Intervention de Gunther Krichbaum

Réunion du 15 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires européennes

Gunther Krichbaum, président de la commission des affaires européennes du Bundestag :

(interprétation de l'allemand). Je tiens avant tout chose à vous remercier de votre hospitalité, madame la présidente. Cette réunion parlementaire du Triangle de Weimar est très utile, compte tenu de l'importance des questions dont nous allons débattre.

La République fédérale d'Allemagne a accueilli plus d'un million de migrants. Les débats sur cette question ont souvent porté sur les symptômes de ce phénomène davantage que sur ses causes profondes. Or, à mon sens, nous n'avons vu ces deux dernières années que la partie émergée de l'iceberg. Les raisons qui incitent les migrants à quitter leur pays sont multiples : la guerre en Syrie, bien entendu, mais aussi le changement climatique qui, s'il se poursuit, risque de pousser de nombreuses populations à l'exil. Il nous faut donc offrir aux migrants des perspectives à long terme. Quelle est de ce point de vue notre vision de l'Europe actuelle ?

À nos portes se trouve l'Afrique, qui a été beaucoup trop négligée ces dernières années. Trop rares sont les entreprises qui y investissent ; nous devons faire en sorte que les investissements en Afrique augmentent, car c'est ainsi que seront créés les emplois de demain. Or, exercer un emploi, c'est percevoir un salaire et pouvoir nourrir sa famille. Ce sont ces perspectives que nous devons offrir ; pour ce faire, l'Europe doit prendre des mesures incitatives en faveur de l'investissement des entreprises en Afrique. Certes, la chose est plus facile à dire qu'à faire, et nous pourrions en débattre à l'infini.

N'oublions pas, cependant, que des pays comme la Tunisie sont devenus des pays d'accueil pour des migrants africains. Nous devons les aider pour éviter qu'ils ne soient débordés et incapables de proposer assez d'emplois à ces migrants, car cela nourrirait un mouvement migratoire supplémentaire vers l'Europe.

Il va de soi que la fermeture des frontières n'est pas une solution, car on se contenterait ce faisant de ne traiter que les symptômes de la crise. La Grèce ne peut être livrée à elle-même avec ces très nombreux migrants bloqués sur son territoire. Pour éviter la détérioration de la situation en Grèce, nous avons conclu un accord efficace avec la Turquie : en contrepartie de tout renvoi en Turquie d'un migrant entré irrégulièrement en Grèce, l'Europe accueille un réfugié dûment enregistré en Turquie.

En revanche, nous devons lutter avec détermination contre les passeurs et le trafic organisé d'êtres humains. Les réfugiés paient souvent 5 000 à 6 000 euros par personne pour gagner l'Europe.

Nous avons eu en Allemagne un débat assez vif sur la question. Une chose est sûre : nous ne choisissons pas les dirigeants de nos États partenaires et nous devons travailler avec eux, même s'il s'agit de gouvernements comme celui de M. Erdoğan. L'accord avec la Turquie est nécessaire. En dépit de toutes les critiques que l'on peut formuler – en Allemagne par exemple – à l'égard de M. Erdoğan, nous devons penser à long terme, et non à court terme. Il arrivera un jour où M. Erdoğan ne sera plus président de la Turquie, et nous aurons alors encore besoin de ce pays, notamment dans le cadre de l'affrontement régional entre les chiites, emmenés par l'Iran, et les sunnites radicalisés sous l'impulsion de l'Arabie saoudite. Nous autres Européens avons la responsabilité de tout faire pour que le Proche-Orient ne devienne pas en ce début de siècle la poudrière que furent les Balkans au début du siècle précédent. Il faut pour ce faire accomplir mille efforts qu'aucun pays n'est en mesure de consentir seul. L'Allemagne, la France et la Pologne ont toutes trois besoin les unes des autres et de leurs partenaires européens. À l'ère de la mondialisation, aucun pays ne peut résoudre les problèmes actuels à lui seul.

De ce point de vue, la fermeture des frontières n'est pas une solution. Jusqu'à présent, nous avons interprété la mondialisation comme un phénomène essentiellement économique, mais c'est aussi un phénomène politique. Nous ne pouvons pas nous replier sur nous-mêmes en nous contentant d'observer de loin les conflits qui se déroulent à nos portes ; il nous faut désormais nous serrer les coudes. Comme l'a souligné Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand, nous avons tous besoin de nos partenaires européens pour relever le défi de la mondialisation.

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