Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

François de Mazières
Question N° 59244 au Ministère de la justice


Question soumise le 8 juillet 2014

M. François de Mazières attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'inquiétude des familles ayant recueilli dans le cadre d'une "kafala'' des enfants d'origine étrangère. En effet, malgré les arguments apportés par la secrétaire d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie en date du 28 mai 2014 lors d'une séance de question orale sans débat à M. Richard Yung, il n'en demeure pas moins que de nombreuses familles souhaitent le retour à la législation en vigueur jusqu'en 2001, législation qui permettrait de transformer ce statut de la « kafala » en adoption ou tout le moins, ils souhaiteraient obtenir la réduction du délai de résidence fixé actuellement à cinq ans. Ce souhait des familles n'est guidé que par le souci de sécuriser ces enfants qui se trouveraient dans une situation particulièrement délicate en cas de disparition prématurée de leur famille d'accueil. Devant ce constat et sensible à l'inquiétude de ces familles, il l'interroge sur les moyens de prendre en compte la détresse de ces familles en adaptant la législation en vigueur à plus d'humanité.

Réponse émise le 6 septembre 2016

La kafala, désignée sous le terme de recueil légal, est une institution de droit coranique qui a pour objet d'offrir à un enfant une protection sans créer de lien de filiation entre lui et la personne qui le recueille (le kafil). Le recueil légal ne peut donc être assimilé à une adoption, comme l'a rappelé la Cour de cassation (Civ 1ère, 10 octobre 2006). Afin de garantir le respect de la législation des pays étrangers, la loi no 2001-111 du 6 février 2001, relative à l'adoption internationale, a introduit, dans le code civil, des dispositions interdisant le prononcé en France de l'adoption d'un mineur étranger dont la loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce dernier est né et réside habituellement en France. Or, le droit algérien comme le droit marocain, prohibent formellement ce mode d'établissement de la filiation. Si le recueil légal ne peut pas être juridiquement assimilé à une adoption, il permet toutefois à l'enfant de bénéficier d'une protection en France conformément aux prescriptions de l'article 20 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 qui prévoit qu'un enfant privé de son milieu familial doit pouvoir bénéficier d'une protection de remplacement. Ainsi,  le recueil légal judiciaire, comme toute décision relative à l'état des personnes, a vocation à être reconnu de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n'est pas contestée. Les effets du jugement de recueil légal diffèrent en fonction du contenu de la décision et de la situation de l'enfant recueilli. Ainsi, dans le cas d'enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins pour lesquels seul un recueil légal judiciaire peut être prononcé, celui-ci produit en France des effets comparables à ceux d'une tutelle sans conseil de famille, le recueillant étant investi de l'ensemble des prérogatives d'autorité parentale sur l'enfant. Dans le cas d'enfants ayant encore des parents en état d'exercer leurs prérogatives,  le recueil légal est assimilable en France à une délégation d'autorité parentale totale ou partielle. Une circulaire (CIV/07/13, no NOR JUSC1416688C) a été diffusée le 22 octobre 2014 par le ministère de la justice afin de rappeler les effets juridiques en France du recueil légal et ainsi de faciliter les démarches des familles. Le recueil légal est donc reconnu en droit interne, tout en conciliant les impératifs que sont la protection de l'enfant et le respect de sa loi personnelle. Le respect de cet équilibre a conduit la Cour européenne des droits de l'homme, dans sa décision du 4 octobre 2012,  à considérer que le droit français était respectueux des conventions internationales et ne portait pas atteinte au droit à une vie familiale normale. Il convient de relever en outre que l'interdiction d'adopter cesse à partir du moment où l'enfant acquiert la nationalité française, ce qui est possible après que l'enfant a résidé cinq années sur le territoire français au sein de sa famille d'accueil. S'agissant de ce délai de recueil préalable à la souscription d'une déclaration de nationalité française, sa réduction ne paraît pas opportune dans la mesure où elle conduirait à un traitement différencié entre, d'une part, les enfants recueillis par kafala et, d'autre part, les enfants nés en France de parents étrangers, résidant en France et qui ont, depuis leur naissance, des liens constants avec notre pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion