour nous. Je préfère que cette proposition de loi soit adoptée, quitte à ce qu’elle soit réduite à ce progrès, qui demeure indéniable, plutôt que de la voir rejetée dans sa globalité, ce qui nous ferait perdre le bénéfice des dispositions de l’article 8.

J’invite donc notre groupe à voter l’amendement no 1 du Gouvernement pour nous permettre d’adopter ensuite la proposition de loi. Je conviens, madame la rapporteure, que les dispositions qui vous semblaient essentielles n’y figurent plus, mais je répéterai ce que j’ai dit en discussion générale et lors de l’examen des articles : nous souhaitons respecter les termes du dialogue social. Nos opinions divergent assez fortement sur cette question mais ce n’est pas nouveau, puisque cela fait quatre ans que nous en parlons franchement.

Soit nous votons l’amendement du Gouvernement soit l’ensemble de la proposition échouera, et il serait dommage que cette mesure de progrès ne soit pas adoptée.

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Ainsi, la seule avancée que nous aurions pu retirer de ce débat, après vos grandes déclarations, vos péroraisons autour de la nécessité de faire évoluer la loi, vous la supprimez ! De surcroît, vous avez le culot – j’emploie le terme – de déclarer que si l’amendement du Gouvernement, qui vide totalement la proposition de loi de son contenu, est adopté, vous pourrez alors la voter ! Je reprends cette fameuse image dont je me suis déjà servi : vous voulez nous faire acheter un couteau sans lame qui aurait perdu son manche ! C’est-à-dire rien du tout !

Après avoir tenu de tels discours pendant la discussion générale, après être apparus comme les défenseurs de l’égalité entre les femmes et les hommes, vous videz complètement ce texte que Marie-George Buffet a fort bien défendu, avec une grande dignité. Je serais à votre place, j’aurais honte d’aboutir à un tel résultat, de prendre des décisions qui vont à l’encontre de vos grands discours !

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Cher collègue, la commission avait voté l’article 7 sans modification. J’en veux pour preuve qu’il figure bel et bien dans le texte issu des travaux de la commission. Je ne comprends pas pourquoi vous prétendez le contraire. Cet article a été adopté, de même que l’article 8.

Que vous changiez d’avis aujourd’hui, pourquoi pas, mais assumez-le et ne dites pas que cet article a été repoussé en commission. Assumez votre changement de position !

Vous nous dites que vous allez voter cette proposition de loi si l’amendement du Gouvernement est adopté, mais qu’allez-vous donc voter ? Un article qui porte le congé de paternité de onze à quatorze jours, sachant que celui-ci peut être pris ou non ? C’est cela que vous allez voter ? Eh bien, moi, je ne voterai pas cette proposition de loi telle qu’elle ressort de notre discussion.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le président, je m’étonne de l’évolution et surtout du contenu d’un débat qui méritait mieux que l’étalage des contradictions au sein de la gauche mais aussi entre la commission, le Gouvernement et les députés de cet hémicycle.

Je le regrette beaucoup car les femmes de France, et d’ailleurs pas seulement elles, suivent nos débats et nous pouvions attendre, sinon plus, du moins mieux. Plus, je ne sais pas en effet, car la proposition de loi ne fait pas l’objet d’étude d’impact et les observations relatives à l’importance des coûts sont légitimes. Nous avions nous-mêmes soulevé la question mais il est navrant que ce débat risque de se clore sans apporter de progrès réel. Je le regrette infiniment.

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Je serai brève mais je voudrais tout de même insister sur un point particulièrement préoccupant. Je ne reviendrai pas sur le fait que la proposition de loi a été vidée de son contenu. Vous avez raison de le souligner, madame Ameline, un tel sujet méritait d’autres débats, une vraie prise de conscience et plus de considération.

Cela étant dit, avez-vous réalisé que vous avez refusé de porter le délai de prévenance de trois à sept jours ? Cela signifie que les femmes peuvent n’être prévenues d’un changement de leurs horaires de travail que trois jours avant ! À elles de se débrouiller pour gérer la garde de leurs enfants, leur accueil en centre de loisirs ! À elles de s’organiser ! Trois jours avant seulement ! Notre proposition d’un délai raisonnable d’une semaine était pourtant loin d’être exorbitante. Peut-on prévenir une femme que son horaire va changer une semaine plus tard ? Eh bien non, il n’est même pas possible de faire voter ici un délai de prévenance de sept jours. Franchement, c’est à rougir de honte !

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 19 Nombre de suffrages exprimés: 18 Majorité absolue: 10 Pour l’adoption: 9 contre: 9 (L’amendement no 1 n’est pas adopté.)

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Nous en arrivons au vote sur l’ensemble de la proposition de loi. Y a-t-il des demandes d’explications de vote ?

La parole est à M. André Chassaigne.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-sept, est reprise à dix-neuf heures.

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La séance est reprise.

Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Issindou.

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Je voudrais décrisper la situation. Il serait regrettable que nous finissions en étant aussi tendus ! Nous avons bien compris que le passage de seize à dix-huit semaines représente quelque chose d’important. Si nous avons rejeté cette disposition, ce n’est pas, je le répète, pour le plaisir d’embêter les femmes en congé de maternité. Simplement, le Gouvernement et sa majorité ont toujours eu le souci de l’équilibre financier. Les contraintes budgétaires de la Sécurité sociale sont connues. On sait aussi le coût de cette mesure certainement excellente par ailleurs : entre 250 et 300 millions d’euros. Une paille…

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Qu’est-ce que cela représente par rapport au coût du CICE ?

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Dans ces conditions, et parce que nous ne voulons pas renvoyer aux femmes une image négative – ce n’est nullement l’objectif : le problème, j’y insiste, est d’ordre financier –, je propose que, dans une belle harmonie, une belle alliance populaire, si vous me passez cette expression de circonstance (Sourires),…

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…nous votions tous l’ensemble de ce texte. Cette adoption portera le congé de maternité de seize à dix-huit semaines, étant entendu que la disposition de l’article 8 n’est pas négligeable pour les pères, qui, je pense, sauront l’apprécier. Mettons fin à ces débats difficiles entre nous et adoptons unanimement cette proposition de loi. Elle prospérera ou non en fonction de son examen au Sénat et de son retour à l’Assemblée sous la prochaine législature, dans de nombreux mois et devant d’autres que nous sans doute.

Bref, pour que les femmes y trouvent leur compte et parce que vous avez été, madame la rapporteure, une défenseure dont je salue la conviction et la volonté d’aboutir, nous voterons pour cette proposition de loi.

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Je partage l’avis de M. Issindou. Après des débats intéressants, après l’adoption de la proposition de résolution pour une COP fiscale et de la proposition de loi en faveur des retraites agricoles, il est dommage que s’installent des tensions. La question doit être envisagée globalement. Nos discussions ont permis de dégager des éléments importants concernant la parité. Dans les collectivités territoriales ou dans la fonction publique, il est possible d’imposer un cadre. En revanche, vouloir peser sur les résultats de la négociation par des contraintes excessives serait contraire à l’esprit de ce que nous avons voté au cours de la législature – je pense en particulier à la loi du 4 août 2014.

Le sujet reste donc sur la table. Lors de la discussion de la loi Travail, la présidente Catherine Lemorton avait déjà tenté un compromis, et je lui en rends hommage, en faveur de la parité dans les branches professionnelles en termes d’instances représentatives, dans le prolongement des réflexions que nous avions menées au sein de la délégation au droit des femmes.

Quoi qu’il en soit, et même si elle ne semble pas promise à une longue destinée, nous voterons cette proposition de loi qui inspirera les prochains travaux préparant une loi beaucoup plus globale, portant, j’y reviens, sur une question essentielle qui a également fait l’objet de travaux au sein de la délégation aux droits des femmes, celle des budgets genrés et de l’intégration systématique de la variable du genre dans la préparation des textes.

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Nous considérerons donc, mes chers collègues, que ces deux interventions valent explication de vote pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

La parole est maintenant à Mme Nicole Ameline, pour une explication de vote au nom du groupe Les Républicains.

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Notre groupe votera ce texte, ou du moins ce qu’il en reste, parce que tout progrès pour l’égalité, aussi faible soit-il, reste positif.

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Nous sommes navrés, je le répète, qu’un débat aussi important donne lieu à un tel étalage de contradictions. Cette priorité que nous avons tous rappelée à la tribune, je souhaite qu’elle le devienne véritablement dans les prochains mois. Nous le devons à l’ensemble des femmes de notre pays.

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Il n’y a pas d’autres demandes d’explication de vote.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 21 Nombre de suffrages exprimés: 21 Majorité absolue: 11 Pour l’adoption: 21 contre: 0 (La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.)

Sourires.

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J’espère que mon vote a bien été enregistré !

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L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne pour un débat démocratique sur l’accord économique et commercial global (CETA) (nos 4335, 4392, 4398).

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La parole est à M. Marc Dolez, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie, mes chers collègues, cette proposition de résolution européenne porte sur l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, plus connu sous son acronyme anglais, le CETA. Cet accord s’inscrit dans la longue liste de ces traités de libre-échange animés par des dogmes néolibéraux à l’origine d’une « mondialisation malheureuse » pour les peuples. C’est donc la nature et l’objet même du CETA que nous rejetons sur le principe.

Comme l’ensemble de ceux qui l’ont précédé, cet accord de libre-échange vise à supprimer les barrières tarifaires dans les échanges de biens et de services. Il inclut également de nombreuses dispositions relatives à la libéralisation des marchés publics et des investissements, à la protection de la propriété intellectuelle – dont les indications géographiques protégées –, ainsi qu’à l’harmonisation des normes, sans oublier la création d’un mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États. Sa portée est si large qu’il peut être comparé au partenariat transatlantique de commerce et d’investissement avec les États-Unis, appelé plus couramment TAFTA.

Très logiquement, cette portée du CETA a suscité de nombreuses inquiétudes et critiques, à la fois dans la société civile et au sein des institutions politiques, tant au niveau national qu’au niveau européen.

La première critique porte sur le caractère antidémocratique du traité. En effet, il a été négocié pendant de longues années dans la plus totale opacité, sans aucune consultation ni information des parlements et de la société civile, sous l’influence évidente des lobbies, ce qui explique son orientation très libérale.

De plus, le Conseil européen a décidé le 28 octobre dernier d’autoriser non seulement sa signature, mais aussi son entrée en vigueur provisoire. Cela signifie que, sous réserve d’une approbation par le Parlement européen, la quasi-totalité des dispositions du traité pourront entrer en vigueur sans que les parlements nationaux aient pu se prononcer. Le CETA étant un accord mixte, c’est-à-dire comportant des dispositions relevant à la fois des compétences exclusives de l’Union européenne et des compétences nationales, il devra certes être ratifié par les parlements nationaux mais probablement pas avant plusieurs années.

Enfin, comme je l’ai indiqué, le CETA comprend un mécanisme de règlement des différends entre les États et les investisseurs, sous la forme d’une cour internationale d’investissement. Certes, il n’est plus question désormais des scandaleux tribunaux d’arbitrage privés qui figuraient dans le projet initial. Cependant, les risques pour le droit des États à réguler sont les mêmes : des investisseurs pourront attaquer des décisions de politique publique, par exemple l’interdiction des OGM, et, s’ils gagnent, contraindre les États à leur verser des millions d’euros à titre de compensation.

La deuxième inquiétude porte sur le coût social du CETA. Une étude indépendante réalisée par l’université américaine Tufts, qui s’appuie sur le modèle des politiques mondiales des Nations unies, a conclu à la disparition, d’ici à 2023, de près de 230 000 emplois cumulés au Canada et dans l’Union européenne, dont un peu plus de 200 000 dans l’Union et près de 45 000 emplois en France. Le secteur agricole français, notamment ses filières d’élevage, dont on connaît la fragilité, serait particulièrement touché par l’augmentation des quotas d’importations à 50 000 tonnes de viande bovine et 75 000 tonnes de viande porcine par an.

Les inquiétudes sont également très vives quant à l’impact du CETA sur les services publics. Pour la première fois dans un accord de libre-échange signé par l’Union européenne figure une liste négative des services exclus de la libéralisation. Bien qu’elle se donne comme protectrice des services publics, cette liste, par son existence même, hypothèque largement l’avenir en interdisant de transformer en service public des activités économiques encore en devenir, voire les services publics déjà libéralisés.

