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Henri Jibrayel
Question N° 87221 au Ministère de la culture


Question soumise le 18 août 2015

M. Henri Jibrayel alerte M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports sur l'impact nocif que peut avoir la télévision sur le développement des capacités intellectuelles de l'enfant et de l'adolescent. Si de nombreuses études ont déjà été menées à ce sujet, leurs conclusions parfois alarmantes ont provoqué le sentiment de voir la télévision comme le « bouc émissaire » de groupes de pression rétif à la modernité. Or, alors que notre société vit de plus en plus connectée grâce aux nouvelles technologies, permettant à tous d'accéder aux médias d'où que ce soit, alors qu'il existe dorénavant des chaines « jeunesse » diffusant en continu des programmes destinés aux enfants, et alors que les usages de ces nouveaux médias s'additionnent et ne se supplantent pas, les études s'amoncellent et rien ne change. Pourtant, ses effets délétères induits par la passivité des spectateurs affectent tous les champs du développement de l'enfant, de l'intelligence à l'imagination, en passant par le langage, la lecture, l'attention et la motricité ; et sont aujourd'hui admis par les industriels du secteur audiovisuel. Il lui demande donc quelles mesures pourraient être prises pour inciter à un usage plus responsable de la télévision, en particulier quand elle s'adresse à un public jeune.

