Intervention de Dominique Baert

Réunion du 6 novembre 2013 à 16:
Commission élargie : Économie, accords monétaires internationaux, prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert, président :

Compte tenu des contraintes d'agenda des ministres, je vous propose de modifier l'ordonnancement habituel de nos travaux. Mme Bricq étant retenue par une réunion avec le Président de la République, nous attendrons son arrivée pour évoquer le commerce extérieur. Nous entendrons d'abord les rapporteurs pour les crédits sur les programmes relevant de la compétence de M. Montebourg, ainsi que les réponses de celui-ci, avant d'en venir aux autres sujets.

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial pour le développement des entreprises et pour les prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés. Le projet de loi de finances pour 2014 propose d'inscrire au programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » 1,016 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,026 milliard d'euros en crédits de paiement, soit une baisse significative, respectivement de 5,1 % et 5,5 %, par rapport à 2013. Cette année encore, la mission prend toute sa part du redressement des finances publiques de la France.

La baisse serait encore plus importante à périmètre constant. En effet, le programme comporte une action nouvelle, « Fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés », dotée de 50 millions d'euros. Ma première question est la suivante : pour quelle raison ces crédits sont-ils inscrits dans un programme dédié à l'aide aux entreprises ?

Ma deuxième question est importante pour les territoires ruraux. Madame Pinel, que comptez-vous faire du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) ? Il existe un stock important de dossiers en cours d'examen à Bercy. À la suite du rapport de l'inspection générale des finances, envisagez-vous de modifier les procédures et les critères d'attribution de ce fonds ? Pensez-vous être en mesure, malgré la diminution des crédits, de résorber le stock et de répondre ainsi à l'attente légitime des collectivités territoriales ? Le Gouvernement a-t-il l'intention de moderniser et de pérenniser le FISAC ou d'accompagner lentement sa belle mort ?

Peut-on espérer que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) aide véritablement les entreprises industrielles et exportatrices de notre pays ? Un comité de suivi rattaché au Premier ministre a été mis en place. J'ai déposé un amendement, qui a été adopté ce matin par la commission des finances, prévoyant la présence de parlementaires au sein de ce comité. Il me semble en effet nécessaire, parallèlement à la montée en charge du dispositif, de renforcer son évaluation. Qu'en pensez-vous ?

Ensuite, concernant la réindustrialisation du pays, quel bilan dressez-vous de l'action des commissaires au redressement productif (CRP) ? Le redressement productif doit marcher sur deux jambes : d'une part, dans un environnement économique difficile, une stratégie défensive à laquelle contribuent les commissaires – en la matière, estimez-vous nécessaire de créer d'autres outils permettant de financer les entreprises en difficulté ? – ; d'autre part, une stratégie offensive. À cet égard, pouvez-vous préciser les programmes d'investissement d'avenir dont les crédits sont inscrits dans cette mission pour plus de 1,7 milliard d'euros sous la forme de prêts ou de subventions et d'entrées au capital d'entreprises innovantes ?

Enfin, La Poste, qui sera la première bénéficiaire du CICE, à hauteur de 250 millions d'euros, connaît une mutation historique de son modèle économique. L'entreprise, qui emploie 1 % de la population active de notre pays, est essentielle pour les territoires ruraux. Comment voyez-vous « La Poste 2.0 » ? Quel est l'avenir de cette grande et belle entreprise nationale ?

M. Jean Grellier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'industrie. Les préoccupations industrielles apparaissent d'abord dans l'action n° 3 du programme 134 « Actions en faveur des entreprises industrielles ». Ce programme contribue à l'objectif de réduction du déficit public par une diminution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de l'ordre de 8 % pour les actions de soutien à la politique industrielle et de l'ordre de 12 à 13 % pour les dépenses d'intervention.

Sur ce programme 134, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité d'assurer le financement des centres techniques industriels. Il convient, à cet égard, d'être vigilant sur le maintien des taxes affectées. Il est tout autant nécessaire de sanctuariser le soutien financier aux comités stratégiques de filières du Conseil national de l'industrie compte tenu de leur rôle dans le redressement industriel de notre pays.

Mais, pour l'industrie, l'avancée la plus significative réside dans la création du programme 405 « Projets industriels », doté de 420 millions d'euros provenant essentiellement du programme d'investissements d'avenir.

Ce programme repose sur trois actions : un soutien financier à des projets industriels sélectionnés par appel d'offres sous forme de subventions, d'avances remboursables ou de prises de participation ; une garantie des prêts accordés par la BPI pour les projets les plus innovants ; une accélération de la robotisation des entreprises françaises, qui correspond d'ailleurs à une proposition de notre rapport pour avis du PLF 2013.

Dans le cadre de mon rapport, j'ai pris l'initiative de rencontrer les vice-présidents de chacun des treize comités stratégiques de filières. Je souhaite souligner le progrès notable et l'étape importante dans le redressement productif de notre pays que constitue la mise en place de ces comités ; avec eux, la France se dote des instruments nécessaires à l'élaboration d'une véritable politique industrielle.

Je veux saluer, monsieur le ministre, les contrats que vous avez conclus avec la quasi-totalité des comités stratégiques de filières qui sont autant de bases pour la relance à court terme de toutes nos grandes filières industrielles.

En outre, vous avez présenté les trente-quatre grands projets de la « nouvelle France industrielle » qui viennent conforter cette démarche à moyen terme. Il convient enfin d'ajouter la commission « Innovation 2030 » qui doit dessiner, à long terme, des perspectives d'anticipation des ruptures technologiques.