Enfin, comme l’a relevé la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans un avis rendu public le 15 décembre dernier, le CETA est susceptible d’avoir des conséquences qui vont à l’encontre des objectifs du développement durable, en particulier s’agissant des enjeux climatiques et environnementaux. En effet, il promeut l’investissement européen au Canada, y compris dans l’exploitation des sables bitumineux dont on sait l’impact désastreux sur l’environnement. Le mécanisme de règlement des différents permettrait également aux investisseurs d’attaquer des réglementations environnementales adoptées par les États, y compris les dispositions prises en application des accords de Paris. Au reste, le CETA ne comporte aucune référence au principe de précaution, pourtant inscrit en tant que tel dans le droit européen à l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Les risques pour l’économie européenne apparaissent suffisamment réels et sérieux pour que la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen recommande, le 8 décembre dernier, de rejeter l’accord. Ce rejet est également exigé par les 3,5 millions de citoyens qui ont signé la pétition contre le CETA et son équivalent états-unien, le TAFTA. Par ailleurs, 2 100 communes européennes se sont déclarées « hors TAFTA et CETA », refusant symboliquement d’être soumises à ces deux accords. Enfin, une plainte à laquelle se sont jointes plus de 100 000 personnes a été déposée contre le CETA devant la Cour constitutionnelle allemande. Les plaignants considèrent que cet accord est de nature à menacer les droits des travailleurs et des consommateurs ainsi que la protection de l’environnement, lesquels sont garantis par la loi fondamentale allemande.

Malgré cette large mobilisation des citoyens, des partenaires sociaux et même d’une commission du Parlement européen, sans oublier la résistance de la Wallonie, qui a réussi à faire reporter quelque temps la signature de l’accord, le CETA a été signé le 30 octobre 2016 et entrera très prochainement en vigueur, sous réserve que le Parlement européen l’approuve lors du vote prévu le 15 février prochain. Par conséquent, cette proposition de résolution n’arrive pas « trop tard », ainsi que j’ai pu l’entendre durant son examen en commission. Bien au contraire, elle est débattue au bon moment, parce que tout est en train de se jouer au Parlement européen et que, d’une manière générale, il n’est jamais trop tard pour débattre, surtout lorsque les enjeux sont aussi considérables. Je rappelle à ce propos que c’est grâce à une autre proposition de résolution européenne déposée par le groupe GDR que notre assemblée a pu débattre, le 22 mai 2014, des négociations du TAFTA.

À vrai dire, la catastrophe économique, sociale et environnementale que nous promet le CETA n’est rendue possible que par le mépris avec lequel les Parlements nationaux et l’opinion publique ont été traités depuis l’ouverture des négociations. Une telle situation exige plus que jamais que les implications de cet accord soient débattues publiquement, de manière transparente et contradictoire.

C’est pourquoi la proposition de résolution invite le Gouvernement à consulter le Parlement avant toute mise en oeuvre provisoire…

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…même si, évidemment, il eût été préférable de consulter le Parlement avant même d’autoriser la signature du traité.

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Comme je l’ai déjà indiqué, le CETA, accord mixte, devra être ratifié par l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Or, compte tenu des enjeux, il ne serait pas acceptable que cette ratification soit expédiée à la va-vite, comme c’est souvent le cas pour les traités internationaux. Il est au contraire indispensable de donner la parole au peuple auxquels il revient de décider de son propre destin.

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C’est pourquoi la proposition de résolution invite aussi le Gouvernement à proposer au Président de la République l’organisation d’un référendum, conformément à l’article 11 de la Constitution.

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Je précise qu’il n’est pas dans l’esprit de la résolution de demander l’organisation d’un référendum avant les échéances électorales du printemps prochain mais d’en fixer dès maintenant le principe.

Mes chers collègues, cette proposition de résolution a été rejetée, tant par la commission des affaires européennes que par la commission des affaires étrangères, mais vous comprendrez qu’à titre personnel et pour toutes les raisons indiquées, je vous invite à l’adopter.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie.

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Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de rappeler l’émotion et la solidarité du Gouvernement, et j’imagine de l’Assemblée tout entière, après l’attaque terroriste de Québec. En cet instant, alors que nous échangeons sur un sujet commun à la France et au Canada, nous tenons à exprimer notre solidarité avec le peuple de ce grand pays ami.

Le projet de résolution porté par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine invite à « un débat démocratique » sur l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada. Je tiens d’emblée à rappeler que, précisément, le premier mérite du Gouvernement et singulièrement de Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, est d’avoir créé les conditions d’un débat démocratique.

Je reviendrai sur les trois points de cette résolution : l’opportunité du soutien de la France au CETA, les modalités d’application provisoire de l’accord, et votre demande d’un référendum populaire pour autoriser la France à ratifier cet accord.

En premier lieu, il faut mettre fin à une confusion : le CETA n’est pas le TTIP.

L’accord signé en octobre 2016 par l’Union européenne et tous les États membres est un accord équilibré qui prend en compte nos intérêts commerciaux. Nous avons négocié et obtenu des garanties claires et précises en réponse aux inquiétudes dont une part de la représentation nationale et une partie de la société civile se font régulièrement l’écho. Ce sont des acquis auxquels le Parlement peut donner de la force.

Il en va autrement du TTIP, auquel la France a retiré son soutien politique parce que les négociations en cours, dans un déséquilibre flagrant, ne traduisaient pas la conception moderne, sociale et environnementale que nous avons des accords commerciaux, et ne respectaient pas nos intérêts économiques. Dans ces conditions, la France a clairement appelé à l’arrêt des négociations.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie

S’agissant du CETA, nous avons jugé sur pièces. Nos intérêts économiques sont clairement identifiés. Certes, nous avons déjà un excédent commercial avec le Canada, mais notre relation commerciale n’est pas à la hauteur de son potentiel. Avec 3,2 milliards d’euros d’exportations pour 0,5 milliard d’euros d’excédent, elle équivaut aujourd’hui à celle que nous entretenons avec la Thaïlande ou le Nigeria.

Les accords commerciaux réussis sont ceux qui créent de l’activité et donc des emplois dans nos entreprises exportatrices. Nous avons des points de comparaison : depuis que l’Union européenne a signé un accord avec la Corée du Sud en 2013, elle a augmenté de 55 % ses exportations dans ce pays. Or la Corée du Sud est un pays comparable au Canada par son PIB.

Nous estimons que plusieurs secteurs bénéficieront particulièrement de cet accord : les vins et spiritueux, premier poste des exportations de la France, le textile-habillement, où la France détient la deuxième part de marché parmi les pays européens, les cosmétiques ou encore les produits agricoles transformés. En ouvrant également ses marchés aux services, le Canada offre des opportunités pour un secteur très favorable à la France et à nos entreprises.

Nous avons obtenu l’engagement du Canada sur la réciprocité dans les marchés publics à tous les échelons administratifs, non seulement au niveau fédéral mais aussi au niveau des provinces. L’offre d’accès aux marchés publics est la plus complète faite jusqu’ici par le Canada à un pays tiers, y compris les États-Unis. Le Canada ouvrira ainsi largement ses marchés publics à nos entreprises, ce qui pourrait représenter pour celles-ci un gain potentiel de près de 70 milliards d’euros.

Aujourd’hui, 75 % des 10 000 entreprises exportatrices françaises au Canada sont des PME. Cet accord représente pour toutes ces entreprises dans nos territoires des opportunités nouvelles, dans une conjoncture mondiale atone. C’est pourquoi elles espèrent le voir entrer en vigueur rapidement.

Le CETA est aussi un accord économique moderne parce qu’il marque des progrès importants dans la prise en compte des sujets démocratiques, environnementaux et sociaux.

Avec nos partenaires canadiens, et notamment avec le gouvernement Trudeau, nous nous sommes engagés à rechercher le niveau de normes le plus exigeant et le plus protecteur. C’est une étape fondamentale pour intégrer pleinement aux négociations commerciales des principes et des valeurs progressistes. À l’heure où se multiplient les offres bilatérales, souvent dénoncées par le président Xi Jinping mais prisées du président Trump, nous devons mesurer notre responsabilité pour soutenir la conclusion d’accords modernes, équilibrés et justes.

Je veux vous donner quelques exemples d’acquis qui pourraient, sans le CETA, ne jamais voir le jour.

En matière de démocratie, nous avons avec le CETA l’opportunité de créer la première « Cour publique des investissements » afin de mettre un terme au système aberrant de l’arbitrage privé aujourd’hui en place. Ce dernier, vous le savez, permet aux multinationales d’attaquer les États quand une réglementation leur fait perdre des profits. Les États-Unis, à l’aise avec l’arbitrage privé, refusaient d’en débattre dans le cadre du TTIP.

Ce système de cour publique est novateur parce que les États nommeront et rémunéreront les juges appelés à se prononcer sur les différends avec les entreprises. Pour en finir avec les conflits d’intérêts, ces juges seront contraints à des règles de déontologie strictes et leurs décisions pourront être frappées d’appel. C’est véritablement un premier pas vers la « Cour publique multilatérale des investissements » que la France appelle de ses voeux.

En ce qui concerne l’objectif environnemental, le Canada a accepté d’ajouter une déclaration contraignante conjointe mentionnant l’Accord de Paris, qui est intervenu après la conclusion des négociations du CETA.

Le CETA ne se substitue pas aux normes européennes. Pour avoir accès au marché européen, il faudra respecter les normes européennes, notamment les normes sanitaires, qui continueront de s’appliquer aux producteurs canadiens. C’était notre ligne rouge : elle a été respectée.

S’agissant des aspects sociaux, le CETA innove également puisque nous avons fait intégrer deux dispositions majeures. Premièrement : un niveau d’application exemplaire des normes sociales et de droit du travail – je vous signale que le Canada est actuellement en train de ratifier la Convention de l’OIT, ce qu’il n’avait pas fait jusqu’à présent ; deuxièmement : la préservation totale de la capacité des États et des collectivités à créer et maintenir des services publics nationaux et locaux.

À l’heure où le nouveau président américain met en avant sa défiance à l’égard de l’Union européenne, le CETA est un exemple d’accord réussi qui porte nos valeurs et atteint un équilibre propre à la relation de partenaires respectueux les uns des autres.

Pour terminer, je souhaite ajouter un point qui concerne l’agriculture et a suscité de nombreuses interrogations. Le CETA ouvre largement le marché canadien à nos produits agricoles et agroalimentaires. Les droits de douane canadiens seront supprimés pour 92 % des produits. C’est vrai pour les fromages européens, dont le Canada a accepté l’importation libre de droits pour un quota de 18 500 tonnes alors que ces produits font aujourd’hui l’objet de droits de douane très élevés. C’est une victoire majeure.

Concernant le boeuf et le porc, le CETA les inscrit comme des produits sensibles à protéger. S’agissant de la viande bovine, les exportations du Canada vers l’Union européenne ne représentent pas des flux visant à noyer le marché européen puisqu’un quota annuel de 45 840 tonnes de viande canadienne de boeuf est prévu. Au-delà de ce volume, les droits de douane sont maintenus. Quant au boeuf ainsi importé de façon restrictive dans le cadre de l’accord, il sera – cela est inscrit et sécurisé – sans hormones.

De plus, des contrôles aléatoires sont toujours prévus pour éviter, dans le cadre de cet accord comme dans d’autres, d’éventuels contournements. Ainsi les intérêts de notre secteur agricole et notre conception de ce secteur sont défendus.

En parallèle, nous avons renforcé les instruments de notre « diplomatie des terroirs » visant à garantir et l’authenticité et l’attractivité de nos produits en inscrivant dans le CETA la protection de 42 indications géographiques françaises et 173 à l’échelle européenne.

Un débat a été ouvert à propos d’indications géographiques qui n’auraient pas été protégées dans le CETA. Permettez-moi de préciser, d’une part, que le principe est de ne protéger que les produits qui font l’objet d’usurpations ou risquent d’en faire l’objet ; d’autre part, et pour sécuriser l’avenir, nous avons fait insérer un dispositif permettant très facilement et très rapidement l’ajout d’un produit si un risque venait à apparaître pour celui-ci – c’est l’article 20.22.

Aujourd’hui, les États-Unis voient d’un oeil inquiet notre accord avec le Canada. À titre d’exemple, parce que notre appellation « Champagne » est désormais protégée et reconnue au Canada, les Américains sont contraints de réétiqueter les bouteilles de ce qu’ils appellent « Champagne californien » en Sparkling Wine, ce qui participe d’une défense efficace de nos producteurs, de leur savoir-faire et de leurs intérêts.

