Intervention de Didier Quentin

Réunion du 27 septembre 2016 à 16h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin, rapporteur :

Depuis 2002, les mesures de sûreté en matière d'aviation civile sont de la compétence communautaire. Mais, tout en fixant des normes de base communes de protection de l'aviation civile, contre les actes mettant en péril la sûreté de celle-ci, le règlement n°300-2008 du 11 mars 2008 prévoit également que les États membres peuvent appliquer des mesures plus strictes que les normes communes de base, en fonction de leur situation particulière par rapport aux scénarios de menaces et de leur évaluation des risques spécifiques qu'ils encourent.

Les équipements d'inspectionfiltrage utilisés aux fins de la sûreté de l'aviation civile – détecteurs de métaux, scanners de sûreté, à propos desquels j'avais d'ailleurs déjà fait une communication il y a quelques années, systèmes de détection d'explosifs, etc. – doivent évidemment satisfaire à un certain nombre d'exigences de performance, avant de pouvoir être mis en service. Ces exigences sont portées par ce règlement n°300-2008, complété par les règlements et décisions d'application pris en groupe d'experts en sécurité d'aviation. La conformité de ces équipements auxdites exigences est évaluée par les États membres, et seuls les équipements, certifiés dans un État membre donné peuvent être utilisés dans ce dernier.

En France, cette mission de certification des équipements de sûreté est aujourd'hui confiée à la Direction Générale de l'Aviation Civile. Celle-ci s'assure que les équipements déployés sur le territoire national répondent aux exigences tant européennes que nationales.

Dans la pratique, compte tenu de l'inégale capacité des vingt-huit États membres en matière de sûreté aérienne, la Conférence européenne de l'aviation civile – la CEAC – régit depuis 2008 un processus commun d'évaluation des équipements d'inspectionfiltrage utilisés dans le secteur de l'aviation civile. L'objet en est, à la fois, de limiter les tests auxquels sont soumis les équipements mais aussi de permettre aux États membres de la CEAC qui ne disposent pas de centres de tests, de compter sur les compétences des autres États. Cinq États membres – dont la France –, ainsi que la Suisse sont ainsi chargés de réaliser ces évaluations. Ce processus permet de partager les résultats des évaluations, mais chaque État demeure libre de certifier ou non ses équipements de sûreté, sur la base de ces résultats.

La proposition de règlement qui nous est soumise vise à créer un système de certification unique à l'échelle de l'Union, reposant sur le principe de reconnaissance mutuelle des certificats de conformité, à l'image de ce qui existe déjà pour d'autres produits, comme les véhicules automobiles ou les jouets.

Elle établit, à cet effet, les règles relatives aux exigences administratives et de procédure pour la réception par type UE (Union Européenne) des équipements d'inspectionfiltrage utilisés aux fins de la sûreté aérienne.

La Commission européenne justifie sa proposition par un double argument : faciliter le fonctionnement du marché intérieur et la libre circulation des marchandises, ainsi qu'améliorer la compétitivité du secteur européen de la sécurité, notamment sur les marchés d'exportation ; pallier l'absence de garantie de l'application par tous les aéroports européens des normes requises, en dépit de l'amélioration continue du processus commun de test, depuis sa mise en place, en raison de l'absence de caractère contraignant de ce dernier.

Ces deux objectifs sont louables, mais cette harmonisation maximale pose toutefois la question de sa compatibilité avec le maintien de la faculté propre laissée à chaque État membre de prendre en compte sa situation particulière pour ce qui est des scénarios de menaces et son évaluation des risques spécifiques qu'il encourt et, par conséquent, d'avoir des attentes supérieures aux standards européens. En effet, il est prévu à l'article 4 « qu'un équipement accompagné d'un tel certificat devra pouvoir être rendu disponible ou mis en service dans toute l'Union, sans aucune restriction » et ce dernier prévoit explicitement l'interdiction de « prescriptions supplémentaires pour ces équipements ».

Si la bonne réalisation du marché intérieur et de la libre circulation des marchandises est évidemment un objectif à poursuivre, il doit s'articuler dans ce cas spécifique avec celui de la protection des utilisateurs des aéroports européens. Or, s'il est, en effet, possible de définir à l'échelle de l'Union un niveau minimum d'exigences, des circonstances particulières propres aux États membres peuvent conduire certains d'entre eux à devoir faire face à une menace ou à un risque particulier, dont eux-seuls sont à même d'évaluer la dangerosité à partir des informations collectées par leurs services de police et de renseignement. C'est une discussion que les États membres et la Commission ont, également, à propos de la proposition de révision du règlement relatif à l'Agence européenne de sécurité aérienne sur la question des survols de zones de conflit.

Le système actuel permet de garantir que tous les équipements, certifiés à partir du processus commun d'évaluation, sont conformes a minima aux normes européennes de base et de surcroît aux normes spécifiques – plus sévères – de l'État membre dans lequel il a reçu sa certification.

Par ailleurs, les méthodes d'évaluation sont, jusqu'alors, développées par les différents États membres, la réglementation européenne n'imposant que les standards à atteindre. Si la CEAC a permis d'harmoniser ces méthodes de tests, ces méthodes communes ne sont pas obligatoires et un État membre peut décider d'aller au-delà des méthodologies définies à la CEAC, compte tenu des scénarios de menaces et de son évaluation des risques spécifiques qu'il encourt. Cette proposition de règlement retire aux États membres cette compétence, puisque les méthodologies de tests seront définies par la Commission européenne, par le biais d'un acte délégué, et non par un acte d'exécution, ce qui créerait de fait un transfert important de pouvoir des États membres vers la Commission.

L'harmonisation complète prônée par la Commission européenne est donc problématique. Non seulement, la France ne pourrait plus prendre en compte des menaces qui lui seraient propres en matière d'équipements de sûreté aérienne, mais elle pourrait être contrainte d'abaisser le niveau existant de protection, ce qui serait paradoxal dans le contexte actuel, en devant accepter des équipements ne répondant qu'aux normes de base, certifiés dans l'un des vingt-huit États membres. Voilà pourquoi je vous propose d'adopter cette proposition de résolution portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité, qui vous a été distribuée.

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