La cohérence est un gage d'efficacité. Comment envisagez-vous de l'assurer entre les actions des comités stratégiques de filières, celles retenues parmi les trente-quatre grands projets industriels, celles qui seront proposées par la commission « Innovation 2030 » ou encore celles décidées dans le cadre du programme d'investissements d'avenir ?

Les comités stratégiques de filières sont reconnus et organisés au niveau national, mais tout reste à faire pour leur déclinaison territoriale qui doit permettre d'intégrer le plus grand nombre d'entreprises. Comment comptez-vous vous en assurer ?

Plusieurs comités stratégiques de filières ont exprimé leurs craintes de ne pas pouvoir trouver dans les prochaines années les compétences nécessaires au renouvellement des générations. Comment entendez-vous agir avec vos collègues de l'éducation nationale et de l'emploi pour relancer les formations techniques, qu'elles soient initiales ou permanentes, et pour répondre aux besoins de nos filières industrielles ?

Les procédures liées aux investissements d'avenir ou à d'autres aides apparaissent très contraignantes et complexes pour les PME. Comment les simplifier pour plus d'efficacité, notamment en réduisant les délais ?

Enfin, je me permets de faire une proposition qui intéresse aussi et surtout le président de la commission des affaires économiques. Ne pourrait-on créer des correspondants parlementaires pour chacun des comités stratégiques de filières ? Ils auraient un double rôle : d'une part, ils participeraient aux principales réunions des comités stratégiques au cours desquelles ils pourraient apporter leur éclairage d'élu ; d'autre part, ils serviraient de relais des actions et des préoccupations des comités au Parlement, notamment lors de la discussion des textes ayant un impact sur leur activité.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les entreprises. Au nom de la commission des affaires économiques, je suis rapporteur, avec notre collègue Anne Grommerch, du budget consacré aux entreprises c'est-à-dire, pour l'essentiel, les dotations inscrites aux actions n° 2 « Commerce, artisanat, services », 3 « Actions en faveur des entreprises industrielles », 7 « Développement international des entreprises » et 20 « Financement des entreprises et attractivité du territoire » au sein du programme 134 de la mission « Économie ».

Au premier abord, on ne peut qu'approuver la hausse des crédits de ce programme, mais, à y regarder de plus près, on constate que cette hausse est principalement due à trois actions : l'action n° 4 relative au rapatriement, difficilement compréhensible, des aides à la presse vers la mission « Économie » qui occasionne une hausse de plus de 433 % par rapport au précédent exercice ; l'action n° 5 qui crée un Fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés, doté de 50 millions d'euros et l'action n° 20 afin d'aider Bpifrance à garantir certaines opérations de prêts.

En revanche, les deux principales actions dédiées au soutien aux entreprises – actions n° 2 et n° 3 – connaissent une baisse significative de leurs crédits, respectivement de 12,99 % et 8,34 %. On ne peut que le regretter, d'autant que nos entreprises doivent faire face à des difficultés majeures – chacun a lu la une du Monde : « 1 000 plans sociaux depuis un an » – et qu'elles vont subir de nouvelles hausses de la fiscalité. Leurs difficultés ne sont pas conjoncturelles, mais structurelles, contrairement à ce que semble croire le Gouvernement. Leurs marges sont très insuffisantes depuis les années quatre-vingt et elles évoluent dans un univers normatif trop complexe. Si l'on ne réagit pas très vite, notre compétitivité ne va cesser de se dégrader et le chômage d'augmenter.

Après cette interpellation sur l'environnement des entreprises, je souhaite vous poser trois questions plus précises sur les actions du programme 134.

Le FISAC voit de nouveau ses crédits baisser et s'établir cette année à seulement 20 millions d'euros, contre 38 millions l'année dernière. Comment justifiez-vous cette baisse alors que, dans le même temps, vous souhaitez dynamiser les centres-villes, maintenir le commerce de proximité et favoriser le tissu commercial dans notre pays ? Puisque l'effet de levier du FISAC est indéniable, n'était-il pas possible de réaliser des économies sur des dépenses dont l'impact est moins évident ?

La nouvelle action n° 5 est dotée de 50 millions d'euros. D'où viennent-ils ? S'agit-il d'un redéploiement de crédits, d'une réaffectation ? Dans ce cas, quel budget pâtit de ce manque à gagner ? On ne peut que regretter le manque de lisibilité du budget 2014 par rapport aux budgets précédents. De nouvelles actions ont été ajoutées, des sommes sont déplacées : si l'on avait voulu brouiller les pistes, on ne s'y serait pas pris autrement…

Enfin, au sein de l'action n° 2, le Centre d'études et de formation des assistants techniques du commerce, des services et du tourisme (CEFAC) ne figure plus parmi les organismes de formation spécialisés explicitement soutenus par l'État. Cet organisme assure pourtant la formation et le perfectionnement de cadres qui accompagnent les mutations des TPE et des PME. Comment justifiez-vous que ce budget marque son arrêt de mort ?

Compte tenu des orientations données à cette mission, et même si certains points positifs méritent d'être soulignés – le renforcement des moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou la création de l'action n° 5 qui viendra aider les collectivités ayant contracté des emprunts toxiques –, je considère que le soutien apporté aux entreprises ne va pas assez loin et que vous vous dispersez. Ce budget apparaît très insuffisant au regard des difficultés que rencontrent nos entreprises et des défis que nous devons relever. Ma collègue Anne Grommerch et moi-même donnons donc un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie ».

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