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Monique Rabin
Question N° 93749 au Secrétariat d'état à l'enseignement supérieur


Question soumise le 8 mars 2016

Mme Monique Rabin attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'état des recherches de l'Institut IFREMER sur les surmortalités ostréicole et mytilicole de la côte atlantique. En effet, depuis 2008 et encore récemment, les départements de Loire-Atlantique et de Vendée sont particulièrement touchés par ce phénomène inexpliqué. Dans certaines zones, en avril 2015, la surmortalité mytilicole a atteint 80 % de la production. L'IFREMER a lancé plusieurs études dont certaines sont terminées. Il s'agit notamment de l'étude CAP VIRO. L'ensemble de la profession se demande ce qu'il en sera concrètement de leur potentielle application dans le milieu. Une piste pourrait être de lancer une nouvelle étude ou renforcer celles existantes mais la question du financement n'est pas assurée. Aussi, elle lui demande ce qu'il envisage pour faire progresser la recherche sur ce sujet.

Réponse émise le 11 octobre 2016

En préambule, il est important de rappeler que l'histoire de l'ostréiculture française est émaillée de phases successives de développement et de ruptures des productions, associées pour certaines à des maladies infectieuses, qui ont modifié les pratiques professionnelles. Le milieu aquatique constitue un important vecteur pour les agents infectieux et leur dissémination. De plus, l'absence de réelles barrières physiques sur l'estran (partie du littoral située entre les limites extrêmes des plus hautes et des plus basses marées) facilite la dispersion et la propagation d'un ou plusieurs agents pathogènes. - Surmortalités ostréicoles et mytilicole de la côte atlantique : état des connaissances scientifiques Depuis 2008, la filière ostréicole française fait face à des mortalités massives (70 % en moyenne) de naissain d'huîtres creuses, Crassostrea gigasdans l'ensemble des bassins ostréicoles français. Ces épisodes de mortalité ont été rapportés dès 2008 touchant aussi bien des lots d'animaux diploïdes que des lots d'animaux triploïdes sans observation de différences significatives entre ces deux types d'huîtres. Le virus OsHV 1 (ostreid herpes virus type 1) est considéré comme l'élément majeur expliquant ces épisodes de mortalité massive. Ce virus infectant l'huître creuse, Crassostrea gigas, a été considéré par l'Ifremer dès 1990 comme un véritable danger en matière de santé des coquillages, capable d'induire de fortes mortalités. L'Institut Français de recherche pour l'exploitation de la mer développe des travaux afin de mieux comprendre les phénomènes en cause, à la fois en participant à l'élucidation des mécanismes fondamentaux et en apportant un appui à la puissance publique. Cet organisme a rapidement informé les services de l'Etat et les professionnels de l'ostréiculture de la détection de cet agent infectieux et entrepris un ensemble de travaux de recherche, en particulier pour la mise au point d'outils de diagnostic spécifiques. Ainsi une forme virale a été nouvellement détectée en France à partir de 2008 (µVar) : il s'agit d'un variant génomique, au sein de la même espèce virale (OsHV-1). En 2012 et 2013, des épisodes de mortalité massive ont été observés chez des adultes d'huîtres creuses. Tout le littoral français a été touché, de la Normandie à la Méditerranée. Les taux de mortalité pour les lots analysés dans le cadre du réseau Repamo (Ifremer) en 2013 variaient de 15 à 65 %. Une bactérie appartenant au genre Vibrio, V. aestuarianus, a été détectée lors des épisodes de mortalités d'huîtres creuses adultes rapportées sur les côtes françaises en 2012 et 2013. Cette bactérie vit dans le milieu marin et est capable de proliférer dans des conditions environnementales favorables (températures élevées, …). A ce titre, depuis une dizaine d'années, elle est surveillée et fait l'objet de différents travaux de recherche de la part de l'Ifremer. Si V. aestuarianus peut être considérée comme la cause première des mortalités observées, le développement de l'infection bactérienne reste sans doute une combinaison de plusieurs facteurs faisant intervenir des interactions entre la bactérie, l'huître et l'environnement. En 2014, des épisodes de mortalité massive (20 à 80 %) touchant les moules d'environ un an ont été rapportés par les mytiliculteurs dans le sud de la Vendée et en Charente-Maritime. Des mortalités massives ont été également observées les années suivantes. A ce jour, l'ensemble des résultats concourt à privilégier un scénario impliquant une infection bactérienne faisant intervenir des souches pathogènes de bactéries appartenant à l'espèce V. splendidus et des interactions entre les conditions environnementales et les moules. Des premiers essais réalisés en laboratoire ont permis de montrer que ces souches bactériennes sont capables d'induire de très fortes mortalités chez des moules saines. Si les bactéries identifiées peuvent expliquer la mortalité observée sur le terrain, il reste à expliquer pourquoi le phénomène est apparu au cours du printemps 2014. Des apports importants d'eau douce, une remise en suspension des sédiments au travers de tempêtes successives et un temps de résidence important de la masse d'eau dans le Pertuis breton sont autant de conditions particulières ayant pu induire localement des modifications dans les équilibres microbiens et favoriser la présence de bactéries appartenant à l'espèce V. splendidus, pathogènes pour les moules. - Implication de l'Ifremer dans CapViro : résultats et perspectives L'Ifremer poursuit et amplifie son implication au travers de différents projets de recherche (Vivaldi, Decipher, Envicopass, Morbleu 2), ayant tous pour objectif de mieux appréhender les phénomènes de mortalité affectant les huîtres creuses et d'en préciser les causes. L'objectif principal du projet CapViro (Capteurs passifs pour détecter les norovirus et l'herpès virus OsHV-1 en eau de mer, 2014-2015) co-financé par le Syndicat mixte pour le développement de l'aquaculture et de la pêche en Pays de la Loire (Smidap) vise à évaluer divers types de membrane (capteurs passifs) et identifier des traitements éventuels à leur appliquer pour capter des virus présents dans le milieu aquatique (norovirus et virus OsHV-1). Ces capteurs passifs sont aujourd'hui largement utilisés pour mesurer en continu la part de contaminants chimiques dans l'eau de mer, mais cette approche n'a pas encore été appliquée aux agents microbiens présentant un risque de transmission par le milieu hydrique, comme les norovirus ou le virus OsHV-1. Les résultats obtenus ont montré qu'il est possible en laboratoire de détecter le matériel génétique des virus ciblés (ARN ou ADN) sur des membranes immergées dans des eaux contenant des norovirus ou le virus OsHV-1 et que cette capacité de détection augmente avec le temps d'immersion des membranes dans l'eau contaminée. Ces premiers résultats démontrent que différents types de membranes permettent de détecter et quantifier la présence de virus dans l'eau de mer grâce à une technique permettant de mettre en évidence la présence de séquence d'ARN ou d'ADN spécifiques sous forme de traces dans un échantillon. Ces travaux doivent être poursuivis afin de vérifier que la détection est possible directement dans l'environnement par des membranes placées dans le milieu marin. Il est prévu de poursuivre les recherches dans ce domaine au travers du projet Vivaldi, projet coordonné par l'Ifremer et cofinancé par l'Union Européenne dans le cadre du programme H2020. Les résultats attendus permettraient à terme de disposer de capteurs qui, immergés dans l'eau de mer selon un positionnement stratégique, alerteraient bien avant que les zones de production conchylicole ne soient atteintes par une contamination virale.

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