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Geneviève Gaillard
Question N° 41692 au Ministère de la justice


Question soumise le 5 novembre 2013

Mme Geneviève Gaillard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les termes du décret du 13 août 2013 qui privent le contentieux social du double degré de juridiction. En effet, le décret en question applicable au 1er janvier 2014 dispose que les jugements rendus par un juge unique et non plus en collégialité par les tribunaux administratifs en matière notamment de prestations, d'allocations ou de droits sociaux ou de logement ne pourront plus être l'objet d'un appel devant les cours administratives d'appel. Ce décret ajoute une injustice à la précarité et crée une inégalité de droits selon les types de contentieux. Certains d'entre eux bénéficieront du double degré de juridiction et les autres en seront privés constituant ainsi une discrimination en raison de la situation sociale des personnes concernées, souvent les plus pauvres et les plus fragiles de notre société. Aussi et considérant que la rationalisation des procédures administratives contentieuses ne saurait légitimer cette différence de traitement, elle lui demande si elle a l'intention de retirer ces dispositions qui privent les personnes défavorisées du droit à un recours effectif constitutionnellement et conventionnellement reconnu.

Réponse émise le 7 juin 2016

Le décret no 2013-730 du 13 août 2013, portant modification du code de justice administrative, a instauré, à compter du 1er janvier 2014, une nouvelle procédure en matière de contentieux social qui vise à adapter l'office du juge pour offrir aux justiciables un meilleur accès au prétoire. Le jugement par un juge unique et la suppression de l'appel s'inscrivent dans cette réforme qui doit être appréciée de manière globale. Elle s'articule autour de cinq évolutions : - l'assouplissement des possibilités de régularisation de sa requête par le requérant : le tribunal administratif ne pourra plus rejeter une requête pour irrecevabilité, lorsqu'elle ne contient pas « l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge », sans avoir préalablement invité le requérant à la préciser par une « argumentation propre à établir que la décision attaquée méconnaît ses droits ». Ce faisant, le requérant pourra être invité à régulariser sa requête par le dépôt d'un mémoire complémentaire, au-delà, le cas échéant, de l'expiration du délai de recours, sauf si la requête a été introduite par un avocat ou présentée sur un formulaire type mis à disposition par la juridiction ; - l'introduction d'une part d'oralité dans la procédure : plus adaptée aux requérants, elle permettra la poursuite de l'instruction à l'audience « sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête » ; - le jugement des contentieux sociaux par un magistrat statuant seul : la complexité juridique généralement faible des affaires concernées ne justifie pas une formation de jugement collégiale. L'attribution de ce contentieux à un juge unique doté d'outils procéduraux adaptés, lui permettra d'acquérir une spécialisation accrue. En tout état de cause, une partie de ces contentieux relève d'ores et déjà du juge unique, notamment le contentieux du droit au logement opposable et celui des aides personnalisées au logement, qui représentent 29% des contentieux sociaux. En outre, pour l'ensemble des contentieux sociaux, la part des affaires jugées en formation collégiale est faible du fait d'un recours élevé aux ordonnances. En 2012, seuls 5 333 dossiers ont été traités par les tribunaux en formation collégiale sur 23 904 affaires traitées, soit 22% ; - la possibilité pour le rapporteur public d'être dispensé de prononcer ses conclusions à l'audience : cette simple faculté, qui ne peut être mise en œuvre que sur sa proposition, maintient un double regard sur le dossier : celui du magistrat statuant seul et celui du rapporteur public qui propose, le cas échéant, de ne pas conclure sur ces affaires, eu égard à la nature des questions à juger. Comme l'avait indiqué le Conseil constitutionnel, une telle dispense peut seulement être décidée lorsque la solution de l'affaire paraît s'imposer ou ne soulève aucune question de droit nouvelle (n° 2011-629 DC § 22) ; - la compétence en premier et dernier ressort des tribunaux administratifs sur ces affaires : ce choix est justifié par le peu de bénéfice que les justiciables retirent du double degré de juridiction (très faible taux d'appel, recours massif des cours à des ordonnances de rejet), et du fait des modifications apportées à la procédure, désormais mieux adaptée au public concerné. Ainsi, loin de pénaliser les justiciables concernés, la réforme du contentieux social leur offre des garanties nouvelles afin qu'ils ne soient plus empêchés de se défendre efficacement contre l'administration.

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