Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du 29 octobre 2013 à 20h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • autonomie
  • consultative
  • financer
  • fonctionnement
  • formé
  • instance
  • polynésie
  • recours
  • réaliser

La réunion

Source

La séance est ouverte à 20 heures 15.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

À l'issue de l'audition de M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer, la Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis des crédits « Départements d'outre-mer », et de M. René Dosière, rapporteur pour avis « Collectivités d'outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises », les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2014.

La Commission examine l'amendement n° II-CL20 de M. René Dosière.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'amendement que je présente contribuera à faire des économies, puisqu'il s'agit de diminuer d'un million d'euros la dotation globale d'autonomie versée par l'État à la Polynésie française.

Lors de l'examen de la loi organique du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, nous avions supprimé, sur mon initiative et avec l'avis favorable de M. Didier Quentin, alors rapporteur de ce texte, le Haut Conseil de la Polynésie française. En effet, la mission d'assistance, conduite par Mme Anne Bolliet, avait été très critique à l'égard de ce « Conseil d'État local », dont l'utilité était, selon elle, assez faible, pour un coût de fonctionnement très élevé. Sa suppression avait permis de réaliser une économie de 900 000 euros annuels.

Or, dès le 11 juillet 2013, soit un peu plus d'un mois seulement après les élections territoriales, le gouvernement et l'assemblée de Polynésie ont adopté une délibération ainsi qu'une loi du pays, ressuscitant le Haut Conseil de la Polynésie française sous la forme, cette fois-ci, d'une « autorité consultative indépendante ».

En ma qualité de parlementaire, j'ai trouvé curieux que le législateur organique soit ignoré à ce point par une collectivité territoriale, fût-elle autonome. Je ne comprends pas comment une collectivité peut, par une simple délibération, mettre en place une instance que le législateur a entendu lui-même créer et supprimer.

Je note, à cet égard, que le représentant de l'État en Polynésie française a déféré au Conseil d'État la seule loi du pays instaurant ce Haut Conseil, la délibération qui a le même objet n'ayant fait l'objet de sa part d'aucune saisine du juge administratif. Si le recours porté devant le Conseil d'État suspend la promulgation de la loi du pays en cause, la délibération créant ce Haut Conseil est, elle, pleinement exécutoire, en l'absence de recours formé contre cet acte.

Je souligne également dans mon avis budgétaire que la nomination rapide de son président fait apparaître que, dans cette affaire, l'intérêt général n'est pas la seule raison motivant la création de ce Haut Conseil.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, devant cet acte de défiance, presque de mépris, à l'égard du pouvoir législatif, de réduire la dotation globale d'autonomie de la Polynésie française d'un million d'euros, ce qui correspond au coût estimé en 2013 de ce Haut Conseil. Ainsi, si la Polynésie souhaite se doter d'une telle instance, il lui faudra la financer elle-même, à l'exclusion donc de tout concours financier de l'État.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaiterais réagir à l'amendement proposé par M. René Dosière et plus largement aux passages de son rapport pour avis consacrés aux divers recours formés devant le Conseil d'État contre des lois du pays.

Le rétablissement du Haut Conseil par le président de la Polynésie française, M. Gaston Flosse, a justement pour objet d'éviter au pays de recourir directement au Conseil d'État.

Ce « Conseil d'État local » permettra d'éviter la saisine d'autres instances consultatives ou juridictions, permettant ainsi au pays de réaliser des économies.

Dans son rapport pour avis, M. Dosière rappelle que la caisse de prévoyance sociale (CPS) de la Polynésie française a perdu près de 30 millions d'euros à la suite du recours formé contre la loi du pays du 19 mai 2011 relative au régime de retraite des travailleurs salariés.

Si le Haut Conseil de la Polynésie française n'avait pas disparu à cette date, sa consultation préalable aurait probablement permis d'éviter tout recours suspensif devant le Conseil d'État et ainsi de faire des économies. Son rétablissement facilitera indéniablement le travail législatif du gouvernement polynésien.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sans me prononcer sur le fond de la question, je voudrais connaître les raisons qui ont conduit M. René Dosière à faire le choix d'une suppression « sèche » d'un million d'euros de crédit et non d'une réaffectation de ces derniers sur une autre ligne budgétaire.

J'observe que cette réaffectation de crédits d'une ligne budgétaire à une autre est le choix qui sera proposé à la commission des Affaires économiques dans deux amendements qu'elle sera amenée à examiner dans quelques instants et sur lesquels je devrais rendre un avis.

Il est important, à mon sens, de ne pas donner le sentiment d'une quelconque sanction.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

M. Tuaiva fait une confusion au sujet des lois du pays et de la procédure de recours suspensif devant le Conseil d'État.

Lorsque l'assemblée polynésienne adopte des « lois du pays » avec des mesures de redressement, il n'est pas rare aujourd'hui que ces textes soient déférés au Conseil d'État en signe de désaccord. Or, ce recours suspend l'application de l'acte adopté, ce qui a des conséquences importantes, le Conseil d'État n'étant pas en mesure de statuer dans le délai de trois mois qui lui est fixé pour rendre sa décision. Le caractère suspensif de la procédure ainsi que la longueur des délais de jugement par le Conseil d'État – jusqu'à un an dans certains cas – causent un préjudice au territoire.

Cette procédure de recours suspensif est aujourd'hui détournée par une « minorité de blocage », qui souhaite retarder l'entrée en vigueur des dispositions contestées et ainsi empêcher, sous une nouvelle forme, le fonctionnement des institutions et du gouvernement polynésiens. Il conviendra d'ailleurs de réexaminer à l'avenir les conditions de ces recours devant le Conseil d'État.

Toutefois, ce détournement de procédure est, en l'occurrence, sans lien avec la mise en place du haut conseil, puisqu'il s'agit d'une instance consultative, que le législateur organique a supprimé en 2011, au motif que son utilité n'était pas démontrée et que le gouvernement polynésien disposait d'instances administratives suffisantes pour réaliser son travail.

Aujourd'hui, le gouvernement de la Polynésie française estime nécessaire de reconstituer ce Haut Conseil, dont je doute que ce soit uniquement dans un but d'intérêt général, si l'on regarde notamment qui en a été nommé président.

Dans le respect de l'autonomie de la Polynésie française, qui souhaite se doter de ce haut conseil, je considère que le territoire doit financer lui-même cette instance. C'est d'ailleurs pour cette raison que je ne propose pas de réaffecter ce million d'euros de crédits au profit de la Polynésie.

Ce territoire bénéficie aujourd'hui d'une autonomie et d'une souveraineté fiscales totales, au point que pas un centime d'impôt prélevé localement ne revient dans le budget de l'État. Dans ces conditions, la Polynésie devra financer elle-même le Haut Conseil. Tel est le sens de mon amendement.

L'amendement n° II-CL20 de M. René Dosière est adopté.

Conformément aux conclusions de M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis « Départements d'outre-mer » et de M. René Dosière, rapporteur pour avis « Collectivités d'outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises », la Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2014.

La séance est levée à 20 heures 30.