Intervention de Patrick Vignal

Réunion du 19 octobre 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Vignal, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » :

Fort d'une expérience de dirigeant associatif et d'élu local, j'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport aux associations. Ce dernier s'appuie sur la contribution à la fois d'experts nationaux et aussi, en effet, d'acteurs du monde associatif. Nous avons entendu pas moins de 800 associations, et, aux 3 373 questionnaires que nous avons envoyés au monde associatif, nous avons obtenu 1 178 réponses.

Ce rapport repose sur une conviction : le monde associatif peut répondre à des besoins sociaux toujours plus nombreux, tout en favorisant l'engagement de tous. Développer nos associations est l'un des prérequis de cette révolution citoyenne indispensable à notre société, dont les événements des derniers jours tendent à confirmer qu'elle se fracture. Cette transformation très profonde de notre façon d'appréhender les problèmes politiques suppose de faire un pari qui n'est pas toujours facile, y compris pour la classe politique : faire davantage confiance aux associatifs qui prennent des initiatives sur notre territoire.

Une façon de mettre en oeuvre cette conviction a été, pour moi, de conduire, en plus des habituelles auditions « parisiennes », d'autres modes d'échange. Ceux-ci m'ont permis de constater les nombreuses inquiétudes de l'ensemble du milieu associatif. Mon rapport entend donc répondre à cette question simple : comment aider les associations à mieux fonctionner, à en faire plus, à créer plus de lien, à accompagner davantage les politiques publiques ?

Une telle politique est nécessairement portée par une ambition. On peut demander aux associations de faire mieux et plus seulement si on les dote de tous les outils dont elles ont besoin : relations de confiance avec les pouvoirs publics, actuellement très déficientes ; moyens financiers suffisants et pérennes ; renforcement des compétences à leur disposition.

Le rapport ne se contente pas de faire un constat de la situation ni d'énumérer les mesures positives prises par notre majorité depuis quatre ans. Il entend ouvrir, pour chacun des trois grands axes que je viens de citer, des pistes de nature à donner à notre tissu associatif suffisamment de marge de manoeuvre pour continuer à innover et à dynamiser notre pays.

Le premier axe consiste en la création d'une vraie relation partenariale sur nos territoires pour redonner de la confiance. Dans toutes les réunions que j'ai conduites, j'ai ressenti de la part du monde associatif de la défiance envers un État qui crée toujours plus de normes, toujours plus de charges, mais aussi vis-à-vis des collectivités, notamment des communes, de toute couleur politique, avec lesquelles le dialogue est compliqué. Je comprends ce ressenti. Le Gouvernement fait depuis quatre ans des efforts de simplification, mais la tâche est immense. J'ai également eu certains échos sur des collectivités qui procèdent à des coupes de crédits massives envers le monde associatif.

Or si l'on croit, comme moi, qu'une association est une coopérative d'intérêt public, qui crée du lien, qui répond à des besoins sociaux vitaux comme la culture, le sport, la santé ou encore le social, alors il faut lui apporter un cadre dans lequel elle pourra nouer une relation de confiance avec les cofinanceurs. C'est pourquoi je propose quatre actions concrètes pour faire vivre une véritable relation partenariale entre les associations et les différents acteurs.

La première action consiste à mettre en place de véritables contrats de territoire associatifs, qui permettent d'associer l'ensemble des parties prenantes. Il s'agit de mettre tout le monde autour de la table pour identifier les besoins sur un territoire donné, de voir comment les associations peuvent les satisfaire et d'attribuer des financements en fonction de ce diagnostic partagé par toutes les collectivités et tous les acteurs de terrain. De cette façon, nous pourrons éviter deux problèmes : la multiplication des interlocuteurs pour les associations et la politisation excessive des relations entre les pouvoirs publics et les associations.

La deuxième action doit être de poursuivre l'effort de simplification déjà engagé par le Gouvernement. À cet égard, je n'ai pas l'impression que le programme « Dites-le nous une fois » pour les échanges de données avec l'administration soit suffisamment promu.

La troisième action vise à consolider l'appui aux associations. Les dispositifs positifs existants doivent être renforcés. Les associations ayant des salariés doivent recourir davantage qu'elles ne le font aux organisations d'employeurs qui peuvent leur offrir un conseil précis pour un coût raisonnable. À titre d'exemple, le Conseil national des employeurs d'avenir (CNEA) propose un suivi juridique aux associations moyennant une adhésion de 40 euros par an. J'ai rencontré beaucoup de présidents qui ont « rendu leur tablier » après avoir été l'objet de procédures de la part de leurs salariés ou de leurs membres. Il faut les protéger.

La quatrième action est de favoriser la mutualisation. Sur un même territoire, beaucoup d'associations peuvent être complémentaires, mais, par méconnaissance des dispositifs dont elles peuvent bénéficier ou par peur de démarches administratives compliquées, elles ont trop souvent tendance à garder le peu de moyens dont elles disposent plutôt que de demander une mise en commun des locaux, des salariés ou des dirigeants qualifiés. Pourtant, les retours à mes questionnaires montrent que 85 % du monde associatif seraient prêts à mutualiser locaux, moyens humains et matériel.

Le deuxième axe a trait à la question très importante des financements. Outre l'aspect des montants, les associations ont insisté sur la dégradation des modalités de financement. Elles ont le sentiment que les pouvoirs publics leur transfèrent certaines missions, par le moyen de marchés publics, afin qu'elles les assurent au moindre coût et sans visibilité financière.