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Nous traduirons, monsieur le ministre, car, vous le savez, dans l’hémicycle, nous n’utilisons normalement que la langue française.

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Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie

J’ai hésité avant de prononcer ces mots, mais je l’ai fait pour la simple raison que c’est une appellation américaine. Il était donc légitime que je la cite en anglais.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie

Merci, monsieur Lellouche ! Sans vous, je ne suis pas sûr que nous aurions tous compris…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie

Je voudrais maintenant aborder les modalités de l’application provisoire si cet accord venait à être adopté. La France s’est mobilisée, avec l’Allemagne, pour conforter le rôle de contrôle démocratique du Parlement européen et des parlements nationaux sur les accords commerciaux.

La politique commerciale est une compétence de l’Union européenne. C’est donc d’abord au Parlement européen, co-législateur avec le Conseil, de se prononcer sur l’accord. La commission du commerce international, l’INTA, saisie au fond, a donné un avis favorable au CETA. Le Parlement européen en formation plénière se prononcera le 15 février.

La mise en application provisoire du CETA se fera alors, si et seulement si elle est approuvée par le Parlement européen et uniquement sur les dispositions de 1’accord relevant de la seule compétence exclusive européenne. C’est la logique du droit communautaire que nous appliquons.

Avec nos partenaires allemands, le Gouvernement s’est battu pour que l’accord soit reconnu comme mixte, en partie de compétence communautaire et en partie de compétence nationale. Il a ainsi obtenu que les Parlements nationaux puissent s’exprimer sur l’accord dans sa totalité, même si le volet communautaire de l’accord était déjà entré en vigueur. Comme le Gouvernement s’y était engagé, le Parlement aura le dernier mot.

Je tiens à saluer à cet égard le travail du Parlement français, qui a auditionné mon collègue Matthias Fekl à plus de vingt-et-une reprises en deux ans et organisé de nombreux débats sur ces sujets.

Plusieurs parlementaires, qui en sont membres, ont participé avec assiduité aux travaux du Comité de suivi stratégique, qui s’est réuni régulièrement au Quai d’Orsay. Le Gouvernement s’est imposé un devoir de transparence, d’information et de débat démocratique pour que chacun puisse prendre ses responsabilités.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie

Ce travail s’impose partout dans le monde car les sujets commerciaux recouvrent des enjeux démocratiques. C’est ce que démontre le débat ouvert en Wallonie en toute fin du processus, qui était nécessaire et qu’il fallait respecter, avant que Paul Magnette puisse prendre ses responsabilités en approuvant le texte sur les mêmes bases que celles que, je l’espère, vous allez voter.

Il me reste à dire un mot sur la ratification du CETA par voie référendaire. Il faut tout d’abord relever que le recours au référendum n’est pas la procédure habituelle en droit français pour un accord commercial.

Ensuite, il me semble qu’il faut bien saisir ce qui est en jeu ici. Le débat sur le CETA n’est que la partie émergée de l’iceberg qui recouvre une question beaucoup plus vaste : comment assurer l’efficacité et la légitimité de la politique commerciale européenne ?

À cette question, le Gouvernement a apporté une réponse claire et précise : il faut remettre les Parlements nationaux dans le jeu, en les associant le plus étroitement et le plus en amont possible à la conception de la politique commerciale.

Il faut sortir de l’absurdité consistant à présenter un texte ficelé à un Parlement qui n’aurait pu suivre que de très loin les négociations. C’est pour cette raison que ce Gouvernement a multiplié les auditions, associé les parties prenantes et s’est engagé dans la voie d’un dialogue fructueux avec le Parlement.

Il faut désormais transformer l’essai et arriver au vote de ratification : si le Parlement s’en dessaisissait, ce serait un signal délétère envoyé à tous ceux qui souhaitent que les Parlements nationaux reprennent leur place dans la politique commerciale.

Mesdames et messieurs les députés, pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le Gouvernement émet un avis défavorable à l’adoption de cette résolution.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Carvalho.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, coupés des réalités et sourds aux attentes des peuples, certains se plaisent aujourd’hui à entretenir le mirage de la mondialisation heureuse. La libéralisation des biens et des services et le règne de la concurrence, censés, d’après eux, garantir la paix, la prospérité et l’harmonie sociale, provoquent pourtant des ravages sociaux et environnementaux chaque jour plus graves. La guerre économique continue ainsi à nous être présentée comme l’unique horizon des rapports entre les peuples.

Notre refus de ce monde-là commande notre rejet du traité négocié entre l’Union européenne et le Canada, le fameux CETA. Conformément aux accords-types de libre-échange, ce traité a pour objectif de réduire drastiquement les barrières tarifaires et non-tarifaires et de déréglementer le commerce de biens et de services. Il est à ce titre un nouveau symbole d’une mondialisation bâtie dans le dos des peuples et sans leur assentiment.

Nos peuples ont tout à craindre d’un tel traité. Comme le soulignait le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, la libéralisation ne promeut pas la croissance économique, mais elle amène plus d’instabilité et d’inégalités. Pour lui, tant la mondialisation du commerce des biens et des services que la globalisation des marchés des capitaux ont contribué à l’augmentation des inégalités, mais de manière différente. Il estimait en outre que dans cette globalisation, les droits du capital prennent largement le pas sur les droits des travailleurs, et notait que la compétition entre les pays pour l’investissement prend de nombreuses formes – pas seulement la baisse des salaires et l’affaiblissement de la protection des travailleurs. C’est une course globale vers le bas qui assure que les réglementations sont faibles et les impôts bas.

Les peuples eux-mêmes ne cessent d’exprimer leur rejet des vagues successives de libéralisation sectorielle, qui ne font qu’aggraver les inégalités dans des sociétés déjà fracturées par les inégalités sociales et économiques. Ils ne sont pas passifs pour autant, comme l’atteste leur contribution dans la mise en échec des accords qui devaient conclure le cycle de Doha, mais aussi de l’accord commercial anti-contrefaçon, ou encore de l’accord général sur le commerce des services. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les grandes puissances économiques ont imaginé la rédaction de traités d’un nouveau genre. Ces traités, dits de nouvelle génération, ont pour particularité saillante d’être désormais discutés dans l’ombre, dans le plus grand secret, à l’abri de la lumière et du débat public.

Il en fut ainsi du TAFTA, le traité de libre-échange transatlantique, qui a été mis sous le feu des projecteurs grâce à la mobilisation citoyenne. Lorsque nous avions choisi de discuter de ce traité transatlantique en mai 2014, lors de la journée réservée à l’ordre du jour de notre groupe, les négociations se menaient dans une totale opacité, selon un principe de secret foncièrement antidémocratique. Nous avions donc demandé qu’il fût mis un terme à ces pratiques et que s’ouvrît un débat public et transparent sur la légitimité de ce processus.

En septembre 2015, le Gouvernement se décida à lancer un pavé dans la mare : il évoqua la possibilité de mettre fin aux négociations en raison de leur absence de transparence. Au début de l’année 2016, il était enfin possible pour les parlementaires d’avoir accès aux comptes rendus exhaustifs et aux documents consolidés des négociations. Cependant, les conditions ubuesques et drastiques posées pour l’examen de ces documents sont telles qu’il serait audacieux de qualifier les négociations de réellement transparentes.

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement demande aujourd’hui la fin pure et simple des négociations. Placé au coeur du débat public, le sort du TAFTA est désormais incertain. Il est cependant loin d’être enterré, puisqu’il reste intimement lié au sort que connaîtra le traité entre l’Europe et le Canada dont il est aujourd’hui question.

Ce dernier traité, tout aussi inacceptable que le premier, tant sur le fond que sur la forme, entre aujourd’hui dans sa phase de ratification. Tout comme le TAFTA, ce texte de 1 600 pages tend à niveler par le bas les normes sociales, environnementales et alimentaires. Cette caractéristique témoigne de l’intervention et de l’influence des lobbies des multinationales durant les négociations.

Officiellement, nous dit-on, ce grand marché transatlantique ouvrirait de nouvelles perspectives pour la croissance et l’emploi. Ce discours lénifiant traduit une forme d’aveuglement idéologique. Une étude indépendante de l’université Tufts dresse, au contraire, un tableau assez sombre des conséquences économiques et sociales d’une éventuelle entrée en vigueur du CETA. Selon cette étude, d’ici 2023, le CETA causerait la disparition de près de 230 000 emplois cumulés au Canada et dans l’Union européenne, dont un peu plus de 200 000 dans l’Union seule, parmi lesquels 45 000 en France.

Le CETA est en outre susceptible de produire des effets dans de nombreux domaines, au-delà du seul commerce international. Ce traité représente ainsi – entre autres – une menace pour l’agriculture et les producteurs européens. Les quotas des producteurs canadiens seront en effet relevés de manière très importante pour plusieurs produits stratégiques sur le marché européen : le boeuf, le porc, le blé, le maïs. En aggravant les conditions de la concurrence, et donc la course à la compétitivité, le CETA encouragera l’industrialisation de l’agriculture, à l’opposée du modèle agro-écologique qu’il faudrait promouvoir pour lutter contre le réchauffement climatique et garantir les revenus de nos agriculteurs.

Les défenseurs du CETA font valoir que ce traité contraindra le Canada à reconnaître 173 indications géographiques protégées, du fromage aux fruits en passant par les fruits de mer et les confiseries. Mais ces 173 appellations protégées par le traité, dont 42 pour la France, ne représentent que 10 % des quelque 1 500 IGP européennes existantes !

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Les produits dont l’importance économique n’a pas été jugée suffisante par la Commission européenne seront ainsi sacrifiés, ainsi que ceux qui les élaborent. Cette discrimination n’est pas justifiée.

En matière sanitaire, si la Commission européenne assure que le traité interdira en principe l’importation de boeuf aux hormones, de poulet au chlore, de porc à la ractopamine ou de nouveaux organismes génétiquement modifiés, nous n’aurons en revanche aucune garantie quant à l’utilisation d’antibiotiques et d’OGM dans les rations des animaux. Or ces pratiques, fréquentes en Amérique du Nord, sont très encadrées en Europe.

Par ailleurs, le CETA créera de nouveaux forums au sein desquels des représentants européens et canadiens discuteront de futures harmonisations ou équivalences de normes, sur la base du volontariat, au risque de fragiliser – voire de remettre en cause – le principe de précaution.

Enfin, en matière d’environnement et de développement durable, le dispositif général de l’accord s’avère contraire aux objectifs fixés par l’accord de Paris sur le climat en 2015. Le droit d’un État à adopter de nouvelles réglementations, notamment énergétiques ou climatiques, sera constamment menacé par d’éventuels recours des entreprises au moyen du mécanisme d’arbitrage privé entre investisseurs et États.

La seule manière de se prémunir contre ce type de procédure, pour se mettre hors de portée de la libre interprétation des juges, aurait été d’exclure clairement certains secteurs du champ d’application du système d’arbitrage. C’est le cas, dans le CETA, de toutes les politiques liées aux subventions ou à la stabilité financière, mais pas des politiques visant à réduire les gaz à effet de serre, contrairement à ce qu’avait recommandé le Parlement européen en 2015.

Tous ces exemples nous conduisent à nous interroger sur les raisons du soutien apporté par le Gouvernement à ce traité. Faute de toute régulation démocratique, cet accord avec le Canada emporte des risques économiques, sociaux et environnementaux qui apparaissent clairement. Son caractère antidémocratique apparaît tant dans son processus de négociation que dans l’idée incongrue d’une entrée en vigueur provisoire, véritable coup de force, en pleine crise de confiance des citoyens à l’égard de leurs représentants.

Nous jugeons pour notre part qu’il est de la responsabilité du gouvernement français de rappeler l’Union européenne aux principes démocratiques qu’elle méconnaît fondamentalement. Les implications du CETA méritent d’être débattues dans un cadre public, ouvert et contradictoire. C’est le moment désormais de recouvrir notre pleine souveraineté, ici à l’Assemblée nationale d’abord, par le vote de notre résolution, et par l’organisation d’un référendum populaire ensuite, car il revient au peuple de trancher en dernier ressort sur la ratification de ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Pour commencer, je vous livrerai deux réflexions.

La première concerne la mondialisation – car c’est bien cette question qui nous est posée ce soir, dans ce débat. Oui, monsieur Carvalho, il faut réguler la mondialisation. Oui, la mondialisation sauvage a un coût économique et social inacceptable. Mais, symétriquement, il faut s’opposer à la tentation du protectionnisme qui se fait très menaçante aux États-Unis et en Europe.

