Intervention de Vincent Peillon

Réunion du 30 janvier 2013 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale :

Je consacrerai mon intervention à l'exposé de la méthode et de l'esprit qui ont présidé à l'élaboration de ce projet de loi.

Nous avons choisi de faire de l'école une priorité du quinquennat, même si nous devons faire face à beaucoup d'autres urgences, et la loi de programmation est la concrétisation de cette volonté.

Elle a pour objectif de résoudre les difficultés de notre système éducatif, telles que les révèlent les évaluations, tant internationales que nationales. Ces difficultés sont de plusieurs ordres. Notre système éducatif peine à offrir une qualification à un nombre suffisant de jeunes ; le niveau de nos élèves n'est pas satisfaisant ; enfin, les inégalités s'accroissent au sein de notre école. Ces difficultés appellent une réponse collective, non seulement parce que c'est la France de demain qui est en jeu, mais aussi parce la résolution d'autres problèmes que notre pays doit affronter, tels que notre défaut de compétitivité ou de cohésion sociale, dépendra de notre capacité à améliorer la formation de nos jeunes. Cela suppose d'agir avec constance, de faire partager autant que possible nos objectifs et de les inscrire dans le long terme. Comme l'indique le terme de « refondation », il s'agit de revenir aux fondements de l'école, mais aussi de la République car, comme le Président de la République l'a souvent souligné, la refondation de l'école de la République sera également la refondation de la République par l'école.

Les évaluations auxquelles j'ai fait référence ont eu le mérite de nous permettre d'identifier les facteurs sur lesquels nous devions faire porter nos efforts, pour faire de ces points faibles nos points forts.

Premièrement, nous avons choisi de donner la priorité à l'enseignement primaire. Alors que ce choix semble aller de soi, notre pays ne l'avait pas fait jusqu'ici, ce qui explique que 15 à 25 % des élèves soient en difficulté à l'entrée au collège. La France consacre à son école primaire des moyens inférieurs à ceux qu'elle consacre au secondaire et très nettement inférieurs à ceux de la moyenne des pays de l'OCDE. Or c'est à ce niveau d'enseignement que se décident les réussites comme les difficultés ultérieures.

Cette priorité se traduira par le développement de l'accueil des enfants de moins de trois ans, ou encore par l'application du principe « Plus de maîtres que de classes », toutes mesures qui demanderont plusieurs milliers de postes supplémentaires, dont la création sur plusieurs années est d'ores et déjà programmée. Elles s'accompagneront d'une révision des programmes, de la réforme du livret personnel de compétences ou encore de l'introduction de l'apprentissage d'une langue étrangère dès l'école élémentaire et de l'instauration d'un service public du numérique.

Deuxièmement, notre projet vise à améliorer la formation des enseignants, aussi bien initiale que, dans la mesure de nos moyens, continue. Il prévoit dans ce but la création, au sein des universités, d'écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ESPE, les concours de recrutement intervenant à l'issue de la première année de master. Notre but est d'assurer une entrée progressive dans la profession, ce qui suppose de réviser le référentiel des métiers de l'éducation nationale et la nature des concours.

Les ESPE sont à mes yeux le premier élément de la réforme à long terme de notre système éducatif. Il nous appartient, ainsi qu'aux acteurs locaux, d'en faire l'instrument de la meilleure formation possible des enseignants, et le lieu où ils apprendront à se connaître et à travailler ensemble. L'engagement très fort des universités en faveur de cette réforme, que traduit l'accord sur la « feuille de route » que nous avons, ma collègue ministre de l'enseignement supérieur Geneviève Fioraso et moi, signée la semaine dernière avec la Conférence des présidents des universités, me rend assez optimiste en dépit de délais serrés.

Dans une situation budgétaire très tendue, ces choix impliquent de nombreuses créations de postes, sans parler de la réintroduction de l'année de stage, qui est en elle-même une forme de revalorisation du métier. J'ai néanmoins souhaité que cette réforme ait lieu dès le début du quinquennat, car il faudra du temps avant que ces écoles ne donnent le meilleur d'elles-mêmes.

Troisièmement, ce projet de loi crée un service public du numérique, qui fédérera les initiatives déjà prises, par les collectivités locales comme par mon ministère, mais en les inscrivant dans une perspective autrement plus ambitieuse. Il s'agira en effet d'un plan global, qui entraînera d'ailleurs des restructurations importantes au sein de l'administration centrale de l'éducation nationale.

Quatrièmement, le projet vise à résoudre le problème ancien de l'orientation, en particulier en instituant un service public territorialisé de l'orientation. Si je tiens en effet à ce que notre école assume sa mission d'émancipation de l'individu et de formation du citoyen – d'où la part faite à l'enseignement de la morale laïque –, elle doit aussi assumer pleinement ses responsabilités en matière d'insertion professionnelle des jeunes. C'est pourquoi nous voulons mettre en place un parcours d'orientation et d'information dès le collège : tous les élèves doivent être à égalité devant les décisions qui engagent leur avenir, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Enfin, le projet de loi nous dotera d'instruments visant à accroître la transparence et l'efficacité de notre système éducatif : ainsi le Conseil supérieur des programmes nous permettra de définir ces derniers en lien avec le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, et en fonction des évaluations menées par les maîtres. Dans le même esprit, nous proposons les instruments d'une évaluation indépendante, et non partisane, des politiques éducatives.

On voit que cette loi de programmation affiche clairement ses priorités, dont la plupart me semblent pouvoir être largement partagées. De plus, elle ouvre certaines pistes que nous n'avons pas encore pu explorer jusqu'au bout, s'agissant de sujets tels que l'éducation prioritaire, la réforme du collège unique, l'articulation de la scolarité de bac - 3 à bac + 3. Sur ces points, les esprits ne sont pas encore mûrs et certaines réformes déjà engagées demandent à être évaluées – ainsi celle du lycée professionnel. Tout cela devra faire l'objet de concertations et de propositions en vue d'une nouvelle étape à franchir dans les années qui viennent. Il est clair en effet que cette loi de programmation et d'orientation n'épuise pas toutes les possibilités de réforme de notre système éducatif.

La question des rythmes scolaires, même si elle ne figure pas dans le projet de loi, est également un élément essentiel de la refondation, à côté de la priorité donnée au primaire et de la création des écoles supérieures du professorat.

Notre objectif est de proposer un nouveau contrat entre l'école et la nation et dans cette perspective, je souhaite laisser toute sa place à un débat parlementaire libre, mais rigoureux et sérieux. Comme je le dis très souvent aux enseignants, l'école n'appartient pas à l'éducation nationale, mais à tous. Or on ne parle pas assez de l'école dans notre pays, alors que nous avons besoin d'échanger et de construire un esprit commun, même sur des sujets strictement pédagogiques tels que l'organisation en cycles ou la notation.

Pour toutes ces raisons, j'attends avec impatience vos débats, qui doivent nous permettre d'enrichir ce texte et d'en faire un élément essentiel du redressement de notre pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion