Intervention de Muriel Olivier

Réunion du 10 mai 2016 à 14h00
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

Muriel Olivier, vice-présidente de la FNADE :

On dénombre une quinzaine de filières REP dans notre pays, ce qui ouvre une possibilité en termes de dépollution des déchets et de volume de matières à recycler pour favoriser l'économie circulaire. Les filières REP sont sans doute plus importantes en France que dans d'autres pays européens.

Aujourd'hui, nous sommes dans une situation difficile. Il est nécessaire d'arriver à un vrai partage des risques et de la valeur entre ceux qui mettent en marché, d'une part, et les opérateurs des filières REP, d'autre part. Nous avons atteint les limites du système, s'agissant notamment des filières organisationnelles.

Nous proposons de dresser un panorama de l'état financier des unités industrielles travaillant sur les filières, en particulier sur la filière DEEE où il y a d'énormes difficultés, et de développer ensuite un renforcement notoire des cahiers des charges pour les éco-organismes.

Il faut éviter les abus en termes de prix, qui mettent en danger les installations industrielles créées en France. Celles-ci ont parfois bénéficié, pour se développer, du soutien de l'ADEME, mais elles perdent aujourd'hui des tonnages et sont déséquilibrées au profit de nouveaux acteurs qui n'ont pas, pour l'instant, l'autorisation d'exploiter et vont devoir construire leurs installations.

Cela vaut pour les acteurs établis en France, mais il arrive aussi que l'exportation de déchets soit financée par le citoyen français, alors que nous disposons d'installations industrielles respectant tous les standards. Notre proposons donc, dans un deuxième temps, de bâtir, avec l'ensemble des opérateurs, y compris les éco-organismes, un véritable plan industriel national qui garantisse l'atteinte des objectifs fixés dans les filières REP, ces objectifs étant nécessaires pour atteindre ceux de la loi, tant sur la partie recyclage que sur la partie stockage.

La loi a pour ambition de développer le tri à la source, la collecte et le traitement des biodéchets des ménages et des gros producteurs de biodéchets, ces derniers étant déjà concernés depuis la loi de 2012, mais c'est une filière qui se développe assez lentement. En France, les biodéchets représentent 4 millions de tonnes, soit un volume très important. Ils sont soumis à la fois à la réglementation « installations classées pour la protection de l'environnement » (ICPE) et à la réglementation sanitaire, les déchets de cuisine et de table pouvant entraîner un risque sanitaire dans leur collecte et leur traitement. Les ICPE sont du ressort du ministère de l'environnement, tandis que l'agrément sanitaire est délivré par le ministère de l'agriculture. Or, aujourd'hui, la tentation existe de déroger à cet agrément sanitaire. Le ministère de l'agriculture prépare un projet d'arrêté visant à développer le compostage in situ, avec une utilisation jusqu'à une tonne par semaine. Or on considère qu'un producteur de biodéchets est important à partir de 10 tonnes par an. Ce projet d'arrêté contredit donc la loi. Des quantités très importantes seraient compostées in situ, sans autorisation d'exploiter ni agrément sanitaire, puisqu'on resterait en dessous des seuils, ce qui induit un risque sanitaire. Nous souhaiterions une application harmonisée des mesures et que, au-delà de 10 tonnes par an, il n'y ait pas de possibilité de dérogation.

On a beaucoup parlé du nécessaire soutien aux matières issues du recyclage. J'évoquerai, en complément, le développement de l'utilisation de l'énergie produite à partir de déchets. Comme l'a dit Vincent Le Blan, les industriels potentiellement utilisateurs d'énergie produite à partir de CSR ont aujourd'hui besoin de visibilité sur la contribution climat-énergie. La loi a fixé une trajectoire, qui a été en partie reprise dans la loi de finances rectificative pour 2015. Mais la contribution climat-énergie concernant les chaudières en dessous de 20 mégawatts, celles au-dessus de 20 mégawatts étant soumises à la réglementation européenne, la loi des quotas ETS devant être révisée pour l'après-2020, le marché des quotas étant aujourd'hui peu attractif – 6 à 8 euros la tonne –, les utilisateurs potentiels se demandent si la trajectoire s'appliquera vraiment en France et comment elle s'articulera avec le marché des quotas.

Il faut saluer le travail mené pour développer la filière CSR. Un décret va paraître, ainsi que des arrêtés sur la préparation de CSR et sur la production d'énergie à partir de CSR, et l'ADEME a lancé un appel à projets pour favoriser le développement d'unités de production d'énergie à partir de CSR. Nous nous réjouissons de tout ce qui a été mis en place depuis un an.

La loi affiche l'ambition de multiplier par cinq l'énergie renouvelable ou de récupération dans les réseaux de chaleur. Le CSR peut contribuer à alimenter ces réseaux ou des industries intermittentes. Pour développer cette utilisation, il serait nécessaire d'avoir un complément de rémunération pour produire de l'électricité à partir de CSR même dans les périodes où l'on utilise moins de chaleur. Cela n'est pas prévu dans les appels d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

En ce qui concerne la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), on cite l'énergie de récupération, sans véritablement fixer d'objectif. Elle devrait être intégrée dans la PPE et il faudrait, comme pour les autres énergies, définir des volumes. L'énergie produite à partir de CSR provient de refus de tri : il ne s'agit pas d'entrer en concurrence avec le recyclage, mais d'éviter le stockage. La loi prévoit de diminuer de 50 %, par rapport à 2010, les quantités stockées à l'horizon 2025. Cet objectif ne sera atteint que si le nécessaire a été fait au préalable en matière de prévention, de recyclage et de production d'énergie à partir de CSR.

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