Vous avez cité à juste titre des propos tenus par Joseph Stiglitz à propos des conséquences de la mondialisation. Il a donné une interview au journal Le Monde, dans son édition de ce soir, au cours de laquelle il s’oppose très clairement à la politique protectionniste de Donald Trump, en précisant que les travailleurs américains en seront les premières victimes.

Il me semble que ceux qui, en Europe, contestent les accords dont vous parlez, sont en même temps très sensibles à cette tentation. Or je crois que cela aurait pour l’économie mondiale un coût considérable. Nous le savons à présent, les politiques protectionnistes menées par les États ont été un accélérateur de la crise de 1929. En outre, aujourd’hui, les nouveaux marchés ne se trouvent plus tellement dans les économies développées, mais dans les pays émergents. Le protectionnisme nous couperait de ces marchés nouveaux, à notre détriment – je pense que les États-Unis en feront l’expérience rapidement.

Je tenais à vous dire clairement mon sentiment sur ce point : oui à la régulation de la mondialisation, mais non au protectionnisme.

Deuxième réflexion : un enjeu très important est sous-jacent à ces accords. Pourquoi les accords régionaux se sont-ils multipliés ces dernières années ? Parce que l’OMC est bloquée ! Les accords régionaux qui ont vu le jour récemment ont été pris pour contourner le blocage des négociations à l’OMC – blocage qui est d’ailleurs en partie le fait des États-Unis. Sur ce point, la position de la France a toujours été constante : nous favorisons le multilatéralisme, et voulons que ce type d’accord soit, autant que possible, négocié dans l’enceinte mondiale qu’est l’OMC.

D’autre part, il est clair que si nous laissons se multiplier des accords régionaux dans lesquels l’Europe n’est pas partie prenante, nous risquons de voir, à l’avenir, la négociation mondiale se fonder sur des accords que nous n’aurons pas discutés. Certes, compte tenu de la position nouvelle des États-Unis, ce risque est moins grand, mais en attendant que l’OMC reprenne la main, l’Europe doit impérativement se maintenir dans les négociations en signant des accords bilatéraux, faute de quoi elle risque d’être marginalisée.

Ce danger nous menace notamment en matière de normes et de standards, question que vous avez évoquée, monsieur Carvalho. Nous savons bien, à ce propos, que l’essentiel du CETA ne réside pas dans les droits de douane, mais dans la définition des normes. Or nous devons peser, dans le cadre de ces accords régionaux – il s’agit, aujourd’hui, du Canada, mais nous l’avons fait précédemment avec le Japon – sur la définition des normes, car c’est sur la base de ces normes que les discussions auront lieu par la suite au niveau international. Je persiste donc à penser que l’Europe doit continuer à mener une politique commerciale offensive.

Bien entendu, il faut que ces accords soient bons : il ne s’agit pas de brader nos intérêts sur l’autel du libre-échangisme ou du libéralisme ! Mais je tiens à le dire clairement : le CETA, qui sera soumis au Parlement européen dans quelques jours, et qui est le fruit d’une longue négociation, est à mon avis le meilleur accord que nous pouvions obtenir. Il faut rappeler que la France a obtenu, notamment dans la dernière période, sous la houlette du secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, Matthias Fekl, des avancées notables et reconnues.

Cela a été développé à l’instant par le secrétaire d’État, mais je veux y revenir un instant. Ainsi, je pense à la protection des services publics. Certes, je vous ai entendu, monsieur le rapporteur, regretter qu’elle n’aille pas suffisamment loin, mais elle existe tout de même. Et puis il y aura dorénavant la possibilité d’accéder aux marchés publics canadiens, énorme différence avec le TAFTA, les États-Unis ayant été incapables d’apporter des garanties en ce domaine lors des discussions préparatoires. Je citerai aussi la protection des appellations et l’évolution du mécanisme de règlement des différends. Je veux souligner à ce sujet l’apport de M. Fekl : la France a tapé du poing sur la table en disant qu’elle n’accepterait pas la formule négociée au départ, et qu’il faudrait des juges professionnels, nommés de manière permanente par le Canada et par l’Union européenne. C’est donc à l’initiative de notre pays que cette avancée a été obtenue.

Par ailleurs, je précise, parce que j’entends le contraire et que je vois des pétitions circuler, que l’accord de Paris sur le climat n’est absolument pas remis en cause.

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Mais non, trois fois non, monsieur Amirshahi ! L’accord de Paris s’imposera évidemment, juridiquement, aux traités commerciaux, y compris par conséquent au CETA. La seule remise en cause possible de l’accord de Paris serait que les pays qui l’ont signé décident de ne plus l’appliquer – c’est aujourd’hui le problème que pose les États-Unis. Vous n’êtes pas d’accord, mais pour moi, c’est l’interprétation qui s’impose.

Enfin, j’en viens très rapidement à la méthodologie. Là aussi, je crois que nous avons abouti à une solution satisfaisante. La compétence concernant la mise en oeuvre du traité chez nous est d’abord européenne. On peut se demander s’il faut la reprendre au niveau national,…

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…mais c’est autre sujet car il faudrait alors, monsieur Lellouche, faire évoluer les traités européens. Il n’y a dans l’état du droit rien de scandaleux : les députés européens ont tout de même, je tiens à le dire, moi qui suis un fervent soutien de l’implication des parlements nationaux dans le processus européen, une certaine légitimité…

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Certes, mais ce ne l’était pas au départ. Il a été décidé que ce serait un accord mixte parce qu’un certain nombre de pays ont souhaité que les parlements nationaux soient consultés. Cela veut dire qu’une partie de l’accord est de compétence européenne et qu’elle fera donc l’objet d’une ratification par le Parlement européen, et qu’une autre sera renvoyée aux ratifications nationales.

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Mais si, monsieur Lellouche, c’est bien ce qui va se passer. Il n’y a rien de scandaleux au fait que, le Parlement européen ayant ratifié, les éléments de niveau communautaire puissent alors être mis en oeuvre. Vous savez d’ailleurs qu’il y a actuellement devant la Cour de justice européenne un recours qui aboutira à un point de droit définitif.

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Cela concerne Singapour et la Corée, pas le Canada !

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Je n’ai pas de problème avec le dispositif de ratification qui a été adopté. J’insiste sur le fait qu’il permettra à ceux qui sont contre le CETA de s’exprimer : il y aura un débat. Tout ne se joue donc pas maintenant, ce n’est pas vrai.

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Les représentants nationaux ne sont pas dessaisis…

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…et ils pourront évidemment donner leur point de vue. Je veux bien sûr parler de ceux qui seront encore là…

Sourires.

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La négociation du CETA a commencé il y a sept ans, sur la base d’une décision du Conseil européen en date du 24 avril 2009 ; le texte a été paraphé en septembre 2014 et signé le 30 octobre 2016. C’est un accord de libre-échange d’un type nouveau : suppression quasi totale des droits de douane, harmonisation des normes sociales, environnementales, industrielles, phytosanitaires et autres, tentative d’ouvrir les marchés publics de façon équilibrée – et Dieu sait qu’on en a besoin vis-à-vis du Canada… Cet accord aura un impact majeur sur un très grand nombre de sujets qui préoccupent nos concitoyens, qu’il s’agisse de l’agriculture – on évoque l’importation de 75 000 tonnes de viande porcine et de 65 000 tonnes de viande bovine –, de la santé, de l’environnement, de la protection des indications géographiques ou encore du poids croissant des multinationales par rapport aux États dans les modes de règlement des différends.

La dimension politique de cet accord est d’autant plus grande que beaucoup considèrent, à l’instar Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes de cette Assemblée, le CETA comme, selon ses propres termes, le cheval de Troie du TAFTA, le fameux projet d’accord avec les États-Unis, aujourd’hui contesté par la France et bloqué par la nouvelle situation outre-atlantique.

La question soulevée aujourd’hui par nos collègues du groupe GDR est moins l’appréciation du traité au fond – appréciation qui, j’y reviendrai, ne nous a pas été possible – que le droit de l’Assemblée nationale d’examiner ce traité, alors même qu’il va entrer en application dès le 1er mars, sans que nous ayons pu en débattre ici même.

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Le cheminement de l’accord CETA, entre son paraphe en 2014 et sa signature en 2016, a été émaillé de controverses, précisément en raison de son insuffisance en termes de transparence démocratique et de son impact. Des députés du Parlement européen ont tenté de saisir la Cour de justice de l’Union européenne… en vain. Le parlement wallon a tenté de s’opposer à l’accord… en vain. Des résolutions ont été adoptées par les parlements du Luxembourg et des Pays-Bas… en vain. La cour constitutionnelle allemande a été saisie de multiples recours sur les modalités de l’application de l’accord et surtout sur les dispositions concernées par l’application provisoire…

Une tension perceptible est assez vite apparue entre la Commission et les États quant à la date et aux modalités d’application de cet accord. La Commission a tenté à plusieurs reprises de passer en force, en arguant jusqu’à l’été dernier que le CETA relevait de la compétence exclusive de l’Union, aux termes de l’article 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et que, dès lors, il n’était soumis qu’à la ratification du Parlement européen.

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Je rappelle que le président de la Commission, l’excellent M. Juncker, a même été jusqu’à dire publiquement, le 29 juin 2016, soit six jours après le Brexit : « J’ai dit clairement […] que la Commission est arrivée à la conclusion en raison d’une analyse juridique que ce n’est pas un accord mixte ». Cette citation, révélatrice de la volonté de passage en force de la Commission, qui ne cherchait ni plus ni moins qu’à s’asseoir sur les parlements nationaux, est intervenue quelques semaines après que le Conseil des ministres de l’Union a indiqué, en mai 2016, que l’accord était bien mixte et qu’il exigeait dès lors, en plus de la ratification du Parlement européen, celles des vingt-sept parlements des pays membres – j’en exclus le parlement du Royaume-Uni depuis le Brexit.

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Devant la montée des oppositions au traité transatlantique avec les États-Unis et les premières critiques contre le CETA, la Commission a dû faire marche arrière et, dans un document publié le 5 juillet, a fini par considérer que le CETA était bien un accord mixte tout en indiquant qu’il en allait comme pour l’accord avec Singapour et que par conséquent cela relevait tout de même de sa compétence exclusive. Mais elle précise que toutefois, de nombreux États membres ont exprimé une opinion différente et que, compte tenu de ce qui précède et afin de ne pas retarder la signature de l’accord, la Commission a décidé de proposer la signature de l’accord en tant qu’accord mixte. Et d’ajouter immédiatement que dans l’attente des procédures nécessaires à sa conclusion, l’accord devrait être appliqué à titre provisoire…

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Toujours précautionneuse, elle avait en effet prévu, dans le traité avec le Canada, un article 30 prévoyant précisément l’application à titre provisoire. Et c’est bien cet article qui a servi de base à la décision du Conseil du 28 octobre 2016, dans laquelle les États « acceptent d’appliquer à titre provisoire, dans l’attente de l’achèvement des procédures nécessaires à sa conclusion », toute une série de dispositions qui selon lui, et selon la Commission surtout, relèvent de la compétence exclusive de l’Union.

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Sont donc énumérés à l’article 1er de la décision du 28 octobre les domaines relevant de l’application du traité à titre provisoire. Je ne veux pas vous lasser, il y en a une pleine page : les articles 8.1 à 8.8, le 8.13, le 8.15… Pour qui veut bien se pencher sur le détail de cette énumération, incompréhensible pour le commun des mortels, il ressort que la décision du Conseil du 28 octobre 2016 aboutit à appliquer la quasi-totalité de ce traité.

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Je vous le montre, ce traité : 450 pages, et 1 000 pages d’annexes ! Je les tiens à votre disposition, monsieur Caresche, c’est tout à fait passionnant.

Sourires.

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Bref, la quasi-totalité du traité sera donc appliquée sans qu’il ait été soumis à la ratification des États. Et dès lors que ce traité aura été approuvé par le Parlement européen, ce qui ne manquera pas d’arriver dans une quinzaine de jours à Strasbourg, la Commission entend le faire appliquer deux semaines plus tard, dès le 1er mars. Ne seront exclus de l’application provisoire qu’un nombre de domaines limitativement désignés : le système des règlements des différends, qui fait l’objet de très fortes controverses dans plusieurs pays – il ne sera donc pas appliqué pendant cette période, ce qui est tout de même assez énorme ; des dispositions concernant la propriété intellectuelle ou encore les sanctions pénales applicables en cas de violation des droits d’auteur ; plusieurs dispositions concernant les services financiers – investissement de portefeuille, protection des investissements, règlement des différends ; et enfin les procédures administratives et judiciaires relevant du périmètre de juridiction des États membres.

