Intervention de Antoine Michon

Réunion du 27 mai 2015 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Antoine Michon, sous-directeur du climat et de l'environnement au MEADI :

Mesdames et messieurs les députés, je vais vous présenter, dans le court temps qui m'est imparti, un panorama général des trois processus de négociations qui sont en cours cette année et qui touchent aux questions liées au développement et au climat : premièrement, le processus sur le financement du développement, qui se conclura à Addis-Abeba au mois de juillet, et s'inscrit dans la suite des conférences précédentes de Monterrey et de Doha sur le financement du développement ; deuxièmement, le processus post 2015 sur l'agenda du développement, qui vise à établir, en septembre prochain à New York, le nouvel agenda pour le développement pour la période 2015-2030 et prendra la suite des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) adoptés en 2000 ; troisièmement, la COP 21 de Paris, en décembre, dont l'objectif sera d'établir un accord universel sur le climat pour la période post 2020.

Ces trois processus, dans laquelle la France est engagée – avec un positionnement différent – sont à la fois séparés et étroitement connectés, notamment à travers la question du financement. À Addis-Abeba, l'objectif sera d'essayer de mettre en évidence les liens étroits existant entre le financement du développement et le financement du climat. À New-York, il s'agira d'intégrer de manière transversale dans cet agenda du développement l'enjeu climatique. Enfin, à Paris, il s'agira de concilier l'objectif du respect de la limite des deux degrés avec le développement économique et social – un des enjeux de la convention Climat.

Aujourd'hui, où en est-on ?

La négociation d'Addis-Abeba a été engagée dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la base d'un texte proposé par deux « cofacilitateurs », norvégien et guyanais. On a retrouvé dans la discussion les clivages assez habituels entre les pays du G 77 et les pays développés, en particulier sur le niveau d'engagement des pays développés sur l'aide publique au développement, ou sur les liens entre climat et développement. Les pays du G 77 demandent que le financement du climat soit additionnel au financement de l'aide au développement.

Dans cette négociation, notre objectif est de bien identifier et d'encourager les synergies qui existent entre les actions de développement et celles qui permettent de lutter contre le dérèglement climatique, et de bien mettre en évidence que les différents instruments qui concourent au développement économique bénéficient aussi au climat. Mais il faudra aussi rassurer les pays en développement sur notre engagement dans la lutte contre la pauvreté et pour le développement. Ce processus, qui va se poursuivre au cours de trois prochaines séances de négociation, doit aboutir à la mi-juillet.

À New-York, l'agenda a déjà été largement écrit par un groupe de travail qui a rendu ses travaux l'année dernière. Il a été repris dans un rapport du secrétaire général des Nations Unies. La négociation reprendra, mais il y aura sans doute très peu de changements par rapport au texte qui a été approuvé. Nous disposons donc aujourd'hui d'un cadre, qui sera formellement adopté par les chefs d'État et de gouvernement lors de l'Assemblée générale de septembre, avec dix-sept grands objectifs pour le développement. Six d'entre eux sont proprement environnementaux ; l'un d'entre eux portera sur le climat.

Cet agenda du développement a comme spécificité d'intégrer de manière bien équilibrée les trois dimensions du développement durable, social, économique et environnemental, d'être universel, en permettant de dépasser les clivages Nord-Sud traditionnels, et d'offrir une vision vraiment partagée du développement à l'horizon 2030. Il servira très certainement de cadre aux interventions des bailleurs de fonds. On y retrouve, et c'est un de ses intérêts, au-delà d'un objectif spécifique pour le climat, des cibles « climat » à l'intérieur de plusieurs objectifs, sous la dimension « énergie », la dimension « ville », la dimension « forêt ». Ces cibles témoignent de l'intégration de l'enjeu climatique dans l'ensemble des politiques de développement.

À Paris, la discussion est engagée depuis 2011, et l'on devrait aboutir en décembre prochain à un accord universel sur le climat. La France est dans une position particulière, étant à la fois pays « hôte » et présidente de la Conférence. Nous sommes là pour faciliter les convergences et les consensus, ce qui implique de notre part un travail bilatéral très intense. Vous avez sans doute noté que le Président de la République, plusieurs ministres, dont le ministre des affaires étrangères, ont mis le climat à l'agenda de leurs déplacements à travers le monde et organisé plusieurs rencontres – le Président de la République était tout récemment dans les Caraïbes – spécifiquement dédiées au climat. Mais cela implique aussi de mener un travail dans des enceintes multilatérales, le G 7, le G 20, ou dans des réunions informelles que la France, avec la présidence péruvienne, a commencé à organiser au niveau des négociateurs, et qu'elle organisera très prochainement dès le mois de juillet au niveau des ministres.

