Intervention de Didier Migaud

Réunion du 19 octobre 2016 à 18h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Didier Migaud, Premier, président de la Cour des comptes :

Vous avez raison : la question du paiement en liquide peut être posée.

La Française des jeux et le PMU sont tenus d'élaborer tous les ans un plan d'actions, de prévention, et de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Depuis 2012, ces plans sont soumis à l'approbation du ministre du budget, après avis de la commission consultative des jeux et paris sous droits exclusifs (COJEX).

La FDJ s'appuie sur une organisation interne très structurée en matière de sécurité ainsi que sur une politique de contrôle de son réseau de détaillants. Parce que la fraude pénalise d'abord l'opérateur, ce dernier veille ardemment à préserver ses intérêts. La FDJ va ainsi au-delà les obligations qui lui incombent en matière de traçabilité et de contrôle des flux financiers : elle prévoit un plafond de 1 000 euros pour le paiement en espèces des mises. Pour les gains, les paiements en espèces sont limités à 200 euros pour les jeux de grattage, et à 300 euros pour jeux de tirage ou de paris sportifs.

L'action du PMU est en revanche moins structurée. Dans le domaine du pari mutuel, la fraude pénalise principalement les autres joueurs. Le PMU est réticent à appliquer les seuils de paiement. Il est même allé jusqu'à soutenir qu'ils ne le concernaient pas, ce qui n'est pas exact – nous avons sollicité la direction des affaires juridiques du ministère des finances dont une note confirme que la règle relative aux seuils vaut pour le PMU. Son inapplication depuis 2010 constitue cependant une négligence regrettable qui est aussi celle des tutelles. Le sujet est donc sensible pour l'ensemble des opérateurs, et particulièrement pour le PMU.

Vous nous avez interrogés sur les parieurs professionnels. Depuis plusieurs années, le PMU a développé la prise de paris sur la masse commune à l'étranger via des opérateurs partenaires. Il s'agit de sa seule activité en croissance. Il ne faut pas confondre les parieurs professionnels et les gros parieurs. Les professionnels opèrent de l'étranger d'où ils utilisent des outils informatiques qui leur permettent, quelques instants avant le début d'une course, de passer simultanément un très grand nombre de paris lorsqu'ils constatent un écart entre la cote théorique obtenue grâce à un modèle prédictif, et la cote réelle.

Même si cela ne fait pas plaisir au PMU, la Cour considère que le développement des paris professionnels pose un certain nombre de problèmes. Elle estime qu'il s'agit d'une pratique déloyale à l'égard des autres joueurs. Le taux de retour des parieurs professionnels est en effet très supérieur à celui enregistré par les autres joueurs – il est souvent supérieur à 100 %. Il est plafonné par le PMU à 98,2 %, mais ce dernier accorde aux parieurs professionnels des avantages commerciaux et des bonus. De plus, la fiscalité de l'État, qui s'élève à 5,3 % sur les mises, n'est pas applicable aux paris pris à l'étranger – l'État perçoit seulement un prélèvement de 12 % sur les commissions versées au PMU par les opérateurs partenaires. D'une certaine façon, le dispositif est coûteux pour l'État. Comme vous l'indiquiez, monsieur Myard, le rapport constate que « la direction du budget a ainsi chiffré à 18 millions d'euros par an la perte fiscale pour l'État consécutive au développement des parieurs professionnels entre 2015 et 2020, perte due notamment à la diminution du “ré-enjeu” ou “recyclage” des gains ».

Cette activité, qui expose le chiffre d'affaires du PMU à un fort risque de volatilité, nous paraît de plus contraire à l'esprit du pari mutuel, car elle s'exerce au détriment de l'ensemble des autres parieurs. La direction du budget avait souhaité l'interdire sans y parvenir. Les ministres de tutelle ont demandé au PMU d'envisager plusieurs mesures, dont le plafonnement à 5 % du total des enjeux. Le PMU considère que le plafonnement n'est ni souhaitable ni applicable. Le taux de 5 % a d'ailleurs déjà été très sensiblement dépassé : le PMU nous a indiqué que l'activité des parieurs professionnels représentait désormais 7,8 % des enjeux.

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