Intervention de Bernard Deflesselles

Réunion du 15 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles, membre de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale française :

La COP21, opération de très grande envergure, qui s'est tenue à Paris, a frappé les esprits, et il faut en tirer les leçons : regarder les points positifs, nombreux, et les points qui posent problème – je ne dirai pas « négatifs » –, eux aussi nombreux.

Le premier objectif était de faire en sorte de contenir le réchauffement climatique aux alentours de deux degrés. La communauté scientifique, en particulier le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), produit des rapports depuis plus de vingt ans. Or, dans son dernier rapport, le GIEC estime que, si nous ne faisons rien, la température pourra avoir augmenté d'environ 4 ou 4,5 degrés, voire 4,8 degrés, à la fin du siècle, avec tout ce que cela implique – élévation d'un mètre du niveau de la mer, déplacements de populations, etc. Ce sont les scientifiques qui, les premiers, ont tiré la sonnette d'alarme et intéressé les politiques, au sens large du terme, à ce dérèglement climatique.

Le deuxième objectif était de prendre le relais du protocole de Kyôto, qui date de 1997 et a été mis en oeuvre en 2005 – le processus a été très long, il fallait qu'au moins cinquante-cinq pays le ratifiassent, parmi lesquels les parties visées à l'annexe I dont les émissions totales de dioxyde de carbone représentaient en 1990 au moins 55 % du volume total des émissions de dioxyde de carbone de l'ensemble des parties visées à cette annexe. La validité du protocole de Kyôto expirant en 2020, il fallait construire un nouveau protocole qui en prît le relais.

Premier point positif : finalement, nous avons su, collectivement, entraîner la majeure partie des pays dans cette aventure. Plus de 180 pays se sont « mis dans la boucle », si j'ose dire.

Deuxième point positif : nous avons réussi à inverser la problématique. J'ai participé à de nombreuses conférences des parties (COP), et, pendant longtemps, elles ont plutôt suivi une approche top-down : une feuille de route était donnée du sommet, il fallait la suivre. En l'occurrence, nous avons plutôt suivi une approche bottom-up. Il a été demandé aux pays de donner leurs prévisions et leurs engagements aux Nations unies, qui continuent à organiser les COP. C'est une bonne opération, puisque 185 pays – pratiquement tous les pays – ont envoyé leurs feuilles de route respectives, les fameuses INDC – acronyme de Intended Nationally Determined Contributions, soit « contributions prévues déterminées au niveau national », en jargon onusien. Ils ont ainsi affirmé leur engagement contre le réchauffement climatique et indiqué ce qui leur paraissait possible.

Troisième point positif, le sommet organisé à New York au mois d'avril dernier pour la signature de l'accord a été un succès : plus de cent pays étaient représentés.

La clause de rendez-vous tous les cinq ans est également intéressante. En fonction des résultats de chaque pays, nous pourrons rehausser les objectifs, mais non les dégrader.

Le premier des points qui pose problème est de taille. En considérant l'ensemble des feuilles de route, nous parvenons à un réchauffement de 3,5 degrés, et non de 2 degrés. Ce n'est pas du tout conforme à l'objectif d'un réchauffement contenu dans la limite de 2 degrés, encore moins de 1,5 degré. Il y a là un fossé à combler.

Deuxième point négatif : l'Accord de Paris n'est pas le traité juridiquement contraignant que nous appelions de nos voeux. Ne jouons pas sur les mots : l'accord est politiquement contraignant, mais il ne l'est pas juridiquement. Les pays signataires ne sont pas tenus de respecter leurs objectifs. C'est un problème. Le mécanisme des contrôles porté par les Nations unies est donc très faible et aucune sanction ne peut être prise.

Il faut donc régler un double problème. Les engagements pris, sur la base du volontariat, ne sont pas contraignants et ils ne permettent pas d'atteindre l'objectif d'un réchauffement de 2 degrés au plus.

Voilà les grandes lignes, présentées de manière peut-être un peu caricaturale parce que je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails. Le verre est à moitié vide et à moitié plein, comme d'habitude.

Je suis ces sujets depuis une quinzaine d'années. Progressivement, nous assistons à une prise de conscience internationale. L'engagement de plus de 180 pays montre que cette problématique du réchauffement climatique est bien entrée dans les esprits. C'est vraiment positif. Maintenant, tout reste à faire. Il faut préparer la COP22, qui aura lieu à Marrakech, au mois de novembre, et mettre en oeuvre l'accord, ce qui n'est pas une mince affaire.

Au niveau européen, nous sommes passés de l'objectif des « 3 fois 20 » – 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre, 20 % d'économies d'énergie et 20 % d'énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie – à l'objectif « 40-27-27 », soit 40 % de réduction des émissions de CO2, 27 % d'énergies renouvelables dans le mix énergétique et 27 % d'efficacité énergétique supplémentaire. Nous avons encore des questions à régler, que nous espérons trancher au cours de l'été au niveau de l'Union européenne, qui concernent la ratification de l'accord, la répartition des efforts au sein de l'Union, la révision du marché des quotas d'émission de CO2 et la mise en oeuvre de la clause de revoyure. C'est un chantier mondial de très grande envergure, mais c'est aussi un chantier important au niveau européen.

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