Contrairement donc à ce qu’a affirmé ici même, hier, le ministre des affaires étrangères, en réponse à mon interpellation lors de la séance des questions au Gouvernement, ce que le gouvernement français a accepté le 28 octobre dernier est un véritable déni de souveraineté nationale : c’est la quasi-totalité du traité qui s’appliquera et non pas, comme l’a prétendu M. Ayrault, « quelques mesures […] mises en oeuvre par anticipation […] à la marge. » Cela n’a rien de marginal.

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Mais il y a plus grave encore : ce que le gouvernement français a accepté n’est rien d’autre qu’un saucissonnage du traité dicté par la Commission, et sans que le parlement français n’ait pu se prononcer ni sur le traité lui-même, qu’aucun parlementaire n’a reçu,…

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…ni sur le périmètre d’application provisoire, décidé par l’exécutif tout seul.

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Ce déni de démocratie est aggravé par l’extrême désinvolture avec laquelle le Gouvernement a traité l’Assemblée nationale dans l’examen de ce texte, monsieur le secrétaire d’État. J’en veux pour preuve qu’à aucun moment un texte intéressant des dizaines de milliers d’emplois, des pans entiers de notre économie, n’a été examiné au fond par ne serait-ce qu’une seule des commissions permanentes de l’Assemblée. Ni par la commission des affaires économiques, ni par la commission des affaires étrangères, ni même par la commission des affaires européennes.

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L’examen des projets de loi de ratification est fait pour ça, monsieur Lellouche !

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À aucun moment les 454 pages du traité et 1 000 pages d’annexes n’ont été diffusées aux députés.

Pourtant, dans leur rapport d’information sur l’évaluation des accords de libre-échange de l’Union européenne en date du 28 septembre 2016, soit juste avant la signature du CETA, nos collègues Joachim Pueyo et Hervé Gaymard, de la commission des affaires européennes, s’interrogeaient sur l’insuffisance du travail d’évaluation effectué par la Commission quant à l’impact économique du traité envisagé avec le Canada. Nous avons ce soir entendu des évaluations américaines, mais nos collègues, qui se sont rendus à Bruxelles le 5 avril dernier, ont constaté que les évaluations fournies par la Commission étaient anciennes, remontant à 2008-2011, qu’elles étaient problématiques, et que bien des analyses étaient des balbutiements, souvent contradictoires. Mieux, quand ils ont demandé si une nouvelle étude d’impact avait été faite avant la signature du traité, on leur a répondu que non et qu’aucune n’était prévue.

Mais, mes chers collègues, il y a encore plus fort… Début octobre 2016, c’est-à-dire juste un mois avant la signature de l’accord, la présidente de la commission des affaires européennes, Mme Auroi, pourtant membre de l’actuelle majorité présidentielle, monsieur le secrétaire d’État,…

Sourires.

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…avait tenté de convaincre votre gouvernement de ne pas accepter l’application provisoire du traité et de saisir, comme il en a le droit, la Cour de justice de l’Union européenne pour juger de la compatibilité du CETA avec les traités existants. Le 5 octobre 2016, elle avait déposé une proposition de résolution européenne allant dans ce sens avec nombre de ses collègues appartenant à l’actuelle majorité.

Cette résolution dénonçait le « fait accompli » de la Commission et mettait en cause la compatibilité du CETA avec le droit européen, tout comme l’importance « dans des proportions sans précédents dans l’histoire commerciale européenne » de son impact sur l’environnement, le social ou encore les marchés publics.

Cette même résolution invitait le gouvernement français à « solliciter l’avis de la Cour de Justice de l’Union européenne sur la comptabilité du CETA avec les traités européens » et à s’opposer au sein du Conseil de l’Union « à toute mise en oeuvre provisoire de l’accord ». Voilà ce que demandait Mme Auroi.

Eh bien, mes chers collègues, savez-vous ce qu’il arriva ? Cette proposition de résolution fut rejetée..

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…pour être ensuite transmise, en vertu de l’article 151-5 de notre Règlement, à la commission des affaires étrangères.

Que croyez-vous qu’il arrivât ensuite ? Elle fut souverainement enterrée par Mme la présidente de la commission des affaires étrangères, qui décida qu’elle était écartée.

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J’ajoute que Mme Guigou a jugé inutile d’informer la commission de sa décision, ni le bureau, ni l’opposition.

Résumons-nous : dans cette affaire, lourde de conséquences pour l’économie française, un accord de libre-échange aura donc été négocié par la Commission et appliqué par elle, sans que les parlements nationaux n’aient eu à se prononcer, sans qu’aucun parlementaire français n’ait pu lire la totalité du traité et de ses annexes, et sans qu’aucun travail sérieux d’évaluation et d’impact n’ait été réalisé…

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…et encore moins discuté au sein des commissions compétentes de notre Parlement.

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On m’objectera que, somme toute, tout cela est parfaitement normal dans la mesure où, comme M. le secrétaire d’État l’a dit tout à l’heure, ces dispositions relèvent de la compétence exclusive de l’Union. Mais qui le dit : la Commission ? Nous ? Le Gouvernement ? Certainement pas la Cour de justice de l’Union, qui n’a pas été saisie !

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Qui, donc, le dit ? Quel est le périmètre de ce qui relève des États et de la compétence exclusive de l’Union ? Au vu de cette situation, que je déplore, c’est la fameuse phrase de Philippe Séguin qui me revient à l’esprit : circulez, y’a rien à voir…

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Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie

Vous y tenez !

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Vous êtes devenu séguiniste ? Les bras m’en tombent !

Sourires.

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Comment, dans ces circonstances, s’étonner du divorce que chacun peut constater et qui s’accroît chaque jour entre les peuples et l’Europe, dès lors que personne, je dis bien personne mis à part quelques technocrates, à Bruxelles ou au Secrétariat général des affaires européennes, n’a étudié ce traité au fond ? Comment s’étonner de ce que sa mise en oeuvre provisoire soit décrétée sans étude d’impact et sans que le Parlement européen n’ait pu examiner ni le traité lui-même ni le partage de compétences entre les États et l’Union ?

Mes chers collègues, je vous le dis solennellement, cette situation ne peut pas durer. Aujourd’hui, l’Europe est devenue une union sans leader ni perspectives claires, paralysée pour les deux prochaines années au moins par l’impossible gestion du Brexit, impuissante à se défendre commercialement contre la Chine et les États-Unis et incapable de générer de la croissance pour ses peuples comme d’assurer sa sécurité intérieure et extérieure ou de défendre ses frontières contre l’immigration.

S’agissant du commerce international, de tels comportements, qui ont des incidences directes sur l’emploi, ne peuvent que conduire les peuples à se détourner davantage du bel idéal de la construction européenne.

À mes yeux, permettez-moi cette remarque, monsieur le secrétaire d’État, il est impensable de continuer à concevoir ainsi les négociations commerciales de l’Union.

Premièrement, la négociation d’accords commerciaux ne peut clairement plus être confiée – et c’est un ancien ministre du commerce extérieur qui le dit – à un Commissaire européen hors sol et sans légitimité politique. Cela exigera sans doute une révision des traités afin que cette compétence revienne au Conseil, qui désignera un négociateur, lequel travaillera sur la base d’un mandat périodiquement revu et à l’élaboration duquel les parlements nationaux seront associés.

Deuxièmement, il est proprement inconcevable de continuer à signer des accords de libre-échange ou des accords commerciaux sans étude d’impact précise mesurant les conséquences en termes d’emplois et de croissance pour les États membres.

Troisièmement, il est tout autant inconcevable de continuer à prétendre que ce type d’accord est du seul ressort du Parlement européen.

Quatrièmement, il est impensable de saucissonner, de façon discrétionnaire, un accord mixte en le faisant entrer en application, c’est-à-dire en créant un fait accompli et en s’asseyant clairement sur les attributions souveraines des parlements nationaux.

C’est un Européen convaincu mais lucide qui vous le dit : si des réformes urgentes n’interviennent pas concernant ces quatre points, il ne faudra pas s’étonner si, demain, toute l’entreprise de la construction européenne se trouve menacée, et avec elle, la belle et grande idée qui la sous-tend.

Faute de cet indispensable sursaut, c’est vers un Brexit généralisé que nous nous dirigeons, sous la pression de peuples qui n’en peuvent plus d’être ainsi souverainement ignorés par des technocrates irresponsables.

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Monsieur Caresche, ce n’est pas du protectionnisme, c’est de la lucidité.

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Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains que j’ai l’honneur de représenter, s’il ne peut pas suivre le groupe de la Gauche démocrate et républicaine dans sa recommandation de procéder à une ratification du traité par référendum, n’en approuve pas moins nombre de ses arguments. Il s’abstiendra, donc, sur le fond.

Je félicite cependant Marc Dolez d’avoir soulevé un certain nombre de vraies questions. Je souhaite que le Gouvernement soit à l’écoute et qu’il y trouve de bonnes réponses.

Sourires.

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D’un texte qui est en ligne sur le site de l’Union européenne…

La parole est à M. Arnaud Richard.

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Il faut sans doute croire que la démocratie, la souveraineté et la transparence n’ont que peu de signification en Europe : notre assemblée a, en effet, été contrainte d’attendre la signature de l’Accord économique et commercial global avant de pouvoir en débattre.

Je tiens par conséquent à saluer l’initiative de nos collègues du groupe GDR et à les remercier d’avoir inscrit cette proposition de résolution européenne à l’ordre du jour.

Car, disons-le sans détour, monsieur le secrétaire d’État, l’adoption du CETA ne va pas de soi. Quel que soit le côté de l’hémicycle où nous siégeons, les oppositions ou les réserves qu’il suscite trouvent en nous une résonance.

Cette adoption soulève même des questions absolument vitales concernant le mode de vie, l’Europe et la France que nous voulons, mais aussi le rôle de l’Assemblée nationale et celui de la représentation nationale dans une démocratie représentative.

Négocié, comme l’a relevé M. le rapporteur, dans le secret et l’opacité, sans véritable concertation, le CETA inquiète légitimement les peuples européens. Ses effets sur notre modèle économique et social sont pour le moins incertains – Pierre Lellouche a relevé l’absence d’étude d’impact – et il est susceptible d’aller à l’encontre du fort besoin de protection exprimé par les Français.

Nous sommes particulièrement inquiets des conséquences qu’il pourrait avoir sur la souveraineté des États, avec la mise en place d’une cour des investissements, avatar du tribunal privé des litiges entre États et entreprises initialement prévu par le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. La menace perdure. Nous considérons que si mécanisme de règlement des différends il y doit y avoir, cette structure d’arbitrage doit présenter des garanties suffisantes pour que les lois du marché ne s’imposent pas à notre législation.

Nous sommes également inquiets pour notre modèle agricole comme pour nos engagements environnementaux, qui pourraient tous deux être profondément remis en cause par l’adoption de ce traité. Alors que la crise n’en finit pas de fragiliser le monde agricole et que Donald Trump semble envisager sérieusement un retrait pur et simple de l’accord de Paris, dont l’encre n’est pas encore tout à fait sèche, affaiblir encore nos exigences environnementales comme notre agriculture par l’adoption de ce traité constituerait un signal négatif et aurait des conséquences qu’il est particulièrement difficile d’évaluer, monsieur le secrétaire d’État.

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Eu égard à la nature mixte de cet accord, une application provisoire affaiblirait en outre, c’est peu de le dire, le Parlement, puisque nous serions amenés à prendre position sur un traité qui aurait commencé à produire ses effets. Aussi le groupe UDI estime-t-il qu’il est tout à fait logique que le Parlement soit consulté avant toute mise en oeuvre, même provisoire, de cet accord.

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En ce sens, nous avons, je tiens à le dire, une vraie convergence avec les auteurs de la proposition de résolution. Nous sommes en revanche plus circonspects quant à la méthode qu’ils ont choisie, vous ne m’en voudrez pas, cher Marc Dolez, de le relever.

Nous sommes en effet sceptiques sur la portée d’une proposition de résolution européenne qui permet seulement à l’Assemblée nationale d’émettre un avis. Votre résolution prévoit en effet, monsieur le rapporteur, que le Parlement soit consulté. Seulement consulté ! Nous considérons, pour notre part, qu’il ne doit pas se contenter de donner son avis mais qu’il doit donner son feu vert, et ce avant la mise en application provisoire de l’accord.