Je propose de consolider les nombreux dispositifs de financement existants, mais aussi d'en favoriser de nouveaux : des conventions pluriannuelles sur deux ou trois ans, qui donneraient un peu de confiance à moyen et long terme ; du financement privé, encore trop faible – 5% seulement –, issu surtout des PME et TPE, rarement sollicitées.

Il m'est également rapidement apparu que le monde associatif n'avait pas bénéficié des efforts fiscaux du Gouvernement. C'est pourquoi je me réjouis de l'annonce du Premier ministre de la mise en place d'un équivalent au CICE pour les associations, à travers un crédit de taxe sur les salaires qui pourrait aller jusqu'à 4 % de la masse salariale, ce qui représente un effort considérable de 600 millions d'euros. En 2012, le monde associatif bénéficiait d'un abattement de taxe à hauteur de 7 000 euros, relevé à 20 000 euros en 2014. Pour certaines associations qui emploient aujourd'hui plus de cent salariés, cela représentera une manne importante. Qui plus est, cette réduction de taxe sur les salaires retournera dans l'économie en permettant d'augmenter les salaires et de créer de l'emploi, mais pas dans les dividendes des associés. Je serai très vigilant sur la mise en place de ce dispositif.

Le troisième axe essentiel pour une nouvelle politique de cohérence associative est l'accompagnement de la montée en compétences de nos associations. De plus en plus, le secteur s'est professionnalisé ; il faut lui donner les moyens humains et les formations nécessaires pour soutenir ses salariés et ses bénévoles.

La montée en puissance du service civique amènera aux associations les jeunes motivés, qualifiés ou non, dont elles ont besoin. Elle permettra aussi de créer en France une véritable culture de l'engagement dans notre jeunesse dont sortiront les dirigeants associatifs de demain. J'ai eu la chance d'être président du contrat urbain de cohésion sociale du Grand Montpellier, par lequel on essayait d'amener les jeunes – qu'ils aient un bac+5 ou qu'ils soient issus de quartiers difficiles sans avoir eu la chance de faire des études – à faire ensemble pour plus tard vivre ensemble. J'espère que le service civique permettra cette mixité sociale dans l'espace associatif et l'espace public.

Les emplois d'avenir doivent être pérennisés, car ils sont utiles aux employeurs du monde associatif pour former des jeunes et leur donner une chance de s'insérer dans le marché du travail.

Je souhaiterais également que les crédits alloués à la formation des bénévoles soient renforcés et davantage utilisés. Il est trop facile de ne pas valoriser ce qui existe déjà, pour expliquer ensuite que c'est sous-utilisé. Il faut une meilleure communication autour du Fonds de développement de la vie associative pour former les bénévoles à leurs missions et à la gestion. C'est un investissement certes, mais une association mieux gérée utilise mieux les subventions publiques.

Enfin, il faut davantage valoriser l'engagement bénévole, sans pour autant l'enfermer dans des statuts ou le dévoyer, pour pouvoir dire à ceux qui s'engagent que nous reconnaissons l'utilité de ce qu'ils font. À cet égard, il faudrait pousser l'université à s'engager. Comme maître de conférence associé à la faculté des sports, j'avais tenté de mettre en place une UV « Étudiant citoyen » qui, grâce à une attestation de la Croix-Rouge ou des Restos du coeur, aurait été utile aux étudiants à qui il manquait un point en fin d'année. Malheureusement, le doyen de la faculté m'a fait comprendre que les choses ne fonctionnaient pas ainsi. Les normes et les castes, voilà bien ce qui freine l'évolution de notre société !

En conclusion, ces mesures pourraient avoir trois effets indispensables. Le premier serait de redonner confiance à notre jeunesse en lui montrant qu'elle peut s'engager et se rendre utile. C'est bien de faire des zones de sécurité prioritaire, mais il serait temps d'inventer des zones de « jeunesse prioritaire ». Comme l'a dit un grand président de la République aujourd'hui disparu, ceux qui frappent la jeunesse n'ont jamais raison. Le deuxième effet serait de renforcer le lien social et la cohésion citoyenne, ce qui est le rôle et la principale réussite du milieu associatif. Le troisième, serait de permettre à tous les citoyens de co-construire la France de demain en leur donnant le pouvoir d'agir.

Aujourd'hui, le monde associatif est l'outil le plus efficace pour faire vivre notre contrat social, face au repli identitaire et au développement du communautarisme sur notre territoire national. C'est pourquoi je salue l'augmentation des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour l'année 2017. L'État consacrera à ce portefeuille 1,19 milliard l'année prochaine, contre 1,11 milliard en 2016.

Cela dit, je veux bien qu'on augmente les crédits dédiés au service civique de 100 millions, que l'on passe les emplois d'avenir de 110 000 à 150 000, mais je ne peux me satisfaire que l'on diminue de 2 millions les crédits alloués aux actions de formation à destination des bénévoles associatifs via le Fonds de développement de la vie associative, alors que ces actions constituent le ciment du monde associatif. Je voterai donc ce budget à condition que nous soyons capables de faire un effort supplémentaire sur la formation. C'est pour moi un point essentiel. Ce n'est pas seulement avec l'armée et la police que nous redresserons la société, c'est avec ces 16 millions de bénévoles qui n'attendent qu'une chose : de la considération.

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