Réponse émise le 9 février 2016

Ainsi qu'en dispose l'article 1er de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986, l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle peut être limité par certains motifs au nombre desquels figure la protection de l'enfance et de l'adolescence. La loi a confié à une autorité publique indépendante, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), le soin de garantir l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle et de s'assurer que les éditeurs de services de télévision respectent les principes garantis par la loi. Il dispose à cette fin d'un pouvoir de sanction en cas de non-respect des dispositions de la loi du 30 septembre 1986. Les éditeurs de services, publics comme privés, sont ainsi libres de diffuser les programmes qu'ils souhaitent dans les limites rappelées ci-dessus et qui sont contrôlées et sanctionnées par l'instance de régulation. La protection du jeune public constitue toutefois l'une des principales limites à la liberté éditoriale et une des missions essentielles que la loi du 30 septembre 1986 a confiées au CSA. En son article 15, la loi impose au Conseil de veiller « à la protection de l'enfance et de l'adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle ». Le CSA a mis en place, en concertation avec les diffuseurs, un dispositif reposant sur une classification des programmes par tranche d'âge répartie en cinq catégories, avec pour certaines d'entre elles des restrictions horaires. Ainsi, sur les chaînes en clair, la diffusion de programmes déconseillés aux mineurs de moins de 10 ans ne peut intervenir dans les émissions destinées aux enfants, celle de programmes déconseillés aux mineurs de moins de 12 ans avant 22 heures et celle de programmes déconseillés aux mineurs de moins de 16 ans avant 22 heures 30. L'instance de régulation vérifie après diffusion la pertinence des classifications et des horaires de programmation retenus par les chaînes, notamment à la suite de plaintes de téléspectateurs, d'associations de téléspectateurs et d'associations familiales. Lorsqu'un programme semble ne pas être adapté à tous les publics, il est soumis à une commission de visionnage consacrée au suivi de la signalétique. Ses conclusions sont discutées au sein du groupe de travail « Protection du jeune public et déontologie des programmes », présidé par un conseiller du CSA. Les chaînes modifient pour les prochaines diffusions les horaires de programmation ou le choix du pictogramme de la signalétique, conformément aux observations qui leur ont été adressées et aux engagements qu'elles ont pris devant le groupe de travail. Les observations adressées aux chaînes sont rendues publiques. Chaque année, ce groupe de travail organise des réunions avec les chaînes pour dresser le bilan de la protection de l'enfance et de l'adolescence au cours de l'exercice précédent. Ce bilan fait ensuite l'objet d'une publication. Les interventions courantes prennent la forme d'une mise en garde par simple lettre. En cas de manquement, le CSA peut adresser aux chaînes une mise en demeure et engager à leur encontre une procédure de sanction lorsque cette mise en demeure n'est pas respectée. Toutefois, on relèvera que les mises en demeure pour ces motifs sont peu nombreuses. En effet, très souvent, une simple mise en garde suffit à faire respecter les règles relatives à la protection du jeune public. On relèvera également qu'aucune sanction n'a été prononcée ces dernières années, ce qui témoigne de la vigilance des opérateurs à ne pas réitérer les manquements constatés. Parmi les autres actions menées par le CSA, on peut citer les initiatives suivantes. Depuis plusieurs années, le CSA demande aux chaînes de diffuser sur leur antenne une campagne annuelle d'information et de sensibilisation du public au dispositif de protection de l'enfance et de l'adolescence à la télévision. Les messages diffusés s'adressent tant aux jeunes qu'aux parents. Le CSA a publié une liste de conseils de bons comportements à adopter tels que : « Pas d'écran avant 3 ans », « Avant 8 ans, seulement des programmes pour enfants », « Limitons le temps passé devant l'écran » ou encore « Parle à tes parents de ce que tu as vu à la télévision ». S'agissant des chaînes destinées aux très jeunes enfants, le CSA a adopté, le 22 juillet 2008, une délibération visant à protéger les enfants de moins de trois ans des effets de la télévision, en particulier des services présentés comme spécifiquement conçus pour eux. Il a notamment décidé d'interdire aux éditeurs de services de télévision relevant de la compétence de la France la diffusion de programmes spécifiquement destinés aux enfants de moins de trois ans. Il a également décidé d'encadrer la distribution des chaînes étrangères visant ce public en soumettant les distributeurs établis en France à une obligation stricte d'information de leurs abonnés sur la nocivité de la télévision en général et de ce type de programmes, en particulier sur le développement des enfants de moins de trois ans. Par ce biais, le CSA a ainsi pu appréhender la diffusion de chaînes étrangères comme « Baby TV » et « Baby First », émises depuis un autre État membre de l'Union européenne, en l'occurrence le Royaume-Uni, soumises au droit britannique et au contrôle de l'Ofcom, l'autorité de régulation de l'audiovisuel en Grande-Bretagne. Par cette délibération, le CSA a également souhaité assurer l'information des téléspectateurs sur les conséquences néfastes de la télévision sur les enfants de moins de 3 ans. Chaque année, le CSA organise, en partenariat avec le ministère chargé de la santé, sur les supports de communication à sa disposition (site Internet, Lettre du CSA, communiqués de presse, etc.), une campagne tendant à sensibiliser le public sur les dangers présentés par la télévision en ce qui concerne les enfants de moins de trois ans. La campagne vise à développer une information basée sur deux constats établis par les experts de la santé et de l'enfance : - les programmes de télévision, quels qu'ils soient, ne sont pas adaptés aux enfants de moins de 3 ans ; - la télévision peut favoriser, chez les enfants de moins de 3 ans, des troubles du développement tels que passivité, retards de langage, agitation, troubles du sommeil, troubles de la concentration, dépendance aux écrans. Dans le cadre de cette campagne, les éditeurs portent à la connaissance des téléspectateurs, à l'antenne, sous la forme de leur choix, les informations mises à leur disposition par le Conseil sur les dangers présentés par la télévision pour les enfants de moins de 3 ans. En concertation avec les éditeurs, le Conseil fixe les dates de début et de fin de cette campagne. Il communique ces dates aux éditeurs trois mois au moins avant le lancement de la campagne. Cette campagne pour les moins de trois ans est incluse dans la campagne annuelle sur la signalétique jeunesse. C'est ainsi que les chaînes de télévision ont diffusé des contenus audiovisuels qu'elles ont produits, reprenant sous la forme de leur choix (messages, reportages, émissions de plateau…) les messages clés du Conseil sensibilisant le public à la nocivité de la télévision pour les tout-petits (« Pas d'écran avant 3 ans », « La télévision n'est pas toujours un jeu d'enfant »). Ce dispositif, qui fait appel à la responsabilisation partagée des chaînes de télévision et des parents, permet de concilier la nécessaire protection du jeune public avec la liberté de communication.

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