Toute alternative nous affaiblirait et, ce faisant, affaiblirait la voix de la France, dans un contexte international marqué par une défiance et une hostilité sans précédent de nos partenaires américains à l’égard de l’Europe.

Il est évident qu’une proposition de résolution européenne n’est pas à la hauteur de la situation. Notre groupe demande par conséquent qu’avant la fin de la session, le 22 février prochain, l’Assemblée nationale se prononce par un vote sur l’adoption de ce traité. En outre, il estime que la question du CETA soulève trois problématiques majeures qui ne sont malheureusement pas abordées dans la proposition de résolution.

En premier lieu, le texte passe sous silence l’indispensable harmonisation des règles économiques, fiscales, sociales et environnementales au sein de l’Union européenne. Signer un accord économique et commercial avec un pays tel que le Canada alors même que ces règles n’ont pas été harmonisées au sein de l’Union européenne nous conduira inévitablement à fragiliser plus encore les secteurs d’activité qui, en France, sont déjà exposés à la concurrence européenne. Dans l’attente de cette véritable et nécessaire harmonisation, nous considérons que le savoir-faire agricole européen et français doit être préservé. Les exigences que nous nous sommes fixées en termes de qualité comme de traçabilité de la production justifient que l’agriculture fasse figure d’exception.

Par ailleurs, mes chers collègues, il existe une exception culturelle, à laquelle nous sommes tous très attachés : nous considérons, par conséquent, que la culture n’est pas un bien comme un autre et qu’elle doit être protégée des périls auxquelles une mondialisation sauvage l’exposerait.

Les députés du groupe UDI considèrent que notre alimentation n’est pas non plus un bien comme un autre, compte tenu de ses effets en matière de santé, de préservation de l’environnement ou de protection de la biodiversité. Elle est en outre liée à notre agriculture, nom du lien immuable qui unit l’homme à la terre, qui façonne nos paysages et qui fait battre le coeur de la ruralité.

Enfin, nous considérons que cette proposition de résolution aborde, et c’est malheureux, la question des relations économiques et commerciales de l’Union européenne par le petit bout de la lorgnette.

En effet, dans la perspective des négociations en vue d’un traité avec le Japon ainsi qu’avec nos partenaires de la zone Mercosur, il était nécessaire que toute la méthode de négociation des accords de libre-échange avec nos partenaires économiques et commerciaux soit révisée.

À cet égard, nous sommes favorables à une consultation en amont des parlements nationaux comme de la société civile, afin qu’une feuille de route claire soit adoptée par chaque État membre, ces feuilles de routes constituant la base du mandat donné à la Commission européenne.

Pour chacune des négociations, il est nécessaire de constituer une délégation de parlementaires – députés et sénateurs issus de toutes les formations politiques – de manière à ce que la représentation nationale puisse, à chaque point d’étape, être associée à l’avancement des discussions.

Mes chers collègues, cette proposition de résolution soulève un vrai débat indispensable à notre démocratie. Mais malheureusement, elle n’apporte pas de réponses à la hauteur des enjeux. Aussi, et pour toutes les raisons que j’ai évoquées, nous ne pouvons la soutenir.

En revanche, monsieur le secrétaire d’État, notre assemblée s’honorerait à obtenir du Gouvernement un engagement à ce qu’un débat suivi d’un vote soit organisé dans cet hémicycle avant l’adoption du CETA. J’invite aujourd’hui chaque groupe parlementaire à se prononcer en faveur d’un tel débat. Donnons véritablement à notre assemblée les moyens de se déterminer sur la question essentielle de l’adoption de ce traité.

Je sais que la recherche de ce consensus est ambitieuse mais j’espère que vous y apporterez, les uns comme les autres, votre soutien. J’espère en outre que le Gouvernement apportera, pour une fois, une réponse tout à fait claire à cette proposition.

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Je précise qu’en accord avec le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, M. André Chassaigne, nous allons prolonger la séance afin de terminer l’examen de cette proposition de résolution.

La parole est à M. François Loncle.

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Je réfute vigoureusement l’assertion selon laquelle tout accord commercial serait intrinsèquement pernicieux, funeste, voire maléfique.

Je suis convaincu que la France et l’Europe doivent rester ouvertes sur le monde. Le repli n’est pas une option crédible : c’est pourquoi je suis favorable aux accords commerciaux, à condition qu’ils soient avantageux pour toutes les parties contractantes et qu’ils s’inscrivent dans une perspective résolument progressiste.

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C’est le cas de l’Accord économique et commercial global conclu entre l’Union européenne et le Canada.

Il ne faut pas confondre : le CETA n’est pas le TAFTA. Alors que le défunt traité transatlantique soulevait de nombreuses objections, l’accord euro-canadien est un bon accord, équilibré, mutuellement bénéfique. Non seulement il offre des garanties et des protections largement suffisantes, mais en outre il améliore très sensiblement le dispositif d’arbitrage. Au cours des sept années de discussions, il a été amendé dans un sens positif. Il intègre les demandes françaises et respecte, me semble-t-il, les intérêts de notre pays.

Je respecte bien évidemment non seulement la personne mais aussi le travail de notre rapporteur, Marc Dolez. Toutefois, je conteste formellement les six principaux arguments avancés par cette proposition de résolution.

Premièrement, l’application provisoire du CETA n’est en aucune façon un coup de force anti-démocratique. Il faut rappeler que si les négociations commerciales sont, certes, du ressort de la Commission européenne, la conclusion d’un accord commercial appartient aux États membres et sa ratification échoit aux parlements. D’ailleurs, l’Assemblée nationale a été constamment informée par le Gouvernement du déroulement des négociations : le secrétaire d’État Matthias Fekl est venu à sept reprises devant la commission des affaires étrangères.

Le CETA est un accord mixte, en ce sens qu’il concerne des domaines relevant de compétences à la fois communautaires et nationales. Par conséquent, son entrée en vigueur exige un vote du Parlement européen et des parlements nationaux. C’est d’ailleurs notre pays qui a souligné l’importance du rôle des parlements nationaux et qui a obtenu en juillet dernier la reconnaissance de cette mixité par la Commission européenne. C’est pourquoi il faut refuser que notre assemblée se dessaisisse de son droit constitutionnel de ratifier un accord international, et c’est pourquoi aussi il n’est pas du tout nécessaire de recourir à la procédure référendaire pour autoriser la ratification de cet accord. Comment imaginer, par ailleurs, soumettre à référendum un texte qui compte 453 pages – et même, avec les annexes, 2 344 pages ?

Deuxièmement, le CETA ne constitue pas une menace pour l’agriculture européenne en général, et française en particulier. Tout au contraire. Il faut savoir qu’actuellement aucun fromage français bénéficiant d’un signe de protection comme une appellation d’origine protégée, une appellation d’origine contrôlée ou une indication géographique protégée n’est réellement protégé au Canada. Le CETA apportera un changement appréciable, puisqu’il entérine la reconnaissance et la protection de 173 indications géographiques européennes, dont 42 françaises, notamment 28 fromages, de l’huile, des pruneaux ou de la charcuterie. Il s’agit d’une proportion importante, d’autant plus que la liste pourra être complétée dans l’avenir.

Le CETA entraînera une large ouverture du marché canadien à nos produits agricoles. Par exemple, il permettra d’exporter un quota annuel de 18 500 tonnes de fromages européens exempts de droits de douane, alors que ceux-ci sont aujourd’hui particulièrement dissuasifs. C’est clairement une chance pour nos productions laitières et fromagères – et c’est un Normand qui parle ! En échange, le Canada pourra progressivement exporter vers l’Europe jusqu’à 45 800 tonnes de viande de boeuf sans hormones. Ce quota n’est pas en mesure de désorganiser le marché bovin, puisqu’il représente seulement 0,6 % de la production européenne de viande bovine.

Troisièmement, le CETA réaffirme que le droit commercial international ne prime pas le droit environnemental. Il confirme ainsi le principe de précaution. Le CETA respecte les objectifs environnementaux et les accords multilatéraux en ce domaine, y compris l’accord de Paris de la COP21, lorsqu’il sera entré en vigueur. Il garantit le droit à réguler des États membres en matière d’environnement, en particulier dans le secteur sanitaire et phytosanitaire.

Quatrièmement, le CETA protège les services publics nationaux et locaux créés par les États et les collectivités, conformément à la position constante affichée par la France. Il s’agit d’une position qui est dépourvue de toute ambiguïté. Les États et les collectivités territoriales conservent le droit d’établir des monopoles publics et de conférer des droits exclusifs.

Cinquièmement, le CETA vise certes à harmoniser les normes, mais sans remettre en cause les exigences sanitaires, sociales, environnementales ou de sécurité. Cette convergence réglementaire ne se traduit donc pas par un abaissement du niveau de protection des personnes et de la nature, d’autant que chaque partie reste libre de prendre les législations internes qu’elle estime appropriées.

Sixième et dernier point, qui me semble le plus important : la cour de justice des investissements est présentée par le groupe GDR comme un mécanisme menaçant la souveraineté des États ; or c’est exactement l’inverse. Au contraire des accords commerciaux existants, dotés d’un système d’arbitrage commercial privé qui tend à privilégier les investisseurs, le CETA préserve et réaffirme clairement les prérogatives étatiques souveraines. Cette innovation résulte d’une initiative commune de la France et de l’Allemagne, qui ont oeuvré à la mise en place d’une cour bilatérale publique permanente, chargée de régler les différends entre investisseurs et États. Cette nouvelle cour de justice constitue une avancée remarquable. Il faut féliciter le Canada, qui est le premier pays à avoir renoncé à l’arbitrage privé. Ce nouveau modèle d’arbitrage européen commence d’ailleurs à être accepté par d’autres parties, par exemple le Vietnam.

En conclusion, mes chers collègues, je voudrais souligner que le CETA revêt aussi une dimension géopolitique essentielle. Cet accord euro-canadien favorisera la diffusion de nos normes et de nos dispositifs réglementaires. C’est particulièrement important alors que nous observons des stratégies de repli et d’agressivité commerciale, notamment de la part de la nouvelle administration américaine et du gouvernement britannique. En ce sens, le CETA est bien plus qu’un simple accord commercial : c’est un modèle de coopération bilatérale entre l’Union européenne et le Canada, un grand pays avec lequel nous partageons non seulement une histoire et une culture, mais aussi et surtout des valeurs communes. Cet accord contribue à renforcer les liens anciens et multiples unissant l’Europe et le Canada. Le Canada est notre partenaire, notre allié, notre ami.

Pour toutes ces raisons, conformément au vote de la commission des affaires étrangères de notre assemblée, qui a respecté toutes les règles démocratiques, je vous recommande vivement de rejeter le projet de proposition de résolution européenne présenté par le groupe GDR.

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La parole est à M. Pouria Amirshahi, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

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Je tiens tout d’abord à remercier le groupe GDR pour l’organisation de ce débat consacré au CETA, qui, enfin, a lieu dans cet hémicycle, devant la représentation nationale.

Comme tout accord de libre-échange, en l’occurrence entre l’Union européenne et le Canada, le CETA repose sur le principe de la suppression des barrières douanières. Avant même d’évoquer le contenu des dispositions du traité, je veux dénoncer ici, avec d’autres, nombreux, le scandale anti-démocratique auquel nous assistons.

Comme pour le TAFTA, le traité de libre-échange avec les États-Unis dont il a été fait état précédemment, les négociations n’ont pas été transparentes. Par un détournement des institutions démocratiques, les négociateurs ont même accepté cette incroyable procédure qui consiste à mettre en oeuvre 90 % des dispositions du traité dès le 1er mars, avant même son éventuelle validation par les parlements nationaux. Non seulement les souveraines et indispensables délibérations sont piétinées, mais la méthode est celle d’apprentis sorciers : car que se passera-t-il si demain un Parlement rejette le traité alors que ses clauses sont déjà actives et qu’elles ont entraîné de nouvelles situations de droit, avec des conséquences parfois irréversibles ?

