Intervention de Agnès Michelot

Réunion du 12 octobre 2016 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Agnès Michelot, rapporteure au nom de la section de l'environnement du CESE :

Plusieurs principes ont guidé nos travaux. Nous nous sommes fondés sur le principe de non-régression du droit de l'environnement, et sur le principe de solidarité écologique, tous deux issus de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, mais aussi sur d'autres principes plus classiques du droit de l'environnement, comme le principe de prévention ou le principe de précaution.

Nous n'avons fait qu'entériner au niveau national le principe de non-régression, déjà bien connu dans le droit international et européen, et dans d'autres systèmes juridiques. L'apport de ce principe en termes de justice climatique peut jouer dans trois champs d'action.

En matière d'urbanisme, d'abord, assurer un développement conforme à la justice climatique signifie que l'on tient compte des plus démunis et des risques d'exposition. Cependant, à ce jour, ces critères ne sont pas du tout pris en considération. Le principe de non-régression peut être utile parce que la protection de l'environnement participe de celle des écosystèmes, et qu'elle vise tout ce qui peut permettre à l'homme de vivre dans un environnement sain et durable. La prise en compte de ce principe doit constituer une priorité lors des choix majeurs qui mettent en jeu l'intérêt général – dont la protection des plus démunis est l'une des composantes.

Ce principe pourrait d'ores et déjà justifier des actions en justice, car nous sommes aujourd'hui en pleine régression alors que les conflits entre droit de l'urbanisme et droit de l'environnement se multiplient – cet aspect n'a toutefois pas constitué un volet majeur de notre travail. Il faut simplement reconnaître que les conflits existent, et que le droit de l'environnement est protecteur de l'intérêt général : il joue en faveur de la justice climatique et il protège les plus exposés aux risques climatiques. Il peut donc avoir très rapidement un rôle à jouer en matière de politique d'urbanisme.

Ce principe peut ensuite jouer en cas de risques climatiques, qu'ils soient extrêmes ou non. Il permet de protéger les lieux de vie dans l'intérêt des populations : en zone littorale surexposée aux risques climatiques, il joue en faveur des populations, car le droit de l'environnement protège le cadre de vie des humains. Le principe de non-régression du droit de l'environnement s'applique de façon directe, en termes de prévention et de précaution, au champ des risques qui mettent en jeu la sécurité civile.

Enfin, le principe de non-régression joue en matière de biodiversité. La protection des écosystèmes implique un certain nombre de flux et une gestion du territoire particulière. Le principe de non-régression s'articule parfaitement avec le principe de solidarité écologique.

Ce dernier principe, franco-français – on ne le trouve nulle part ailleurs –, est issu de la loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux. Il comporte deux volets potentiels relatifs, d'une part, à la solidarité territoriale, et, d'autre part, à une solidarité plus humaine et sociale. Le premier axe est privilégié par la loi pour la reconquête de la biodiversité, ce qui n'est déjà pas si mal. Cela permet d'envisager la justice climatique de manière cohérente dans le PNACC, dans les plans de santé publique ou d'aménagement. Ce principe nous renvoie donc à des réalités territoriales qui prendront en compte les objectifs de justice climatique.

Monsieur Jean-Pierre Vigier, je vous garantis que notre approche de la justice climatique est fondée sur des travaux préparatoires très soignés. Nous sommes sortis des débats philosophiques, au cours desquels s'affrontent de nombreux courants de pensée, pour privilégier une approche en termes de stratégie d'action, d'efficacité opérationnelle et de protection de l'intérêt général et des plus démunis.

Madame Marie Le Vern, la problématique de l'égalité entre les hommes et les femmes peut être envisagée sous l'angle du droit des citoyens à l'égalité aussi bien dans l'accès à certains services que dans la protection contre la surexposition aux risques climatiques. Il est vrai que la situation sociale et économique des femmes leur donne moins de possibilités d'adaptation, par exemple en matière de transformation d'emploi. Nous disposons de peu de données sur ces sujets. La recherche constitue l'un des piliers de la justice climatique, car seule la connaissance précise des situations permet de prendre des décisions adéquates. La problématique fondamentale de l'égalité entre les hommes et les femmes peut également se poser sous l'angle des secteurs d'activité.

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