Intervention de Benoist Apparu

Réunion du 28 septembre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoist Apparu, rapporteur :

Monsieur Emeric Bréhier, vous avez raison d'affirmer que des différences subsistent entre la droite et la gauche en matière universitaire, mais je ne doute pas que vous accomplissiez le chemin qu'il vous reste à parcourir sur l'autonomie et la sélection en M1 pour nous rejoindre complètement !

La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) n'a évidemment pas tout changé et on peut lui adresser des critiques, notamment le fait que l'autonomie donnée aux établissements universitaires ne s'est pas accompagnée d'une réforme de l'ancienne direction générale de l'enseignement supérieur (DGES), ce découplage générant un immense décalage. Il n'en demeure pas moins qu'il existe un avant et un après LRU ; en effet cette loi a amorcé l'autonomie, aujourd'hui acceptée par presque tout le monde. Je regrette que la loi relative à l'enseignement supérieur et la recherche (ESR) n'ait pas engagé la deuxième étape, qui s'avère indispensable.

Des manifestations ont eu lieu contre la loi LRU, ce qui est normal car il ne faut quand même pas s'attendre à ce que les syndicats étudiants acceptent l'ombre d'un début d'une réforme. Ce serait contradictoire avec ce qu'ils sont dans notre pays.

Il y a souvent des points de crispation dans les débats parlementaires, mais ils s'oublient assez vite. Il y en a eu sur l'article 2, et il est bon que ce sujet soit derrière nous.

S'agissant des docteurs, nous ne légiférons pas pour les branches, notre problème principal est d'ordre culturel. Les membres de l'élite mondiale sont à bac +8, alors que ceux de l'élite française, passés par les grandes écoles, sont à bac +5 : cette différence saute aux yeux dans les conseils d'administration des grandes entreprises.

Je reste totalement défavorable à la sélection à l'entrée à l'université, car les taux d'accès et de diplômés de l'enseignement supérieur doivent progresser dans notre pays. Cet objectif correspond à nos engagements pris dans le cadre du processus de Bologne et de la stratégie de Lisbonne. Nous ne devons pas limiter l'accès à l'enseignement supérieur !

La question de l'orientation est différente : comment faire en sorte que le jeune entrant dans l'enseignement supérieur se retrouve dans une formation correspondant à son envie et à ses compétences ? Que l'on qualifie l'orientation de « positive » ou de « sélective », il convient de relever ce défi pour que le jeune soit diplômé de l'enseignement supérieur.

Il existe différentes approches de la sélection en M1 et M2, et certains considèrent que tout le monde doit achever le M2. Le marché du travail français a-t-il besoin de cadres supérieurs à bac +5 aussi nombreux que les étudiants entrant en L1 ? La réponse est non. Nous avons besoin de former des employés de très bon niveau, des ouvriers très qualifiés – telle est la vocation du bac professionnel –, des cadres intermédiaires qui iront jusqu'au niveau L3, et des cadres supérieurs pour notre industrie et nos services, titulaires d'un bac +5. Tant que le nombre de sorties du système universitaire ne répondra pas aux besoins de l'économie française, le décalage s'accentuera.

Le nombre de niveaux de sortie ne correspond ni aux demandes des milieux économiques, ni aux standards internationaux, ni même au processus de Bologne, pourtant initié par un rapport de M. Jacques Attali repris par le ministre de l'époque, M. Claude Allègre ! Le rapport ne s'intitulait pas « LMD », mais « 3-5-8 » ; or nous avons adopté le schéma du LMD, mais nous avons quand même des diplômés à bac +2, +3, +4 et +5. Autour d'une formation à vocation professionnelle – qu'elle se nomme bachelor ou autre et qui regrouperait les sections de technicien supérieur (STS), les instituts universitaires de technologie (IUT) et les formations bachelor existantes –, on créerait un vrai niveau de sortie à bac +3. On aurait également une sortie à bac +5 après une licence et un master sélectifs, l'ensemble gagnant en simplicité et en lisibilité.

Je ne pense pas que le périmètre géographique des régions doive devenir la référence de l'ensemble des politiques publiques françaises, notamment universitaires. Une université doit correspondre à un bassin de vie et de recrutement, indépendamment des limites de la région. La loi offre aux départements la possibilité de quitter une région pour en rejoindre une autre, mais cela ne devrait pas avoir d'impact sur le périmètre de la ComUE. Celle-ci doit être un projet, comme le disait Mme Sandrine Doucet, délié des limites territoriales. L'idée du président de l'Aquitaine de mettre en cohérence les ComUE et les régions ne me paraît donc pas bonne.

Les universités mondiales les plus prestigieuses ne comptent pas plus de 30 000 étudiants, alors que la plus petite ComUE française dépasse ce nombre. On est en train de créer des mastodontes de 120 000 à 150 000 étudiants quand toutes les grandes universités de recherche dans le monde n'en ont pas plus de 30 000 ! Harvard, la plus grande, compte à peine plus de 29 000 étudiants et le MIT 10 000. On doit accepter la différence de vocation entre les universités de notre pays : cinq à huit d'entre elles seraient des pôles de recherche à vocation mondiale et les autres chercheraient avant tout à offrir un accès direct à l'emploi à ses diplômés. Il ne faut pas suivre les standards pour les standards, mais il y a lieu de rechercher l'efficacité ; or le système universitaire français n'est pas le plus efficace au regard des classements internationaux.

Le débat sur les droits d'inscription constitue un serpent de mer français ; ce sujet peut mettre rapidement quelques dizaines de milliers d'étudiants dans la rue, mais les universités font face à une équation budgétaire impossible. La loi LRU peut ne pas être totalement étrangère à cette situation, mais la cause principale tient à l'organisation globale de notre système éducatif. Les rapports du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA en anglais) montrent que les meilleurs systèmes consacrent beaucoup d'argent aux préapprentissages et à l'enseignement supérieur, et beaucoup moins aux collèges et aux lycées ; au lieu de cette répartition en « U », la France dispose d'un schéma en « N » où de faibles ressources sont allouées aux préapprentissages et à l'enseignement supérieur, et où les collèges et les lycées reçoivent beaucoup de crédits. Il nous faudra réorienter nos efforts en redonnant de l'air à notre enseignement supérieur, en insistant sur les préapprentissages et en tirant les conséquences de l'état de nos finances publiques pour le collège et le lycée.

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