Notre inquiétude est d’autant plus fondée que le contenu même du CETA est dangereux pour l’environnement, les droits des travailleurs et des consommateurs, les filières agricoles et même la diversité culturelle – je reprends les mots de Nicolas Hulot. Je veux en donner quelques illustrations. Ainsi, 92 % des produits agricoles et alimentaires pourront circuler librement entre les deux parties ; il en sera ainsi pour les viandes bovine et porcine, ou encore pour les produits laitiers, sous réserve de quotas – 140 000 tonnes de viandes canadiennes pourront être vendues en Europe. Hormis pour satisfaire des intérêts commerciaux privés, l’Union européenne, qui produit déjà 7,2 millions de tonnes, n’a absolument pas besoin de ces importations. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous citer un éleveur, une organisation interprofessionnelle qui se réjouisse de ces nouveaux contingents bovins octroyés au Canada ?

J’ajoute que l’application du CETA revient à fouler aux pieds l’accord international de Paris sur le climat, qui, à l’inverse, prévoit de réduire les émissions de gaz à effet de serre par les moyens de transport, y compris maritimes. Il ne s’agit pas d’une remise en cause formelle de l’accord de la COP21, mais l’augmentation du volume d’échanges commerciaux non indispensables aggravera la pollution et menacera donc directement notre santé et la biodiversité.

Pour ces seules raisons, monsieur le secrétaire d’État, comment pouvez-vous qualifier le CETA d’accord progressiste ? Ces derniers temps, les avocats du traité n’ont pas ménagé leurs efforts pour tenter de rassurer la société civile – un peu comme le serpent Kaa avec le jeune Mowgli, si vous voyez ce que je veux dire. Mais leurs arguments sont souvent contestables : aucun économiste n’est en mesure de prouver la moindre création d’emplois ni de richesse, et si la Commission européenne prévoit un ridicule accroissement du PIB, de seulement 0,03 %, d’autres études d’impact prédisent la destruction de 200 000 emplois à l’échelle de notre continent, dont 40 000 en France. Rappelons au passage que l’accord de libre-échange nord-américain, l’ALENA, prévoyait la création de 20 millions d’emplois, et qu’il en a, au final, détruit 900 000.

Du point de vue des normes, si des restrictions ont en effet été posées par l’Union européenne à l’importation de boeuf aux hormones, de poulet au chlore, de porc à la ractopamine ou de nouveaux OGM, il n’est nulle part inscrit le principe de précaution, qui est pourtant au fondement du droit européen. Dès lors, tout nouveau risque sanitaire et alimentaire sera étudié au cas par cas, en fonction du seul intérêt des entreprises commerciales et non de l’intérêt général. Ce que prévoit le traité, c’est la possibilité donnée aux investisseurs privés d’attaquer unilatéralement un État, sans que l’inverse soit envisagé. Les multinationales pourront pour cela utiliser le tribunal arbitral institué par le traité, ce qui est jugé inquiétant par beaucoup, comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme – CNCDH – ou encore des juristes qui doutent de la compatibilité de ce dispositif de règlement des litiges avec le droit communautaire.

En vérité, le CETA fait courir de graves risques écologiques, sanitaires et démocratiques. Notre rôle est de l’en empêcher.

En vérité, le CETA est l’instrument d’une idéologie absurde, dangereuse et désormais archaïque, celle de la concurrence libre et non faussée qui fait tant de dégâts sociaux et environnementaux.

En vérité, monsieur le secrétaire d’État, le CETA est à contre-courant du grand enjeu moderne que constitue la redéfinition des règles de production et de distribution des marchandises, des biens et des services, à savoir la relocalisation des productions quand cela est possible et le développement des circuits courts. Certains espaces économiques ont d’ailleurs déjà engagé ce processus : la Chine privilégie ainsi son marché intérieur. Vous aurez observé aussi que de grandes entreprises ont adopté des stratégies de démondialisation, parce que les coûts de production et de transport de marchandises ne baissent plus, et aussi parce que chacun constate la stagnation séculaire à l’oeuvre, qui, de fait, remet en cause la culture « croissanciste » qui nous est imposée.

Nous opposons à la vision cynique d’un libre-échange destructeur un autre principe : celui d’un commerce international équitable, écologique et sobre, dont les normes protectrices sont définies par la voie démocratique et non par des puissances hostiles au bien commun et à l’intérêt général. Oui, cette ambition mérite bien un grand débat national, sanctionné par un vote.

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La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

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Je veux tout d’abord remercier la plupart des orateurs, issus de tous les groupes, qui ont souligné l’intérêt de la démarche du groupe GDR auteur de cette proposition de résolution. Celle-ci n’avait pas pour objet d’examiner l’ensemble de la politique commerciale de l’Union européenne, que ce soit avec le Canada ou avec d’autres pays, mais de créer les conditions d’un débat véritablement démocratique sur le CETA. Je sais gré à ces différents orateurs d’avoir reconnu que grâce à nous, grâce au groupe de la Gauche démocrate et républicaine, le débat sur le CETA est entré dans l’hémicycle – quoique l’assistance ne soit peut-être pas aussi importante que nous l’aurions souhaité…

C’est important, car les enjeux sont considérables. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit tout à l’heure que le CETA était un accord bon et équilibré. Ce n’est que la position du Gouvernement ! C’est la position que le Gouvernement a défendue le 28 octobre dernier en autorisant la signature du traité sans avoir consulté le Parlement. Mais cela fait débat. J’ai présenté un certain nombre d’arguments tout à l’heure à la tribune, que je ne reprendrai pas, et d’autres orateurs, de tous les groupes, en ont avancé d’autres.

Je rappelle par exemple que nous ne disposons pas de véritables études d’impact sur les conséquences du traité en matière d’emplois et en matière économique.

La commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen a proposé, en décembre, le rejet du traité.

La CNCDH, elle, a émis un avis très critique sur son volet environnemental et climatique. Elle n’est d’ailleurs pas la seule : beaucoup d’ONG, notamment la Fondation Nicolas Hulot, ont fait de même, considérant que le traité allait à l’encontre de l’accord de Paris.

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Sur les questions agricoles, on nous dit que les choses vont dans le bon sens, qu’elles sont équilibrées, que nos éleveurs ne doivent nourrir aucune crainte. Mais ce n’est pas la position du syndicat français de la filière bovine, INTERBEV :…

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…selon lui, le contingent canadien, qui contient des morceaux à forte valeur ajoutée, représentera en réalité pas moins de 16,2 % des 400 000 tonnes de viande équivalente produites chaque année en Europe.

On pourrait aussi évoquer les services publics, avec la liste négative.

Et la juridiction multilatérale des investissements, tout en restant bien sûr préférable à l’arbitrage privé, laisse entièrement en suspens la question de l’exclusivité de l’interprétation du droit européen par les juridictions européennes.

Bref, il y a débat dans la société civile, il y a débat dans les associations, il y a – ou il devrait y avoir – débat dans les parlements, il y a débat dans les organisations politiques. Mais vous ne paraissez guère sensible, monsieur le secrétaire d’État, aux acteurs que je convoque à l’appui de ma démonstration…

Peut-être serez-vous davantage intéressé par la position de la délégation des socialistes français au Parlement européen : ils ont réclamé un débat de fond sur le sujet et appelé les membres du groupe des socialistes et démocrates à s’engager sur cette voie, car ils considèrent que les choses ne sont pas aussi évidentes qu’il y paraît et que l’accord n’est pas forcément bon et équilibré d’entrée. Selon cette même délégation, les votes des différentes commissions parlementaires ont révélé que le CETA ne faisait pas l’unanimité au sein du groupe socialiste et démocrate.

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Elle estime aussi que trop d’incertitudes planent encore sur l’accord : celui-ci reste trop vague, en particulier, à propos de la coopération réglementaire, ce qui risque de ne pas garantir le droit des États à légiférer.

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Cette prise de position mérite assurément d’être connue : elle plaide pour la tenue d’un vrai débat au Parlement sur le sujet. Il eût été préférable, je le répète, d’organiser ce débat avant l’autorisation de signature du 28 octobre, mais il demeure indispensable avant toute application provisoire, je redirai un mot là-dessus.

J’ai bien sûr écouté vos interventions avec beaucoup d’intérêt et toute l’estime qui vous est due, monsieur Caresche, monsieur Loncle. Puis-je néanmoins vous faire observer, en guise de clin d’oeil et pour suggérer que le débat n’est pas clos, que le candidat à la présidentielle désigné dimanche dernier s’est prononcé contre le CETA ?

Murmures sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Cela prouve bien, me semble-t-il, que le débat existe et que nous ne sommes pas les seuls à le penser. En tout état de cause, la position que le Gouvernement français a adoptée, sans consulter le Parlement ni se soucier des diverses revendications de la société civile, est très loin d’être partagée.

Le présent texte, vous l’avez compris, comporte deux propositions essentielles.

S’agissant en premier lieu de l’autorisation d’application provisoire du traité, je rejoins M. Lellouche, notamment sur un point : cette autorisation concerne en réalité la quasi-totalité du CETA. Hier, en répondant à une question au Gouvernement, M. le ministre des affaires étrangères n’a pas dit les choses telles qu’elles sont à cet égard, puisqu’il a minimisé, en quelque sorte, cette application provisoire, en prétendant qu’elle ne se ferait qu’à la marge du traité. C’est tout à fait inexact : plus de 90 % des dispositions du texte s’appliqueront dès le 1er mars prochain. Ce serait bien la moindre des choses qu’un parlement démocratique comme celui de la République française soit consulté, ainsi que nous le demandons, avant la mise en oeuvre de ces dispositions.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission, je ne nie pas le travail important qui a été effectué, notamment au cours des auditions, celles de Matthias Fekl en particulier, qui a été entendu à plusieurs reprises, tant par la commission des affaires étrangères que par la commission des affaires européennes. Mais l’audition d’un secrétaire d’État en commission ne saurait remplacer un débat démocratique dans l’hémicycle, en présence de représentants de tous les groupes et de toutes les commissions permanentes susceptibles d’être saisies des différents aspects du texte.

La procédure de négociation, confiée à la Commission européenne, a été à l’évidence anti-démocratique, et l’autorisation de signature délivrée par le Gouvernement français n’a fait l’objet d’aucun débat préalable au Parlement ; il faudrait au moins que l’application provisoire fasse l’objet d’une telle consultation.

Peut-être y a-t-il d’ailleurs eu une petite confusion tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, ou alors j’ai mal interprété vos propos – je lirai le compte rendu sur ce point. Matthias Fekl a été très clair, en particulier devant les commissions, sur la mixité de l’accord : certaines de ses dispositions relevant des compétences de l’Union, et certaines autres, des États membres, si l’un de ces derniers ne ratifie pas l’accord, l’ensemble de l’accord tombe, a-t-il expliqué. Tout le problème est là.

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En réalité, personne ne sait ce qui se passe dans ce cas.

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C’est en tout cas ce qu’a dit M. Fekl : c’est donc la position du gouvernement français. Cela soulève, je vous l’accorde, une vraie question. Lorsque les procédures de ratification seront engagées, elles pourront prendre plusieurs années, chacun le sait, et l’on viendra nous expliquer, si un ou plusieurs États membres ne ratifient pas l’accord, que l’on ne peut faire autrement que de le mettre en oeuvre, dès lors que l’application provisoire porte sur 90 % de son contenu, qui plus est sur des dispositions relevant des compétences de l’Union européenne ; les États nationaux ne pourront donc pas dire grand-chose.

Je termine sur la question du référendum. En commission des affaires étrangères et en commission des affaires européennes, on m’avait expliqué, à ma grande surprise, qu’un sujet de cette importance ne pouvait être soumis à référendum. Je m’étonne que M. Lellouche fasse sienne cette opinion, qui l’empêche de voter notre proposition de résolution : le recours au référendum ne devrait-il pas être naturel pour quelqu’un qui se réclame du gaullisme ?

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Ce texte, dit-on, est compliqué, quasi illisible, volumineux en pages et en annexes ; mais c’était déjà le cas du traité de Maastricht, que François Mitterrand avait pourtant fait approuver par référendum.

« Oui ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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C’était également le cas, en 2005, du projet de Constitution européenne, que Jacques Chirac avait lui aussi soumis à un référendum.

Nous avons donc, sur ce point, un désaccord de fond : sur un sujet aussi important, qui engage l’avenir du pays et de nos concitoyens, le peuple doit pouvoir se prononcer directement et avoir le dernier mot.

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J’ajoute un dernier mot, monsieur le président. Le recours au référendum que nous proposons ici fait écho, en quelque sorte, aux remarquables travaux de la commission Bartolone sur l’avenir des institutions, laquelle a associé tous les groupes de notre assemblée plus des personnalités extérieures. Parmi ses conclusions figurait notamment la nécessité d’encourager et de développer le recours au référendum.