En matière de finances, l'enjeu est triple : tout d'abord, crédibiliser les engagements pré 2020, qui ont déjà été pris ; ensuite décider, à Paris, de ces financements pour la période post 2020, avec, sans doute, un horizon de long terme ; enfin, contribuer à réorienter l'ensemble des flux financiers vers l'économie à bas carbone.

Sur le pré 2020, la crédibilisation de l'engagement des 100 milliards par an, il y a deux enjeux.

Le premier est que l'on parvienne à une comptabilisation, sinon négociée, du moins partagée entre bailleurs et récipiendaires ; des travaux sont en cours, afin d'harmoniser les méthodes de comptabilisation. Le deuxième enjeu est de donner aux pays en développement des indications sur notre trajectoire, à partir d'aujourd'hui, 2015, et au moins jusqu'en 2020, pour qu'ils sachent ce qu'ils peuvent attendre en matière de financements, publics et privés, d'ici à 2020.

Sur le post 2020, pour ce qui est en discussion dans le cadre de la négociation de l'accord, il y a au moins quatre enjeux principaux.

Le premier enjeu porte sur le chiffre et le niveau d'engagement. Établira-t-on un chiffre post 2020, similaire à l'engagement des 100 milliards ?

Le deuxième porte sur les cycles, et notamment les cycles d'engagement. Voudra-t-on établir un réengagement régulier des pays donateurs sur des montants financiers ? Et si l'on décidait d'adopter un système de cycles, quelle en serait la fréquence ? Quels en seraient principes ? Quels liens seraient alors établis avec l'adaptation et avec l'atténuation ? Certains pays demandent l'établissement d'un lien direct entre les engagements pris en matière d'adaptation, les engagements pris en matière d'atténuation et, bien entendu, les engagements financiers. Enfin, quelle transparence, quels mécanismes de revue pour ces cycles d'engagements financiers ?

Un troisième enjeu est lié à la question de la différenciation, qui traverse la négociation. D'abord, qui paie ? Les pays développés dits « de l'annexe I » souhaitent que la palette des pays donateurs s'élargisse, notamment aux pays émergents et aux pays en mesure de financer des actions d'atténuation et d'adaptation. Ensuite, qui reçoit ? Établit-on des catégories privilégiées de récipiendaires, par exemple des pays vulnérables, des pays les moins avancés auxquels on allouerait en priorité certaines sommes. Ces questions sont ouvertes et sont en discussion.

Un quatrième enjeu porte sur les institutions. Il existe aujourd'hui plusieurs mécanismes financiers mis en place dans le cadre de la convention, des fonds spécifiques comme le fonds d'adaptation ou le fonds pour les pays les moins avancés (les PMA). Ces fonds sont-ils pérennes ? Seront-ils fondus ou intégrés au sein du Fonds vert qui est établi cette année ? Ces questions sont en discussion et sont ouvertes. Mais les réponses qui seront apportées sur ces différents sujets dépendront en partie des réponses qui seront apportées sur d'autres sujets, notamment les engagements en matière d'atténuation, ou les questions de transparence et de revue.

Les discussions sur la mobilisation des acteurs privés et la réorientation des flux financiers se déroulent très largement en dehors de la négociation, mais elles font partie de l'ensemble des discussions que l'on souhaite voir aboutir à Paris. Pour nous, il y a trois enjeux principaux.

Le premier est d'accroître, de développer les engagements volontaires des « champions » parmi les acteurs privés qui s'étaient manifestés en septembre 2014 au sommet de New-York, et qui sont susceptibles de prendre de nouveaux engagements, plus importants.

Le deuxième est d'intégrer la problématique climat à l'intérieur du système financier, à la fois à travers des acteurs comme les agences de notation, mais aussi à travers des mécanismes pris par les régulateurs.

Le troisième est que les politiques publiques prennent en compte l'enjeu climatique. Cela nous renvoie à toutes les questions de prix du carbone, de subventions aux énergies fossiles, et plus largement aux mécanismes incitatifs à l'investissement vert.

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