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Celui-ci est en effet un instrument essentiel pour rétablir la confiance des citoyens dans leurs institutions et leurs élus.

Je vous prie de m’excuser, monsieur le président, d’avoir été long ; mais, comme vous le savez, le rapporteur que je ne suis n’est pas limité dans son temps de parole, et le sujet appelait quelques développements.

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Il l’exigeait, en effet.

Pour toutes ces raisons, je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cette proposition de résolution.

Et, si vous me le permettez, monsieur le président, je veux apporter une dernière précision pour éviter toute « embrouille » au moment du vote : vous allez mettre aux voix les conclusions de rejet de la commission ; par conséquent, ceux qui soutiennent cette bonne proposition de résolution doivent rejeter les conclusions de rejet.

Sourires.

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Monsieur le rapporteur, il existe certes une tolérance sur le temps de parole du rapporteur, mais j’ai déjà accepté de prolonger la séance. Il est déjà vingt heures quarante-cinq ; il faudrait que nous terminions à une heure convenable.

Je donne la parole à M. le secrétaire d’État, après quoi j’expliquerai les modalités du vote et annoncerai un scrutin public.

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Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie

Je serai extrêmement bref. L’intervention du rapporteur, que j’ai écoutée avec attention, a été toute en nuances, qu’il s’agisse de la nécessité du débat ou du souci essentiel d’associer le Parlement à un travail bien entendu très complexe – M. Lellouche, pour l’illustrer, est même venu avec le texte intégral.

Et puis, à la fin, en quelques secondes, vous avez évoqué le référendum, en vous référant au passage à de Gaulle. Cela me semble révéler une contradiction fondamentale dans votre argumentaire – je ne parle pas ici du fond, bien entendu, mais de la méthodologie politique. Vous expliquez que le sujet fait débat, qu’il est complexe et relativement technique ; vous appelez de vos voeux une mobilisation du Parlement et un travail sur la problématique des ratifications, comme nous l’avons d’ailleurs proposé ; et puis, tout à coup, hop ! un référendum !

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Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie

On en vient ainsi à invoquer la souveraineté populaire sur un sujet certes politique, je le reconnais, mais tout de même assez technique.

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Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie

Toute votre argumentation politique sur le Parlement, ou les parlements – car, de notre point de vue, une partie du texte de la résolution, étant de nature européenne, sera débattue au Parlement européen, et je ne pense pas que vous contestiez entièrement cette instance –, est contradictoire avec le fond de votre proposition.

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La commission des affaires étrangères ayant conclu au rejet de l’article unique de la proposition de résolution, l’Assemblée, conformément à l’alinéa 2 de l’article 151-7 du règlement, est appelée à voter sur ces conclusions de rejet.

Sur le vote des conclusions de rejet, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

……………………..

Pour que chacune et chacun se prononce en connaissance de cause, je tiens à apporter les précisions suivantes : si les conclusions de la commission des affaires étrangères sont adoptées, la proposition de résolution sera rejetée ; si elles sont rejetées, nous examinerons ensuite l’article unique de la proposition de résolution. Autrement dit, mes chers collègues, si vous souhaitez que cette proposition ne soit pas adoptée, vous devez voter pour les conclusions de la commission ; si vous souhaitez poursuivre l’examen de la proposition de résolution – ce qui ne signifie pas qu’elle sera adoptée –, il faut voter contre les conclusions de la commission.

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Je mets aux voix les conclusions de rejet de la commission.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 16 Nombre de suffrages exprimés: 16 Majorité absolue: 9 Pour l’adoption: 7 contre: 9 (Les conclusions de rejet de la commission des affaires étrangères ne sont pas adoptées.)

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de résolution.

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Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article unique.

La parole est à M. Laurent Baumel.

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Le CETA n’est pas le TAFTA, mais l’un comme l’autre soulèvent certaines objections, d’ordre démocratique, environnemental ou social. Il est possible que certaines des préventions exprimées soient excessives ou qu’une analyse plus poussée de ce que Matthias Fekl a pu obtenir conduise des hommes et des femmes de bonne foi à considérer que les risques sont moins élevés que ce qu’on peut penser et que les bénéfices à retirer de ces accords sont plus importants. Néanmoins, comme cela a été dit au cours du débat, l’enjeu est plus global. Il se résume en une formule, utilisée, me semble-t-il, par la Commission nationale consultative des droits de l’homme : le CETA fait partie de cette génération d’accords du passé qui ont sacrifié les droits humains aux intérêts commerciaux.

Aujourd’hui, la fable de la mondialisation heureuse, qui continue d’être contée par une partie des élites politiques, économiques ou technocratiques, se heurte dans le monde entier à la prise de conscience croissante des dégâts concrets auxquels ont conduit les processus de libéralisation généralisée des mouvements de biens et de capitaux. L’affaire du CETA, comme celle du TAFTA, pose le problème du modèle de civilisation et de société, qui doit s’articuler à notre acceptation de l’économie de marché.

Il ne s’agit pas là d’un sujet de colloque, mais d’un sujet fondamental que les sociétés aspirent à s’approprier : sur nos territoires, par exemple dans ma circonscription, il n’est pas une réunion citoyenne où les participants n’évoquent pas ces questions, centrales pour leur vie quotidienne, à un moment ou à un autre de la discussion. Je souscris moi aussi à cette idée que les outils de l’appropriation démocratique doivent être mobilisés, non seulement le Parlement mais aussi, si nécessaire, le référendum.

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Je voudrais revenir sur un constat fait par Marc Dolez : l’exigence d’un débat de fond. Cette exigence est notamment portée par la délégation socialiste française au Parlement européen, dont les membres appellent leurs collègues du groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates à engager un débat approfondi. Pour cette délégation, les votes des diverses commissions parlementaires ont clairement montré que le CETA ne faisait pas l’unanimité au sein du groupe S&D. Elle estime que trop d’incertitudes planent encore sur l’accord. C’est dire qu’un simple débat comme celui de ce soir, que nous avons demandé et qui était absolument indispensable, ne suffira pas.

Il me semble donc assez méprisant envers la capacité de réflexion du peuple de France, d’opposer, comme vous l’avez fait, monsieur le secrétaire d’État, cette exigence de démocratie fort bien présentée par Marc Dolez à ce que serait un référendum. Bien au contraire, avec Maastricht ou le Traité constitutionnel européen, nous avons vu un débat se tenir dans le pays, qui a créé une véritable ébullition ; partant des textes, il y a eu des échanges, des réunions publiques et une prise de conscience. La démocratie, c’est ça !

Nous ne pouvons pas nous limiter en considérant que seul un parlement est à même de comprendre : le peuple est capable de comprendre ; il est capable d’échanger, de réfléchir, de voter, et il peut le faire par voie de référendum.

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J’appelle l’attention de tous mes collègues sur le fait que l’Assemblée a adopté ce matin, à une large majorité, la proposition de résolution européenne de notre groupe appelant à être à l’initiative d’une grande COP – conférence des parties – de la finance mondiale, de l’harmonisation et de la justice fiscales, sous l’égide des Nations unies, pour avancer en matière de coopération et de régulation fiscales, ce qui est très positif.

À cet égard, le projet d’accord commercial avec le Canada dont nous débattons maintenant pose de nombreuses questions quant au statut de ce pays, que certains n’hésitent pas à considérer comme un paradis fiscal.

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Le sujet a pris de l’ampleur lorsque les Panama papers ont révélé que le Canada est une destination privilégiée pour établir des sociétés écrans.

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Opacité fiscale et juridique bien organisée, fiscalité avantageuse sur certains pans du territoire canadien, bonne réputation à l’international sont autant de critères de choix qui conduisent nombre de cabinets juridiques et fiscaux à proposer des montages offshore à leurs clients désireux de dissimuler une partie de leurs actifs.

Ces montages mettent également en lumière ce que l’on peut appeler les « liaisons dangereuses » entre le Canada et des territoires qui, dans un langage technique, seraient qualifiés de « non coopératifs » – des paradis fiscaux, pour parler clair, au premier rang desquels on trouve Panama et la Suisse. L’opacité du Canada est particulièrement organisée lorsqu’il s’agit de connaître les réels détenteurs d’une société : dans la province de l’Ontario, en particulier, il est impossible de connaître le propriétaire d’une entreprise. On sait pourtant – tous les rapports, notamment celui d’Alain Bocquet, le prouvent – que l’opacité des registres est nocive puisqu’elle crée des trous noirs, voire des gouffres dans la finance mondiale.

Dès lors, il apparaît surprenant, voire inacceptable, que l’on puisse aujourd’hui mettre en place un tel accord commercial avec…

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Je vous interromps, ma chère collègue, car vos deux minutes de temps de parole sont dépassées et il est déjà très tard.

La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

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Tout en félicitant Marc Dolez et les membres du groupe de la GDR pour leur initiative, qui nous donne l’occasion de débattre et de voter sur une résolution européenne, je souhaite exposer les deux raisons qui me conduisent à approuver vivement ce texte.

Premièrement, les effets et les conséquences du CETA suscitent de véritables craintes, qui sont fondées. Aucun économiste n’est en mesure de dire ce que le CETA apportera en termes de développement économique, c’est une réalité. Selon l’étude d’impact de la Commission européenne, ce traité conduirait à accroître le produit intérieur brut de 0,03 % à l’échelle de l’Union européenne, ce qui est très faible. Des études indépendantes mentionnent en revanche que l’accord pourrait conduire à supprimer au moins 200 000 emplois. Ces éléments d’information mis à notre disposition méritent réflexion. Pour ce qui me concerne, ils me conduisent à ne pas accepter le projet de traité.

Deuxièmement, la Commission européenne procède à un contournement de l’adoption, prévue selon une procédure mixte, en mettant en place une expérimentation anticipée, dès que le Parlement européen aura voté la ratification, sans attendre celle des pays de l’Union. Pardonnez-moi de le dire, je trouve que cette méthode s’apparente à un coup de force ou un déni de démocratie inacceptables.

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D’accord, monsieur le président. En tant que député du Mouvement républicain et citoyen, au regard de notre expérience historique – les référendms de 1992 et de 2005 –, je considère qu’il faut que les citoyens puissent décider, par référendum, du sort de tous les traités européens ou internationaux.

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La parole est à M. Marc Dolez pour soutenir l’amendement no 6 .

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Cet amendement vise à introduire, dans les considérants de l’article, une référence à l’avis de la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen, que j’ai évoquée tout à l’heure.

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La proposition de résolution ayant été rejetée par la commission des affaires étrangères, pouvez-vous donner l’avis de cette dernière ?

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C’est plus compliqué que cela. La commission des affaires européennes avait adopté cet amendement, avant de rejeter l’ensemble du texte, et il n’a pas été soumis à la commission des affaires étrangères, pas plus que les autres amendements que nous examinerons. À titre personnel, j’y suis favorable.

L’amendement no 6 , repoussé par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 1 .

L’amendement no 1 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 5 .

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Il vise à faire référence à l’étude de l’université américaine Tufts, dont j’ai parlé tout à l’heure. Celle-ci estime à 230 000 le nombre d’emplois cumulés qui risquent d’être perdus d’ici à 2023, dont 200 000 Europe et 45 000 en France.

L’amendement no 5 , repoussé par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 2 .

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Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 17 parce que la mixité de l’accord est acquise depuis la décision de la Commission européenne du 5 juillet dernier.

L’amendement no 2 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 3 .

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Il s’agit de rédiger l’alinéa 18 dans des termes strictement conformes à ceux de l’article 11 de la Constitution.

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Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé du développement et de la francophonie

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

L’amendement no 3 est adopté.

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La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 4 .

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Il est demandé que la France saisisse la Cour de justice de l’Union européenne sur la compatibilité du CETA avec les traités européens, notamment pour savoir si la juridiction multilatérale des investissements ne sera pas susceptible de remettre en cause l’exclusivité d’interprétation du droit européen par les juridictions de l’Union européenne.

L’amendement no 4 , repoussé par le Gouvernement, est adopté.

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Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de résolution.

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Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution.

L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Le président de l’Assemblée nationale a reçu du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement une lettre l’informant de l’ajout, en dernier point de l’ordre du jour du jeudi 9 février, de la proposition de loi relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle.

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Prochaine séance, mardi 7 février, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Discussion, selon la procédure d’examen simplifié, d’un projet de loi autorisant l’approbation d’une convention internationale ;

Discussion du projet de loi relatif à la sécurité publique.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt et une heures cinq.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly